François de Fénelon, La Tradition secrète

François de Fénelon, La Tradition secrète des mystiques, Le Gnostique de Clément d’Alexandrie, présentation par Dominique et Murielle Tronc, « Les carnets spirituels », Paris, Arfuyen, 2006, 216 p.

Extrait:

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"La Gnose consiste dans une habitude d'amour et de contemplation"

"Il y a, dans saint Clément, un grand nombre d’autres endroits semblables, où il représente toujours la gnose, comme une disposition fixe ou une habitude de contemplation sans images, et par conséquent sans discours, où l’on parvient par l’exercice. « Heureux, dit-il, celui qui a la science de la contemplation. Contemplant la beauté toujours subsistante de la nature immortelle, comment ou de quelle manière jamais la pensée d’une mauvaise action entrerait-elle dans ces hommes ? Platon a eu raison de dire de celui qui contemple les Idées que c’est un dieu qui vit parmi les hommes. L’esprit est le lieu des idées et Dieu est le lieu de l’esprit. Il appelle celui qui contemple un dieu caché, un dieu vivant parmi les hommes. Dans le Sophiste, Socrate appelle dieu l’étranger Éleate, qui était dialecticien, comme les dieux qui viennent dans les villes sous la figure des étrangers. Quand donc l’homme, s’élevant au-dessus de sa nature est avec elle-même et converse avec les idées, comme le chef du chœur dans le Théétète ; cet homme, devenu semblable à un ange, sera avec Jésus-Christ occupé de la contemplation, considérant toujours la volonté de Dieu. Celui-là est le seul sage, les autres voltigent comme les ombres. »

Mais il serait inutile de rapporter tous les passages de saint Clément ; ce ne serait qu’une répétition sans fin ; d’ailleurs, nous reverrons encore assez cette matière, quand nous parlerons de l’immutabilité de la gnose.

Ce grand « exercice vrai et pur », dont il parle, et qui fait la continuelle contemplation, est l’amour de Dieu, parce que, comme nous l’avons déjà vu, le commencement de la justice chrétienne consiste dans la foi, dans la crainte, dans la pénitence ; le progrès consiste dans l’espérance qui anime, pour les vertus et pour les œuvres ; la perfection consiste dans la gnose et dans la charité, qui sont toujours mises ensemble comme inséparables.

Ainsi l’état de la gnose, élevé au-dessus de la foi, de l’espérance, se trouve dans. une habitude de charité et de contemplation perpétuelle. Il exprime encore cette contemplation, en disant, « qu’à l’égard de ceux qui ont le sens exercé, comme dit l’apôtre, et qui sont les gnostiques, leur culte est un soin continuel de l’âme et une occupation perpétuelle de la Divinité, par une charité qui ne cesse jamais. »

 Voilà partout la contemplation amoureuse des mystiques. Voilà sans doute des degrés qui ressemblent bien à ce que les mystiques nous représentent des trois voies : savoir, de la purgative, de l’illuminative, de l’unitive ou contemplative. La purgative répond à cet état de foi où notre auteur dit que l’âme est occupée de la crainte et de la résistance à ses passions ; la voie illuminative ou effective répond à cet état d’espérance, où l’on s’anime aux vertus et aux bonnes œuvres ; enfin la voie unitive ou contemplative répond à la gnose, où notre auteur veut que l’âme soit, par habitude, dans la charité et dans la contemplation perpétuelle ; c’est alors qu’elle a outrepassé toute purification, et toute œuvre de vertu pénible.

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