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CARMELS II Réforme espagnole Quiroga Carmélites françaises





CARMELS II Réforme espagnole









Quiroga



Historia de la Vida y Virtudes del Venerable P. F. Juan de la Cruz

& Études

Subida del alma a Dios que aspira a la divina Union (1656)



Jean de la Croix (choix)

à achever








Jose de Jesus Maria [Quiroga]

1562-1628



I.

Historia de la Vida y Virtudes del Venerable P. F. Juan de la Cruz

& Études







Dossier assemblé par Dominique Tronc





Introduction

José de Jésus Maria Quiroga (1562-1628), carme, est un des disciples de la première génération qui succède à celle de Jean de la Croix (1542-1591). Il fut nommé dès 1597 premier archiviste “historiador” de l’Ordre naissant des Déchaussés. Chargé d’écrire une relation de la vie de leur fondateur, il débute rapidement son enquête.

Lorsqu’il publie sans autorisation en 1628 son grand travail, une Vida y virtudes del Venerable P.F. Juan de la Cruz achevée depuis quelques années, mais qui met en cause le renom de l’Ordre, Quiroga est destitué. “Exilé” à Cuenca1, il meurt la même année. Des confrères carmes seront chargés à leur tour de rendre compte à nouveau de la vie de San Juan de la Cruz.

Quiroga quant à lui se veut véridique, visite les lieux d’épreuves, enquête, n’omet aucun des faits vécus par son héros. Formé lui-même par des novices eux-même formés par Jean de la Croix, il eut accès à tous ces témoins et à toutes les carmélites, au-delà de leurs dépositions signées. Il les utilise généralement deux par deux pour confirmer leur force.

Enfin l’historien passionné illustre et défend l’approche mystique de son Maître. Mais elle ne pouvait être partagée par la majorité des membres de communautés carmes élargies et diverses2.

Au mieux, des dirigeants carmes s’abstenaient à juste raison d’imposer les conditions permettant d’épanouir une vocation mystique. Au pire ils s’y opposaient. Lorsque le Père Jean de la Croix entra en résistance, ils diligentèrent une enquête sur lui. Il reçut en même temps l’ordre, établi par décision collective, de quitter l’Espagne pour le Mexique. Mais il entreprit un voyage rendant son éloignement plus certain.

Quiroga se gardera de condamner ceux-là mêmes qui l’auront fait tant fait souffrir. En milieu de vie, il s’agissait des étrangers à la Réforme des Déchaussés, les carmes de l’Observance ancienne qui s'emparèrent de lui et l’enfermèrent dans la prison conventuelle de leur couvent à Tolède en Castille3. Ensuite il s’agit de plus proches et précisément de deux carmes de la Réforme des Déchaussés : un jeune enquêteur furent diligenté en Andalousie et devint la terreur des carmélites tandis que le prieur d’Úbeda fut de son côté un homme sans pitié assurant une vengeance personnelle. Mais ces deux méchants ne pouvaient agir sans l’aval des autorités4.

Toute cette histoire confirme le bien-fondé du silence comme la condition indispensable à “l’exercice” de l’homme intérieur car aucune protection des incompréhensions et jalousies des hommes “extérieurs” n’est acquise au sein d’institutions larges régies par les seules Règles. Le jeune Jean de Yepes songeait bien à se faire ermite chez les chartreux, mais il fut convaincu par Teresa (1515-1582) d’étendre la réforme des femmes aux hommes.

Il s’y consacra sans répit et lui succédera auprès de ses filles récalcitrantes au contrôle de l’Ordre des Déchaussés assuré par le biais de confesseurs imposés. C’est la source de ses épreuves les plus lourdes.

Quiroga en rend compte avec précision et “là où ça fait mal”, respectant la pleine vérité. Sa Vida y virtudes tranche sur celles qui suivront par le soin méticuleux avec lequel il rend compte d’épreuves très concrètes vécues héroïquement. Mais toute vérité n’est pas bonne à dire lorsqu’elle rend évidente une faiblesse collective, même si l’historien évite la mise en cause du plus haut gardien de son Ordre.

Et il publie sa rédaction sans l’autorisation requise par ses supérieurs, en 1628 en Flandre espagnole à Bruxelles. On avance qu’elle était achevée depuis plusieurs années. Des exemplaires envoyés en Espagne par une carmélite, peut-être responsable et certainement très satisfaite de ce travail, mettent le doigt sur une plaie ouverte (entre Quiroga et une autorisationglnon obtenue, entre ces carmélites de Bruxelles et les carmes d’Espagne qui voulaient sûrement en assurer la direction5) S’ensuit le feu aux poudres, la colère en Espagne et une brutale disgrâce : Quiroga meurt “exilé” à Cuenca à la fin de sa même année.

On trouvera de rares études le concernant en dernière partie du présent volume6. Car une omerta semble avoir été pratiquée jusqu’à l’intervention au siècle dernier de dom Chevallier7 suivi d’autres ni n’étaient ni carmes ni Espagnols8.

Certains étrangers oeuvraient déjà au XVIIe siècle en contradiction avec les supérieurs espagnols qui avaient ordonné la rédaction de deux autres Vidas. Ces dernières demeurèrent espagnoles mais les traducteurs français et italiens choisirent à juste titre la source primitive par Quiroga.

La “Vida y virtudes” ainsi lue au XVIIe siècle en français fait apparaître tout le vécu des épreuves. Cette traduction française mériterait une pleine réédition qui n’eut jamais lieu.

Je me limite ici à deux “zooms” centrés sur Tolède (1578) puis sur Úbeda (1591), deux sections comportant chacune une dizaine de chapitres respectant et leur succession et leur intégralité. On y trouvera des enquêtes menées avec le plus grands soin et clarté, citant des témoins, incluant tous détails utiles. Ils sont indispensables pour expliquer sans les excuser comment prirent place deux grandes “méchancetés” qui semblent à première vue incompréhensibles.

Quiroga nous expose clairement et froidement deux enchaînements catastrophiques. En homme contemporain de tueries religieuses européennes ou esclavagistes hispano-américaines, il accepte sans difficulté l’ordre établi de prisons religieuses (épisode de 1578). Ensuite il expose dans les détails les plus corporels les effets et le règne d’une souffrance incontournable à l’époque où un érysipèle d’origine bactérienne conduit souvent à la mort par gangrène lorsqu’il n’est pas traité par un antibiotique (automne 1591).

Au-delà de précisions qui nous font partager les angoisses portées par un prisonnier silencieux dans le noir ; puis dix ans plus tard en une terrible fin de vie, nous comprenons non seulement le comment, mais surtout le pourquoi d’oppositions. Peut-être Jean de la Croix dans son élan et sa jeunesse n’était-il guère sensible aux effets d’une règle du jeu propre à l’exercice mystique appliquée à tous, donc souvent insupportable à ceux qui n’y sont pas appelés sinon par touches espacées.

Cette histoire menée passionnément, mais sans haine explique celle de non-mystiques (à la vie irréprochable) qui se retrouvent enfermés derrière les murailles de couvents lorsque leur nature se retrouve brimée par des Règles. Il n’en est heureusement pas plus de même : l’on admet aujourd’hui que l’on puisse vivre comme laïcs une profonde vie mystique en échappant à de telles contraintes.

Trois parties à mon dossier :

Sections françaises consacrées aux épreuves, rééditées pour la première fois,

Leurs originaux espagnols augmentés d’un choix de chapitres issus de l’imprimé (ici imprimé en petit corps),

enfin les notices et des études sur l’historien Quiroga. Son oeuvre écrite est importante et méconnue, car l’orientation prise par les carmes espagnols sous l’influence de Thomas de Jésus s’écarteront, dans une voie de méditation matinée d’ascèse, de la voie contemplative que Jean de la Croix enseignait pour conduire à une vie mystique 9. Au sein de larges structures l’élan des fondateurs est converti en règle.

À défaut d’avoir pour le moment recours à des manuscrits qui demeurent toujours inexploités10, j’assemble des sources accessibles, dont celles qui ont été imprimées au XVIIe siècle.

Quelques informations situant la première des nombreuses “Vies” de Jean de la Croix composée par l’historien de l’Ordre naissant:

Elle fut éditée (sauvée?) en 1628 en Flandre espagnole? Peut-être grâce à une intervention de la carmélite qui succéda à Anne de Jésus (1545-1621), mystique dédicataire du Cantico qui connaissait bien la Cour de Bruxelles (alors capitale de la Flandre espagnole). Peut-être par suite d’un auteur qui ne veut pas laisser perdre la défense de son saint maître et prend tous les risques en se croyant protégé par cette Cour.

La Vida y virtudes […] con declaracion de los grados de la vida contemplativa por don de N.S. le levanto a una rara perfecion en estado de destierro. Y del singular don que tuvo para enseñar la sabiduria divina que transforma las almas en Dios, présente le grand intérêt de mêler les faits biographiques à l’évolution intérieure mystique. Ce ne sera plus le cas des très nombreuses biographies qui séparent cette première présentation de 1628 de l’excellente biographie offerte par Crisogono vers ~1938, rééditée en 1974, traduite en français en 1998.

De taille très importante, la Vida y Virtudes ne peut être entièrement reprise ici. J’ai choisi de reproduire les ensembles très précis décrivant deux grandes épreuves vécues par Jean de la Croix. Deux blocs de textes livrent les informations les plus précises sur la prison puis la mort de Jean de la Croix : Libro segundo, capitulos 1 - 10 sur l’emprisonnement à Tolède (suivi du cap. 14) ; Libro tercero, cap. 15 – 23 sur la mort, (précédé du cap. 3 expliquant pourquoi un si mauvais traitement fut réservé au saint). Soit : 21 chapitres sur 131 de l’ouvrage complet (auquel on ajoutera 14 chapitres dans la section espagnole).

Pour souligner combien il faudrait recourir aux manuscrits, je livre les fragments publiés anciennement en bilingue dans la revue Études carmélitaines par Ph. Chevallier, moine de Solesmes, section réservée à des « Textes anciens ».

Ce premier dossier laisse de côté, réservé à deux autres dossiers toujours assemblés à partir des imprimés, en espérant un gros travail sur les manuscrits :

La “Subida del alma a Dios que aspira a la divina Union…” qui couvre deux tomes. Cette oeuvre centrale du point de vue mystique est reprise ici. Dans sa seconde partie qui traite de l’Union, De la entrada del alma al Parayso Espiritual, Quiroga complémente ce qui nous est parvenu de Jean de la Croix (on sait que de nombreux écrits de son Maître ont disparu : son oeuvre nous est livrée tronquée et sa correspondance fut détruite).Un Don que tuvo san Juan de la Cruz para guiar las almas a Dios fut publié en complément à l’une des éditions intégrales de l’oeuvre de Juan de la Cruz en 1914 11. Elle fut adaptée par la traductrice carmélite Marie du Saint-Sacrement 12.

L’Apologia mística en defensa de la Contemplación divina constitue une vigoureuse défense de la vie intérieure. Aussi elle a été traduite deux fois. L’apport du plus fidèle des disciples de Jean de la Croix sur le plan du vécu mystique s’impose à tous.

§

On devine l’intention globale de Quiroga : donner aux novices des réponses aux difficultés rencontrées. Il constate que ses confrères s’écartent de la vie mystique en mettant en avant la méditation, ce qui deviendra le vécu de la majorité des carmes par la suite 13.

Aussi n’a t-il pas hésité à donner à sa Subida del alma un titre rappelant la Subida del monte de son Maître. C’est un exposé organisé de la vie mystique « vue de l’intérieur » : il faut aider les jeunes carmes à passer rapidement de la méditation (un à trois mois suffiraient) à la contemplation. Il faut sauter le pas!


§

Avant de fermer le dossier au risque d’oublier les implications de son contenu, voici une appréciation personnelle rédigée sans précaution. Elle est née du travail de lecture lente, à fin de reconnaissance vocale, des deux traductions de « crises vécues ». Deux épreuves subies par Jean de la Croix, mystique chrétien universellement reconnu, car s’appuyant sur un Rien commun à tous, tiennent en moins de cent pages.

Le lecteur sera récompensé à tous niveaux  :

Il s’agit d’un concentré excellemment rédigé par l’enquêteur-historien chargé du travail et qui s’est rendu sur place pour mesurer dimensions et fenêtre ; attentif et précis à situer un modèle utilisable par tous, de l’isolement à la fin de vie.

Il s’agit d’un exposé mystique « par l’exemple » et non par les mots : sans échafaudage ni appui connexe joint à la Grâce. Un seul exemple parallèle est offert : la vie et l’épreuve du Seigneur.

Il s’agit d’établir sur la foi nue une vie mystique véritable extrêmement sobre. Elle s’oppose à des détracteurs de bonne foi, mais attachés aux croyances.

Quiroga ne nous livre pas seulement le comment par son exposé des faits bruts, mais aussi le pourquoi.

Sans y mêler de condamnation, sinon celle d’une perversité propre aux deux bourreaux qu’il suppose -- ou veut nous faire supposer – des isolés. L’historien de l’Ordre -- il l‘est encore au moment de sa rédaction – accepte des conditions admises à l’époque, tel l’enfermement des récalcitrants en prisons privées au sein de tous Ordres religieux14.

Clairement, le Père fondateur Jean de la Croix est devenu inacceptable dans son Ordre maintenant normalisé, peuplé par de « braves types » non mystiques, même si certains d’entre eux ont connu (certains connaissent toujours aujourd’hui) l’« instant » qui les a fait choisir une voie abrupte. Mais on ne doit ni ne peut raisonnablement maintenir derrière des murs de jeunes hommes actifs qui pensent, avec pleine raison aux yeux du monde, avoir mieux à faire que de s’isoler « égoïstement », par exemple en convertissant par la parole de sermons et retraites et en assurant le rôle de confesseur, tous moyens humains développés dans une culture religieuse.

Or, contrainte inacceptable aux yeux de Définiteurs qui se réunissent en tant que responsables élus pour prendre des décisions relatives aux orientations de l’Ordre nouveau (à défendre contre l’Ordre ancien non réformé et en compétition avec bien d’autres associations religieuses), Jean de la Croix leur retire un monde féminin nombreux et soumis. Teresa voulait laisser le libre choix du confesseur aux carmélites ? Elles choisissent « notre vénérable Père » Jean de la Croix au moment même où l’on veut se débarrasser d’une influence devenue hors saison !

Les Carmes Déchaussés n’ont plus aucune fonction reconnue si on leur retire celle d’être les confesseurs de leurs sœurs. C’est la clé, là se situe le noeud de l’affrontement15, le choix des Religieuses de prendre Jean de la Croix comme leur directeur général sans en référer aux responsables carmes Déchaussés. Elles sont intéressées par la vie mystique, « planche de salut » des femmes à toutes époques, depuis l’époque des béguines au XIIIe siècle, alors que les hommes ont plein d’occupations possibles : prêcher, convertir ,étudier…

Aussi il est compréhensible que l’on envoie Jean le fondateur fonder au Mexique. Cela ne va peut-être pas suffire s’il guérit de son érysipèle16. D’où l’enquête menée pendant sa maladie. Le décès prévisible compte tenu d’une triste santé règle au mieux la situation. Quiroga essaie bien de préserver à nos yeux le grand responsable de l’Ordre (le fameux Doria), mais sa défense en mettant tout sur le dos d’un jeune enquêteur (certes ignoble) ne paraît pas concluante. Surtout son exposé met à nu une médiocrité humaine allant jusqu’à la perversité que l’on ne peut mettre sur le compte du Diable.

Sa rédaction qu’on lui avait confiée est terminée depuis probablement 1626, mais ne doit pas être éditée et exposer à tous des turpitudes. Quiroga vieillissant franchit enfin le Rubicon : en 1628 il se croit peut-être à l’abri comme un protégé par la cour de Bruxelles animée par la sœur du puissant Charles-Quint. Les carmélites -- nos sœurs, toujours elles -- envoient quelques exemplaires en Espagne. Chiffons rouges ! L’auteur qui n’a respecté la Règle est aussitôt cassé et expédié au fin fond de la province : à Cuenca qui est une belle cité perchée à mille mètres et bien loin de Madrid (deux cents kilomètres d’aujourd’hui), à mi-route de Valence, accessible par de fort mauvais chemins venteux. Il y neige en ce moment même de ma très libre rédaction de novembre 2016). Le vieil historien prend peut-être froid et y meurt (décembre 1628).

La « folie » de son héros, qui l’aveugle si l’on se place du point de vue des défenseurs de la Réforma, est d’avoir voulu construire un Ordre des mystiques. On n’a pas le droit d’imposer à la majorité un comportement adapté à quelques-uns. Tout au plus peut-on fédérer de modestes groupes ne comportant chacun guère plus de douze personnes.













Première partie : La Vie du Bienheureux Père Iean de la Croix



La Vie du Bienheureux Père Iean de la Croix, premier religieux Déchaussé de la Réforme de Nostre Dame du Mont-Carmel, & coadjuteur de Ste Therese

Avec une déclaration des degrez de la vie contemplative, par lesquels N. Seigneur l’éleva à une rare perfection ; et du singulier don qu’il eût pour enseigner la divine Sagesse qui transforme les âmes en Dieu.

Composé en Espagnol par le R.P. ioseph de Jesus Maria, carme Déchaussé, traduitte cy-devant en François par le R.P.Elisee de S. Bernard, et nouvellement reveuë par un autre Religieux [Cyprien de la Nativité], tous deux du même Ordre.

https://play.google.com/books/reader?id=eKY6Cssr0n8C&printsec=frontcover&output=reader&hl=fr&pg=GBS.PA417



Livre second, chapitres 1-10 sur l’emprisonnement à Tolède

Chapitre premier de quelque succès advenu en ce temps entre les deux congrégations de l’ordre de Notre-Dame du mont Carmel, lesquels menaçaient notre bon Père.

Ayant déjà traité en particulier des vertus de notre bon Père Jean de la Croix, il sera nécessaire pour la continuation et poursuite de cette histoire, de nous ressouvenir de ce que nous avons dit en un autre lieu touchant les visiteurs ou Commissaires Apostoliques qu’il y avait pour lors en quelques Religions ; et ceux qu’on désigna pour celle de notre Dame du Mont-Carmel, d’autant que plusieurs choses s’en ensuivirent, qui doivent servir à notre propos. Ces Commissaires désiraient fort d’exécuter les desseins et satisfaire aux intentions du saint Pontife Pie V et du Roi Catholique Philippe II qui était d’établir une grande réforme dans les Religions : et ainsi il sembla bon au Père Fernandez, auquel on avait assigné la Castille, et au Père François de Bargas, qui était destiné pour l’Andalousie, (leurs commissions ayant été divisées de la sorte) de se servir des Carmes Déchaussez pour introduire la Réforme en tout le reste de l’Ordre, et y remettre par leur vie exemplaire et parfaite, ce qui était déchu ou aboli de l’ancienne observance. Pour cet effet, ils se servirent de quelques moyens, qui à leurs avis, étaient doux et faciles ; mais en l’exécution étaient violents et difficiles : comme de mettre des supérieurs Carmes Déchaussez ès Couvents des Pères de l’Observance, et autres officiers, comme portiers et sacristains, dont on s’assure et se fie davantage ; ce qu’ils firent aux couvents d’Avila et de Tolède, qui étaient les principaux de ce royaume.

Ils donnaient semblablement les maisons des Pères de l’Observance aux Carmes Déchaussez, au lieu de nouvelles fondations, afin qu’ils y fondassent, comme il arriva en Andalousie, où ils leur offrirent le couvent de Jaén (bien qu’ils le refusèrent, pour ne faire déplaisir aux Pères susdits (; et celui de Saint-Jean de Port, lesquels ils acceptèrent, n’étant pas chose de grande conséquence, et l’habitèrent quelques mois, obéissant au Père François Bargas, Commissaire, qui leur commandait cela, et peu de temps après le laissèrent pour les mêmes raisons que celui de Jaén ; à savoir pour éteindre et amortir les ressentiments que leurs frères pouvaient avoir de ces changements, et les assurèrent qu’ils ne voulaient point bâtir sur les ruines d’autrui, ni s’étendre ou accroître aux dépens et détriment de personnes ; tant s’en faut, qu’on les y avait fait entrer avec violence, et qu’ils faisaient de le même quand on les mêlait avec eux pour marque et témoignage de faveur.

Mais quoi que ces moyens fussent odieux, et auxquels les Déchaussez n’obéissaient qu’à regret, les Pères Commissaires en attentèrent encore un autre plus violent, et qui troubla entièrement la paix entre les deux Congrégations, qui fut de subdéléguer leur commission à quelques-uns des Carmes Déchaussez, les faisant Juges Apostoliques des Pères de l’Observance, et les chargeant de visiter quelques-uns de leurs couvents. Pour cette fin, le Père Pierre Fernandez fit choix dans la Castille du Père Antoine de Jésus, premier supérieur des Carmes Déchaussez, et lui commanda de faire quelques visites. Mais lui qui avait tant d’expérience des choses de Religion, et qui ne voulait rien avoir à démêler avec ses frères, contenta les deux parties, faisant si peu de bruit en sa commission, qu’à peine put-on découvrir qu’il fut Commissaire. Le Père François de Bargas voulu faire le même en Andalousie, choisissant et destinant pour cela le Père Balthazar de Jésus, homme docte et grand Prédicateur, qui était parti de Tolède avec quelque religieux pour aller à la fondation de Grenade ; mais il ne voulut accepter cette commission, sachant combien les Pères de l’Observance auraient cela en horreur, et qu’il s’engageait dans un labyrinthe plein de difficultés c’est pourquoi il en prit un autre nommé le Père Jérôme de la Mère de Dieu, qui était nouveau profes, et aurait aussi été à cette fondation avec ceux de Castille, lequel accepta la commission ; et un peu après le Père Fernandez le subdélégua aussi pour Castille, bien qu’avec certaine limitation.

La Congrégation des Déchaussez ressentit grandement cette acceptation du Père Jérôme, tant à cause de l’ennui et déplaisir que cela causait à nos Pères de l’Observance, et qu’ils pouvaient juger de là que les Déchaussez les voudraient déposséder avec leur pouvoir et leur autorité, et les priver de leur liberté ; comme aussi à raison du peu d’expérience qu’avait le Père Jérôme ès choses de Religion pour conduire une entreprise si difficile. Car à peine avait-il achevé son année de noviciat, quand le Père Marian de Saint Benoit le prit pour son compagnon, allant en Andalousie ; et partant ils jugeaient qu’il ferait peu de profit en ses visites, et craignaient en outre qu’avec sa commission, il n’apportât beaucoup de trouble et d’inquiétude à la nouvelle Congrégation des Déchaussez ; à quoi néanmoins ils ne purent obvier, d’autant que l’autorité du Roi Catholique intervenait là-dedans, et que quelques-uns de ses favoris étaient parents du Père Jérôme.

Toutes ces choses donnèrent à penser aux Pères de l’Observance, que l’intention du Pape et du Roi Catholique, était d’accroître et d’étendre les forces des Pères Déchaussez, et de les affaiblir et resserrer pour introduire et établir dans leur Congrégation la rigueur et l’austérité de l’ancienne et première observance, dont ils n’avaient fait profession, comme le Père Jérôme avait déjà tenté de le faire dans la visite de l’Andalousie. Ce qui les aigrit grandement ; et pour y obvier, et pourvoir de remède, ils convoquèrent et assemblèrent un chapitre général à Plaisance en Italie, qui fut au commencement de l’année 1576, suivant ce que l’on peut colliger de la concurrence des choses de ce temps ; et là ils résolurent et déterminèrent que pour affaiblir et éteindre les Déchaussez, il fallait se servir des mêmes moyens que les Commissaires Apostoliques avaient trouvés et intentés pour affaiblir les Pères de l’Observance, mêlant les Déchaussez avec eux sous le titre de Réforme, pour contenter et assurer le Roi catholique, et accommodant leur institut et façon de faire de telle sorte, que peu à peu il fussent tous semblables et conformes, jugeant que selon notre naturel, c’est une chose plus facile de marcher de la rigueur et de l’austérité à la douceur, que d’aller au contraire.

Ils envoyèrent donc en Espagne pour mettre cela en exécution, le Père Jéróme Tosta portugais, homme très capable et très docte, lui donnant le nom de Vicaire général, visiteur et réformateur de toute l’Espagne. Mais comme le Roi Catholique travaillait avec beaucoup de vigilance à ce qui concernait la réformation de son royaume, il eut avis de ce qui s’était passé en ce Chapitre, et de son intention, pour secrète et cachée qu’elle fût. Ensuite de quoi comme le commissaire général arriva en Espagne, il empêcha l’exécution de sa légation, et pria le nonce de Sa Sainteté, Nicolas Hormanet, de commander au commissaire de l’Ordre des Déchaussez de continuer sa visite. Sur quoi il y eut de très grandes difficultés de part et d’autre, qui durèrent trois ans ou environ, lesquelles ne touchent pas une histoire particulière. Ce qui fait à notre propos, est qu’encore que le Commissaire général n’exerça pas sa commission publiquement, d’autant que le Roi l’en empêchait, il tâchait néanmoins couvertement d’écarter les principaux des Carmes Déchaussez, et traita de les faire prendre et emprisonner en quelque lieu qui ne fut su de personnes, jetant premièrement les yeux sur notre bon Père Jean de la Croix, comme le premier et le chef de la réforme.

Chapitre II. D’une assemblée que firent les Pères Carmes Déchaussez en ce temps, pour obvier au dommage qui les menaçait ; et y traitèrent encore d’autres choses qui concernaient le bien de l’Ordre.

Aussitôt que les Carmes Déchaussez eurent su l’arrivée du Père Jéróme Tostat, et le sujet de sa venue, les supérieurs et les plus avisés de leur congrégation avec le B. Père Jean de la Croix, (qui étaient encore à Avila, assistant les religieuses du monastère de l’Incarnation,) s’assemblèrent couvent d’Almodovar, pour traiter des moyens qu’il fallait prendre pour dissiper cette tourmente qui les menaçait de si près. Cette assemblée se fit le huitième Aoust de l’année 1576, en laquelle le Père Jérôme de la Mère de Dieu présida, qui était pour lors supérieur de tous les Déchaussez de Castille et d’Andalousie, par subdélégation des deux Commissaires Apostoliques, par laquelle ils prétendirent de livrer et soustraire les Déchaussez de la conduite et du gouvernement des provinciaux de l’Observance, d’autant qu’il était plus convenable pour leur établissement et leur conservation et c’est la première assemblée que nous trouvons avoir été faite de Déchaussez seulement. Or après une longue conférence, ils trouvèrent bon d’avoir recours à la fontaine, et que leur cause n’étant pas seulement juste, mais encore héroïque et glorieuse, ils supplièrent le souverain pontife de leur donner un supérieur de leur même profession qui les gouvernât, puisque le saint Concile de Trente l’ordonnait ainsi ; et débutèrent les religieux qu’ils jugèrent à propos pour faire cette ambassade, et pour informer le pape et les cardinaux de leur droit.

Après avoir pris résolution touchant la principale affaire, ils traitèrent par après des choses qui étaient convenables pour le bon régime de leur congrégation, d’autant qu’il y avait des sentiments divers entre ceux qui le gouvernaient, chacun suivant son inclination, pour ordonner et établir les choses de religion conformément à icelle. Car comme ils ne reconnaissaient pas pour lors de chef fondamental auquel ils dussent obéir, et que tous n’avaient pas une suffisante instruction de la vie primitive de nos ancêtres, ni que Dieu la voulait ressusciter dans la nouvelle congrégation des Déchaussez ; chacun proposait et délibérait à sa mode, et tournait son avis vers le nord le plus favorable, jusques là même qu’ils étaient divisés touchant les moyens principaux et essentiels que l’ordre doit suivre pour parvenir à sa perfection. Car notre bienheureux Père Jean de la Croix, dans l’esprit duquel Dieu versait ses influences immédiatement, dès qu’il commença d’embrasser la réforme, avait déjà entendu de Sa Majesté, et pareillement notre sainte mère Thérèse, que les nouveaux Déchaussez étaient appelés principalement à la vie contemplative, comme notre premier Père Saint Élie l’avait établi dans son école, par le commandement de Dieu, et selon que les apôtres dressèrent nos anciens dans la forme de vie spirituelle qu’ils leur assignèrent, leur donnant pour fondement de leur état la contemplation divine en une vie singulière non divisée, mais unie à Dieu inséparablement, par connaissance et amour, comme nous le vérifions en un autre lieu par l’autorité de saint Denys. Et que les moyens que notre règle prescrit étaient nécessaires pour vaquer à cet exercice des anges : à savoir la retraite ès cellules, la solitude, le silence, et l’austérité de vie ; de manière qu’on devait ordonner à cela la nouvelle congrégation regardant nos premiers Pères pour les imiter : et quelques-uns des plus parfaits et en petit nombre qui se trouvèrent en cette assemblée, avait le même sentiment comme le Père Gabriel de l’Assomption, le Père François de la Conception, et le Père Brocard, surnommé le vieillard, auxquels se joignit le Père Nicolas de Jésus Maria, lequel à cause de ses rares parties, et de son zèle éminent de perfection, bien qu’il fût nouveau dans la religion, ne laissait d’avoir l’autorité d’ancien.

Mais d’autre part, le Père Antoine de Jésus, comme il était demeuré la plus grande partie de sa vie parmi les Pères de l’Observance qui se portent avec tant de perfection de charité et de zèle, au bien et à l’avancement du prochain et ne se tiennent pas à présent temps obligés à la vie contemplative comme à l’active, avait toujours cette affection et ce désir de s’exercer en une œuvre si pieuse, encore qu’elle fut cause qu’on pratiquât et gardât ces autres moyens avec une observance moins étroite et moins rigoureuse, et pensait être fondé en raison, à cause du titre et du nom de mendiants, que le pape Innocent IV nous avait donné confirmant notre règle. Le Père Jérôme de la mère de Dieu autorisait fort ce sentiment, pour être puissamment enclin à ce zèle de secourir les âmes, et peut porter à la retraite et récollection ès cellules, fondement substantiel de notre premier institut. Et comme la nature raisonnable et sociable désire naturellement la conversation humaine, plutôt que l’abstraction et la solitude ; la plus grande partie de ceux qui gouvernaient et défendaient l’ordre était attirée par ce zèle, et se rendait de ce côté, mettant en oubli ce que les apôtres décrétèrent dans l’institution de nos prédécesseurs ; à savoir, que l’office des religieux dédiés à la contemplation, n’était pas de gouverner et de conduire les autres, mais de persévérer en un état singulier et parfait pour la beauté de l’Église, et le bon exemple des fidèles. Et néanmoins le Père Jérôme de la mère de Dieu, dans le peu de temps qu’il y avait qu’il gouvernait les Déchaussez par subdélégation des commissaires apostoliques, avait déjà commencé à pratiquer le contraire, et étendait les moyens de la communication du zèle des âmes hors de nos monastères : si bien qu’il y avait fort peu de temps de reste, non seulement pour vaquer à la contemplation, mais aussi pour se retirer aux cellules ; et même cela avait lieu jusque dans les déserts, et maisons de solitude, à cause de la quantité des actes communs qu’on avait introduits, et des choses qu’on chantait dans le Chœur ; ce qui était en tout bien différent de ce que nos anciens avaient pratiqué et observé, afin que les occupations étrangères ne portassent pas de préjudice aux propres et domestiques.

Or comme notre bon Père Jean de la Croix a toujours eu une sainte liberté ès assemblées et chapitres où il avait voix, pour dire son avis conformément à la lumière que Dieu lui donnait, encore qu’il vit la plus grande partie de ceux de l’assemblée, même celui qui tenait la place de premier supérieur, être d’opinion contraire : il représenta néanmoins avec un zèle d’Élie, combien la nouvelle congrégation, dès sa naissance, et dès son commencement était déjà éloignée de son principal institut, qui était la retraite ès cellules, pour vaquer à l’oraison et contemplation ; et combien les monastères des religieuses surpassaient en cela ceux des religieux, dans lesquels, tant à cause de la grande liberté qu’il y avait d’aller prêcher et confesser dehors (exercice propre et particulier à d’autres ordres que Dieu a mis en son Église pour cette fin) qu’aussi pour la multitude des actes communs qu’on y avait introduits contre la modération que nos anciens Pères avaient en cela, conformément à notre règle ; et pour avoir embrassé le culte divin extérieur plus qu’il ne convient au culte intérieur, auquel nous sommes particulièrement appelés de Dieu ; on ne pouvait demeurer dans les cellules, et garder la retraite pour y vaquer comme il faut. D’où vient que lors qu’ils s’y retiraient, ils avaient l’esprit tellement suffoqué, et le corps si harassé et fatigué de ces occupations extérieures, qu’ils étaient plus propres à se reposer qu’à prier ; d’où il inférait et concluait qu’il était nécessaire de modérer ces deux sortes d’occupations, laissant et quittant d’icelle ce qui ne peut compatir avec la fin principale, sans attendre que Dieu miraculeusement en retranchât ; ce qui n’était expédient et convenable, comme il avait fait ès siècles passés, envoyant des anges pour ôter quelques moyens du culte divin extérieur, afin qu’on ne manquât à l’intérieur, auquel nous devons aspirer, Dieu nous l’ayant donné pour but principal, dont notre sauveur avait dit (comme parlant à nous autres) que de même que Dieu était esprit, il voulait être adoré en esprit de ceux qui l’adorent en vérité.

Le courage et le zèle dont notre bon Père soutint et défendit les moyens principaux et fondamentaux de notre institut eurent tant de force et de pouvoir sur le cœur des Pères qui étaient là assemblés, qu’ils arrêtèrent et conclure qu’il fallait retrancher beaucoup de ce que l’on chantait au Chœur, et d’autres prières que l’on disait en communauté, outre les sept heures canoniales de l’office divin ; bien que l’on ne modérât pas la multiplicité des actes communs que nos anciens (lesquels nous devons imiter) n’avaient pas pratiquée : car comme le Père Antoine de Jésus les avait établis conformément aux coutumes et exercices des Pères de l’Observance, qui s’occupent principalement en la vie active, il les autorisa et les défendit autant qu’il pût, avec plusieurs autres de l’assemblée, qui avait vécu autrefois dans la mitigation aussi bien que lui. Or pour ce qui concerne la retraite, et la modération du zèle des âmes, conformément à notre institut ; on détermina qu’on garderait dans toute la congrégation des Déchaussez, les premières constitutions qui furent faites à Duruelle : (car jusqu’alors elle ne se gardait pas dans tous les couvents) lesquels favorisent fort la retraite contre la distraction hors de nos monastères ; quoique ce soit sous prétexte de secourir le prochain.

Par ce moyen il semble qu’on remédia à propos à ce manquement de retraite, et de recueillement qu’il y avait pour lors, parce que la constitution qui en traite en parle de cette sorte. « Item, nous ordonnons, quant à la clôture et retraite des religieux que la règle commande, 424 que personne ne puisse sortir au monastère, hormis le procureur et le prédicateur quand il ira prêcher, ou bien pour une occasion d’importance et rare, et non pas autrement, bien que ce soit pour aller aux enterrements, ni pour visiter les parents, non plus que les malades, non pas même sous prétexte de les aller confesser, sauf quelque grande nécessité, qui ferait croire que ce serait contre la charité que de n’aller ouïr cette confession : et qu’alors le prieur ne puisse donner cette licence, si ce n’est du consentement de deux Pères les plus anciens qui se trouveront en la maison, sous peine griève l’espace de trois jours. Et pour plus grande retraite, nous enjoignons que personne de nous autres n’aille quêter par les rues avec des boîtes, ni par les granges avec des besaces, ni en aucune autre manière, qui donne occasion d’être vagabond et de se distraire. »Voilà ce que dit cette constitution faite à Duruelle, laissant à nos monastères la porte ouverte pour aider les âmes qui s’y adresseront ; et défendant la sortie d’iceux pour embrasser des exercices et des occupations étrangères, ce que notre bon Père observa en toutes les maisons dont il eut la conduite et le gouvernement. Ils déterminèrent aussi d’autres choses qui concernaient des couvents en particulier, lesquels ne sont à notre propos ; et nous verrons en un autre lieu un décret de la sagesse divine en faveur de ces choses, que notre bon Père proposa en cette première assemblée.

Chapitre III. Comme les Pères de l’Observance emprisonnèrent notre bon Père à Avila, pour l’amener à Tolède.

Notre bon Père étant de retour à Avila, où la sainte obéissance l’occupait pour lors, les religieuses de l’incarnation se sentaient si consolées par sa présence, et se trouvaient si avancées par sa rare doctrine, qu’après que notre sainte mère Thérèse eut achevé le temps de son office de prieure, et qu’elle eut été au monastère de Saint-Joseph de ladite ville pour y exercer la même charge : elles demandèrent au Père commissaire apostolique de leur laisser des Carmes Déchaussez pour confesseurs. Mais comme les Pères de l’Observance mitigée ressentaient vivement que les Déchaussez eussent occupé ce lieu-là, et qu’il considérait que le Père Jean de la Croix en était comme le capitaine et le principal d’entre eux, quand le Père Jéróme Tostat arriva en Castille avec une commission du chapitre général, si peu limitée, et si ample ; entre les autres emprisonnements qu’il décréta fut celui des confesseurs de l’incarnation, et particulièrement du Père Jean de la Croix, outre qu’ils étaient extraordinairement indignés. Notre Seigneur quelques jours auparavant l’avertit en l’oraison de ce que l’on tramait contre lui, lui disant comme on devait l’emprisonner, et le jeter dans de très grands travaux, comme il le déclara par après à la sœur Anne Marie, religieuse du monastère de l’incarnation, et très vertueuse ; laquelle lui répondit, qu’à raison que les pénitences l’avaient tellement gâté et affaibli, il faudrait peu de travaux pour lui faire perdre la vie dans l’état où il était : mais lui voyant qu’elle ne se pouvait persuader qu’on le dut prendre et maltraiter ; il l’assura et lui certifia que le tout arriverait de la même sorte qu’il lui disait. Cette religieuse a déposé cela en sa déclaration sous serment, et remarque et pèse grandement qu’il avait une si grande confiance en Dieu, et qu’il était si fort résigné à ce qu’il ordonnerait de lui, qu’encore qu’il eut pu quitter cet emprisonnement et cette persécution, il n’en voulut jamais rien faire.

Les Carmes Déchaussez savaient assez que les Pères de l’Observance avaient fort à contrecœur qu’ils fussent confesseurs de l’incarnation ; et pour tirer de là les deux Pères qui y étaient avec quelque bon prétexte, et sans donner occasion de plainte aux religieuses, qui était si contentes et satisfaites d’eux, ils firent notre bon Père Jean de la Croix prieur de Mancère. Mais sur ces entrefaites, arriva premièrement à Avila le mandement du révérend Père Vicaire général pour le prendre, lequel les Pères de l’Observance n’eurent plutôt reçu, qu’il sortir de nuit, et s’ne vinrent avec une troupe de gens armés à l’hospice de l’incarnation, où logeaient les Déchaussez : et après avoir enfoncé et mis par terre les portes, ils leur mirent la main sur le collet avec la même furie dont on a coutume de prendre les criminels, et les menèrent prisonniers en leurs couvents, faisant dans l’hospice et par le chemin de très mauvais traitements à notre bon Père. Lesquels il souffrait avec une telle douceur et patience, que les religieuses de ce monastère disent en leurs déclarations, ayant appris par la relation de ceux qui en furent les exécuteurs, qu’avec son humilité et sa patience, il représentait en sa capture celle de notre Seigneur Jésus-Christ. Les religieuses entendirent bien le bruit ; et ayant su le matin ce qui s’était passé, en reçurent une très grande affliction, d’autant qu’elle tenait comme leur Père celui qu’on leur disait avoir été si maltraité.

Aussitôt qu’ils furent arrivés, ils les mirent dans deux chambres séparées, et donnèrent ordre promptement pour les faire sortir d’Avila, craignant le grand nombre de personnes qui leur étaient affectionnées ; et que si on savait dans la ville qu’ils étaient prisonniers, il ne s’élevât quelques grande émeute et tumulte pour les retirer de la prison. Ils envoyèrent donc le Père Germain de Saint Mathias, l’un des confesseurs au monastère de Saint Paul de la Moraleche, où sans lui faire entendre la cause ni la raison, ils lui firent souffrir une longue prison avec plusieurs travaux.

Quant à notre bon Père Jean de la Croix, contre lequel était la plus grande indignation, ils lui ôtèrent par force l’habit de carmes Déchaussez, tant à fin qu’il ne put être reconnu par le chemin, que pour le mortifier davantage, et lui firent prendre leur habit. Le bon Père leur disant sur cela qu’il pouvait bien lui chausser les pieds, mais non pas le cœur, lequel était entièrement Déchaussé. En cet état ils le menèrent au couvent de Tolède avec une bonne garde, pensant qu’en une si grande ville, où l’on fait moins de recherche des choses particulières, et étant si éloigné de la ville où on l’avait pris, il serait plus caché qu’en un petit lieu. Le religieux qui le prit en sa charge en ce voyage, ne devait pas être des plus grands amis des Déchaussez, car il le traitait si rudement par le chemin, qu’un jeune garçon qu’il menait avec lui étant indigné des mauvaises paroles qu’il lui disait, et édifié de la patience et modestie dont le Père souffrait tout sans répondre aucune parole d’aigreur, ni témoigner aucune indignation contre celui qui le traitait si mal, proposa de le délivrer de ses mains, et déclara son dessein en secret au bon Père ; lequel excusant son compagnon, lui répondit qu’il ne le traitait pas si mal qu’il le méritait : et partant qu’il le suppliait de ne se mettre en peine de lui d’autant qu’il était sans affliction et sans aucun ennui. Ce jeune homme néanmoins ne se contenta pas de cela ; car étant arrivé à une hôtellerie, dont l’hôte était fort pieux, il lui conta tous les mauvais traitements qu’on avait fait par le chemin à ce religieux qu’il tenait pour un saint, à cause de la patience dont il les supportait ; et lui persuada de le cacher, disant que la passion avec laquelle on le traitait faisait assez paraître qu’il souffrait injustement. L’autre donc parla à notre bon Père, pour être bien informé de la vérité ; lequel lui répondit qu’il faisait volontiers ce voyage, d’autant que ses supérieurs le voulaient et l’ordonnaient ainsi : et partant qu’il ne fît aucun bruit ou tumulte, ni en ayant pas de sujet, que pour sa bonne volonté il aurait soin de le recommander à Dieu.

Les Pères de l’Observance à Tolède savaient déjà qu’on y devait amener notre bienheureux Père, et avaient ordre du Père Vicaire général de la façon dont il se devait comporter en son endroit à savoir de le faire obéir aux actes secrets qui avaient été faits au chapitre tenu à Plaisance, lesquels furent trouvés parmi les papiers du dit Vicaire général, avec l’ordre qu’il avait du chapitre, quand le conseil royal de Castille les fit saisir entre ses mains, afin de qu’il ne se servit de sa commission contre ce que les visiteurs apostoliques ordonnaient par le commandement de Sa Sainteté. Le principal de l’ordre du Vicaire général était que les Déchaussez ne fissent plus de nouvelles fondations, et qu’il ne reçût plus de novices : et quant à ceux qui l’étaient, qu’il ne fussent pas si différents des autres religieux de l’ordre en leurs habits, et qu’on ne les appelât plus Déchaussés ; en quoi il semble qu’ils étaient fondés sur une constitution de l’ordre fait au chapitre de Venise ; auquel le Père Nicolas Audet, général, présida l’année 1524, par laquelle il était ordonné qu’en chaque province il y eut quelques maisons de religieux réformés qui gardassent la première règle, lesquels étant semblables en habit aux autres, fussent différents en la vie. Or faisant exécuter cela en la congrégation des Déchaussés, il leur semblait qu’ils éviteraient plusieurs inconvénients de ceux qui les menaçaient, et naissaient d’une si grande diversité d’habits et de vie, avec un tel applaudissement du peuple : et pour le reste de l’intention du chapitre, ils en avaient laissé la disposition à la prudence et discrétion du Vicaire général, afin d’éteindre peu à peu les Déchaussés, les mêlant avec les autres sous couleur de réforme, comme il a été déjà dit.

Chapitre IV. Les diligences que l’on fit à Tolède vers notre bienheureux Père Jean de la Croix afin qu’il prît l’habit des mitigés, et comme ils l’emprisonnèrent et le tourmentèrent pour n’avoir voulu acquiescer à leur volonté.

Notre bienheureux Père étant arrivé à Tolède, les Pères de l’Observance le reçurent avec un fort mauvais visage, espérant néanmoins qu’ils le pourraient réduire à leur volonté. Le jour suivant on lui intima les actes du chapitre général tenu à Plaisance en Italie, nous avons parlé naguère ; et particulièrement celui par lequel il était enjoint aux Déchaussés, qu’encore qu’il gardassent en leurs couvents la première règle, ils n’eussent pas néanmoins d’habit différent des autres, et qu’ils se chaussassent. Bref qu’ils ne se nommassent pas Déchaussés, mais contemplatifs, ou primitifs. Outre cela, ils lui persuadèrent de quitter cette manière de vie, qui lui causerait toujours de l’inquiétude, et susciterait des persécutions, se résolvant de prendre l’ancienne en laquelle il avait été élevé : et lui promettaient à ce sujet de l’honorer dans leur ordre. Mais notre bon Père d’un visage serein et d’un esprit constant, comme celui qui était fondé sur la pierre et le ciment, le répondit que l’intention de sa congrégation était de rétablir et de remettre, non seulement la perfection de vie, mais aussi la rigueur de l’habit des anciens Carmes, qui était celui que les Déchaussez portaient. Et qu’outre cela, ils avaient exprès commandement du nonce de Sa Sainteté (c’était encore Monsieur Nicolas Hermanete,) et du commissaire apostolique, de n’admettre ces actes du chapitre général, ni de rien innover en leur manière de vivre, non plus qu’en leur habit ; et d’autant que cette obéissance était plus immédiate au Saint-Siège, qu’il ne pouvait pas aller à l’encontre, pour quelque ordonnance que ce fut du chapitre ou du définitoire de l’ordre ; de sorte qu’il était bien résolu de l’accomplir, encore qu’à ce sujet il dut endurer jusqu’à la mort. Les Pères de l’Observance qui étaient là présents, s’indignèrent fort de cette réponse ; et attendu qu’ils jugeaient que notre bon Père était comme la principale source des dommages qu’ils souffraient, ce leur semblait, à cause de la réforme des Déchaussés, et que pour ne vouloir se soumettre aux décrets du chapitre général, ils le tenaient pour un désobéissant et rebelle aux ordonnances des prélats ; ce qui est estimé dans toutes les religions pour un très grand crime, et qui bat contre le fondement de l’état de religieux, qui est l’obéissance ; personne ne doit s’étonner des mauvais traitements qui lui firent pour ce sujet, encore que le zèle de religion ait été un peu mêlé d’indignation, laquelle il a pour voisine comme les autres vertus les vices prochains, qui ont quelque apparence d’icelle. Ce que notre Seigneur permit, pour épurer et affiner davantage la vertu de son serviteur, par la contradiction des bons, qui d’ordinaire est la plus grande et la plus sensible ; et pour honorer et qualifier sa sainteté par l’une des plus grandes excellences qu’un chrétien puisse acquérir en cette vie, qui est qu’étant bon, il soit tenu et estimé pour un méchant homme : car Sa Majesté accorda ce bonheur au Père Jean de la Croix en cette occasion, pour un grand accroissement de ses mérites, et le perfectionna dans une autre persécution qui précéda sa mort, comme nous verrons en son lieu ; d’autant qu’il le voulait faire son portrait au vif et au naturel.

Les mêmes Pères de l’Observance commencèrent aussitôt à le traiter comme un désobéissant, et exécuter sur lui les peines rigoureuses dont usent les religions à l’endroit des rebelles ; et pour premier sentiment, ils le mirent en une prison fort étroite, que je peux bien décrire pour l’avoir vu, non sans grande vénération, sachant ce qui s’y était passé ; à savoir tant de visite de la très Sainte Vierge, et de notre Seigneur, faites à un serviteur des plus fidèles qu’il eut dans ce siècle, pour le consoler dans les travaux et les afflictions qu’il souffrait d’un si grand et d’un si pur amour pour son service.

Cette prison était une petite cellule bâtie à côté d’une salle, laquelle avait six pieds de largeur, et environ dix de longueur, sans soupirail ni autre ouverture pour recevoir de la clarté, qu’un trou large de trois doigts au haut de la chambre ; qui donnait si peu de lumière, que pour dire ses Heures, ou pour lire un livre de dévotion qu’il avait, il fallait qu’il montât sur un petit banc, afin de voir clair : et même cela ne se pouvait faire que lors que le soleil donnait dans une galerie qui était devant la salle, à laquelle répondait le trou de la cellule ; laquelle ayant été faite pour servir de garde-robe, ou de lieu commun à cette salle, y mettant ce qu’on a de coutume pour ces nécessités, lorsque quelqu’un des premiers prélats de l’ordre y logeait avait été pourvue suffisamment de jour.

Ils mirent un cadenas à la porte de la chambre, afin que personne ne le pût voir ni visiter que le geôlier : mais après quelques mois, ayant eu avis que le Père Germain de Saint Mathias s’était sauvé de la prison ; craignant qu’il n’en arrivât autant de notre bienheureux Père Jean de la Croix, ils ajoutèrent de nouvelles précautions, et une plus sûre garde, fermant à clé la salle qui était au-devant. Le lit qu’ils lui donnèrent était semblable au nôtre, car c’était une table de deux ou trois aix [planches] joints ensemble, avec deux vieilles couvertures. Pour son manger, il était en quantité et qualité fort médiocre, parce que pour l’ordinaire c’était un peu de pain avec quelque sardine ; et quand les religieux avaient du poisson au réfectoire, le geôlier lui en portait quelques restes, car il le traitait en tout comme un rebelle et délinquant ; et tout le temps de sa prison, on ne lui fit pas changer de tunique ni d’autres choses nécessaires.

Tous les vendredis on le menait au réfectoire, et ils le faisaient manger en terre, ne lui donnant que du pain et de l’eau ; et après que tous avaient dîné, pour le dessert et dernier mets, on lui servait une discipline qu’ils appellent discipline de la roue, d’autant que chacun frappe à son tour ; châtiment dont on use en quelques ordres pour punir les religieux atteints de grands crimes, du nombre desquels à leur avis était le bienheureux Père, pour ne vouloir obéir aux actes du chapitre. Les épaules du pauvre patient montraient assez avec quelle pitié et compassion ils lui donnaient cette discipline, puisque les marques y paraissaient encore plusieurs années après sa sortie de prison, comme des indices et des témoignages qu’ils ne l’avaient pas traité de la sorte à regret et à contrecœur.

Une des plus rudes batteries avec lesquelles le diable lui fit la guerre en la prison, et à quoi il eut plus grand besoin de résister, c’était aux jugements qu’il lui suggérait, l’incitant à croire qu’ils lui désiraient la mort : car comme ils le traitaient avec tant de rigueur, et le nourrissaient si maigrement, le diable lui voulait persuader que tout cela n’était à autre dessein que pour se défaire de lui ; et fallait qu’il assaisonnât et donna goût et saveur par quelques actes de charité à chaque morceau qu’il mangeait, de peur de tomber en quelque jugement notable et grief.

Ils l’exhortaient souvent à quitter le parti des Déchaussés, et de se conformer à eux, lui promettant de l’honorer des charges et prélatures de leur ordre ; mais comme il leur répondit constamment qu’il perdrait plutôt la vie, que de changer de résolution, et de quitter ce qu’il avait entrepris et commencé, où il savait qu’il servait beaucoup Dieu et son ordre, ils renouvelaient leur indignation contre lui : et prenant cette constance héroïque, pour une nouvelle désobéissance et rébellion ; ils augmentaient plutôt la rigueur de ses peines, qu’ils ne la modéraient. Tout ceci et le reste qui se dira ci-après, est évidents et manifeste, par les diverses informations qui ont été faites de ces matières, les unes devant le tribunal du nonce de Sa Sainteté, et de quatre assesseurs qui traitèrent avec lui de la cause des Carmes Déchaussés, (dont il est plus amplement parlé dans l’histoire générale de notre ordre,) et les autres faites longtemps après pour sa béatification, outre le rapport de plusieurs personnes de grand crédit qui l’ont ouï dire à lui-même, lesquelles toutes disent les mêmes choses que celles qui sont contenues aux preuves précédentes.

Chapitre V. De quelques travaux qu’il souffrit en la prison, et avec quelle patience il les supportait.

Les Pères de l’Observance, outre le très grand soin qu’il prirent à garder notre bienheureux Père, procurèrent encore autant qui leur fut possible de tenir le tout si secret, que personne ne peut savoir où il était : car comme ils savaient l’estime qu’on en faisait parmi les Déchaussés, ils craignaient que si on découvrait le lieu ils le tenaient prisonnier, ils ne fissent de grandes diligences pour le délivrer. Mais ils usèrent d’une telle retenue et circonspection en ceci, qu’en neuf mois qu’il fut enfermé parmi eux, on ne put savoir s’il était mort ou vif, quoiqu’on y apportât beaucoup de vigilance et de soin ; chose qui affligeait infiniment toute la congrégation, et par-dessus tous notre sainte mère Thérèse : car comme elle connaissait les richesses et les trésors que Dieu avait resserrés et enclos dans son esprit, elle ressentait fort qu’en un tel temps il manquât à son ordre, et encore qu’elle le recommandât continuellement à notre Seigneur, jamais elle n’eut aucune lumière en l’oraison s’il travaillait avec les vivants, ou s’il reposait avec les morts ; ce qui lui faisait dire et répéter souvent, que Sa Majesté en avait pris la charge, puisqu’elle le celait tant à ses amis.

Or pendant que le temps fut tempéré, la peine de la prison lui fut plus supportable ; mais sitôt que le chaud commença, il était en ce lieu comme dans un pénible purgatoire de chaleur et de puanteur : ce qui le tourmentait et travaillait de telles sortes, que ce fut comme un miracle qu’il put vivre quelques jours. Que sera-ce de tant de mois ?

Le geôlier qui l’avait en sa charge était des plus zélés pour sa congrégation des Mitigés, et des moins affectionnés à celle des Déchaussés ; si bien qu’il contribuait pour sa part à la peine du prisonnier, et afin qu’il reçût de l’affliction de tous côtés : outre toutes les peines précédentes, il lui en survint une autre qui le travaillait extraordinairement ; parce que la salle qui était devant sa prison étant comme un logement pour les prélats et les personnes qui étaient de considération dans l’ordre, si bien qu’on les y mettait quelquefois ; et eux, ignorant celui qu’ils avaient pour témoin de leur discours, traitaient pendant la nuit des choses qui étaient les plus communes, et les plus fréquentes pour lors dans l’ordre ; et disaient que la congrégation des Déchaussés commençait à se dissiper et détruire, d’autant que le nonce de Sa Sainteté, Monsieur Philippe Sega, venait de Rome, pour donner liberté au Père Jéróme Tostat, Vicaire général, d’exécuter sa commission, lequel avec l’autorité et faveur du nonce, leur ferait quitter l’habit des Déchaussés, et prendre celui de l’Observance, afin qu’au plus tôt il n’y eût plus de différence entre eux. Outre cela, il connaissait par leurs paroles, la grande indignation qu’avaient contre lui les Pères de l’Observance mitigée, comme contre le principal et le capitaine de la réforme ; et que suivant leur opinion qu’ils donnaient là suffisamment à entendre, il ne sortirait pas de la prison que pour aller au tombeau. Desquels discours le premier lui causait une douleur incroyable ; et le second, une consolation particulière, parce qu’il aimait et chérissait grandement les travaux ; mais en tout, il s’arrêtait et s’appuyait sur la volonté de Dieu, et soumettait à la profondeur de ses jugements son peu de raison et de discours.

Après avoir passé quelques mois dans une si rigoureuse prison, par les incommodités qu’il y souffrait, et le peu de bienveillance et de caresse du geôlier, il devint si faible et si débile, qu’il voyait palpablement qu’il s’en allait passer à une meilleure vie ; et partant il offrait la sienne si libéralement à Dieu, qu’il eut voulu en avoir plusieurs pour les consommer toute à son service, comme celui qui faisait des actes de martyre au milieu des tourments : ensuite de quoi par ce moyen, il parvint dans une occasion si conforme à ses désirs, à ce degré sublime de charité, dont parle notre Seigneur, quand il dit que la plus grande charité qu’on puisse avoir, c’est de donner sa vie pour ses amis ; en quoi il imita la charité de Jésus-Christ, qui offrit la sienne de cette manière. Sur les derniers mois de cette prison, lors de sa plus grande nécessité, notre Seigneur le secourut, faisant venir de Valladolid à Tolède un religieux de l’Observance, homme d’un esprit doux, pitoyable et sans passion, digne de mémoire et d’estime (quoique pour cause je taise ici son nom,) auquel on donna la charge de notre bienheureux Père, à cause de quelque occupation nécessaire qui survint au geôlier ordinaire : et dès lors il commença un peu à respirer ; car en exécutant le mandement, et accomplissant l’ordre qu’il avait de ses supérieurs, il le faisait avec compassion et douceur, ce qu’il montrait soulageant la peine du prisonnier dans le peu qu’il pouvait. Et notre Seigneur conserva la vie de ce bon religieux jusqu’à ce que l’on fit les informations pour la béatification de notre bienheureux Père, et déposa en icelle ce qu’il savait, afin de que ce qu’il rapporte en sa déposition se trouvant conforme à ce que d’autres témoins avaient ouï dire au bienheureux Père, la vérité ne peut être aucunement révoquée en doute : et partant trouver ceci, nous rapporterons quelques-unes de ces paroles. Ce religieux donc répond de la sorte à l’une des premières interrogations qu’on lui fit, traitant en général des vertus de notre bienheureux Père. »Je connus le saint Père Jean de la Croix lors qu’il était prisonnier en notre couvent de Tolède, temps à propos et plein d’occasions pour exercer la vertu, à cause de ses pressures ; et là je jugeais que c’était un homme d’une grande sainteté, et d’une vertu héroïque : car au milieu de ses peines et travaux, il montrait une grande humilité, magnanimité et force ; de manière que de tout ce qu’il endurait, rien ne l’affligeait ou ne causait de l’altération et de l’inquiétude : tant s’en faut, il témoignait par sa grande patience et égalité d’esprit, qu’il avait une âme pure et un puissant amour de Dieu, avec une ferme espérance en sa divine majesté. Outre cela, il était fort reconnaissant de ce que l’on faisait pour lui ; tellement que lors que je lui faisais quelque peu de bien, il m’en remerciait beaucoup. Il montrait aussi qu’il était un homme fort adonné à la pénitence, et ami des souffrances, d’autant qu’il supportait ses travaux qui étaient grands, avec une telle patience, que jamais lorsqu’actuellement il les endurait, ni quand il en était dehors, on ne vit en lui aucune action et on ne l’entendit proféré aucune parole de ressentiment ou de plainte contre personne : mais au contraire, il les souffrait avec une grande tranquillité d’esprit, et avec sa modestie ordinaire, qui était rare et singulière. Et partant de ce que j’ai dit, et du reste que j’ai remarqué en lui, et de ce que j’ai oui diverse fois de ses vertus, je crois pour moi que c’était un saint dans un degré fort sublime et très relevé. »Voilà ce que ce religieux dit en commun des vertus de notre glorieux Père : et à la vérité c’est une chose qui peut bien causer de l’étonnement et de l’admiration, à tout bon et tout sain jugement de voir un tel silence, et une si grande patience, dans des occasions si fortes et si pressantes.

Mais parlant plus en particulier du temps de sa prison, il dit ces paroles : « il fut pris par les Pères de l’Observance de son ordre ; notre Seigneur permettant que son serviteur endurât sans qu’il eût de sa faute, ni de celle des supérieurs. Et la capture se fit à Avila, lorsqu’il était confesseur des religieuses de l’incarnation, qui sont de notre ordre ; et de là ils le menèrent prisonnier à Tolède, où étant, on le jeta dans une petite et étroite prison, et si obscure, qu’elle n’avait de jour que par une canonnière rompue, qui était en un coin d’icelle. Le religieux qui était geôlier du saint Père étant pour lors absent, le Père prieur m’en donna la charge, et pareillement de la petite prison. Dans ce temps que j’en eus le soin, je connus qu’étant tout brisé et maltraité, et à cause de l’incommodité du lieu où il était, fort faible et fort débile, il endurait tout avec une grande patience et silence : car jamais je ne le vis ni ouï plaindre de personne, ni accuser ou blâmer ceux qui l’exerçaient de la sorte. Bref, ni montrer aucune faiblesse ou lâcheté à s’attrister, s’affliger ou déplorer l’état auquel il était réduit ; mais au contraire, il supportait d’un visage serein et content, et avec une grande modestie et tranquillité d’esprit, sa prison et sa solitude.

Sur la fin de son emprisonnement, pendant que j’en avais le soin, on le fit venir trois ou quatre fois au réfectoire, lorsque les religieux y étaient afin de recevoir la discipline, laquelle lui était donnée avec quelque sorte de rigueur, sans qu’il n’ouvrît jamais la bouche pour dire une seule parole ; contraire, il endurait tout avec patience et amour ; et cet acte étant achevé et fini, il s’en retournait aussitôt à la prison. Comme je voyais sa grande patience, et touchée de compassion, j’ouvrais quelquefois la porte de la prison, afin qu’il prît un peu d’air en une salle qui était au-devant d’icelle, et l’y laissait, fermant la salle par dehors, pendant que les religieux s’étaient retirés sur le midi. Et lorsqu’il commençait à sortie au faire un peu de bruit, j’accourais incontinent pour ouvrir la salle, et lui disait qu’il se retirât dans la prison. Et le bienheureux Père est allé aussitôt, joignant les mains et me remerciant de la charité que je lui faisais ; et encore que je ne l’eusse connu auparavant, néanmoins à le voir seulement, et sa façon vertueuse de procéder qu’il gardait là, outre sa patience à supporter un exercice si rigoureux ; je jugeais que c’était une âme sainte. D’où vient que je me réjouissais de lui donner ce petit rafraîchissement : car en ce temps je fus fort édifié de sa sainteté, de sa patience et de sa gratitude, pour le peu que je faisais pour lui. » Tout cela est de ce témoin oculaire est irréprochable, et du temps qui lui fut le moins pénible en la prison.

Outre tous ces travaux qu’il souffrait extérieurement, il en endurait bien d’autres en l’intérieur qui l’affligeaient bien davantage, lesquels il pesait grandement quand parfois il en faisait le récit à ses plus intimes amis et particulièrement deux ; l’un fut une batterie continuelle du diable, sans trêve ni sans relâche, par laquelle il lui représentait qu’il avait très mal fait de quitter l’habit commun, et changer la vie des Pères de l’Observance, pour en mener une particulière et singulière : et lui apportait toutes les raisons que les Maîtres spirituels donnent pour condamner les singularités vicieuses parmi les personnes dévotes, par lesquelles il prétendait lui faire entendre qu’il avait beaucoup déplu à Dieu en cela, causant des guerres civiles en l’ordre et troublant la paix qui y était. Et ne procurait pas seulement de l’affliger, mais aussi de le décourager, afin que renonçant à ce qu’il avait entrepris, il se rangeât et conformât à ce que les Pères de l’Observance désiraient. D’abondance, comme Dieu avait permis qu’il souffrît cette prison pour le purifier davantage, et afin qu’il servît de creuset pour affiner l’or de son âme ; il donnait lieu au diable pour l’exercer avec ces batteries, et semblait qu’il le laissait tout seul dans ses combats, afin qu’il sentît l’affliction de ceux qui aiment grandement Dieu, quand ils sont plongés comme en obscurité dans les craintes et les doutes pour savoir s’ils lui agréent ou déplaisent. Mais lors que l’attaque était si puissante et si furieuse qu’il avait besoin de nouveau secours, notre Seigneur le consolait et fortifiait par un petit rayon de lumière, lui faisant voir le service qu’il lui avait rendu d’avoir embrassé la réforme, et combien ses travaux lui étaient agréables.

La seconde peine intérieure lui venait d’un autre creuset plus véhément, dont parle Isaïe, et duquel nous avons fait mention autre part ; qui fut que notre Seigneur mis de nouveau son esprit dans la fournaise de son influence purgative, et le fit cuire là à bon escient, non plus pour le purger de l’écume des imperfections, comme dans les états inférieurs par où il avait passé, mais pour l’élever par une nouvelle blancheur et pureté à une plus grande ressemblance de Dieu, et une plus rare perfection : car comme il y a une distance infinie entre la plus grande blancheur et pureté de l’esprit créé, pour purger qu’il puisse être, et celle de Dieu, il reçoit une nouvelle purification pour parvenir à une plus grande blancheur et ressemblance divine, comme le dit et l’enseigne saint Denys à notre propos. Or comme la blancheur de notre bienheureux Père devait être en un degré très éminent pour une rare sainteté, il entra souvent dans ce divin creuset ; et quelquefois étant dans la prison, par le moyen duquel on le disposait à de nouvelles faveurs qu’il y devait recevoir.

Chapitre VI. Comme notre Seigneur fortifia sa patience ès travaux de la prison par quelques consolations spirituelles des plus extraordinaires.

Les amis de notre bienheureux Père lui ont plusieurs fois ouï dire, qu’il avait reçu beaucoup de consolation de notre Seigneur et de sa très sainte mère dans la prison, pour en supporter avec force et patience tous les travaux et toutes les amertumes ; et quoiqu’il n’ait pas déclaré en détail ces caresses et faveurs, néanmoins on en tire la connaissance de quelques-unes de ses informations, par ce que les témoins lui ont ouï dire, et des autres par le moyen de ses livres ; et partant nous en ferons mention. Premièrement donc il fut consolé par cette rosée de la gloire du ciel, que notre Seigneur, selon Saint-Augustin, à coutume de communiquer à ceux qui sont tentés et fort affligés pour son amour en cette vie, afin qu’ils puissent supporter leurs travaux et leurs afflictions, avec une grande force et courage, et d’une prudente patience. Et saint Thomas dit que les consolations que Dieu donnait dans les tourments aux martyrs, pour les rendre invincibles, étaient de cette espèce ; et notre sainte mère Thérèse ressentait aussi ce même effet avec cette communication divine : d’où vient qu’elle disait que les martyrs n’avaient pas fait grand-chose, souffrant pour Dieu de si grands tourments, supposé qu’il leur donnât dans leur peine un restaurant si cordial. Et ce divin thériaque, secondé des vertus parfaites, desquels son âme était munie, conforta celle de notre bienheureux Père, pour supporter avec cette constance et valeur que nous avons dit les travaux de sa prison.

Le second remède et secours dont notre Seigneur le fortifia en ce temps, afin d’endurer joyeusement toutes ses peines, tant intérieures qu’extérieures, fut une grande connaissance qu’il lui donna de la valeur incomparable des travaux que l’on souffre pour lui : d’où lui venait non seulement cette joyeuse patience, avec laquelle il supportait toutes les traverses et angoisses qui lui survenaient en si grand nombre et si extraordinaires, mais aussi une faim insatiable qu’il lui demeura de souffrir pour l’amour de Dieu : de sorte que la seule mémoire, ou les seuls noms des peines et des travaux lui ravissaient si puissamment l’affection, que d’ordinaire cela le faisait entrer en suspension, comme nous verrons par un exemple ci-après. D’où vient qu’il avait coutume de tenir ce langage à ceux qui le trouvaient quelquefois affligé de ce qu’il souffrait peu de choses pour Dieu. Ne vous étonnez pas si j’aime tant à pâtir, parce qu’étant en la prison, Dieu m’a donné une grande connaissance de la valeur des travaux soufferts pour son amour ; et touchant ces profits et avantages qu’il avait expérimentés en son âme, en souffrant et en pâtissant pour Dieu, il dit en un de ses livres mystiques, que l’âme qui a commencé d’entrer dans les secrets de Dieu, connaît que les travaux du monde sont des moyens pour parvenir aux choses occultes et cachées de la délectable sagesse de Dieu : et partant elle désire de passer par toutes les presses et amertumes qui se peuvent présenter en cette vie ; d’autant que la souffrance la plus pure correspond une connaissance plus pure, et une plus haute jouissance.

Quant à la troisième sorte de consolation spirituelle, dont notre Seigneur le favorisa et recréa en ce temps, ce fut de le faire participant de la béatitude, que l’exercice des vertus cause dans le ciel à ceux qui les possèdent. Et afin d’entendre ceci, il faudra nous ressouvenir de la doctrine de saint Thomas que nous avons rapporté autre part ; à savoir que les béatitudes que notre Seigneur prêcha en la montagne sont les actes des vertus parfaites : de manière que chaque acte de vertu est une particulière béatitude dans le ciel, d’autant plus grande qu’on l’aura acquise avec plus de perfection en cette vie. Et bien qu’en cette vie leurs actes tirent directement au mérite ; et en la gloire, au loyer ; en ce monde, à ce qui perfectionne ; et en l’autre à ce qui délecte, d’où vient qu’en cet exil ils sont pénibles, et là délectables : si ès que nonobstant cela ce saint docteur dit, que les hommes parfaits commencent dès cette vie à jouir du prix et de la récompense de ces béatitudes dans les actes des vertus par une félicitée commencée. Notre bienheureux Père donc en jouit, et nous a déclaré l’expérience qu’il en avait faite en l’un de ses livres mystiques, traitant des effets de l’union divine ; et en parle encore d’autres endroits, bien que ce ne soit pas avec dessein de même qu’ne ce lieu : et partant nous inférerons ici quelques-unes de ces paroles, pour toucher et montrer l’expérience qu’il en avait en ce temps, laquelle lui fut depuis continué dans les communications divines qu’il eut les dernières années de sa vie.

Il parle donc en ces termes à notre propos : [au livre de ses Cantiques. Cantique 1. 26.] « En cet heureux état le vent du Saint-Esprit souffle par cette vigne fleurie et jardins délicieux de l’époux (qui est l’âme transformée en lui par amour et semblance) et donnant dans les dons et les vertus dont elle est embellie et ornée, il les renouvelle et les agite de telle sorte qu’elles exhalent et jettent une odeur suave et admirable, comme quant on remue des parfums, ou des liqueurs aromatiques. Or au temps que se fait cette agitation et mouvement, les vertus épandent l’abondance de leur odeur, laquelle on ne sentait pas auparavant en un tel degré : car l’âme ne sent et ne jouit pas toujours dans l’acte de ses vertus acquises d’autant qu’en cette vie elles sont en l’âme comme des fleurs cachées et resserrées dans leur bouton, où comme des drogues aromatiques qui sont couvertes, dont on ne sent l’odeur que lorsqu’on les découvre et remue. Mais Dieu quelquefois fait que telle grâce à l’âme son époux en cet état ; que soufflant avec son divin esprit par ce jardin de l’âme il fait éclore tous ses boutons de vertus, et découvre ses onguents aromatiques et perfections de l’âme, et ouvrant le trésor et les richesses qu’il y a enfermées, il fait paraître sa beauté à découvert, et pour lors c’est une chose admirable de voir, douce et agréable de sentir la richesse des dons que l’on découvre à l’âme, et la beauté des fleurs des vertus déjà toutes ouvertes et épanouies, et la manière dont chacune d’icelle répand l’odeur de suavité qui lui est propre : laquelle est quelquefois en si grande abondance, qu’il semble à l’âme qu’elle est toute comblée de délices, et plongée dans une gloire indicible : et tellement qu’elle ne le sent pas seulement au-dedans, mais encore il a de coutume dans rejaillir tant au-dehors, que ceux qui savent y prendre garde les reconnaissent ; d’autant que cette âme est comme un jardin plaisant et agréable, rempli de délices et de richesses de Dieu.

En cette aspiration et souffle du Saint-Esprit dans l’âme (qui est une de ses visites) afin de lui donner un plus grand amour, son époux le fils de Dieu se communique à elle d’une manière sublime, et pour ce sujet, il envoie le Saint-Esprit, qui soit comme son précurseur ou son fourrier, pour lui préparer le logis de l’âme son épouse, l’élevant avec des délices du ciel, et mettant le jardin dans la perfection, faisant épanouir ses fleurs, découvrant ses dons, l’ornant de la beauté de ses grâces et richesses : bref, lui donnant à goûter le très doux exercice des actes parfaits de toutes ces grâces et vertus en participation de gloire, laquelle dure en l’âme tout le temps que l’aimé y séjourne, ou l’épouse le va embaumant du parfum de ses vertus, comme elle dit au cantique : lorsque le roi était couché dans son lit (qui est mon âme) mon nard donna l’odeur de suavité, entendant par son nard odoriférant le plan de plusieurs vertus qui sont en l’âme. » Tout cela est de notre bienheureux Père ; en quoi il déclare par son expérience très illuminée, comme en l’état d’union (dans lequel il était au temps dont nous parlons) son âme participait par une illustration particulière du Saint-Esprit, des actes très suaves des vertus, dont les bienheureux jouissent dans les cieux et de la gloire qu’ils leur causent ; et en passant, il nous insinue un autre privilège très singulier dont il jouit miraculeusement en cet état, lequel le pouvait grandement recréer, le tenir content et joyeux dans la souffrance de ces maux ; pour la déclaration duquel il est à propos de vous rafraîchir la mémoire de ce que nous avons dit ailleurs avec l’autorité des grands docteurs mystiques et scolastiques : à savoir que quelquefois par un spécial privilège, Dieu donne aux grands contemplatifs la connaissance naturelle que les anges voyageurs avaient devant qu’ils fussent glorifiés ; à laquelle connaissance appartient de voir sa propre essence, et par icelle, comme par une espèce expresse de Dieu ces esprits angéliques étaient élevés à la contemplation de l’essence divine. Car il semble que notre Seigneur a octroyé quelquefois un privilège semblable à notre bienheureux Père par ces grâces et faveurs, élevant son entendement par des espèces infuses et proportionnées à la connaissance de la beauté de son âme, embellie et ornée de dons et de vertus ; afin que par la joie que cela lui causait, il ne sentît l’amertume de ses peines, voyant combien cette même beauté s’accroissait et se perfectionnait par ces souffrances. D’où vient qu’il dit qu’en ce souffle du Saint-Esprit dans les vergers de l’âme, c’est une chose admirable de voir la richesse des dons que l’on découvre en icelle, et la beauté des fleurs des vertus qui sont déjà toutes écloses, comme aussi de sentir la suavité de leurs odeurs.

Il nous déclare aussi et nous fait entendre en ce même lieu, d’où procédait cette merveilleuse splendeur, avec laquelle on l’a vu tant de fois étant dans cet état, dont nous avons fait mention autre part ; car parlant à ce propos, il use de ces termes. »Et non seulement on aperçoit cela dans ses âmes, quand ces fleurs sont écloses, mais d’ordinaire elle porte aussi quand et soit unie ne sait quoi de grandeur et de dignité, qui cause de la révérence aux autres, à cause du respect surnaturel qui se répand dans le sujet, procédant de l’intime et familière conversation et communication avec Dieu : comme il est écrit de Moïse dans l’exode, où il est dit que les enfants d’Israël ne le pouvaient envisager à cause de la gloire et de la majesté qui lui était demeurée pour avoir traité avec Dieu face-à-face. »De ces paroles nous connaissons que cette splendeur et dignité surnaturelle qu’on a vue et remarquée en lui si souvent, provenait de cette communication divine, si prochaine et si familière ; et de ce que l’époux céleste faisait éclore et mouvoir les vertus quand il venait se recréer dans le jardin de son très pur esprit. Ce qui augmentait fort la beauté et la valeur des mêmes vertus, tant par le singulier effort, que dans cette aspiration et souffle du Saint-Esprit, la vertu divine faisait en la perfection de l’âme ; comme par la disposition de la même âme, réduite si hautement de la multiplicité des créatures à l’unité du créateur : qui sont les deux choses dans lesquelles les docteurs scolastiques mettent l’accroissement des vertus, qui la perfectionnent et l’enrichissent.

Chapitre VII. De quelques visites très favorables et autres grâces singulières que notre Seigneur et la Sainte Vierge lui firent en la prison.

Attendu que l’union de l’âme avec Dieu (dans lequel état notre bienheureux Père était en ce temps) d’un côté l’acte suprême de la conformité de l’esprit créé avec son créateur, puisque suivant ce que nous avons vu il vient à à y avoir entre eux une uniformité par participation d’un même esprit (comme dit l’apôtre :) et d’autre part, quel est le lien d’amour qui assemble et joint comme en un les deux unis, afin qu’il y ait entre eux une communication d’amitié. De la vient que la familiarité avec laquelle Dieu traite dès ce temps avec une âme qui est unie avec lui est très grande, et les visites dont il la favorise et gratifie fort fréquentes, comme notre sainte mère Thérèse qui en avait l’expérience ne déclare par ces paroles. »Quand on est parvenue à l’oraison d’union, notre Seigneur a ce soin de se communiquer fort à nous, et de nous prier de demeurer avec lui, si ce n’est que nous ne voulions pas avoir soin de nous-mêmes.

Notre bienheureux Père jouissait en ce temps de cette familiarité de Dieu, avec une autre circonstance qui la comblait d’une plus grande tendreur [sic] et la rendait plus favorable ; à savoir, qu’il souffrait des travaux et des afflictions très pénibles pour son amour et d’autant qu’il a toujours été si sobre et si retenu a déclarer et découvrir cette tendre familiarité, qu’il avait avec le Seigneur d’infinie majesté. Le même Seigneur nous l’a donné à connaître miraculeusement, en l’une des apparitions que l’on voit en sa chair, dont nous traiterons exprès sur la fin du troisième livre, en laquelle on voit un religieux revêtu de la vie des Pères de l’Observance, sans chappe ; (car notre bienheureux Père était de la sorte en la prison) et un petit Jésus qui s’appuyait sur son épaule droite, étant couché d’une façon mignarde et caressante sur le bras du saint Père, et le saint qui paraissait avec une mine riante : par où la divine Sagesse (de laquelle procède ces apparitions) nous insinue que cet enfant Dieu visitait souvent en la prison avec une familiarité et douceur indicible ce sien soldat et fidèle serviteur, lequel souffrait de si grands travaux, et de si grandes incommodités pour son service.

Mais quoique notre bienheureux Père ait été si soigneux de cacher et de taire les visites et caresses qu’il recevait en ce temps de notre Seigneur et de sa sainte mère : néanmoins comme en témoignage de sa gratitude et reconnaissance, il en a découvert quelques-unes à des personnes qui lui étaient très familières, lesquelles les rapportent en leurs déclarations sous serment. L’une d’icelles, et dont il faisait une très grande estime, fut que sa divine majesté lui envoyait parfois une lumière du ciel au lieu de la matérielle qu’on lui refusait : car cette prison étant si obscure comme elle était, joint que le premier geôlier ne lui donnait pas de lumière la nuit, il s’affligeait quelquefois de se voir toujours environné de ténèbres, outre tant d’incommodités, de chaleur et de puanteur, et les étreintes qu’il souffrait. Voilà pourquoi notre grand Dieu touché de compassion des travaux et des peines de son fidèle serviteur, le secourait quelquefois étant en cet état par cette lumière céleste, laquelle ne venait jamais seule, mais accompagnée d’autres consolations intérieures qui recréaient l’esprit, et par une vertu admirable et divine, rejaillissait jusqu’au corps.

Le bienheureux Père découvrit ceci à un religieux qu’il estimait saint, en un long voyage qu’ils firent ensemble : et partant je rapporterai ici ce qu’il dit en sa déclaration sous serment. » Le saint Père Jean de la Croix me raconta un jour comme il avait été mis prisonnier à Tolède, et comme la prison était étroite, obscure et infecte, et que nonobstant cela on ne lui donnait pas de lumière la nuit, ce qui lui causait quelquefois beaucoup peine et d’affliction : mais qu’étant en cet état, notre Seigneur parfois lui envoyait une lumière du ciel qui lui durait toute la nuit. Et je me souviens de deux fois qu’il me donna à entendre en particulier que cela lui était advenu, et que la nuit qu’il en jouissait il était si consolé, qu’elle lui semblait fort courte. L’une de ces nuits étant fort affligé, notre Seigneur lui envoya cette lumière céleste, sans savoir d’où elle venait. Le geôlier le fut visiter alors : et ouvrant la première porte qui était celle de la salle, il fut bien étonné de voir cette lumière en la chambrette qui était plus avant ; car il savait bien qu’il ne lui en avait pas donné, et qu’il le tenait enfermé sous deux clés, où personne ne pouvait entrer s’il n’en avait une fausse. Étant troublé de la sorte, il s’en alla trouver le supérieur, et lui dit ce qui se passait, lequel vint à la prison avec deux autres religieux ; et comme il ouvrait la première porte, cette lumière s’éteignit aussitôt, puis il découvrit celle qu’il portait dans une lanterne, et demanda au vénérable Père qui lui avait donné de la lumière, ayant commandé que personne ne lui en portât. Le Saint-Père lui assura que personne du couvent ne lui en avait donné, et qu’il n’y avait aucun moyen de lui en donner : bref, qu’il n’avait là ni chandelle ni lampe, où il pût avoir cette lumière. Ce qui fit croire au supérieur que le geôlier s’était abusé par quelques imaginations qu’il avait eues ; et partant il ferma les portes et s’en retourna. »

Pour ce qui est des visites, dont notre Seigneur et sa très sainte mère favorisèrent et consolèrent leur serviteur dans la prison, qui endurait tant de travaux pour leur amour et service.

Les témoins des informations qui ont été faites pour sa béatification, qui étaient de ses plus familiers et intimes, disent l’avoir ouï dire à lui-même, et que plusieurs fois ils l’encouragèrent et animèrent pour sortir, lui promettant de lui être propices et favorables. Et d’autant qu’il y en a une, dont ils font mention particulièrement, nous la rapporterons pareillement ici. C’est le propre de l’état d’union auquel se trouvait notre bienheureux Père, qu’entre le divin époux et l’âme son époux uni de cette manière avec lui, il y ait ces subtilités de retour d’amour, et comme aiguillons spirituels qui apportent tant de profit à l’âme (comme a remarqué et pesé saint Laurent Justinien) lorsque pour la porter à un plus grand amour il semble que l’aimé se cache ; car le feu d’amour se vit et s’accroît, davantage par la privation, et sa plaie se fait sentir vivement par l’absence. Notre bienheureux Père donc se plaignant un jour amoureusement à notre Seigneur de ce qu’il se cachait de lui après l’avoir blessé ; il vit soudainement la prison resplendissante d’une très belle et très agréable lumière ; laquelle combla son âme d’une joie si haute et si excellente, qui lui semblait être en gloire. Et notre Seigneur répondant à ses plaintes lui dit : je suis ici avec toi pour te délivrer de tout mal. Avec ces doléances amoureuses procédantes de ces subtilités d’amour, le bienheureux Père commence le traité des effets d’union, lesquels il avait expérimenté en son âme, et l’ébaucha en la prison, comme nous dirons ci-après.

Le frère Martin de l’Assomption, qui a été son compagnon plusieurs années, et que le bienheureux Père chérissait à cause des rares et signalées vertus qu’il reconnaissait en lui, en particulier nous fait foi d’une visite, dont Notre-Dame le gratifia et consola en cette prison, comme l’on peut voir par ces paroles tirées de sa déclaration. »Le saint Père (dit-il) voulut m’exciter à la dévotion de Notre-Dame, me compta comme un jour le supérieur entrant en la prison, accompagné de deux religieux, il le trouva à genoux, et prosterné en oraison. Et d’autant que pour les incommodités de la prison, et pour les mauvais traitements qu’il recevait, il était si affaibli, qu’à peine pouvaient-ils se remuer ; il demeura en cet état, se persuadant que c’était le geôlier. Lors le supérieur le considérant, et voyant qu’il ne se levait pas pour le saluer, le toucha du pied, lui demandant pourquoi il ne se levait pas étant en sa présence ; à quoi le saint répondit qu’il le priait de lui pardonner, d’autant qu’il ne savait pas que ce fut lui, et qu’il ne pouvait se lever si promptement, à cause de ses incommodités. Le supérieur lui demanda par après : à quoi pensiez-vous à cette heure que vous étiez tant absorbé ? Je pensais (dis le saint) que c’était demain la fête de Notre-Dame, et que ce serait une grande consolation si je pouvais dire la messe. À quoi lui répliqua le prieur que ce ne serait de son temps, et s’en alla, laissant le saint fort affligé de ces nouvelles, de ne pouvoir, ni dire, ni entendre la messe en un jour si solennel (qui était selon la concurrence des choses celui de l’Assomption de la Vierge) quoique le témoin n’en fasse pas de mention.

La nuit suivante Notre-Dame lui apparut très belle, et pleine de splendeur de gloire, et lui dit : ayez patience, mon fils, car vos travaux finiront bientôt, et vous sortirez de la prison, et direz la messe, et vous serez consolé ». Tout cela est de ce témoin, qui l’avait su et entendu de notre bienheureux Père : tellement que ce lieu, bien que petit et humble, est digne de toute révérence, tant pour cette visite que pour les autres, qu’il a dit y avoir reçu de notre Seigneur et sa sainte mère ; et lorsque j’entrais, je le regardais avec une dévote vénération, sachant ce qui s’y était passé. Ce témoin avec d’autres, rapporte aussi pour chose notable, que quand notre bienheureux Père disait quelque chose des travaux qu’il avait soufferts en la prison, il ne blâmait et n’accusait jamais personne, non seulement à cause de sa modestie, mais aussi d’autant qu’il voyait que ceux qui lui procuraient ces peines étaient excusables. Car tout ainsi que ceux qui se gouvernent par une conscience erronée, tiennent les moyens injustes pour licites de même aussi ces bons Pères jugeaient que c’était une chose juste, que de punir et tourmenter celui qu’ils tenaient pour désobéissant à leur chapitre général, n’admettant pas les défenses qu’il alléguait pour sa justification, qu’il fondait sur une autre obéissance supérieure, qui lui commandait de ne rien faire de tout ce qui avait été ordonné au susdit chapitre général, laquelle obéissance était très connue et très manifeste.

Chapitre VIII. Comme il commença ses livres mystiques en la prison, suivant la connaissance expérimentale qu’il tirait des effets que Dieu opérait en son âme.

Notre bienheureux Père étant si maltraité des hommes en cette prison, et tant caressé de Dieu, il commença par illustration divine à bâtir l’édifice de ses livres mystiques, si éminent et si profitable aux personnes spirituelles, comme on collige d’iceux, le fondement desquels doit être pris de ce que dit saint Denys : à savoir que le divin Iérothée instruit et enseigné par inspiration de Dieu, très sublime et très relevée, connaissait les choses divines ; non seulement par une étude humaine, mais encore en les endurant par union de l’affection avec elles ; et de cette manière il parvenait à cette connaissance mystique et savoureuse, qu’on ne peut enseigner par autre voie. Qui est autant à dire, selon saint Thomas, que par les effets qu’il recevait de Dieu en la volonté, l’entendement était élevé à la connaissance pratique que l’on ne peut enseigner par la spéculation. Et pour l’explication de ce lieu, il se sert d’un exemple, disant que comme celui qui est vertueux par l’habitude qu’il a en la volonté, est perfectionné pour juger directement des choses qui concernent cette vertu : de même celui qui est uni par affection aux choses divines, reçoit surnaturellement et divinement une vraie connaissance, et un jugement droit des mêmes choses. D’où nous tirons à notre propos, que cette connaissance expérimentale des choses divines, qu’on ceux qui leur sont unis et qui les goûtent aussi d’une manière divine, est différente de celle qui s’acquiert par l’industrie et l’étude des hommes, comme étant reçue de Dieu d’une façon singulière, dans une étroite et favorable communication. D’où vient qu’on doit une certaine vénération et respect aux écrits des personnes qui ont grandement aimé Dieu, et qui ont été évidemment illuminé de lui, esquels ils nous donnent une doctrine assurée et salutaire, touchant les divins mystères qui nous sont cachés ; comme ont été notre sainte mère Thérèse, et notre bienheureux Père Jean de la Croix, afin qu’aucun, pour docte qu’il soit en la science spéculative, ne prenne la hardiesse de les censurer, s’il est ignorant de cette divine sagesse, pratique et secrète, que Dieu enseigne aux hommes purs et humbles, qui l’aiment en vérité.

Or comme en ce temps le divin époux mettait si souvent l’âme de notre bienheureux Père dans la cave des vins mystiques pour l’unir avec lui, et l’enivrer de ses influences célestes : il lui arrivait ce que notre sainte mère Thérèse recréée de Dieu de cette manière, disait de son expérience par ces paroles : « O mon Dieu, comment est une âme qui est en cet état, elle voudrait être convertie toute en langue pour louer notre Seigneur ; elle profère mille folies saintes et extravagances amoureuses, tendant toujours à contenter celui qui la tient en cette manière. Je sais une personne, laquelle bien qu’elle ne fut poète, faisait sur-le-champ plusieurs vers excellents et fort judicieux, par lesquels elle expliquait ses peines ; non qu’elle l’fit avec l’entendement, mais c’était seulement que pour jouir davantage de la gloire que cette agréable et savoureuse peine lui donnait, elle se plaignait d’elle à son Dieu. Voilà ce que dit notre sainte ; et le même arrivait à notre bienheureux Père, car quand Sa Majesté le favorisait de semblables visites, il sentait son esprit enclin et comme ému et poussé à faire retentir les louanges de Dieu, non seulement en prose, mais aussi en vers, exprimant et signifiant l’affection que les influences divines qu’il recevait, causaient pour lors en son âme. Car quelquefois quand la communication était de l’illumination du don de l’entendement, qui produit en l’âme un amour angoisseux d’une grande blessure, comme nous avons vu autre part : sévère expliquait et déclarait la peine si savoureuse qui lui était demeurée, comme dit ici notre sainte : d’autrefois quand cela procédait de la communication du don de sagesse, qui cause un amour satisfactoire, les vers étaient plein de louanges en Action de grâces de tant de faveurs ; et ainsi les uns et les autres étaient enveloppés dans la substance de ce que recevait pour lors la volonté. Et notre sainte maîtresse à parler fort à propos et très pertinemment ès paroles ci-dessus alléguées, tant en disant que l’affection qu’elle avait pour lors, lui faisait faire des vers excellents, esquels elle se plaignait de sa peine à son Dieu, comme ajoutant que ce n’était pas son entendement qui les faisait : car la saveur et le goût que contiennent ces vers, comme il se vérifie en ceux de notre bienheureux Père, témoignent assez que celui qui n’eût été actuellement goûtant ce qu’il signifiait par iceux, ne pouvait leur communiquer ou donner une chose si particulière. Et bien que ce fut l’entendement qu’il les composait, ils ne laissaient néanmoins de procéder de la très douce influence divine, qui caressait et délectait sa volonté, et en elle toute son âme ; comme il arrivait au prophète David, quand il composait les vers de ses psaumes.

Ce que Cicéron rapporte des sibylles prophétesses, qui parlèrent par le même esprit, était semblable à ce que nous venons de dire, lesquelles étaient comme absorbées en contemplation divine, quand elles prononçaient ces vers, par lesquelles Dieu a voulu découvrir plusieurs de ces mystères à l’aveugle Gentilité ; et le même auteur ajoute que les gentils ne tenaient pas pour vers de prophétie partie de l’esprit de Dieu, ce que les sibylles prononçaient quand elles n’étaient pas élevées et absorbées de cette façon. Et presque la même chose arrivait à notre bienheureux Père en ses cantiques, car il les composait après avoir été en quelque très haute contemplation ; et lorsque la volonté jouissait encore de ces très doux effets, et que son entendement avait comme quelques éclats et lueurs des splendeurs précédentes : de sorte qu’il n’avait pas besoin de se peiner pour penser à ce qu’il disait en substance ; mais seulement il se devait comporter comme celui qui va parlant d’une chose déjà sue, et de l’illustration qui durait encore. Ce que saint Augustin et saint Thomas appellent instinct divin, et le tiennent pour une lumière surnaturelle, et comme une façon imparfaite de révélation prophétique.

Mais comme cette connaissance expérimentale procédait des sentiments de la volonté, ces lueurs de l’entendement ne suffisaient pas à notre bienheureux Père pour composer ces cantiques, si ces doux sentiments d’où ils avaient pris naissance, n’eussent toujours demeuré dans la volonté, comme il l’a déclaré lui-même à deux personnes dévotes, en deux lettres qu’il leur écrivit répondant à leurs demandes, qui était qu’il leur expliquât quelque vers des cantiques qu’il avait faits en la prison ; auxquelles il dit que ces cantiques qui avait été composé dans un amour d’intelligence mystique, ne se pouvaient expliquer qu’avec un esprit attendri et pénétré d’amour : si bien qu’il fallait attendre que Dieu lui fit cette grâce une autre fois. Ce qui fut cause qu’il remit et différa tant cette déclaration ou explication, laquelle par après donna naissance à deux de ses traités mystiques, comme nous verrons en son lieu. Nous colligeons aussi que cela arrivait à notre sainte mère Thérèse, comme il appert par ses propres paroles. » Ces manières d’oraison surnaturelle s’expriment mieux et avec facilité quand Dieu en donne l’esprit ou l’intelligence ; il semble que c’est comme celui qui a devant soi un patron ou modèle dont il tire l’art et l’industrie ; mais si l’esprit manque, il n’y a non plus de moyen d’ajuster ou accorder ce langage, que de l’Arabe. Si bien qu’il me semble que ce fut un très grand avantage, comme je l’écrivis, d’être encore en cette oraison ; car je vois clairement que ce n’est pas moi qui parle, d’autant que je ne l’ordonne pas avec l’entendement ; et je ne sais par après comme je l’ai pu dire. » Tout cela est de notre sainte et maîtresse. Or notre bienheureux Père conserva en sa mémoire ces cantiques de matières mystiques, si sublimes et si relevées, qu’il fit en la prison, y étant poussé et aidé de l’influence divine : d’autant qu’il n’avait lors de quoi les mettre par écrit : et outre cela, il lui demeura encore une connaissance que les auteurs mystiques nomment, comme par le moyen d’un voile ou nuage des mystères et des sentiments reçus en la contemplation pour les expliquer en un autre temps, aidé d’une nouvelle illumination, comme il a pareillement fait.

Chapitre IX. Comme la très Sainte Vierge commanda au bienheureux Père Jean de la Croix de sortir de la prison, et lui en enseigna le moyen.

Notre bienheureux Père fut l’espace de neuf mois en ce cachot, souffrant beaucoup de peines et de travaux, suivant ce qui a été dit ; avec une telle retenue et un si grand secret des Pères de l’Observance, qu’en tout ce temps les Déchaussés ne purent jamais savoir s’il était mort ou vivant. Pendant l’hiver et le printemps les incommodités de la prison lui furent plus tolérable ; mais aussitôt que l’été commença, il fut grandement tourmenté des chaleurs, et la mauvaise odeur du cachot lui fut bien plus pénible ; et toutes ces autres peines s’augmentèrent de telle sorte, qu’il n’avait plus déjà d’appétit à manger ; et comme les viandes qu’on lui donnait n’étaient pas de haut goût, mais fort maigres et peu savoureuses, il n’en pouvait avaler un morceau de sorte qu’avec cette faiblesse et chaleur continuelle, ne pouvant prendre aucun repos, il s’allait consommant, et courait vers sa fin. Le geôlier qui l’avait en sa charge, en avait assez de compassion ; mais il n’avait pas licence de lui donner le soulagement dont il avait besoin ; et partant se voyant lié par l’obéissance, et obligé par les règles et les raisons de la confiance, puisqu’on s’était fié à lui de la garde du Père, d’être fidèle à l’ordre qu’il en avait reçu ; il ne lui rendait pas le secours qu’il eut fait volontiers, sans cet empêchement.

Or le jour de l’Assomption de Notre-Dame étant venu, cette très sainte et très pitoyable Dame lui dit qu’il sortit de la prison, et qu’elle l’assisterait ; mais bien que cela l’encourageât et l’animât beaucoup, si est-ce qu’il ne voyait pas le moyen de le mettre en exécution, vu qu’il était si bien gardé, et que sa prison était fermée sous deux clés. Après ceci, notre Seigneur Jésus-Christ lui vint à faire le même commandement ; et notre bienheureux Père lui ayant représenté les difficultés, il lui fit cette réponse : que celui qui avait fait que le prophète Élisée avec le manteau d’Élie, passa le fleuve du Jourdain, les eaux se divisant, le tirerait et délivrerait de tous les obstacles et difficultés qui se présenteraient à sa sortie.

Notre bienheureux Père donc se réjouissant en l’oraison par la mémoire de cette sainte Vierge : un des jours de son octave, elle lui commanda derechef de sortir, et lui fit voir en esprit une autre fenêtre, qui était en une galerie du couvent, laquelle regardait sur le fleuve du Tage, lui disant qu’il descendit par là, et qu’elle l’aiderait ; et pour la difficulté qu’il avait touchant les deux serrures de la prison ; elle lui enseigna aussi le moyen, duquel il se servit par après, comme nous verrons plus bas. Ensuite de cela, tenant sa sortie pour toute assurée, avec un tels secours et protection, il voulut remercier son geôlier de la charité et des bons offices qui lui avaient rendus, pendant qu’il en avait eu la charge, et fit envers lui ce qu’il dit lui-même par ses paroles en sa déclaration. « Un des derniers jours que le Saint-Père demeura dans la prison, il me supplia de lui pardonner tous les ennuis et toute la peine qu’il m’avait donnés ; et quand reconnaissance et Action de grâces de temps de charité qu’il avait reçue de moi, j’acceptasse ce crucifix dont il me faisait présent, qu’une personne très sainte lui avait donné, et qui devait être estimé, non seulement pour ce qu’il était en soi, mais aussi à cause de la personne de laquelle il venait. La croix était d’un bois exquis, qui avait en relief tous les instruments de la Passion de notre Seigneur ; et en icelle, il y avait un crucifix de bronze, que le saint avait coutume de porter dessous le scapulaire du côté du cœur. Je reçus ce don du saint Père, et le garde encore, ne l’estimant pas seulement pour ce qu’il est en soi, mais aussi d’autant que c’est un gage qu’il m’a donné. » Voilà le témoignage et la déposition du geôlier, et le cas que notre bienheureux Père faisait de cette croix, parce qu’elle venait d’une personne si sainte. On croit que ce fut notre sainte mère Thérèse qui la lui donna au monastère de l’incarnation, où il fut pris et mené prisonnier, bien qu’il voulut supprimer son nom, à cause que les Pères de l’Observance en avaient si grande aversion ; à raison qu’elle était le fondement et la base de cette nouvelle congrégation, qui leur donnait tant de peine.

Or le jour suivant que la reine des anges lui avait ordonné et assigné pour sortir, voulant se servir du moyen qu’elle lui avait enseigné, il tâchait par toutes voies de découvrir cette fenêtre qu’elle lui avait montrée en esprit ; et après avoir bien prévu son affaire, il trouva occasion de la voir de cette sorte. Le geôlier qui se confiait déjà en lui, lui permettait de porter son vase au lieu commun, pendant que les religieux soupaient, et cela l’espace d’un quart d’heure seulement : si bien qu’il eut la commodité, avec ce peu de temps, de voir cette fenêtre qu’on lui avait montrée, et remarquer de quel côté elle regardait (d’autant qu’étant hôte, et qui avait toujours été prisonnier, il savait bien peu les êtres de la maison.) Pour y aller, il fallait traverser tout le couvent, parce que la prison était au frontispice du monastère, qui répond à la place de Zocodoner [sic], et la fenêtre était à l’opposite, en une galerie qui regarde sur la rivière du Tage. Le bienheureux Père reconnu le tout le mieux qu’il put, et après se retira en sa prison, où le geôlier le vint enfermer à l’ordinaire. Quand l’heure du souper fut venue, ce religieux ayant apporté sa réfection, sortit pour aller quérir de l’eau ; et en son absence le bienheureux Père lâcha les fers du cadenas, qui était à vis : de telle sorte, que sans qu’il s’en aperçût, ils demeurassent disposés selon son intention, il se confia du reste en Notre-Dame ; à savoir qu’ayant fait ce qu’il pouvait de son côté, elle suppléerait au défaut de son adresse et de ses forces, et lui en donnerait ou enseignerait ce qui serait nécessaire pour l’ouverture de la seconde porte, puisque par sa bonté elle avait procuré et sollicité sa sortie. Et pour l’exécution de ce dessein, il était déjà pourvu et muni de fil et d’une aiguille, le geôlier avait donné pour raccoutrer ses habits, et d’une lampe qu’il lui donnait pour le temps de souper seulement.

Or pour lui rendre la chose aisée, Dieu voulut que le provincial, accompagné de quelques Pères graves de la province, arrivât cette nuit à Tolède ; et parce qu’il n’y avait pas assez de cellules pour les loger, on en mit deux dans cette salle qui était devant la prison ; lesquels à cause de la chaleur qu’il faisait pour lors, vu que c’était au mois d’août, et à Tolède, laissèrent la porte de la salle ouverte, afin de recevoir la fraîcheur d’une allée qui était auprès : si bien que notre bienheureux Père s’aperçut de cela, et jugeant que Dieu l’avait ainsi ordonné pour sa sortie, commença de s’y disposer et préparer, mettant sa confiance en celui qu’il encourageait, encore qu’elle lui semblât bien difficile.

Il avait déjà cousu les deux couvertures par les bouts, et à l’une d’icelles, une vieille tunique que le geôlier lui avait donnée par compassion, dont il se servit pour cette nécessité. Car s’il n’eut prévu son temps, il n’eut pu coudre cela dans l’obscurité et les ténèbres du cachot. Enfin, ayant préparé sa lampe (du crochet de laquelle il se devait servir pour y pendre les couvertures) il se mit en oraison, attendant que deux heures sonnassent, jugeant que ce temps-là serait le plus commode pour sortir sans être aperçu ou découvert des religieux du couvent.

Chapitre X. De la sortie de prison de notre bienheureux Père Jean de la Croix, et combien elle fut miraculeuse.

L’heure donc étant venue pour laquelle il avait destiné de franchir les portes de la prison et de la salle, il lui survint une grande difficulté après en avoir vaincu d’autres, qui était qu’il ne pouvait sortir sans que les hôtes ne s’en aperçussent, d’autant que la porte de la salle qui répondait à l’allée, était joignante celle de la prison ; et comme les hôtes avaient mis leur lit prêt de cette même porte de la salle, afin d’être plus fraîchement : il ne pouvait sortir sans marcher sur eux, ni ouvrir la porte sans faire beaucoup de bruit avec le cadenas ; et par conséquent, il jugea qu’il lui était impossible d’exécuter son dessein : mais nonobstant cela, en l’oraison on le pressa tellement de sortir, qu’il se résolut de passer par-dessus toutes les difficultés, tous les obstacles et tous les dangers qui se pouvaient rencontrer en cette entreprise, après avoir mis sa confiance en Dieu, et en la protection de la très sainte Vierge, espérant qu’ils feraient réussir le tout heureusement. Ces deux religieux avaient discouru une grande partie de la nuit ; et comme il y avait quelque peu de temps qu’ils gardaient le silence, le bienheureux Père pensant qu’ils dormaient, poussa la porte de la prison d’une telle force et violence, qu’un des fers tombant par terre, et le cadenas pendant à l’autre, la porte demeurera ouverte. Les deux religieux effrayés de ce bruit, crièrent aussitôt, qui va là ? Mais lui sans dire mot, se tint coi et en repos, jusqu’à ce qu’ils fussent derechef endormis ; ce qu’ils firent tôt ou peu après promptement, car ignorants le trésor qui était là caché, ils tâchèrent de reposer, et le sommeil les reprit incontinent.

Quand notre bienheureux Père jugea qu’ils s’étaient endormis, il prit les deux couvertures et la lampe, et ira vers la fenêtre qui lui avait été montrée, sans que les hôtes s’en aperçussent, bien qu’il marchât dessus eux en passant. Il racontait depuis que la protection divine l’avait tellement accompagnant, qu’on lui disait intérieurement tout ce qu’il devait faire pour sortir ; si bien qu’il ne faisait qu’exécuter ce qu’il entendait. Cette fenêtre avait pour parapet une pièce de bois semblable à une solive, assise sur un mur de brique : et entre ce bois et ces briques, il mit le bout de la lampe, laissant pendre le crochet de cette lampe au-dehors ; et après l’avoir accroché les couvertures le mieux qu’il pût, et s’être recommandé à Dieu, et à sa sainte Mère, coula et descendit le long des couvertures, et après par la tunique ; et quand il fut au bout, il se laissa tomber, croyant qu’il était proche de terre. Mais il trouva étant en bas, que la hauteur ou distance était plus grande qu’il n’avait cru.

Quand il se vit à terre, et qu’il eut considéré le lieu il était tombé sans s’être blessé, il fut surpris d’étonnement et d’admiration, d’autant que c’était sur une pointe de la muraille de la ville qui n’avait pas de carreaux, et qui était toute pleine de pierres que l’on avait taillées pour le bâtiment de l’église du couvent qui en est fort proche ; et le tout était si dangereux à se précipiter et se briser, que s’il se fut détourné deux pieds plus avant que la muraille du couvent, il fut tombé d’un côté où la muraille est très haute et très élevée. Or avec tout cela, il se trouvait dans un grand labyrinthe, car il ne savait que faire ou aller, pour sortir hors de l’enceinte du couvent, vu qu’il était encore assez ignorant de ces lieux ; qui eussent été difficile et pénible à toute autre personne en une telle heure, quoiqu’ils lui eussent été connus bien particulièrement. Et comme la lune ne luisait pas, et qu’il voyait la hauteur de la muraille, outre ce qu’il entendait de si près le bruit et le murmure de la rivière du Tage, qui joignant ce lieu, se va précipitant entre des roches qui sont des deux côtés : tout cela lui causait de la frayeur, et de l’horreur. Étant de la sorte en suspens et agité de crainte, il aperçut près de soi un chien qui mangeait les restes du réfectoire qu’on avait jeté là ; et pensant que ce chien lui pourrait servir de guide, il le menaça afin de lui faire prendre la fuite, et le suivit jusqu’à ce qu’il eut sauté dans une autre cour, joignant celle du couvent où il crut qu’il trouverait quelque issue ; mais la muraille était haute vers le côté d’en bas : et pour lui il était si moulu et brisé par sa grande faiblesse, et à cause de la force qu’il s’était faite pour se tenir aux couvertures, qu’à peine se pouvait-il remuer, et à plus forte raison sauter des murailles. Mais enfin, le péril où il était, et la faveur et protection qu’il avait de la Vierge, lui firent tirer des forces de sa faiblesse, et franchir courageusement cette carrière.

Quand il se vit hors les bornes et limites du couvent, après avoir considéré le lieu où il était ; il connut que c’était une cour du monastère de la conception des religieuses déchaussées de Saint-François, car le geôlier lui avait dit qu’elles étaient leurs voisines ; et cette cour était derrière leur église, bien qu’elle fût hors de la clôture. Il jeta les yeux de tous côtés, pour voir s’il ne découvrirait pas quelque issue, il trouva le tout bien fermé et bien bouclé : car cette cour par les deux côtés qui regardent la rivière du Tage, est entourée du mur de la ville, qui est bâti sur de grandes roches : de l’autre côté elle était joignante au couvent dont il était sorti ; et par celui d’en haut qui regarde la ville, par où il lui semblait que le chien avait passé, elle était environnée d’un rempart si haut, qu’encore que le mur fut tombé par terre, quand je l’allais visiter pour décrire ceci, on n’y pouvait entrer qu’avec difficulté. Cela donna des étreintes et des transes très grandes à notre bienheureux Père, se voyant comme en une autre prison plus dangereuse que celle où il était auparavant, et qu’il n’en pouvait sortir, n’y retournez au couvent, bien qu’il ne perdit courage ni l’espérance, que celui qu’il avait affranchi du premier danger, le tirerait encore du second. Il tâcha donc de grimper sur la muraille, mais sans rien avancer, d’autant qu’il n’en avait les forces, et que la sortie n’était à propos ni commode, bien qu’il en eut eu de suffisantes.

Étant dans cette détresse, il s’en alla visiter les autres côtés ; mais en vain et sans une plus grande espérance qu’auparavant ; et partant il la mit en Dieu seul, le suppliant qu’il achevât ce qu’il avait commencé, puisque se confiant en lui, et lui obéissant, il était sorti du couvent : ensuite de quoi ayant fait toutes ses diligences sans aucun effet, il aperçut auprès de soi une très belle lumière, environnée d’une petite nüe qui jetait une grande splendeur, laquelle lui dit : suis-moi ? De quoi se sentant animé et conforté, il la suivit jusqu’à la muraille qui était sur le haut du rempart, où étant sans voir personne, on le prit et enleva sur le mur qui va droit à la porterie des religieuses, et à la rue qui conduit à la place de Zocodover ; et là cette lumière disparut, le laissant avec un tel éblouissement, qu’il disait depuis que ses yeux avaient autant été éblouis et tremblotants l’espace de deux ou trois jours, comme quand on a regardé fixement le soleil en sa course, et qu’on retire sa vue de ses rayons. Les témoins qui l’ont ouï dire à lui-même, content cette sortie de la sorte, et la déclaration sous serment du geôlier, s’accorde avec cela en substance, duquel nous rapporteront ici quelques paroles qui aident à vérifier combien cette sortie a été miraculeuse.

Il arriva (dit-il) en ce temps, qu’une nuit ayant fermé la porte de la prison avec son cadenas, tous ceux du couvent étant déjà retirés, le serviteur de Dieu sortit par la porte de la prison à la salle, comme on le jugea depuis ; et après, descendit par un parapet qui était en un endroit très haut et fort périlleux ; et je tiens cette descente pour miraculeuse, car le parapet n’avait ni fer ni treillis, ou barreaux, qui pussent résister lors qu’il descendait, vu que ce n’était qu’un petit mur, large seulement d’une demie brique, qui avait au-dessus une pièce de bois de la même largeur, afin que les religieux si pussent appuyer sans gâter leurs habits ; et ce bois n’aurait rien au côté qui le peut arrêter ni tenir ferme.

Or le serviteur de Dieu prenant le fer d’une lampe, il le mit entre la brique et le bois, puis à l’instant, ensemble deux vieilles couvertures qui lui servaient de lit, lesquelles il avait mis en pièces pour le dessein de la sortie, il les attacha par les extrémités à une vieille tunique, ou un lambeau d’icelle ; et ensuite, il pendit le tout par un bout des couvertures au crochet de la lampe, ce qui n’était pas néanmoins assez long pour aller jusqu’à terre, car il s’en fallait bien une toise et demie. Cette descente était en un endroit si dangereux, qu’à faute de descendre tout droit, et pour gauchir et glisser tant soit peu, il fut tombé dans un grand précipice, vu que tout était bouleversé, à raison du nouvel édifice de l’église.

Il descendit donc parla selon l’opinion des religieux du couvent, et selon la mienne, ce que nous jugeâmes, ayant découvert le lendemain qu’il était hors de la prison, et voyant les pièces ou lambeaux qui pendaient à cette fenêtre : en quoi nous fûmes grandement étonnés de deux choses ; l’une de ce que le fer de la lampe ne s’était pas plié par la charge et pesanteur de son corps, d’autant que celle des couvertures était suffisante pour cela ; l’autre comment il s’était pu faire, qu’ayant mis le bout de la lampe entre le bois et la brique du petit mur, ce bois n’étant nullement tenu, ni arrêté en aucune part, avec la force requise, il ne s’était levé et tombé par terre avec lui, vu que le poids des seules couvertures suffisait pour cet effet, à plus forte raison celui d’un corps semblable. Et tout cela étant demeuré de la sorte qu’il a été dit, sans que le bois sortît de sa place, ni que le manche de la lampe qui était là sans aucun artifice se pliât ; et n’y ayant aucun signe, ni trace, ni apparence qu’il fut sorti par là. Et comme je sais certainement qu’il ne pouvait sortir par un autre endroit, je tiens sa sortie pour miraculeuse, et ordonnés de notre Seigneur, afin que son serviteur ne pâtisse davantage, et qu’il aidât et servit sa congrégation des Déchaussés. Et bien qu’on me privât de voix et de place pour quelques jours, nonobstant je me réjouis avec d’autres religieux particuliers de ce qu’il s’en était allé ; car nous avions compassion de ses travaux et de ses peines, lesquelles il souffrait avec tant de vertu. » Le Père qui eut charge de lui rapporte sa sortie de prison en cette manière.

Chapitre XI. Des choses les plus remarquables qui lui advinrent à Tolède, depuis sa sortie, jusqu’à son arrivée au couvent d’Almodovar.

Quand notre bienheureux Père se vit dans la rue, il fut extraordinairement consolé ; et rendant grâce à Dieu, et à sa sainte mère, de sa délivrance miraculeuse, il tâcha de s’éloigner du couvent d’où il était sorti : mais d’autant qu’il était encore nuit, pour n’aller par des rues inconnues, il entra dans une maison qu’il trouva ouverte, qui était à une de ces femmes, qui se lèvent de grand matin pour étaler leurs marchandises en la place. Quand le jour fut venu, il sortit, demandant où était le monastère des Carmélites (d’autant que nous n’y en avions pas encore.) Chacun était tout étonné de le voir en si mauvais état ; à savoir avec un vieil habit, et sans chappe, ayant plutôt la mine d’un fol que d’un religieux. La sacrée Vierge s’était chargée de tirer hors de prison son serviteur, et de l’affranchir et délivrer de tous les autres dangers, qui se pourraient présenter : et ainsi elle disposait le tout comme il était convenable pour sa sûreté : car à la même heure que le bienheureux Père demandait où était le monastère des Déchaussés de son ordre, elle envoya un accident si extraordinaire, et si fâcheux à l’une des religieuses dudit monastère, qu’il semblait qu’elle allât rendre l’âme ; et ainsi elles envoyaient appeler un confesseur au même temps que notre bienheureux Père se trouva à la porte du monastère, et avec cette occasion si pressante, on le fit entrer dedans pour confesser cette religieuse.

Quand les religieuses le virent, elles eurent bien de la peine de le reconnaître, d’autant qu’il avait un vieil habit des Pères de l’Observance, fort gâté et fort sale ; et son visage était si maigre et si défait, qu’il semblait plutôt à un mort qu’à un homme vivant. Enfin, elles furent extrêmement consolées de sa présence, d’autant qu’il y avait neuf mois qu’on en avait appris aucune nouvelle, au grand regret de toute notre congrégation, notamment de notre sainte mère Thérèse ; laquelle dans ce temps étant à Seuille occupée à la fondation d’un monastère de religieuses, par toutes les lettres qu’elle écrivait à ses filles qui étaient dans la Castille, elle leur en chargeait de lui mander ce qu’elles savaient du Père Jean de la Croix.

Il alla donc confesser la malade devant que de se reposer, quoiqu’il ne pût se tenir debout, à cause de sa faiblesse et lassitude : et à peine était-il entré dans le monastère, quand les Pères de l’Observance l’y vinrent chercher ; car ils avaient déjà découvert qu’il s’en était allé, ce qu’ils ressentaient vivement, et pensant que soudain il se serait réfugié au couvent des Carmélites, ils y allèrent le chercher devant que d’aller autre part. Ils visitèrent l’officine de la porte, le parloir, l’église et la sacristie ; et de l’ayant trouvé, ils l’allèrent chercher en d’autres lieux. Le mal de cette religieuse dura autant de temps qu’il fallait qu’il demeurât là, afin qu’on lui fît un habit de carme Déchaussé, et que l’on donnât ordre pour le faire sortir de Tolède, sûrement et bien accompagné. Les religieuses s’affligeaient fort de le voir si débile et si maltraité, et se mirent en devoir de lui apporter quelque chose pour manger, mais à peine pouvait-il avaler un morceau. Elles le prièrent de leur conter quelque chose de ses travaux pour entretenir la malade ; ce qu’il fit avec grande modestie, excusant toujours ceux qui l’avaient exercé ; et il y en a encore aujourd’hui quelques-unes de vivantes de celle qui lui ouïrent faire ce récit. Elles supplièrent par après don Pierre Gonzales de Mendoça, chanoine et trésorier de la sainte Église de Tolède, qui était fort affectionné à la congrégation des Déchaussés, de le mettre dans son carrosse, et de le mener en sa maison (qui était pour lors en l’hôpital de Sainte-Croix, duquel il était intendant cette année-là :) ce qu’il fit étant venu ce soir-là au couvent, et retira quelques jours en ladite maison le bienheureux Père, lui faisant beaucoup de caresses et de bons traitements pour le remettre et le fortifier, afin qu’il pût porter la fatigue du chemin. Ensuite de quoi il le fit conduire par deux de ses serviteurs en notre couvent d’Almodovar du Champ, notre Seigneur l’ordonnant ainsi ; afin qu’ayant déjà instruit par son bon exemple et par sa doctrine les deux Castilles, il fit le semblable aux deux Andalousie ; car des ce couvent il prit la route vers ces provinces. Ceux qui le conduisirent à Almodovar s’en retournèrent si édifiés, qu’il disait depuis que ce religieux donnait des preuves et des marques d’un saint en toutes choses.

En ce couvent, et en tous les autres, où il fut par après quand l’occasion se présentait de discourir de sa prison, et de tous les mauvais traitements qu'il avait souffert, il ne voulait jamais qu’on dise du mal des Pères de l’Observance : mais au contraire, il les excusait toujours, alléguant en leur faveur plusieurs raisons et convenances ; comme disant qu’ils croyaient bien faire, et qu’ils tenaient pour matière de religion, et de juste châtiment les exercices de pénitence qu’ils lui avaient ordonné. Peu de jours après notre sainte mère Thérèse retournant de l’Andalousie arriva à Tolède, laquelle fut remplie d’une joie et consolation très grande de la nouvelle que les religieuses lui donnèrent du Père Jean de la Croix, ayant été tant en peine de lui, et n’ayant su en rien apprendre depuis le temps de sa capture. [fin du chapitre]





Livre troisième, chapitres 15 à 23 sur la maladie et l’agonie

Chapitre XV. D’une persécution domestique qui s’éleva contre notre bienheureux Père, comme il tomba malade dans ce désert, et fut menée à Ubede pour y être pansé.

Attendu que notre Seigneur imprima en esprit de notre bienheureux Père des qu’il changea de profession, ce qu’il dit lui-même depuis à notre sainte mère Thérèse, que ces Déchaussez traitassent peu avec les séculiers, et qu’ils prêchassent plus par œuvres que par paroles, il tâcha et procura toujours de les y inciter, et acheminer, désirant de les faire prédicateurs du bon exemple : mais il s’en suivit de là que quelques-uns qui n’avaient pas tant d’inclination à la solitude et à la retraite des communications humaines ressentaient vivement que notre bienheureux Père en voulut tant mettre, et établir dans la nouvelle congrégation, jugeant que par la communication, les prédications, et les confessions pratiquées à leur mode, et non suivant l’institut de l’ordre, ils pouvaient profiter au prochain ; ensuite de quoi ceux qui tiraient de ce côté, se montraient peu affectionnés à notre bienheureux Père, entre lesquels il y en eut deux de remarquables [personnes doctes, et de considération dans l’ordre] qui firent paraître du ressentiment de ce qu’il les avait autrefois mortifiés étant provincial d’Andalousie, et encore que l’on n’ait pas reconnu et vérifié les causes de cette mortification, je me persuade et crois bien que ce ne fut pas pour avoir subi quelque peine, ou châtiment d’aucun délit qu’ils eussent commis, d’autant que tous deux étaient des religieux vertueux et exemplaires, mais parce que, comme ils étaient prédicateurs forts célèbres, et qui avaient une inclination à s’occuper démesurément en cet exercice, l’un demeurant les mois entiers hors du monastère pour ce sujet, notre bienheureux Père peut les empêcher et retirer de cette occupation, pour n’y vaquer de la sorte qu’ils faisaient, et afin qu’ils accommodassent le zèle du salut des âmes à notre profession, non pas à l’institut des autres. Car c’était ce qu’il prêchait toujours à ceux qui s’occupaient à l’avancement et au salut du prochain. Or comme notre bienheureux Père en ce chapitre demeura sans office, et que ces deux religieux en furent pourvus, l’un étant élu définiteur de l’ordre, et l’autre prieur d’Ubede comme personnes qui le méritaient bien à raison de leur vertu et de leurs lettres, ils commencèrent tous deux chacun de son côté à exercer la patience de notre bienheureux Père, lequel eut avis, étant encore en ce désert, de quelques mortifications qu’on lui traçait, et préparait, de l’une desquelles il vit incontinent l’effet, car en prenant occasion de ce que les religieuses justifiaient leur cause, le demandant pour commissaire suivant la teneur du bref, dont nous avons parlé, le définitoire traita de l’éloigner et de l’envoyer aux Indes de la nouvelle Espagne avec 12 religieux, pour achever l’établissement de cette province, et y mettre les affaires en bon ordre. Ce qui fut arrêté et conclu à Madrid le 25e de juin de la même année 1591.

Notre bienheureux Père reçu ce décret du définitoire avec l’ordre de son voyage, et encore que l’on connut facilement par cette résolution, que les auteurs d’icelle le tenaient déjà comme un obstacle et personne inutile à la religion, de là il se consolait de ce que ses désirs commençaient à s’accomplir, qui était d’endurer des travaux et des mépris pour l’amour de ce Seigneur, qui en avait souffert de si grands pour lui. Néanmoins il ressentait beaucoup qu’on eut si peu de satisfaction de lui, qu’on ne crut pas ce qu’encore que les religieuses l’élussent pour leur commissaire, qu’il ne l’accepterait jamais, et ne serait le premier qui défendrait et maintiendrait l’état auquel leur sainte mère les avait laissées.

Il avait aussi un grand ressentiment et déplaisir de l’inquiétude que cela causerait dans toute la congrégation, qu’on chassât d’icelle et reléguât aux Indes comme un banni, celui qui était tant aimé et chéri, communément de tous, et qui était tenu pour la pierre fondamentale de la vie primitive, et s’affligeait beaucoup voyant qu’on en devait rejeter la faute sur le Père Nicolas de Jésus Maria Vicaire général de l’ordre, lequel il aimait pour ses rares parties, et son zèle de religion, et que son crédit en recevrait des atteintes à tort et sans cause, parce qu’il savait bien qu’il n’agissait pas par animosité et passion, et qu’en toutes les actions du définitoire il n’était pas maître des voix et suffrages d’autrui, et partant l’une des choses qui lui causèrent le plus ennui en cette persécution, fut de voir accuser ou blâmer le Père Nicolas, tâchant de défendre constamment et efficacement son innocence. Ensuite de quoi afin de de ne pas entendre de plaintes du définitoire, et de les empêcher ès autre couvent, il donna charge au Père Jean de Sainte Anne d’aller à Grenade et autres lieux de cette province, pour assembler les 12 religieux qui devaient aller avec lui, le priant de lui donner avis lorsqu’ils seraient tous prêts, afin de partir et s’aller embarquer, comme nous avons déjà dit autre part discourant de son obéissance. Mais notre Seigneur arrêta le cours de ce voyage par des fièvres qui le saisirent, étant encore dans ce désert du petit rocher, dont il fit si peu de cas, qu’il les supporta l’espace de 15 jours sans s’aliter, ne voulant pas manger de viande ni prendre aucun allégement de malade, bien que journellement il fut attaqué de ces fièvres, mais enfin il fut contraint de se mettre au lit à cause d’une grande enflure qui lui survint en une jambe. Or en ce temps le Père Jean de Sainte Anne lui donna avis de Grenade qu’il avait déjà assemblé les religieux qui devaient passer à la nouvelle Espagne, et qu’ils étaient tous prêts de s’embarquer, quand il voudrait partir. Mais comme notre Seigneur ne disposait pour un plus grand voyage, il ne put lors traiter de celui-là. Son mal croissait de jour à autre, et comme on en eut averti le Père provincial [qui était le Père Antoine de Jésus son ancien compagnon,] il lui écrivit aussitôt une lettre de consolation, et lui envoya une licence pour se faire conduire à Ubede, ou à Baëce qui était tout deux à six lieux de là, pour y être pansé, et manda aussi au Père prieur de ce couvent de l’envoyer promptement à cause du peu de commodité qu’il y avait en ce monastère pour secourir des malades, étant une maison de désert.

Le Père Jacques de la conception qui pour lors en était prieur parle de la sorte en sa déclaration sous serment, touchant le choix que fit notre bienheureux Père de l’un de ces monastères pour y être assisté dans sa maladie. « Voyant qu’il était nécessaire d’envoyer notre bienheureux Père Jean de la Croix en un autre lieu, comme prieur du couvent je traitais de le faire conduire au collège de Baëce et non au couvent d’Ubede à cause que cette maison était plus accommodée et que le Père Ange de la Présentation grand ami du saint en était supérieur. Et au contraire que le couvent d’Ubede était une nouvelle fondation et par conséquent peu commode pour y assister des malades, joint que le prieur qui le gouvernait était fort dégoûté du saint et ne l’affectionnait pas beaucoup. Mais il refusa d’aller à Baëce, d’autant que le supérieur était son intime ami, et qu’il y était fort connu, ayant été comme le fondateur de ce collège, tellement qu’il choisit et préféra le couvent d’Ubede. Vous pouvez colliger de la déposition de ce Père, et de ce choix tant inégal en une si grande nécessité, l’extrême désir qu’avait notre bienheureux Père de souffrir de grands travaux et incommodités pour Dieu, et combien l’amour déréglé de soi-même était banni de son âme, vu qu’en une occasion si juste il refusait la sa commodité et son soulagement.

Il y avait aussi en ce désert frère appelé frère François de Saint Hilarion, qui devait s’en aller en un autre monastère pour s’y faire panser, et comme il craignait d’aller à Ubede, il faisait son possible pour persuader à notre bienheureux Père de ne prendre pas d’autre couvent que celui de Baëce, lui alléguant pour cela de fortes et prégnantes raisons. Mais notre bienheureux Père fit en sorte qu’on l’envoya à Ubede et le frère à Baëce.

Le prieur du petit rocher envoya donc notre bienheureux Père à Ubede avec un frère convers pour l’assister dans ce voyage, lequel il fit avec beaucoup de travail et de peine, à cause qu’il y avait déjà quelque temps qu’il était malade, et par conséquent fort faible, et tellement dégoûté, qu’il y avait plusieurs jours qu’il ne pouvait avaler un morceau, d’où vient qu’il était si débile, qu’il ne se pouvait tenir sur sa monture. D’ailleurs comme les humeurs de la maladie s’étaient ramassées en sa jambe, et qu’elle s’était fort enflée, le mouvement lui causait des douleurs si grandes et si cuisantes qu’il lui semblait qu’on lui coupait cette partie. Pour alléger le mal ils discouraient de Dieu le long du voyage, et étant près du pont de la rivière de Guadalimar, le frère lui dit, mon Père votre révérence se reposera un peu à l’ombre de ce pont, et le contentement de voir cette rivière vous fera manger un morceau. Notre bienheureux Père lui répondit, je me reposerai fort volontiers, car j’en ai grand besoin, mais de parler de manger c’est une chose inutile, parce que de toutes les choses que Dieu a créées, je n’ai appétit que d’une seule dont la saison est passée, à savoir des asperges.

Étant arrivés au bord de la rivière, le frère le mit à l’ombre du pont près de l’eau, ou ils continuèrent leur discours de Dieu, dont ils tiraient un nouveau sujet, voyant la clarté de l’eau et sentant la fraîcheur de la rivière. Sur ces entrefaites ils aperçurent près d’eux sur une petite Roche, une botte d’asperges, liée d’osier, dont la vue causa tant d’étonnement à ce frère, voyant que ce n’en était nullement le temps en ce pays, d’autant que c’était au commencement de septembre, que notre bienheureux Père pour lui ôter cette admiration, et la créance que ce fut un miracle comme il y avait assez d’apparence, fut contraint de lui dire : “Quelqu’un les aura laissés la part oubliant ce, ou bien en sera allé chercher d’autres, voyez je vous prie si vous ne trouverez pas celui à qui elles appartiennent, afin que nous ne les emportions pas sans sa licence.” Le frère fit un tour par ces collines, et n’ayant trouvé personne il s’en revint trouver notre bienheureux Père, lequel lui dit : “Puisque nous ne trouvons pas le maître de ces asperges, mettez sur la même pierre où elles étaient le prix qu’elles peuvent valoir, afin que celui à qui elles appartiennent trouve à son retour le paiement de sa peine. Ils poursuivirent par après leur chemin, emportant avec eux ces asperges, ce qui causa beaucoup d’étonnement et d’admiration au couvent, de voir cette nouveauté en un tel temps.

Chapitre XVI. Comme son mal s’accrut à Ubede, et la grande joie, et patience héroïque dont il le supportait.

Quand notre bienheureux Père arriva à Ubede, il fut reçu du prieur avec assez d’ennui et de dégoût, mais avec allégresse et contentement de tous les religieux. Car tout l’ordre l’aimait comme son Père, et le respectait et honorait comme un saint. Son mal en ce lieu s’engagea de telle sorte, les douleurs croissant et l’humeur s’étendant, que non seulement sa jambe était pourrie et ulcérée, mais aussi une grande partie de son corps, joint qu’il s’engendra une certaine matière entre la chair et la peau qui l’allait consommant peu à peu. Or pour vous donner une plus ample connaissance de sa maladie, de ses douleurs, et par même moyen de la patience dont il les souffrait, nous rapporterons ici quelque chose de ce que dit à ce sujet le frère Bernard de la Vierge son infirmier. Prêt de quatre mois, dit-il, le saint Père fut malade d’un érésipèle qui lui vint en une jambe, et lui causait de très grandes douleurs, qu’il supportait avec tant de patience qu’un chacun en était édifié. Il avait cinq plaies au-dessus du pied en forme de croix, que cette humeur où matière avait causés les quatre aux deux côtés, et la plus grande au milieu, desquelles il sortait tant de matière qu’on en emplissait plusieurs plats, et étaient si ouvertes et pleines de fistules, qu’elles le tourmentaient jour et nuit. Il ne se pouvait en aucune façon remuer ni changer côté, d’autant que le gras ou mollet des deux jambes et aussi une des hanches était ulcérée, et le mal après se répandit partout le corps, si bien qu’il faisait compassion à le voir. On avait pendu une corde au plancher de sa cellule, à l’aide de laquelle il se put tourner dans son lit, laquelle par intervalles il prenait des deux mains pour se soulager quelque temps.

Il endurait tout cela avec une patience extraordinaire, sans que jamais en lui n’entendit proférer aucune parole de plainte, ni souffrant ses douleurs, ni dans les martyrs, et très grands tourments que lui causait les remèdes qu’on lui appliquait. Mais au contraire d’un visage égal et content il offrait au Père éternel tous ses travaux en une mémoire continuelle de la Passion de son Fils, et le remerciait de ce bienfait. Il portait avec soit un crucifix du cuivre, et l’amour avec lequel il souffrait était si grand, qu’en étant quelquefois épris et transporté, il l’embrassait étroitement montrant combien il était profondément gravé dans son cœur, et demeurait là plusieurs parties du jour en une tranquille et paisible contemplation. Il avait tellement mis le boire et le manger en oubli, et les autres allégements corporels, que les malades désirent d’ordinaire, qu’on eût dit que c’était seulement un esprit, et priait toujours un chacun de le recommander à notre Seigneur.

D’ailleurs il se confessait fort souvent, et priait humblement le Père prieur de lui faire donner la sainte communion, et toutes ces paroles, et toutes ses actions publiaient qu’il était un très grand saint. Il remerciait beaucoup tous ceux qui lui rendaient quelque service pour petit qu’il fut, et continuellement il demandait pardon à ceux qui avaient soin de lui dans sa maladie. D’où vient que lorsque je me levais la nuit pour l’aider en quelque chose [comme il m’arrivait souvent] il ne cessait de me priait de lui pardonner, mais plusieurs fois il endurait ses étreintes, et angoisse sans les déclarer, afin de ne troubler le repos de personne.” Voilà comme parle son infirmier. Et voyons par même moyen ce que dit de ses douleurs et de sa patience le Père Barthélemy de Saint Basile religieux de cette province qui l’assista fort en sa maladie.

Le saint Père, dit-il, ne souffrait pas seulement toutes les douleurs et martyrs de cette maladie avec patience, mais encore avec joie et allégresse et avec désir (comme il semblait) de n’en voir sitôt la fin. Car au plus fort de cette souffrance il avait coutume de dire ces mots : Haec requies mea in saeculum saeculi, comme priant Dieu que le pâtir pour lui fut éternel. Toutes les paroles qu’on lui entendait dire pendant sa maladie, n’était que des louanges qu’il donnait à Dieu pour son mal, et de ce qu’il lui envoyait qu’elle de quoi souffrir pour son amour, et semblait être toujours en oraison. Outre les maux qu’un chacun connaissait, il en celait et cachait d’autres qu’il endurait jusqu’à ce qu’ils fussent découverts par ceux qui le venait panser, comme il arriva un jour que je le pris entre mes bras pour le mettre sur un matelas, afin de faire son lit, car l’ayant fait, comme je le voulais reprendre pour le remettre au lit, il me supplia de laisser aller tout seul comme il pourrait, ce que lui ayant accordé, il se traîna jusque-là. Mais m’affligeant de le voir aller de la façon, je lui demandais pourquoi il m’avait voulu donner cette mortification, ne voulant permettre que je lui aidasse, à quoi il me fit cette réponse pour m’ôter ce sentiment. »Je l’ai fait dit-il à cause du mal que je sentais aux épaules ». À cette occasion je les voulus voir, et trouvais qu’il y avait une grosse apostume [abcès], dont on tira beaucoup de matière le jour suivant, et je reconnus que je lui avais causé une douleur très sensible, lors que je l’embrassai pour lui faire changer de place, et qu’encore qu’il eut là un grand mal, il n’en avait rien dit ni fait aucune plainte, même quand je le serrais pour le tirer du lit. » C’est ce que rapporte ce témoin oculaire est digne de créances.

Le Père Ferdinand de la Mère de Dieu qui pour lors était sous-prieur de ce couvent, et qui se trouva présent quand le licencié Villareal, qui était le chirurgien qui pansait notre bienheureux Père, lui fit une ouverture depuis le talon jusqu’à la hauteur d’un demi-pied et davantage dans sa jambe ; remarque aussi en sa déclaration qu’il ne se plaignit ni altéra en aucune façon, quoiqu’il fût indubitable que cela lui avait causé des douleurs indicibles, et rapporte semblablement que l’ayant vu panser d’autrefois, où on lui coupait de gros morceaux de la jambe, il endurait tout cela avec autant de constance et de vertu comme si s’eût été un autre que lui, auquel on eût appliqué ces remèdes. Mais celui qui pénétrait plus avant cette patience, et qui la tenait pour singulière et miraculeuse était le chirurgien, d’autant qu’il connaissait mieux la force et la rigueur de son mal. Ensuite de quoi il me dit quelquefois avec admiration qu’il lui eut été impossible de souffrir tant de tourments si Dieu le lu secourut est assisté d’une grâce très surnaturelle. Avec tout cela le désir qu’il avait de souffrir des douleurs et des amertumes pour Jésus-Christ excédait et surpassait de beaucoup ce qu’il endurait. Car il tâchait de le supporter à sec et sans allégements, de peur que l’affliction et la peine et diminua se et n’admettait jamais aucune commodité et consolation qui ne fut précisément nécessaire pour la conservation de sa vie, à quoi il était obligé par la loi naturelle, dont nous avons vu la preuve autre part dans l’exemple de la musique avec laquelle on le voulut divertir en une autre maladie.

Les religieux l’allaient voir, non seulement par charité et compassion, mais aussi à cause de l’édification qu’ils en recevaient, et disaient que pour représenter Job au naturel en sa personne, il ne lui manquait que la tuile dont il raclait l’ordure de ses ulcères, d’autant qu’il était son vrai portrait, tant en la maladie et ès mortifications, comme en sa patience, et servait d’un rare exemple de cette vertu à ceux qui le regardaient, de sorte que ce bienheureux Père par cette voie et par ces paroles prêchait si hautement, que ces bons religieux sortaient de là comme renouvelés, et faisant de grands propos de perfection, et semblait que tout le couvent fut rempli de ferveur, d’autant que ses paroles communiquaient le feu céleste dont il était embrasé. Le médecin sentait aussi le même profit, et ainsi il prenait l’occasion et l’opportunité pour le venir entretenir à cause de la consolation qu’il recevait de l’entendre parler de Dieu, et à moi il me disait [ce qu’il a depuis rapporté dans sa déclaration] que cette communication de notre bienheureux Père l’avait changé en un autre homme.

Chapitre XVII. Auquel sont déduits d’autres grands travaux que notre bienheureux Père souffrit de la part de celui qui gouvernait le couvent.

Il arriva plusieurs choses en ce temps qui nous font voir clairement la licence que le diable avait de Dieu pour affliger notre bienheureux Père selon la quantité et diversité des moyens dont il se servit à cet effet desquels j’en omets une bonne partie, et les laisse dans le silence pour vous entretenir à présent d’une, que je ne puis supprimer sans préjudicier à la vertu de notre saint. Qui fut une suite continuelle des mortifications que le prieur du monastère lui faisait endurer, lesquelles furent si grandes et si éloignées de toute humanité, que l’on connaissait facilement l’auteur qui les excitait, et qu’on pouvait bien juger que Dieu les permettait pour des preuves nouvelles et héroïques de la patience et force de ce sien serviteur, comme il avait fait de celle de Job ès siècles passés, afin de satisfaire au grand désir qu’il avait de souffrir pour son amour. Car ce malade étant ulcéré en tant d’endroits, et si accablé de douleur, lesquels il endurait avec une modestie si grande, et une telle douceur qu’il pouvait faire compassion au plus cruel homme de la terre, et par conséquent beaucoup plus à une personne si religieuse comme était le Père prieur, néanmoins il se revêtait d’un esprit si rigoureux contre ce malade qu’il semblait que ce ne fut pas lui qui l’exerça, mais le diable revêtu de sa forme et partant la grande extrémité qu’il suivit en ceci le faisait excuser, les religieux rapportant à une cause supérieure ce qui ne semblait à leur avis pouvoir arriver par la voie ordinaire, et jugeant que Dieu le permettait pour l’avantage et le plus grand mérite du malade.

Et d’autant que quelques-uns touchés d’affections particulières peu favorables à la vérité, veulent mettre en contredit, ou nier ces travaux et souffrances de notre bienheureux Père, alléguant pour ce sujet qu’il est impossible qu’en une religion aussi sainte où l’on a tant de soin de soulager, et de bien traiter les malades, quand ce ne serait qu’un frère convers de deux jours, sans s’excuser sur la pauvreté ni s’arrêter à la dépense ; il se commit un manquement si notable de charité contre le Père commun d’icelle dans une telle nécessité : et par ce moyen tachant d’obscurcir l’éclat et les splendeurs brillantes de la couronne au préjudice de notre imitation, la privant d’un si rare exemple de patience ; j’affirmerai et rapporterai ici fidèlement quelques paroles qu’ont dit à ce propos des témoins oculaires en leurs déclarations sous serment.

Le Père Jacques de la conception, qui pour lors été prieur du couvent du petit rocher parlera le premier. »Après, dit-il, que le bienheureux Père Jean de la Croix fut arrivé à Ubede, je l’allais visiter et je remarquais que le mal de la jambe laquelle on lui ouvrit pendant que j’y demeurai, lui causait de très grandes douleurs, et qu’il souffrait ces tourments avec autant de joie et d’un visage autant égal que s’il eût été en pleine santé. Il supportait avec la même patience et allégresse la mauvaise humeur du Père prieur de ce monastère, car ayant autant d’obligations au saint comme il avait, les traitements qu’il lui faisait n’y correspondaient aucunement, et quant à moi il me semblait qu’il ne le voyait pas volontiers dans ce couvent, pleurant et plaignant ce qu’il mangeait. Comme je vis son procédé, je lui dis un jour qu’il ne plaignit à ce saint la dépense qu’il faisait pour son regard, et qu’il n’en grondât pas, et ne montrât un visage d’un homme avaricieux et mal conditionné, avec un manquement de charité en un cas semblable : vu même qu’il y avait une personne dévote qui s’offrait de lui envoyer tout ce qui était nécessaire pour le bien traiter, et que si cela ne suffisait, je lui en enverrais de notre monastère, afin qu’il ne se plaignît pas ; et ainsi aussitôt que je fus arrivé au couvent, je lui envoyais six boisseaux de blé pour ses religieux, et six poules pour le malade, et voyant ce qu’il endurait de la part du prieur, je fus épris d’admiration et d’étonnement de ce qu’un homme qui était doué de si belles parties comme il était, fut si sec et usât de ces façons de faire vers un homme si saint auquel je sais qu’il avait beaucoup d’obligation. Et partant je jugeais que notre Seigneur le permettait pour un plus grand mérite et couronne du saint et afin que même parmi ses enfants il trouvât une si grande matière de patience et de vertu. Voilà la déclaration sous serment que ce témoin oculaire fit entre les mains de l’évêque de Jaén ès informations qui furent faites pour sa béatification.

Le frère Bernard de la vierge infirmier de notre bienheureux Père tiendra le second rang, lequel parle de la sorte à ce même propos en sa déclaration sous serment. « Le saint Père Jean de la Croix étant malade à Ubede le prieur de ce monastère avait une très grande aversion de lui, et telle qu’il semblait qu’en tout ce qu’il pouvait lui donner de l’ennui, il le faisait, même en la longue et fâcheuse maladie dont il mourut, commandant que personne ne l’allât jamais voir sans son expresse licence, et pour lui, il entrait souvent dans la cellule du malade, et toujours lui disait des paroles fort fâcheuses, lui rafraîchissant la mémoire de certaines choses qui s’étaient passées comme en prenant la vengeance. Or le cas est que notre bienheureux Père étant Vicaire provincial d’Andalousie fut obligé de le mortifier en quelque chose, et pour cette cause il se mit à l’exercer, et le molester de telle sorte qu’il se passait des choses incroyables touchant cela, et il en vint à tel point que sachant le soin que je prenais comme infirmier de le bien traiter et de le secourir en ses nécessités, il m’ôta l’office d’infirmier, et me commanda sous précepte de ne l’assister en aucune façon, quand je vis cette violence, touché de compassion j’écrivis aussitôt au révérend Père Antoine de Jésus le vieillard, qui pour lors était provincial, lui donnant avis de tout ce qui se passait, lequel vint incontinent à Ubede, et repris aigrement le prieur de son peu de charité, et y demeura environ six jours donnant ordre que le malade fut bien traité, et commanda à tous les religieux de visiter et de l’assister en tout ce qu’ils pourraient. Ensuite de cela il me remit en l’office d’infirmier, me commandant de lui faire toute la charité possible, et en cas que le prieur ne voulût fournir ce qui serait nécessaire, que j’empruntasse l’argent dont j’aurais besoin, et lui en donnasse avis, qu’aussitôt il aurait soin de me l’envoyer. En toutes ces occasions d’ennuis, qui furent en grand nombre, jamais je ne lui entendis dire une parole contre le supérieur, mais au contraire il les supportait toutes avec la patience d’un saint. »

Tout ceci est rapporté par l’infirmier, et l’examinant un jour plus particulièrement, il me dit plusieurs autres circonstances, qui montraient bien davantage la rigueur du prieur, et découvraient plus l’affliction et la patience du malade, comme que n’étant pas content des mortifications qu’il lui faisait par le moyen de l’infirmier, déniant et refusant les choses qui pouvaient donner soulagement au malade : en outre il lui envoyait dire par d’autres religieux des choses très rudes et très fâcheuses ; et qu’il entrait quelquefois lui-même en sa cellule, non pas pour le consoler, comme font d’ordinaire les autres prélats, mais pour lui dire des paroles après pleine d’ignominie, et indignes d’une personne si simple et si vénérable, disant qu’il était un religieux imparfait et relâché qui détruisait l’ordre, regardant trop à ses propres commodités, et se traitant avec excès et superfluité. Chose néanmoins si éloignée de la vérité, qu’il fallait que l’infirmier devinât ses infirmités et disettes pour y pouvoir subvenir. S’il arrivait que quelques personnes dévotes lui envoyassent des douceurs et des viandes de malades à cause de l’estime qu’elles faisaient de sa sainteté, et qu’elles savaient que son mal était violent et extraordinaire, il leur renvoyait, disant que pour la maladie du Père Jean de la Croix, il y avait un peu de mouton en la maison, ce qui suffisait pour sa nécessité. D’autrefois il recevait ses présents et charité, et commandait qu’on en donnât avis aux malades, sans toutefois lui en donner, non pas même pour le goûter, qui était une plus grande mortification que de ne les pas recevoir.

On lavait ses linges et les bandes qui servaient à ses plaies en la maison de quelques personnes dévotes vertueuses, d’autant qu’on ne les pouvait pas laver commodément au couvent. Le Père prieur, voyant que ses linges étaient fort blancs et fort nets, ne voulut plus permettre qu’on continuât à leur donner, disant que c’était trop de délicatesse, et à l’instance de quelques religieux, il ne lui en dit rien. Il avait étroitement commandé qu’aucun religieux n’allât voir le malade sans sa licence expresse, et la refusait à tous ceux qui la lui demandaient, particulièrement à ceux qu’il savait que notre bienheureux Père goûtait davantage. Bref ses paroles et ses actions étaient telles en ce temps qu’on n’eut pas dit qu’il en eût été l’auteur, mais quelque furie infernale, pour provoquer cette sainte âme à quelque impatience. Et le prieur même après la mort de notre bienheureux Père reconnaissait qu’il avait été fortement tenté en cela, et qu’il s’était laissé conduire par les choses que le diable lui persuadait, et s’affligeaient d’avoir fait souffrir des mortifications si étranges à un saint qui s’était retiré en son couvent pour se prévaloir de sa piété, et charité en de si grands travaux, desquelles mortifications plusieurs furent modérées par la venue du Père provincial, avec l’ordre qu’il laissa, afin que sans dépendance du prieur on secourût charitablement le malade dans ses nécessités, et que tous les religieux le pussent visiter à quelque heure que ce fut.

Notre bienheureux Père supportait toutes ces choses, bien que fâcheuses et amères, et plusieurs autres que je passe sous silence, d’une patience si héroïque, que sans consentir qu’on blâmât le Père prieur, il l’excusait toujours, alléguant des raisons en sa faveur avec plus de soin que l’amour-propre n’a coutume de faire pour ses propres excuses ; et ceux qu’il croyait attristés et affligés pour les traitements lui faisait le prieur il les apaisait et consolait. Mais sa charité n’en demeurait pas là. Car il procurait encore par les moyens qu’il pouvait de remédier à quelques désordres qu’il y avait au gouvernement de la maison, afin que le supérieur d’icelle ne se discréditât pas envers les prélats de l’ordre : desquelles actions les témoins parlent aussi en leurs déclarations, et un de ceux qui l’assistèrent davantage en sa maladie, qui fut le Père Barthélemy de Saint Basile, dit ces paroles à ce propos. « Le vénérable Père Jean de la Croix ne consola pas seulement tous les religieux à Ubede, mais encore leur servit beaucoup pour leur perfection, y ayant pour lors peu de paix dans le couvent, les religieux étant aigris à cause de l’humeur et du peu d’expérience du prieur, et par l’arrivée du saint, ils s’animèrent beaucoup à la perfection, et tout demeura dans le calme, encore que le prieur persévérât dans son inclination naturelle, laquelle le saint Père lui modérait d’un côté, et de l’autre exhortait les religieux à la souffrir, d’autant que pour toutes les choses que lui faisait le prieur, jamais il ne lui dit une parole de plainte ou de ressentiment, et n’en dit non plus à aucun autre, supportant le tout avec une rare patience, et un profond silence. Tout ceci est rapporté par ce témoin, et c’est la façon de procéder des Enfants de Dieu, qui sont mus de lui en toutes leurs actions, comme dit l’Apôtre, et que les Saints Pères déclarent, les appelants Dieu par participation, et disant qu’ils opèrent divinement.

Chapitre XVIII. De l’aimable providence dont notre Seigneur secourut notre bienheureux Père en sa maladie, et en ses travaux.

Notre bienheureux Père donc étant devenu un pitoyable Job plein d’ulcères, accablé de douleurs, et affligés de mortifications intolérables, supportant tout cela d’une douceur admirable et patience invincible, ayant si peu de petits qu’il ne pouvait avaler chose aucune qui le pût sustenter, et surtout saisi et travaillé d’une fièvre si ardente qu’elle brûlait et embrasait ses entrailles : notre Seigneur incita une dame des principales de la ville, nommée Madame Claire de Benavides, femme de dom Barthélemy d’Ortegue, afin qu’elle prît le soin de le bien traiter. Car quoiqu’elle ne le connut pas, elle était néanmoins fort édifiée du rapport que le médecin et autres personnes lui faisaient touchant la patience avec laquelle il supportait une si grande maladie. Elle en conféra avec son mari lequel le trouva bon. Ensuite de quoi elle se chargea de pourvoir aux commodités et soulagement du malade, de telle sorte que le soin qu’elle mettait en cela était extraordinaire, soit à s’informer de ce qui serait le meilleur et le plus à propos pour lui, soit à épargner ni dépense ni travail pour l’alléger et le bien traiter. Et cette piété que Dieu avait imprimée en son âme, laquelle elle reconnaissait pour un grand bénéfice de sa divine majesté, y jeta de si profondes racines, que son mari étant devenu malade dans ce même temps, lequel elle aimait d’un amour plus qu’ordinaire, il semblait qu’elle le mettait en oubli pour secourir notre bienheureux Père, tant était grande la consolation que Dieu lui donnait en cet exercice de charité.

Après qu’elle eut déposé cela en sa déclaration sous serment, elle me dit quelques circonstances qui arrivèrent dans cette pieuse et charitable sollicitude, par lesquelles il semblait que notre Seigneur lui payait tout comptant le travail qu’elle prenait en cela. Elle mettait au rang d’icelle cette très grande consolation qu’elle sentait en son âme, lors qu’elle ordonnait quelque chose pour lui. Comme aussi le grand profit qu’elle en ressentait, et la facilité avec laquelle on accommodait toutes les choses qui lui étaient nécessaires. Car quand il était question de chercher quelque chose pour notre bienheureux Père, pour difficile et rare qu’elle fût, on la trouvait incontinent et facilement. Mais des choses très ordinaires et très faciles qu’on cherchait pour son mari, ne se trouvaient qu’avec difficulté, et quelquefois on ne les pouvait recouvrer. Toutes les boutiques demeuraient ouvertes jusqu’à la nuit pour le bienheureux Père quoiqu’il fût fort tard, et pour celui-ci on les trouvait fermées quelques heures auparavant, de façon que ses serviteurs mêmes s’en apercevaient et le remarquaient. S’il fallait tirer la substance de quelque viande pour le bienheureux Père, il en sortait toujours la moitié plus que d’une autre semblable, quand on la tirait pour son mari. Et plusieurs autres choses pareilles arrivaient dans les apprêts que l’on faisait pour le ce serviteur de Dieu lesquelles étaient si remarquables, qu’elle connaissait par là [encore qu’elle n’eut pas eu d’autres fondements de la foi] que notre Seigneur avait sa diligence pour agréable.

Les servantes qui lui aidaient à accommoder et assaisonner ce qu’elle devait envoyer à notre bienheureux Père avaient aussi part aux grâces que Dieu lui faisait. Car elles avaient tant de consolation et de joie en cette occupation, qu’elles tenaient à grande faveur que leur maîtresse les employât à cela, et travaillaient comme à l’envi et par forme d’émulation. On recevait pour lors dans le couvent sans contradiction les grands effets de piété à cause de l’ample licence que le Père provincial avait donnée au Père Bernard de la Vierge pour secourir et traiter le malade sans aucune dépendance du prieur. Mais notre bienheureux Père connut bien quelques jours après qu’on eut commencé d’apprêter son manger en la maison de cette dame que ces viandes n’étaient pas accommodées dans le monastère, bien qu’on lui eut toujours caché et celé, d’autant qu’elle n’avait l’assaisonnement ordinaire qu’on leur donne dans nos couvents, et en ayant découverte la vérité, jugeant que c’était donné entrée et commencement à quelque relâche, et qu’il importait moins qu’il mourût que d’être cause qu’une mauvaise coutume fut introduite, joint le zèle de réforme qu’il garda toujours inviolable, il ne voulut jamais consentir qu’on apprêtât des viandes qu’on lui donnait hors le monastère, tellement que depuis, cette dame envoya toujours abondamment tout ce qui était nécessaire pour le bon traitement du malade, et on l’apprêtait au couvent ; elle envoya aussi du linge et de la charpie pour médicamenter ses plaies. Les servantes reconnurent pour lors l’auteur de la joie qu’elles avaient en cette occupation, et s’affligeaient autant de s’en voir privées comme si elles eussent perdu quelque chose de grande estime et tenaient pour châtiment particulier que Dieu leur eut ôté l’occasion de servir ce saint, car elles le nommaient de la façon.

Le malade était si reconnaissant de la charité qu’on lui faisait que comme celle de ses bienfaiteurs était si grande, il ne se pouvait lasser de les en remercier, et les payait en bonne monnaie, les recommandant à Dieu jour et nuit. Madame Claire voyant qu’il avait tant de gratitude et de reconnaissance du soin qu’elle prenait pour lui, le pria instamment de solliciter notre Seigneur de lui donner un accouchement heureux, d’autant qu’elle était fort grosse et avec appréhension. Notre bienheureux Père après avoir recommandé cela à notre Seigneur lui envoya dire qu’elle perdit cette crainte parce qu’elle accoucherait heureusement, et que les fruits qu’elle aurait jouirait de Dieu, comme il arriva. Car elle accoucha sans danger d’une fille qui mourut devant un an et s’en alla jouir de Dieu. Notre Seigneur ne montra pas seulement en cela la providence particulière qu’il avait de son serviteur dans le cours de sa maladie, mais aussi en plusieurs autres choses pourvoyant à ses commodités à mesure qu’il les négligeait. Il y en eut une fort remarquable qui est que le monastère ne pouvant fournir et subvenir aux linges nécessaires, pour médicamenter ses plaies à cause qu’étant souvent pleins de matière, il fallait aussi les changer et renouveler souvent. Notre Seigneur en donna le moyen, et ôta cette difficulté, incitant deux damoiselles vertueuses de ce même quartier nommé Inès et Catherine de Salazar, à se charger de laver ces linges, pour l’estime et la grande opinion de la sainteté du malade qui courait déjà par la ville, et elles ont déposées en leurs déclarations sous serment pour choses mystérieuses qu’étant sujettes de leur naturel au mal de cœur, et faciles à recevoir des incommodités, particulièrement Inès de Salazar pour avoir l’estomac fort délicat, jamais elles n’eurent aucune horreur, ni mal de cœur ou dégoût de tout cela, quoi qu’on leur portât des paniers pleins de ces linges et aussi trempés de l’ordure et matière de ces ulcères, que si on les eut plongés dans l’eau, et quelquefois trouvant dans ces linges des morceaux de chair qu’on avait coupés des parties ouvertes et ulcérées, sans qu’elles sentissent aucune mauvaise odeur de quoi que ce fut. Ce qui leur causait une si grande admiration, reconnaissant leur faible complexion, et la débilité de leur estomac, qu’elle leur dure encore aujourd’hui. La consolation que notre Seigneur leur donnait en cette occupation était si grande, et elles en faisaient si grand cas que Catherine de Salazar l’a exprimé en ces termes dans sa déclaration sous serment. « Quand nous lavions ces linges pleins d’ordures et de matière, nous étions autant affranchies et exemptes de mal de cœur, comme si nous eussions manié des fleurs, d’autant qu’il nous semblait, lors que nous les prenions entre les mains, que nous ne manions pas une chose qui fut seulement de la terre, mais qui avait un je ne sais quoi du ciel. Or on peut facilement connaître que c’était un spécial privilège que Dieu avait donné en faveur de son serviteur, parce qu’ayant une fois mêlé d’autres linges du Père Mathieu du Saint-Sacrement avec ceux de notre bienheureux Père, Inès de Salazar sentit soudain une très mauvaise odeur en les prenant, et un si grand mal de cœur la saisit qu’elle vomit sur-le-champ, et ne les put laver. Ensuite de quoi elle dit à Marie de Molina sa mère : ou le Père Jean de la Croix a quelque accident mortel de nouveau, ou bien il y a des linges de quelques autres malades qui sont mêlés avec les siens. De là à un peu de temps un frère convers vint en sa maison, et lui ayant demandé d’où cela procédait, il lui dit que le linge du Père Mathieu était parmi les autres lesquels on peut séparer facilement de ceux du bienheureux Père par leurs mauvaises odeurs.

Cette grande consolation que les deux sœurs recevaient en ce charitable exercice, et la créance qu’elles avaient que cela était agréable à Dieu, crûrent de telle sorte que chacune désirant d’être préféré à l’autre en ce travail émérite, elles eurent une sainte et vertueuse contention pour savoir laquelle des deux laverait ces linges et drapeaux, car chacune voulait tout laver et n’en faire part à l’autre. Ce qui fut cause que leur mère pour les accorder et rendre satisfaites, ordonna qu’elles les laveraient l’une après l’autre chacune à son tour, afin que toutes deux exerçassent la charité, et participassent aux mérites de cette action. Madame Claire de Benavides désira puis après d’avoir part à cet exercice, tant pour sa consolation, que pour celle de ses servantes, car elles ressentaient et regrettaient fort l’autre occupation qu’on leur avait ôtée touchant l’apprêt des vivres du malade, et voulut qu’on portât ces linges en sa maison : mais les deux damoiselles et leur mère alléguèrent pour leur raison, et défense, qu’elles étaient déjà en possession, et le procès fut renvoyé par-devers notre bienheureux Père Jean de la Croix pour en avoir la sentence décisive, lequel ayant tant de gratitude et de reconnaissance de la propreté, blancheur et netteté avec lesquels les deux damoiselles lui accommodaient ses linges et de la dévotion, et du soin qu’elles montraient en cela, envoya supplier Madame Claire de se contenter de la grande charité qu’elle lui faisait, sans la vouloir accroître par tant de voies ce qu’elle fit. Plusieurs autres personnes ont aussi remarqué que ces linges et drapeaux ne faisaient pas mal au cœur, et ne sentaient pas mal nonobstant la quantité de matière qui sortait de ses ulcères ce qu’elles ont tenu pour une chose très notable, et la rapportent avec admiration dans leurs déclarations. Car quoi que sa cellule fut fort petite, et que l’ordure et le pus de ses ulcères fut suffisant d’infecter un hôpital entier, jamais on n’y sentit de mauvaise odeur, ni chose aucune qui peut donner de l’ennui et causer du dégoût et partant c’était leur créance que cela ne pouvait se trouver naturellement en un corps si pourri et si corrompu.

Chapitre XIX. Comme le diable enflamma de nouveau la persécution domestique entre notre bienheureux Père, procurant d’obscurcir l’éclat de ses vertus.

Saint-Bernard dit que celui qui a déjà acquis la perfection des vertus, a manqué néanmoins d’une qualité pour être parfaitement heureux en cette vie, qui est qu’étant bon on l’estime méchant, afin qu’il ressemble entièrement à notre Seigneur Jésus-Christ vu qu’une créature ne peut avoir une plus grande béatitude et excellence que d’être semblable à son Créateur. Or notre Seigneur accorda cette félicité des âmes parfaites et généreuses à notre bienheureux Père Jean de la Croix, afin qu’il fût tout consommé en la perfection de cette vie, lui concédant à la fin d’icelle qu’étant si vertueux et parfait, il fut tenu pour un méchant homme. Et partant eu égard à la perfection et excellence de sa vie et à la profonde humiliation et abjection de sa mort, cet illustre personnage fut un portrait de Jésus-Christ des plus conformes à son divin original, que nous puissions trouver entre tous les saints confesseurs.

Le diable en ce temps combattit cette petite nacelle primitive par tant de tourmentes, que si elle n’eut eu sa divine majesté pour pilote elle se fut perdue et abîmée dans les ondes. Et partant les belles parties, le crédit, la prudence, et le zèle héroïque de religion du Père Nicolas de Jésus Maria qui pour lors gouvernait l’ordre, trouvèrent beaucoup de matière pour s’exercer et s’occuper. Car il semble que tout l’enfer s’était assemblé et bordé contre elle, et entre autres moyens domestiques dont il se servit à cette fin fut l’inquiétude d’un certain religieux d’autorité et de considération. On avait déjà commencé pour lors une affaire dans notre congrégation pour laquelle, étant nécessaire de faire des enquêtes dans trois ou quatre couvents des deux royaumes de Grenade et de Seuille, le Définitoire en donna commission à un des définiteurs fort peu affectionné à notre bienheureux Père que nous avons déjà dit autre part. Et comme la passion quand elle est véhémente aveugle la raison afin qu’elle juge convenable ses propositions : celle de ce Père se revêtit d’un zèle de religion, puis le trompant comme elle a de coutume d’en séduire plusieurs, il jugea, voyant que le premier dessein d’envoyer notre bienheureux Père aux Indes, lequel il avait fomenté, n’avait pas eu d’effet, qu’il était encore en danger d’être élu des religieuses pour leur commissaire, par conséquent qu’il ferait un grand service à l’ordre de lui faire perdre son crédit parmi elles, leur faisant voir que sa conversation était fort suspecte, afin que par ce moyen il ne pût être leur prélat.

Avec cette résolution quoi que sa commission fut limitée, n’ayant à s’informer que de l’affaire de ce religieux, ils lui donnèrent le nom de visiteur pour plus grande autorité, mais se voyant de l’autre côté de Sierra Morena, il trouve trouva bon d’étendre son pouvoir, et de faire information contre le bienheureux Père Jean de la Croix. Et partant il s’en alla à Grenade où il avait le plus demeuré, et passant par-dessus les lois divines et humaines, commença à faire une rigoureuse recherche de sa vie, outrepassant les bornes de sa commission, tant en la substance qu’en la façon de l’exercer. Car ce fut par forme d’inquisition qui requiert au préalable une infamie publique principalement parmi les personnes prudentes et vertueuses, sans laquelle il ne pouvait faire enquête des délits d’un particulier, ni les témoins déposer à son préjudice. Et quant à notre cas, non seulement il n’y avait pas de note, ou d’infamie, mais au contraire un si grand applaudissement de vertu et de sainteté qu’on révérait la terre qu’il foulait aux pieds. Il excéda aussi quant aux moyens, se servant de quelques-uns si violent en l’examen des témoins, qu’il donna un scandale notable. Et laissant à part plusieurs choses qui ne concernent pas l’histoire, je rapporterai ici seulement ce que disent deux témoins qui ont concouru à cette information.

La mère Isabelle de l’incarnation prieure de nos mères de Jaén sera la première, laquelle ayant juré des mains de l’évêque de cette ville pour d’autres informations dit ceci à notre propos. « Touchant l’information qui fut faite contre le saint Père Jean de la Croix, j’ai remarqué que le Père qui examinait les témoins faisait des demandes fort vaines et fort inutiles, comme je l’expérimentai en celle qu’il me fit, car je vis clairement que tout ce qu’il me demandait ne pouvait se trouver au saint, d’autant que c’était une des plus pures âmes que Dieu eût en son église, et qui semblait un homme sanctifié, et à mon avis le Père Visiteur ne pouvait faire les demandes et interrogations qu’il faisait, ni rechercher choses qui répugnât tant à sa sainte vie, ni en quoi il fut plus innocent, et ainsi tant par toutes les interrogations, et la façon de procéder qu’il pratiqua pour les faire, comme par les offres qu’il faisait d’un côté, et par la peine et la gêne des préceptes et excommunications dans laquelle d’autre part il mettait les témoins, jusqu’à les priver pendant ce temps de la communication de leurs confesseurs, et d’autres personnes, sauf la sienne propre, (car je suis témoin de tout) on reconnut qu’il avait procédé comme un jeune homme (aussi l’était-il assez) et comme précipité, ayant aucun fondement de faire tout cela, et je vis qu’en notre couvent de Grenade toutes les religieuses qui y étaient pour lors, ne perdirent un seul point du crédit et de l’opinion qu’elles avaient du saint, nonobstant toutes ces informations, mais au contraire je puis attester quant à moi que cela me fit estimer davantage sa sainteté, car comme j’ai su depuis au même temps que cela se passait à Grenade, notre Seigneur faisait des miracles par les bandes et les linges qu’on tirait de ses plaies. Un peu après la mort du Saint, le Père Augustin des Rois provincial d’Andalousie dont la sainteté est assez connue, me demanda un jour avec un grand sentiment comment j’avais déposé quelque chose contre un si saint personnage qui était le Père Jean de la Croix, et je lui répondis, “mon Père je ne pense pas avoir rien dit contre ce Saint”, aussi ne le pouvais-je pas, car je n’ai rien remarqué en lui qui ne fut saint, et d’une personne très pleine de vertu et très avancée auprès de sa divine majesté. Il m’assura avoir vu en ma déposition des choses qui n’avaient jamais passé par mon esprit, quoi que je les eusse signés ma main, mais je ne les lus pas, quand il me les fit signer, et partant je ne savais pas ce qui était dedans, et je connus depuis par ce qu’on m’en disait, qu’on n’avait pas écrit fidèlement, ou qu’on avait mal interprété ce que je vais dire en bonne part. » C’est ce que dit ce témoin qui reçut une si sensible affliction, ayant su que sa déclaration n’avait pas servi pour confirmer la sainteté d’un si grand serviteur de Dieu, qu’elle en tomba malade au lit, et le saint qui était déjà mort alors la consola par une apparition de laquelle nous ferons mention en son lieu.

Le Père Balthazar de Jésus, confesseur de nos mères de Malaga sera le second, lequel rapporte en sa déclaration comme cette information se fit, et le dit en cette manière. « Je me trouvai à Malaga au temps que le Visiteur y vint pour examiner deux ou trois religieuses qui étaient venues de Grenade à cette fondation, et je sus de son compagnon et des religieuses (dont j’étais le confesseur) la procédure qu’on gardait en cette information. Et lorsque j’étais au monastère desdites religieuses, une d’icelles nommée Catherine de Jésus qui avait été prieure, me vint trouver, étant scandalisée des demandes que le Père Visiteur lui avait faites touchant notre saint Père Jean de la Croix, et me conta comme d’une œuvre de charité que le saint avait exercée envers elle en présence de toutes les religieuses, il en faisait une chimère pour l’accuser d’un grand péché. À la même heure une autre religieuse nommée Lucie de Saint-Joseph toute confuse et troublée ne vint trouver, et me demanda ce qu’elle ferait touchant ce qui lui était arrivé avec le Père Visiteur contre notre Père Jean de la Croix, et ayant répondu la vérité de ce qu’elle savait, elle avait vu comme il n’avait pas écrit fidèlement ce qu’elle avait déclaré, et partant que sa déposition n’allait pas comme elle devait : sur quoi je lui ai conseillé d’écrire une lettre au révérend Père Vicaire général, lui disant naïvement la vérité touchant ce que le Père visiteur lui avait demandé, et la réponse qu’elle y avait faite. Et toutes ces religieuses ne pouvaient se lasser, ni étancher leurs paroles dans le récit des louanges du saint. Et d’autant que cette information qui fut faite contre notre bienheureux Père Jean de la Croix, est un des plus authentiques témoignages que nous puissions apporter de sa vie pure et immaculée, je rapporterai ici ensuite de ses deux précédentes dépositions, quelques paroles de celle du Père Grégoire de Saint-Ange qui était pour lors Définiteur et secrétaire du définitoire, par les mains duquel toutes ces choses ont passé, lequel parle de la sorte touchant notre propos. Ce commissaire n’avait pas pas licence de visiter plus de trois ou quatre couvents, ni pour autre chose que pour faire information de ce qui concernait ce religieux à quoi son voyage était ordonné ; mais lui, étendant son pouvoir plus avant, visita les deux provinces de Grenade et de Séville, et de son propre mouvement avec beaucoup de fraude fit information contre le Père Jean de la Croix, usant de grande censure envers les religieuses, tirant d’elles par des craintes et autres artifices des choses qui d’elle-même, et par les termes et il les écrivait, faisait assez voir l’envie qu’il avait d’aggraver et noircir cette affaire, voulant leur faire entendre par des paroles graves et sentencieuses qu’il y avait de grands péchés. J’ai vu et lu moi-même quelquefois cette information, et avec un peu d’attention dans laquelle on apercevait assez l’artifice de celui qui la coucha par écrit. Or quand on eut voulu tirer quelque chose de tout cela, il n’y avait pas de sujet pour lequel on lui pût donner une pénitence plus grande que l’ordinaire. Car on ne crut pas tout ce qui était écrit, joint qu’ôté l’artifice, et l’emphase avec laquelle les paroles pouvaient signifier quelque chose de substantiel, il n’y avait aucune apparence ni marque de péché mortel. D’ailleurs suivant ce qu’on apprit, celui qui fit la formation ne procéda pas selon Dieu en icelle. Et j’ai vu quelques religieuses qui avaient fait leurs déclarations en cette matière, lesquels par après quand on leur a fait entendre ce qu’elles avaient déposé, ont répondu qu’elle n’avait pas dit cela de cette manière, ni avec ce sentiment. Et sur ce sujet on écrivait plusieurs lettres au Définitoire, si bien que le Père Vicaire général ne faisant pas de cas de cette information, on ne traita pas aussi des peines d’icelle. » Tout ceci est de ce religieux grave et d’autorité, lequel fait seulement mention des déclarations des religieuses, car bien que le commissaire tenta d’examiner les religieux, comme il vit qu’il prêchait les louanges de notre bienheureux Père avec tant d’affection, et que méprisant les craintes, ils lui demandaient qu’il montrât la commission qu’il avait pour ce sujet (sur quoi il y eut de grandes prises avec quelques-uns,) il en demeura là, et ne voulut poursuivre son dessein.

Notre bienheureux Père avait employé plus de temps avec une religieuse qu’avec les autres à cause que sa nécessité le requérait, et qu’elle eût été en grand danger si elle n’eut été fort avancée auprès de sa divine majesté ; ensuite de quoi le Père commissaire pensait bien trouver là de quoi satisfaire à ses intentions. Or pour l’exemple des confesseurs des religieuses, j’inférerai en ce lieu ce que celle-ci rapporte de cette communication dans la déclaration sous serment qu’elle fit entre les mains de l’évêque de Jaén dont voici sa déposition.

« Tout ce qu’on découvrait au saint frère Jean de la Croix, sa face et ses paroles prêchaient sa pureté, car le très grand et très constant amour qu’il montrait de porter à Dieu, avec la singulière modestie et mortification que je vis en lui, publiaient assez que c’était une âme pure : joint qu’en quatre ans que je conversais fort souvent avec lui, je ne pus jamais remarquer aucune parole qui pût être tenue pour oiseuse, mais au contraire tout ce que je vis en lui était d’un homme saint, et d’une âme grandement pure, et je puis assurer quant à moi que ses discours de Dieu et sa communication du ciel imprimait une certaine pureté et oubli de tout ce qui se trouve dans le monde ; d’où vient que lors qu’il entrait au couvent étant Vicaire provincial pour visiter la clôture, confesser quelque religieuse malade, quand nous avions lui baisé les mains quoiqu’il ne le voulut permettre, il exhalait une certaine odeur qui surpassait toutes les autres d’ici-bas, et qui semblait recueillir intérieurement.

Sa modestie et sa composition étaient telles que son seul regard faisait devenir modeste. Lorsque je l’envisageais je sentais en moi une certaine répréhension de mes imperfections comme si notre Seigneur m’eût repris, et eût parlé à mon cœur, et je demeurais avec un désir de travailler à mon avancement et perfection et le faire beaucoup pour servir Dieu, et d’acquérir quelque chose des vertus qui éclataient en ce saint, et ainsi je le regardais comme l’exemplaire d’icelles. Tellement qu’en ses actions et en ses paroles il me semblait être saint, mais d’une sainteté plus éminente que celles d’autres personnes que j’ai vues tenir et estimer pour saintes. » Tout ceci est de cette religieuse laquelle en plusieurs monastères où elle a été prieure, a fait paraître le fond des vertus qu’elle tira de cette communication, et a beaucoup aidé à la perfection de celles qui ont été sous sa direction et conduite.

Chapitre XX. En qu’elle affliction et détresse cette persécution réduisit ceux qui était affectionné à notre bienheureux Père, et la joyeuse patience dont il la supportait.

Cette information et la rigueur que montra le commissaire en icelle, causèrent une affliction notable à tous les enfants et amis de notre bienheureux Père, sur quoi il entendait le rapport de la plupart des choses qui se passaient bien qu’il le dissimulât par sa patience invincible. Car comme le commissaire était Définiteur, et était envoyé en Andalousie du premier prélat de l’ordre et de son définitoire, et qu’il donnait à entendre qu’il avait commission de de faire information de la vie du bienheureux Père, les religieux et les religieuses se persuadaient que tous les premiers supérieurs étaient grandement indignés contre l’accusé, et mal informés élèves de sa vie innocente et irrépréhensible, vu que leur indignation allait jusque-là que de faire des diligences si sanglantes contre une personne si sainte, et qui était comme le Père commun de toute la congrégation des Déchaussés.

Une autre chose courait aussi pour lors, qui servait beaucoup à ce bruit de l’indignation des supérieurs. Car comme le Père Nicolas de Jésus Maria pendant le temps qu’il fut provincial, et depuis qu’on le fit Vicaire général, s’opposa avec un grand courage et un zèle discret et prudent à quelque relâche de l’Observance primitive, à quoi la douceur démesurée et la trop grande indulgence du provincial précédent avaient donné lieu tant ès couvent des religieux que des religieuses, tous ceux auxquels la réformation donnait quelque atteinte qui était en bon nombre décréditaient le gouvernement du Père Nicolas de Jésus Maria, et du nouveau définitoire, et comme ils savaient qu’ils ne pouvait trouver un meilleur moyen de les mettre mal dans l’esprit de tout ce qui était scellant de la réforme dans l’ordre, qu’en publiant qu’il persécutait le Père commun de la congrégation, ils disaient beaucoup de choses de la rigueur et injustice de cette persécution, assurant que le Père Nicolas était l’auteur d’icelle, et que le commissaire qui était en Andalousie avait eu ordre de lui pour faire cette information, et le moindre effet suivant leur dire que devait enfanter et produire ces diligences, était d’ôter l’habit au Père Jean de la Croix, et ainsi ce bruit fut semé dans les deux provinces d’Andalousie, et de là on le fit courir par lettre en celles de Castille, et non seulement les personnes communes de la religion étaient abreuvées de cette nouvelle, mais même les principaux de l’ordre desquels je l’ai appris qui étaient dans la ferme créance de ce succès, lequel n’avait pas d’autre fondement que les rigoureuses diligences que le commissaire fit en cette information.

Les religieux furent saisis d’une crainte si pressante par ces apparences et indices de l’indignation des supérieurs contre le bienheureux Père, laquelle le diable allait oubliant et persuadant par ses artifices et menées, que ceux qui auparavant estimaient à bonheur de se dire ses enfants, et tiraient gloire de lui être affectionné, vacillaient en cela, craignant qu’on ne les dût aussi persécuter en qualité de ses amis, et partant ils abstenaient de communiquer avec lui. Ensuite de quoi il fut délaissé et abandonné de ses amis en ses travaux, comme notre Seigneur de ses disciples en sa passion afin qu’il en fût le vif portrait en toutes choses. Et le diable fomenta tellement cette crainte des religieux et religieuses, que tous ceux et celles qui avaient communiqué familièrement avec ce Saint Père, pensaient qu’ils seraient en danger, si seulement on leur trouvait son nom écrit en quelque endroit. D’où vient qu’ils brûlaient toutes ses lettres lesquelles ils gardaient auparavant soigneusement, et tenaient comme des choses exquises et précieuses, à raison qu’elles contenaient une doctrine céleste, et qu’elles venaient d’un maître si saint. Ils firent aussi le semblable de quelques portraits que des personnes dévotes avaient fait copier sur ce qui avait été tiré à Grenade lors qu’il était en extase. Cette tragédie des lettres fut une très grande perte pour l’ordre, et un des grands profits que le diable tira de ces tourmentes. Car les ayant écrites pour répondre à plusieurs doutes touchants la vie spirituelle ; en quoi il communiquait la grande lumière que notre Seigneur lui avait donnée pour ce sujet, et d’autant que souvent on n’en trouve faute, même parmi ceux qui se tiennent pour grands maîtres en ces matières de l’esprit, sans doute qu’on a perdu beaucoup par la perte de ces papiers.

Plusieurs témoins oculaires qui communiquèrent pour lors avec lui, nous donnent une ample connaissance en ses informations de la patience invincible, dont il supporta tous ces orages, et aussi des lettres qu’il écrivit en ce temps, faisant réponse à quelques-unes qu’il recevait sur ce sujet. Car quant à lui il était comblé de joie et de contentement, se voyant méprisé et humilié, vu que c’était ce qu’il avait tant désiré, la joie n’étant autre chose que l’accomplissement du désir, mais il y avait deux choses qui lui ravissaient cette joie dans ces tourmentes. L’une était de savoir les grandes offenses qui se commettaient contre Dieu à cause de cette information, lesquelles, d’autant qu’elles déplaisent à Dieu, à qui il désirait tant d’agréer et de plaire, lui perçait le cœur d’outre en outre. L’autre chose qui l’affligeait était de voir que l’on attribuait toutes ces diligences au Père Nicolas de Jésus Maria Vicaire général qui en était innocent, d’où vient qu’il fit entendre souvent à ses amis que leur premier supérieur n’était pas auteur de cette affaire, ni consentant à ses travaux, et qu’il avait un grand ressentiment de ce qu’on lui attribuait et imputait cela. Et même pour le commissaire il excusait autant que le cas pût admettre des excuses ou défenses, attribuant ces diligences aux décrets de la sa divine majesté qui le permettait ainsi pour ses péchés, et pour la satisfaction d’iceux. Il ne voulait en aucune façon qu’on le blâmât ni qu’on traitât de ces matières, sinon pour persuader et faire voir à tous, que ses défauts étaient en si grand nombre, que bien qu’on n’en dit beaucoup, il ne viendrait jamais à les connaître entièrement, et quelquefois il recevait beaucoup d’ennuis et d’affliction quand il avait fermé le passage, ou arrêté le cours de ces matières, et qu’on renouvelait de semblables propos.

Ses amis lui représentaient pouvaient souffrir la façon dont on parlait de son honneur, et les diligences injurieuses que le commissaire faisait pour rechercher sa vie, et lui persuadaient d’écrire au Père Vicaire sur ce sujet, ou bien qu’il leur permit de recourir à lui pour se plaindre d’un grief et outrage si manifeste, mais il ne leur prêta l’oreille en aucune façon, et ne voulut qu’ils fissent aucune de ces diligences, disposant son esprit à recevoir joyeusement toutes sortes de pénitence qui lui seraient imposés pour ses coulpes, comme il le manda au Père Jean de Sainte Anne, lui faisant réponse à une lettre qu’il lui avait écrite, étant fort affligée de ce qu’on disait, qu’on lui ôterait l’habit, en laquelle il lui tint ce discours. Mon fils, ne vous mettez pas en peine de cela, car ils ne me peuvent ôter la vie, si ce n’est que je sois incorrigible et désobéissant. Or je suis tout prêt de m’amender de toutes mes fautes, et de subir toute sorte de pénitence qu’ils m’imposeront.

Chapitre XXI. Comme cette persécution contre notre bienheureux Père prit fin, et comme l’auteur d’icelle fut puni.

Après que le commissaire eut fait cette information contre notre bienheureux Père en la province de Grenade, avec tant de démonstration de rigueur, il l’envoya au Père Nicolas de Jésus Maria pendant qu’il passait à la province de Séville pour faire l’enquête qui concernait sa commission, et lui fit entendre l’intention qu’il avait eue, s’embarquant à faire une perquisition des défauts du bienheureux Père. Le Père Vicaire général commença d’en faire la lecture, et en ayant lu quelques pages reconnut aussitôt le venin qui y était, en présence du Père Grégoire de Saint-Ange Définiteur et secrétaire du définitoire, et jeta l’information disant : le Père visiteur n’avait pas de charge de s’entremettre de cela, et tout ce qu’il a prétendu rechercher ne se peut trouver au Père Jean de la Croix, puis témoignant un très grand sentiment de tout ce procédé, il dit qu’il trouvait fort mauvais que le commissaire eût voulu décréditer un homme si saint, et qui était comme le fondement et l’exemplaire de la religion, les blâmât la trop grande licence qu’il avait prise de visiter de province, ayant une commission limitée pour une seule affaire, et dans peu de couvents, mais se contentant seulement de ne faire aucun cas de cette information, il ne traita pas de la correction du commissaire, la remettant au chapitre général, où l’on traite des défauts des Définiteurs et de leur correction.

Le Père Nicolas de Jésus Maria mourut devant le chapitre général, et le Père Élie de Saint-Martin qui lui succéda, fit voir à ce commissaire les excès qu’il avait commis en ce voyage, s’entremettant passionnément en ce dont on ne l’avait chargé, et partant on lui en donna une pénitence, bien que non à l’égal de ce qu’il avait mérité, et la sentence cette condamnation fut enregistrée dans le livre des Chapitres, où je l’ai lu. Le Père Élie content de cela fit toutes les diligences possibles pour avoir cette information, et l’ayant trouvée la fit brûler en sa présence, ayant horreur (comme il était juste et raisonnable) de ce qu’en une religion si sainte il se fut rencontré une personne laquelle imitant Cham fils de Noé procurât de déshonorer son Père. Mais comme Dieu a tant de providence de ses serviteurs, et se charge de la vengeance de leurs injures, comme il dit par la bouche de son prophète, il nous voulut faire voir qu’il n’avait pas pas oublié celle qui avait été faite à notre bienheureux Père le temps qu’il en différa le châtiment. Le commissaire susdit fut élu provincial de la province de Grenade en ce chapitre général (qui était ce qu’il avait désiré, et ses amis aussi,) de quoi les enfants et intimes de notre bienheureux Père s’attristèrent grandement, leur semblant qu’au lieu du châtiment et punition qu’ils attendaient de celui qui avait voulu profaner le temple de Dieu, et obscurcir par ses diligences les splendeurs de cette pure et simple âme, il sortait victorieux et comme triomphant au même lieu ou il avait failli. Et ne pouvant témoigner extérieurement l’amertume qu’ils avaient dans le cœur, ils s’affligeaient fort intérieurement, et se plaignaient à Dieu de ce succès, jugeant que c’était autoriser ce qui avait été fait au préjudice du défunt : (car pour lors notre bienheureux Père était mort,) que de récompenser avec honneur et dignité celui qui l’avait persécuté. Le nouveau provincial entra par après en sa province fort content, et se hâtant pour se rendre au centre d’icelle, qui est la ville de Grenade, où ses amis l’attendaient pour lui faire une grande réception, et beaucoup de caresses, il arriva à Alcala la royale distance à huit lieux de Grenade, et donna de là avis du jour qu’il y entrerait. Cette nouvelle fut agréable aux uns et triste pour les autres, particulièrement pour nos religieuses, car ayant été si fidèles témoins du soin que notre bienheureux Père avait pris pour les faire saintes, et les approcher de Dieu, de diligences qu’avait fait le nouveau provincial pour lui ravir son crédit, elles se lamentaient beaucoup de voir que l’on avait récompensé celui qui méritait un châtiment plus rude. Il y avait entre elles une religieuse, ancienne compagne de notre sainte mère Thérèse qui avait été nourrie et élevée de sa main nommée Beatrix de Saint-Michel fort estimée pour sa grande sainteté et fort illuminée de notre Seigneur, laquelle comme plus obligée à notre bienheureux Père à cause des bénéfices qu’elle avait reçus de lui, l’ayant fort aidé par sa doctrine, était celle qui ressentait plus vivement le tort et l’injure qu’on lui avait fait.

Cette religieuse pleurant un jour devant notre Seigneur en l’oraison sur ce sujet, et soumettant à ses profonds jugements la faiblesse et petite capacité des sentiments humains, ne pouvait s’empêcher de s’attrister de l’allégresse et applaudissements dont on devait recevoir comme Père de la province celui qui auparavant à leurs yeux avait persécuté si injustement le Père commun de la congrégation des Déchaussés. Notre Seigneur pour lors lui dit que le nouveau provincial n’entrerait que mort dans Grenade, en punition de cette information qu’il avait faite contre le Père Jean de la Croix. Elle raconta soudain cette révélation à quelques personnes qui avaient une pareille affliction que la sienne, lesquelles bien qu’elles eussent bonne opinion de son esprit, néanmoins en suspendirent leur jugement, sachant qu’il y avait lettre du provincial, par laquelle il avait mandé qu’il entrerait le même jour dans Grenade, mais enfin la révélation se trouva véritable : car entrant dans Alcala la Royalle il fut saisi d’une maladie si violente qu’en peu de jours il finit sa vie, et fut porté mort à Grenade pour y être enterré. Le provincial qui lui succéda examina ce cas, imposant un précepte formel à la même Beatrix de Saint-Michel sur iceluy (dont j’ai vu la réponse,) et la vérité de ce que nous venons de rapporter fut connue par ce qu’elle dit, et ce que les autres religieuses déclarèrent aussi. Par laquelle vérité et les miracles que notre Seigneur fit en grand nombre par le moyen des choses qui avaient touché le corps du saint Père Jean de la Croix, qui lui avait servi dans sa maladie, notre Seigneur a illustré après sa mort l’opinion de saint qu’on avait conçu de lui lors qu’il était au monde.

L’ordre fut si peu satisfait du peu de charité que le prieur d’Úbeda avait exercée envers notre bienheureux Père, que jamais depuis il ne lui donna aucune prélature, et quoi qu’il occupât à la prédication, il ne se servit pas néanmoins des conseils que notre bienheureux Père lui avait donnés, qui était de l’ajuster et accommodé aux lois de sa profession. Au contraire il procura des privilèges hors de l’ordre pour aller prêcher çà et là sans dispense de ses supérieurs, où étant, la mort l’accueillit hors de la compagnie de ses frères, qui est la consolation et le secours que nous sommes venus chercher en la religion. Or les témoins disent aussi que cette mort avec si peu de consolation et le secours, est un châtiment de Dieu à cause de l’affliction qu’il avait donné à notre bienheureux Père, Sa Majesté le privant du secours de ses frères pour n’avoir pas secouru le Père commun de tout l’ordre.

Chapitre XXII. Comme il eut révélation du jour et de l’heure de sa mort, et comme notre Seigneur lui fit part du calice de sa passion, pour comble des grâces qui lui avaient faites.

Notre bienheureux Père ayant demeuré trois mois malades dans le lit souffrant d’une patience indicible et très exemplaire tant d’amertumes et de travaux, notre Seigneur l’en voulant délivrer, et tirer de l’exil pour aller jouir dans le ciel de l’heureuse récompense de ses peines, et de si grands services qu’il lui avait rendus, il le disposa quelques jours auparavant, lui donnant connaissance du jour de sa mort, et aux religieux des conjectures qu’il avait déjà su cette bonne nouvelle. Car au commencement de la semaine qu’il mourut, il avait un grand soin de s’informer combien il y avait de la jusqu’au samedi, et un des jours proches de sa mort le Père Barthélemy de Saint Basile étant avec lui, et d’autres religieux, il leur demanda derechef combien il y avait jusqu’au samedi, et voyant qu’ils ne faisaient pas de compte de cette demande, il ajouta aussitôt, « je le dis parce qu’il m’est venu à présent dans la mémoire le grand bénéfice que Notre-Dame fait en ce jour aux religieux de son ordre, et à ceux qui ont porté son scapulaire, ayant au préalable accompli ce que requiert ce privilège. » Et quoi qu’il voulut dissimuler et cacher le mystère, ceux qui ouïrent ces paroles, et virent l’allégresse dont il les proférait, se doutèrent qu’il savait de bonne part qu’il devait mourir le samedi, et jouir de cette grâce. Ce qu’il fit aussi deux jours devant sa mort, nous insinue cela assez clairement, car gardant soigneusement en un petit sac qui était sous son chevet toutes les lettres qu’il avait reçues pendant sa maladie, de peur qu’on ne les vit, il appela ce jour-là le Père Barthélemy de Saint Basile, et l’ayant prié d’apporter une chandelle allumée il brûla toutes les lettres, comme mettant à l’abri et en assurance ceux qui les avait écrites, à cause du faux bruit qui courait pour lors, que seulement d’être son ami c’était un péché. On sut encore mieux la connaissance qu’il avait du jour et de l’heure de sa mort, au même jour d’icelle, car dès aussitôt que le vendredi fut venu, il eut un grand soin de savoir l’heure qu’il était, et disait de temps en temps qu’il irait cette même nuit chanter Matines dans le ciel, chose qu’il n’eut jamais dite avec tant d’affirmation, étant si retenu et si discret en ses illustrations, s’il n’eut une révélation expresse de l’heure de sa mort, et que de cette infirmité comme de son purgatoire, il s’en irait directement jouir de la gloire du ciel. Un autre indice de ceci, fut que le voyant si bas on lui voulut donner le très Saint sacrement pour viatique plusieurs jours auparavant sa mort, mais il les supplia de ne lui donner que par dévotion, leur disant que lors qu’il serait temps de lui apporter pour viatique il les aviserait : ce qu’il fit quand le temps fut venu, et demanda pareillement celui de l’extrême-onction.

Notre bon Père avait été un vrai portrait de notre Seigneur Jésus-Christ pendant sa vie, où il semble que Sa Majesté ait voulu se figurer, et se représenter plus particulièrement, et ainsi il voulut qu’il fût pareillement son image en sa mort. Car comme notre Seigneur Jésus-Christ pendant sa passion (ce qu’il voulut pour une plus grande démonstration de l’amour qu’il nous portait) souffrit és puissances inférieures de l’âme l’abandonnement et le délaissement de la divinité et la privation des effets de la vision béatifique, dont la partie supérieure jouissait afin de pouvoir sentir la véhémence des douleurs corporelles, et les afflictions de l’esprit très vivement, comme il le donna à entendre par ces paroles douloureuses qu’il dit en la Croix. Mon Père pourquoi m’avez-vous délaissé ? De même il voulut que notre bienheureux Père lui fût semblable quant aux douleurs et abandonnements de la mort, l’ayant tant imité en sa vie quant à l’austérité, aux humiliations et au mépris, si bien que quoiqu’il eût tant souffert en tous ces trois mois de sa maladie, si est-ce que tout cela lui était tolérable avec le recours qu’il avait à Dieu, il trouvait la porte ouverte pour sa douce et favorable communication. Mais le dernier jour de sa vie il fut accueilli d’une suite de douleurs spirituelles si sensibles et si véhémentes (outre les corporelles qu’il endurait) accompagnées d’angoisses, d’afflictions, et d’un si grand abandonnement de Dieu, que son corps était comme cloué en une croix, et son esprit tourmenté en une autre, de sorte qu’il semble que notre Seigneur lui ayant communiqué ses vertus en sa vie, lui communiqua aussi ses souffrances et ses peines en sa mort de sa perfection, par une ressemblance est conformité si étroite d’une créature à son créateur.

Et quoi que quand toutes ces maladies il eut toujours caché et dissimulé ses douleurs par une patience si héroïque, si est-ce que celles de cette journée furent si grandes, si violentes, et si intense qu’elles se publiaient d’elles-mêmes, quoiqu’il fit pour les celer et les taire. Le Père Antoine de Jésus son ancien compagnon, qui pour lors était provincial, arriva cette nuit à Ubede, notre Seigneur l’ordonnant ainsi pour la consolation de tous deux. Or quand il entra pour le voir, bien qu’il se réjouit et consola beaucoup d’être avec le malade, si est-ce que notre bienheureux Père était si pressé de douleurs extérieures et intérieures, qu’il ne peut ouvrir la bouche pour lui parler, ni lui faire une démonstration de réjouissance ; et de peur que le Père provincial pensant que ce fut manque d’affection, il lui dit ces paroles : mon Père pardonnez-moi si je ne vous parle pas, car je suis consommé de douleur. Le Père croyant qu’il se consolerait de ce propos, lui dit qu’il se réjouit, d’autant que le temps s’approchait auquel il y jouir du loyer et de la récompense des travaux qu’il avait soufferts en sa compagnie au commencement de cette réforme : mais le malade qui ne pouvait souffrir aucune estime de ses vertus, ni entendre aucune louange de ses œuvres, s’efforça de secouer celle-là, débouchant ses oreilles de ses mains lui dit : Votre référence (mon Père) ne me parle d’autre chose que de mes péchés, car je n’en je m’en souviens bien à présent, et vo que je n’ai que les mérites de Jésus-Christ pour la satisfaction d’iceux. Le Père Augustin de Saint-Joseph le vint voir par après, et voyant que les douleurs le serraient de si près, pensant encore le consoler lui dit que ses amertumes et travaux finiraient bientôt, et que notre Seigneur le récompenserait de tout ce qu’il avait fait et enduré pour son amour. Mais par un même effort il chassa et rejeta cette consolation lui disant : Mon Père ne me dites pas cela, car je vous assure que je n’ai fait aucune œuvre qui ne me reprenne à présent. Il sembla au Père provincial que les religieux ne venaient visiter et secourir le malade qu’avec certaine retenue et limites, soit qu’ils le fissent par ce qu’ils jugeaient que le prieur ne le trouvait pas bon ou bien pour d’autres craintes qui couraient alors, et ainsi il dit avec quelque sentiment : Mes Pères je vous prie ouvrez ses portes, afin que non seulement le couvent, mais encore toute la ville voit le grand trésor qu’elle a ici et le reconnaisse.

Chapitre XXIII. De la précieuse mort de notre bienheureux Père Jean de la Croix, et comme il s’y disposa heureusement.

Notre bienheureux Père voyant que l’heure heureuse de son départ s’approchait, commença de se munir des dispositions nécessaires à ce passage. Et bien quand toute sa vie nous eut donné des exemples admirables de douceur et d’humidité, il voulut les renouveler en ce dernier jour. Il demanda ce même soir le Saint sacrement de l’Eucharistie, et le reçut avec grande dévotion et tendreur [tendreté], demandant pardon à tous les religieux du mauvais exemple qui leur avait donné, et par après il envoya supplier le Père prieur, que pour l’amour de notre Seigneur il prit la peine de le venir voir, puis d’une profonde humilité, comme s’il eût été l’offensé, il le pria instamment de lui pardonner l’ennui et l’incommodité qui lui avait donné, et lui demanda que comme pauvre (puisque notre Seigneur les avait tant recommandés) il lui donnât un habit avec lequel on enterrât son corps, et qu’il procurerait envers sa divine majesté qu’elle secourût ce couvent en toutes ses nécessités pour payement des frais qu’on avait faits en sa considération, et qu’il espérât qu’elle lui accorderait cette demande, de quoi il avait déjà signifié quelque chose en un discours qu’il avait tenu un peu auparavant avec le Père sous prieur, touchant la nécessité et pauvreté de cette maison, lui disant que le temps viendrait auquel elle aurait le nécessaire avec abondance, d’où il colligea qu’il en avait déjà prié notre Seigneur, et qu’il avait des arrhes assurées de l’entérinement de sa requête, comme on a reconnu depuis. Car ce monastère ayant été jusqu’alors si pauvre et si nécessiteux qu’on craignait que cette fondation on ne pût passer plus avant. C’est à présent un des meilleurs couvents et des plus accommodés de cette province. Or le Père prieur fut tellement touché de ses paroles et de l’humble affection de notre bienheureux Père qu’il sortit de sa cellule pleurant à chaudes larmes, et comme revenant d’un sommeil léthargique et mortel (car Dieu avait déjà évoqué la licence qu’il avait donnée au diable pour éprouver la patience son serviteur) il connaissait les manquements de piété qu’il avait commis envers ce portrait et exemplaires des vertus, et sans repentait étant déjà affranchi de la mauvaise affection qu’il avait eue contre lui.

Le médecin le vint par après visiter, et connaissant par le mouvement de son pouls qu’il s’en allait au grand pas à la mort, il lui annonça la nouvelle, laquelle il reçut d’une si grande allégresse, et avec un tel contentement que ce congratulant, et se réjouissant en soi-même de ce bonheur, il dit ce verset du prophète roi : Laetatus sum in hic quae dicta sunt mihi, in ddmum Domini ibimus. Le Père François indigne qui se trouve aussi la cette lui demanda si le grand désir qu’il avait de mourir était afin de que ces travaux prissent fin sur quoi le bienheureux Père comme se souriant de ce que l’on donnait une fin si basse à ses souffrances fit réponse, et donna à entendre que le grand désir qu’il avait devoir Dieu lui faisait trouver les heures longues. Or voyant son lit entouré des religieux, avec cet amour paternel qu’il leur avait toujours porté, il les exhorta brièvement avec des paroles amoureuses et efficaces à l’obéissance des supérieurs, et à l’Observance de la règle primitive, puis leur recommanda la charité des uns envers les autres, et les fit ressouvenir que Dieu les avait mis en son Église pour être prédicateur du bon exemple, et imitateurs de la vie apostolique.

Quelques religieux lui demandèrent au gage de l’amour qu’il leur avait porté, il leur donna quelque chose de celles qui avaient servi à son usage ; à quoi il répondit :" Devez-vous demander cela à un carme Déchaussé ? Ne savez-vous pas que j’ai fait vœu de pauvreté, et que je ne peux disposer d’aucune chose ? Avez-vous en révérend Père prieur à qui cela touche s’il vous l’accorde vous emporterez" » quand et quand ma bénédiction. » Son action ordinaire en toute cette journée quand il n’était pas interrompu des allants et venants, était de tenir les yeux fermés et de vaquer à Dieu intérieurement, et de temps en temps il les souffrait et les jetait amoureusement sur un crucifix qu’il avait auprès de soi, comme faisant offre de ses douleurs à ce Seigneur qu’il aimait tant. Sur les huit heures du soir il demanda l’extrême-onction, laquelle il il reçut avec grande dévotion, répondant comme les autres aux oraisons que le prêtre disait. Le Père provincial et quelque religieux anciens voulaient demeurer avec lui, mais il les pria de s’aller reposer y ayant encore assez de temps.

Le Père Barthélemy de Saint Basile qu’il avait assisté en sa maladie et le Père et le frère François qui devait sonner matines matines demeurèrent avec lui. Or un peu après que les autres Pères furent sortis, il prit son crucifix entre les mains, et continuant dans son repos lui baisait les pieds de temps en temps, lui disant quelques paroles amoureuses. Sur les neuf heures du soir il demanda quelle heure il était, et lui ayant été dit, il répondit : Nous irons dire matines au ciel à douze heures. Environ les onze heures il demeura en oraison avec tant de tranquillité que le frère pensant qu’il allât mourir voulut aller faire le signe accoutumé pour assembler la communauté lorsqu’il faut faire la recommandation de l’âme, et l’ayant entendu il lui dit : Quoi les voulez-vous troubler, ne voyez-vous pas qu’il n’est pas encore temps ? Rapportant cela à ce qu’il avait dit auparavant, à savoir qu’il devait mourir à l’heure de matines.

Une heure devant que de mourir il montra une force et vigueur extraordinaire comme signifiant que ses peines intérieures avaient cessé, lesquelles avaient tenu les actions extérieures comme empêchées, et faisant assez paraître que notre Seigneur l’assistait ouvertement et suavement s’étant auparavant absenté de lui. Puis prenant la corde qui pendait sur son lit il se mit en son séant lui tout seul, encore que tous les autres fois il eût besoin d’aide, et d’un visage joyeux supplia les religieux et d’autres personnes dévotes qui étaient là (ayant su que c’était leur de sa mort) de réciter quelque psaume en la louange de notre Seigneur, et lui ayant été répondu qu’il commençât, il dit le Miserere mei Deus, et continuèrent ainsi alternativement, les assistants disant un verset, et le malade un autre, ayant toujours le visage joyeux et serein, baisant de temps en temps les pieds du crucifix qu’il tenait entre ses mains. Après avoir dit quelques psaumes, il les pria de lui réciter quelque chose du livre des cantiques dont il était fort dévot à cause des matières mystiques et des retours savoureux entre Dieu et les âmes qui y sont contenus ; ils lui en lirent un chapitre dont il témoigna une particulière consolation.

Il avait un grand soin de temps en temps quelle heure il était, et lui ayant été dit qu’il était onze heures e demie, il pria qu’on appelât la communauté. Le Père provincial vint aussitôt avec tous les religieux, et dit au malade que tous désiraient qu’il leur donnât sa bénédiction, et que lorsqu’il se verrait devant Dieu, il les recommandât à sa divine majesté. Il répondit à cela, qu’il s’offrait de les recommander à Dieu, mais pour ce qui était de la bénédiction que c’était son office de la donner comme prélat et Père de toute cette province. Sur quoi les religieux faisant instance et le Père provincial lui ayant enjoint, il leva la main du côté des religieux, et faisant le signe de la Croix sur eux, leur donna la bénédiction avec un grand amour. Les religieux ensuite commencèrent à faire la recommandation de l’âme, et à quelque peu de temps de là, le malade dit au Père Alphonse de la mère de Dieu qui la faisait : Mon Père ne vous lassez point, mais continuez à me recommander à Dieu, j’ai besoin qu’on me laisse un peu en repos. Après lui avoir dit cela, il joignit les mains serrant le crucifix qu’il tenait et ferma les yeux comme une personne qui demeure en oraison.

Peu de temps après, l’horloge sonna douze heures, et le frère François qui veillait à cette heure pour sonner matines, sortit promptement pour aller à la cloche, le malade entendant sonner ouvrit les yeux, et demanda pourquoi l’on sonnait, et lui ayant été répondu que c’était pour aller à matines, il dit : Gloire à Dieu. Puis jetant ses yeux sur tous les assistants comme prenant congé d’eux, il mit sa bouche sur les pieds du crucifix disant ce verset du prophète roi : In manus tuas Domine commendo spiritum meum. Et mourut au même instant comme s’il fut entré dans un doux et agréable sommeil, s’accomplissant en lui ce qu’il a laissé dans un de ses livres, que la mort de ceux qui sont transformés en Dieu n’est pas rigoureuse et amère, mais douce et savoureuse. Cela arriva si promptement que le frère sonnant encore le premier coup de matines (comme il le dit en sa déclaration) on lui vint dire qu’il sonnât à la fin pour un défunt, d’autant que le saint Père Jean de la Croix était décédé, ce qu’il fit. Il mourut à la première heure du samedi le 14 de décembre l’an 1591. Son visage demeura très beau et revêtu d’une blancheur semblable à une splendeur, étant auparavant un peu brun et basané. Ce que les témoins oculaires ont rapporté en leurs déclarations pour une des choses remarquables qui advinrent en sa mort. Et au lieu de donner de l’horreur, comme ont de coutume de faire les autres morts, il donnait de la consolation à ceux qui le regardaient, et l’accompagnaient. Il mourut âgé de 56 [49] ans dont il en avait employé la plus grande partie en religion donnant toujours un très bon exemple à un chacun par sa piété et ses grandes vertus. Bref comme toute sa vie n’avait été qu’une oraison continuelle et communication avec Dieu il rendit aussi son esprit en cette même oraison et quiétude.

Aussitôt qu’il eut rendu son âme à Dieu tous ceux qui se trouvèrent là présents, religieux et séculiers, lui vinrent baiser les pieds et les mains comme à un corps saint, et chacun prenait ce qu’il pouvait attraper de ses habits et des bandes et linges qui avaient servi à ses plaies, jusqu’à prendre pour relique la corde qui pendait sur son lit dont il se servait pour se retourner, et d’autres lui coupaient les cheveux de la couronne. Le Père prieur ramassa quelque chose dont le Père avait eu l’usage pour le diviser et distribuer entre ses amis, et donna sa ceinture à Madame Claire de Benavides pour l’assistance particulière qu’elle lui avait rendue, par laquelle puis après notre Seigneur fit quantité de miracles, et à don Barthélemy d’Ortega son mari il lui donna son bréviaire, lesquels présents furent reçus de ces personnes avec grande estime et vénération, et les conservent encore aujourd’hui avec le même honneur et révérence.





























Deuxième partie : Historia de la Vida y Virtudes del Venerable P. F. Juan de la Cruz




Historia de la Vida y Virtudes del Venerable P. F. Juan de la Cruz

Primer religioso de la reformacion de los descalzos de N. Señora del Carmen con declaracion de los grados de la vida contemplativa por don de N.S. le levanto a una rara perfecion en estado de destierro. Y del singular don que tuvo para enseñar la sabiduria divina que transforma las almas en Dios.

Compuesta por el P.F. Joseph de Jesus Maria Religioso de la misma Orden,

En Bruselas, por Juan de Meerbeeck 1628.

À la Serenisima señora doña Isabel Clara Eugenia Infanta de España etc.




Fortunado Antolin présente la Vida y Virtudes

[Suite de l’Introduction à son édition imprimée ici en petit corps, comme les notes associées dans le fil du texte principal, ici dissociées par identation et sauts de ligne. L’espagnol n’a pu ici être contrôlé très efficacement comme pour le français qui bénéficie du logiciel Antidote.]


II. LA VIDA DE SAN JUAN DE LA CRUZ

La obra

En marzo de 1628 se publicaba en Bruselas la Historia de la vida y virtudes del venerable P. Fray Ivan de la Cruz, primer religioso de la reformación de los descalzos de N. Señora del Carmen. Con declaración de los grados de la vida contemplativa por donde N. S. le levantó a una rara perfección en estado de destierro. Y del singular don que tuvo para enseñar la sabiduría divina que transforma las almas en Dios. Salió de las prensas de Juan de Meerbeeck. Un volumen de xxxii-1014-39 páginas en octavo.

La edición estaba prologada por el P. Crisóstomo Enriquez, cronista de la Orden de San Bemardo, que había recibido de la gobernadora de los Paises Bajos, la Infanta Isabel Clara Eugenia, el mandato de editar la obra de Quiroga. En la presentación hacia un juicio encomiástico de la obra de Quiroga. Los hechos de fray Juan de la Cruz, dice, “no pienso pudieran haber hallado más digno cronista, en quien resplandeciesen en tan alto grado la erudición, la elocuencia, la facilidad de ingenio, la profundidad de doctrina y sobre todo la alteza de espíritu con que pinta el de este glorioso Padre” [pp. iv]. No se le ocultaba al erudito cisterciense que en la obra faltaba un requisito necesaño para la publicación de las obras escritas por religiosos. Tal vez a esto se refiere al decir a la Infanta: “Obra es de V. A. este tratado, pues aun antes de salir a la plaza del mundo la recibió por suya, y es propia obligación el defenderla, pues aunque llena de celestial doctrina, no faltará quien ponga lengua en ella. Con grandes trabajos perfeccionó Dios a este glorioso Padre mientras peregrinó en este destierro, no me admiraré los herede el libro en que se representan» [pp. vvi]. El libro se editaba por mandato de la Archiduquesa. Su protección facilito seguramente la impresión, que hubo de costar bastante, pero no excusó al P. Quiroga de las consecuencias de la violación de los requisitos editoriales. De nada serviría la aprobación de la vida por el Doctor Martin Ramirez, catedrâtico de Prima de la Universidad de Toledo, dada en 1625. El hecho patente era que faltaban las licencias de la Orden. Aunque no sepamos exactamente como llegó a Bélgica el manuscrito ni cuando se comenzó la impresión, ciertamente no fue antes de septiembre de 1627. Apenas vio la luz, la Madre Beatriz de la Concepción, priora de las Carmelitas de Bruselas envió vaños ejemplares al General de la Orden Juan del Espiritu Santo/18. Como es de suponer se vio sorprendido con disgusto al observar la falta de aprobación de la Orden, y el asunto se trató en el Definitorio General. Allí se determinó el examen de la obra, que había faltado antes de la edición. Fueron encargados de hacerlo los PP. Francisco de la Concepción y Antonio del Santisimo Sacramento. El examen de la Vida de fray Juan de la Cruz por Quiroga se había acabado ya el 30 de marzo de 1628. Fue un examen sumamente meticuloso. Citando páginas y lineas los censores denunciaban los juicios del P. Quiroga que no compartían y que abarcaban desde lo teológico y mistico hasta lo conventual y casero.


18 Cf. PIERRE SEROUET, Lettres choisies de Béatrix de la Conception, Paris-Bruges, 1967, p. 324. Escribe a Maria de la Encamacién, religiosa de Consuegra: “Si V. R. quiere podrá pedirle a Nuestro Padre General que yo le he enviado doce que se han impreso aquí”. Carece de data.


He aquí una serie de advertencias. Reprochan a Quiroga hacer autora de la Reforma a la Virgen Maria de la que Santa Teresa sería la sustituta. No están tampoco de acuerdo en que S. Elías profeta recibiese en el Monte Horeb la regla de su vida, ni que la regla primitiva impusiese silencio perpetuo. Le achacan el quitar las imágenes y semejanzas sensibles en la meditación; el desaprobar actos comunes que la Religión había introducido y aprobado y el manifestar su preferencia por la vida carmelitana tal como estaba en los monasterios de las monjas. Hacen notar al historiador algunos deslices en materias históricas, e impugnan algunas afirmaciones referentes a la vida interior de San Juan de la Cruz, tales como cierto don de integridad y la ausencia de pecados veniales de advertencia. Como era de esperar no dejan de notar las quejas de Quiroga sobre la manipulación a que le habían sometido la Vida del Hermano Francisco del Niño Jesús, asunto ignorado en general. El juicio global lo manifiestan diciendo que la obra no se debía leer en las comunidades, pues «desayuda a lo que la Religién tiene asentado en los actos comunes que la Religión profesa»/19.

El juicio nos parece demásiado severo. Algunas de las afirmaciones censuradas corrian impresas desde hacia diez aflos en la Relacién sumaria de la vida del Fray Juan de la Cruz, publicada en 1618, y otras no reflejahan con exactitud la opinión de Quiroga.

Segùn el General Juan del Espiritu Santo el P. José fue convencido de su culpa y castigado severamente segùn las leyes de la Orden/20. Estas imponian a los que editaban libros sin licencia la privacién de oficio y de voz activa y pasiva por dos años. Además se le prohibe escribir más. Había que dar un escarmiento. Quiroga aceptó la sentencia en espiritu de obediencia religiosa. Hasta qué punto llegó su culpabilidad en la publicación de esta vida, depende de una circunstancia que desconocemos. Según afirman las Crónicas de la Orden el libro manuscrito fue llevado a Flandes por un pariente del padre Quiroga/21. Hecho que parece ser cierto/22. ¿Se hizo con co


19 Cf. BNM. ms. 18.197 (7°) fol. 35v.

20 Consta de la carta de Juan del Espiritu Santo a Domingo de Jesùs, francés, Cfr. ms. 6.632, fol. 107v de la BNM.

21 Cf. JOSÉ DE SANTA TERESA, Reforma, L.XVII, cap. 25, n. 7.

22 En carta a Maria de la Encamación le dice Beatriz de la Concepción.Su Alteza los ha hecho imprimir que el buen padre le envié, por via de un deudo suyo a Flandes. Debió ser porque saliese más presto. Cf. SEROUET, P. Lettres choisies de Béatrix de la Conception, p. 324.


nocimiento del P. Quiroga? No se sabe. Una cosa es cierta: que los cronistas han tratado de disculparle.

Los Superiores de España quisieron borrar la mala impresión que una obra del género podia producir, mandando escribir otra vida a Jerónimo de San José. La Vida apareceria en Madrid en 1641, pero antes publica el Dibujo, vida breve de fray Juan de la Cruz, que además de publicarse en 1629, acompañaria a las Obras del Santo de 1630 y demás ediciones españolas durante largo tiempo. No contentos los Superiores Descalzos con impedir su lectura en los conventos de España trabajaron para hacer lo mismo en los conventos de Francia y en la Congregación de Italia. Incluso se pensó en hacer gestiones ante la Corte de España y Bélgica. Si se hicieron, no tuvieron éxito.


Ediciones

Con los antecedentes recordados la obra parecía condenada al fracaso. Sin embargo, esta biografia ha sido de las más editadas y traducidas. La Historia del venerable P. Fray Juan de la Cruz se volvió a editar en español en Bruselas con el mismo formato y caracteristicas que la de 1628 a los cuatro años, en 1632. Poco después, en 1638, fue traducida al italiano y publicada en Brescia por Nicoló Cid. Ese mismo año veia la luz en francés en la versión de Eliseo de San Bernardo, y cuatro años más tarde la volvia a publicar Cipriano de la Natividad en Paris. Ya al tiempo de la primera edición española se estaba traduciendo al latin/24. Aunque esta versión latina no se publicó, si lo fue la version latina del P. Andrés de Santa Maria en Colonia en 1663. Pasando el tiempo incluso en la Congregación española se volvió a imprimir, por mandato de los superiores. La edición preparada por el P. Juan de la Resurrección definidor General, se hizo en Málaga en 1717, en la que se incluía una Noticia sobre Quiroga sumamente laudatoria. Y, lo que es mis significativo, es prácticamente igual en el contenido a la de 1628 /25.


23 Cf. JOSÉ DE SANTA TERESA, Reforma, L.XVII, cap. 25, n. 7: “Aunque no pudo presumir de la virtud humilde del P. Fray José alguna malicia o cautela”. JUAN DE LA RESURRECCIÓN en la Noticia de la edición de Malaga de 1717, n. 16.

24 Escribía Beatriz de la Concepción en la ya citada carta a Maria de la Encamación: Ya esta traducido al latin por el Obispo de Amberes. Cf. SEROUET, P. ob. cit., p. 324.

25 Confrontando la edición de 1717 con la de 1628, y teniendo en cuenta las observaciones que se habían hecho al P. Quiroga se ve que ha pasado por alto muchas cosas. Suprime el [suite en fin du texte principale de la page suivante ci-après :]


La ùltima edición en español es de 1927, publicada en Burgos, por el P. Sabino de Jesús. En ella se retoma la Noticia histórica del P. Juan de la Resurrección. Esta edición carece de la Tabla de los lugares aducidos, y además en la impresión del texto se ha procedido con una cierta libertad, que la hace menos fiable que las otras ediciones en español.


Las fuentes

La biografia sanjuanista de Quiroga tuvo una larga gestación. Probablemente sus comienzos hay que remontarlos a 1597 cuando Quiroga hace su viaje a Andalucia buscando datos historiales entre ellos sobre San Juan de la Cruz. Se conserva una relación autógrafa de Bartolomé de San Basilio, enfermero del Santo en Ubeda, dirigida al P. Quiroga que se hallaba en Granada, dándole noticias de la última enfermedad, muerte y milagros del Santo/26. También sabemos que recibió carta de Alonso de Villalva dándole noticias sobre la vida llevada por Juan de Santo Maria en Salamance. El trece de noviembre de 1607 le escribe también Beatriz de Jesús desde Ocaña comunicándole el caso del éxtasis en el locutorio de la Encarnación conversando allí con Santa Teresa. Esto a petición de Quiroga. La recogida de documentación sanjuanista se iba a incrementar de manera notable con ocasión de los procesos en orden a la beatificación del santo fontivererio. Como es sabido fue el General José de Jesús Maria quien promovió estos procesos en sus cartas de 29 de noviembre de 1613 y especialmente en la de 14 de marzo de 1614 en la que mandaba a los Provinciales proceder a ellos, dando las debidas instrucciones. Los Procesos se llevaron a cabo durante los años 1614-1618, y tuvieron lugar en Medina del Campo, Caravaca, Segovia, Avila, Jaén, Baeza, Ubeda, Alcaudete, Malaga y Beas. Los procesos


[fin de note de la page précédente:] párrafo: “Asimismo... entre sus monjas” de p. 6162, pero ha dejado el pàrrafo sobre la reprobación de Santa Teresa de muchos actos comunes (pp. 81-82). Se halla integro el capitulo segundo del libro segundo del que habían dicho: “Todo et capitulo segundo del libro segundo es menester reformar, porque se opone a todo lo que la Religión tiene asentado”. Deja también el capitulo 12 del que dijeron necesitaba “repararse todo”. Incluso está la queja sobre la manipulación en la Vida del Hno. Francisco del Niño Jesús.

26 Cf. su testimonio en Biblioteca Mistica Carmelitana [BMC1, en Obras de S. Juan de la Cruz, vol. IV, Burgos, 1931, p. 394.

27 Cf. QUIROGA, L.I, cap. 4, p. 32. El P. Alonso de la Madre de Dios (Asturicense) en el proceso de Segovia en 1627 remite a Alonso de Villalba. CF. BMC, 14, 336.

28 Cf. BMC, 13, 360.


hechos ante los Ordinarios fueron enviados a Roma, donde fueron bien recibidos. Años más tarde el dos de febrero de 1627 se otorgaron las Letras Rernisoriales y el Rótulo para proceder a las informaciones Remisoriales. Juan del Espiritu Santo, entonces general de los Descalzos, nombraba en fecha de 27 de mayo los procuradores para el proceso, que tuvo lugar en Jaén, Ubeda, Baeza, Granada, Málaga, Segovia y Medina del Campo entre 1627 y 1628.

La importancia de los procesos para las biografias sanjuanistas salta a la vista, y est bien patente en las biografias de Alonso de la Madre de Dios/29 y Jerónimo de San José/30. Ciertamente que tanto el P. José de Jesús Maria como Alonso de la Madre de Dios no utilizaron las almas informaciones. La vida de Quiroga estaba ya acabada en 1625 y Alonso de la Madre de Dios asegura no haberlas visto/31.

Con todo, la utilización de los procesos por parte de José de Jesùs Maria es cierta. Todavia hoy se conservan en el ms. 12738, fragmentos de los procesos de Baeza, Caravaca y Beas. Y en el ms. 8.568 se contienen «fragmentes historiales para la vida de Ntro. Sto. P. Fr. Juan de la Cruz»/32, que son extractos del proceso informativo de Medina, Segovia, Jaén y Ubeda en sendos cuadernillos. Tanto en un manuscrito como en el otro hay documentación sanjuanista, entre ella cartas dirigidas al P. Quiroga.

Independientemente de los procesos canónicos Quiroga vino a estar en posesión de documentación sanjuanista. El P. Alonso de la Madre de Dios (andaluz) en carta de 1615 le dice al destinataño: «La de V. R. recibi y me huelgo se hagan estas diligencias por mi padre fray Juan de la Cruz, cuya vida y virtudes es admirable. Sobre que yo he dicho ya dos o tres veces y están los papeles en poder del padre fray José, el que imprimió el libro de la castidad, adonde las podrá V. R. padre mie, sacar, que son muy buenos, porque no solamente atestiguan de la vida, que le traté algunos ahos, sino también de su buena muerte y de toda la enfermedad que la precedió, etc.»/33. Por su


29 Cf. ALONSO DE LA MADRE DE DIOS, Vida, virtudes y milagros del Santo Padre Fray Juan de la Cruz, Madrid, 1989, Prólogo, p. 49.

30 Cf. JERÓNIM0 DE SAN JOSÉ, Historia del venerable Padre Fray Juan de la Cruz, Madrid, 1641, Prólogo: “Principalmente me he aprovechado de las informaciones juridicas que por orden de la Sede Apostólica se han hecho para la Beatificación del Venerable Padre”.

31 Cf. ALONSO DE LA MADRE DE DIOS, Vida, Prólogo, p. 40.

32 Cf. Ms. 12.738 de la Biblioteca Nacional, pp. 97-261, 271-353, 361-484.

33 Cf. BMC, 13,417. Sobre haber hecho varias veces investigaciones, véase el testimonio de Catalina de S. Alberto, BMC, 13, 424.


parte Ana de San Alberto en carta de cuatro de noviembre de 1614 a Alonso de Jesús Maria habla de la doctrina de fray Juan sobre la negación propia ahadiendo: «Para que esto se eche de ver, léase un papel que yo envié al P. Fr. José de Jesùs Maria, que le llamaba nuestro padre Fray Juan de la Cruz Subida del monte Carmelo, y allí se verá la doctrina que enseñaba./34. Por lo que dice un poco más adelante sabemos que le envio también las poesias «Adonde te escondiste» y «Por cima de las corrientes de que en Babilonia hallaba»/35. Pero el P. Quiroga no solo recibió información sino que los documentos fueron «acotados, respaldados y resumidos con notas oportunas de el P. José. Fue mérito suyo ordenar una cantidad abrumadora de informaciones, abriendo asi el camino a los historiadores futuros que tanto se beneficiaron de sus trabajos»/36.

El primer fruto de sus conocimientos fue la Relación sumaria publicada con las Obras del Santo en la edición de 1618 y 1619. Pero con mayor razón los utilizó en la edición de 1628. El P. Quiroga ha hecho un uso amplio de los testimonios recogidos privada o públicamente.

En la biografia quiroguiana se hallan citados religiosos, religiosas, seglares, de una manera explicita. Sin pretender ser exhaustivos recordamos a Pedro de San Hilarión (II, 19), Juan de Santa Ana (II, 21), Juan de la Madre de Dios (II, 30), Pedro de la Purificación y Francisco de los Apóstoles (II, 34), Diego de la Concepción (III, ), Bernardo de la Virgen (III, 16), Bartolomé de San Basilio (III, 16), Fernando de la Madre de Dios (III, 16), Baltasar de Jesús (III, 19), Gregorio de San Angelo (III, 19), Alonso de la Madre de Dios (III, 33), Lucas de San José (II, 28), Martin de la Asunción (II, 7), Antonio Sagrameha (III, 34), Juan de Vicutia (II, 14), Juan de la Reina (II, 34). En cuanto a las religiosas Ana Maria de Jesús (I, 20), Isabel de la Encamación (III, 19), Maria de la Encarnación (III, 12), Maria de la Concepción (III, 27), Mariana de Jesús (III, 27). De los seglares recoge las afirmaciones de D. Lope de Molina (III, 37), Doctor Ginés (III, 28), Doctor Freilas (III, III, 37), Doctor Lucas Copedo (III, 29), Pedro Arias (III, 39), Francisco Romero (III, 39), el licenciado Villareal (III, 26), Inés y Catalina de Salazar (III, 18), Clara de Benavides (III, 25), Juana Godinez (III, 28).


34 Cf. Ana de San Alberto, en BMC, 13, 400.

35 Ibidem, p. 401.

36 Cf. EFRÉN DE LA MADRE DE DIOS, San Juan de la Cruz y el misterio de la Santisima Trinidad, Zaragoza, 1947, p. 102.


Otras afirmaciones más vagas se refieren a «algunos compatieros de noviciado y colegio que yo alcancé, personas muy graves» (I, 3), testigos que le oyeron contar la salida de la cárcel (II, 7), «un religioso de aquel tiempo» (I, 3); recuerda a los «solitarios» del Calvario (II, 12), al portero de Baeza (II, 19). En otra ocasión menciona «un confesor» (II, 24), un testigo (II, 23); una religiosa de Segovia (II, 27), un caballero (I, 35).

En realidad Quiroga tenía un sólo ideal en sus obras: servir a la verdad/37. Lo repite en más de una ocasión. Al P. Alonso de la Madre de Dios encargaba consultar al Prior de los Carmelitas Calzados de Segovia sobre detalles de la vida del P. Antonio de Jesús (Heredia) «porque aunque parecen menudencias muchas de estas rosas no hay rosa menuda en materia de verdad, pues es el alma de la historia y no querria que la nuestra llevase falta de. ella ni en una jota»". Por eso no satisfecho con lo que decían las informaciones, todavia buscó noticias más personales. Así, por ejemplo, sobre la vida que hacia de estudiante en Salamanca (I, 3), se preocupó por ver el lugar de la prisión del Santo en Toledo (II, 4), y el corral adonde cayó al escaparse (II, 10), tuvo trazas para hacerse con el original de la carta de Báñez a Santa Teresa sobre el proceder de Angel de San Gabriel, maestro de novicios de Pastrana (I, 18); habló con Doria Clara de Benavides sobre la aparición del Santo al morir (III, 24); leyó también en el libro original la sentencia contra Diego Evangelista (III, 21) etc... Como se ve una documentación abundante, que él utilizó.

En la exposición de la biografia se sirvió de abundante literatura espiritual e histórica. No es muy dificil ver las fuentes a que acudió para componer su obra, fielmente reflejadas en el margen de su biografia.

Hay autores que escribieron de historia eclesiástica general como Baronio (I, 1; I, 7), Sozomeno (I, 1; I, 2), Eusebio (I, 19; I, 42), Paladio (I, 7; I, 10). Los Santos Padres se hallan representados con citas de San Agustin (I, 7; III, 7), San Jerónimo (I, 7; I, 18), San Gregorio Nacianceno (I, 11; I, 18), San Gregorio Magno (I, 4; I, 23), S. Epifanio (I, 1), S. Isidoro (II, 7). Hay autores espirituales como Pacomio (I, 18), S. Juan Climaco (I, 18), Joaquin de Fiore (I, 1), Casiano (I, 7 ; I, 10), Metafrastes (I, 44), Gersón (I, 36), San Bernardo (I, 40), S. Antonino (I, 53), Ricardo de S. Victor (I, 29), Hugo de S. Victor (II, 8), S. Lorenzo Justiniano (I, 14), San Buenaventura (I, 15), S. Al



37 nota 3, p. 32.

38 Cf. Ms. 2 711 de la BNM, fol. 147.


berto Magno (II, 14), Pelbarto (III, 7), S. Vicente Ferrer (1, 11). rambiet) se encuentran citas de Josefo (I, 42), de Filón (I, 7; 1, 19), de Ciceron cul, 8), de Boecio (I, 21). Ha tenido en cuenta las ohms de los carmelitas Paleonidoro (I, 7; I, 11), pero sobre todo las obras de Santa Teresa, de la que cita textos de la Vida, Camino de perficción, Fundaciones, y Moradas (I, 12; 1,i. 1, S; I, 10, etc.), y sobre todo de San Juan de la Cruz tanto de la Subida, coin° de la Llama y Ceintico (I, 13; I, 29; I, 23). Aparecen también citados con frecuencia las obras del Pseudo Dionisio y sobre todo de Santo 'l'omis, sin que se eche de menos el recurso a la Sagrada Escritura para iltistrar la doctrina.


Método

Cualquiera que compare la Vida de San Juan de la Cruz escrita por Quiroga con las preparadas por Alonso de la Madre de Dios y por Jeronimo de san José se da cuenta que aun siendo las tres biografias muy documentadas difieren en la presentación. EI P. Quiroga usó en la composición de esta biografia el mismo método que ha usado antes en la Historia de la Orden, es decir la mezcla del elemento histórico con el espiritual. Era un método de escribir historia que sabla no agradaba a todos, por las advertencias que se le habían hecho a su Historia y por et consiguiente nombramiento de otro historiador general. Pero Quiroga respondió: “Acusanme de que mezclo puntos de oración en los historiales, y aunque esto no es un gran delito en un historiador de religión contemplativa, serálo menos si se anduviere la ocasión en que esto se hace”/49. En el caso de la biografia sanjuanista Quiroga distribuye los datos que tiene de San Juan de la Cruz de manera sistemâtica, segùn la idea que tiene de la vida del Santo, cuya vida es un ejemplo perfecto de la vida contemplativa propia del Carmelita Descalzo. Para Quiroga Dios eligió a San Juan de la Cruz como a un segundo Elías donde plasmar de manera vital el espiritu del Carmelo reformacio. Su vida es, por lo mismo modélica. Al escribir la biografia sanjuanista Quiroga tenia una idea clara de lo que era la vida espiritual, segùn lo había escrito en sus obras, manuscritas todavia, de la Subida del alma a Dios y Entrada al paraiso espiritual. Esa evolución hubo de darse en San Juan de la Cruz, por eso su historia es precisamente la evolución de la vida espiritual en el Santo.

39 Cf. Ms.2.711, de la BNM, fol. 231v.


Por otra parte Quiroga estaba convencido del carácter autobiográfico de los escritos sanjuanistas y se sirvió de ellos para ilustrar la vida interior de fray Juan. Por eso se preocupó de establecer, dentro de lo posible, los tiempos en que tuvieron lugar en su alma el desposorio y el matrimonio espiritual con la manifestación de las virtudes correspondientes. Ciertamente él reconocià la dificultad de la empresa y la necesidad de depender del testimonio de los testigos. Escribe: «Como nuestro venerable Padre fue tan cuidadoso en encubrir las mercedes que Nuestro Señor le hacia, aunque tengamos noticia en sus escritos de algunas, no la tenemos del tiempo en que las recibió, ni de otras circunstancias que las acompatiaban. Y asi hemos de sacar lo uno y lo otro de lo que en las informaciones que se hicieron para su beatificación dicen los testigos haber oido a él mismo o visto en sus acciones el tiempo que le trataron»/40. Como es sabido en la vida espiritual se recorren los tres estadios de vía purgativa, vía iluminativa y vía unitiva. Quiroga dedicará un capitulo a tratar de «c6mo iba Nuestro Setior perfeccionando el espiritu de Nuestro Santo Padre despojándole de las ropas del hombre viejo para vestirle de sus resplandores»/41. Se trata del crisol de la parte sensible, de la parte espiritual y de lo supremo del espiritù. Al despojo y purificación sigue la unión divina. El desposorio espiritual piensa lo tuvo el Santo estando en el Galvano, basándose en los testimonios de las monjas de Beas. El matrimonio espiritual lo pone en Segovia “segùn muchos indicios que refieren los testigos en sus informaciones”. Un poco arriesgado era tratar de describir el desarrollo de la vida espiritual del Santo. Con todo esta tentativa ha sido justamente valorada.

Hasta qué punto el aspecto espiritual privaba sobre el meramente historico aparece de la simple comprobación de este dato. San Juan de la Cruz no aparece en el capitulo de Lisboa, del que no habla, poniendo en Patrana la elección del P. Doria en provincial de la Descalcez/42. La vida de Quiroga se muestra sumamente deferente con los adversarios del Santo. Tanto de los Calzados, como de los Descalzos. En vano se buscará en Quiroga el nombre del prior de Ubeda, que trató con tanta sequedad al Santo en su enfermedad, al tratar de ella, y lo mismo se diga del P. Diego Evangelista, autor


40 Cf. QUIROGA, Historia, L.I1, cap. 15, p. 560.

41 Cf. QUIROGA, Historia, L.I, cap. 12.

42 Cf. QUIROGA, Historia, L.III, cap. 3.


del infame proceso contra el Santo. Esta misma reserva notamos sobre el proceder del P. Nicolás en esa ocasión, a quien trata de excusar completamente.


Influjo

Es natural que una vida con tantas ediciones y traducciones dejara sentir su influjo. No podriamos recordar, ni es tampoco nuestra intención, todos los autores que citan a Quiroga al tratar de San Juan de la Cruz. Baste mencionar al P. José de Santa Teresa, quien en su obra Resunta de la vida de N. Bienaventurado P. San Juan de la Cruz, Madrid, 1675, p. 137 después de recordar las vidas de Quiroga, Alonso y Jerónimo de San José y otros dice: «De estos originales y otros compendios que se han impreso en Flandes y España se ha formado la presente». Influjo, pero un tanto vago. Lo mismo repite en su obra Flores del Carmelo, Madrid, 1678, p. 606. Un influjo màs directo se observa en la obra del P. Eustachio de Santa Maria, Breve raguaglio della cita, virtù e miracoli del nostro Beato Padre Giovanni della Croce, Roma, 1716 donde remite varias veces a la vida del P. Quiroga. El P. Silverio de Santa Teresa al escribir el tomo Quinto de la Historia del Carmen Descalzo, Burgos, 1936 cita varias veces a Quiroga (cf. p. 5, 95, 110, 117, 131, etc.). Por su parte el P. Bruno de Jesùs Maria en su Saint Jean de la Croix, Paris, 1929, remite frecuentemente al testimonio del P. Quiroga. También el P. P. Crisógono de Jesús en la biografia sanjuanista publicada en Madrid, en 1946 no sólo al tratar de las biografias coloca entre ellas la de Quiroga sino que vemos también remitir a Quiroga en varias ocasiones (cf. cap. 1, nota 2; cap. 2, nota 7, etc.). El influjo de Quiroga se nota ya en la vida del P. Alonso de la Madre de Dios, que no duda a veces copiar literalmente, párrafos de Quiroga. Cf. L. I, cap. 3, 4, 12, 13, 18, 19, etc. en nuestra edición, Madrid, 1989.

Algunos juicios

Antes de acabar la presentación de la Vida de Quiroga queremos recordar algunos juicios sobre ella.

Seguramente el màs antiguo es el de Jerónimo de San José, quien preguntado por Domingo de Jesús sobre este tema le respondia: «Dictio eius facilis, stilus mediocris, ordo suboscurus, rerum delectus, examen ac iudicium, seu quod historici aiunt, crisis baud omnino exacta. At non ideo omnia ibi contemnenda. Nec quia dissidia aliqua inter nostros olim admissa refert, ideo damnamdus»/43. Años después el historiador José de Santa Teresa escribía: “Trabajó la historia de su santa vida con tan acertado estilo y disposición que pudiera honrarse el Santo con tal escritor, si fuera capaz de ello»/44. Al publicar en 1717 el P. Juan de la Resurrección la nueva edición de la vida escribía: «Muchos han escrito la vida de mi santo Padre. Pero ninguno excede la que ahora se repite a la prensa. Todos historiaron sus virtudes sin extenderse a la explicación de la mistica enseñanza; la doctrina que se halla extensa en sus libros nos la explica Nuestro autor practicada, discurriendo del Santo la vida»/45. El P. Silverio de Santa Teresa dice por su parte: «Salió a luz su Historia del Santo en Bruselas (1628) admirablemente escrita, sobre todo por lo que hace a su vida interior y a los estados misticos de aquella alma privilegiada. Nadie hasta el presente ha estudiado mejor que el P. José este irnportantisimo aspecto del gran Doctor de la Iglesia»/46. De fuera de la Orden recordamos este juicio de L. COGNET, «Même à cette date, Jean de la Croix garde des interprètes plus fidèles. L’un des plus attachants est certainement Joseph de Jesus Marie Quiroga, auteur d’une Histoire de la vie et des vertus du vénérable Père Jean de la Croix, parue a Bruxelles en 1628, qui constitue la première biographie du saint et est extrêmement précieuse.»/47.


43 Carta de Jersónirno de San José a Domingo de Jesús, en ms. 6 632 de la BNM, fol. 92.

44 Cf. JOSÉ DE SANTA TERESA, Reforma, L. XVII, c. 25, n. 7.

45 Cf. JUAN DE LA RFSURRECCION, en la Noticia de la edición de la vida de Quiroga de 1717 en Málaga, n. 13.

46 Cf. SILVERIO DE SANTA TERESA, Historia del Carmen Descalzo en España, Portugal y Améeica, vol. I. Burgos, 1935, p. xxxv.

47 COGNET, L., Histoire de la spiritualité chrétienne. La spiritualité moderne, Paris, 1966, cap. 5, p. 184.


BIBLIOGRAFÍA

Para quienes deseen conocer mejor al P. Quiroga ofrecemos esta bibliografia selecta.

FLORENCIO DEL NIÑ0 JESÚS, El padre José de Jesùs Maria (Quiroga) (1562-1629 en Mensajero de Santa Teresa y San Juan de la Cruz 7 (1929) 306-308.

El P. José de Jesùs Maria (Quiroga) en Archivo Carmelitano 1 (1931) 5674.

JOSÉ DE SANTA TERESA, Reforma de los Descalzos de Nuestra Señora del Carmen de la Primitiva Observancia, vol. IV. Madrid, 1684, L.XVII, cap. 25.

JOSÉ MARIA DE LA CRUZ, El P. Quiroga. Una vida, una obra, un proceso. En Monte Carmelo 63 (1955) 257-286.

OTILIO DEL NIñO JESÚS, Un mariólogo español del siglo XVII. R. P. José de Jesùs Maria (Quiroga), en Revista Española de Teologia 1 (1940-1941) 1021-1056.

Un libro mariano inédito del P. José Jesùs Maria (Quiroga) en El Monte Carmelo, 48 (1944) 1829, 111116.

Maria medianera. La mediacion universal de Mana en el P. José de fessas Maria (Quiroga), en El Monte Carmelo 65 (1957) 170-223.

SILVERIO DE SANTA TERESA, Historia del Carmen Descalzo en España, Portugal y América, vol. 9, Burgos, 1940, cap. 17.

FORTUNATO DE JESÚS SACRAMENTADO, El P. José de Jesùs Maria y su herencia literaria, Burgos, 1971, donde se encontrará bibliografia más amplia.

ANTOLIN, F., Aproximación a las biografias sanjuanistas en Teresianum 41 (1990) 473-514.


La edición

La edición que ofrecemos a los lectores no es critica en la presentación del texto. Ciertamente se publica integra, sin recortes de ninguna clase, lo que nos permite captar fielmente su pensamiento. Hemos conservado también generalmente la distribución del material en cuanto a los párrafos. Hemos mudado la ortografia para hacerla más asequible. Ponemos a pie de página las notas que en la edición de 1628 se ponen en los márgenes laterales. Los nùmeros con que el P. Quiroga remitia a la Tabla de lugares los hemos copiado con caracteres especiales en los márgenes laterales de las páginas. En cuanto a las notas de San Juan de la Cruz citadas con cierta vaguedad las hemos controlado remitiendo al Cántico A que usó el autor.

Queremos acabar dando las gracias a la Junta de Castilla y León por la publicación de esta vida, asi como al Centro Intemacional Teresiano-Sanjuanista de Avila que nos pidió este servicio como homenaje a San Juan de la Cruz en el IV Centenaño de su muerte.

Avila 14 de marzo de 1990.

FORTUNATO ANTOLîN



Un choix de chapitres du Libro primero

Il s’agit de quatorze chapitres « dispersés » n° 4 9 10 12 15 17 25 30 31 32 34 36 46 48. Ce choix a été établi à ma première lecture de ce qui se révèle le plus long des trois livres de « Vida y virtudes » qui couvre quelques 57 chapitres sur un total de 131 chapitres.

Certains de ces derniers manquent d’une description d’événements qui puisse soutenir l’intérêt du lecteur. Parfois Quiroga frôle l’hagiographie, car il privilégie le vertus comme signes de l’orientation toute spirituelle de son Maître.

Un choix était donc non seulement suggéré par le travail requis par l’édition aux 618 pages dense d’Antolín mais nécessaire. J’utilise le petit corps pour ces chapitres dispersés.

Cap. 4. Como fue a estudiar al colegio de su Orden de Salamanca, cuán ejemplar fue allí su vida y cuán frecuente su oración.

Desde este tiempo hasta que nuestro Venerable Padre fue a Salamanca no hallo escrito nada de la vida que hizo, si no que siempre se iba mejorando, y que conociendo los prelados su ingenio tan acompariado de virtudes, y pareciéndoles que era sujeto de grandes esperanzas, le enviaron a estudiar al colegio de su Orden de Salamanca. De la vida que en él hacia, dicen cosas de muy grau ejemplo algunos de sus condiscipulos, Padres graves de su Orden, a quien yo comuniqué para estas noticias. Los cuales, como testigos de vista, refieren que era mozo en la edad, pero lleno de canas en el reposo, en la prudencia y en toda la buena disciplina religiosa, en la vida tan inculpable que nunca se halló en él qué reprender, sino era el rigor con que se trataba y las muchas penitencias que hacia, en lo cual le daban larga mano los prelados por conocer de sus fuerzas que podia llevarlas, y de su espiritu que las pedia. Sus ayunos eran casi ordinaños, particularmente los de la Regla, que son la mayor parte del año; sus disciplinas muy continuas y rigurosas, hasta sacar con ellas mucha sangre; los cilicios asperisimos, y entre otros usaba un jubón hecho de esparto afiudado a manera de las redes que suelen poner en las ventanas de los gallíneros, aunque eran los nudos más espesos y unos zaragüelles de lo mismo. Todo lo cual traia a raiz de la carne, y con ser penitencia tan rara y hallada pocas veces aun en los grandes penitentes antiguos, a él le parecia que traia muy regalada su carne.

La celda en que vivía era estrecha y oscura, tan apetecida de él cuanto desechaba de otros por ser muy a su propósito, asi por la representación de pobreza y penitencia, que tan bien asentaba en su espiritu, como por una ventanilla que tenía con una vidriera que salia hacia el Santisimo Sacramento, desde donde gozaba el espiritu con anchura de las cosas del cielo, aunque el cuerpo estaba en lugar tan estrecho. Y para poder estudiar las horas que la obediencia ordenaba, tenía hecho un agujero en el tejado que cala sobre la mesilla donde estaban sus libros. Y con tanta luz espiritual como Dios allí le daba echaba poco menos la que le faltaba del sol visible, contentándose con sola la suficiente para cumplir la obligación de los estudios. Su cama era a manera de un cuezo algo más largo que los que suelen hacer para amasar yeso, en cuya cabecera estaba clavado un madero en hueco que hacia oficio de almohada, y aqui dormia sin colch6n, que por ser forma de sepultura que representaba la muerte muy al vivo debía de agradarle más que la tabla rasa.

Era grande su silencio, al cual sólo la obediencia o conocida necesidad interrumpia y tan ejemplar su recogimiento que cuando no estaba en su celdilla era serial que había acto de comunidad a que asistiese, porque para solos éstos salia de ella. Lo que en este tiempo más le molestaba, era no poder esconder todas sus penitencias de sus compaiieros, porque aunque él lo procuraba, no podia tanto encubrirlas por ser cosas exteriores que una vez o otra no se trasluciesen. Y esto y que le tuviesen en más opinión de virtuoso que la ordinaria, le daba notable pena; aunque no era sin provecho de sus comparieros, que por su ejemplo andaban fervorosos en el cumplimiento de sus obligaciones, y después les lucia la virtud que allí habían adquirido, porque algunos de ellos ayudaron mucho a su Religión, asi siendo súbditos como prelados. Con todo eso, para soltar Fray Juan de la Cruz más la rienda a la fuerza de su espiritu solitario y ser menos notado en sus obras, deseaba pasarse a la Cartuja, cuando hubiese acabado sus estudios.

Procuraba de tal manera acomodarlos al fin que sus prelados pretendian, que era a que ayudase con ellos a las almas, que en primer lugar cuidaba del estudio que había menester la suya, gastando algunos ratos en leer libros espirituales donde su alma hallase pasto saludable. Y como leia en los autores andguos que tratan de la vida perfecta y alentada de nuestros monjes solitaños, que su continuo ejercicio era la contemplación divina, y por eso los llamaban por excelencia contemplativos, y que a esto mismo se ordenaba el fin principal de la regla primitiva, mezclaba entre las materias escolásticas que estudiaba, particular lección de autores misticos, particularmente de san Dionisio y de san Gregorio, para sacar de ellos la sustancia de la contemplación, en que por blanco de su instituto debía ejercitarse, y hallaba tan encontradas la doctrina Antigua de estos y otros Santos que la Iglesia de Cristo tiene como por lumbreras clarisimas de sus verdades, y las opinions nuevas que en rnateria de oración mental conian en este tiempo, que gast6 mucho en averiguarlas para sacar en limpio la esencia verdadera de la contemplación provechosa, que era como fundamento de la vida que profesaba. Y hallaba poca resolucién de esto en las personas espirituales que comunicaba, por estar ya muy desusada la verdadera contemplación que ensefiaron los Santos, por otros modos nuevos de orar que maestros modernos habían introducido, fundados más en artificio humano que en los recibos de la operacién divina, sobre lo cual y cuánto le lastimaba hizo el Venerable Padre un excelente discurso. Y como queria Nuestro Señor que fuese maestro de la verdadera comunicación divina y que resucitase en nuestro siglo la contemplación endiosada ejercitada por nuestros mayores en los siglos antiguos, poniale un gran deseo de inquirirla en los Santos y experimentarla en si mismo.

Andando con este cuidado, como estudiaba por santo Tomás las lecciones que oia en escuelas, llegó a aquel lugar de la primera parte de sus obras donde dice el Angélico Doctor que como es imposible que un mismo cuerpo sea en mismo tiempo figurado con diversas figuras, asi lo es también que un mismo entendimiento sea informado de diferentes formas y semejanzas en un mismo tiempo/1. Alegróse mucho con este lugar del Principe de la Teologia Escolástica, que pone las verdades de ella en regla filine; y de aqui se acabó de persuadir lo que hallaba en los grandes maestros de la Teologia Mistica, que para los recibos de la influencia divina sobrenatural a que la contemplación se ordena, se han de dejar todas las semejanzas del conocimiento natural; y a esto mismo le inclinaba también la misma influencia divina en la oración. Confirmóse más en esto con lo que dice san Gregorio, que la influencia de la luz divina no se compadece con las semejanzas de las cosas corporales/2. Y asi, dejando opiniones nuevas de artificios humanos, hizo asiento, como en doctrina apostólica, en lo que dice san Dionisio y santo Tomás declarándole, que el conocimiento de las cosas divinas para participar de chias no ha de ser por medio de semejanzas de las cosas que conocemos, sino por luz de fe en negación de todas esas semejanzas/3. Y de esta manera ejercitó en quietud de ánimo la divina contemplación de allí adelante, y se dispuso para recibir de Dios altisimos dones de perfección y sabiduria divina que comunicó después a otros. Y como la suavidad espirituai de estos recibos divinos abundaba en su alma, andaba en el colegio tan abstraido de todas las cosas de la tierra, que no parecia que vivía en ella, y podia decir con el Apóstol, que su comunicación era en el cielo. Y asi le miraban sus condiscipulos como a hombre muy ilustrado y favorecido de Dios. Porque aunque él procuraba mucho encubrir sus ganancias interiores, sus virtudes exteriores las estaban publicando.


/1 S. TH., /, q. 8, a. 4.

/2 S. GREGORIUS MAGNUS, Liber I, hom, 17 super Ezechielem adrinem.

/3 Ps. D1ONYSIUS, De DN, cap. 2, S. 4. Para las citas del Pseudo Dionisio usamos estas siglas: DN De divine nominibus ; CH De celesti Hierarchia ; EH= De Ecclesiastica hierarchia ; MT= De mystica Theología.

[…]

Cap. 9. De la fundación del Monasterio de Duruelo, principio de los Descalzos de Nuestra Señora del Carmen, cuyo primer habitador fue el padre Fray juan de la Cruz.

Cuando fue tiempo de partir nuestra madre santa Teresa de Medina a la fundacién de Valladolid, descubrió al padre Fray Juan de la Cruz la revelación que había tenido de Nuestro Setior acerca de la elección que había hecho de él para que fuese el primero que se descalzase y diese principio a la vida primitiva del nuevo monasterio, y que, para que esto se pudiese hacer convenientemente y sin estorbo del padre Fray Antonio de Heredia, había pensado llevarle consigo a Valladolid con ocasión que viese la vida que ella y sus monjas hacian/1, para tomar de ella Io que le pareciese, y que desde Valladolid, alcanzadas las licencias de los dos Provinciales y del Obispo, se iria derecho a Duruelo sin tocar en Medina. El Padre Fray Juan de la Cruz, dando crédito a un espiritu tan ilustrado de Dios, y de persona escogida de él para dar estos medios de la refonnación de su Orden y ejecutarlos, se sujetó a seguir su parecer en todo, y asi se dispuso para acompafiarla. De este acto que se celebré entre las dos columnas del nuevo Carmelo, tenemos noticia milagrosa (demás de la historia) en las informaciones que se hicieron en el tribunal episcopal de Jaén donde viene verificado que, entre las demis apariciones que alti se vieron en la came de nuestro Venerable Padre, de que hicimos mención en otra parte, estaba en una figurada perfectamente nuestra santa Madre y junto a ella el padre Fray Juan de la Cruz, y sobre las cabezas de entrambos estaba el Espiritu Santo en figura de paloma blanca, y el Venerable Padre tenía indinada la cabeza hacia santa Teresa, como obedeciendo lo que de parte de Dios le proponia. En todo lo cual ya se ve, cuán milagrosamente est figurado lo que de este acto queda referido.

Abreviando la Santa las cosas que la detenían en Medina, partió a Valladolid, acompafiada del Venerable Padre; del cual y de su espiritu estaba tan pagada que ponderaba a sus monjas que pudiera decir de él lo que Dios había dicho de David: Que había hallado un hombre conforme a su corazón y hecho a su voluntad y asi se consolaba mucho de comunicarle. Para lo cual tuvo mucha ocasión en esta jomada, como ella lo dice por estas palabras: « Como en esta fundación de Valladolid estuvimos algunos días con oficiales sin clausura para recoger la casa, había lugar para informar al P. Fray Juan de la Cruz de toda nuestra manera de proceder para que llevase bien entendidas todas las cosas»/2. Pues en estos largos ratos no sólo platicaba con él las cosas que ella y sus monjas habían abrazado de rigor y perfección, más también lo que había entendido de Dios del fin que Su Majestad tenía en esta Reformación, que era (como la misma Santa lo tocó en algunas partes de sus libros) resucitar en nuestro siglo la vida primitiva retirada y fervorosa, que nuestros mayores habían hecho en los siglos antiguos con tan gran hermosura y utilidad de toda la Iglesia, imitando desde la tierra la vida y contemplación de los ángeles. Y lo mismo que ella sentia en esto había Nuestro Serior asentado en el espiritu del Venerable Padre. Y mientras que se sacaban todas las licencias le hizo nuestra santa Madre hábito de Descalzo para que entrase en Duruelo a modo primitivo, pues lo había de ser la vida según Nuestro Serior lo tenía ordenado.

Alcanzadas ya las licencias con buena diligencia de nuestra madre santa Teresa, asi la de los Provinciales (a quien la del General venia subordinada), como también la del Obispo, partió a Duruelo el padre Fray Juan de la Cruz, con orden de nuestra santa Madre que no entrase en Medina del Campo; y llevó consigo un padre de su Orden y de buenos deseos, llamado Fray José de Cristo, para que le ayudase en la nueva vida; y entre los dos Ilevaban algunas cosas de casa pobre que nuestra santa Madre les había dado. Y usando ya el padre Fray Juan de la Cruz de las licencias que llevaba de sus prelados, se descalz6 de pie y pierna y se vistié un hábito grosero y penitente, con que se puso en figura de primitivo. Avisé luego de su ida al padre Fray Antonio de Heredia, el cual no pudo salir tan presto de Medina, porque como hombre que daba buena cuenta de si en todo lo que tenía a su cargo, estaba aguardando al padre Provincial que viniese a visitar el monasterio de santa Ana de Medina, donde era prior entonces, y hasta que viniese no podia ir a Duruelo. Lo cual ordenó también Nuestro Serior para que con esto se encaminase suavemente lo que Su Majestad tenía determinado que el padre Fray Juan de la Cruz fuese el primero que subiese al muro primitivo y asentase en él la bandera reformada.

Llegados los dos religiosos a Duruelo trataron de aliriar la casa y lo que de ella había de ser iglesia y coro, y comenzaron a hacer una vida nueva,

/1 S. TERESA, Fundaciones. 12. Asi la cita de Quiroga. Parece se trata de 10, 4.

/2 Cf. la nota anterior.

imitadora de la antigua, según lo que en Valladolid se había tratado con nuestra santa Madre y segùn el concepto que el padre Fray Juan de la Cruz había hecho de ella, sacado de nuestra Regla y de los autores antiguos, acomodándola al fin principal que la regla mira. Decían sus maitines rezados a media noche con devoción y buena pausa, y después se recogian a sus celdillas, donde oraban o reposaban seer' su devoción o la necesidad lo pedian. A la mafiana tenían su oración de comunidad, y después de ella decían las cuatro horas menores, según la observancia antigua, y lo que conforme a ella había asentado en sus monasterios nuestra santa Madre. Después de las horas decía misa el padre Fray José de Cristo3, porque el padre Fray Juan de la Cruz aCin no era sacerdote. Y todo lo demás de la mariana gastaban en las celdas en oración y meditación de la ley del Serior, como manda la Regla. Cumpliendo también en esto lo que manda la constitución antigua, enviada por el ángel a san Pacomio, de que se hizo ya memoria, la cual ordena de esta manera el tiempo de la mariana. A este modo acomodaban también el tiempo de la tarde después de dichas visperas hasta la hora de la tarde que habían de tener oración en comtln. Después de colación decían completas y se recogian a las celdas, donde rezaban sus devociones y tenían oración en particular, como disposición devota del suerio que tomaban para levantarse a maitines. Y esta fue la vida de Duruelo en todos aquellos dias que el padre Fray Antonio se detuvo en salir de Medina, aunque no pusieron el Santisimo Sacramento, aguardando que él lo pusiese como prelado de la casa.

Después que el padre Provincial llegó a Medina e hizo allí su visita renunció el P. Fray Antonio el oficio de prior y la Regla mitigada y profesó la primitiva en manos de su provincial, y tomando hábito de Descalzo como su compariero partió al nuevo monasterio lleno de gozo, llevando consigo algunas pobres alhajas, y llegó a Duruelo a veinte y ocho dias del mes de noviembre de mil y quinientos y sesenta y ocho, adonde fue alegremente recibido de los que allí le aguardaban. En aquel dia y en el siguiente aliriaron devotamente la iglesia para poner en ella el Santisimo Sacramento el dia del glorioso Apóstol san Andrés, que es a treinta de noviembre, en cuya fiesta cayó aquel año la primera Dominica de Adviento, y asi se hizo con mayor solemnidad espiritual que adorno suntuoso de cosas materiales. Pusieron por nombre al nuevo monasterio nuestra Seriora del Monte Carmelo a imitación del antiguo de Palestina, cuya perfección se pretendia resucitar juntamente con el nombre. Celebrada la fiesta y acabada la misa, renunció el padre Fray Juan de la Cruz la regla mitigada y profesó la primitiva. Y desde este dia se cuenta la fundación de este monasterio, cuando se puso en él el Santisimo Sacramento, y no desde el dia que se hizo en él vida primitiva.

La que se había hecho hasta entonces de vida común, consultada con nuestra madre santa Teresa, a imitación de la antigua, y de la que ella había asentado entre sus monjas, la alter6 luego el padre Fray Antonio de Jestls (que asi se llam6 de allí adelante) y tenía la autoridad de prelaclo, para lo cual le movieron dos razones entre otras, La primera por no exasperar tan a los principios a los padres Calzados, con ver que se apartaba tanto de ellos en la vida comiln no contraria a la regla. Y la segunda, porque como entonces no estaba tan conocido el espiritu ilustrado de nuestra santa Madre, temió que había de ser mal recibido en la Provincia, que en cosa tan grave como asentar vida religiosa se gobernase por una mujer y no por lo que habían ordenado capitulos generales de la Orden. Y asi asentó en Duruelo los mismos actos comunes en que se había criado, vistiéndolos en lo demis de vida más reforrnada y mis conforme a la Regla. Y el padre Fray Juan de la Cruz sujetó su sentimiento al que conoció en su compariero, aunque el suyo quedó siempre en los deseos, y lo ejecutaba cuanto podia en su persona, donde Dios había impreso la verdadera forma de la vida primitiva, que en todos los siglos de nuestra Religión hizo tantos y tan grandes Santos, como en el primer tomo de nuestra Historia General verificamos. Comenzaron luego a pedir el hábito algunos que Dios movía para esto con tan gran fervor como había menester la aspereza de vida que allí se abraz6, de manera que en poco tiempo pudo haber comunidad formada.

/3 Ya hemos indicado la falta de exactitud, Cf. cap. 6, nota 1. Además José de Cristo no era sacerdote sino diácono. Vf. Fundaciones, 14, 7. El que no cambió hábito fue el P. Lucas de Celis.

Cap. 10. Donde se describe el edificio y adorno del monasterio de Duruelo, planta fundamental del Carmelo renovado.

Para describir este solar de primitivos y la vida que hacian los primeros habitadores de él, es a propósito lo que dice nuestra madre santa Teresa por estas palabras: « El primer domingo de Adviento de este agio de sesenta y ocho se dijo la primera misa en aquel portalico de Belén, que no me parece era mejor. La Cuaresma adelante, viniendo a la fundación de Toledo me vine por allf. Llegué una maitana y como entré en la iglesia quedé espantada de ver el espfritu que el Serlor había puesto allf. Y no era yo sola, que dos mercaderes que habían venido de Medina hasta allf conmigo, que eran amies, no hacfan otra cosa sino llorar. Tenta tantas cruces, tantas calaveras... Nunca se me olvida una cruz pequefia que tenta para el agua bendita, que estaba en ella pegada una imagen de papel con un Cristo, que parecta ponta más devoción que si fuera cosa más bien labrada. El corn era el desvdn que por mitad estaba en lo alto que podian decir las boras; más habfanse de bajar mucho para entrar y para otr misa. Tenfan allía los dos rincones hacia la iglesia dos ermitillas, adonde no podian estar sino sentados o echados, llenas de heno, porque el lugar era muy frfo; y el tejado casi les daba en la cabeza, con dos yentanillas al altar y dos piedras por cabeceras y alti sus calaveras y cruces.

Supe que después que acababan maitines hasta prima no se tornaban a ir sino allf se estaban en oración, que la tenfan muy grande, y les acaecfa ir con harta nieve los h ábitos cuando iba a prima sin haberlo sentido. Decfan sus boras con otro padre del Paiio que se fue a estar con ellos, aunque no mudó hábito, porque era muy enfermo, y otro fraile mancebo que no era ordenado, que también estaba allf. En tan poco tiempo era tanto el crédito que tenfan que a mf me hizo grandfsimo consuelo cuando lo supe. 'ban a predicar a muchos lugares que estaban por allf comarcanos sin ninguna doctrina; y con ir legua y media y dos leguas descalzos, que entonces no trafan alpargatas, que después se las mandaron poner, y con harta nieve y frfo, después de haber predicado y confesado, se tornaban a corner a su casa bien tarde, y con el contento todo se les hacta poco »/1

Esta es la descripción que hace nuestra gloriosa Madre del nuevo monasterio y de sus habitadores, y como entre ella y el padre Fray Juan de la Cruz habían tratado tan de propósito de la vida que se había de asentar en el nuevo monasterio, acomodándola principalmente a los ejercicios de la vida contemplativa de nuestros mayores y vio que se abrazaba tanto de la activa que había de ocupar la mayor parte del tiempo del dia y de la noche, estrarióla mucho; y aunque mostré la novedad que le hacia, no la contradijo, antes hablando con veneración de lo que hacian, alabó su fervor, aunque rogándoles que moderasen mucho de lo que habían tomado de peso, para que lo pudiesen llevar los hombres flacos, pues en la vida comün no podian ser todos gigantes. Y no fue la vicia penitente y áspera la que extranó, pues la misma había abrazado ella entre sus monjas y la persuade en muchos lugares de sus libros, a imitación de nuestros monjes antiguos, sino que por haber abrazado tantos actos de ocupaciones ajenas, se había de faltar después a la del fin principal que Dios queria resucitar en esta Refonnacién, que era la contemplación divina, que pedia no sólo tiempo, más también ánimos no ahogados con muchas ocupaciones, y cuerpos no moliclos con el trabajo de ellas. Porque con ser tan pocos los religiosos que había entonces, cantaban todo el oficio divino, aunque fuesen ferias, y abundaba tanto el fervor que todo lo que veian loable de actos comunes en las otras Religiones, que profesan diferentes reglas y para cliferentes ejercicios, lo abrazaban.

Esto que tan a los principios temió nuestra gloriosa Madre, vio después de algunos años que se iba cumpliendo, y que por embarazarse mucho con las ocupaciones ajenas se faltaba a la propia; y asi lo decía algunas veces, y en uno de sus libros lo significó, aunque con su modestia acostumbracla, por estas palabras: Aunque todos los que traemos este hábito sagrado del Carmen somos llamados a la oración y contemplación, porque éste lue nuestro principio, de esta casta venimos de aquellos santon padres del monte Carmelo, que en tan gran soledad y en tan gran desprecto del /'ulula buscaban este tesoro, esta preciosa margarita de que hablamos. Con todo eso, pocos nos disponemos para que nos la descubra el Señor»/2 Esto dice nuestra maestra, y experimentánclose en la Religión que no se compaclecian con el ejercicio quieto y abstraido de la contemplación clivina y vida angélica tantas ocupaciones ajenas para que Dios tenía ya otras Religiones en su Iglesia, las fue moderando, particularmente lo mucho que se cantaba del oficio divino y

/1 S. TERESA, Fundaciones, 14, 6. Quiroga pone el cap. 13.

/2 S. TERESA, Mor. V, 1, 2.

las ocupaciones ordenadas al bien de los fieles fuera de nuestros conventos en que se ejercitan con tan gran provecho otras Religiones dedicadas a esto. Todo lo cual es tan conforme a lo que Dios quiere de nosotros que cuando nuestros mayores se ocupaban mucho en otras ocupaciones, aunque fuesen del culto exterior de Dios, enviaba Su Majestad ángeles que lo moderasen. Y la causa que daban de esta moderación era para que cumpliesen lo que manda la Regla de estar de dia y de noche en contemplación en sus celdas; de lo cual hallamos gravisimos ejemplos en los autores antiguos de la Iglesia/3.

Volviendo, pues, a nuestro solar primitivo ariadiremos a la devota descripción de nuestra gloriosa Madre, la que hacian los primeros que allí tomaron el hábito. Uno de los cuales, persona muy santa y de gran crédito que le tomó el mes de septiembre del atio siguiente de mil y quinientos y sesenta y nueve, dite que cuando llegó a Duruelo habían hecho dormitorio del aposento bajo, quitando de él lo que fue menester para hacer dos confesionaños hacia la parte que cala a la iglesia, para la gente que de la comarca acudia a confesarse. Las camas eran un poco de heno que servía de esteras del aposento, y algunos necesitados tenían una mania, y todas eran viejas, dadas como por desecho en aquellos lugarejos. Las almohadas eran una piedra o un madero que servía de cabecera. Y los que por algún achaque no podian tener esto, gozaban de la comodidad de una almohada de sayal grosero con paja o heno dentro; porque el uso de la lana en esto se tenía por falta de pobreza.

De la cocina hicieron dos partes, quitándole la mitad para refectorio, cuyo adorno era sola una tabla sobre que ponian la comida, y unas medias calabazas, empegadas por de dentro que servían de tazas, y cualquier cántaro viejo y jarro quebrado que los labradores tenían ya echado al rincón por cosa desaprovechada y lo daban a los religiosos para tener agua y vino, porque de todas estas alhajas ninguna se compraba. Y todo esto era el ajuar del refectorio. El de la cocina era un par de ollas en que se cocian unas hierbas y alguna vez un poco de ablejo. El coro todavía permanecia con su teja vana y ésta tan maltratada que cuando nevaba o llovía entraba fácilmente la nieve y el agua dentro. La ventana del coro por donde entraba la luz era una teja que quitaban de dia del tejado y la volvían a poner de noche. Y és • te era todo el monasterio y su aparato rico.

Quien mirara esta obra de Dios con solos ojos de carne, sin hacer debida reverencia a la profundidad de los misterios divinos a que no puede dar

/3 PALLADIUS, In historia Lausiaca, sect. 35; C.AssIANus, j., L. 2, cap. 5. Institutionum.

alcance, tendria razón de admirarse de tan flacos fundamentos para tan gran edificio, y desconociendo la obra decir lqué tiene que ver esta pobreza, esta desnudez y este desabrigo con aquellas grandes que Dios tenía ofrecidas a esta Reformación? Pero si la conferimos con otras cosas grandes que Dios ha hecho en el mundo, hallaremos que por estos principios caminaron, mostrando más su poder en alcanzar victoria del mundo y del infierno scon instrumentos flacos y despreciados que si la alcanzara por otros de mayor majestad y grandeza. No trato ya de la pobreza humilde con que el Hijo de Dios vino a ganar el mundo, revelado contra su natural Setior sin querer reconocerle, ni de las fuerzas flacas de los capitanes que escogió para esta empresa, sino de otros ejemplos semejantes al nuestro. Porque, quién dijera que en aquella humilde choza, aunq9e por susthabitadores venerable, en que el glorioso san Francisco antes de mudarse a la PorcitIncula vivía con sus discipulos en tanta desnudez y pobreza (retrato en todo de nuestro Carmelo recién nacido) estaban las generosas primicias de tan ilustre familia de la Iglesia?/4. Y iquién con sola razón humana hiciera muy alto concepto de aquellas dichosas cuevas y cabarias, principio heroico del monasterio de Claravallís, y ejemplarisimo fundamento de la religión de San Bernardo?/5. De esta manera, pues, introduce Dios sus mayores obras en el mundo, para que toda la gloria sea suya y no se atribuya a la suficiencia de los arcaduces por donde se encaminan.

Trató luego el padre Fray Antonio de Jesùs que el padre Fray Juan se ordenase de misa, para que le ayudase a confesar y predicar en utilidad de aquella gente inculta de toda aquella comarca. Y entraba el Venerable Padre con tan gran temor en esta dignidad por tenerse por indigno de ella que fue menester obligarle por obediencia. Este temor le apretó aún más el primer dia que dijo misa. Y como Dios le daba tan gran luz de la pureza de vida que había menester para ministro de tan inefable misterio, le pidió afectuosamente cuando le tenía en sus manos, que pues sin pretenderlo él le había dado la dignidad, le diese también la pureza de vida que había menester para ejercitarla. Y tuvo prendas milagrosas que Dios se lo había concedido, con una incomparable merced, de que haremos más particular memoria, cuando en el orden de sus virtudes, tratemos de su felicisima inocencia y angélica pureza.

/4 S. BONAVENTURA, In vita S. Francisci, cap. 4, apud Surium.

/5 SURIUS, L., In vita S. Bernardi, cap. 15.

[…]

Cap. 12. Cómo iba Nuestro Señor perfeccionando el espiritu de nuestro Venerahle Padre, y despojándole de las ropas del hombre viejo para vestirle de sus resplandores.

La vida de nuestro padre Fray Juan de la Cruz es de las cosas que dice san Dionisio/1 que no tienen historia muerta sino perfección vital, y que asi las habemos de considerar menudamente, y venerar en Io visible de ellas lo secreto de las determinaciones divinas que en chias est encerrado. Porque como Nuestro Señor escogió a Nuestro Venerable Padre para maestro de perfección y guia acertada de verdaderos contemplativos en su tiempo, como sus mayores lo habían sido en los antiguos, no sólo le infundió lo que de virtud singular y altisima sabiduria había menester para este oficio, más también hizo en su misma persona un perfecto dechado y ejemplar vivo de los grados por donde se sube como por escalera mistica de la vida contemplativa a la cumbre de la perfección del destierro, imitadora de la felicidad de la patria. Y por esto nos corne obligación, concurriendo con este fin de Dios, a ir caminando en la historia de nuestro Venerable Padre por estos grados de perfección directivos de la nuestra, al arrimo de lo que él nos dej6 escrito de su fiel experiencia, aunque pasaremos por ellos de corrida, tocando solamente lo que baste para dar noticia de las mercedes que Dios le hizo y de la perfección grande a que l'ego por ellas, lo cual es una parte muy principal de su historia. Y para subir en esta noticia a los grados superiores, donde fueron mayores estas mercedes, es forzoso tocar algo de los inferiores que son sus fundamentos.

Tiene nuestra alma sus órdenes y como esferas de diferentes grados de potencias al modo de las jerarquias celestiales, por donde en la contemplación va subiendo, como dijo el Profeta/2 de una iluminación y participación de Dios a ocra mayor, hasta ilegar a unirse con él, aqui por felicidad comenzada y en el cielo consumada/3. Y es la regla general en la subida a estos aumentos de perfección que para subir proporcionadamente de un grado a otro ha de ser purificada el alma, segùn lo pide la excelencia del grado de

/1 Ps-Dionysius, Epistola ad Titum, ante medium

/2 Ps. 83, 8.

/3 PSD1ONYSIM De CH, cap. 10, §. 2.

participaciôn divina que en ella ha de ser comunicada/4. Y como nuestro Venerable Padre fue levantado por todos estos grados de la vida contemplativa, hasta llegar al supremo de la union y transformaciôn en Dios, como se verâ adelante, forzosamente habia de pasar por todas estas disposiciones. Y aunque fueron muchos los crisoles divinos en que purificaron y acendraron su espiritu, de solos tres haremos memoria brevemente, por lo que él refiere muy a lo largo en sus tratados misticos sacados de su experiencia, como él lo dijo en algunas cartas, que han llegado a mis manos, escritas a personas muy familiares suyas.

El primer crisol en que le purificaron fue el que significó el profeta Isaias cuando dijo Que a las destetadas de las pechos de las casas sensibles les enseñaría el Señor la sabiduria y les abriría el oído para que pudiesen percibirla/5. Pues para esto pusieron a nuestro Venerable Padre en esta primera cura de la parte sensible donde están las pasiones, para sazonarla y, en cierta manera, espiritualizarla, porque con su desorden y materialidad no impidiese al espiritu el vuelo de la contemplación divina. Y en esta cura fue afligido muchas veces con grandes desconsuelos y sequedades que le causaba de parte de la divina influencia, y con apretadas tentaciones del demonio, por ser la cura en parte donde pueden alcanzar sus baterías. Porque como Dios le daba licencia para que le afligiese, como se la dio en et santo Job, y con su impugnación ayudase a labrar sus coronas y este enemigo le tenía tan entrañable odio, le dio por muchos caminos cruda guerra, particularmente con tentaciones contra la fe y esperanza, cargándole tanto de escrúpulos y desconfianzas que le parecia que vela el infierno ya abierto para tragarle. De los cuales trabajos trata muy en particular el Venerable Padre por todo el libro primero de su Noche Oscura, sacando de su penosa experiencia el consuelo y ensefianza de las almas por este camino atribuladas.

Con esta primera cura le fueron disponiendo para la segunda, la cual fue en la parte espiritual cuando a los hábitos viciosos que en ella se habla adquirido de la comunicación de los sentidos y desorden de las pasiones/6. El cual beneficio significó el Salvador, cuando dijo: Que él era vid, y que el sarmiento que diese fruto le purgaría para que fructificase más/7. Porque

/4 psD1ONYSIUS, De CH, cap. 13, 5. Docuit.

/5 Is. 28, 9.

/6 S. TH., De Verit., q. 26, a. 3, ad 12.

/7 In. 5, 1.

esta purga, como ya es en la parte espiritual, se hace por sola la influencia divina. Y como estos hábitos adquiridos, de que van desnudando al alma, están abrazados con la sustancia de ella/8, aunque el quitarlos es alteración solamente accidentai, siente et alma tanto dolor en el apartamiento de estos accidentes entrariados en ella, como si le arrancaran algo de la misma sustancia/9. La cual purificación fue muy apretada en nuestro Venerable Padre como disposición para grandes recibos de Dios. Y le metieron en este crisol divino no una vez sino muchas; de que él mismo nos dio noticia experimental en los primeros capitulos del libro segundo de su Noche oscura.

El tercer crisol fue en lo supremo del espiritu, donde esta la imagen de Dios en nosotros/10, para lo cual le metió Su Majestad en aquella eficacisima fragua de su influencia, donde él dice por Isaías que cocería a la alma para purgarla de su escoria, y desnudarla de todo su estaño, hasta dejarla con la pureza que la naturaleza humana tuvo en su primer estado/11 . En las cuales palabras significó que le acabaria de purificar de la escoria de lo vicioso adquirido y la desnudaria de lo natural imperfecto, que son las ropas del hombre viejo, para vestirla de la inocencia y pureza del hombre nuevo, Hijo de Dios, con quien ha de ser unida; como quien quita a la piedra tosca su forma grosera, para que penetrada de la luz y unida con ella, quede hecha piedra preciosa; sin el cual despojo, como declaran los Santos/12 no puede el alma ser unida a Dios. Cuán penoso sea esto para el alma de esta manera cauterizada, se puede fácilmente conocer por lo que padecía en el crisol pasado. Porque si allí sentía tanto dolor con no padecer más que accidentalmente, en cuanto los hábitos adquiridos estaban abrazados de la sustancia de la alma, ?cual será el dolor que resultará a las potencias de este otro crisol, donde por despojarla en cierta manera de la forma natural, cuanto a lo imperfecto de ella, padece en la misma sustancia de ella?

De este penoso crisol y cómo cocieron y purificaron en él el espiritu de nuestro Venerable Padre, trata él mismo muy a lo largo por todo el libro segundo de su Noche Oscura, declarando con su experiencia, cómo se sentia allí atormentar y deshacer, como si una fiera le hubiera tragado y le estuviera

/8 S. TH., De Verit., q. 26, a. 1, ad 5.

/9 S. TH., In I Sent., Dist. 17, q. 2, a.1, ad 5.

/10 S. TH., De Verit., q. 10, a. 1.

/11 Is. 1, 24.

/12 S. TH., In III Sent., Dist. 27, q.1, a. 1, ad 4.

dirigiendo con angustias de muerte en su vientre tenebroso, que con esta comparaci6n declara Io que en este crisol sentia. Y con ser éste tan gran tormento, otros mayores dice que sentia en él, como la aprehensian vehementisima de que estaba aborrecido de Dios y desechado de El. Al cual tormento acompariaban otras penas que alli refiere, y tan profundo conocimiento de su intima perdicion y miseria, que no halla con qué encarecerlo, sino con decir que le parecia que se veia como condenado ya y en su riltima perdician. Y como juntamente con esto le tenia la influencia divina como atadas las potencias para el ejercicio de su obrar imperfecto en todo lo que no era necesario para la vida humana u obras de obediencia, hasta introducir en el alma con la forma divina el modo de obrar a lo perfecto, como quien ata al niño la mano izquierda, para que se acostumbre a obrar con la derecha; y con esto se hallaba como privado de los bienes que a su modo grosero alcanzaba por medio de sus operaciones naturales, recibia con este atamiento tan gran pena y aflicci6n que se puede comparar a la que dicen los Santos que padecen las almas en el purgatorio con semejante afliccion e impedimento/13. Estas y otras penas y aflicciones que aqui se cuentan tan de paso, estuvieron en el Venerable Padre tan de asiento que le duraron muchos años. Y con estos crisoles le fue disponiendo Dios para asentar en su espiritu ya acendrado sus divinos esmaltes, como el mismo Serior lo dijo a nuestra madre santa Teresa, cuando estaba en lo muy apretado de esta tercera fragual/14.

/13 S. TH., De Verit., q. 26, a. 1.

/14 S. TERESA, Vida, 20, 16

[…]

Cap. 15. Como le comunicó el Espiritu Santo el don de maestro de la sabidurfa del cielo y con qué aprovechamiento la ensefiaba a sus discípulos.

Parece que se hubo Nuestro Serior con las dos primeras columnas de esta Reforma para la propagación de la Orden de Elías renovada, al modo que se hubo con sus Apóstoles para la propagación de la ley de gracia. De los cuales dice santo Tomás/1 que aunque antes tenían ya el Espiritu Santo en sus almas con gracia particular con que eran perfeccionados en si mismos, se les comunicó el dia de Pentecostés con gracia más universal, que los perfeccionaba para aprovechar a otros y propagar la fe. Y otro tanto podemos considerar en nuestros dos maestros, que para su particular perfección ya tenían en su alma al Espiritu Santo desde la gracia bautismal que los iba cada dia ilustrando y perfeccionando en si mismos. Y como Su Majestad los había escogido para ayudar mucho a las almas y trasladar de sus espiritus, como de pechos apostólicos, la perfección de la vida religiosa a muchos reinos y provincias; cuando quiso que tratasen de esto, les dio más favorablemente al Espiritu Santo con gracia más universal, con que habían de ser criados los nuevos hijos del Carmelo.

De esta merced tuvo nuestra madre santa Teresa prendas conocidas y milagrosas, como ella misma lo refiere en el capitulo 38 de su vida. Y porque nuestro Venerable Padre cuidó mucho de encubrir las mercedes que recibía de Dios, y no fue apremiado por obediencia, como nuestra santa Madre, a dar cuenta de ellas a sus confesores, y por eso no se supieron en vida, ordenó Nuestro Serior que se manifestasen muchas de ellas después de muerto por caminos milagrosos. Uno de los cuales es las apariciones de cosas divinas que se ven en su carne, que como las unas son significadoras de misterios escondidos, asi también ocras son como noticias historiales que nos estaban escondidas, para que (como ponderan en sus informaciones algunos hombres sabios), de las cosas milagrosas que él por su humildad había callado, hubiese testigos también milagrosos, que en su misma came nos la manifestasen. Y de esta manera se manifiesta esta merced que Dios le hizo en darle su divino Espiritu, como la había dado para el mismo fin a su ilustrada compariera. Y asi en diferentes pedazos de su carne se aparece el

1 S. TH., In IV Sent., Dist. 7, q. 1, a. 2, q. 2.

Espiritu Santo, al modo que le pinta la Iglesia, como testificando que fue muy singular la asistencia que le hizo; como adelante verernos, cuando se trate de estas apariciones milagrosas, y de la calificaciéen que en contradictorio juicio se hizo de ellas por ministros de la Iglesia a quien tocaba.

Y que este divino Espiritu se le comunicase con plenitud grande de sus dones, se puede fácilmente conocer por el ejercicio milagroso de ellos, con que tanto aprovechó no solo a los hijos de su Religión, más también a innumerables almas que llegó a Dios por caminos extraordinarios, esclareciendo con su doctrina y ejemplo las sendas de la perfección cristiana y haciendo triliadas las del espiritu, que antes estaban como incultas y poco descubiertas. Y porque en otra parte se ha de tratar de estos dones que recibió del Espiritu Santo, aqui solo haremos memoria del don singularisimo que tuvo de ensefiar gente espiritual, como escogido de Dios para guia de espiritus verdaderamente contemplativos, que en la vida y en el ejercicio imitasen a los Angeles.

Para cuyo ministerio les concedió Su Majestad a él y a su ilustradisima compafiera el grado de maestros de la sabiduria del cielo, que contó el Apóstol entre las gracias gratis datas/2 concedidas de este divino Espiritu. El cual grado consiste en conocer en la contemplación altos misterios divinos y poderlos declarar a otros y encaminarlos a Dios por reglas divinas/3. Y de esta singular merced que del Serior había recibido hace mención nuestra santa Madre cuando dice en muchos lugares de sus libros, que antes que la recibiese, de ninguna manera podia darse a entender a sus confesores en las mercedes que Dios le hacia en la oración; y después que se la concedieron hablaba de ellas con tanta distinción, como si con los ojos corporales viera lo que Dios obraba en su alma. Y lo mismo vemos en los escritos de nuestro Venerable Padre y lo experimentaban las personas que con él comunicaban sus espiritus. A las cuales daba tan gran luz de sus caminos y de las cosas muy intimas y dificultosas de espiritu, que se puede decir de él aquello del Eclesiástico:/4 «Como la estrella de la mafiana en medio de la niebla y como la luna llena y sol resplandeciente, asi éste resplandeció en el templo de Dios y bermoseó su siglo como las rosas a los días de la primavera, y como las azucenas cerca de las corrientes de las aguas, y esparció

/2 I Cor. 12, 8.

/3 S. TH., 22, q. 45, a. 5.

/4 Eccl. 50, 6.

su olor como el incienso en los días del estío». Porque todas estas calidades le cuadran muy al propio, como al antiguo Simón de quien primero se dijeron. Y como nuestra santa Madre recibió este don antes de fundar el primer monasterio de sus monjas, como se saca de sus libros, para que en teniendo hijas pusiese luego doctrinarlas, asi también parece que se lo concedieron a nuestro Venerable Padre antes de la fundación del primer monasterio de sus Descalzos pues se vio en la experiencia cuán acertadamente comenzó luego a instruirlos por el camino del espiritu y vida contemplativa.

El estado en que estaba este magisterio espiritual, cuando este maestro de la contemplación divina vino a dar forma acertada de ella, lo significó nuestra Madre santa Teresa después de una larga y penosa experiencia por estas palabras: «Siempre oïmos cuán buena es la oración y tenemos de constitución tenerla tantas horas y no se nos declara más de lo que podemos nosotras, y de cosas que obra el Señor en una alma declárase poco» /5. En las cuales palabras significó bastantemente la oración mental que corría entonces, que era la meditación imaginaria y el discurso movido de la razón. Y esto no como principio de este ejercicio y preámbulo necesario para grados más perfectos, sino como fin de él, fundando el aprovechamiento espiritual en los actos de la razón y no en la disposición para los recibos de Dios, que es la quietud de los mismos actos, como lo enseñan las divinas letras/6! y los Santos muy ilustrados de Dios. Y de que esto corría asi es indubitable prueba lo que la misma Santa dice en el libro de su vida por estas palabras: «Este libro que ensenaba camino de recogimiento tuve por maestro, porque yo no ballé confesor que me entendiese, aunque le busqué, en veinte años/7! Y todo lo demás que dice en este capitulo son seriales muy conocidas que le hacia el Serior el beneficio que significó por Isaías/8! de destetarla de las comunicaciones sensibles, para que subiese a recibir la sabiduria mistica en la contemplación intelectual sencilla de fe sobre los actos de la razón, y no halló quien la pusiese en ella; y asi los diez y ocho años que ella pondera en este lugar haber padecido sequedades, no eran propiamente sequedades, sino falta de quien le diese a conocer los Ilamamientos de Dios.

/5 S.TERESA, Mor. I, 2, 7.

/6 Eccl. 38,5

/7 S. TERESA, Vida, 4, 7.

/8 Is., 28, 9.

Pues en este tiempo tan estéril de gulas experimentadas en la vida contemplativa, nos dio Nuestro Serior este maestro tan ilustrado de la luz superior, que llevaba con gran acierto las almas que gobernaba, como otro Moisés su ganado, a lo interior del desierto y a los verdaderos pastos del espiritu. Y asi, mientras él vivió, se experimentaron en nuestros conventos, asi de frailes como de monjas (que a todos se extendia su magisterio) aventajadisimos frutos de su doctrina, y se vela claramente cumplido lo que dice san Dionisio que a los que siguen en su Orden el blanco que Dios los puso, como tienen al mismo Serior por guia de su camino, los va reformando a semejanza de su hermosura y haciéndoles perfectas imágenes divinas/9. Porque no había monasterio de frailes primitivos, donde la influencia de este ilustrado maestro alcanzaba, en que no hubiese espiritus muy aventajados, que entre los demis se serialasen mucho. Y lo mismo sucedia en los monasterios de monjas, de que nos da noticia nuestra santa Madre en diferentes lugares de sus libros/10. Los cuales efectos no se conocen con estas ventajas, después que influyeron asi en los frailes, como en monjas otros maestros con doctrinas diferentes de la que enseriaba nuestro Venerable Padre.

Y porque ésta con estar tan acreditada con la de los Santos, y con la Teologla mistica y escolástica, había de tener muchos contrarios; quiso Nuestro Serior para mayor crédito, calificarla a lo milagroso en una de estas apariciones que se ven en su carne. Porque una de las mis repetidas en los testigos jurados que las vieron, asi en Medina del Campo como en Jaén, donde se examinaron, es una figura de Cristo crucificado sin cruz, cuya cabeza y brazos estaban cubiertos con una nube, y en lo alto de la nube se aparecia el Espiritu Santo en figura de paloma como despidiendo rayos. Y pues estas figuras (como se probará adelante), proceden de la sabiduria divina, y como tales son todas misteriosas, parece que éstas aqui referidas son como un decreto divino, con que el Espiritu Santo aprueba y acredita la doctrina mistica que nuestro Venerable Padre enseriaba y la dejó escrita en sus libros. Porque la figura de Cristo crucificado sin cruz, a juicio de muchos hombres doctos, significa que los misterios de la Humanidad de Cristo Nuestro Serior, y de su vida y pasión se han de meditar por semejanzas distintas, pero sin cruz, esto es, mis a lo intelectual y sencillo que a lo imaginario y material, como conocimiento mis a propósito para la penetración de estos misterios y para el amor agradecido que habemos de sacar de ellos: (que a esto ordenaba la meditación nuestro Venerable Padre). Y lo mismo ensetió también a lo milagroso a san Buenaventura segùn él refiere/11. El estar cubierta con la nube la cabeza y los brazos de Cristo (que significan su divinidad y operaciones divinas) nos ensetia que la contemplación donde lo uno y lo otro se ejercita, no ha de ser a lo distinto de nuestra razón, sino a lo indistinto de fe, como lo ensefiaba nuestro Venerable Padre en concordancia de los Santos/12. Y sobre la nube está el Espiritu Santo, como testificando que esta doctrina, que él comunicó a san Dionisio y a los demis doctores de la Iglesia, la había comunicado también a nuestro Venerable Padre, y que la ensetiaba como instrumento suyo.

/9 PS-DIONYSIUS, De CH, cap. 3, S. Interpretatio.

/10 S. TERESA, Fundaciones, 4, 8; Mor. V, 1, 2.

/11 PS-BONAVENTURA, Stimulus amoris, cap. 1.

/12 PS-DIONYSIUS, De DN, cap. 1, S. 1.

[…]

Cap. 17. De la fundación de religiosos de Pastrana, y traslación de la de Duruelo a Mancera, y jornada del Padre Fray Juan de la Cruz a Pastrana a dar forma primitiva a aquel noviciado.

Después de fundado el convento de Duruelo, solicité nuestra madre santa Teresa la fundacién de frailes de san Pedro de Pastrana, que fue el segundo de nuestros Descalzos y un plantel celestial de otros muchos de la Orden. Porque, como Nuestro Serior había concedido a esta ilustradisima esposa suya el titulo de fundadora, asi de monjas como de frailes primitivos le concedió también la fundación de los dos monasterios primeros de sus frailes que habían de ser como seminaños de todos los que después se habían de fundar en diferentes reinos y provincias. Y como el Padre Fray Antonio de Jesús, prior de Duruelo, era el primer prelado de ella, y persona tan acreditada entre los Padres Calzados por las muchas prelacias que había tenido entre ellos, le enviá a llamar nuestra santa Madre para que autorizase la fundación de Pastrana con su presencia, aunque había ya licencia de los prelados superiores de la Orden, y se habían descalzado ya algunos religiosos y tomado la posesión del nuevo monasterio a nueve de julio del año de mil y quinientos y sesenta y nueve, poco más de siete meses después de fundado el monasterio de Duruelo. Y condescendiendo el padre fray Antonio con los ruegos de nuestra Santa Madre, hizo esta jornada, dejando por vicaño del convento de Duruelo a nuestro venerable padre Fray Juan de la Cruz. Con cuya influencia, asi en lo temporal como en lo espiritual, recibieron nueva renovación los ánirmos de los nuevos primitivos, porque no sólo con sus palabras, sino también con su ejemplo predicaba perfección a todas horas. Y echábase de ver que había puesto el Espiritu Santo fuego divino en su lengua, como en las de los Apóstoles, segùn le prendia en los corazones de quien le oia. Y asi decían no sólo los religiosos sino también los seglares, que era tal su eficacia que lo que persuadia de virtud con sus palabras, lo asentaba en los ánimos, de manera que quitaba todas las dificultades para ponerlo por obra, al modo de las palabras de Dios que obran lo que dicen.

Como se fue conociendo por toda la comarca de Duruelo y en las ciudades convecinas la vida renovada de los nuevos primitivos, y para los que acudian a profesarla, asi de los padres Calzados, como de los del siglo, estaba aquello muy angosto, les ofrecieron muchos caballeros puestos más acomodados en su lugares, deseando cada uno, como a porfía, tenrelos por vecinos. Pero entre todas las comodidades ofrecidas, la que más agradó al padre Fray Antonio de Jesus, fue la que le ofrecia don Luis de Toledo, señor de Mancera en aquella villa. Y asi se fundó alli tan a prisa monasterio, que a once du iulio de mil y quinientos y setenta se puso en él al Santisimo Sacramento, por traslacion alti del convento de Duruelo, que no había servido más que de humilde nacimiento del nuevo Carmelo, y como representación del nacimiento de Cristo, que asi Io dice nuestra santa Madre tratando de esta fundación. Acudieron a tomar luego el hábito de Descalzos en Mancera muchos novicios, en quien ejercitó nuestro Venerable Padre su magisterio con tan gran utilidad de los gobernados, que fue aquella casa una escuela perfecta de gente espiritual muy aprovechada.

Su vida era para los demás como regla viva, porque todo lo que la escrita ordena, lo velan puesto en ejecución en su persona. Era tan puntual en acudir a los actos comunes, que a ninguno faltaba, por muchas ocupaciones que tuviese, y cuando oía la campanilla que hacia señal para ellos, decía que era la voz de Dios, y que no se podia dejar de acudir adonde llamaba, aunque faltase a otras cosas, y particularmente al coro y refectorio; en aquellos para hallarse presente a las alabanzas divinas y procurar que se celebrasen con gravedad y devoción; y en éstos para seguir la vida común e igual a seditos y prelados y procurar que la siguiesen todos; porque de esta igualdad fue toda su vida celosisimo, asi cuando era prelado como cuando súbdito, en lo uno para reprenderlo, y en lo otro para advertirlo; e igualmente le daba pena que no se acudiese a las necesidades de los religiosos sin excepción de personas, y que hubiese desigualdad entre prelados y súbditos, asi en salud como en enfermedad, mirando más respetos que la menor o mayor necesidad, sin la cual igualdad, decía, que no se podia conservar la perfección religiosa y la pobreza evangélica con total descuido de los religiosos en sus comodidades. En los actos humildes de comunidad, como fregar, barrer y otros semejantes, no solo era puntual, sino también continuo, en los cuales se hallaba de los primeros y los continuaba hasta que se acababan. Y con verle delante en las incomodidades y en los trabajos, andaban los religiosos contentos y fervorosos en ellos, y en todo lo demás del cumplimiento de sus obligaciones.

Fra tan notable la dulzura con que hablaba de Dios, que afervorizaba y recogia los ánimos de los que le oían, y vestia los interiores de tan firmes propósitos de nueva vida que sólo oirle bastaba para hacerlos de tibios fervorosos. Y como las recreaciones ordinarias eran siempre de estas materias, tenta en ellas tan entretenidos a los religiosos, y salian con tanto aprovechamiento de ellas como de otro cualquier ejercicio de devoción, y el tiempo que duraban estaban como suspensos en una admiración suave de lo que oían, asi de las perfecciones divinas (de que hablaba con singular excelencia) como de los efectos de las virtudes y de su dignidad y ejercicio; con lo cual no solo recibía su alivio el cuerpo, para volver con nuevo aliento a continuar la carrera de la vida religiosa (a cuyo efecto se ordenan estas recreaciones) más también el alma nueva luz y renovado esfuerzo para no desfallecer en ella. De todo lo cual dan larga noticia muchos de sus discipulos en sus informaciones. La prudencia con que los gobernaba excedia los términos del común magisterio, porque como le había concedido Dios tan singular don de discreción de espiritus, según adelante veremos, conocia por luz superior no sólo la calidad de los naturales, más también los caminos por donde había de guiarlos provechosamente. Y porque adelante habemos de referir muchos casos de este don que tuvo, aqui referiremos sólo uno.

Tomó nuestro hábito un novicio venido de Salamanca, muy docto en Derechos y con tanta estimación de su ciencia, que había echado menos que en la libreria común no hubiese muchos libros de ella. A los primeros toques que el Venerable Padre dio a su espiritu conoció cuán vestido estaba de la estimación de sabio, y queriendo curarle con medicina proporcionada a su dolencia, le hizo quitar todos los libros de devoción que se suelen dar a uso a los novicios, y ponerle en la celda sola una cartilla donde estaba la doctrina cristiana. Y dijole que para caminar a la sabiduria ciel cielo que había venido a buscar, no aprovechaba todo lo que había estudiado en el siglo, sino saberse hacer nirio en la ignorancia e inocencia, que a esa manera se entraba en el cielo. Y poniéndole un puntero en la mano, como a los niños que comienzan a leer, le mandó que fuese deletreando en aquella cartilla y rumiando con ponderación devota la doctrina que ailli se enseñaba, y que aquel fuese su ejercicio hasta que le pusiesen en otro, pues tan ignorante era en las cosas de perfección. Obedeció el novicio y en este ejercicio gastaba grandes ratos, cumpliendo lo que le habían mandado por muchos dias. Y en él le dio Nuestro Serior más luz que había tenido antes en la oración, y tan gran devoción y ternura que derramaba muchas lágrimas. Con la cual y con otras pruebas de virtud que en él hizo su maestro, salió tan esforzado Descalzo, que fue después Provincial de aquella provincia.

[…]

Cap. 25. De las heroicas virtudes del padre Fray juan de la Cruz y cuán ilustrada tuvo la fe.

Mientras nuestro Venerable Padre queda tan de asiento en Avila, ejercitando en obras provechosas el gran caudal de espiritu y luz divina que Dios le había comunicado, denos el lector licencia para que nos detengamos un poco en referir en particular algo más de sus virtudes, pues nos le dio el Señor a los religiosos de esta Reformación por dechado y forma de vida primitiva, coma nuestra madre santa Teresa lo fue para las religiosas. Y aunque las principales virtudes, de donde toman su valor las demis, que son las teologales (por cuyo medio se junta el alma con Dios y se introduce en ella la verdadera santidad)/1 solo aquel divino Espiritu que se las infundió puede conocer cuanto le ilustraron, todavia por los resplandores que reverberaban de ellas a lo exterior, y por los actos que producian sus hábitos se conocia cuán intensamente estaban arraigadas en su alma.

Tenía tan viva fe que no sólo no apetecia ninguna de las experiencias con que ella se esfuerza en pechos flacos, cuales son las milagrosas, más también sentia mucho ver tan llevados a los espirituales del afecto de estas cosas y de visiones y revelaciones. Del cual afecto procuraba desnudar a las personas contemplativas que él gobemaba, para que caminasen a Dios por fe viva y desnuda de estas experiencias. Y muchas veces les platicaba aquella doctrina de santo Tomás, que el deseo de visiones y revelaciones y otras seules milagrosas es falta de fe/2, y que cuanto más se arriman a ellas tanto más se desarriman del ejercicio sustancial de la fe (que es hábito oscuro) y del merecimiento de ella, segùn aquello de san Gregorio que la fe no tiene merecimiento cuando la razón la experimenta a lo humano y palpable/3. Y esto mismo nos dejó escrito en sus libros, y que sola la fe oscura, desnuda de las semejanzas palpables de la razón es para los contemplativos el medio pr6ximo y proporcionado para unirse el alma con Dios. De la cual dijo el Profeta que puso Dios en las tinieblas su habitación, para esconderse de nuestros ojos en la vida de destierro.

/1 S.TH., 12, q.68, a.8.

/2 S.TH., q.43, a.1, ad.3

/3 S. GREGoitius MAGNUS, Hom.26 in Evangelia.

Trabajaba también mucho con sus discipulos para vestirlos de la gran estimación que él tenía de esta incomparable merced que Dios hizo a los hombres en darles esta antorcha divina, con la cual nos hace participantes de la felicidad de los bienaventurados en su conocimiento, pues entre la luz de la fe y la de gloria no hay más diferencia, que mostrar ésta a los de la patria al descubierto lo que por fe creen los del destierro/4. Y con ella decía que nos había concedido Dios una como llave maestra de su cárnara real para entrar el alma contemplativa a comunicarle a todas horas dentro de si misma, donde él por medio singular habita en los que están en gracia, y la fe le abre la puerta y la une a sus divinos rayos para que sea iluminada de ellos/5. A sus súbditos y a las almas que gobemaba les enseñaba este camino breve para su perfección de vivir en fe con total resignación en Dios sin otra dependencia alguna, y lo mismo persuade en sus escritos. Y decía que como el orar en fe y vivir en fe tenían a Dios por autor, granjeaban grandes bienes al alma y le daban paz y seguridad en todos los sucesos; y, por el contrario, que todas las turbaciones y desconsuelos de esta vida venian de no estar la nave del espiritu humano asida a Dios con esta áncora sagrada de la fe.

Y como él estaba tan aferrado a ella, se espantaba de cuán pequeñas ocasiones bastaban para turbar y afligir a los que se gobenaban por sus discursos y providencias y no por la fe firme en Dios. Y cuando acudian a él a consolarse en sus trabajos les ensanchaba el corazón de manera con sus palabras vestidas de fe que, como el viento cierzo limpia el aire de nubes y le vuelve sereno, asi serenaba el alma de sus aflicciones. Referiré un ejemplo de los que cada dia sucedian acerca de esto. Siendo priora del monasterio de nuestras religiosas de Segovia Maria de la Encarnación estaba muy afligida de una dificultad que se le ofrecia de las mayores que a su parecer se podian ofrecer a una prelada en materia de gobiemo, y apretóla tanto su turbación que en toda aquella noche no había podido pegar los ojos. Fuela a ver a ruego suyo el padre Fray Juan de la Cruz, que entonces presidia en el convento de Segovia, y habiéndole dado cuenta de su pena, pensando que también él había de alterarse mucho, por ser cosa que tocaba a lo universai de la Religién, él se quedó muy sereno y como riéndose de verla tan turbada y tan poco fundada en fe, y le dijo que no le diese pena, que todo

/4 S.TH., 22, q.1, a.5.

/5 Ps-Dionysius, De DN, cap.7, §. Propterea.

aquello no era más que un nublado que con cualquier aire se deshace, porque a la providencia de Dios nadie pocha contrastar, y asi sucedia como él Io dijo.

Las sequedades y trabajos interiores que a los contemplativos fatigan y desconsuelan tanto, a él le eran de consuelo, porque en ellas más que en los sentimientos dulces iba arrimado a la fe en la oración. En sus mayores trabajos y apreturas esta fe le tenu consolado, y aunque viese como cerrados todos los caminos de la esperanza, la fe abria puerta al alma afligida para que respirase. De manera que con haber tenido apretadisimas aflicciones. siempre caminaba segura su confianza al arrimo de la fe. Cuando la navecilla tierna de la Congregación primitiva padecía naufragios tan furiosos que parecia que iba a anegarse, sola la fe de nuestro Venerable Padre estuvo entre los Descalzos firme. Y asi las cartas que se hallan suyas de aquel tiempo publicaban bonanza en medio de la mayor tormenta. Tenía por tan ciertos los socorros de la fe viva y firmemente asentada en el alma, que hablaha de ellos con tanta seguridad, como si ya los viera presentes en la experiencia, y asi más parecian profecias que efectos de su confianza segün era cierto su cumplimiento.

Cuando caminaba (que siempre era a pie mientras tuvo salud, si las jornadas no eran muy largas) la provisión que llevaba para el camino era la providencia de Dios librada en su fe. Y saliale tan cierta que de lo que le sobraba de las limosnas que le daban, proveía los hospitales y pobres donde llegaba, como lo dicen en sus declaraciones los compañeros que llevó él algunas jornadas. Y dábale notable pena ver grandes providencias en algunos religiosos, fuesen súbditos o prelados, y que habiéndonos Cristo, Nuestro Serior, asegurado que nos daria como por añadidura lo necesario para la vida humana porque sólo cuidásemos de buscar el reino de Dios, fiásemos tan poco en sus palabras. Este modo de caminar a lo apostólico persuadía a sus súbditos, particularmente si eran mozos o de buena salud, asegurándoles que no les faltaria lo necesario en los caminos, si se fiaban de Dios. Y en muchos casos había cosas tan notables de la abundancia con que Nuestro Serior los socorria, que experimentaban bien el cumplimiento de sus palabras, de que referiremos algunos de los muchos que hubo de esto.

Siendo vicario provincial de la Andalucia, llegó a Córdoba y hallando en aquel convento muchos novicios que habían tomado allí el hábito, mandó al hermano fray Martin de la Asunción que llevase siete hermanos coristas y un donado al convento de Sevilla. Estando para partir a pie y con sus báculos, como viese el hermano Fray Martin que no le daban nada para el gasto, se lo acordó a nuestro Venerable Padre, diciéndole que eran muchos para ir pidiendo limosna. Y el Venerable Padre le respondió: Buena alforja llevan, pues los acompaña la providencia de Dios. Tengan mucha fe que Su Majestad los proveerá tan bastantemente que sin sacar nada del convento, vuelvan a él con dineros sobrados. Salieron de Córdoba de esta manera todos a pie, sin otra providencia que la fe de su prelado, y salióles tan cierta que no llegaban a parte donde no hallasen quien, sin pedirle ellos, los proveyese de dineros y regalos. En lo cual, cuenta el mismo hermano Fray Martin en su declaración jurada notables sucesos de la providencia favorable de Dios, y llegaron tan sobrados a Sevilla que, después de haber hecho el gasto, volvió el hermano Fray Martin a Córdoba con trescientos reales que le habían sobrado. Llegó a tomar la bendición de nuestro Venerable Padre y le dio cuenta de la jomada y et dinero que le había sobrado. Y mandándole que lo diese al procurador del convento, le dijo: Más quisiera que volviera muy santo con haber padecido menguas y trabajos por amor de Dios que tan proveído y sobrado.

Esta misma fe ejercitaba también en las elecciones que estaban a su cargo, en las cuales evitaba cuanto podía toda negociación, aunque fuese ordenada para la buena dirección de ellas, diciendo que ya el Hijo de Dios, sabiduria eterna nos había asegurado que donde se juntasen dos o tres en su nombre, allí estaba él entre ellos/6, y que asi no les había de faltar si se juntaban a elegir puesta la intención y confianza solamente en Dios; y que las muchas diligencias en las elecciones pocas veces se fundaban en fe y en desnudez de propias comodidades, y que en castigo de nuestras providencias interesadas permitía Dios que se errasen las elecciones, y que cuando Su Majestad las hacía, aunque no saliesen tan a satisfacción de los hombres, él daba el caudal necesario a los electos, lo cual no sucedia en las elecciones de los hombres. Y asi en los conventos donde había de hacer elección, hacia dueño de ella al Espiritu Santo, y daba plena libertad a los electores, después de haberlos dispuesto con admirable doctrina para que se desnudasen de si mismos y de sus propias comodidades, y se vistiesen del verdadero celo de Dios y del bien de la Religión. Y por esto solía hacer las elecciones en entrando en los conventos, por dar menos lugar a diligencias interesadas con capa de celo religioso. Esta misma doctrina enseriaba a los

/6 Mt. 18,20.

prelados de la Religión que le eran más familiares, asegurándoles que con esta fe sencilla y confiada en Dios y no con nuestras providencias y diligencias demásiadas se habían de acertar las elecciones y conservar la Religión en su perfecta observancia y que en abriendo la puerta a estas diligencias violentas, la abrian también a la ambición destruidora de la perfección religiosa.

Finalmente, todos lo que conocieron y comunicaron mucho a nuestro Venerable Padre celebran en sus declaraciones juradas la firmeza de su fe por una rosa rara y pocas veces vista. De lo cual no nos espantaremos si consideramos algunas circunstancias que en ella concurrían; porque cuanto el sujeto en quien está la fe participa más del objeto de ella que es la primera verdad/7 y de sus misterios, tanto estas en él más perfecta esta virtud, asi cuanto al entendimiento por la mayor certidumbre y firmeza, como cuanto a la voluntad por la mayor prontitud, devoción y confianza. Y por todo esto fue la fe de nuestro Venerable Padre de grado superior a la fe común de los demás cristianos, porque tuvo tan ilustrado el entendimiento con luz sobrenatural para el conocimiento de los misterios divinos que la fe nos representa, que se puede decir de él lo que los Doctores sagrados dicen de los ángeles viadores y de Adán en el primer estado, que estuvo en ellos la fe tan ilustrada que de muchos misterios divinos tuvieron conocimiento no sólo creido sino también manifieste. Porque de esta manera le tuvo nuestro Venerable Padre, como se ver cuando tratemos de cuán ilustrado estuvo del don de sabiduria y de la luz profética. También de parte de la voluntad fue su fe muy reforzada, por haber sido la caridad de nuestro Venerable Padre de grado superior y al modo de la caridad de los serafines, como adelante veremos; y como la caridad es forma de la fe, cuanto más intensamente estuviera arraigada en el alma, tanto mayor devoción y prontitud habrá en ella para creer, y mayor confianza en lo que creyere. Todo lo cual se verificaha con tan gran propiedad en la fe de nuestro Venerable Padre que por eso la juzgaban por cosa tara los que le comunicaban mucho.

[…]

Cap. 30. Que la caridad luminosa de nuestro Venerable Padre era tan intensa en el espíritu que comunicaba algunas veces su resplandor al cuerpo.

Por lo más acendrado y perfecto de la caridad de los serafines pone san Dionisio/1 el holocausto de amor, cuando el espiritu está ya tan penetrado de este fuego divino y tan transformado en él que como en el madero hecho ascua todo lo que se ve en él parece fuego. Y las señales que el mismo Santo da del espiritu de esta manera transformado y hecho holocausto de amor son que tenga propiedad resplandeciente, e iluminativa, perseguidora de las tinieblas y manifestadora de ellas. Todas la cuales señales hallamos en nuestro serafín terreno viviendo allí en carne mortal, y con la declaración de ellas quedarán sabidas algunas nuevas excelencias de su fogosa caridad e ilustradisimo espiritu. Cuanto a la primera, que es ser resplandeciente, fue tan conocido en nuestro Venerable Padre que algunas veces salian sus resplandores de la esfera espiritual y redundaban al cuerpo, queriendo Dios que se descubriesen en lo exterior por modo milagroso los grandes incendios de amor que en lo interior de su espiritu había.

De este efecto milagroso que en nuestro Serafín se descubria nos dan harta noticia muchos testigos de vista de los que se examinaron en las informaciones para su beatificación. Los cuales declaran haberle visto muchas veces (particularmente los últimos años de su vida) como a otro Moisés cuando salia de hablar con Dios, resplandeciéndole el rostro y vestido de cierta majestad más que de hombre, que daba reverencia y edificaba, unas veces más y otras menos, según la dispensación divina en favor de la caridad que ejercitaba el alma. Verificaremos esto con palabras de algunos de estos testigos más acreditados.

Uno de los cuales lo declara de esta manera: « Este amor interior que tenía a Dios el santo Fray Juan de la Cruz se echaba de ver algunas veces exteriormente en el aspecto, porque le salía del rostro un resplandor sobrenatural que causaba devoción y compunción a los que lo miraban. Y más particularmente sucedía esto cuando acababa de decir misa o salía de oración o cuando hablando de Nuestro Serior se quedaba suspenso de alguna cosa que le había hecho mayor fuerza. Esto mismo notaron en él

/1 Ps-Dionysius, De CH, cap.7, S. Mobile.

otras personas. Y tratando yo de ello con el doctor Villegas, canónlgo penitenciario de la iglesia catedral de Segovia y gran siervo de Dios, que había comunicado mucho al padre Fray Juan de la Cruz cuando estuvo por vicario del convento de aquella ciudad, me dijo que algunas veces de las que iba a hablarle a su monasterio, veía salir de el una divinidad y resplandor que le ponía admiración y reverencia, respetándole no a lo humano sino por lo que veía de Dios en él ». Esto que dice este testigo del Doctor Villegas, muchos se lo oyeron a él mismo, y fue el que mejor pudo testificar de esto, porque, como sentía tan gran provecho en su alma con la comunicación espiritual de nuestro Venerable Padre, la iba a buscar muchas veces, y saliéndose los dos a la huerta del convento, se solían estar sentados en el suelo, arrimados a alguna perla, hablando de Dios la mayor parte de la tarde. Y como allí se meneaba la leña de este fuego en el horno del espiritu, salian a lo exterior de nuestro Serafin estas luminosas llamaradas que ponian en admiración devota al compañero.

Estos efectos luminosos de intensa caridad/2 fueron más conocidos en nuestro Venerable Padre los postreros años de su vida por haberse acercado más su espiritu a Dios en quien estaba transformado, y participaba de más cerca del fuego de la caridad increada y con mayor abundancia. Y demás de esto, algunas veces le favorecia Nuestro Serior con algunas inundaciones extraordinarias de los efectos de este fuego, particularmente de su resplandor, o para manifestación de su santidad o para utilidad de los que le comunicaban. Lo cual experimentaron algunas personas dignas de todo crédito cuando iban a confesarse con él; que en entrando en el confesonario veían salir por el rallo un gran resplandor de luz extraordinaria y no de ésta común, de la cual quedaron algunas de ellas tan movidas que siendo antes profanas, fueron después cuidadosisimas de sus almas. Entre éstas fue notable la mudanza de vida que hizo una doncella de Segovia bien nacida, llamada Angela de Alemán, muy hermosa y muy profana, y después tan ejemplar que de ella habemos de hacer memoria adelante. Y el principio de esta rara mudanza le resultó de esta maravilla que vio en el padre Fray Juan de la Cruz. Por que yéndose a confesar con él cargada de joyas y de galas profanas, vio en entrando en el confesonario donde el Venerable Padre estaba, que salía por los agujeros del rallo un resplandor de luz celestial que

/2 PS-DIONYSIUS, De CH, cap.10, S.1.

le penetró el alma de manera que de allí salió movida a dejar las galas y vestirse de un saco, como en su lugar diremos.

Y porque ella era ya muerta cuando se hicieron estas informaciones declaran en ellas el licenciado Antonio Alemán, canónigo de Segovia, su sobrino y licenciado Diego de Riofrio, con otros muchos testigos, habérselo oído a ella misma; y que este resplandor que salia del confesonario del padre Fray Juan de la Cruz cuando se iba a confesar con él, lo había visto muchas veces, y fue mujer de tanta verdad y virtud que murió con opinión de santa. Y fuera del confesonario le vio algunas veces con el mismo resplandor, y de una testifica el doctor Villegas haberlo sabido de la misma. Otro testigo de estas informaciones dice que tres veces que se fue a confesar con el Venerable Padre, en abriendo el confesonario donde estaba, salia de él tan gran resplandor que le deslumbraba la vista, y una vez le preguntó qué era aquello. Y mostrando disgusto el Santo que lo hubiese notado quiso deshacer el misterio y después le mandó que no lo dijese a nadie.

De esto mismo nos dan noticia personas muy acreditadas de nuestra Orden, y en particular dicen algunas monjas que cuando el Venerable Padre las comulgaba al fin de la misa, entraba por la ventanilla del comulgatorio un extraordinario resplandor que salia de su rostro y les causaba devoción. De los efectos que esta maravillosa reverberación hizo en algunas personas que la vieron, referiré sólo un caso por ser de original muy acreditado y haberlo referido el mismo a quien sucedió a toda una comunidad de nuestros frailes. Un religioso grave de la Orden de santo Domingo (cuyo nombre por su humildad callo) siendo aún seglar entró un dia en un monasterio nuestro, bien descuidado de tomar otro estado más perfecto y encontróse con el padre Fray Juan de la Cruz que acababa de decir misa, y sabla de su rostro tan admirable resplandor que le deslumbró los ojos, y pasando al corazón le pegó el fuego de donde el resplandor procedia, con tan eficaz moción que desde allí salio resuelto a ser religioso, y fuelo tan de veras que cuando contó esto era maestro de novicios de un monasterio grave de su orden, y muy de ordinaño decía a nuestros religiosos que a la nuestra debía su vocación.

De estos efectos de fervor y luz favorecidos de Dios tan a lo milagroso en las ocasiones que aqui serialan los testigos, se conocia que eran muy intensos los actos de caridad que nuestro Serafin ejercitaba asi en orden a Dios como en orden a los prójimos; pues la moción de la parte inferior por redundancia de la superior, dicen los teólogos que es serial muy conocida que es muy intenso el acto de la voluntad/3 de donde procede esta alteración de la parte sensible. Y de aqui se nos descubre un muy extendido campo de aumentos de caridad del Venerable Padre con la intensión de los actos de ella/4 pues, como ya vimos, el fervor que procede del acto intenso de caridad, siempre aumenta la esencia de ella. Y como estos actos eran tan frecuentes, también lo eran sus aumentos, de lo cual era forzoso que se siguiese una rara santidad. Conociase también en esta redundancia luminosa cuán crecido era el fuego de amor de Dios que ardia en el espiritu de este Serafin terreno con la influencia de los celestiales, pues tales llamaradas y resplandores despedia de si que de esta manera redundaban al cuerpo. Porque esta influencia divina primero se recibía y ejercitaba en la voluntad, como en sujeto de la caridad, y de allí redundaba al apetito sensible que está en el corazón /5, desde donde comunicaba a lo milagroso su fogosa eficacia hanta lo exterior del cuerpo.

Cap. 31. De su caridad iluminativa con que a modo de serafin iluminaba y encendia a otros en el fuego en que él ardía

Como la caridad mira principalmente a Dios y secundariamente al prójimo/1, entrambas cosas se hallan en los serafines como lo que entre los espiritus celestiales arden más en este divino fuego de la caridad. Y de estos dos efectos de arder en si y encender a otros, dice san Dionisio/2, que se denominan. A lo primero llama calidad luminosa, y a lo segundo iluminativa. Y a la operación que ejercitan en los inferiores llama, por esto mismo, reductiva y activa. Reductiva, porque los reduce a Dios con el fuego de la caridad en el vuelo de la contemplación/3. Y activa, porque los compone en si mismos segùn la voluntad de Dios y ordena a él todas sus operaciones. Y añade el mismo Santo en los tocados de este fuego una calidad muy propia de prelados, que ellos mismos en su modo de obrar dan forma y ejemplo de estas cosas a sus inferiores. Todo lo cual hallamos con particularisima excelencia en la operación de nuestro Serafin terreno, que no sólo era luminosa en si misma, sino también iluminativa para otros, y de lo que enseñaba a sus súbditos daba en si mismo forma ejemplarisima, predicando no menos con las obras que con las palabras. Y pues en el capitulo pasado tratamos de su caridad luminosa, en éste trataremos de su caridad iluminativa, valiéndonos para esto de lo que algunos de los testigos examinados en sus informaciones dicen de este efecto en sus declaraciones juradas.

Una religiosa antigua y muchas veces prelada, de quien nuestra madre santa Teresa tenía muy gran crédito, dice acerca de esto en su declaración de esta manera: «La fuerza de las palabras del padre Fray Juan de la Cruz manifestaban bien cuán lleno andaba de Dios, parque bastaban para trocar a quien las oía y dejar a un alma renovada y otra de la que había ido a sus pies. Esto experimentélo yo diversas veces en nuestro convento de Segovia, adonde cada vez que iba parece que había prendido fuego de amor de Dios en todas las religiosas, a quien él hablaba, según quedaban fervorosas. y si alguna tenía alguna tentación o trabajo, en hablándole se le

/3 S, TH., De Verit., q.26, a.2.

/1 S. TH., 22, q. 25, a.1.

/4 S. TH., In I Sent., Dist.17, q.2, a.1.

/2 PsDIONYSIUS, De CH, cap.7,§.1.

/5 S. TH., I2, q. 56, a.6.

/3 Idem ut supra, S. Mobile.

quitaba luego; y así hizo notable provecho en muchas almas. Imprimía en el corazón con eficacia las verdades que otras veces se habían oído casi sin reparar en ellas, que pegaban olvido y menosprecio de las cosas de la tierra, y gran aprecio y deseo de las del cielo ».

Otra persona de no menor crédito dice de este mismo tiempo que estuvo en Segovia estas palabras: « Tenía el santo Fray Juan de la Cruz tanta eficacia en persuadir a cosas de virtud, que con sus palabras parecía que daba al alma un esfuerzo invencible para procurar la virtud que persuadía. Y era esto de manera que algunas veces que él me animaba a llevar los trabajos con esfuerzo sucedía vestirme el alma de tal aliento y de tan gran fortaleza que quisiera tener presente la muerte para acometerla en ejecución de lo que me persuadía. Y esto era con tan notable fervor y conocimiento que me parecía que habían hecho poco los mártires en ofrecer la vida por Cristo, si ellos se sentían con el esfuerzo que yo entonces. Y admirándome de verme tan fuerte en un instante después de tanta flaqueza y cobardia, decía entre mi. No sé qué hombre es éste, que parece encantador a lo divino, que juntamente con persuadir las cosas parece que infunde la ejecución de ellas. Porque era tan dueño de los afectos ajenos para moverlos a las cosas de virtud, que mostraban bien sus palabras tener fuerza sobrenatural para inclinarlos a lo que querfa y vestirlos de tan gran fervor que parecia abrasaba las almas. Y en todo lo demás era un vivo retrato de la vida y ejemplo de Cristo». Todo esto es de este testigo tan acreditado, y casi lo mismo dicen otros de los que se examinaron en Segovia. Y añaden que en las comunicaciones de los prójimos parecia que adivinaba el trabajo interior que cada uno tenía, porque luego encaminaba la plâtica a aquella necesidad hasta dejarlos con mucha paz o por lo menos consolados.

Del tiempo que nuestro Venerable Padre estuvo en Granada dicen también mucho nuestros religiosos y religiosas de este provecho que con su comunicación hacia en las almas. Una de estas personas de muy gran virtud que por ella y por su buen caudal ha sido prelada muchas veces, refiriendo en su declaración lo que experimentó de estos efectos dice asi: «Las palabras de nuestro santo padre Fray Juan de la Cruz tenían tan particular sustancia que pegaban inclinación a la virtud y fuego de amor de Dios, como en mí lo experimenté muchas veces. Porque encendían tanto los deseos de servir y amar a Nuestro Señor que el corazón parecía que no me cabía algunas veces en el cuerpo, con ansias de agradar a Dios tan eficaces que me hacían esconderme y a solas arrojarme en la cella delante de alguna imagen de Cristo para descansar de aquel afecto. Otras veces de dolor y pena de que no era agradable a Dios; y estos mismos efectos de fervor y calor oí decir a otras religiosas que hacía su comunicación en ellas. Y no sólo sus palabras vivas más también las escritas tenían esta eficacia, por bullir en sus razones no sé qué de Nuestro Señor que alentaba y hacía particular operación en el alma. Y así cuando él estaba ausente de la ciudad de Granada y me escribía acerca de mis dudas, sentía el mismo efecto con sus cartas que con sus palabras».

Esto dicen las monjas de Granada, y otra noticia semejante nos dan en sus declaraciones las monjas de Beas del tiempo que acudió allí a confesarlas. Y una de ellas de mucho crédito añade a los efectos ya dichos otros, diciendo: «Tanta gracia dio Nuestro Señor al santo Fray Juan de la Cruz en edificar y afervorizar con su santidad, presencia y plâticas que traía las monjas a la perfección con muchos medios esforzados, como mortificaciones, penitencias, trato de espíritu, olvido del mundo, amor de Dios y mucha puntualidad y observancia en las cosas de Religión. Y así puedo afirmar por lo que vi que nunca el monasterio de Beas llegó a la perfección de aquel tiempo que este santo fue allí maestro y padre ». Todas estas palabras he referido de nuestras religiosas por ser dichos casi de conventos enteros de ellas que por diferentes palabras dicen una misma sustancia.

Esta gracia tan sobrenatural que el Venerable Padre tenía para afervorizar las almas y moverlas con extraordinaria eficacia a la virtud, tenía bien conocida nuestra gloriosa madre santa Teresa, por una larga experiencia que había hecho de lo que renovaba las personas que le comunicaban, y asi procuraba mucho que tratase a sus religiosas para que les pegase espiritu y fervor. Y cuando le tenía donde ella podia comunicarle, con él trataba sus dudas de espiritu como con persona que ella tenía por tan ilustrada de Dios, y en ningún otro maestro hallaba tanta luz. Y acordándose de lo múcho que había padecido en sus dificultades tantos años .sin hallar maestro que la entendiese, como ella lo dejó escrito en uno de sus libros/4, decía (como dando gracias a Dios que le había dado dentro de su Religión lo que no había hallado fuera de ella): Andome por aqui y por allí buscando luz y todo lo hallo junto en mi Senequita. Llamándolo asi por la gran sabiduria que estaba atesorada en tan pequerio cuerpo. Y cuando él estaba ausente y lejos

/4 S.TERESA, Vida, 4, 7 y 9.

de donde ella podia comunicarle, encarecia mucho la falta que le hada y envidiaba a las que le tenían cerca. Y asi escribía a sus monjas, donde él acudia, cuánto debían estimar que él las comunicase.

Siendo prelado en los dos monasterios del Calvario y de Baeza, iba algunas veces a confesar las religiosas de Beas, convento de aquel partido, y escribiendo la madre Ana de Jesús a nuestra madre santa Teresa la falta que en aquel lugar había de personas espirituales que supiesen guiar a sus monjas, le respondió la Santa estas palabras: «En gracia me ha caído, hija, su queja teniendo alla a mi padre Fray Juan de la Cruz, que es un hombre celestial y divino. Pues yo le digo, hija, que después que se fue allá no he hallado en toda Castilla otro como él, ni que tanto afervorizase en el camino del cielo. No creerá la soledad que me causa su falta. Miren que es un gran tesoro el que tienen allá en ese santo, sepan estimarlo. Todas las de esa casa traten y comuniquen con él sus almas y verán cuán aprovechadas se hallan y cuán adelante caminan en espíritu y perfección; que le ha dado Nuestro Serior para esto particular gracia». Esto es de esta carta y la misma estima mostraba siempre que se le ofrecia tratar de él.

También nuestros religiosos dicen mucho en sus declaraciones de lo que edificaba con su vida y doctrina a sus súbditos en los conventos donde era prelado, ejercitando la caridad con ellos de mil maneras, particularmente en encaminarlos a la perfección por las sendas derechas de ella. No se contentaba, como otros, con hacerles plâticas comunes, sino comunicándolos en particular muy a menudo examinaba su aprovechamiento interior para enderezar lo que fuese torcido, y mejorarlos en la vida espiritual, según la disposición que hallaba en cada uno. Si estaban afligidos, los consolaba y sentia mucho verlos melancólicos, teniéndolo por gran estorbo del camino de la virtud y cosa muy ajena del consuelo que da Dios a los que le sirven. Siempre que acudian a él los recibía con rostro alegre, y jamás se le vieron torcido para ningún súbdito, hallando todos en él acogida de padre. Procuraba mucho aficionarlos a la soledad y retiro de creaturas, compariero de la oración y trato familiar con Dios. Para esto los sacaba algunas veces al campo y a lugares solos, y después de haberles alegrado allí un rato, les decía que se dividiesen por la soledad para gastar aquel tiempo en oración y en hacer exclamaciones afectuosas a Dios sin más testigos que los ángeles.

Y siendo tan largo en estas salidas a la soledad que él mismo las solicitaba, era muy estrecho en las que le pedian para la ciudad o para los lugares, y sentia mucho que se ordenasen a cumplimientos de correspondencia humana de que por nuestro estado estábamos excusados. Cuando era forzoso salir algunos de sus religiosos a los lugares, les encargaba mucho el buen ejemplo fuera de casa, diciéndoles que en nuestra Religión todos habían de ser predicadores de vida reformada con la modestia y reformacián de la suya, que para eso los había puesto Dios en su Iglesia. Que guardasen silencio en las palabras, mortificación en los ojos y modestia en todas sus acciones; que evitasen comunicaciones de mujeres, y que donde fuesen más conocidos allí acudiesen menos veces y que con esto predicarian más que otros con largos sermones de agudos conceptos. Y finalmente, ahora hablase, ahora callase, siempre predicaba virtud y reformación, porque sólo verle edificaba y componia. Y éste es el común lenguaje con que hablan de él todos los que le conocieron.

Esta misma doctrina escribía muchas veces a nuestras religiosas en sus cartas. En una que llegó a mis manos acabando este capitulo, escrita a las monjas de Beas, disculpándose que les escribía pocas veces, les dice estas palabras: «Hijas mías, harto esta dicho y escrito, si lo pusiésemos por obra en silencio y amor. Que el hablar distrae, y el callar y obrar recoge y da fuerza al espíritu. Y asi, en sabiendo una persona lo que le han dicho para su aprovechamiento, ya no ha menester oír ni hablar, sino obrarlo de veras en caridad callada y desprecio de sí. Y el querer saber cosas nuevas más es satisfacer al apetito que aumentar la virtud interior; y es como quien come sobre lo indigesto, que no se convierte en sustancia sino en mal humor. Para aumentar la virtud del espíritu no hay mejor medio que padecer, obrar y callar, cerrar los sentidos en soledad y olvido de toda creatura y de todos los acaecimientos humanos, aunque se hunda el mundo, que quien esta divertida en ellos, muy poco advertida esta en Dios. Porque cuando lo esta, con fuerza le tiran de dentro a callar y huir de toda conversación. Porque más quiere Dios que el alma se goce en él que con ninguna criatura por aventajada que sea». Esto dice nuestro Venerable Padre; y a este modo eran todas sus cartas llenas de doctrina sustancial y desengariada.

[…]

Cap. 33. Cuán gran maestro fue de la vida espiritual y cuán acertado conocimiento tuvo de los caminos de ella, para guiar las almas a su perfección.

Todos los que comunicaron de muy cerca a nuestro Venerable Padre y trataron con él sus almas, afirman haber sido uno de los más excelentes maestros de espiritu que ha tenido Dios en su Iglesia. Y como la sabiduria que comunicaba a las almas emanaba de Dios a su espiritu tenía aquellas dos propiedades que los Doctores sagrados declaran de esta divina sabiduria: que es iluminación para el entendimiento y fuego de amor para el afecto con cierta renovacién de espiritu en los así iluminados/1; porque todo esto se verificaba en el magisterio espiritual de nuestro Venerable Padre. De esta sabiduria divina procedia el gran don que tenía de conocer espiritus, que a pocas palabras que hablase con cualquiera persona espiritual conocia luego et camino por donde iba, y si caminaba acertadamente o si iba errada. Y asi muchas veces decía a sus comparieros (como ellos testifican) cuando a instancia de ellos o de otros comunicaba fuera de confesión algunas personas: Esta alma va por este camino y no va bien, y si fuese por éste iria por donde Dios la llama. Y experimentaron muchas cuánto había acertado en guiarlas, por los provechos que ellas conocian haber hallado por el camino en que las había puesto. Asimismo cuando se trataba de personas que deseaban servir a Dios (cuya vocación y espiritu él había examinado) le oyeron decir en muchas ocasiones: Este será religioso, éste no. Este perseverará en la Religión, éste volverá atrás en lo que ha comenzado. Y todo lo veian después cumplido con tanta puntualidad como si hablara de cosa ya pasada.

Declararemos esto con algún ejemplo. Siendo vicario provincial de la Andalucia y Ilegando al convento de Granada, dijéronle el prior y los religiosos que habían dado et hábito a dos buenos sujetos, el uno de misa y el otro de Evangelio, mostrando estar muy contentos con ellos. Quiso verlos el Venerable Padre, y subiendo al noviciado, estuvo con ellos un rato. Y cuando bajó, dijo al prior y al maestro de novicios que el de Evangelio les había de dar un mal rato y al fin se iria a su casa. Y fue asi; porque de alti a pocos dias, cansado ya de la vida penitente, fingió una apoplegia y alborotó el convento. Vino el médico e hicieron remedios, y al fin se conoció que era

/1 S. TH.,/, q.43, a.5 ad 2 et 6 in corp. et ad 2.

fingido el mal para tener ocasión de salirse, y le quitaron el hábito. Estando en Segovia se confesaba con él un mancebo de aquella ciudad, llamado Miguel de Angulo, y llegaron sus buenos deseos a querer ser fraile de nuestra Religión. Y el Venerable Padre le dijo que no le queria Dios para ese estado. Continuábanse sus deseos, y viendo cerrada la puerta en nuestra Orden, para cumplirlos trató de serlo en la de san Francisco, y consultándolo con el padre fray Juan de la Cruz, le dijo que no se cansase, que no seria religioso. Porfió en ello, e hizo sus diligencias hasta sacar licencia del Provincial para que le diesen el hábito. Y teniéndolo ya como por hecho, se le ofrecieron tantas dificultades en la ejecución que claramente conoció que era verdad lo que el santo Padre le había dicho, y que se cansaba sin provecho. Y asi se quietó y procuró servir a Dios por otro camino, persuadiéndose que había dado luz a nuestro Venerable Padre de lo que más le convenia. Todo lo cual refiere en su declaración jurada.

Tenía para esto tan a la mano la luz divina que cosas muy secretas de los sujetos que pedian el hábito, le estaban a él manifiestas, y se aprovechaba del conocimiento infuso no para descubrirlas hasta que et tiempo las hiciese públicas, sino para que se procediese con acierto en las elecciones, como se vert también en un ejemplo. Estando en Granada, siendo vicaño provincial, vino a nuestro convento un hombre de buena suerte a pedir et hábito de religioso, y viéndole el prior y los conventuales, y sabiendo que era buen estudiante, se contentaron tanto de él que se determinaron a darle el hábito. Comunicáronle con el Venerable Padre, y él les dijo que no convenia dárselo. Y como ellos porfiasen en su intento dando razones de conveniencia, y deseando saber las que había en contrario, les certificó el Santo Padre que, si le daban el hábito, verían presto la razón porque no convenia dárselo. Al fin se le dieron por estar muy agradados de él. Y pocos dias después vinieron al convento la mujer y dos hijos del novicio (que era casado) y la mujer pedia a su marido y los hijos a su padre, y asi le quitaron el hábito, y tuvieron otro ejemplo más del ilustrado espiritu de su prelado.

El conocimiento que tenía de los espiritus que gobernaba pasaba tan adelante, que cuando había de hacer alguna ausencia larga, les decía lo que adelante había de pasar por ellos, como si ya lo viera presente, y les advertia cómo se habían de haber en cada tiempo. Para lo cual tenía particular luz de Dios, y dentro de su alma como en un espejo divino (en que él miraba las de otros que tenía a su cargo, aunque estuviese ausente y muchas leguas de ellos) conocia sus trabajos y peligros, y los avisaba de ellos y cómo se habían de haber en los unos y en los otros. De lo cual referiremos muchos casos muy notables, cuando tratemos del don que tuvo de profecia, como en su lugar propio. De manera que las personas que le tenían por guia, después de haberle comunicado sus espiritus y ejercicios y recibido de él sus advertencias, aunque después les faltase, no tenían necesidad de otro maestro sino gobemarse por lo que les había dicho. Y cuando alguna cosa nueva se ofrecia, las gobemaba por cartas, unas veces respondiendo a las dudas que le habían propuesto y otras, avisando de cómo se habían de haber en ellas antes de haberlas escrito.

Personas muy fatigadas de tentaciones o pasiones muy vehementes, en poniéndose en sus manos se hallaban otras, según el aprovechamiento que sentian con los medios con que las socorria, para lo cual tenía prudencia y sabiduria del cielo. Y para desahogar y dilatar corazones apretados y afligidos tuvo tan particular don, que cualquiera persona afligida que llegaba a él, quedaba con su comunicación tan consolada y libre de lo que la afligia coma si no lo hubiera tenido. Y hacianle tanta lástima personas de corazones apretados que tenía particular consuelo en acudirles, y parece que a modo de ángel ejercitaba su operación en ellas, que a los que iluminan les dan luz y juntamente los confortant para que puedan recibirla y obrar con ella; porque otro tanto se experimentaba en su comunicación según estas personas quedaban alentadas después de haberle comunicado. Y de este efecto dicen mucho los testigos en sus declaraciones. Y aun después de muerto experimentan sus devotos esta piedad con los afligidos, según son muchos los casos milagrosos que hallamos probados de este socorro, de algunos de los cuales haremos memoria adelante, cuando tratemos de las cosas sucedidas después de su muerte.

Para socorrer éstas y otras necesidades, le había dada Dios demás de luz un no sé qué gratuito a que no sabían dar nombre, que convidaba a las almas a participar de esta luz y a descubrirle todos los rincones de ellas, casa muy dificultosa a todo género de persona, y mucho más al de las mujeres honestas. De cuyo encogimiento se vale el demonio unas veces para encumbrir los pecados o disfrazarlos, de manera que se hagan malas confesiones; y otras para no manifestar las tentaciones y peligros. Pues estas personas en viéndose a sus pies se hallaban coma secretamente movidas a paner en sus manos sus almas quitados todos los velos y rebozos. Y por este camino hizo a Dios muchos y muy grandes servicios, unas veces de conciencias muy manchadas y otras de almas mal encaminadas. Decían estas personas que la mansedumbre recatada y la afabilidad severa que en él conocian, les daba seguridad y juntamente osadia para descubrirle sus conciencias. Y otras que considerándole un ángel en la vida y en el espiritu, les quitaba el encogimiento que pudieran tener de un hombre. Pero sobre todas estas buenas propiedades de la seguridad humana caia el particular don divino. Y algunas veces queriendo Nuestro Señor remediar por su media algunas almas le daba luz del estado en que estaban y antes que ellas descubriesen la dolencia, mostraba haberla conocido y les aplicaba conveniente medicina, de que referiremos algunos casas cuando tratemos del don de profecía.

/2 S. TH., De Verit, q. 9, a. 1.

Cap. 34. Del don particular que tuvo de Dios para despenar almas muy trabajadas con dificultades de espíritu o de conciencia.

Las grandes dificultades de espiritu y las tempestades que suelen padecer las almas que Nuestro Serior quiere levantar a grados muy altos de su comunicación y amor, en nuestro Venerable Padre como en puerto seguro hallaban su satisfacción y reposo. Y asi era muy ordinario acudir a él personas que habían andado muchos años atormentadas en los ejercicios espirituales sin haber hallado quien las entendiese, y en comunicándole conocia luego el camino por donde el Serior las llevaba, y en la luz que les daba hallaban su descanso. Para lo cual tenía grandisimo caudal de sabiduria ilustrada por muchos caminos. Porque, lo primero, tenía a lo muy eminente (como tocamos en otra parte) aquel grado del don de sabiduria que contó el Apóstol entre las gracias gratis datas/1, por el cual el iluminado con él no sólo recibe el conocimiento de misterios divinos muy levantados, más también habilidad para declararlos a otros y ordenar la dirección de los actos humanos en si y en los demás según las reglas divinas. Tenía asimismo la sabiduria de Dios aprendida en las letras sagradas, en que era tan versado que de ordinario traía la Biblia en las manos, leyendo y meditando en la ley del Serior y en sus divinos misterios. Había también bebido en su pureza la sabiduria celestial escondida a los del mundo y concedida en la contemplación a los amadores de Dios, la cual recibía sin estorbos como tan gran maestro de ella. Y tenía, finalmente, la sabiduria experimental con que se perfeccionaba su magisterio. De manera que se podia decir de él lo que san Dionisio del divino Hieroteo/2 que no sólo conocia las cosas divinas más también las padecía; porque de los efectos que en la voluntad experimentaba de ellas, se perfeccionaba más en su conocimiento. Porque había pasado por todos los grados de la escala mistica y por los efectos de las influencias divinas muy particulares, ya penosas, ya sabrosas, por donde Nuestro Señor va levantando a las almas contemplativas bien dispuestas hasta unirlas consigo en caridad perfecta. Y de aqui venia que en cualquier grado de esta escala celestial en que el contemplativo estuviese, y en cualquiera dificultad

/1 S. TH., 22. q.45, a.5.

/2 PsDiorrYstus, De DN, cap.2, S.4; S. TH., In III Sent., Dist.15, q.2, a.2, q. 2.

que en su camino se le ofreciese, a dos palabras que le dijese lo entendia luego, y con su doctrina le daba luz práctica y guia acertada para caminar seguro.

Pudiéramos verificar esto con innumerables ejemplos de personas que habían andado atormentadas muchos años sin hallar quien entendiese el camino por donde Dios las llevaba en la vida espiritual hasta que encontraban con nuestro Venerable Padre; pero contentaréme con sólo referir unas palabras de la santa virgen Maria de Jesús, una de las dos primeras novicias y fundadoras del monasterio de Beas (a quien nombro con veneración por su rara virtud) la cual de su experiencia dice asi: «Cuando vi la primera vez al santo padre Fray Juan de la Cruz había algunos años que padecía grandes trabajos de espíritu dados de Dios y sin alivio porque no los entendían los confesores; y en viéndole, me llenó luego el alma, y con la satisfacción que quedé, me confesé con él y declaré mi alma. Al punto la entendió, y me aseguró el camino y dio ánimo para padecer lo que quedaba, y por su parecer me regia hasta que murió, aunque estuviese ausente. » Esto dice esta santa religiosa, y la misma experiencia hizo también de él nuestra madre santa Teresa después que le trató, y de la claridad con que le habló en todos los grados de la escala mistica, por donde ella había pasado, conoció cuanto tiempo había perdido, y cuantos trabajos había padecido por falta de guia en aquellos veinte años que ella dice que no halló confesor ni maestro que la entendiese/3.

Entre las almas de oración que gobernaba dos maneras de sujetos le daban mucho que trabajar por caminos contrarios: unos muy discursivos, y otros que no podian discurrir. Los primeros alegaban que por padecer tanta dificultad en quietar el entendimiento en una cosa sola no eran capaces de ser contemplativos, y que asi les cuadraba aquella doctrina de nuestra madre santa Teresa que, pues no podian todos ser contemplativos, se contentasen con oración mental/4. A los cuales respondía que lo mismo les aconsejaba él, pero que advirtiesen que nuestra santa Madre llamaba oración mental a la contemplación que nosotros podemos ejercitar a nuestro modo por medio de la luz de la fe y los auxilios comunes de la gracia. Y que sólo llamaba contemplación a la infusa que Dios concede sobre nuestro modo humano, a lo cual era bien que ellos no aspirasen, contentándose con la

/3 S.TERESA, Vida, 4, 6.

/4 S.TERESA, Cam. 17, 2. Autógrafo de Valladolid.

otra. Pero que guardasen las condiciones que nuestra santa Madre ponía para que esta oración mental fuese provechosa, y serían de veras contemplativos. Las cuales son: que acallen el entendimiento y se queden en quietud mirando a Dios y advirtiendo que él los mira y le acompañen y se regalen con él, todo lo cual se hace con el conocimiento sencillo de la fe, porque esto mismo era lo que él las enseñaba en la contemplación ejercitada a nuestro modo humano. La cual todos podían ejercitar, porque el ejercicio de la luz de la fe se nos concede a nuestro modo humano y la iluminación del don de sabiduria que anda con los auxilios comunes de Dios a ninguno de los que están en gracia se niega, como afirman los santos/6. Y que pues no había más dificultad para esto que quietar el alma en el conocimiento sencillo de la fe, y ésta se vencia con la perseverancia y ejercicio continuado, se había de pelear por la virtud contra la inquietud del alma, como se peleaba contra otros vicios de la naturaleza; pues el discurso sin esta quietud donde él se logra era de poco o ningún provecho.

Los otros, por el camino contrario, como no podian discurrir, les parecía que, aunque más atentos estuviesen a Dios en la oración con deseo de agradarle, que estaban perdiendo tiempo, y era menester trabajar con ellos para persuadirles que en quedándose delante de Dios en la oración con la advertencia amorosa y sencilla de fe (que es el acto de contemplación que él enseriaba a la gente sencilla) recibían la iluminación divina y sus efectos, aunque ellos no los percibiesen. Y asi los unos como los otros con la larga espera y continuación de trabajar con ellos se iban mejorando, y algunos, después de este trabajo, llegaban a ser grandes contemplativos, cumpliéndose en ellos lo que dice nuestra santa Madre a este propósito por estas palabras: «No por esta dificultad desmaye ni deje la oración ni de hacer lo que todas, que a las veces viene el Señor muy tarde, y paga tan bien y tan por junto como muchos años ha ido dando a otros/7». Y pone el ejemplo en si, que en catorce años no pudo meditar, y después le dio el Serior la contemplación infusa muy ilustrada y continua.

Del buen logro de este trabajo de nuestro Venerable Padre pondremos también algûn ejemplo. Había en el monasterio de nuestras monjas de Segovia una religiosa, llamada Maria de la Cruz, que tenía tan gran dificultad

/5 S.TERESA, Vida, 13,22.

/6 S. TH., 22, q. 45, a.5.

/7 S.TERESA, Vida, 17. En realidad es Cam. 17,2.

en la oración mental que no le era posible recogerse, aunque lo procuraba con muchos medios. Y como era trabajo éste ya de muchos años, estaba tan desanimada que pensaba no trabajar ya más en esto. Un dia que fue a confesarlas nuestro Venerable Padre le dio cuenta de esta dificultad y luego conoció de donde le procedia, que era ser su natural poco discursivo y llamarla Nuestro Serior a la quietud sencilla de luz de fe sin discurso, donde Su Majestad se comunica a las almas sin estorbos de semejanzas sensibles. Y asi comenzó a alentarla a esto con esperanza que en poco tiempo podia ser muy contemplativa y tener grandes recibos de Dios en su alma. A los principios padeció con ella mucho trabajo, porque hasta que el paladar espiritual, templado a lo sensible, se fue saboreando a lo intelectual en los recibos de la divina influencia, le parecia que en la quietud sencilla, aunque más atenta fuese a Dios, estaba ociosa y perdiendo el tiempo, y asi se afligia y ejercitaba la paciencia del Maestro. Pero al fin con su gran espera y perseverancia en guiarla y animarla, llegó a hacer tan provechoso asiento en la oración que vino a ser una gran contemplativa, y por este camino una de las religiosas más aventajadas que hubo en el convento de Segovia, como lo dicen en sus declaraciones juradas las religiosas que la conocieron.

Con esta misma sabiduria y prudencia socorria también nuestro Venerable Padre a las almas afligidas en los aprietos de conciencia de cualquiera calidad que fuesen, y nadie llegaba a sus pies que no hallase la satisfacción que buscaba, porque demás de la sabiduria infusa, em también docto en la adquirida; de lo cual refiere un ejemplo en su declaración una persona de gran crédito por estas palabras: «Tenta el padre Fray Juan de la Cruz particularisimo don para tratar conciencias dificultosas. Una vez llegó a mi una persona de autoridad muy congojada, diciéndome que tenta un negocio gravisimo de conciencia y lo había tratado con muchos confesores y ninguno le había satisfecho de manera que la quietase y por esto padecía notable aflicción. Yo, doliéndome de ella, la llevé al padre Fray Juan de la Cruz y habiéndose confesado con él quedó tan quieta que nunca más le dio pena lo que antes; y hasta hoy me da las gracias del bien que le hice en haberla encaminado a quien le había dado tan eficaz remedio ». De estos ejemplos se pudieran referir muchos, y asi dice en su declaración una persona sabía que le había tratado mucho, que la boca del santo padre Fray Juan de la Cruz era un minero de riquezas del cielo que nunca se agotaba.

[…]

Cap. 36. Que en el gobierno de las almas contemplativas huía de dos extremos con que algunos maestros espirituales abren la puerta a engaños del demonio.

Pero aunque nuestro Venerable Padre velaba mucho sobre las almas contemplativas que gobernaba para guardarlas de las asechanzas y engaños del demonio, particularmente si eran de las que en la oración tenían recibos muy sobrenaturales, con todo eso las encaminaba de su seguridad por un medio prudente y acertado entre dos extremos muy dañosos que se hallan muy de ordinario en maestros espirituales poco experimentados, de los cuales iba siempre huyendo. El uno es de los que en siendo cosa sobrenatural todo lo condenan a poco más o menos sin tener para ello fundamento. Y el otro de los que todo lo aprueban sin el prudente examen y reposado juicio que estas cosas piden. Y de estos dos extremos no le parecia que era fácil juzgar cual abria más presto la puerta al demonio para sus engaños; porque asi como la incauta seguridad de los unos hace menos recatada al alma contemplativa de sus daños, asi también los espantos y asombros de los otros en oyendo recibo sobrenatural, la amilanan y espantan, y con esto cierran la puerta al buen consejo y echan uno como candado a su boca para no atreverse a dar cuanta de estas cosas a quien la guia, que es lo que el demonio pretende para armar sus redes.

De éstos se queja mucho nuestra madre santa Teresa en diferentes lugares de sus libros por lo mucho que padeció con ellos. En uno los llama media letrados espantadizos. En otro dice que lo que ellos no alcanzan, no lo quieren conceder a Dios ni creer de su bondad que regale tanto a las almas que le sirven. Y en otro encarece tanto los trabajos que padeció con ellos, que dice que a un maestro solo de estas teme más que a todos los demonios del infierno. Finalmente, en otro lugar donde la misma Santa trata de esta materia más de espacio, y muy a provecho de las almas muy ilustradas de Dios dice a este propósito estas palabras: «Parece hace espanto a algunas personas sólo oir nombrar visiones o revelaciones. No entiendo la causa porque tienen por camino tan peligroso el llevar Dios a una alma por aqui, ni de donde ha procedido este pasmo. No quiero ahora tratar de cuales son buenas o matas ni las sefiales que he ofdo a personas muy doctas para conocer esto, sino de lo que será bien que haga quien se viere en semejante ocasión. Parque a pocos confesores irán que no las dejen atemorizadas; que, cierto, no los espanta tanto decirles que les representa el demonio muchas blasfemias y cosas deshonestas, cuanto se escandalizan de decirles que han visto o hablado a algùn àngel o que se les ha representado Jesucristo crucificado/1. »

Y dando la misma Santa doctrina saludable de su ilustrado espiritu a los maestros de poca experiencia en estas materias misticas, los dice asi: «Como es cosa ésta que no se puede alcanzar sin experiencia, yerran muchos en querer conocer espiritus sin tenerle. No digo que quien no tuviere espiritu, si es letrado, no gobierne a quien le tiene; mas entiéndese en lo exterior e interior que va conforme a via natural por obra de entendimiento, y en lo sobrenatural que mire vaya conforme a la Sagrada Escritura. En lo demàs no se mate ni piense penetrar lo que no entiende, ni ahogue los espiritus, que ya en cuanto a aquello otro mayor Señor los gobierna, que no estan sin superior. No se espanten ni les parezcan cosas imposibles, que todo es posible al Señor, sino procuren esforzar la fe y humillarse de que hace el Señor en esta ciencia a una viejecita mas sabia por ventura que a ellos, aunque sean muy letrados. Y con esta bumildad aprovecharan mas a las almas y a sî mismos que con tenerse por contemplativos sin serlo./2 Todo esto es de nuestra Maestra en que condena la libertad con que algunos ignorantes de esta sabiduria escondida juzgan luego de ella sin màs consulta, confesândose por insuficientes para penetrarla los grandes santos que Dios puso por lumbreras de esta luz en su Iglesia.

Pues como nuestro Venerable Padre era tan experimentado y advertido asi en la sabiduria de escuelas como en la del espiritu, por eso guiaba las almas contemplativas sin estos espantos y muy a lo provechoso y seguro, ahora fuese en los grados muy altos, ahora en los muy halos de la escala mistica. Y de lo que cuidaba mucho era de apartarles en la oraci6n las po-tencias de los arcaduces sensibles, donde el demonio puede armar sus redes y ordenarlas a Dios en actos intelectuales y sencillos. Que esto dice San Dionisio/3 que pretende Dios en las comunicaciones sobrenaturales que concede a modo sensible a los contemplativos; y a esto mismo los inclina la divina influencia en estas comunicaciones, como lo experimentaba nuestra santa Madre en una de ellas, cuando decia que el entendimiento no queria atender

/1 S. TERESA, Fundaciones, 8,1.

/2 S. TERESA, Vida, 34,11.

/3 PS-DIONYSIUS, De CH, cap.1, S.Visibiles.

a más que una cosa ni la memoria ocuparse en más. Y de este preservativo usaba nuestro Venerable Padre con estas almas, no sólo en las comunicaciones sobrenaturales que derechamente se hacen al entendimiento, como son visiones y revelaciones, sino también en las que se comunican al afecto de suavidad y sentimientos dulces, siguiendo en esto la doctrina de san Buenaventura que a este propésito dice que como el demonio puede contrahacer estos sentimientos dulces de la parte sensible, es necesaño, para caminar a lo seguro, levantar la vissa del entendimiento a la contemplación sencilla e indistinta de Dios4. Porque con esto se pone el espiritu en lugar sagrado y seguro donde el demonio no puede alcanzar/5. Y por eso dijo el Sabio que por demás era armar redes a las que tenían alas para volar de esta manera a Dios y huir de las fuerzas sensibles donde este enemigo tiene mano. Con esta preservación les daba también a entender nuestro Venerable Padre que con ella no solo se ponian en seguridad, más también acudian al llamamiento de Dios, que suele conceder estos consuelos para levantar a su modo las almas imperfectas al conocimiento intelectual, donde él se comunica con las que de veras le buscan.

Procuraba también en las visiones y revelaciones guiar de manera a las almas que las tenían, que caminando con seguridad en ellas, y evitando todo lo que puede ser engaño, gozasen el fruto de las que son de Dios. Para esto escuchaba con apacibilidad y sin espantos a las personas que se las referian y, después de haberlas oido, les declaraba lo que podian tener de utilidad y lo que de daño aquellas cosas, para que abrazando lo uno, se evitase lo otro. Para lo cual les daba la doctrina que él dejo escrita en uno de sus libros de esta manera/6. Pues todas estas aprensiones y visiones imaginarias y otras cualesquiera, como ellas se ofrezcan debajo de forma o inteligencia particular ahora sean falsas de parte del demonio, ahora verdaderas de parte de Dios, no se ha de embarazar ni cebar el entendimiento en ellas para goder el alma estar desasida, pura y sencilla, como conviene para la divina unión, la cual impide cualquiera inteligencia distinta y particular. Y si por algan caso se hubiesen de admitir estas visiones y detenerse en ellas, era por el provecho y buen efecto que las verdades hacen en el alma. Pero para esto no es necesaño admitirlas, antes conviene, para gozarlo

/4 PSBONAVENTURA, Stimulus amoris, P.2, cap.8.

/5 S.TH., I2, q. 80, a.2.

/6 S. JUAN DE LA CRUZ, Sub. 11, 24, n. 8.

mejor, desnudarse eI entendimiento presto de ellas. Porque el bien que pueden hacer en el alma estas visiones, ahora sean corporales, ahora imaginarias, es comunicarle inteligencia, amor o suavidad, el cual efecto hacen en el mismo instante que se representan y lo recibe el alma pasivamente, sin ser ella parte para lo impedir, como tampoco lo fue para lo adquirir. Y así cuanto más el alma se desnudare de las aprensiones, imagenes y figuras en que vienen envueltas estas comunicaciones espirituales, tanto recibirá con mayor abundancia, claridad y libertad de espíritu las buenos efectos de ellas quitadas todas aquellas aprensiones, que son como cortinas y velos que encubren Io más espiritual que en ellas viene.

De esta manera daba a entender nuestro Maestro a estas personas cómo el efecto para que Nuestro Señor comunica a las almas contemplativas estas visiones en el mismo instante que se las representan lo reciben. Y para que él se continue y aumente, que el medio más proporcionado es dejar estas representaciones particulares y distintas y quedarse atendiendo a Dios en luz sencilla de fe a lo indistinto y no conocido, con que se pone el entendimiento cerca de la fuente divina para recibir de más cerca y con mayor abundancia estos efectos. Y para templar en estas almas la estimación de estas visiones, les declaraba que el comunicárselas el Señor a lo sensible, era señal que estaba el alma todavia imperfecta, pues a las almas aprovechadas se comunica Su Majestad a lo espiritual y sencillo, como él lo dijo por san Juan/7. Con estas y otras semejantes exhortaciones conservaba estas almas en humildad, y dejaba abierta la puerta de la comunicación para que le fuesen avisando de cualquiera aprensión nueva que tuviesen para ayudarles con nuevos avisos en ellas.

Y no sólo de estas visiones imaginarias más también de las espirituales distintas y de otras cualesquiera aprensiones que suelen acaecer acerca de cosas criadas procuraba desnudar a las almas que gobernaba. Y también de las revelaciones de secretos escondidos y sucesos venideros o que tocan a terreras personas, asi por el embarazo que pueden hacer al alma para caminar a la unión divina y a los grados de contemplación más levantada (cuyo medio próximo y proporcionado es sólo la luz oscura de la fe), como también por los engaños que el demonio puede hacer por este camino, de que dejo admirable doctrina en uno de sus libros. Y les ponia riguroso silencio para que de ninguna manera diesen cuenta a nadie de ninguna cosa de

/7 Jn. 4,24.

éstas/8, para lo cual les declaraba lo poco que les importaban todas estas noticias para su propio aprovechamiento y perfección y cuánto se podian dañar con ellas estimándolas. Asimismo les ponderaba lo que dicen los teólogos/9 que de mayor momento es para el alma el aprovechar en un solo grado de aumento de caridad ordenada a mayor unión con Dios, que todas las visiones y revelaciones que pueden tener no sólo los hombres sino también los ángeles si no incluyen en si este aumento de caridad y unión divina/10. Al cual se camina derechamente por la luz oscura de la fe en negación de todas estas noticias particulares y distintas, y a hacer este ganancioso trueco se encamina muy gran parte de los libros de nuestro Venerable Padre, como también de los de san Dionisio, como él lo dice en uno de ellos/11.

De esta manera, pues, se había nuestro Venerable Padre con las almas sencillas que gobernaba, apartándolas suavemente de los lazos encubiertos, sin privarlas de los aprovechamientos que de las verdaderas comunicaciones sobrenaturales podian tener en el magisterio del Espiritu Santo, que es el principal maestro de ellas, cerrando la puerta al demonio y dejándola abierta al divino Espiritu. Lo contrario de lo cual hacen muchos por querer ser maestros de un oficio tan dificultoso, en que apenas son discipulos. De las diligencias que el Venerable Padre hacia en reprender a los que aprobaban fácilmente estas cosas con daño y peligro de las almas que guiaban, trataremos en otra parte, por haberse de tocar historia que no tiene ahora su lugar. Finalmente, después de muchos atios de gobierno de almas espirituales y de tan largas experiencias, tenía el mismo sentimiento que aquel varón sabio y de tan madura experiencia en estas cosas que tan gravemente trató este punto, persuadiendo a los que se encargan de ser guias de personas contemplativas/12: que han de estar muy versados en la lección de los Santos que tuvieron de esto ciencia y experiencia; y que no han de ser fáciles en condenar en las almas devotas lo que no hallan contrario a la fe y a las buenas costumbres, sino que consulten sobre ello a los que tuvieron luz de Dios en estas cosas, para abrazarla con humildad o las remitan a quien mejor las guie.

/8 S. JUAN DE LA CRUZ, Sub. II,16,n.6.

/9 SUAREZ, Fr., In I Partent, L.2,cap.15, n.17.

/10 S.TH., In I Sent., Dist. 17, q.2, a.2.

/11 PsDlowistus, De CH, cap.15 in fine.

/12 GERSON, I., De mystica Theologia speculativa, Cons.18.

[…]

Cap. 46. Del gran amor que tuvo a la virtud de la humildad y cómo la ejercitaba en los afectos más dificultosos y contrarios a ella.

Entre las virtudes morales que militan en el apetito sensitivo para que se mueva conforme a la razón tiene la humildad la rienda de la propia excelencia para sujetar el hombre a Dios y enfrenarle para que no se levante a mayores; y por esto es muy cercana a las virtudes teologales/1 y la que en cierta manera esfuerza a las demás removiendo la soberbía que las enflaquece. Esta virtud tuvo nuestro Venerable Padre tan entrafiada en el corazón que como la estimación soberbía de otros anda buscando siempre que disfrutar de propia alabanza en obras y palabras, asi su humildad y desestima se inclinaba continuamente al abatimiento y menosprecio de si mismo. Lo cual era como un testimonio muy acreditado de que su humildad era perfecta y no superficial solamente de los actos exteriores, sino que su movimiento procedia del hábito de ella perfectamente arraigado en el ánimo y de la elección del Espiritu en querer ser desestimado y abatido/2. Y asi muy de ordinario se veian en él muchos efectos exteriores procedidos conocidamente de esta elección interior aplicada con eficacia al menosprecio de la estimación que más suele apetecer el corazón humano, cual es la de la nobleza de la sangre en pocos perfectamente humillada, y en él heroicamente vencida; para lo cual no basta la virtud ordinaria sino la que procede de los dones del Espiritu Santo, que levantan al hombre a actos superiores a los de las virtudes, de que pondremos a este propósito un ejemplo.

Siendo el padre Fray Juan de la Cruz vicario provincial de la Andalucia y hallándose en Granada donde le estimaban por santo grandes y chicos le fue a visitar un provincial de cierta Religión, persona gravisima y pariente muy cercano de un grande de Castilla. Y aunque por su perpetuo recogimiento no pagaba visitas le importunaron tanto los religiosos a que pagase ésta que lo fue a visitar. Recibiólo el Provincial con mucha honra y habiendo trabado conversación con él, le preguntó cómo se hallaba en el convento de los Mártires, que asi se llama en aquella ciudad el de nuestra Religión. Respondióle el Venerable Padre que muy bien por ser casa de soledad y

/1 S. TH., 22, q.161, a.5.

/2 S. TH., 22, q.161, a.1 ad 2.

por esto muy a su propósito. Dijo a esto el Provincial con mucha gallardia y desenfado: Vuestra Paternidad debe de ser hijo de labrador que tan amigo es del campo. Respondió a esto nuestro Venerable Padre con mucha mesura y rostro sereno: No soy, Padre Reverendisimo, sino hijo de un tejedor de lienzos. Dice el padre Fray Diego del Santisimo Sacramento, compañero suyo en esta jornada, que esta confesión de sangre humilde tan contraria a la estimación humana causó tan gran admiración a los religiosos que allí se hallaron que se quedaron mirando unos a otros, no sin harta confusión del Provincial, que después de haber renunciado al mundo estaba tan hinchado con su nobleza; y decían después que con razón llamaban santo a nuestro Venerable Padre.

A este mismo afecto de humildad tocan las ganancias que hacia de esta virtud con un hermano que tenía en Medina del Campo (de quien se hizo ya mención en otra parte) llamado Francisco de Yepes, muy rico de virtudes pero tan pobre de bienes temporales que le sustentaban de limosna. A este hermano enviaba a llamar nuestro Venerable Padre de cuando en cuando a las casas donde era prelado, particularmente en las que él recibía mucha honra de seglares, como en la de Segovia y de Granada. Y cuando le veía llegar con su capa raida y deslucida persona como de hombre que no tenía juros ni rentas y que trataba más de ser virtuoso que bien aliñado, se alegraba tanto de verle, como otro se alegrara de ver a un hermano con gran ostentación de galas y criados. Esta alegria que con la venida del hermano mostraba le nada no tanto del vinculo de la carne y sangre, porque tenía el corazón muy libre de todas las aficiones humanas, sino de la ocasión que tenía para hacer con él muchos actos de humildad de los que más rehusa el desvanecimiento humano, aun después de haberse vestido una mortaja para morir al mundo. Y asi en viniendo al monasterio alen caballero u oidor a visitar a nuestro Venerable Padre, luego le ponia delante a su hermano con su hábito pobre, sin consentir que se le mudase, aunque estuviese muchos dias en el convento. Y templando con esto la mucha honra que todos le hacian, decía al que le visitaba: Conozca, vuestra merced, a mi hermano, que es la prenda del mundo que más estimo. Si había alguna obra en el convento, le ocupaba en ella o en la huerta con los demás peones, particularmente en el tiempo que presidió en el convento de Pastrana. Y cuando el Duque le iba a visitar sacaba el padre Fray Juan a su hermano de donde andaba trabajando para que el Duque le conociese, diciéndole quién era y que trabajaba de peón para sustentarse. Por esta ocasión que tenia en su hermano para humillarse, holgaba mucho tenerle consigo, y cuando se iba lo sentia notablemente, como codicioso mercader de las ganancias del cielo, porque le faltaba ocasión tan propia para hacerse rico de estos bienes.

En oyendo decir cosa de alabanza suya, luego atajaba la plâtica. Y si era de cosa que le parecia que había de quedar memoria de él sentialo tanto, que con ser un retrato de modestia en todas sus acciones, parece que la perdia en estas cosas: tal era el afecto que a la humildad y desestima de si tenía. En tres tiempos hallo en sus informaciones que le vieron mohino y alterado, y todos tres por conocer que había estima de sus cosas, que ninguna otra le daba pena. La una fue tratando el padre Fray Antonio de Jesús, cómo los dos habían sido los primeros que habían dado principio a esta Reformación; lo cual era contra lo que los dos tenían concertado entre si que mientras el padre Fray Juan de la Cruz viviese no se tratase de tai primacia por la pena que le daba oirlo y que se conservase la memoria de esto entre los hombres, diciendo que bastaba que lo supiese Dios que en ellos lo había obrado y él sólo había de premiar lo que en ello le hubiesen servido. La segunda vez que le vieron notablemente mohino fue cuando supo que estando él en Granada arrobado en oración habían traido un pintor para retratarie, de lo cual recibió tan notable pesadumbre que no podian apaciaguarle. La tercera vez fue aún mayor su alteración y la demostración que hizo de enojo. Y fue la causa que estando él malo de la dolencia de que murió, se le hicieron cinco bocas en una pierna y la una de ellas en la misma parte del pie donde hincaron el clavo a Cristo, Nuestro Serior, para clavarle en la cruz. Y con poca advertencia dijo burlando un religioso que le había Nuestro Serior comunicado el dolor y las seriales de sus llagas. Con lo cual como si ya le atribuyeran el favor milagroso concedido a San Francisco, se indignó tanto que el religioso se quedó todo turbado y afligido viendo la pena que con una palabra dicha en risa había dado a enfermo, no habiendo él abierto la boca para quejarse con tantos dolores y martirios como había padecido en las curas que le habían hecho cuando le abrieron la pierna por tantas partes, como en su lugar veremos.

Hallamos también en la humildad de nuestro Venerable Padre otro grado muy profundo y de gran dificultad en la naturaleza del hombre, que es sufrir con humilde mansedumbre las injurias. Porque, como dice San Gregorio, no es cosa grande humillarnos a los que nos honran, que esto también lo hacen los seglares, pero humillarse uno a los que lo injurian, es acto heroico de esta virtud. Pues este grado ejercitó nuestro Venerable Padre no sólo con los iguales más también con los inferiores, que es aún humildad más profunda, de que referiremos un ejemplo, que lo puede ser también de su prudencia. Reprendiendo una vez a un religioso súbdito suyo una falta a solas, estaba tan mal templado que se encolerizó mucho contra su prelado y le dijo palabras libres y descorteses. El Venerable Padre viéndole tan impaciente y cuán dispuesto estaba para desperiarse, si no le detenía, se postró en el suelo con la boca en la tierra (que es acción religiosa propia de culpados que reconocen su culpa cuando los reprenden y se humillan por ella), y de esta manera se estuvo hasta que el subdito dio fin a sus palabras descompuestas. Entonces se levantó el Venerable Padre diciéndole: Sea por amor de Dios. Y se fue de allí sin decirle más palabra. Quedó el religioso tan confundido con aquel humilde espectáculo y tan compungido de su yerro que le bastara esto por castigo. Y vuelto sobre sí, se fue a echar a los pies de su Prelado, confesando su culpa y dándole gracias por la espera que había tenido en castigarle para que no se perdiera. De esta misma humildad dio rarisimos ejemplos los postreros meses de su vida humillándose a los que injustamente le perseguian y disculpándolos con caridad, siendo personas que le pagaban buenas obras con injurias/3.

/3 S. TH., In III Sent. dist. 34, q.1, a.1.

[…]

Cap. 48. de la ilustrada prudencia de nuestro Venerable Padre y cuán provechosamente la exercitaba.

Entre las virtudes cardinales (que son las principales de las morales) tiene el primer lugar la prudencia por ser regla general de ellas, que da a sus actos forma virtuosa y los ordena conforme a la razón. Y asi de lo que habemos visto de la perfeccién de otras vistudes de nuestro Venerable Padre (a cuyos actos de la prudencia modo y forma) se puede echar de ver cuán ilustrada estaba de ella su alma, y asi nos detendremos poco en verificar esto, como cosa tan llana. Sólo nos detendremos algo en dar a conocer que como las demis virtudes estuvieron en él en grado superior, comunicado a pocos, la estuvo también la prudencia; la cual procedia en él de singular ilustración de los clones del Espiritu Santo que levantan al hombre a actos más perfectos y heroicos que las virtudes y superiores al modo común humano. Con esta luz superior estaba tan señor de las acciones humanas para juzgar acertadamente de ellas y enderezarlas por medios proporcionados a su fin, como quien habitaba en una coma atalaya divina para reconocer las cosas que pasan en la plaza del mundo, y renia dirección de Dios para encaminarlas y ordenarlas. particularmente Ios postreros años de su vida que estuvo unido y transformado en Dios. De los cuales es propio, como declant Santo Tomás/1, juzgar con acierto de las casas humanas y ordenarlas a modo superior; no por especulación y discurso de que se vile la prudencia humana sino de lo intima de si pot. moción e ilustración divina, como quien esta unido con la verdadera luz.

De este modo tan superior de sabiduria y prudencia con que juzgaba de las casas, como a la sobrenatural y divino, se le originaron muy grandes trabajos; porque como los ingenios son diversos y comúnmente abundan más los hombres en la prudencia humana especulativa que en La infusa/2, y Nuestro Señor influïa en nuestro Venerable Padre como en forma viva y original de la vida primitiva renovada las casas que queria asentar en esta Congregación no proporcionadas asi por junto con todos las demis ingenios, y

/2 s. TH., 2-2, q.47 a.13.

tras esto fue tan constante en lo que entendia que era gusto de Dios y bien de la Orden, tuvo grandes dificultades en persuadirlo y mayores en conservarse en ello contra tantos juicios opuestos a su sentimiento, y algunas cosas de las que hoy hacen más provecho, que él defendió y no acabaron de asentarse en su vida, se asentaron después de muerto, dando Nuestro Señor a los prelados que después vinieron, después de largas experiencias, los mismos sentimientos que él había tenido; y otras que todavia faltan por asentar y las desea toda la Religión tiene Dios guardadas para otro tiempo de renovado celo e ilustrado espiritu.

Dejado, pues, estos actos superiores de su prudencia, y haciendo alguna memoria de los que son más imitables, tuvo particular don para hacer suaves las cosas ásperas (cosa muy necesaria en Religiones reformadas y penitentes) y sentia mal de los prelados que con su modo áspero y desabrido hacian la virtud de mala cara, siendo de suyo tan hermosa, y el yugo de Dios pesado, siendo tan llevadero y suave. Tenía grande espera asi en las almas que gobemaba siendo prelado, como en las que guiaba en el confesonario, contra lo que hacen algunos maestros poco experimentados que por querer luego perfectas las almas que tratan, las desaniman en el camino de la virtud para que vuelvan atrás en lugar de caminar adelante; antes las alentaba con darles esperanza de victoria de sus imperfecciones caminando cada dia algo hacia su reformación, aunque fuese poco. Y les aconsejaba que no acometiesen todas las dificultades por junto sino por partes y poco a poco, que como un muro fuerte no se puede romper por junto y piedra a piedra le deshacen, asi les sucederia en las imperfecciones, trabajando contra una hasta vencerla, y peleando después contra las otras.

Las personas turbadas le hacian mucha lástima, como tan enfermas y dispuestas a desperiarse, y no aceleraba la medicina necesaria a su dolencia hasta que el sujeto estuviese sazonado para recibirla y ayudábale con su oración, pidiendo a Dios lo dispusiese, como lo verificaremos en un ejemplo. Siendo definidor primero de la Orden y vicario del monasterio de Segovia, tenía echado sermón para el segundo dia de Pascua de Resurrección y convidados a la fiesta los Fundadores y otras personas graves. Llegado el dia y habiendo comenzado ya la misa, envió desde el coro un religioso que fuese a acompariar al predicador al púlpito, con el cual había hecho el demonio tan buena diligencia que le tenía persuadido a no predicar por algún enfadillo que debía de haber tenido, y respondió al religioso que no podia predicar porque no estaba bien dispuesto. Preguntó el padre Fray Juan de la Cruz al religioso si estaba en la cama el predicador, y sabido que no, volvióle a enviar otro recado diciéndole que mirase la falta que hacia a tanta gente como estaba convidada al sermón y que se animase a predicarlo; pero no por eso mudó de intento. Conoció el Venerable Padre lo que con aquello pretendia el demonio, que era moverlo a alguna impaciencia con que apretando en aquella ocasión al pobre religioso le clesperiase. Por lo cual sin hacer mudanza ninguna ni en la voz ni en el semblante envié a decir al que decía la misa que pasase con ella adelante, que el predicador estaba mal dispuesto. Hizole guardar celda unos quince dias, y a los que venian a buscarle, le excusaban con su indisposición. Y el Venerable Padre le encomendaba a Dios para que le dispusiese, con esto le fue sazonando para que conociese su culpa, y al cabo de este tiempo, sabiendo que estaba ya compungido de ella, le sacó al capitulo y se la reprendió con una severidad extraria y le dio buena penitencia; la cual él aceptó con lagrimas de arrepentimiento, confesándose por merecedor de otra mayor, y se hacia después lenguas, alabando la prudencia y tolerancia del Venerable Padre con que le había remediado. Porque si le apretara en aquella sa zón en que el demonio le tenía tan ciego, le diera ocasión de perderse.

Entre los actos que ha de sazonar la prudencia no es el menos dificultoso el de las recreaciones honestas y alivios corporales que las Religiones usan, y el acomodarlos de manera que dándose para respirar del trabajo, se saque de ellos provecho espiritual sin fatiga del ánimo. Y esto se conseguia en los actos de recreación donde nuestro Venerable Padre presidia, como lo tocan por cosa notable muchos testigos en sus declaraciones, uno de los cuales dice asi: «Este mismo estilo de mezclar palabras de Dios entre las humanas usaba también el santo padre Fray Juan de la Cruz en la recreaciones que la Religión permite, para que puedan hablar los religiosos unos con otros. En las cuales con cosas espirituales mezcladas entre las indiferentes a este modo suave entretenfa con gusto y provecho a toda la cornunidad. Y muchas veces eran bien menudas las cosas de que sacaba este provecho, porque las espiritualizaba de manera que ensefiaba cosas muy alias de Dios con ocasión de estas pequefias, y asi parecia su lengua un manantial peipetuo de cosas del cielo, por donde Dios comunicaba tantas noticias divinas de su grandeza, como le otamos. La cual gracia fue muy particular en él, porque otros prelados que querian imitarle en este modo de recrear cansaban a los religiosos y en lugar de salir consolados como de las recreaciones espirituales de nuestro Santo Padre, salfan enfadados y con menos aliento para el trabajo que antes que entrasen en cl acro de recreacción, al cual aliento ella se ordena». En esta misma sustancia hablan otros testigos acerca de este acto.

Variaba la recreación de muchas maneras y siempre a modo alegre y provechoso, y dicen de su experiencia algunos testigos que tenía allí particulares ilustraciones de las necesidades interiores de los religiosos segùn acomodaba las plâticas a estas necesidades. Y asi sucedia muy de ordinario ir algunos religiosos a la recreación fatigados de alguna tentación o desconsuelo y salir de ella alegres y consolados por haber ordenado a esto la plâtica con tal doctrina y remedios tan proporcionados a lo que cada uno había menester como si le hubiera comunicado su trabajo. Y hablan de esto los experimentados como de cosa muy ordinaria. Y de esta y otras experiencias misteriosas estaban persuadidos que conocia los interiores, y los hacia andar con cuidado; de lo cual se ha de tratar adelante más de propósito en el don de profecia.

Otras veces ordenaba en la recreación algunos juegos que pudiesen servir de alegrar los religiosos y juntamente de sacar de ellos doctrina. Uno de estos era decirles: Vengan acá hijos, vistamos a uno de virtudes y ponemoslo muy galano, y cada uno le dé alguna con que agrade mucho al Señor. lban por orden dándole virtudes cada uno la que le parecia, y el Venerable Padre las iba calificando y levantando de punto y de camino los iba aficionando a ellas. Y con tal gracia y prudencia hacia esto que los tenía con sus palabras provechosamente entretenidos, y con lo mismo los cansara otro que no tuviera este don de Dios. Y asi solía llamar a sus palabras el venerable padre Fray Nicolás de Jesus Maria, primer vicario general de esta Reforma, granicos de pimienta que dan calor al estómago, y saborean el gusto de los manjares; porque sus palabras encendian el afecto y saboreaban todas las materias que trataba por muy secas que fuesen y sin jugo.

Libro segundo, capitulos 1 - 10 sur l’emprisonnement à Tolède (suivi du cap. 14) 

LIBRO SEGUNDO DE LA HISTORIA DEL VENERABLE PADRE FR. JUAN DE LA CRUZ

Cap. 1. De algunos sucesos que hubo en este tiempo entre las dos Congregaciones de Calzados y Descalzos de nuestra Orden que amenazaban a nuestro V. Padre.

Habiendo tratado ya en particular de las virtudes de nuestro Venerable Padre Fray Juan de la Cruz, ser necesario para continuación de su historia que nos acordemos de lo que se tocó en otra parte de los Visitadores o Comisarios Apostólicos que por este tiempo había en algunas Religiones, y los que se señalaron a la de nuestra Señora del Carmen, por haberse ocasionado de ellos muchos de los sucesos que están por referir de nuestro asunto. Deseaban mucho estos Comisarios enderezar las cosas de su legacia a los intentos del Santisimo Pontifice Pio V, y del Católico Rey Don Felipe II, que era de una gran reformación de las Religiones. Para esto, les pareció al Padre Fray Fernández en Castilla, y al Padre Fray Francisco de Vargas en la Andalucia (que de esta manera estaba dividida su comisión), que eran a propósito los nuevos Descalzos de esta Orden para introducir con su vida ejemplar y reformada, la reformación que se pretendia de todo lo demás de la Orden, en lo que se había dejado de la observancia antigua. Con este intento usaron de algunos medios que les parecian fáciles y suaves, y en la ejecución eran violentos y dificultosos: como poner en conventos de Calzados, Prelados Descalzos, y otros oficiales, como porteros y sacristanes, que eran los de más confianza. Lo cual se hizo en Castilla en los dos Monasterios de Avila y Toledo, que eran los principales de este Reino.

Asimismo, en lugar de fundaciones nuevas de Descalzos, les daban casas de los Padres Calzados para que fundasen en ellas, como se intentó en la Andalucia, donde les ofrecieron el Convento de Jaén (aunque no lo quisieron aceptar por excusar sentimientos de los Padres Calzados), y el de San Juan del Puerto, que por ser de menos autoridad le ocuparon los Descalzos algunos meses, obedeciendo al Padre Comisario Fray Francisco de Vargas, que se lo mandaba, y poco después lo dejaron por atajar estos sentimientos, y asegurar a sus hermanos que no trataban de aumentar su congregación con menoscabo de nadie, sino que violentados habían entrado allí, y que lo mismo hacian cuando por muestra de favor los mezclaban entre ellos.

Pero aunque estos medios eran odiosos17 y en que los Descalzos obedecían de mala gana, otro medio intentaron también los Padres Comisarios más violento, y con que se acabó de perturbar la paz entre las dos Congregaciones: que fue subdelegar su comisión en algunos de los Padres Descalzos, haciéndolos jueces Apostólicos de los Calzados, y encargándoles algunas visitas de sus conventos. Para esto, echó mano el Padre Fray Pedro Fernández en Castilla, del Padre Fray Antonio de Jesús, primer Prelado de los Descalzos, y encomendóle algunas visitas. Pero él, como tan experimentado en cosas de religión, y no queriéndose encontrar con sus hermanos, cumplié con entrambas partes haciendo tan poco ruido en su comisión, que casi no se supo que era comisario. Lo mismo quiso hacer el Padre Fray Francisco de Vargas en Andalucia, y para esto intentó valerse del Padre Fray Baltasar de Jesús, hombre docto y gran predicador, que con algunos religiosos había ido de Castilla a la fundación del Monasterio de Granada. Pero como él sabla cuán odioso era esto a los Padres Calzados, y que se metia en un muy dificultoso laberinto, no quiso aceptar la comisión. Por lo cual echó mano del Padre Fray Jerónimo de la Madre de Dios, recién profeso, que también había ido a esta fundación con los de Castilla, y éste la aceptó; y poco después le subdelegó también para Castilla, el Padre Fray Pedro Fernández, con cierta limitación.

Sintié mucho la Congregación de los Descalzos esta aceptación del Padre Fray Jerónimo; asi por causa del sentimiento que se daba a los Padres Calzados, y de que juzgasen de los Descalzos, que se les querian alzar con el imperio y quitarles su libertad, como por la poca experiencia que el Padre Fray Jerónimo tenía de cosas de Religión para encaminar convenientemente empresa tan dificultosa. Porque apenas había acabado de tener en Pastrana el atio del noviciado, cuando el Padre Fray Mariano de san Benito le había sacado de aquel Convento para llevarle por su compariero a Andalucia. Y asi se prometian poco aprovechamiento en los visitados con su experiencia aún no sazonada, y temian que había de causar con su comisión grandes inquietudes a la nueva congregación Descalza; aunque no lo pudieron remediar por estar de por medio la autoridad del Rey Católico, y ser algunos de los privados, parientes del Padre Fray Jerónimo.

De todas estas cosas y de palabras que se habían oido a los Comisarios, penetraron los Padres Calzados, que el intento del Papa y del Rey Católico era extender las fuerzas de los Descalzos y estrechar las de los Calzados, para introducir en su congregación mitigada cosas de rigor y observancia primitiva, que clos no habían profesado; y lo había comenzado ya a intentar et Padre Fray Jerónimo en la visita de la Andalucia. Con lo cual se exasperaron notablemente, y para tratar de su remedio juntaron capitulo general en la ciudad de Plasencia de Italia; que según la concurrencia de las cosas parece que fue al principio del año de mil quinientos sesenta y seis/1. En el cual se determinó, que para enflaquecer a los Descalzos e irlos extinguiendo, se usase del mismo medio que los Comisarios Apostólicos habían intentado para enflaquecer a los Calzados; mezclando Descalzos en Conventos Calzados a titulo de reformación por asegurar al Rey Católico, y acomodando su institución de manera que en poco tiempo fuesen todos unos; pareciéndoles más fácil segùn nuestra naturaleza caminar del rigor a la suavidad que lo contrario.

Para ejecutor de esto enviaron a España al Padre Maestro Fray Jerónimo Tostado, de nación portuguesa, hombre de gran capacidad y de muchas letras, dándole nombre de Vicario general, visitador y reformador de toda España. Pero como el Rey Católico tenía gran providencia en las cosas de reformación de su reino, por muy secretó que corría el fin del capitulo de Italia, tuvo aviso de él en España; y en llegando a ella el Padre Comisario general le impidió la ejecución de su legacia y ordenó al Nuncio de su Santidad Nicolao Ormaneto, que mandase al Comisario Descalzo que continuase su visita. Sobre lo cual hubo grandes dificultades de entrambas partes que duraron casi tres años, y no son de historia particular. Lo que de citas toca a nuestro intento es que, aunque en lo público no ejercitaba el Padre Comisaño general su comisión por estar impedida por el Rey, pero en secreto procuraba quitar de por medio los principales Descalzos, y trató de prenderlos y encárcelarlos donde no se supiese de ellos. Y en primer lugar ponia los ojos en nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz, a quien tenía por el principal caudillo de la reformación primitiva.

1 El capitulo de Plasencia tuvo lugar en mayo de 1575.


Cap. 2. De una junta que se hizo de Descalzos en este tiempo para remedio de los daños que los amenazaban, y tratar de otras cosas convenientes a su congregación.

En sabiendo los Descalzos la llegada a España del Padre Maestro Fray Jerónimo Tostado y los intentos con que venia a ella, se juntaron los Prelados y hombres de buen consejo de los Conventos primitivos en el de Almodóvar; y nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz (que todavia asistia en el monasterio de la Encarnación de Avila), para tratar de oponerse a esta tormenta que tan de cerca los amenazaba, y tomarla resolución más conveniente para evitarla. Fue esta junta a ocho de agosto del año de mil quinientos sesenta y seis, y presidió en ella el Padre Fray Jerónimo de la Madre de Dios, Prelado entonces de todos los Descalzos de Castilla y Andalucia por subdelegación de los dos Comisarios Apostólicos, por la cual pretendieron librar a los Descalzos del gobiemo de los Provinciales Calzados no tan conveniente para ellos, y fue la primera junta que hallamos de solos Descalzos. Después de una larga conferencia que sobre el caso tuvieron, les pareció que convenia acudir a la fuente y que pues seguian causa no sólo justa más también heroica, suplicasen al Pontifice les diese prelado de su misma profesión que los gobernase, pues lo ordenaba asi el Concilio Tridentino/1, nombraron personas para esta embajada, cuales pareció que convenian para informar de su justicia al Papa y Cardenales.

Después de haber tomado resolución en el negocio principal, trataron los congregados de otras cosas convenientes al buen enderezamiento de la congregación primitiva, de que había entre los que la gobernaban diferentes sentimientos, dejándose llevar cada uno de su inclinación para asentar conforme a ella las cosas de Religión. Porque como entonces no reconocian cabeza fundamental a quien siguiesen, y no todos tenían suficiente noticia de la vida primitiva de nuestros mayores, ni de que Dios la queria resucitar en la nueva congregación de Descalzos, cada uno arbitraba a su modo y tenía su parecer por el Norte más acertado, y hasta en los medios fundamentales estaban divididos. Porque nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz (en quien Dios inmediatamente influia), desde que se descalzó había entendido de su Majestad, como también nuestra Madre Santa

1/ Cf. Conc. Trid. Sess. 25, cap. 21.


Teresa/2, que los nuevos Descalzos eran llamados principalmente a la vida contemplativa, segùn el Profeta Elías nuestro Padre fundamental la había asentado por mandato de Dios en su escuela, y según después los Apóstoles instituyeron a nuestros mayores en la forma de vida espiritual que les señalaron, dandoles por fundamento de su estado la contemplación divina en vida singular no dividida, sino unida a Dios inseparablemente por conocimiento y amor; como en otra parte lo verificamos con la autoridad de San Dionisio. Y que para este ejercicio de Angeles, eran necesarios los medios que pone nuestra regla de recogimiento de celdas, soledad, silencio y aspereza de vida; y que a esto se había de ordenar la nueva congregación, mirando a nuestros Monjes antiguos para imitarlos. Este mismo sentimiento tenían algunos pocos de los muy perfectos que allí se hallaron: como Fray Gabriel de la Asunción, Fray Francisco de la Concepción, Fray Brocardo, que llamaban el Viejo. Y a lo mismo se inclinaba también el Padre Fray Nicolás de Jesús Maria, que aunque era nuevo en la religión, tenía ya autoridad de antiguo por su gran caudal y excelente celo de perfección/3.

Por otra parte el Padre Fray Antonio de Jesús como había estado la mayor parte de su vida entre los Padres Calzados, que tan loablemente acuden al consuelo y aprovechamiento de los fieles; y no se tienen ya por tan obligados a la vida contemplativa como a la activa; predominaba todavia en él, este afecto de ejercitarse en esta obra tan piadosa, aunque fuese con menos rigurosa observancia de estos tres medios. Y pareciale hallaba para ello razones, por el titulo de mendicantes que el Papa Inocencio IV en la confirmación de nuestra regla nos había dado. A este mismo sentimiento ayudaba mucho el Padre Fray Jerónimo de la Madre de Dios, por ser poderosamente inclinado a este celo de acudir a las almas, y poco llevado del amor del retiro y recogimiento de la celda, fundamento sustancial del instituto primitivo de nuestra Orden. Y como la naturaleza racional y sociable apetece naturalmente más la comunicación humana que la soledad abstraida18, llevaba este celo en pos de si la mayor parte de la nueva congregación, entre los que la gobernaban y lo defendian; olvidados de lo que decretaron los Apóstoles en la institución de nuestros mayores, que el oficio de los Monjes dedicados a la contemplación, no era guiar a otros, sino perseverar en un estado singular

2 S. TERESA, Mor. V. 2.

3 Esta afirmación es inexacta. Nicolás Doria no entró en la Descalcez carmelitana hasta 1577. Profeso el 25 de marzo de 1578.


y perfecto para hermosura de la Iglesia y buen ejemplo de sus fieles. Lo contrario de lo cual había comenzado ya a poner en práctica el Padre Fray Jerónimo de la Madre de Dios en el poco tiempo que hacia que gobenaba a los Descalzos por subdelegación de los Comisarios Apostólicos, y extendia los medios de la comunicación del celo de almas fuera de nuestros Conventos; de manera que había poco tiempo, no sólo para vacar a la contemplación, pero ni aun para entrar en las celdas. Y hasta a las casas de soledad alcanzaba esto por los muchos actos comunes que se habían introducido, y lo mucho que se cantaba en el coro, muy diferente todo de como nuestros mayores lo habían observado, para que las ocupaciones ajenas no estorbasen a las propias.

Y como nuestro venerable Padre tuvo tan santa libertad en las juntas y capitules donde tenía voto para decir su parecer segùn la luz que tenía de Dios (aunque vio que la mayor parte de los que alla se habían congregado y también et que hacia las veces de prelado superior, eran de contrario sentimiento), ponderó con un celo de Elías, cuán relajada estaba ya la nueva congregación tan a los principios de su corriente en lo principal de su instituto, que era la asistencia en las celdas para vacar a la oración y contemplación, y cuánto se aventajaban en esto los Monasterios de las Monjas a los de los Frailes. En los cuales, parte por la mucha mano que se daba para salir por los pueblos a predicar y confesar (ejercicio propio de otras Religiones que tiene Dios para esto en su Iglesia), parte por los muchos actos comunes que se habían introducido contra la moderación que en esto tuvieron nuestros mayores favorecida de nuestra regla; y haber abrazado más del culto divine exterior de lo que se compadece con el culto interior, a que somos llamados de Dios particularmente, no se podia asistir en las celdas para vacar a él; y que cuando entraban en ellas iban tan ahogados los espiritus y tan cansados los cuerpos con estos actos exteriores, que más estaban para descansar que para orar. De todo lo cual sacaba cuán necesario era reparar esto con moderar estas dos maneras de ocupaciones, dejando de ellas, lo que se compadece con la principal, sin aguardar que Dios a lo milagroso lo moderase, como lo había moderado algunas veces en los siglos antiguos enviando Angeles, que cercenasen los medios de culto divino exterior para que no se faltase al culto interior, a que habíamos de aspirar como dado de Dios por principal ocupación, de la cual, (como hablando con nosotros), había dicho el Salvador, que como Dios era espiritu, en espiritu queria ser adorado de los verdaderos adoradores de Dios/4.

4 In. 4, 23.


De este esfuerzo con que nuestro venerable Padre apoyó en esta junta los medios fundamentales de nuestro instituto, resultó moderar mucho de lo que se cantaba en el coro, y otras cosas que se rezaban en comunidad fuera de las siete Horas Canónicas del oficio divino. Aunque no se moderó la multiplicidad de actos comunes que nuestros mayores, (a quienes tenemos que imitar), no habían tenido; porque como el Padre Fray Antonio de Jesùs los había asentado al modo de la Congregación mitigada, que se ocupa principalmente en la vida activa, los defendió y le ayudaron mucho de los que concurrieron allí que habían sido también Calzados. Para lo del recogimiento y moderar et celo de las almas segùn nuestro instituto, se determin6 que se guardasen en toda la congregación de los Descalzos las primeras constituciones que se hicieron en Duruelo (porque hasta entonces no se guardaban en todos los Conventos), y favorecen este recogimiento contra la distracción fuera de nuestros Monasterios, aunque sea con ocasión de ayudar a los fieles.

Con esto parece que se reparó convenientemente esta quiebra de recogimiento que entonces había, porque la constitución que trata de él, dice de esta manera: «Item, ordenamos cuanto a la clausura y recogimiento de los Religiosos, que manda la regla, que ninguno pueda salir de casa excepto el Procurador y el Predicador cuando fuere a predicar, o en algùn casa grave y raro, y no en otra manera aunque sea a entierros de difuntos, ni a visitas de parientes ni enfermos, ni aun con titulo de ir a confesarlos, sino fuere ofreciéndose algùn caso de tan grave necesidad, que parezca que es contra la caridad dejar de ir a la tal confesión. Y aun de esta manera no pueda el Prior dar licencia si no fuere con el consentimiento de dos Padres los màs ancianos que estuvieren en casa, so pena de grave culpa por tres dias. Y para mayor recogimiento, ordenamos que no pueda haber entre nosotros quien ande por las calles pidiendo con bacinetas, ni con alforjas por las eras, ni de otra cualquiera manera que sea ocasión de distracción y vaguear./5 Esto dice esta constitución hecha en Duruelo dejando abierta la puerta para ayudar a las almas que vinieren a nuestros Monasterios, y cerrandola a salir fuera de ellos; lo cual guardó siempre nuestro venerable Padre en todos los que gobenó. Otras cosas tocantes a Conventos particulares se determinaron en esta primera junta que no hacen a nuestro intento; y en otra parte veremos un decreto de la divina sabiduria en favor de estas cosas, que nuestro venerable Padre propuso en esta junta.

5 FORTUNATUS-BEDA, Constitutiones Carmelitamm Discalceatorum, Roma, 1968, p. 18, recogido en Constituciones de Jerónimo Gracián.


Cap.3 De la prisión de nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz por los Padres Calzados en Avila para llevarle a Toledo.

Vuelto nuestro venerable Padre a Avila donde la obediencia le tenía entonces, hallaban se tan consoladas con él y tan aprovechadas con su doctrina las Monjas del Monasterio de la Encarnación, que habiendo acabado nuestra Madre santa Teresa su oficio de priora de este Monasterio, y lo fue a ser del de San José de la misma ciudad, pidieron al Padre Comisario Apostólico que les dejase allí los Confesores Descalzos. Y como los Padres de la Observancia mitigada llevasen tan mal que los primitivos tuvieran ocupado aquel lugar, y miraban al Padre Fray Juan de la Cruz como al principal de ellos, en llegando a Castilla el Padre Fray Jerónimo Tostado con tan ancha comisión del Capitulo general, entre otras prisiones que decretó fue la de los Confesores de la Encarnación, particularmente del Padre Fray Juan de la Cruz contra quien estaban grandemente indignados. Algunos dias antes le previno nuestro Señor en la oración de lo que contra él se urdia: cómo le habían de prender y poner en grandisimos trabajos. Y él se lo dijo a Ana Maria, Monja de singular virtud en la Encarnación. Y coma él estaba tan flaco y gastado de penitencias, le respondió ella que pocos trabajos bastarian para acabarle la vida estando él como estaba. Y viendo él, que no se persuadia a que hubiesen de prenderle y maltratarle, le certifico que sucederia sin falta lo que le decía. Todo esto dice esta religiosa en su declaración jurada, y pondera mucho que estaba tan confiado en Dios, y tan dejado a lo que ordenaba de él, que aunque pudo huir el cuerpo la prisión, de ninguna manera quiso, ni excusar la persecución.

Ya sabían los Prelados Descalzos, cuán mal llevaban los Padres Descalzos que fuesen confesores en el Monasterio de la Encarnación los dos Padres primitivos, y por sacarlos de allí con algùn buen color y sin queja de las Monjas que estaban muy halladas con ellos, eligieron al Padre Fray Juan de la Cruz por Prior de Mancera. Pero llegó primero a Avila el mandato del padre Vicario general para prenderle. En recibiéndolo los padres de la observancia fueron de noche con mano armada a la hospederia de la Encarnación donde los Descalzos posaban, y derribando las puertas les echaron mano con la furia con que suelen prender a los hombres facinerosos, y los llevaron presos a su convento, haciendo en la hospederia y por el camino muy malos tratamientos a nuestro venerable Padre, y llevándolos él con tanta mansedumbre, que dicen en sus declaraciones las Monjas de aquel Monasterio por relación de los ejecutores, que con su humildad y paciencia iba representando en su prisión, la de Cristo. Oyeron las Monjas el ruido, y sabido a la mariana el suceso lo sintieron con gran extremo; porque todas tenían como por Padre, al que oian haber sido tan maltratado.

En llegando con ellos al convento, los pusieron en celdas apartadas una de otra, y dieron luego orden de sacarlos de Avila, temiendo los muchos aficionados que allí tenían, y que si en la ciudad se entendia que estaban presos, se levantaria algùn gran alboroto para sacarlos de la prisión. Al Padre Fray Germán de santo Matia (que era el uno de los dos Confesores), le llevaron al Monasterio de san Pablo de la Moraleja; adonde sin hacerle cargo ni darle la razón por la que le tenían preso, le hicieron padecer una larga prisión con hartos trabajos. Al venerable Padre Fray Juan de la Cruz (contra quien era la mayor indignación), le quitaron por fuerza el hábito de Descalzo, porque no fuese conocido en el camino, y también para mayor mortificación suya, y le vistieron hábito de Calzado, diciendo él: que bien le podian calzar los pies pero no el corazón, que todo lo tenía descalzo. Y de esta manera le llevaron con buena guardia al Convento de Toledo, pareciéndoles que estando en lugar grande donde hay menos registros de las cosas particulares, y tan lejos de donde le habían prendido, podia estar mets encubierto que en lugar pequeño.

El religioso que en esta jomada le llevó a su cargo, no debía ser de los más aficionados que los Descalzos tenían, y asi le trataba por el camino con tan poca blandura, que indignado un mozo que llevaban consigo de oir las malas palabras que le decía, y edificado de la paciencia y modestia con que el Padre Fray Juan las llevaba sin responderle palabra desabrida, ni mostrar indignación contra quien así le molestaba, trató de librarle de sus manos y se lo dijo en secreto. Pero el venerable Padre disculpando al compañero respondió, que no le trataba tan mal como él merecía que le tratasen, y que así perdiese el cuidado de él, que muy sin congoja iba. No se contenté con esto el mozo, y llegando a un lugar donde le pareció que el mesonero era hombre piadoso, le dijo el mal tratamiento que por el camino se había hecho a aquel religioso que él tenía por santo, según la gran paciencia con que lo sufría, y persuadía al mesonero que lo escondiese, que la pasión con que le trataban, mostraba que padecía injustamente. Habló el mesonero al Padre Fray Juan para enterarse si era verdad lo que el mozo le había dicho.

Y él respondio que de buena gana hacia aquella jornada, por ser voluntad de los Prelados, y que asi no hiciese ningùn alboroto que no habia para qué, y que por la buena voluntad le encomendaria a Dios.

Ya en Toledo sabian los Padres Calzados que habian de llevar alli al venerable Padre, y tenian orden del Vicario general, de como se habian de haber con él, que era hacerle obedecer las actas secretas que se habian hecho en el Capitulo de Plasencia, las cuales con el orden que el Padre Vicario general traia del Capitulo se hallaron entre sus papeles, cuando el Consejo Real de Castilla le hizo embargo de ellos, para que no usase de su comisiân contra lo que los Visitadores Apost6licos iban haciendo por orden de su Santidad. Lo principal de esta orden era que no se fundasen mâs casas de Religiosos primitivos, ni se recibiesen novicios, que los que ya lo eran no se diferenciasen tanto de los demâs Religiosos de la Orden en el habito, ni se llamasen Descalzos. En todo lo cual parece que se arrirnaban a una consti-tucion de la Orden hecha en el Capitulo de Venecia donde presidio el General Fray Nicolàs Audet, el año de mil quinientos veinticuatro, donde se ordenaba que hubiese en cada provincia algunas casas de Religiosos reformados que guardasen la regla primitiva, y siendo en el hàbito iguales con los demàs Religiosos se diferenciasen en la vida; y con ejecutar esto en nuestros Descalzos les parecia quitaban muchos de los inconvenientes, que de tanta diversidad de hâbito y vida con tan gran aplauso del pueblo se les seguian, y lo demâs del intento del Capitulo se habia dejado a la prudente disposici6n del Vicario general, para ir extinguiendo poco a poco a los Des-calzos mezclândolos con los Calzados con voz de reformaci6n, como ya se ha tocado.

Cap. 4. De las diligencias que se hicieron en Toledo con el Padre Fray Juan de la Cruz, para que volviese a calzarse, y por resistirlo le encárcelaron y afligieron.

liegado a Toledo nuestro Venerable Padre le recibieron con rostro torcido los Padres de la observancia, todavia con esperanza de poderle reducir a su intento. Otro dia de como Ilegó, le intimaron las actas del Capitulo general de Plasencia de Italia, de que poco ha se hizo memoria, particularmente las que mandaban a los Descalzos, que aunque en sus Conventos guardasen la regla primitiva, usasen el mismo hábito que los Calzados, y que se calzasen y no se llamasen Descalzos sino contemplativos o primitivos, y otras cosas del intento del Capitulo. Tras esto le persuadieron que dejase aquella nueva vida en que había de andar siempre inquieto y perseguido, y se volviese a la antigua en que se había criado, que ellos le honrarian en su congregación. Pero el venerable Padre con ánimo constante y semblante sereno, como quien estribaba sobre cimiento firme, les respondió que el intento de su congregación había sido resucitar, no sólo la perfección de vida más también el rigor de hábito de los primitivos antiguos, que era el que los Descalzos traian. Y que demás de esto tenían expreso mandato del Nuncio de su Santidad (que todavia era Ormaneto), y del Comisario Apostólico, que no admitiesen estas actas del Capitulo general, ni innovasen cosa alguna de vida ni hábito de lo que usaban los Descalzos. Y que por ser esta obediencia más inmediata a la Sede Apostólica, no podian ir contra ella por ona ninguna emanada del Capitulo ni Definitorio de la Orden, y que así la había de cumplir, aunque por ello padeciese hasta la muerte.

Se indignaron mucho de esto los Padres de la observancia que alli se hallaron; y como juzgaban a nuestro venerable Padre como causa fundamental de los daños que les parecia que padecían por la reformación de los Descalzos, y por no querer obedecer las actas del Capitulo general, le tenían por inobediente y rebelde a las ordenaciones de los Prelados (que en todas las Religiones se tiene por gravisimo delito contra el fundamento del estado religioso que es la obediencia); no debe nadie maravillarse de los malos tratamientos que por esto hicieron al venerable Padre, aunque el celo de religión se haya arrimado un poco a la indignación que tiene por vecina, como las demás virtudes a los vicios cercanos que tienen apariencia de d'as, Lo cual nuestro Señor permitió para afinar más la virtud de su siervo con la contradicción de los buenos que suele ser la mayor, y calificar su santidad con una de las mayores excelencias que en esta vida puede alcanzar un cristiano, y en que se hace semejante a Cristo nuestro Señor, la cual es, que siendo muy bueno sea tenido por muy male. Y esta dicha concedió su Majestad al Padre Fray Juan de la Cruz en esta ocasión para gran aumento de sus merecimientos: y la perfeccionó en otra persecución que precedió a su muerte, como allí veremos, porque le queria hacer un retrato suyo muy al vivo.

Comenzaron luego los Padres de la Observancia a tratarle como inobediente y a ejecutar en él, las penas rigurosas que las Religiones usan contra los rebelles; y para principio de ellas le pusieron en una cárcel muy estrecha. La cual yo puedo describir por haberla visto, no sin harta veneración, por lo que sabía que había sucedido en ella, con tantas visitas de Dios y de su soberana Madre, hechas a un siervo de los más fieles de su siglo para consolarle en las aflicciones que por su servicio estaba padeciendo con amor tan fino. Era esta cárcel una celdilla puesta al lado de una sala; tenía de ancho seis pies y hasta diez de largo. sin otra luz ni respiradero sino un agujero en lo alto de hasta tres dedos de ancho, que daba tan poca luz que para rezar en su breviario o leer en un libro de devoción que tenía, se subía sobre un banquillo para poder alcanzar a ver, y aún esto había de ser cuando el sol daba en el corredor que estaba delante de la sala hacia donde este agujero cala. Porque como se había hecho esta celda para retrete de esta sala en que poner un servicio cuando aposentaba en ella algún prelado grave, no le habían dado más luz.

À la puerta de esta celda pusieron un candado para que nadie pudiese verle ni visitarle sino fuese el cárcelero. Y después de algunos meses de prisión tuvieron nuevas, que el Padre Fray German de santo Matia se había soltado de la cárcel en que estaba en san Pablo de la Moraleja; y temiendo otro tanto del Padre Fray Juan de la Cruz pusieron nueva fortaleza a su cárcel añadiendo al candado de la celdilla otra llave en la sala para tenerle más seguro. La cama que le pusieron era a la usanza de los Descalzos, unas tablas con dos manticas viejas, y la comida bien moderada. Porque la ordinaria era un poco de pan y alguna sardina; y los dias que se comia pescado en el refectorio le llevaba el cárcelero algunas sobras de él, porque en todo le trataban como a delincuente; y en todo el tiempo de su prisión nunca se mud6 túnica ni otra ropa.

Los Viernes le llevaban al refectorio y le daban de comer en el suelo pan y agua, y después que todos habían acabado de comer le daban por plato de postre una disciplina, que llaman de rueda, en la que todos tienen parte; castigo propio de graves delitos en las religiones, y por tal se tenía éste de no obedecer las actas del Capitulo. La piedad con que se daba esta disciplina se echaba de ver en las tristes espaldas del paciente, pues muchos años después de salido de la prisión duraban en ellas las señales de los azotes, como testificando, cuán de buen gana se los habían dado. Una de las baterías con que el demonio le hizo mayor guerra en la cárcel y en que él tuvo mayor necesidad de resistir, fue en los juicios que le ofrecia de que le deseaban la muerte. Porque como el tratamiento era tan aspero y la comida tan desabrida, procuraba el demonio persuadirle que con ella pretendian acabarle; y cada bocado que comia había menester saborearle con actos de caridad para no caer en algùn juicio grave.

Exhortábanle muchas veces a que dejando el partido de los Descalzos se conformase con ellos, y que le honrarian en sus prelacias. Pero como él les respondia constantemente, que antes perderia la vida que volver atras en el propósito comenzado, en que sabia que servia mucho a Dios y a su orden, se indignaban de nuevo contra él; y teniendo esta heroica constancia por nuevos actos de inobediencia y rebeldia, antes se aumentaba el rigor de su tratamiento que se mitigaba. Todo esto y lo demás que se dira adelante consta de diversas informaciones que se hicieron de estas materias: unas para el tribunal del Nuncio de su Santidad y de cuatro adjuntos que trataron con él la causa de los Descalzos; de que se trata más de propósito en la historia general; y otras mucho después en orden a la beatificación de nuestro Venerable Padre; y también de muchas personas de gran crédito que se lo oyeron al mismo, y concuerdan entre si todas estas relaciones.

Cap. 5. De algunos de los trabajos que el Venerable Padre padeció en la cárcel, y de la paciencia con que los llevaba.

Pusieron los Padres de la observancia grandisimo cuidado no sólo en la guarda de nuestro Venerable Padre, más también en tenerle con tanto secreto que de ninguna manera se supiese donde estaba. Porque como sabían cuán estimado era entre los Descalzos, temian que en alcanzando a saber donde le tenían preso, habían de hacer fuerte diligencia por librarle. Y guardaron en éste, tan extraordinario recato, que en nueve meses que estuvo alli encerrado, ni se supo de él si era vivo o muerto, aunque se hacian hartas diligencias para esto; y aunque era muy grande la pena que daba a todos este silencio, mucho mayor a nuestra Madre santa Teresa, que como conocia tan bien las riquezas del cielo que en él tenía Dios encerradas, sentia mucho que faltase en aquel tiempo a su religión. Y aunque le encomendaba a nuestro Señor continuamente, nunca tuvo luz en la oración, si penaba con los presos o descansaba con los muertos. Y así solía decir que muy a su cargo le tenía Dios pues tanto lo celaba a todos sus amigos. El tiempo de su prisión, que hizo templado, lo pasó menos mal, pero en entrando los calores del verano estaba en aquel lugar como en un penoso purgatorio de calor y mal olor; y fatigábale tanto lo uno y lo otro que fue como milagro poder vivir pocos dias, cuanto más tantos meses.

El cárcelero que le tenía a cargo era de los muy confidentes en el celo de la congregación mitigada y poca afición de la primitiva, y así ayudaba por su parte a la aflicción del encárcelado y a las incomodidades que padecía. Y para que por todas partes fuese afligido se aumentaban a todas estas penas otra, que mucho le desconsolaba. Porque, como la sala que estaba antes de la cárcelilla de su prisión era como hospederia de prelados y gente grave de la orden, los hospedaban alli algunas veces, y no sabiendo a quien tenían por testigo de sus plâticas, trataban de noche, de las que entonces eran más frecuentes en la orden; y dechan que ya la congregación de los Descalzos se deshacha; porque ya venía el Nuncio de su Santidad, Felipe Sega de Roma, para poner en libertad la comisión del Vicario general Fray Jerónimo Tostado, el cual con la autoridad y favor del Nuncio los había de hacer calzar para que presto fuesen todos unos. Tras esto, conocia de estas plâticas la gran indignación que contra él tenían los Padres de la observancia mitigada, como contra Capitán de los primitivos; y que según la opinión de ellos allí significada no saldriá de la prisión sino para la sepultura. Lo primero era para él de increíble dolor, y lo segundo de particular consuelo por lo que amaba los trabajos; y en todo se arrimaba a la voluntad de Dios, y rendiá a la profundidad de sus juicios la pequeñez de su razón y discurso.

Después de pasados algunos meses de tan apretada cárcel llegó con las incomodidades de ella y poca amistad del carcelero a estar tan flaco y debilitado, que conocidamente echaba de ver que se le iba acabando la vida. Y así como quien hacha actos de martirio entre los tormentos, la estaba ofreciendo a Dios tan a lo liberal, que quisiera tener muchas para ofrecerlas todas a su servicio. Con lo cual llegó en esta ocasión a aquel sublime grado de caridad que el Salvador significó cuando dijo: que la mayor caridad que uno podiá tener era poner uno la vida por sus amigos, y en esto imité la caridad de Cristo, que de esta manera ofreció la suya. A los postreros meses de esta cárcel cuando la necesidad era más apretada, le socorrió nuestro Serior con traer desde el monasterio de Valladolid al de Toledo a un religioso de los Padres de la Observancia de ánimo piadoso y desapasionado, digno de memoria aunque no lo nombro. Al cual, por una ocupación forzosa del cárcelero propietaño, le dieron el cuidado de nuestro Venerable Padre, y desde entonces comenzó a respirar algo; porque ejecutando el mien que tenía de los Prelados lo hacha con blandura y piedad, y la mostraba en aliviar el trabajo del encárcelado en lo poco que podiá. Y conserve) nuestro Serior la vida de este religioso hasta que se hicieron las informaciones para la beatificación de nuestro Venerable Padre, y dijo en ellas su dicho, para que concordando en las cosas que refiere en él con lo que otros testigos oyeron al Venerable Padre, quedase la verdad más comprobada; y así pondremos aqui para esta comprobación algunas de sus palabras.

Dice este religioso en una de las primeras preguntas tratando en universal de las virtudes de nuestro Venerable Padre estas palabras: « Conoci al santo Padre Fray Juan la Cruz cuando estuvo preso en nuestro convento de la ciudad de Toledo, tiempo ocasionado para ejercitar las virtudes por su apretura, y alli hice concepto de él, que era hombre de heroica virtud y de gran santidad. Porque en medio de su apretura mostraba gran humildad, magnanimidad y fortaleza, de manera que nada de lo que pasaba por él, le tenía inquieto, ni se acuitaba ni afligía, antes mostraba gran tolerancia e igualdad de ánimo, y ser un alma pura y que tenía grande amor a nuestro Señor y firme esperanza en su Majestad. Tras esto era muy agradecido a lo que por él se sabia, y asi cuando yo le hacia algûn pequeno be-neficio, me lo agradecia mucho. Mostraba también ser varron penitente y de mucho sufrimiento: porque sus trabajos (que eran grandes), los Ilevaba con tanta paciencia que jamàs, ni cuando actualmente los padecia ni cuando estaba fuera de elles, se vio en la accion ni se oyo palabra que oliese a sentimiento ni queja de persona alguna, antes los Ilevaba con gran quietud de ànimo y con una gran modestia que tenia. Y asi por le dicho y por lo de-màs que vi en él, y por lo que diverses veces he oido de sus virtudes, tengo para mi, que fue santo en grado muy aventajado.» Esto dice en comùn de las virtudes de nuestro Venerable Padre, y puede causar admiraciein a cual-quiera buen juicio tanto silencio y tan gran paciencia en ocasiones tan fuer-tes y apretadas.

Pero hablando màs en particular del tiempo de su càrcel, dice de esta manera: «Fue preso por los Padres Calzados de su orden, permitiendo Dios que padeciese este siervo suyo sin culpa de él ni de los superiores. Y fue la prision en la ciudad de Avila estando él por confesor de las Monjas de la Encarnacion, que son de nuestra orden; y de alli le llevaron preso a Toledo, donde le pusieron en una pequeria y estrecha càrcel, y tan oscura que no tenia màs luz que la que le entraba por una saetera rasgada, que venta a estar en un rincon de esta carcelilla. Faltando en este tiempo el religioso que era carcelero del santo Padre, el Prior me dio cargo de él y de la carcelilla; y asi en el tiempo que le tuve a cargo le vi, que estando roto y maltratado, y con la incomodidad del luger en que estaba muy flaco, lo Ilevaba todo con gran paciencia y silencio. Porque jamas le vi ni of quejarse de nadie ni culpar a los que asi le ejercitaban, ni mostrar flaqueza en acuitarse, lastimarse ni llorar su suerte; antes, con gran serenidad, modestia y com-postura Ilevaba su carcel y soledad ».

«En este tiempo que le tuve a cargo (que fue ya a lo postrero de su prision), le bajaron a refectorio tres o cuatro veces estando en él los frailes para que recibiese alli disciplinas. Las cuales se le daban con algùn rigor sin hablar él jamàs palabra, antes lo Ilevaba todo con paciencia y amor, y acabado este acto luego se volvia a la càrcel. Corne yo vela su gran paciencia compadecido de él, le abria algunas veces la puerta de la càrcel para que saliese a tomar aire a una sala que estaba delante de la puerta de la carcelilla, y le dejaba alli cerrando la sala por de fuera. Y este era mientras los religiosos se recogian a mediodia, y en comenzando ellos a bullir, volvia yo a abrir la sala y deciale que se recogiese. Y el bienaventurado padre le hacía luego poniendo las manos y agradeciéndome la caridad que le hacía. Y aunque yo no le había conocido de tiempos antes; de sólo ver su virtuoso modo de proceder que alli tenía, y la paciencia con que llevaba su ejercicio tan riguroso le tuve por un alma santa; y por esto me holgaba de darle este poco de alivio, porque en este tiempo me edificó mucho su santidad y paciencia y su agradecimiento en lo poco que con él hacía». Todo esto es de este testigo de vista tan acreditado, y del tiempo que mejor pasó el santo en la cárcel.

Demás de estos trabajos en que exteriormente le ejercitaban, otros padeció en este tiempo interiores, que le afligian más; como él lo ponderó muchas veces a sus íntimos amigos, particularmente dos. El uno fue una porfiada y muy continua batería del demonio con que le persuadia que había hecho mal en apartarse de la vida y hábito común que en la religión entonces se usaba por hacer vida singular. Y le traía para esto todas las razones que dan los maestros de la vida espiritual para condenar las singularidades viciosas de la gente devota. Con lo cual pretendía hacerle entender que había desagradado mucho a Dios, causando guerras civiles en la Orden y perturbando la paz que había en ella. Y con esta batería no solo procuraba afligirle más también desanimarle, para que cesando en lo comenzado se conformase con lo que los Padres Calzados le persuadían. Y como nuestro Serior le había permitido esta cárcel para purificarle mis en ella, y que le sirviese de crisol para afinar el oro de su alma, daba lugar al demonio para que le ejercitase con estas baterías, y parecía que le dejaba a solas en ellas para que sintiese la aflicción de los grandes amadores de Dios puestos como a oscuras entre temores y recelos si le dan gusto o le desagradan. Pero cuando la batería se esforzaba tanto que había menester nuevo socorro, se le daba nuestro Señor con algún rayo de luz; de cuánto le había servido en haberse descalzado, y que le cran agradables sus trabajos.

El segundo trabajo le procedía de otro crisol más apretado que significó el Profeta Isaías /1, y de que se hizo mención en otra parte: que fue meter nuestro Señor de nuevo su espíritu en la fragua de su influencia purgativa, y cocerle allí muy intensamente; no ya para purgarle de la escoria de las imperfecciones como en los estados inferiores por donde había pasado, sine) para levantarle con nueva blancura y pureza a mayor semejanza de Dios y

1 Is. 1, 23.


perfección màs rara. Porque como de la mayor blancura y pureza del espíritu criado a la de Dios haya infinita distancia, aunque más purgado esté, recibe nueva purificación para mayor blancura y semejanza divina, como a nuestro propósito lo significo San Dionisio/2, y como la blancura de nuestro Venerable Padre había de ser de grado superior para una rara santidad, entró en este divino crisol muchas veces, y algunas estando en la cárcel, con lo cual le disponían para nuevas mercedes que había de recibir en ella.

2 PS-DIONYSIUS, De CH, cap. 13, S. Docuit.


Cap. 6. Cómo esforzó nuestro Señor su tolerancia en los trabajos de la cárcel con algunos consuelos espirituales de los muy extraordinarios.

Muchas veces oyeron decir a nuestro Venerable Padre sus amigos cuán consolado había sido de Cristo nuestro Señor y de la serenísima Virgen su madre en la cárcel para llevar los trabajos de ella; y aunque no dio por menudo noticia de estos consuelos, algunos se sacan de sus informaciones por palabras que los testigos le oyeron, y otros de sus libros, y así haremos memoria de ellos. Fue lo primero recreado allí con aquel roció de la gloria celestial que dice san Agustín que suele comunicar nuestro Señor a los tentados o muy afligidos por él en esta vida para que lleven con alentada fortaleza y prudente tolerancia sus trabajos y aflicciones/1. Y de este género, dice santo Tomás, que eran los consuelos que nuestro Señor daba a los mártires en los tormentos para hacerlos invencibles/2. Y este mismo efecto sentía nuestro Madre santa Teresa con esta comunicación divina y asi dice de la fortaleza que con ella recibía su alma, que por entonces le parecía que no habían hecho macho los mártires en padecer por Dios tales tormentos, si en ellos les daban victima tan confortativa para el corazón/3. Y ésta, ayudada de las virtudes perfectas con que estaba fortificada su alma, confortó la de nuestro venerable Padre para llevar con tanto valor, como ya vimos, los trabajos de la cárcel.

El segundo socorro con que nuestro Señor le esforzó en este tiempo para llevar alegremente estos trabajos así exteriores coma interiores, fue un gran conocimiento que allí le dio del incomparable valor de los trabajos padecidos por él. Y de aquí le procedía no sólo esta alegre tolerancia de los que allí se le ofrecían siendo tantos y tan grandes, más también el hambre insaciable que le quedó de padecer trabajos por Dios, que sólo la memoria de ellos o las palabras con que los nombraban le arrebataban tan poderosamente el afecto, que solía quedarse suspendido, de que veremos adelante algùn ejemplo. Y así solía él decir a los que le veian algunas veces afligido

1 S. AUGUSTINUS De Genesi ad litteram, L.12, c. 26.

2 S. TH., De Verit., q.13, a.13 ad 9.

3 S. TERESA, Vida, 16, 4.


porque padecía poco por Dios: no se espanten de que ame tanto el padecer, porque me dio el Señor en la cárcel gran conocimiento del valor de los trabajos padecidos por él. Y de la ganancias que de este padecer trabajos por Dios había experimentado en su alma, dice en uno de sus libros misticos /1: que el alma que ha comenzado a entrar en los secretos de Dios conoce que los trabajos del mundo son medios para llegar a lo escondido de la sabiduría delectable de Dios, y por eso desea pasar todos los aprietos y amarguras que se le puedan ofrecer en esta vida, porque al más puro padecer corresponde mis puro entender y más subido gozar.

En la tercera manera de consuelo espiritual con que le recreó en este tiempo, le hizo participante de la bienaventuranza que en el cielo causa el ejercicio de las virtudes a sus poseedores. Para lo cual, nos acordemos, de lo que se tocó en otra parte, de la doctrina de santo Tomás: que las bienaventuranzas que Cristo nuestro Señor predicó en el monte, son actos de virtudes perfectas /5, de manera que cada acto de virtud en el cielo es una particular bienaventuranza, tanto mayor cuanto más perfectamente la hubiere alcanzado en esta vida. Y aunque acá tiran derechamente al mérito sus actos, y en la gloria al premio, en esta vida a lo que perfecciona, y en la otra a lo que deleita, y por eso acá son trabajosos y allá son gozosos; con todo eso, dice este santo que los varones perfectos comienzan desde esta vida a gozar del premio de estas bienaventuranzas en los actos de las virtudes con felicidad comenzada /6). Pues de esta felicidad gozó en este tiempo nuestro Venerable Padre, cuya experiencia nos declaró él en uno de sus libros misticos tratando de los efectos de la unión divina, y la toca en otras partes aunque no tan de propósito, y así referiremos aquí algunas de sus palabras por tocar su experiencia a este tiempo, y se fue continuando después en las comunicaciones divinas muy favorables, que tuvo los postreros años de su vida.

Dice, pues, a este propósito de esta manera: «En este dichoso estado sopla el viento del Espíritu Santo por esta vina florida y huerto regalado del esposo, (que es el alma transformada en él por amor y semejanza), y tocando en las virtudes y dones de que está adornada, las renueva y mueve de suerte que den de si admirable fragancia y suavidad, al modo de cuando

4 S. JUAN DE LA CRUZ, En el tratado Adónde te escondiste? canc. 35, [CA 35, nn. 8 y 9].

5 S. TH. In 1 Sent. Dist. 34, q.1., a. 4.

6 S. TH., 12, q.69, a.2.


menean las especies aromâticas. Pues al tiempo que se hace esta moción derraman las virtudes la abundancia de su olor, el cual antes no se sentía en tanto grado. Porque las virtudes que tiene el alma adquiridas en sí, no siempre las está ella sintiendo y gozando en acto, por estar en el alma en esta vida como flores cerradas en cogollo o como especies aromâticas cubiertas, cuyo olor no se siente hasta que las descubren y mueven. Pero algunas veces hace Dios tales mercedes al alma, su esposa, en este estado, que aspirando con su espíritu divino por este huerto del alma abre todos estos cogollos de virtudes y descubre estas especies aromâticas de perfecciones del alma; y abriendo el tesoro y caudal que ha encerrado en ella, descubre toda su hermosura. Y entonces es cosa admirable de ver y suave de sentir la riqueza de los dones que se descubren al alma y la hermosura de flores de virtudes ya abiertas todas, y de manera que cada una da de sí el olor de suavidad que le pertenece. La cual es algunas veces en tanta abundancia que al alma le parece estar vestida de deleites y bañada de inestimable gloria. Tanto que no sólo ella lo siente de dentro, más también suele tanto a fuera, que lo conocen los que saben advenir; por estar tal alma como un deleitoso jardín lleno de deleites y riquezas de Dios /7.

En este aspirar del Espíritu Santo por el alma, (que es visitación suya para enamorarla más), se le comunica en alta manera el esposo Hijo de Dios, y por eso envia al Espíritu Santo primero, que es su aposentador, para que le prepare la posada del alma su esposa, levantándola en deleite celestial y poniendo en perfección el huerto; abriendo sus flores, descubriendo sus dones, adornándola con la hermosura de sus gracias y riquezas, y dándole a gustar el suavísimo ejercicio de los actos perfectos de todas ostas gracias y virtudes en participación de gloria. La cual dura en el alma todo el tiempo que el amado asiste allí de esta manera, donde la esposa le está dando suavidad en sus virtudes, según ella lo significó en los Cantares, diciendo: como estuviese el Rey recostado en su reclinatorio, (que es mi alma), dio olor de suavidad mi arbolillo oloroso. Entendiendo aquí por arbolillo oloroso el plantel de muchas virtudes que hay en el alma" /8.

Todo esto es de nuestro Venerable Padre, donde con su ilustradísima experiencia declara, como en el estado de unión, en que estaba en el tiempo

7 S. JUAN DE LA CRUZ, En el tratado de sus Canciones, canc. 26. [CA, 26 nn. 1.61.

8 Cant.1,11.


de que vamos hablando, participaba su alma por ilustración particular del Espíritu Santo de los actos suavísimos de las virtudes, que en el cielo gozan los bienaventurados y de la gloria que les causan. Y de camino nos significó otro singularísimo privilegio de que a lo milagroso, gozó también en este estado, que grandemente pocha recrearle y hacerle muy alegre la tolerancia de sus trabajos. Para cuya declaración, nos acordemos de lo que se tocó en otra parte con la autoridad de los grandes doctores de la Iglesia, misticos y escolásticos/9, que algunas veces concede Dios por particular privilegio a los grandes contemplativos, el conocimiento natural que tuvieron los ángeles viadores antes de ser glorificados. Al cual conocimiento pertenece ver su propia esencia, y por ella como por semejanza expresa de Dios cran levantados a la contemplación de la esencia divina. Porque semejante privilegio parece que concedió nuestro Señor algunas veces a nuestro Venerable Padre con estas mercedes, levantando su entendimiento a conocer por semejanzas infusas proporcionadas, la hermosura de su alma adornada de dones y virtudes, para que con la alegría que esto le causaba no sintiese la amargura de sus penas, viendo cuanto se aventajaba con ellas esta misma hermosura. Y así dice que en este aspirar del Espíritu Santo en el vergel del alma es cosa admirable de ver la riqueza de dones que se descubren en ella, y la hermosura de flores de virtudes ya abiertas todas, y sentir la suavidad de su olor.

Declarónos también en este lugar, de donde procedía aquel maravilloso resplandor, con que tantas veces le vieron en este estado, de que se hizo mención en otra parte, a cuyo propósito dice así: « Y no sólo cuando estas flores están abiertas se echa de ver esto en estas almas, más también ordinariamente traen en sí, un no sé qué, de grandeza y dignidad que causa acatamiento a los demás por el respeto sobrenatural que se difunde en el sujeto de la próxima y familiar conversación y comunicación con Dios, cual se escribe en el Éxodo de Moisés: que no podían los hijos de Israel mirarle al rostro por la gloria y honra que en su persona quedaba, de haber tratado cara a cara con Dios. De estas palabras se conoce que aquel resplandor y dignidad sobrenatural, con que tantas veces le vieron en lo exterior, procedía de esta comunicación divina tan familiar y cercana, y de este abrir y menear el esposo celestial las flores de las virtudes, cuando entraba

a recrearse en el huerto de su purísimo espíritu. Con lo cual se aumentaba mucho la hermosura y valor de las mismas virtudes: as! por et singular esfuerzo que en este aspirar del Espíritu Santo hacia la virtud divina en la perfección del alma; como en la disposición de la misma alma reducida tal altamente de la multiplicidad de las criaturas a la unidad del Creador, que son las dos cosas en que los Doctores escolásticos ponen el aumento de las virtudes que la perfeccionan y enriquecen /10.

9 S. TH., In II Sent., Dist. 23, q.1. a.l.

10 S. TH. In I Sent., Dist. 17, q.2, a.2.


Cap. 7. De algunas visitas muy favorables y otras qrandes mercedes que Cristo nuestro y la Vigen su Madre le hicieron en la cárcel.

Como la unión del alma con Dios (en cuyo estado venia nuestro Venerable Padre en este tiempo), es por una parte el acto supremo de conformidad del espíritu criado con su Creador, pues como ya vimos, llega a haber uniformidad entre ellos con participación de un mismo espíritu, como dijo el Apóstol /1. Y por otra parte el lazo de amor que junta como en uno a los dos unidos, para que haya comunicación de amistad entre ellos. De aquí viene que es muy grande la familiaridad con que desde este tiempo trata Dios al alma unida consigo, y muy frecuentes las visitas que le hace, como lo dice la experiencia de nuestra Madre santa Teresa por estas palabras: «En llegando a tener oración de unión anda el Señor con este cuidado de comunicarse con nosotros, y andarnos rogando que nos estemos con él, si nosotras no nos descuidanzos»/2. Pues de esta dichosa familiaridad con Dios gozaba en este tiempo nuestro Venerable Padre, con otra circunstancia que la hacia más tierna y favorable, que era estar padeciendo por él trabajos y aflicciones tan penosas. Y porque él fue muy escaso, por su gran recato, en damos noticia de esta familiaridad tierna que con el Señor de majestad inmensa tenía, nos la da el mismo Señor a lo milagroso en una de las apariciones que se ven en su carne, de que trataremos de propósito adelante. En la cual se representa un religioso con el hábito de los Padres Calzados de nuestra Señora del Carmen, sin capa (que de esta manera estaba nuestro Venerable Padre en la cárcel), y un niño Jesús arrimado a su hombro derecho como echado al desgaire19 sobre el brazo del santo Padre, y el santo, como que se estaba riendo. Con lo cual nos significó la sabiduria divina (autora de estas apariciones), cuán familiar y tierna fue la compañía que este niño Dios hacía en la cárcel a su soldado, que estaba por él padeciendo tantas incomodidades y fatigas.

Pero aunque el Venerable Padre cuidó tanto de encubrir las visitas y regalos que del Hijo y de la Madre recibió en este tiempo, con todo eso, a algùnas

1 S. TH., 22, q.180, a.8, ad 2.

2 S. TERESA, Mor. VII, 3,9.


personas de las que le eran más familiares les dijo algunas, como mostrándose agradecido a las mercedes que en la cárcel había recibido de ellos, y las refieren en sus declaraciones juradas. Una de las que el Venerable Padre hacia muy grande estima fue, que como la cárcel era tan oscura de día y no le daba luz, de noche el primer carcelero; se afligía algunas veces de verse en tan continuadas tinieblas, sobre las demás incomodidades de apretura; calor y mal olor que padecía; y cuando estaba de esta manera afligido, le socorría nuestro Señor algunas veces regalándole con luz celestial en lugar de la material que le negaban. La cual nunca venia cola sino con otros consuelos interiores que recreaban al espíritu y redundaban al cuerpo.

Esto contó el Venerable Padre a un religioso que tenía por santo en una larga jornada que con él hizo, y así referiré aquí lo que él dice en su declaración jurada de esta manera: «Contóme el santo Padre Fray Juan de la Cruz la prisión que había tenido en Toledo, y como la cárcel era estrecha, oscura y de mal olor, y no le daban luz de noche; y que algunas veces que estaba muy afligido le enviaba nuestro Señor la luz del cielo, que le duraba toda la noche. Y de dos veces me acuerdo, que me dio en particular noticia haber sucedido esto, y que la noche que la tenía estaba tan consolado que le parecía muy corta. Una de estas noches estando muy afligido, le envió nuestro Señor esta luz celestial sin saber de dónde venta. Fue el carcelero a reconocer la cárcel y abriendo la primera puerta, que era de una sala, como vio luz en el aposentillo que estaba más adentro le causó novedad porque él no se le había llevado y le tenía bajo de dos llaves; donde ningùno podía llegar sino con llave falsa. Con esta turbación se fue al Prelado y le dijo lo que pasaba; y el Prelado fice a la cárcel con otros dos religiosos y abriendo la primera puerta se apagó la luz que había dentro. Abrió luego la segunda y descubrió la que el traía en una linterna y dijo al Venerable Padre, que quién le había dado luz, habiendo él mandado que nadie se la diese. Pero el santo Padre le afirmó que nadie del convento se la había dado, ni había por donde pudiesen dársela, ni allí tenía vela ni candil en que la pudiese haber. Con lo cual, juzgando el Prelado que había sido antojo20 del carcelero se salió y volvió a cerrar las puertas».

De las visitas que Cristo nuestro Señor y la serenísima Virgen su Madre le hicieron en la cárcel para consolar a su soldado, que por elles estaba afligido, dicen también los testigos de estas informaciones más familiares suyos, habérselo oido a él mismo, y que muchas veces le animaron a que saliese de la cárcel, que ellos le ayudarían. De una de estas visitas de Cristo nuestro Señor hacen en particular memoria; y así también aquí la tocaremos. Es propio del estado de unión en que el Venerable Padre se hallaba, haber entre el esposo divino y el alma su esposa de esta manera unida con el, aquellas finezas de retornos de amor y como estímulos espirituales de tantas ganancias para ella, como ponderó san Lorenzo Justiniano /3, cuando para enamorarla más, parece que se esconde el amado; porque el fuego del amor con la privación más se aviva, y la llaga de él, más se siente con la ausencia. Estándose, pues, quejando una vez el Venerable Padre tiernamente al Señor, que habiéndole herido se le escondía, vio de repente resplandecer la cárcel con una luz tan hermosa y suave, que le Ilen6 el alma de gozo tan superior, que le parecia estar en la gloria; y respondiéndole el Señor a sus querellas, le dijo: aquí estoy contigo para librarte de todo mal. Con estas querellas amorosas precedidas por estas finezas de amor, comienza el Venerable Padre el tratado de los efectos de este estado de unión, que él había experimentado en su alma; y le comenzó en la cárcel, como adelante diremos.

De otra visita de la Virgen nuestra Señora nos da noticia en particular, el hermano Fray Martin de la Asunción, persona de gran virtud y compañero de mucho tiempo de nuestro Venerable Padre, y a quien el amaba por esta virtud que en él conocía. El cual dice a este propósito en su declaración jurada de esta manera. «Deseando el Santo Padre hacerme muy devoto de la Virgen, me contó, que entrando una vez el Prelado con dos religiosos en la cárcel, estaba el santo de rodillas y postrado en oración, y como de la prisión y malos tratamientos no podía casi menearse, se estuvo así pensando que era el carcelero. Como el Prelado le vio así y no se levantaba a hacerle cortesía, le dio un puntillazo diciendo que, por qué no se levantaba estando él allí; respondió el santo, que perdonase que no le había conocido, ni podía levantarse muy aprisa por sus achaques. Preguntóle el Prelado: ¿Pues, en qué pensaba ahora que tan embebido estaba? Respondióle el santo: estaba pensando que mañana es día de nuestra Señora, y me consolara mucho de decir Misa. A lo cual dijo el Prelado que no sería en sus días. Con esto se salió dejando al santo Padre muy afligido con aquellas nuevas, y no poder en día tan solemne (que según la concurrencia de la cosas, aunque el testigo no lo dice, era el de la Asunción de la Virgen), decir Misa ni oír la. La noche siguiente se le apareció nuestra Señora hermosísima y llena de resplandores de gloria, y le dijo: hijo; ten paciencia, que presto se acabarán estos trabajos, y saldrás de esta prisión y dirás Misa y te consolarás». Todo esto dice este testigo que supo del mismo Venerable Padre; y asi por esta y otras visitas que él dijo había tenido allí del Hijo y de la Madre, es digno aquel humilde lugar de toda reverencia, y cuando yo entré en él, le miré con veneración devota, por lo que sabía que en él, había pasado.

Dicen también por cosa notable, así este testigo como otros, que cuando el Padre Fray Juan de la Cruz refería algo de los trabajos que había padecido en la cárcel, nunca culpó a nadie; no sólo por su gran modestia, más también porque hallaba disculpa en quien se los procuraba. Porque así como los que se gobiernan por conciencia errónea juzgan por lícitos los medios injustos, así también, éstos juzgaban por cosa justa afligir al que tenían por inobediente a las actas del capitulo general; porque no le admitían la obediencia superior que él tenía contra ellas con ser tan conocida.

3 S. LAURENTIUS IUSTINIANUS, De canto connubio, cap. 25.


Cap. 8. Que en la cárcel dio principio a sus tratados místicos según el conocimiento experimental, que sacaba de los efectos que obraba Dios en su alma.

Estando Nuestro Venerable Padre en la cárcel tan trabajado de parte de los hombres y tan regalado de Dios, comenzó a fabricar por ilustración divina el levantado y utilísimo edificio de sus libros místicos para tan gran provecho de la gente espiritual, como saca de ellos. El fundamento de los cuales habemos de tomar de lo que dice San Dionisio, que el divin Hieroteo enseriado por inspiración de Dios muy levantada, conocía las cosas divinas no sólo aprendiéndolas por el estudio humano sino también padeciéndolas por unión del afecto con ellas /1, y de esta manera llegaba a aquel conocimiento místico y sabroso que no se puede enseñar por otro camino. Que fue decir, como declara santo Tomás, que de los efectos que recibía de Dios en la voluntad, era el entendimiento levantado al conocimiento práctico de las cosas divinas, que por la especulación no puede enseriarse /2. Y en la exposición de este lugar pone un ejemplo diciendo, que así como el que es virtuoso por el hábito de la virtud que tiene en el afecto, está perfeccionado para juzgar rectamente de las cosas que tocan a aquella virtud, así el que está unido con el afecto a las cosas divinas, recibe a lo sobrenatural y divino, recto juicio y conocimiento de las mismas cosas. De todo lo cual sacamos a nuestro propósito, que en este conocimiento experimental que tienen de las cosas divinas, los que está unidos a ellas y las gustan también a lo divino, es de otro género diferente del que se aprende por estudio humano como recibido de Dios por modo singular en comunicación estrecha y favorable. Y por esto, a los escritos de las personas grandes amadores de Dios, y conocidamente ilustradas de él, donde dan doctrina segura y saludable de los misterios escondidos de Dios, cuales fueron nuestra Madre santa Teresa y nuestro Venerable Padre Fray Juan de la Cruz, se les debe cierta veneración y acatamiento para que no cualquiera espíritu, aunque más docto sea en la ciencia especulativa, se atreva a censurarlos, si está ignorante de esta sabiduría divina, práctica y secreta, que enseña Dios a las almas humildes y puras, que de veras le aman.

Pues como en este tiempo metía el esposo celestial tantas veces el alma de nuestro Venerable Padre en la bodega de los vinos misticos /3, para unirla allí consigo y embriagarla a lo celestial, le sucedía lo que nuestra Madre santa Teresa, de esta manera recreada de Dios decía, de su experiencia por estas palabras: «Oh! válame Dios, cuál está un alma cuando está así; toda ella querría ser lenguas para alabar al Señor. Dice mil desatinos santos, atinando siempre a contentar a quien la tiene así. Yo sé persona que con no ser poeta, le acaecía hacer de presto copias muy sentidas declarando bien su pena; no hechas de su entendimiento, sino que para gozar más la gloria que tan sabrosa pena le daba, se quejaba de ella a su Dios;/4 Esto dice nuestra maestra y otro tanto le sucedía al Venerable Padre, su compañero; que cuando era de esta manera visitado de Dios se hallaba inclinado y como movido su espíritu a celebrar alabanzas divinas, no sólo en prosa sino también en versos significativos del afecto que causaban entonces en él, los recibos divinos. Porque unas veces cuando la comunicación era de iluminación del don de entendimiento que causa en el alma amor ansioso de herida intensa, como en otra parte vimos/5, eran estos versos declarando la pena sabrosa con le había dejado, según aquí dice nuestra santa. Y otras veces, cuando procedía de la comunicación del don de sabiduría que causa amor satisfactorio, eran los versos de alabanzas agradecidas; y así los unos como los otros salían envueltos en la sustancia de lo que entonces recibía el afecto. Y habló con mucha propiedad nuestra Maestra en las palabras referidas así, en decir que del afecto con que entonces se hallaba, salían copias muy sentidas quejándose de su pena a su Dios; como en lo que añade; que no eran hechas de su entendimiento. Porque aquel sabor que tienen estos versos (segùn se verifica en los de nuestro Venerable Padre), bien muestra que no podía dársele, quien no estuviera actualmente gustando lo que en ellos significaba. Y aunque salían de su entendimiento, emanaban de la dulcísima influencia divina que regalaba a su voluntad y en ella a toda el alma; como sucedía al Profeta David cuando componía los versos de los salmos.

Semejante a esto era también lo que dice Tulio que sucedia a las Sibilas profetisas, que hablaron con el mismo espíritu /6; las cuales estaban coma absortas en contemplación divina, cuando pronunciaban aquellos versos con que Dios quiso dar luz, a la ciega Gentilidad, de muchos de sus misterios. Y añade el mismo autor, que no se tenían entre los Gentiles por versos de profecía procedida de espíritu de Dios, los que las Sibilas no pronunciaban

1 Ps-Dionysius, De DN, cap. 2, §4.

2 S. THOMAS, Super Dionysium ut supra.

3 Cant. 2,4.

4 S. TERESA, Vida, 16,4.

5 S. TH. In III Sent., Dist. 35, q. 2, a.2,q.3.

6 M. TULLIUS, De divinatione, 86.


estando ellas de esta manera absortas y elevadas. Y cari lo mismo sucedía a nuestro Venerable Padre Fray Juan de la Cruz en sus canciones, que las componía cuando había estado en alguna altísima contemplación, y gozaba aún la voluntad de los dulcísimos efectos de ella, y quedaban todavía en el entendimiento unas como vislumbres de los pasados resplandores. Y así no había menester cansarle en meditar lo que en esta sustancia decía, sino como quien iba hablando de lo que tenía ya sabido y de la ilustración que todavía duraba. A lo cual llaman San Agustin y Santo Tomás instinto divino, y lo ponen por luz sobrenatural y como un modo imperfecto de revelación profética /7.

Pero como este conocimiento experimental había salido de los sentimientos del afecto, no le bastaban a Nuestro Venerable Padre estas vislumbres del entendimiento, para hacer estas composiciones, si en el afecto no duraban los dulces sentimientos de donde habían procedido; como él lo significó a dos personas devotas en dos cartas que les escribe respondiendo a lo que le habían pedido, que les declarase algunas de las canciones que había hecho en la cárcel. A las cuales dice, que estas canciones se habían compuesto en amor de inteligencia mística, y no se podían declarar sino con entrañable21 espiritu, y que había de esperar a que Dios otra vez se le diese, y por eso se detuvo tanto en esta declaración, de donde salieron dos de sus tratados místicos, como en su lugar diremos. Lo mismo le sucedía a nuestra Madre santa Teresa como ella lo dice por estas palabras: «Estos modos de oración sobrenatural, cuando Dios da el espíritu, pónense con facilidad y mejor. Parece como quien tiene un dechado delante, que está sacando de él la labor; más si el espíritu falta, no hay más concertar este lenguaje que si fuese algarabía. Y así me parece es grandísima ventaja cuando lo escribió, estar en ella, porque veo claro no soy yo quien lo dice, que no lo ordeno con el entendimiento, ni sé después como lo acerté a decir /8. Todo esto es de Nuestra Maestra. Estas canciones de materias místicas muy levantadas, que en la cárcel hizo, movido y ayudado de la divina influencia, conservó en la memoria, (porque no tenía con qué escribirlas), y también una noticia, que llaman los autores místicos como por medio de un veto o niebla de los misterios y sentimientos recibidos en la contemplación /9, para declararlos en otro tiempo ayudado de nueva iluminación, y así lo hizo.

7 S. TH. 22,q. 175,a.4 ad 3. Apud S. TH., 22,q.171,a.5.

8 S.TERESA, Vida, 14,8.

9 HUGO, De anima, L.III, cap. 46; RICHARDUS de S. Victore, De contemplation, L. 4, cap. 23.


Cap. 9. Cómo la Virgen nuestra Señora mandó al Padre Fray Juan de la Cruz. que se saliese de la cárcel, y le dio traza para la salida.

Unos nueve meses había que Nuestro Venerable Padre padecía los trabajos de su cárcel, con tan gran secreto de los Padres Calzados, que en todos ellos, no supieron los Descalzos si era muerto o vivo. Mientras duró el invierno y la primavera pudo pasarlo mejor en aquella gran estrechura. Pero después que entró el verano le fatigaba el calor y era más penoso el mal olor, y se le aumentaron tanto las demás incomodidades, que se le había quitado ya la gana de comer, y como la comida era tan poco apetitosa no pocha atravesar bocado. Con esta flaqueza y el continuo calor tampoco podía dormir, y así se iba consumiendo aprisa. Y aunque el carcelero a cuyo cargo estaba entonces se condolía de él, no tenía licencia para darle los alivios que había menester y se hallaba obligado además de las razones de obediencia, por las de confianza a ser fiel a quien la había hecho de él para esta guarda. Llegada la fiesta de la Asunción de nuestra Señora le dijo la misma Virgen que se saliese de la cárcel que ella le ayudaría. Pero aunque esto le esforzó, no vela orden para ejecutarlo habiendo tanto cuidado con guardarle, y estando la cárcel cerrada con dos llaves. Después le dijo lo mismo Cristo nuestro Señor, y representándole él las dificultades le respondió, que quien había hecho que el Profeta Eliseo pasase con la capa de Elías por el rio Jordán apartándose las aguas, le sacaría a él de todas estas dificultades que había para salirse /1.

Estándose regalando en la oración con las memorias de la Virgen en uno de estos días de su octava, le mandé otra vez que se saliese, y le mostró en espíritu una ventana alta que sabía de una galería del convento hacia el rio Tajo, diciéndole que por allí se descolgase que ella le ayudaría. Y para la dificultad que él le ponía de las dos cerraduras que tenía la cárcel, le dio la traza que él después ejecutó, como veremos. Teniendo con tal favor por cierta su salida, quiso mostrarse agradecido al carcelero por la piedad que con él había usado en aquellos postreros días que le había tenido a cargo, e hizo con él, lo que él mismo dice en su declaración por estas palabras: «Uno

1 IV Reg. 2,14.


de los postreros días que el santo Padre estuvo en la cárcel me dijo que le perdonase lo que me había dado de trabajo, y que en agradecimiento de las buenas obras que de mi había recibido tomase aquella Cruz y Cristo que me ofrecía, que se la había dado una persona tan santa, que además de la estima que se le debía por lo que era, la merecía también por haber sido de tal persona. Era la Cruz de una madera exquisita y relevados en ella los instrumentos de la pasión de Cristo nuestro Salvador; en la cual estaba clavado un Cristo crucificado en bronce, y el santo la solía traer debajo del escapulaño prendida al lado del corazón. Este don recibí del santo Padre y todavía le tengo y le estimo en mucho, no sólo por lo que es, sino también por haber sido prenda suya». Esto dice el carcelero, y de la estima en que el Venerable Padre tenía esta cruz por ser persona santa quien se la había dado; se deja entender que la había recibido de nuestra Madre Santa Teresa en el Monasterio de la Encarnación donde le prendieron; y no dijo su nombre por ser entonces muy aborrecido entre los padres de la observancia, como de fundamento de la nueva reforma que a ellos los daba tanto cuidado.

Luego el día siguiente al que la Virgen le había ordenado la salida, valiéndose de la traza que le fue inspirada, como el carcelero hacha ya confianza de él para dejarle llevar solo al oficio humilde el vaso que tenía en la celda, mientras los religiosos estaban cenando y aquel cuarto solo, tuvo lugar para mirar hacia donde caía la ventana que le habían señalado para descolgarse, por saber poco de la casa como huésped, que siempre había estado preso; y era menester para llegar a ella atravesar todo el cuarto. Porque la carcelilla está en la frontera del monasterio que mira a la plaza de Zocodover. Y la ventana en la galería de la parte contraria, que cae al rio Tajo. Habiendo reconocido, se recogió a su cárcel y la cerró el carcelero. Cuando vino a darle de cenar, mientras fue por agua, aflojó e! Venerable Padre las armellas del candado que eran de tornillo; de madera que sin que el carcelero lo echase de ver quedasen bien dispuestas para su intento. Y hecho esto, que él podía de su parte, esperaba que la Virgen solicitadora de su salida ordenase lo que faltaba para ella en la segunda puerta; y tenía ya hilo y aguja, prevenido de lo que el carcelero le había dado para remendarse; y un candil que de noche le encendía el tiempo que duraba la cena.

Ordenó Dios para facilitar lo de la segunda puerta, que llegase allí aquella noche el Padre Provincial y con su ocasión algunos religiosos graves de la provincia, y por no haber bastantes celdas, aposentaron en la sala que estaba delante de la cárcel a dos de ellos; y como hacia gran calor como en mes de agosto, y en Toledo, dejaron abierta la puerta de la sala que salía a un corredor para que les entrase fresco. Echó de ver esto el Padre Fray Juan de la Cruz desde la celdilla, y entendiendo que lo había ordenado Dios así para su salida, comenzó a tratar de ella, confiando en quien le animaba aunque más dificultosa pareciese. Tenía ya cosidas las dos mantas por las puntas, y después a la una de ellas una tuniquilla vieja, que le había dado por piedad el carcelero, y se aprovechó de ella para esta necesidad, que esto no lo pudiera hacer a oscuras, y prevenido el candil (de cuyo garfio22 se había de valer para asir a él las mantas en lo alto), se puso en oración aguardando la hora de las dos de la noche, que le pareció más sola para salir sin ser sentido de los Religiosos del Convento.

Cap. 10. De la salida de la cárcel del Venerable Padre Fray Juan de la Cruz, y cuán milagrosa fue.

Llegada pues la hora de las dos de la noche señalada para su salida, y vencidas algunas de sus dificultades; se le ofrecia una muy notable para no poder dejar de ser sentido. Porque la puerta que salía de la sala al corredor estaba junto a la de la misma celdilla de la cárcel, y como los huéspedes habían hecho las camas cerca de la misma puerta de la sala para estar más frescos, no podía salir de la cárcel sino era pisándolos, ni abrir la puerta sin hacer mucho ruido con el candado; y así le pareció imposible poder salir. Con todo esto le dieron en la oración tanta prisa a que saliese, que se determiné a romper por todos los inconvenientes y peligros fiado en Dios y en la protección de la Virgen que de todos le sacaría en salvo. Habían estado hablando los dos religiosos muy gran parte de la noche y como habla ya buen rato que guardaban silencio, pareciéndole al Venerable Padre que ya dormirían, dio un fuerte empellón23 a la puerta de la cárcel, y saltando la una armella quedé abierta la puerta y colgando el candado de la otra. Despavoridos con el ruido los dos religiosos, dijeron: quién va? Pero el Padre Fray Juan se estuvo quedo hasta que se tornaron a dormir; y como ellos no sabían el tesoro que allí estaba encerrado se sosegaron y volvieron presto a tomar el sueño.

Cuando al Padre Fray Juan le pareció que estarían ya dormidos, tomó las dos mantas y el candil y se fue hacia la ventana señalada para el caso sin ser sentido de los huéspedes aunque pasó pisándolos24. Y decía él después, que iba tan acompañado de la protección divina, que interiormente le iban diciendo lo que había de hacer en los medios de esta salida, de manera que él no hacía más que ejecutar lo que le decían. Tenía esta ventana un cuartón25 de madera por antepecho26 sobre los ladrillos, y entre el cuartón y ellos metió el cabo del candil dejando el garfio de él hacia la parte de fuera, y asiendo a él la una parte de las mantas lo mejor que pudo, y encomendándose a Dios y a su Madre fue bajando por ellas y después por la túnica. Y cuando llegó al cabo de todo pareciéndole que ya estaría cerca del suelo se dejó caer; y no era así, porque todavía estaba más alto de lo que habla pensado. Cuando estuvo abajo y vio el lugar donde había caído sin hacerse daño se admiré mucho, porque era una punta del muro de la ciudad sin almenas27 y lleno de piedras, que allí estaban labradas para el edificio de la Iglesia del Convento, que cae hacia aquella parte, y todo tan acomodado para despeñarse, que si se hubiera desviado dos pies más de la pared del convento, al caer diera del muro abajo, que por aquella parte está muy alto.

Con todo eso se halló allí harto atajado sin saber por dónde había de salir de la cerca del convento, que todavía estaba dentro de ella y sabía poco de aquellos sitios dificultosos para cualquiera, a aquella hora, aunque los tuviera muy reconocidos. Y como no hacia luna y vela la altura del muro y oía de tan cerca el ruido del rio Tajo, que por allí junto se va despeñando entre riscos de entrambos lados, le daba todo grima. En esta suspensión temerosa vio cerca de si un perro que estaba disfrutando los huesos, que estaban allí, del refectorio, y pareciéndole que aquél le serviria de guia, le amenazó para que huyese, y le fue siguiendo hasta que saltó a otro corral pegado al del convento. Por allí le pareció que podía haber salida pero era la pared de más de un estado en alto hacia la parte de abajo, y él estaba tan molido de la mucha flaqueza y de la fuerza que hizo para asirse a las mantas que aun para menearse no tenía aliento cuanto más para saltar paredes. Pero al fin, el peligro en que estaba puesto y el favor y dirección que llevaba de la Virgen por resguardo, le hicieron sacar fuerzas de flaqueza y animóse a bajar.

Cuando se vio fuera ya de los limites del convento reconociendo el lugar donde estaba, vio que era un corral del Monasterio de la Concepción de Monjas Franciscanas, que el carcelero le había dicho que tenían por vecinas, y cala este corral detrás de su iglesia, aunque no dentro de la clausura. Miré por todas partes si tenía salida y todo lo halló cerrado, porque por los dos lados por donde este corral mira al rio Tajo le cerca el muro de la ciudad edificado sobre unos grandes riscos, por el otro lado tenía el Monasterio de los Frailes de donde él habla salido. Y por la parte de arriba que mira a la ciudad, (que es por donde le pareció que había salido el perro), le cercaba una buena pared sobre un vallado tan alto, que con estar la pared calda cuando yo le fui a reconocer para escribir esto, se podía entrar a él con dificultad. Aquí fue grandísima la aflicción del Venerable Padre viéndose como encarcelado en otra prisión más peligrosa que la que antes tenía, y que no podía salir de ella sin volver al convento; aunque no perdía la esperanza, que quien le había sacado del primer peligro le sacaría del segundo. Probó a gatear por la pared, pero sin provecho; porque ni tenía fuerzas para ello, ni la salida estaba acomodada cuando las tuviera.

Puesto en esta aflicción, volvió a recorrer los otros lados perd no halló más esperanza de salida que antes: y así la puso sólo en Dios suplicándole que perfeccionase Io que había comenzado; pues fiando en él y obedeciéndole había salido del convento. Cuando ya sus diligencias habían cesado, vio cerca de si un luz muy hermosa rodeada de una nubecica que daba de si gran resplandor, y le dijo: ¡ sígueme ! Con lo cual confortado la siguió hasta la pared que estaba sobre el vallado en la parte alta, y allí sin ver quién, le tomaron y subieron sobre la pared que sala a la portería de las Monjas y a la calle que va a la plaza de Zocodover, y allí desapareció la luz dejándole tan deslumbrado que decía después, que por dos o tres dias le habían quedado los ojos tan temerosos y deslumbrados como cuando han mirado al sol en su rueda y los apartan de sus rayos. De esta manera cuentan esta salida los testigos que se lo oyeron al mismo Santo, y concuerda con lo sustancial de ella la declaración jurada de su carcelero, del cual referiremos aqui algunas palabras que ayuden a verificar cuán milagrosa fue esta salida.

Sucedió, (dice), en este tiempo que una noche habiendo yo cerrado la puerta de la cárcel con su candado y llave, estando recogido ya el convento, el siervo de Dios se salió de la cárcel por la puerta a la sala, según después pareció, y desde el mirador se descolgó por una parte muy alta y peligrosa, y tengo por milagrosa la manera de descolgarse, porque el mirador no tenía reja28 ni hierro en que pudiese hacer fuerza para descolgarse; que no era más que una paredilla de ancho de medio ladrillo y por remate un madero del mismo ancho, para que pudiesen recostar sobre él los religiosos sin ensuciarse los habitos; y este madero no tenía cosa que le pudiese tener fuerte de los lados. Pues tomando el siervo de Dios el hierro de un candil le metió entre el madero y el ladrillo y haciendo pedazos unas mantas viejas que tenta por cama, ató él un pedazo al garfio del candil, y los demás unos a otros y al cabo una tuniquilla vieja o pedazo de ella, y aún todo esto no llegaba al suelo con estado y medio. Y esta bajada venta a caer a una parte tan peligrosa, que a no caer derecho o resbalar un poco daba en un gran despeñadero, que con la obra nueva todo estaba alterado.

Pues por aqui se descolgó el siervo de Dios según juzgamos los demás Religiosos del convento y yo cuando el día siguiente vimos que faltaba de la cárcel y colgados los retazos; y nos espantamos mucho de dos cosas: la primera, de no haberse doblado el hierro del candil con el peso de un cuerpo, bastando para esto sólo el peso de las mantas; la segunda, que habiendo metido el cabo del candil entre el madero y el ladrillo de la paredilla, no estando el madero fijado en parte alguna con fortaleza suficiente; cómo no se había levantado y caído abajo, bastando también para esto el peso de las mantas, cuando más el del cuerpo; y habiendo quedado todo así como se ha dicho, sin desbaratarse el madero ni doblarse el mango del candil metido allí simplemente; ni habiendo otra serial ni rastro de lo dicho para saber que salió por aqui. Y como sé de cierto que no podía salir por otra parte, tengo su salida por milagrosa ordenada de nuestro Señor para que su siervo no padeciese más, y ayudarle a su reformación y descalcez. Y aunque a mí me privaron de voz y lugar por algunos días, nos holgamos los Religiosos particulares que se hubiese ido, porque teníamos compasión de verle padecer, llevándolo él todo con tanta virtud. De esta manera refiere esta salida el Padre cárcelero /1.

1 Se llamaba Juan de Santa Maria.

[…]

Cap. 14 Que en este tiempo trabajó algunos de los tratados misticos que dejó escritos, y renovó el ejercicio de la contemplación divina, entonces tan poco usada.

Porque estando nuestro Venerable Padre en este monasterio del Calvario dio principio a sus tratados misticos, que tan gran luz han dado a la vida espiritual, es forzoso detenernos un poco en esto. Habíale escogido Dios como por Angel primario de nueva jerarquia, de quien habían de recibir iluminación los demás de ella, y por esto, como le dio espiritu de Serafin en el amor, asi le infundió el de Querubin en el conocimiento. Porque asi como el Querubin recibió de Dios tan gran plenitud de sabiduria divina para comunicarla a otros, que le comparan a un profundo estanque de sabiduria de Dios, donde la fuente etema mana continuamente para que de él se reparta a otros, asi parece que lo fue también en su manera nuestro Venerable Padre/1. Porque en vida fue su lengua como un manantial perpetuo de esta sabiduria, y como un farol divino, que a todas horas comunicaba resplandores de luz celestial y conocimiento practicó de Dios. Y después de muerto hacen este mismo oficio sus libros: porque en ellos se halla la noticia verdadera del camino llano y sin barrancos, por donde van a Dios derechamente y con brevedad las almas contemplativas, y los que se gobieman por ellos experimentan felizmente su acierto.

Este camino enseñó la sabiduria eterna vestida de nuestra carne a sus Apóstoles, y ellos la platicaron a san Dionisio, su discipulo, para que la comunicase a toda la Iglesia, dando con ella a las almas un privilegio de incomparable dignidad, para que desde las miserias de la tierra pudiese la criatura racional comunicar estrechamente a su Creador y el siervo a su Serior; y gozar del Reino de Dios que esti dentro de nosotros mismos/2. Y (para que lo digamos con palabras del mismo san Dionisio), sentarse a la mesa con su Rey para ser participantes desde la tierra de aquel convite perpetuo y opulento que hace a sus bienaventurados en el cielo. Y estaba tan desusado este camino cuando nuestro Venerable Padre y su ilustradisima compañera comenzaron a guiar por él las almas contemplativas, que aunque habla

1 Ps-Dionysius, De CH, cap.7, § ipsa. ALBERTUS MAGNUS, Ibidem.

2 Lc. 17,21


personas espirituales que enseriaban en la oración la subida de Moisés al monte en que se ejercita la meditación, que no comunica a Dios de cerca, cornu dice san Dionisio declarando esta subida/3, no entraban dentro de la nube de la contemplación donde él halló a Dios, ni disponian a las almas para percibir el silbo de la marea delicada con nuestro Padre Elías donde Dios venia, que es la misma contemplación, como declara san Gregorio/4; y asi no abrian la puerta a esta comunicación intima de Dios, donde se reciben sin estorbos la iluminación e influencia divina. De lo cual de queja nuestra Madre S. Teresa después de una larga experiencia de dieciocho o veinte años que padeció grandes trabajos en esto, como queda tocado en otra parte, y dice a nuestro propósito: «Lo que nosotros podemos hacer en la oración, muchos hay que nos lo digan, pero lo que Dios obra en nosotros no hay quien nos lo declare»/5. Dando en esto a entender, que había muchos maestros de meditación sensible, (a que llamó el Apóstol mantenimiento de nirios en la vida espiritual)/6, y ninguno de contemplación intelectual, que es el manjar séelido de los hombres robustos, y el que introduce en ellos las virtudes y dones infusos, cuando el entendimiento sujeta su operación a la divina./7

Pues queriendo nuestro Señor renovar en nuestro siglo esta antigua sabiduria de su escuela, envia al mundo dos Querubines en carne, que como piedras cortadas de la cantera celestial de los verdaderos contemplativos, que en los siglos pasados tanto ilustraron la Iglesia de Dios, diesen fundamento sólido a la escuela renovada de esta sabiduria divina, que fueron nuestra gloriosa Madre Sta. Teresa, y el venerable Padre Fray Juan de la Cruz su compariero; ella por maestra y guia de la Teologia mistica infusa, y él de la que con ayuda de la gracia puede ser adquirida. Habiendo pues, nuestro Querubin bebido de la fuente divina el espiritu y doctrina de san Dionisio, y después reconocidola en sus libros la practicaban a sus discipulos con tan gran aprovechamiento de ellos, que le importunaron mucho a que les dejase escrito algùn tratado de oración, por donde se gobernasen cuando no le tuviesen presente. Y obligado de estos ruegos escribió en este

3 Ps-Dionysius, De CH, cap.15, S. Pen.

4 Ps-Dio., De MT, cap.l.

5 S. GREGORIUS MAGNUS, Moral. L.5, cap.26.

6 Rom.5. Cita equivocada por I.Cor, 3,2.

7 Ps-Dio., De DN, cap.7, $. 1.


Monasterio el tratado que intitulée, «Subida del monte Carmelo», donde antiguamente estuvo la escuela de esta divina sabiduria. En el cual con admirable doctrina trabaja en desnudar al alma en la oración, de todo lo que le estorba la unión con Dios, que es el paradero de la vida contemplativa, y su última perfección comenzada en el destierro y consumada en la patria/8.

Y porque todo lo que entonces enseñaban los maestros espirituales a sus discipulos no era más que meditación en actos continuados de la razón natural, donde el alma ni habla con Dios sino consigo misma, ni tiene oración hasta que pasa a la contemplación sencilla, como en otra parte vimos, no trató de ella nuestro Venerable Padre, aunque es principio necesario para los que comienzan, y asi la aconseja. Sino imitando a san Dionisio procuró declarar las tres calidades que él pone para hacerse el alma presente a Dios y caminar proporcionadamente a unirse con él. La primera, que la parte sensible, donde residen las pasiones, esté limpia y desasida de toda atición de criaturas que abata el alma a la tierra para no poderse levantar a Dios. La segunda, que el entendimiento esté desnudo de las semejanzas de las cosas sensibles, que le oscurecen y prenden como con cadenas impidiéndole la subida a Dios, y poniendo medios entre él y el alma para estorbar su influencia con que ha de ser perfeccionada. La tercera, que la voluntad esté ordenada a Dios para unirse con él por amor o devoción/9.

Pues a estas tres calidades con que se dispone el alma en la oración para recibir de Dios los dones sobrenaturales con que se ha de unir a él, ordenó nuestro Venerable Padre este tratado de la Subida del Monte Carmelo, que contiene tres libros. En el primero de los cuales trabaja por desnudar el apetito sensible de toda afición y asimiento de criaturas, tan a provecho de las almas, y con doctrina y medios tan eficaces, que no se hallarán fácilmente en otro autor espiritual. En el segundo libro procura desnudar al entendimiento de todas las semejanzas conocidas, que le oscurecen y abaten para no poderse levantar a Dios sobre si mismo, en que consiste la perfecta contemplación, ni recibir en su pureza la iluminación divina y con ella el aumento de los dones sobrenaturales en que consiste la perfeccién del alma. En el libro tercero, trata muy en particular cómo se ha de ordenar a Dios nuestra voluntad, y apartarla de las cosas criadas para que no se embarace en ellas y camine a unirse con Dios libre de todas.

8 S. TH., In II Sent., Dist.18, q.2, a.2.

9 PS-DIONYSIUS, De DN, cap.3, 5.1.


Y porque con ocasión de las grandes mercedes que nuestro Señor había hecho a nuestra Madre Santa Teresa y a otras personas muy ilustradas, renovando en nuestro siglo las maravillas antiguas, y dando nuevas muestras de su inmensa bondul y del incomparable amor que tiene a los hombres, tomaba el demonio ocasión para transformarse en ángel de luz, y engariar a gente inadvertida y poco humilde, llevada del afecto de experiencias milagrosas, se opuso nuestro Venerable Padre a este daño en el libro segundo de este tratado, con segurisima y admirable doctrina, declarando con gran distinción las visiones y revelaciones sensibles como intelectuales, que suelen recibir los contemplativos ilustrados; las que se dan para utilidad propia, y las que se ordenan al aprovechamiento de otros; las que son de mayor eficacia para la perfección de quien las recibe y las que (son) de mayor peligro para quien las apetece; y cómo se han de haber en ellas para lograr los efectos de las unas y evitar los peligros y engaños de las otras; y les enseria cómo han de procurar la verdadera santidad, que consiste en las virtudes con desasimiento de estas otras comunicaciones extraordinarias. En todo lo cual de tan práctica y saludable doctrina, que con dificultad se hallar tan provechosa en otro autor espiritual aunque sea de los muy serialados.

Otro tratado escribió también en este tiempo para socorrer a almas afligidas en las apreturas del espiritu, que intituló: «De la Noche Oscura», el cual fue uno de los mayores beneficios que en nuestro siglo y en los antiguos se han hecho a almas espirituales que caminan por las veredas de la perfección; y en donde mostró bien que había recibido aventajadamente el grado de maestro de la sabiduria divina que contó el Apóstol entre las gracias, ”gratis datas”/10, por el cual, como en otra parte tocamos, reciben los asi ilustrados, no sólo conocimiento de muchos y altisimos misterios, más también habilidad para comunicarlos y decíararlos a otros/11. Porque como el Venerable Padre había pasado por todos los crisoles más apretados en que suele nuestro Serior purificar las almas que ha de unir consigo, y visto en la suya a modo de Angel viador por especies infusas, los efectos que la operación divina hacia en los más intimos senos de ella, escribió este tratado con tan singular, y distinta luz práctica de estos trabajos interiores, y de las grandes utilidades que se siguen de ellos y de como se han de haber para lo

10 I Cor. 12,8.

11 s. TH., 22, q.45, a.5.


grarlas, que ya las almas que antes andaban como fluctuando en estas tormentas, sin hallar arrimo de maestro que les supiese dar remedio en ellas, ni conociese el camino por donde Dios las iba aventajando, tienen en este tratado, puerto seguro para socorrerse en él contra las avenidas de recelos y aflicciones que en este estado se padecen; y los maestros luz experimental cierta y segura con que gobernar a semejantes almas. Porque lo que los Santos tocaron muy de paso y a lo universal de estas purificaciones y trabajos, lo dijo nuestro Venerable Padre muy en particular y con fijos fundamentos.

Y porque le hacia mucha lástima lo que experimentaba de ordinario en almas de oración, que al cabo de muchos años que se habían ejercitado en ella estaban aún como nirios en la vida espiritual, sustentándose todavia con la leche de las consideraciones sensibles sin abrir la puerta del alma al manjar sólido, que en la contemplación divina se recibe, y hace a las almas robustas y perfectas/12, (cosa muy reprendida del Apóstol san Pablo a sus discipulos), deseando nuestro Venerable Padre alumbrarlas de este engaño y desmedro, no se contento con persuadir con su doctrina los entendimientos de los contemplativos de la gran diferencia que hay de verdadero aprovechamiento entre estos dos caminos, sino también quiso que lo viesen con los ojos corporales como a lo palpable. Y para esto dibujó el monte de la perfección que anda al principio de este tratado ya impreso. El cual dispuso con tan admirable artificio, fundado en la doctrina mistica y escolástica más acendrada, que cifró en él lo que santo Tomás dice de las dos vidas; una de la ciudad terrena y otra de la celestial; y de los medios por donde se va a ellas, para las personas doctas que supieren conocer la excelencia y utilidad de esta doctrina, de las cuales ha sido este libro y dibujo muy estimado.

Para cuya verificación referiré solamente lo que el Padre Juan de Vicuña, Rector del Colegio de la Comparña de la ciudad de Ubeda, persona de muy gran crédito en letras y espiritu en la provincia de Granada, dice de este libro y dibujo en su declaración jurada por estas palabras: «Yo he leido todos los escritos del santo Padre Fray Juan de la Cruz una y muchas veces, y me parece la doctrina de ellos una Teologia mistica llena de sabiduría del cielo. Y claramente muestran la levantada y eminente luz que en su alma tenta su autor, y cuan unida le traía a Dios: porque las cosas que allí descubre lo muestran muy clam, y con haber leido yo muchos autores que

12 Heb . 5 ,4

han escrito, Teología mística, me Parece no he encontrado doctrina más solida ni más levantada que lo que escribe el dicho santo Padre Fray Juan de la Cruz. Y sé que los que lo leen sienten en su alma grande luz en el camino espiritual; y yo aunque poco aprovechado confieso de mí que siento esto cuando los leo; y así mismo siento un gran calor que me allienta al amor de Dios, y por eso los estimo y venero y de ellos me aprovecho para mí y para encaminar al cielo a otras almas que comunico, y para esto los hice trasladar.

Y entre otros papeles suyos de este lenguaje y sabiduria celestial vino a mis manas originalmente un montecillo de letra del Santo, en el cual describe como subirá el alma a la perfección. El cual estimo en mucho por ser original propio de este santo, y por lo que contiene de excelente doctrina de espiritu. y lo presenté a la Señora Teresa de Zuñiga, duquesa de Arcos, por un gran tesoro. Y sé que de los dichos libros andan muchos traslados; y yo he hecho trasladar et dicho montecito y dándole a diversas personas doctas y a otras que no lo son; y todos le han estimado, así por lo que contiene como por la santidad de su autor”. De esta manera significa este testigo la estima que hace a este dibujo las personas, que conocen la sustancia de la doctrina en que se funda.





Libro tercero, cap. 15 – 23 sur la mort, (précédé du cap. 3)


Cap. 3. Cómo le hicieron Vicario Provincial de la Andalucia, las cosas de reformación que introdujo en ella, y los peligros de que le libró la Virgen contra el demonio.

Estando todavia en Granada Nuestro Venerable Padre se celebró en el Monasterio de San Pedro de Pastrana el tercer capitulo Provincial de la congregación de los Descalzos a dieciocho de Octubre del año de mil quinientos ochenta y cinco, en el cual hizo oficio de Definidor; y como se había de elegir en él nuevo Provincial, y el Venerable Padre había conocido tan alentado celo de perfección en el Padre Fray Nicolás de Jesùs Maria, y tan gran caudal natural y sobrenatural para oponerse a las grandes dificultades, que el nuevo electo había de hallar, para poner en regla primitiva lo que en muy gran parte de la congregación Descalza se había apartado de ella con la condición demásiado blanda del Provincial; y su fuerte inclinación a extender los medios de la comunicación de almas, puso los ojos en él para Prelado superior. Y hallando bien dispuestos los ánimos de los demás, aunque el Padre Nicolás estaba ausente, fue electo Provincial con aplauso no sólo del Capitulo, más también de toda la congregación Descalza/1.

Procuró luego el nuevo Provincial poner los hombros a la reformación de ella; y pareciéndole que estando ya tan extendida por los reinos de Espaha, era menester para que mejor se lograsen los efectos de su influencia universal, que fuese ayudado de otros ministros más particulares, también superiores, nombró Vicarios Provinciales de los principales reinos donde había conventos nuestros, para que cada uno en su distrito cuidase de la observancia y perfección de los que le tocaban. Y a nuestro Venerable Padre, le alcanzó el cuidar de la Provincia de la Andalucia por elección que en él hicieron de Vicario Provincial de ella, y hallándose el Padre Fray Nicolás apretado con grandes dificultades procedidas del gobierno pasado, hacia a tiempos junta de los Vicarios Provinciales para tomar consejo con ellos, y despachar algunos negocios graves que renia represados. Y hallóse también con este socorro, que de aqui vino a dar principio a la consulta de definidores que asisten de ordinario al Prelado superior; porque entonces no duraban más que por el tiempo del Capitulo donde se elegian; y esto baste haber tocado de los sucesos universales para nuestro intento.

1 S. BONAVENTURA, Opusculum de quaestionibus circa Regulam, q.29.

Viéndose pues nuestro Venerable Padre con cargo de aquella provincia, procuró luego reformar algunas cosas que antes le daban en rostro y no podiá remediarlas. La primera fue moderar los medios de acudir a las almas fuera de nuestros conventos, para que no se faltase a los de la propia obligación. Porque solían los predicadores y confesores estar fuera de sus conventos predicando y confesando por los lugares, la mayor parte de la Cuaresma y Adviento y otros tiempos del año, faltando al recogimiento de nuestro estado, y a la oración continua en nuestras celdas, que nuestra regla manda. Y puso en esto muy gran esfuerzo con no pequeño sentimiento de algunos predicadores lúcidos, que en aquella Provincia había entonces; y después ejercitaron harto la paciencia del Venerable Padre. Procuró también que se celebrasen más a lo modesto y humilde las solemnidades de los Santos, en que había demásiada ostentación, más propia de Iglesias Catedrales que de religiosos Descalzos, que ha de ser gente de poco ruido, y en quién resplandezca la devoción humilde, y no la que llama mucho el concurso del pueblo. La misma moderación puso en los ornamentos, procurando que fuesen también humildes y poco costosos, como convenia a nuestro estado y para que no era menester cansar mucho a nuestros bienhechores, ni hacer muchas salidas para procurarlos. Y a este propósito decia: que no queria nuestro Señor que gente dedicada a tan gran desnudez y pobreza le sirviese con el adorno suntuoso de las Iglesias ricas, sino que hasta en el altar resplandeciese con la devoción la humildad y pobreza; y porque no eran conforme a ella algunos de estos ornamentos hizo que se vendiesen.

Halló también que se criaban los religiosos mozos con mucha flojedad y poco fervor de espiritu, con una persuasión falsa que había introducido el amor propio entre ellos, que la igualdad que en las comodidades profesamos corda también en los trabajos, no teniéndose por más obligados los mozos a las ocupaciones de trabajo que los viejos ya cansados. Lo cual demás de ser contra la regla que juntó las edades con las necesidades, es aprehensión tan perniciosa que los Santos muy experimentados en esto la ponen por disposición próxima de relajación en breve tiempo de la Religión más reformada. Y asi trabajó el Venerable Padre por despertar en su provincia aquella ejemplar y utilisima competencia, que en los siglos antiguos había entre los mozos y viejos de nuestros Monasterios, procurando los mozos con una filial piedad, descansar a los viejos como a verdaderos Padres, y quitarles las obras trabajosas de las manos; y los viejos dar buen ejemplo a los mozos con la humildad, obediencia, paciencia y otras virtudes a que estaban más obligados por haber tenido más tiempo para ejercitarlas y adquiridas/2. Y con esto, dando cada uno el fruto que a su edad y fuerzas convenia, conservaron la perfección religiosa con admiración del mundo tantos siglos. Y a los defensores de introducciones nuevas contra las observancias antiguas, decía lo que nuestra Santa Madre en uno de sus libros: si por este camino trillado de nuestros Padres, alcanzaron nuestros antiguos las perfección y nombre de santos, yerro seria buscar otro ni pretenderle nadie/3.

Trató asi mismo del modo provechoso de criar las nuevas plantas como tan experimentado en esto. Liegando al Monasterio de los Remedios de Sevilla donde había muchos novicios, de los cuales él había enviado algunos desde Córdoba, halló que los más de ellos estaban malos, y algunos como lisiados de males de cabeza; y examinándolo más de cerca, conoció que todo esto sucedia por impericia del maestro, que por una parte no les practicaba la meditación provechosamente; contentándose con hacerles plâticas generales, y dejándolos que se quebrasen la cabeza con representación de figuras imaginarias, sin espiritualizarles la oración para sacar con descanso provecho de ella; y por otra parte los tenía recogidos en la celda todo el dia, y como si fueran ya grandes contemplativos los retiraba de los ejercicios de la vida activa. Y de aqui procedia que como les faltaba tan presto el ejercicio corporal a que estaban acostumbrados, se llenaban de crudezas y malos humores, y por no saber vacar tan continuamente a la oración lisiaban las cabezas, y con lo uno y con lo otro perdian la salud. Y asi decía nuestro Venerable Padre al maestro, que su magisterio comenzaba por donde había de acabar; que imitase a nuestros contemplativos de la antigüedad, que cuidaban tanto de ejercitar los religiosos mozos en el trabajo corporal, que cuando faltaban otras ocupaciones les hacian mudar piedras de una parte a otra, y volverlas otro dia a su primer lugar, para que con esto se hiciesen más robustos en el cuerpo y más virtuosos en el ánimo; y con esto los disponian para la vida contemplativa. Porque en las obras activas se adquieren las virtudes morales que enfrenan las pasiones, sin las cuales podrán mal ser contemplativos, y se conocen mejor los naturales y sus efectos para curarlos. Y tales medicinas les aplicó el Venerable Padre el tiempo que estuvo allí, que los dejó reparados en la salud corporal y mejorados en el espiritu.

2 S. TERESA, Camino, cap.4,4.

3 S. TH., In III Sent., Dist.35, q.1, a.3, q1a. 3.

Todas estas cosas y otras que allí introdujo de reformación le costaron muy gran dificultad y trabajo, unas veces de parte de los hombres que las querian impedir con titulo de religión y caridad, y otras de parte del demonio, y en algunas ocasiones hubo menester el favor milagroso de la Virgen, (cuya causa hacia), para salir de los peligros en que el demonio le ponia, de que referiré sólo dos casos. Caminando por su provincia una vez llevando por compañero al hermano Pedro de Santa Maria, donado, llegó a un rio que se había de pasar por vado, y venia algo crecido por haber llovido aquel dia; de manera que cuatro arrieros estaban allí detenidos, esperando que menguase algo para pasarlo. Quiso también aguardar nuestro Venerable Padre, y hallóse interiormente tan movido a que pasase sin detenerse, que obedeciendo al espiritu, dijo al donado, que aguardase a pasar con los arrieros, y entró en el vado. Yendo en medio del rio se atravesaron entre las piernas de la cabalgadura unas malezas que traia la corriente, y el demonio que ayudaba, como después se conoció, para que pereciese allí su enemigo; con lo cual cayó en el agua la cabalgadura, y también nuestro Venerable Padre con gran peligro de ahogarse. En este aprieto llamó a la Virgen, y hallóla tan a mano para socorrerle, que apareciéndosele con aquella hermosura con que alegra al cielo, le tomó de las dos puntas de la capa y le llevó sobre el agua hasta sacarle a la orilla, con no poca admiración del donado y arrieros que veian el efecto e ignoraban la causa, hasta que después el Venerable Padre la manifesté a un grande amigo suyo, reconociendo lo que debía a esta Señora.

Salió también la cabalgadura, y caminó aprisa hacia una venta que estaba de allí media legua, donde conoció la causa por que nuestro Serior le había movido a que pasase, y también del estorbo que el demonio le había puesto, para que no llegase en tan buena ocasión a la venta. Porque halló en ella una gran pendencia entre el hijo del ventero y otro hombre que por allí pasaba, a quien el hijo del ventero había dado una purialada mortal. Acudió luego a confesarle y a disponerle para morir, y antes que entrase en la confesión le dijo, que era Religioso profeso de cierta Orden, y estaba con mala conciencia fuera de ella. Amonestóle a que no lo dijese por la honra de la Religión, y a que diese gracias a Dios, que a tai tiempo le había traido ministro de su Iglesia, con quien pudiese descargar su conciencia. Hizo su confesión, y en dos horas que le duré la vida le ayudó a disponerse para la muerte; y tuvo otra experiencia más de la inmensa piedad de Dios, que porque que aquella alma no se perdiese, le había dado tanta prisa para que Ilegase a tiempo de socorrerla.

El otro caso fue que estando en este tiempo nuestro Venerable Padre en la fundación de nuestro Convento de Córdoba, se derribaba una pared para labrar la Iglesia, y habiéndola socavado por los cimientos, quisieron los oficiales derribarla con unas sogas hacia una parte donde al caer no hiciese daño; y ella inclinándose hacia la parte contraria, dio sobre la celda donde estaba nuestro venerable Padre y la hundió y derribó. Acudieron los peones y religiosos a quitar los materiales de la celda hundida, pensando que había estrellado y muerto a su Prelado, y después de haber quitado la madera, piedra y tierra, hallaron en un rinconcito al Venerable Padre vivo y sin ningùn daño, sino alegre y lleno de risa. Y preguntindole como se habia escapado de allí, no siendo aquél el puesto de la celda donde solia estar, respondió que habia tenido unos fuertes puntales porque la de la capa blanca le habla favorecido para quedar con vida y sin ningùn daño. Por lo cual entendieron que la Virgen le había preservado milagrosamente; a quien él llamaba la de la capa blanca, porque de esta manera daba a entender que la habla visto en sus apariciones y con el hábito de su Orden, como ahora aparece en la carne del mismo santo, segûn adelante veremos.

[…]

Cap. 15. De una persecución doméstica que se levantó al Venerable Padre, la enfermedad que le dio en la Peñuela, y como le llevaron a curar a Ubeda.

Como desde que nuestro Venerable Padre se descalzó, imprimió Dios en su espiritu lo que el mismo Serior dijo después a nuestra Madre Santa Teresa, que sus Descalzos tratasen poco con seglares, y que predicasen más con obras que con palabras, a esto mismo procuró siempre encaminarlos, deseando hacerlos predicadores de buen ejemplo. De aqui venia que algunos menos inclinados al recogimiento de la celda y al retiro de las comunicaciones humanas, sentian mucho que el Venerable Padre ordenase la nueva congregación a tanta soledad y silencio, pareciéndoles que con la comunicación y con el púlpito y confesonario ejercitado a su modo, y no al de la Religión podián aprovechar a los projimos; y asi los que iban por este camino se mostraban poco aficionados al Venerable Padre. Serialáronse más particularmente en esto, dos religiosos graves y doctos mostrándose sentidos de él, por haberlos mortificado siendo Provincial de Andalucial, y aunque no he averiguado las causas de esta mortificación, persuádome que no fueron haberlos castigado por delitos que hubiesen cometido, porque entrambos eran religiosos virtuosos y ejemplares, sino que como eran predicadores muy lucidos con inclinación a divertirse demásiadamente a esto, (porque el uno faltaba meses enteros de su convento por estas ocupaciones), nuestro Venerable Padre les debía de ir a la mano, para que acomodasen el celo de almas a nuestro instituto y no a los ajenos, que esto predicaba siempre a los que se empleaban en la utilidad de las almas.

Cap. 15. De una persecución doméstica que se levantó al Venerable Padre, la enfermedad que le dio en la Peñuela, y como le llevaron a curar a Ubeda.

Como desde que nuestro Venerable Padre se descalzó, imprimió Dios en su espiritu lo que el mismo Serior dijo después a nuestra Madre Santa Teresa, que sus Descalzos tratasen poco con seglares, y que predicasen más con obras que con palabras, a esto mismo procuró siempre encaminarlos, deseando hacerlos predicadores de buen ejemplo. De aqui venia que algunos menos inclinados al recogimiento de la celda y al retiro de las comunicaciones humanas, sentian mucho que el Venerable Padre ordenase la nueva congregación a tanta soledad y silencio, pareciéndoles que con la comunicación y con el púlpito y confesonaño ejercitado a su modo, y no al de la Religión podián aprovechar a los pr6jimos; y asi los que iban por este camino se mostraban poco aficionados al Venerable Padre. Serialáronse más particularmente en esto, dos religiosos graves y doctos mostrándose sentidos de él, por haberlos mortificado siendo Provincial de Andalucial, y aunque no he averiguado las causas de esta mortificación, persuádome que no fueron haberlos castigado por delitos que hubiesen cometido, porque entrambos eran religiosos virtuosos y ejemplares, sino que como eran predicadokes muy lucidos con inclinación a divertirse demásiadamente a esto, (porque el uno faltaba meses enteros de su convento por estas ocupaciones), nuestro Venerable Padre les debía de ir a la mano, para que acomodasen el celo de almas a nuestro instituto y no a los ajenos, que esto predicaba siempre a los que se empleaban en la utilidad de las almas.

Pues como en este capitulo donde nuestro Venerable Padre quedé sin oficio, salieron con prelacias estos dos religiosos, el Lino de Definidor de la Orden, y el otro de Prior del Monasterio de la ciudad de Ubeda, como hombres beneméritos por sus letras y virtud, comenzaron cada uno por su camino a ejercitar la paciencia de nuestro Venerable Padre. Y estando él aùn en la Peñuela tenía avisos de algunas cosas que en su mortificacién se iban trazando, de una de las cuales vio presto el afecto. Porque tomando ocasión de que las Monjas justificaban su causa con pedirlo por Comisario, según el

1 Quiere decir Vicario Provincial.

nuevo breve de que ya se hizo memoria, tratóse en el Definitorio que se lo quitasen de delante, y le enviasen a las Indias de la nueva España con doce religiosos a acabar de fundar aquella provincia, y poner en orden las cosas de ella. Y como tenía por una parte razón de conveniencia, y por otra habia tan buen solicitador dentro del Definitorio, (que entonces asistia en Madrid), se determinó así, a veinticinco de Junio del mismo año de mil quinientos noventa y uno.

Recibió nuestro Venerable Padre el decreto del definitorio y la orden de su jornada, y aunque de esta determinación se conocia fácilmente que los autores de ella le tenian ya como por estorbo y cosa sobrada en la Religión a que él habia dado principio, no le inquietó esto, antes se consolaba de que se comenzasen ya a cumplir sus deseos, que eran de padecer trabajos y menosprecios por el Señor, que tan grandes los habia padecido por él. Pero sentía mucho que de él se tuviese tan poca satisfacción, que no se persuadiesen, que aunque las monjas le quisiesen hacer su Comisario él no habia de aceptarlo, y que no habia de ser el primero que defendiese el estado en que su Santa Madre las había dejado. Sentia también mucho la inquietud que habia de causar en toda la congregación Descalza que echasen de ella como desterrado a las Indias al que era tan comùnmente amado en ella, y estimado por la piedra fundamental de la vida primitiva.Y que habian de echar la culpa de esto al Padre Vicario General Fray Nicolás de Jesùs Maria, a quien él amaba por su gran caudal y celo de Religión , y que habia de padecer su crédito sin culpa; porque bien sabía que no se movía por pasión, y que no en todas las acciones del Definitorio era Señor de los demàs votos. Y asi una de las cosas que mayor pena le dieron en esta persecución fue ver culpar al Padre Fray Nicolás, y con gran eficacia defendia su inocencia; y por excusar oír quejas del Definitorio y de satisfacer a ellas en los demás conventos, dio cargo al Padre Fray Juan de Santa Ana que fuese a Granada y a otras partes de aquella provincia a recoger los doce religiosos que habian de ir con él, con orden de que le avisase luego en estando prevenidos para partir a embarcarse, como ya se tocó en otra parte en la virtud de la obediencia.

Quiso Dios atajar esta jomada con unas calenturas que dieron al Venerable Padre estando él todavia en la Peñuela, de las cuales él hizo tan poco caso, que las llevó en pie más de quince días, aunque le venian cada día, sin querer comer carne ni otro alivio de enfermo, hasta que habiéndosele enconado mucho una pierna fue ya forzoso hacer caso de su enfermedad.

En este tiempo le avisó el Padre Fray Juan de Santa Ana desde Granada que ya tenía prevenidos los religiosos para pasar a la Nueva Fspaha, pero como nuestro Señor le disponia para otra jornada mas larga no pudo tratar de aquella. lba dando cuidado su enfermedad y teniendo noticia de ella el Padre Provincial de aquella provincia, (que lo era entonces el P. Fray Antonio de Jesús, su antiguo compañero), le escribié consolándole, y le envió una licencia para que se fuese a curar a uno de los dos conventos de Ubeda o Baeza, que estaban entrambos a sels leguas de la Pehuela, y escribió también al Prior que le enviase luego por la mala comodidad que en el convento de la Peñuela había para curarle, por ser casa de desierto.

Acerca de la elección de estos dos conventos para irse a curar a uno de ellos dice el P. Fray Diego de la Concepción, Prior que era entonces de la Peñuela estas palabras en su declaración jurada: “Como fuese forzoso llevar a curar a nuestro Santo Padre Fray Juan de la Cruz a otra parte, yo como Prior del convento trataba que fuese al Colegio de Baeza y no al convento de Ubeda por ser casa más acomodada, y estar en ella por Rector el Padre Fray Angelo de la Presentación, gran amigo del Santo. Y por el contrario el convento de Ubeda era fundacién nueva, y asi poco acomodada para curar enfermos, y el Prior que la gobernaba era muy desabrido, y no muy afecto al Santo. Pero él rehusó el ir a Baeza por ser el Rector su amigo, y ser él muy conocido allí como fundador de aquel Colegio, y escogió el ir a Ubeda». De estas palabras del Prior de la Peñuela, y de tan desigual elección en tiempo de tan gran necesidad, se puede fácilmente conocer cuán esforzado era el deseo que el Venerable Padre tenía de padecer trabajos e incomodidades por Dios, y cuán desterrado estaba de su alma el amor desordenado de si mismo, pues aun en acción tan justa de su comodidad le negaba. Había de ir a curarse también el hermano Fray Francisco de San Hilarión, y como temia el ir a Ubeda, persuadia mucho al Venerable Padre que no fuesen sino a Baeza dándole para esto fuertes razones; pero él negoció que enviasen a Baeza al hermano, y perseveró en la ida a Úbeda.

Envióle el Prior con un hermano donado e hizo esta jomada con notable fatiga por haber ya dias que estaba enfermo y asi muy flaco, y tan desganado de comer, que había muchos dias que no podiá atravesar bocado, y asi iba tan debilitado que no se podiá tener en el jumento. Tras esto, como el humer de la enfermedad se le había recogido a la pierna y estaba muy enconada, causábale et movimiento tan intensos dolores que le parecia se la cortaban. Fueron tratando cosas de Dios por el camino, para aliviar con esto los dolores y engañar el cansancio, y llegando cerca del puente del rio Guadalimar, le dijo el hermano donado: a la sombra del puente descansará Vuestra Reverencia un poco, y con la alegria de ver el rio podrá comer un bocado. Respondióle el Venerable Padre: de muy buena gana descansaré que llevo necesidad de ello, pero tratar de comer es excusado, porque de cuantas cosas tiene Dios creadas, no apetezco nada, sino es una de que ahora no es tiempo, que son unos espárragos.

Llegados al rio apeóle el hermano del jumentillo, y sentóle a la sombra del puente junto al agua, y continuaron sus plâticas de Dios a que les daba nueva ocasión la claridad del agua y la frescura de la ribera, y estando en esto, vieron junto asi sobre una peñuela, un manojo de espárragos atados con su mimbre. Espantóse tanto de esto el hermano donado, (por ser a primeros de Septiembre, en cuyo tiempo no se sabe que cosa es ver espárragos en aquella tierra), que el Padre Fray Juan de la Cruz por quitarle la admiración, y para que no lo tuviese por cosa misteriosa como lo parecia, le dijo: alguno los debió de dejar aquí por olvido, o habrá ido a buscar más; mire por ahí si aparece el dueño, porque no los llevemos sin su licencia. Dio vuelta el hermano donado por aquellos cerros, y no viendo nada se volvió donde el Venerable Padre estaba. El cual le dijo: pues no hallamos al dueño, ponga sobre la misma piedra donde estaban los espárragos un cuarto, que es lo que parece que valen, para que el dueño halle allí el precio de su trabajo cuando venga. Con esto se partieron llevando sus espárragos, que no causó poca novedad en el convento verlos en aquel tiempo.

Cap. 16. Como se le agravó mucho en Ubeda la enfermedad, y la gran paciencia y alegría con que la llevaba.

Llegado al Monasterio de Ubeda nuestro Venerable Padre fue recibido del Prior con desabrimiento, y de todos los religiosos con gran alegria, porque toda la Religión le amaba como a Padre de ella y le veneraba como a santo. Allí se le fue agravando la dolencia tan aprisa, creciendo los dolores y extendióse el humor, que no solo la piema estaba corrompida y afistolada, más también mucha parte del cuerpo, y se le hacian entre cuero y carne unas bolsas de materia que le iban consumiendo. Y porque tengamos alguna mayor noticia asi de su enfermedad como de la tolerancia con que la llevaba, y por aqui conozcamos cuan esforzada virtud ejercitaba en ella, referiremos algo de lo que el hermano Fray Bernardo de la Virgen su enfermero dice de entrambas cosas. «Cerca de cuatro meses (dice) estuvo el santo Padre enfermo de una enfermedad de erisipela29, que le dio en una pierna y con grandisimos dolores llevados con tanta paciencia que a todos edificaba. Tenía cinco llagas en el empeine del pie en forma de cruz, procedidas de la erisipela; las cuatro a los dos lados, y la mayor en medio del mismo empeine. De las cuales salía tanta materia que a escudillas se la sacaban y estaban tan afistoladas, que le atormentaban de dia y de noche; no podía moverse ni rodearse a una parte ni a otra, porque se le habían afistolado también entrambas pantorrillas y una cadera, y después se fue extendiendo el mal por todo el cuerpo, de manera que lastimaba verle. Para poderse rodear tenía una soga clavada en el techo de la celda a la cual se asía con entrambas manos para poderse aliviar un rato.

Todo esto llevaba con extraordinaria paciencia sin que se le oyese palabra ni cuando padecía los dolores, ni cuando le hacian grandisimos rnartirios en las curas, sino con semblante sereno ofrecía a Dios sus trabajos en una memoria continua de la pasión de Cristo, y le daba gracias por ellos. Tenía consigo un Cristo de metal, y era tanto el amor con que padecía, que algunas veces llevado del afecto se abrazaba con él apretadamente, mostrando cuan en el corazón le tenta, y muchos ratos del dia se quedaba en una contemplación quieta. Tan olvidado estaba de comer y beber, y de otros alivios corporales que apetecen los enfermos como si filera solo espíritu, y a todos pedía siempre que le encomendasen a Dios. Confesaba muy a menudo y pedía con humildad al Prelado que le hiciese dar el Santisimo Sacramento; y en todas sus palabras, obras y espiritu daba muestras de un gran canto. Cualquiera cosa que se hacía por él agradecía mucho, y a los que trabajaban en su enfermedad les estaba siempre pidiendo perdón. Y asi cuando me levantaba de noche a ayudarle en algo, (que era muchas veces por ser grande su necesidad), no acababa de rogarme que le perdonase ; y muchas veces sufríra sus aprietos sin manestarlos por no desasosegar a nadie”. Estas y otras cosas dice a este propósito su enfermero.

De esta paciencia con que llevaba todos estas males y dolores dice el Padre Fray Bartolomé de san Basilio, religioso de aquella provincia, que asistió mucho a su enfermedad estas palabras: Todos los dolores y martirios de esta enfermedad llevaba el Santo Padre, no sólo con paciencia más también con alegria, y al parecer con deseo que no se acabasen tan presto; porque cuando apretado se hallaba de los dolores solfa decir: «"Haec requies mea in soeculum soeculi"», como pidiendo a Dios que el padecer por él fuese eterno. Y en todo el tiempo que la enfermedad duré no hubo quien le oyese palabra que no fuese para alabar a Dios por su dolencia, y por lo que en ella le daba que padecer, y siempre parecia que estaba en oración. Demás del mal que todos tenían ya conocido, otros padecía en el cuelpo que procuraba disimularlos hasta que los echaban de ver los que acudían a curarle. Como sucedió una vez que yo le tomé en brazos para ponerle sobre un colchón mientras le hacía la cama, y habiéndola hecho cuando quise volverle a ella, me pidió que le dejase a él volverse como pudiese, y fuese arrastrando basta su camilla; lastimándome yo de verle ir asi, le dije: que por qué me había querido dar aquella mortificación en no dejarme que le ayudase; y por quitarme el sentimiento me respondió que lo había hecho porque tenía malas las espaldas. Con esta ocasión quise verlas y hallé, que tenía en ellas una gran apostema de que otro dia le sacaron mucha materia. Y entonces conocí que cuando me abrazé de él para mudarle le causaría grandísimo dolor, y con tener allí tanto mal, había callado sin quejarse, ni aun cuando le apretaba para mudarle, que era forzoso que el dolor le penetrase basta el corazón». Todo esto es de este testigo.

Pondera también en su declaración el Padre Fray Fernando de la Madre de Dios, Subprior que entonces era de aquel convento, que se halló presente cuando el Licenciado Villarreal, (que era el cirujano que curaba al Venerable Padre), le abrió con unas tijeras desde el talón del pie hasta la pierna más de un jeme, y que siendo forzoso que le causase esto, dolor muy intenso, no se quejó ni mostró sentimiento; y que habiendo asistido asi mismo a otras curas donde le cortaron pedazos de la pierna, en todo estuvo el Venerable Padre con tanta paciencia y sufrimiento como si en otro y no en él se hiciera la cura. Pero quien más conocía esta paciencia y la ponderaba por cosa rara y como milagrosa era el mismo cirujano, porque penetraba mejor la gravedad de la enfermedad; y asi me dijo como admirado algunas veces que no era posible haber podido sufrir tantos tormentos si con virtud muy sobrenatural no hubiera sido socorrido para ello. Con todo eso, era tanto mayor el deseo de padecer trabajos y dolores por Cristo que lo que padecía, que procuraba llevar aquellos a secas y sin alivio, porque la pena y aflicción no se le disminuyese; y cualquiera cosa de comodidad o consuelo que no fuese precisamente necesaria para conservar la vida, (a que él por ley natural estaba obligado), de ninguna manera la admitia, como se vio en el ejemplo de la música, que en otra parte queda referido.

Entraban los religiosos a verle no sólo por piedad sino también por edificación, y decían que para representar a Job con toda propiedad en su persona, no le faltaba más que la teja con la que se raja los gusanos; porque asi en la dolencia y mortificaciones como en la paciencia era retrato suyo, y un raro ejemplo de esta virtud para los que le miraban, y asi con él como con sus palabras les predicaba tan altamente, que salian de allí como renovados y haciendo grandes propósitos de perfección, y todo el convento parecia que andaba lleno de fervor, porque sus palabras pegaban el cielo celestial de que él estaba abrasado. El mismo provecho sentia el médico, y asi venia a entretenerse con él algunos ratos, por lo que se consolaba de oirle hablar de Dios. y a mi me decía, y lo declaró después en su dicho, que aquella comunicación del Venerable Padre le había trocado en otro hombre.

Cap. 17. De otros grandes trabajos que en esta enfermedad padeció de parte del Prelado que gobernaba el Convento.

En muchas cosas se echaba de ver la licencia que el demonio tenía de Dios para afligir a nuestro Venerable Padre, segùn fueron muchas las piedras que para esto movió en este tiempo, muchas de las cuales pasamos de propósito en silencio. Una, (a que no podemos huir el cuerpo sin agravio de la virtud de nuestro santo), fue: las continuas mortificaciones que el Prelado del Convento le hacia; las cuales fueron tan grandes y tan fuera de toda piedad humana, que se conocia fácilmente el autor que las movia, y que las permitia Dios para hacer nuevas pruebas heroicas en nuestro siglo de la paciencia y fortaleza de este siervo suyo, como las había hecho en los siglos antiguos de la del santo Job, en cumplimiento de los grandes deseos que tenían de padecer por su amor; porque estando el enfermo tan lleno de llagas y dolores, y sufriéndolas con tanta modestia y mansedumbre que pudiera dar lástima al consorte más cruel de nuestra naturaleza, cuanto más a una persona tan religiosa como el Prior era; pero se vestia de un ánimo tan riguroso contra el enfermo, que no parecia él quien le ejercitaba sino el demonio vestido de su figura; y asi el gran extremo que había en esto le servia de disculpa, refiriendo los religiosos a causa superior lo que no parecia pudiera suceder por camino ordinaño, y que Dios lo permitia para mayores bienes del enfermo.

Y porque algunos llevados de particulares afectos poco favorables a la verdad, quieren deshacer estos trabajos de nuestro Venerable Padre, alegando para esto, que no era posible que en una religión donde tanto se cuida del regalo y comodidad de los enfermos, aunque sean donados de dos dias de hábito, sin alegar pobreza ni reparar en gasto, hubiese tan notable falta de piedad con el Padre comtan de ella en tan apretado caso; y con esto procuran a oscurecer los finos resplandores de su corona con agravio de nuestra imitación privándola de tan raro ejemplo de paciencia; referiré aquí fielmente algunas de las palabras que algunos de los testigos de vista dicen en sus declaraciones juradas acerca de esto.

Uno de estos es el Padre Fray Diego de la Concepción, Prior que era entonces del Monasterio de la Peñuela, cuyas palabras son éstas: “Después que el Venerable Padre estuvo en Ubeda le fui a visitar y vi que padecía gravísimos dolores del mal de la pierna, que estando allí se le abrió y los llevaba con gran serenidad y gusto como si no padeciera nada. Con la misma paciencia y alegria llevaba la condición del Prior de aquel Convento, que con deberle mucho al santo no hacia con él lo que tenía obligación, y a mi me pareció que lo tenía de mala gana en su convento, llorando y gruizendo lo que comfa. Y como vi esto dije un dia al Prior que no llorase lo que con aquel santo gastaba, ni lo gruñese, ni mostrase mala cara de hombre apretado y mal acondicionado con falta de caridad en caso semejante; y más habiendo ya una persona devota que se ofrecía a enviarle de su casa las cosas necesarias de regalos, y que si esto no bastaba porque él no lo gruñese lo enviaria desde mi convento. Y asi en llegando a él le envié cuatro fanegas de trigo para el gasto de los religiosos, y seis gallínas para el enfermo; y como le vi padecer tanto con la condición del Prior, me admiré que un hombre de tantas partes como él era, usase de tal término y sequedad con una persona tan santa, a quien yo sé que tenta muchas obligaciones. Y asi me pareció lo permitía nuestro Señor para mayor mérito y corona del santo, y que aun en hijos suyos hallase tan gran materia de paciencia». Esto dice este testigo de vista en declaración jurada en manos del Obispo de Jaén para las informaciones de su beatificación.

Al mismo propósito y también debajo de juramento dice el hermano Fray Bernardo de la Virgen enfermero del Venerable Padre en esta enfermedad, las palabras siguientes: “Estando malo en Ubeda el santo Padre Fray Juan de la Cruz tenía muy gran repugnancia con el Prior de aquel Convento, y era de suerte que al parecer en todo lo que podiá hacerle molestia se la hacia, aun en la enfermedad larga y penosa de que murió; mandando que nadie le entrase a ver sin licencia expresa suya, y él entraba muchas veces en la celda del enfermo y le decía siempre palabras de mucha pesadumbre, trayéndole a la memoria cosas pasadas como vengándose. Y es el caso que siendo el Venerable Padre Vicario provincial de la Andalucia, le debió de mortificar en algo, y por eso dio en molestarle tanto, que eran increíbles las cosas que acerca de esto pasaban; y fue de manera que por saber el Prior que yo como enfermero regalaba al Venerable Padre y acudía a sus necesidades me quitó el oficio de enfermero, poniéndome un precepto que de ninguna manera le acudiese en nada. Viendo yo esta violencia y haciéndome lástima al enfermo, envié un propio al Padre Provincial, (que lo era entonces el Padre Fray Antonio de Jesús, el viejo), avisándole de lo que pasaba. El cual vino luego al punto a Ubeda y reprendió al Prior con palabras pesadas su poca piedad, y estuvo allí cuatro o seis días regalando al enfermo, mandó que todos le visitasen, y le acudiesen en todo lo que pudiesen; y a mí me tornó el oficio de enfermero, y me mandó que acudiese al enfermo con toda caridad, y que si el Prior no diese lo necesario, que buscase, yo los dineros que fuesen menester, y le avisase, que él los enviaría luego. En todas estas ocasiones de pesadumbre, que fueron muchas, nunca jamás oí decir al enfermo una palabra contra el Prelado, antes las llevaba todas con la paciencia de un santo».

Todo esto dice el enfermero en esta declaración, y examinándole yo más en particular, me dijo otras muchas circunstancias que agravaban más la aspereza del Prelado, y descubrian más la aflicción y paciencia del enfermo: como que no contentándose con las mortificaciones que le hacia por medio del enfermero, negando las cosas que al enfermo podián ser de alivio, y enviando a decir con otros religiosos al mismo enfermo cosas muy pesadas y desabridas, el mismo Prelado entraba algunas veces en su celda, no a consolarle como lo hacen de ordinario otros prelados con sus enfermos, sino a decirle palabras ásperas y afrentosas, indignas de persona tan santa y venerable: como que era un religioso imperfecto y relajado que destruía la Religión, mirando mucho por sus comodidades, y regalándose demásiadamente. todo lo cual era tan al contrario, que era menester que el enfermero adivinase sus necesidades y menguas para poder acudir a ellas. Si algunas personas devotas le enviaban algunos regalos por la noticia que tenían de su santidad y enfermedad penosa, se los volvia a enviar y a decirles, que para el mal que el Padre Fray Juan de la Cruz tenía le sobraba un poco de carnero. Otras veces admitia estos regalos, y mandaba que diesen noticia de ellos al enfermo, pero no se los daban ni aun para probarlos, que era mortificación mayor que no recibirlos.

Lavábanse las vendas y paños que le sacaban de las llagas en casa de unas personas devotas y muy virtuoses, por no poderse lavar cómodamente en el convento, y porque venian muy limpias y aseadas, estuvo determinado a que no las lavasen más, diciendo que era mucho regalo, y por ruegos de algunos religiosos disimuló con ello. Tenía prohibido con gran rigor que ningún religioso visitase al enfermo sin expresa licencia suya, y cuando se la pedian para esto, la negaba, particularmente a aquellas personas de que él sabla que gustaba más el Venerable Padre. Y finalmente tales eran sus obras y palabras en este tiempo, que no parecia que era el autor de ellas, sino alguna furia infernal para provocar a aquella alma santa a alguna impaciencia. Y el mismo Prior, después de muerto el Venerable Padre, reconocia cuán fuerte tentación habla tenido en esto, y que se habla dejado gobernar de lo que el demonio le persuadia, y se lastimaba mucho de haber hecho padecer tan graves mortificaciones a un santo, que se habla entrado por sus puertas a socorrerse de su piedad en tan grandes trabajos. Muchas de las cuales mortificaciones se moderaron con la venida del Padre Provincial, y con la orden que dejó para que sin dependencia del Prior se acudiese piadosamente a las necesidades del enfermo, y le pudiesen visitar a cualquier hora todos los religiosos.

Todas estas cosas y otras muchas que se callan duras de sufrir, llevaba el Venerable Padre con tan heroica paciencia, que sin consentir que se dijese palabra en agravio del Prior le disculpaba, haciendo con mayor diligencia razones en favor suyo, que el amor propio las suele hacer para las propias disculpas; y a los que vela desconsolados y afligidos por lo que el Prior con él hacia, los consolaba y quietaba. Y no solo esto sino también procuraba por caminos que podía, soldar algunas quiebras que habla en el gobierno de la casa, porque el Prelado de ella no se desacreditase con los superiores. De los cuales oficios hablan también los testigos en sus declaraciones, y uno de los que más le asistieron en esta enfermedad, (que fue el Padre Fray Bartolomé de San Basilio), dice acerca de esto estas palabras: «No sólo fue el Venerable Padre Fray Juan de la Cruz en Ubeda, de consuelo para todos los religiosos, más también de gran provecho para la perfección de ellos, por haber entonces poca paz en el Convento, estando los religiosos exasperados con la condición y poca experiencia del Prior; y con la Ilegada del santo se alentaron mucho a la perfección, y se sosegó todo, no obstante que el Prior proseguía en su natural inclinación; la cual le moderaba el santo Padre por una parte y por otra y exhortaba a los religiosos a tolerársela. Pero en las cosas que el Prior hacia con él, jamás le habló palabra de queja ni sentimiento, ni la dijo a nadie, antes lo llevaba con gran silencio y tolerancia». Todo esto es de este testigo, y éste es el modo de proceder de los hijos de Dios que son movidos de él en todas sus acciones, como dijo el Apóstol, y lo declaran los santos, llamándolos dioses por participación y que obran a lo divino /1.

1 S. TH., In III Sent., Dist. 34, q.l.a. 3.

Cap. 18. De la amable providencia con que soccorió nuestro Señor en su enfermedad y trabajo al venerable Padre.

Estando, pues, nuestro Venerable Padre hecho un lastimado Job lleno de llagas, de dolores, y de intolerables mortificaciones llevado todo con invencible paciencia y mansedumbre, tan sin gana de comer que no podiá atravesar bocado de sustento, y sobre todo con unas calenturas tan ardientes que le abrasaban las entravas, movió Dios a una Señora principal de aquella cuidad, llamada Doña Clara de Benavides, mujer de Don Bartolomé de Ortega para que cuidase de regalarle. Porque aunque no le conocía estaba muy edificada de lo que el médico y otras personas le decían de la paciencia con que llevaba tan rigurosa enfermedad. Tratólo con su marido y viendo que gustaba de ello tomá tan por cuenta suya el regalo del enfermo, que era extraordinaño el cuidado que en esto ponía, y en saber lo que era más a propósito para sus comodidades sin perdonar costa ni trabajo; y era tan crecida esta piedad que Dios había impreso en su alma, (la cual ella reconocía por gran beneficio suyo), que estando su marido malo en este mismo tiempo, y amándole con amor más que ordinario, parece que se olvidaba de él por acudir al Padre Fray Juan de la Cruz, según el consuelo que Dios le daba en esto.

Decíame a mí, (después de haberlo dicho en una declaración jurada), algunas circunstancias que en esta piedad cuidadosa sucedían con que parecia que nuestro Señor le pagaba luego de contado lo que trabajaba en esto. A cuenta de las cuales ponía este consuelo tan grande que sentía en su alma con cualquiera cosa que para esto se ordenaba; el buen logro30 que tenían todas sus diligencias y la facilidad con que se acomodaba todo lo que para ello era necesario; porque por rara y extraordinaria que fuese la cosa que para el Padre Fray Juan de la Cruz se buscaba la hallaba como a la mano, y cosas muy fáciles y ordinarias que buscaban para su marido se hallaban con dificultad o no se hallaban. Para aquello estaban las tiendas abiertas de noche aunque fuese muy tarde, y para esto solían hallarlas cerradas algunas horas antes, de manera que hasta sus criados lo notaban. Si para el P. Fray Juan de la Cruz había de sacar sustancia de alguna ave salía doblado que de otra semejante cuando la sacaba para su marido. Y a este modo, sucedian otras cosas tan notables que conocía en ellas, (cuando no tuviera otros fundamentos de fe), cuándo Dios se agradaba de aquella su diligencia.

También alcanzaba parte de esto a las criadas que se ocupaban en ayudarla a guisar y aliñar lo que se había de enviar al Venerable Padre: Porque andaban en esta ocupación con tanta alegria y consuelo, que tenían por gran favor que Doria Clara las ocupase en esto, y como a porfia andaban trabajando en ello. Esta piedad y sus efectos se recibía en el convento sin contradicción por la larga licencia que el Padre Provincial había dejado al hermano Fray Bernardo de la Virgen, para acudir al regalo del enfermo sin dependencia del Prior; pero al cabo de algunos dias que se guisaba la comida en casa de Doria Clara conoció el Venerable Padre, aunque se lo callaban, que no eran guisados aquellos del Convento, y averiguando el caso parecióle que era esto dar principio a alguna relajación, y que importaba menos que él muriese que ser causa de dejar una mala costumbre introducida; y con el celo de reformación que siempre tuvo, de ninguna manera consintió que se guisase la comida. Y asi desde entonces enviaba Doria Clara largamente lo que era necesaño para el regalo del enfermo, y en el convento se guisaba, y también enviaba patios e hilas para las llagas. Entonces conocieron mejor las criadas quién les enviaba el consuelo que en esta ocupación sentian, y lastimábanse tanto de verse privadas de ella, como si cada una hubiera tenido alguna gran pérdida de cosa que mucho estimara, y tenían por particular castigo que Dios les hubiese quitado la ocasión de servir a aquel santo, que de esta manera le nombraban.

Era el enfermo tan agradecido a cualquiera beneficio que le hacian, que como eran tantos los que de estos bienhechores recibía no se hartaba de darles gracias por ellos, y pagábaselos en buena moneda encomendindolos a Dios de dia y de noche. Viéndole Doria Clara tan reconocido a su cuidado, le envió a pedir que suplicase a Dios que le diese buen parto, porque estaba muy prefiada y temerosa. Y el Venerable Padre después de haberlo encomendado a Dios le envió a decir que perdiese el temor, porque tendria buen parto, y lo que pariese gozaria de Dios; y asi se cumplió porque tuvo un parto facilisimo y parió una niña que antes de un año murió, y fue a gozar de Dios. No solo en esto mostró nuestro Serior la particular providencia que tenía de su siervo en esta enfermedad, sino también en otras muchas cosas, cuidando de sus comodidades a la medida que él se descuidaba de ellas.

Una muy notable fue, que como eran tantos los patios que eran necesarios para sus Ilagas, y los sacaban a menudo tan llenos de materia para mudárselos, que ya en el Convento no se podiá dar bastantemente recado a esto, lo facilit6 Dios moviendo a dos doncellas virtuosas de aquel barrio, llamadas Inés y Catalina de Salazar para que se encargasen de lavar estos paños por la gran opinión que ya corría de la santidad del enfermo. Y dicen ellas en sus declaraciones juradas por cosa misteriosa que siendo de su natural asquerosas, y mucho más Inés de Salazar por tener muy delicado estómago: y traerles espuertas llenos de estos paños y tan bariados de materia, como si los hubieran metido en un estanque de agua, y algunas veces envueltos en ellos pedazos de carne de la que le cortaban de las heridas afistoladas, jamás sintieron asco ni pesadumbre con ellos, ni tenían mal olor ninguno. De lo cual se admiraban tanto conociendo la flaqueza de sus estómagos, que hasta hoy les dura esta admiración.

El consuelo que en esta ocupación les daba nuestro Señor era tan grande y hachan tan alto aprecio de ello, que lo significó Catalina de Salazar en su declaración con estas palabras: Tan sin asco nos hallábamos cuando lavábamos estos paños Ilenos de matería, como si tratáramos flores con las manos; porque nos parecía cuando los tomábamos en ellas que no tocábamos cosa solamente de la tierra, sino que tenta un no sé qué del cielo; y que éste fuese paticular privilegio concedido por nuestro Señor en favor de su siervo, se conoció mejor una vez que con los paños del Padre Fray Juan de la Cruz había mezclados otros de una llaga que el Padre Fray Mateo del Sacramento tenía en una espalda: porque en recibiendo la espuerta de todos estos paños Inés de Salazar, sintió un olor malísimo y tanto asco con él, que se le revolvió luego el estómago, de manera que no pudo lavarlos y dijo a Maria de Molina su madre: o el Padre Fray Juan de la Cruz tiene algún nuevo accidente mortal, o con estos patios vienen algunos de otro enfermo. De allí a un rato vivo a su casa un hermano donado, y preguntándoselo dijo cómo venían entre aquellos patios los del Padre Fray Mateo, los cuales pudieron apartar fácilmente de los otros por sólo el mal olor.

Este gran consuelo que las dos hermanas tenían con esta piadosa ocupación, y lo que entendían que agradaba a Dios en ella, creció tanto, que deseando cada una ser preferida en el trabajo y en el merecimiento, tuvieron una virtuosa competencia sobre cual de ellas había de lavar los paños, no queriendo la una dar a la otra parte en esto. Púsolas su madre en paz ordenando que una vez los lavase la una, y otra vez la otra, porque entrambas ejercitasen la piedad y devoción. Después codició el mismo empleo Doria Clara de Benavides, asi por su consuelo como por el de sus criadas, que sentian mucho el que les habían quitado de ocuparse en cosas del enfermo, y pretendió que le llevasen los paños a su casa. Pero las dos doncellas y su madre alegaron su posesión, y fue el pleito al Padre Fray Juan de la Cruz para que lo sentenciase. El cual estaba tan agradecido a la curiosidad y limpieza con que las dos doncellas se los enviaban, y al cuidado y devoción que en esto mostraban, que envió a pedir a Doria Clara que se contentase con la gran caridad que le hacha, sin querer aumentarla por tantos caminos, y asi se hizo. Esto de no sentirse mal olor y asco con la materia que salia de las llagas del Venerable Padre, muchas personas lo advirtieron por cosa muy notable, y lo refieren con admiración en sus declaraciones. Porque con ser tan pequeña la celda en que estaba el enfermo, y tanta la materia que de sus llagas salia, que bastaba para inficionar un hospital entero; de ninguna manera se sentía mal olor en ella, ni cosa que pudiese dar enfado. Todo lo cual les parecia que no podiá ser cosa natural en un cuerpo tan corrompido.

Cap. 19. Como encendió más el demonio la persecución doméstica contra el Venerable procurando oscurecer el resplandor de sus virtudes.

Al que ha alcanzado ya la perfección de las virtudes, dice san Bernardo que le falta todavia una calidad para ser perfectamente feliz en esta vida: la cual es, que siendo bueno le tengan por malo; para que del todo se parezca a Cristo nuestro Serior; pues no puede haber mayor felicidad y excelencia para una criatura que ser semejante a su Criador. Pues esta felicidad de gente perfecta y esforzada que faltaba a nuestro Venerable Padre Fray Juan de la Cruz para ser del todo consumido en la perfección de esta vida, se la concedió nuestro Señor al fin de ella: que siendo tan bueno en todo género de bondad, le tuviesen por malo. Y asi mirando la rara perfección y excelencia de su vida, y la profunda humillación y abatimiento de su muerte, fue este esclarecido varón uno de los retratos de Cristo más parecidos a su divino original que hallamos entre todos los santos confesores.

Combatió el demonio en este tiempo con tantas tormentas la navecica primitiva, que si no tuviera a Dios por principal piloto diera con ella a fondo; y asi tuvo bien que hacer el gran caudal, valor y prudencia con heroico celo de religión, del Padre Fray Nicolás de Jesùs Maria, que entonces la gobernaba, porque todo el infierno parece que se había juntado contra ella, y entre otros medios caseros que tomó para esto la inquietud de un Religioso grave. Habíase comenzado ya en este tiempo, y siendo para ella necesario hacer ciertas averiguaciones en tres o cuatro conventos de los dos reinos de Granada y Sevilla, nombró el definitorio para esta diligencia uno de los definidores tan poco aficionado a nuestro Venerable Padre, como ya tocamos. Y como la pasión cuando es vehemente, ciega la razón para que le parezca conveniente lo que la pasión propone/1, vistióse ésta en él, de celo de religión, y engariándole como suele engariar a muchos, le pareció que pues no había pasado adelante la traza que él había fomentado de enviar a Indias a nuestro Venerable Padre, que todavia quedaba en pie el peligro de echar mano de las Monjas para hacerle su Comisario, y que asi se haria gran servicio a la Religión en desacreditarle de trato sospechoso con las Religiosas, para que con esto no pudiese ser su prelado.

1 S. TH., De Verit q.26, a.10.

Con este pensamiento aunque su comisión era limitada para sola la diligencia de aquel religioso, y le calificaron con nombre de Visitador para darle más autoridad, en viéndose de la otra parte de Sierra Morena, parecióle alargar su potestad y hacer información contra el Padre Fray Juan de la Cruz, y para esto se fue a Granada donde el Venerable Padre había asistido más; y atropellando las leyes divinas y humanas, comenzó a inquirir rigurosamente su vida, excediendo en la potestad porque no tenía comisión, y en el modo de ejercitarla, que fue por modo de inquisición; para lo cual era necesaño que hubiese infamia clamorosa y acerca de personas prudentes y virtuosas, sin la cual no podiá inquirir delitos de persona particular, ni los testigos deponer en su agravio/2. Y en nuestro caso no sólo no había nota ni infamia, sino antes tan gran aplauso de virtud y santidad que veneraban la tierra que el acusado hollaba. Se excedió también en los medios, usando de algunos tan violentos en el examen de los testigos que causó notable escándalo. Y callando los demás, que no sori para referidos, pondré aqui solamente lo que dicen dos testigos de los que en esta información concurrieron.

El primero es la Madre Isabel de la Encarnación, Priora del monasterio de nuestras Religiosas de Jaén, la cual habiendo jurado en manos del Obispo de aquella cuidad para otras informaciones, dice a nuestro propósito estas palabras: «Acerca de la información que se hizo contra el santo Padre Fray Juan de la Cruz, vi que el Padre que examinaba los testigos hacía unas preguntas bien excusadas, como lo experimenté en las que a mi me hizo. Porque eché de ver claro que cuanto él preguntó no lo había en el santo, por ser un alma de las más puras que tenía Dios en su Iglesia, y que parecía hombre santificado. Y lo que preguntaba el Visitador, a mi juicio no lo podiá preguntar, ni inquirir del santo cosa que más repugnase a su santa vida, ni en que él estuviese más inocente; y asi de todo lo que preguntó y de la manera que se hubo en preguntarlo, y de los ofrecimientos que hacía por una parte, y de la apretura de preceptos y excomuniones, en que por otra, ponta a los testigos, hasta quitarles por aquel tiempo el comunicar a sus confesores ni a otras personas sino a él, (que de todo fui testigo), se echó de ver que había procedido como hombre mozo, (que lo era harto), y arrojado, no teniendo el caso fundamento; y vi que por cuanto inquirió en nuestro convento de Monjas de Granada, no perdieron las religiosas

2 Cap. Qualiter et quando. L.2 de accusat. S. THOMAS, 22, q.33, a.7. ad 5.

un punto del crédito y opinión que del santo tenían . Antes, de mí puedo afirmar que me sirvió esto de mayor ponderación de su santidad. Porque, (como después supe), en el mismo tiempo que esto pasaba en Granada, hacía nuestro Señor milagros en Ubeda con las vendas y pazios que sacaban de sus llagas. Poco después de muerto el santo, me dijo el Padre Fray Agustín de los Reyes, Provincial de la Andalucía y varan de conocida santidad, que ¡cómo había hablado en mi dicho contra un varón tan santo como el Padre Fray Juan de la Cruz!, lo cual me dijo con gran sentimiento. A lo cual le respondí: Padre, no sé que yo haya dicho nada contra este santo, ni podía; porque no vi en él cosa que no fuese de persona muy santa y llegada a Dios y muy llena de virtudes. Y él me afirmó que había visto en mi dicho cosas que a mi no me habían pasado por el pensamiento, aunque lo había firmado de mi mano, pero no le lei cuando me le dio a firmar, y así no supe como iba; y de lo que después me decían, entendí, que no se había escrito fielmente, o que se había interpretado mal lo que dije, a buena parte”. Todo esto es de este testigo, y la aflicción que le causó saber que su dicho no había sido en calificación de tan santa persona, la apretó tanto que cayó mala en la cama; y el santo ya difunto la consoló con una aparición suya, de que en su lugar se hará memoria.

El segundo dicho es del Padre Fray Baltasar de Jesùs, confesor de nuestras Monjas de Malaga, el cual refiriendo en su declaración jurada; cómo se hizo esta información, dice estas palabras: «Hallábame en la cuidad de Málaga al tiempo que el Visitador llegó allí a examinar dos o tres religiosas que habían venido del Convento de Granada a aquella fundación, y supe de su compañero y de las Monjas, (cuyo confesor era yo), de la manera que en esta información se procedía. Y estando yo en el Monasterio de las Monjas llegó a mi una Religiosa llamada Catalina de Jesùs, que había sido allí Priora, y venía escandalizada de lo que el Visitador le había preguntado de nuestro santo Padre Fray Juan de la Cruz, y me contó cómo de una obra de caridad que el santo había ejercitado con ella delante de toda la comunidad de las Monjas, levantaba una quimera para incriminar al santo un gran delito. En la misma ocasión acudió a mi otra religiosa llamacla Lucia de san José confusa y turbada, y me dijo que haría en lo que le había sucedido con el Visitador, que haciéndole él preguntas contra nuestro Padre Fray Juan de la Cruz, y habiendo ella respondido la verdad de lo que sabía, había visto cómo no había escrito fielmente lo que ella había declarado, y que así no iba su dicho como había de ir. Yo la aconsejé que escribiese una carta sobre el casa al Padre Vicaño general, diciéndole lisamente la verdad de lo que se le había preguntado, y ella había respondido; y la una y la otra Religiosa se hacían lenguas en referir alabanzas del santo Padre». Todo esto es de este testigo.

Y porque esta información que contra el Venerable Padre Fray Juan de la Cruz se hizo, es uno de los más acreditados testimonios que podemos traer de su inmaculada vida, referiré aquí, después de estos dos dichos, unas palabras que dijo en el suyo el Padre Fray Gregorio de san Angelo, Definidor que era en este tiempo y secretario del Definitorio, persona de muy gran crédito y por cuya mano pasaron todas estas cosas. El cual dice a nuestro propósito de esta manera: «No llevaba este Comisario licencia para visitar más de tres o cuatro conventos, ni para más que para hacer información de las cosas de aquel religioso a que se ordenaba su jornada, y él se quitó de ruido, y visitó las dos provincias de Sevilla y Granada. Y de propósito y con gran mana hizo información contra el Padre Fray juan de la Cruz, usando de grandes censuras con las Monjas, sonsacándoles31 con temores y otros artificios cosas que por ellas y por el término con que las escribió se echa de ver la gana que tuvo de incriminar este negocio; queriendo dar a entender con palabras preñadas grandes culpas. Toda la cual información yo vi y leí algunas veces y con un poco de cuidado, y se echaba de ver el artificio con que anduvo el que la escribió. Y cuando de todo aquello se viniera a sacar algo, no eran cosas por que le pudieran dar de penitencia más que los siete Salmas penitenciales, por no baber en todo aquello tomado en toda verdad, y quitado el artificio y preñez32 que las palabras querían significar cosa de sustancia. ni que tuviese asomo de pecado mortal. Y según se entendió, no procedió quien hizo la información conforme a Dios en ella. Y vi que algunas Monjas que dijeron sus dichos, refiriéndoselos después, dijeron que ellas no los habían dicho de aquella manera, ni con aquel sentido las palabras de ellos, e iban y yenían al Definitorio cartas de esto; y como nuestro Padre Fray Nicolás de Jesùs Maria, Vicario general no hizo caso de esta información, tampoco se trató de los excesos de ella». Todo esto es de este religioso grave, et cual hace mención de las declaraciones de las Monjas solamente, porque aunque el Comisario intentó también examinar religiosos, como los vio tan aficionados predicadores del Venerable Padre, y que sin hacer caso de temores le pedian que exhibiese la comisión que traia para esto, (sobre lo cual tuvo grandes demandas y respuestas con algunos), no trató de examinarlos.

Con una religiosa de cierto convento de aquella provincia habia gastado nuestro Venerable Padre más tiempo que con otras por pedirlo asi su necesidad y correrle más peligro si no estuviera muy allegada a Dios. Y aqui pensó hallar mucho patio el Comisario para sus intentos. Y para ejemplo de confesores de Monjas referiré aquí lo que de esta comunicación dice esta religiosa en declaración jurada en manos del Obispo de Jaén de esta manera: «Todo cuanto se descubria en el santo Fray Juan de la Cruz, el aspecto, las palabras predicaban pureza; porque el gran amor tan perseverante que mostraba tener a Dios, y la gran modestia y mortificacién que en él vi, declaraban ser alma pura, y el no haberle oído jamàs, en cuatro años que le traté muy de ordinario, palabra que se pudiese juzgar por ociosa, sino antes todo lo que vi en él era de un varan santo, y un alma de gran pureza; y puedo afirmar de mi que su trato de Dios y comunicación del Cielo, me pegaba pureza y olvido de todo lo del mundo; y con este concepto que de él tenta de que era alma purísima me acontecia cuando entraba en el convento siendo Vicario Provincial a visitar la clausura o a confesar alguna religiosa enferma, y le ibamos a besar la mano aunque él lo rehusaba, que olía a una cosa superior a los olores de acà que parecia recogia interiormente. Su modestia y composicién era tanta que con sólo mirarle componía, y miràndole yo sentía en mi cierto reprehensión de mis imperfecciones, como si me reprendiera nuestro Señor y me hablara al corazón, y quedaba con deseo de trabajar en perfeccionarme, y hacer mucho por servir a Dios, y alcanzar algo de las virtudes que en aquel santo resplandedan, y asi le miraba como a ejemplar de ellas. Y cuanto le vi hacer u oí hablar, parecía de persona santa, mas levantada en santidad que otras que he visto tener por santas». Todo esto es de esta religiosa, y el caudal de virtud que sacó de esta comunicación lo ha mostrado en muchos conventos donde ha sido Prelada, y ayudado a la perfección de sus sùbditas.

Cap. 20. En cuánta aflicción y angustia paso esta persecución a los aficionados del Venerable Padre, y la alegre tolerancia con que él la llevaba.

Esta información y las rigurosas demostraciones que el Comisario hizo en ella, pusieron en notable afliccién a todos los hijos y devotos de nuestro Venerable Padre, de que a él le alcanzaha la mayor parte, aunque con su invencible tolerancia lo disimulaba. Porque como el Comisario era Definidor y enviado a la Andalucia por el Prelado superior y su definitorio, y él daba a entender que traía comisión de ellos para inquirir la vida del Venerable Padre, se persuadian Frailes y Monjas. que todos los prelados superiores estaban grandemente indignados contra et acusado y mal informados de su inculpable vida, pues Ilegaba su indignación a hacer tan sangrientas diligencias contra una persona tan santa, que era como Padre universal de toda la congregación Descalza. Ayudaban a esto algunas palabras pesadas que el Comisario llevado de su pasión decía incriminando las cosas del Venerable Padre y encareciendo el desacreditado concepto que de él tenían los Prelados, hasta llegar a decir en actos públicos de algunos Conventos, (en uno de los cuales se halló presente el Prelado de la casa donde esta historia se escribe), que por el Padre Fray Juan de la Cruz había sacado la religión breve para enviar a galeras a los delincuentes de ella que lo mereciesen: que hasta aquí llega la tirania de una pasión cuando se apodera de un alma.

Otra cosa corría entonces que ayudaba mucho a esta voz de la indignación de los Prelados: porque como el Padre Fray Nicolás de Jesús Maria, asi mientras fue Provincial como después que le hicieron Vicario general se opuso con gran valor y prudente celo de algunas relajaciones de observancia primitiva a que la remisión y demásiada blandura del Provincial pasado había dado lugar, asi en los conventos de Frailes como en los de Monjas, todos aquellos a quien la reformación alcanzaba, (que era muchos), desacreditaban el gobiemo del Padre Fray Nicolás y del nuevo Definitorio. Y como sabían que con ninguna cosa les podián causar mayor odio en toda la gente reformada de la religión, que con publicar que perseguian al Padre común de ella, decían mucho del rigor e injusticia de esta persecución, afirmando que el Padre Fray Nicolás era la cabeza de ella, y que el Comisario que estaba en la Andalucia había llevado orden cuva para hacer esta información; y lo menos que decían había de suceder de estas diligencias era quitar el hábito al Venerable Padre, y asi se publicó en las dos provincias de la Andalucia, y de ahi se escribía a las de Castilla, y corría esta voz, no sólo entre la gente comùn de la Religión, más también entre la muy granada, a quien yo lo oí como muy persuadidos de este suceso, para lo cual no hubo más fundamento que las rigurosas diligencias que el Comisario hizo en esta información.

Con estos asomos de indignación de los Prelados que el demonio publicaba y persuadia contra el Venerable Padre, estaban los religiosos tan atemorizados, que los que en otro tiempo se habían preciado de hijos aficionados suyos, no se tenían en éste por seguros, temiendo que como a sus amigos los había también de perseguir, y asi se abstenían de su comunicación. Con lo cual vino a quedar en sus trabajos, solo de sus amigos como Cristo nuestro Señor de sus discipulos para que en todo fuese verdadero retrato suyo. Y tanto fomento el demonio este temor de Frailes y Monjas, que cualquiera que con el santo Padre había tenido alguna comunicación familial, les parecia que les corria peligro sólo hallarse su nombre escrito en su poder; y con esto todas las cartas que tenían suyas muy guardadas por ser de excelente doctrina y de maestro tan santo, las quemaban; y lo mismo hacian de algunos retratos suyos, que personas devotas habían hecho copiar de uno que se sacó en Granada estando él arrobado. Esta tragedia de sus cartas fue una muy gran pérdida, y de las mayores granjerías que el demonio sacó de estas tormentas; porque como las había escrito respondiendo a dudas en materia de espíritu, en que comunicaba la mucha luz que nuestro Señor le había dado de esto, y para la que suele haber tan gran falta de ella, aun entre los que se tienen por muy maestros, perdióse mucho en perder estos papeles.

De como llevó nuestro Venerable Padre estos trabajos y persecuciones nos dan larga noticia en sus informaciones, testigos de vista que entonces le comunicaron, y algunas cartas que él escribió en este tiempo, respondiendo a otras que de estas materias le escribían. Porque en cuanto a lo que a él tocaba estaba lleno de gozo de verse desestimado y abatido, que era lo que él tanto había deseado, como no sea ocra cosa gozo, sino cumplimiento del deseo. Pero no se le dejaban gozar, dos cosas que en este tiempo mucho le afligían: la una era saber las grandes ofensas de Dios que por causa de esta información se hacian; las cuales por ser disgustos del Señor, a quien él tanto deseaba agradar le lastimaban el corazón. La otra era que se echase la culpa de las diligencias que contra él se hacian a quien no la tenía, que era el Padre Fray Nicolás de Jesùs Maria, Vicario general; y asi muchas veces significó a sus amigos, que el Prelado superior no tenía parte en sus trabajos, y que sentia mucho que se los atribuyesen; y al mismo Comisario disculpaba cuanto el caso podiá admitir disculpa, atribuyendo sus diligencias a que Dios lo permitia por sus pecados y para satisfacción de ellos; y de ninguna manera consentia que de él se dijese mal, ni se tratase de estas materias para más que para persuadir a todos, que por mucho que se dijese de sus defectos, eran tantos que no llegarian a saberlos todos; y algunas veces llegó a enojarse mucho con los que renovaban las plâticas de esto habiéndolas él atajado.

Decíanle sus amigos que no se podiá sufrir el modo con que se trataba de su honra, y cuán afrentosas diligencias hacia el Comisario para inquirir su vida, y persuadianle que escribiese sobre ello al Prelado superior, o que les dejase a ellos acudir a él, para quejarse de tan conocidos agravios. Pero de ninguna manera dio oídos a esto, ni consintió que ellos hiciesen diligencia alguna, disponiendo el ánimo para recibir de buena gana cualquiera penitencia que por sus culpas le diesen. Como se lo escribió al Padre Fray Juan de Santa Ana, respondiéndole a una carta que le había escrito muy afligido porque se decía que le habían de quitar el hábito; en la cual le dice: «hijo, no le dé pena eso, porque el hábito no me lo pueden quitar sino por incorregible o inobediente, y yo estoy muy aparejado para enmendarme de todo lo que hubiere errado, y para obedecer en cualquiera penitencia que me dieren».

Cap. 21. Del fin que tuvo esta persecución contra nuestro Venerable Padre, y como fue castigado quien la había movido.

Después que el Comisario hizo en la provincia de Granada con tan rigurosas demostraciones la información contra nuestro Venerable Padre, la envió al Padre Fray Nicolás de Jesús Maria, mientras él pasaba a la provincia de Sevilla a hacer la averiguación que a su comisión tocaba, y significó al Padre Vicario general el intento que había tenido para embarcarse en inquirir defectos del Venerable Padre. Comenzó a leer la información el Padre Vicario general, y conociendo a pocas hojas el veneno que llevaba, estando delante el Padre Fray Gregorio de S. Angelo, definidor y secretario del definitorio, arrojó la información diciendo: Ni el Visitador tenía comisión para meterse en esto, ni lo que él aqui pretendió inquirir cabe en el Padre Fray Juan de la Cruz, y mostró haberle parecido muy mal asi el intento del Comisario en querer desacreditar a un hombre tan santo, y como fundamento y dechado de la Religión, como la mucha licencia que había tomado en visitar las dos provincias, llevando limitada comisión para un negocio solo y en pocos Conventos. Pero contentándose con que de la información no se hiciese caso, no trató de la corrección del Comisario, remitiéndolo para el capitulo general donde se había de tratar de los defectos de los Definidores y de su castigo.

Murió el Padre Nicolás de Jesùs Maria antes del capitulo general y el Padre Fray Elías de San Martin que le sucedió, hizo cargo a este Comisario de los excesos que había hecho en esta jornada metiéndose apasionadamente en lo que no le habían mandado, y por ello le dieron su penitencia, aunque más blandamente de lo que su culpa merecia; y la sentencia de esta condenación quedó escrita en el libro de los capitulos donde yo la he leido. No se contentó con esto el Padre Fray Elías, sino haciendo apretada diligencia para haber a las manos la información que contra el Venerable Padre se había hecho, la hizo quemar delante de si, abominando como era justo, de que en Religión tan santa, hubiese habido quien imitando a Cam, hijo de Noé, procurase hacer alarde de las deshonras de su padre santo.

Pero como tiene Dios tanta providencia de sus siervos, y toma a su cargo la venganza de sus injurias, como él lo dijo por su Profeta, quiso que supiésemos que no estaba olvidado de las que al santo Padre Fray Juan de la Cruz se habían hecho, en lo poco que dilató el castigo. En este capitulo general salió el Comisario por Provincial de la provincia de Granada, (que era lo que él y sus amigos habían deseado mucho), y de esta provisión se entristecieron notablemente los hijos y aficionados de nuestro Venerable Padre; pareciéndoles que en lugar del castigo que esperaban del que había querido profanar el templo de Dios, y oscurecer con sus diligencias los resplandores de aquella alma pura y santa, venia victorioso y como a triunfar del caso en el mismo lugar adonde había delinquido. Y como en lo exterior no podián mostrar su amargo sentimiento se lastimaban mucho en lo interior y lamentaban con Dios este suceso, pareciéndoles que se acreditaba lo que se había hecho en agravio del difunto; (que ya entonces era muerto nuestro Venerable Padre), premiando con honra y dignidad al que le había perseguido.

Entró en su provincia el nuevo Provincial muy contento y dándose prisa para llegar al centro de ella, que era la ciudad de Granada, donde le estaban esperando sus amigos para hacerle fiesta. Llegó a Alcalá la Real a ocho leguas de Granada, y desde allí avisó el día que entraría en ella; y como esta nueva fue alegre para unos, asi fue triste para otros; particularmente para las Monjas Descalzas, que como habían sido tan buenos testigos de las diligencias que había hecho con ellas el Venerable Padre Fray Juan de la Cruz para llegarlas a Dios y hacerlas santas, y de las que después hizo el nuevo Provincial para desacreditarle, lastimábanse mucho de ver premiado al que merecia castigo más severo. Había entre ellas una Religiosa antigua compafiera de nuestra Madre Santa Teresa y criada a sus pechos, llamada Beatriz de san Miguel, estimada por persona de setialada virtud, y muy ilustrada de nuestro Setior; la cual como más obligada a los beneficios que había recibido del Venerable Padre, por lo que la había ayudado con su doctrina, era la que más de corazón sentia sus agravios.

Estando una vez esta Religiosa llorando con nuestro Señor en la oracián, y rindiendo a sus profundos juicios la cortedad de los sentimientos humanos, no podiá dejar de lastimarse de que hubiesen de recibir con aplauso alegre como a Padre de la provincia al que, tan poco antes, habían visto perseguir injustamente al padre universal de toda la congregación descalza; le dijo nuestro Serior que no entraría en Granada sino muerto en castigo de haber hecho aquella información contra el Padre Fray Juan de la Cruz. Esta revelación dijo luego a algunas personas de las que por lo mismo estaban afligidas, las cuales aunque tenían gran concepto de su espiritu, suspendieron el crédito de ella, sabiendo que había carta del mismo Provincial, que había de entrar en aquel día en Granada. Pero al fin se cumplió la revelación: porque en llegando a Alcalá la Real, le dio tan fuerte enfermedad que en pocos días le acabó la vida, y le trajeron muerto a enterrar a Granada. El Provincial que le sucedió examinó este caso, poniendo precepto formal a la misma Beatriz de san Miguel sobre ello, (cuya confesión yo vi), y de ella y de Io que dijeron las demás Religiosas se sacó la verdad de Io que aqui se referido. Con Io cual y con muchos milagros que muy aprisa hizo nuestro Señor por medio de rosas que habían llegado al cuerpo del santo Padre Juan de la Cruz o hahian servido en su enfermedad, ilustró nuestro Señor después muerto la opinión de santo que en vida habla tenido.

De la poca caridad que el Prior de Ubeda ejercitó con él, quedó la religión tan despagada, que nunca más le ocupó en oficio de Prelado; y aunque se ocupaba en la predicación, no se aprovechó de los consejos que el Venerable Padre le había dado: que la acomodase más a las leyes de su profesión; antes procuró privilegios fuera de la Orden para andar predicando por los lugares sin dependencia de los Prelados de ella, y allá le cogió la muerte fuera de la compañia de sus hermanos; que es el consuelo y ayuda que venimos a buscar a la religión. Y esta muerte tan poco consolada y socorrida atribuyen también los testigos a castigo de lo que había afligido al Venerable Padre, privándole nuestro Señor del socorro de sus hermanos, por no haber socorrido al Padre común de todos.

Cap. 22. Como tuvo revelación del dia y hora de su muerte, y le comunicó nuestro Señor el cáliz de su pasión para colmo de las mercedes que le había hecho.

Al cabo de tres meses que el Venerable Padre estaba padeciendo en aquella cama con ejemplarisima tolerancia tantos dolores y aflicciones, queriéndole ya nuestro Señor despenar con sacarle del destierro, para que fuese a gozar a la patria el dichosa premio de lo mucho que habla trabajado por su servicio, le fue disponiendo algunos dias antes, dándole noticia del día de su muerte; y que sospechar con sus acciones a los religiosos que había tenido ya estas buenas nuevas. Porque en entrando la semana en que murió, tenía mucho cuidado de preguntar cuanto habla de allí al sábado, y uno de los dias cercanos a su muerte estando con el Padre Fray Bartolomé de san Basilio, y con otros religiosos volvió a preguntar: cuándo era sábado.

Y porque no hicieron misterio de la pregunta, añadió : dígolo porque se me ha venido ahora a la memoria cuan gran beneficio es el que en ese día hace nuestra Señora a los religiosos de su Orden y a los que han traído su escapulario, y cumplido lo que este privilegio pide. Pero aunque él quería disimular el misterio, los que le oyeron estas palabras y la alegria con que las decía, quedaron con sospecha que sabla de buen original que había de morir en sábado y gozar de este privilegio.

Fue también indicio de esto, lo que hizo dos dias antes de su muerte: porque guardando con mucho cuidado en una taleguilla33 debajo de la cabecera, las cartas que en aquella enfermedad había recibido para que nadie las viese, este dia llamó al Padre Fray Bartolomé de san Basilio, y pidióle que le trajese una luz, y traída quemó todas estas cartas, como poniendo con esto en seguridad a los que las habían escrito por la voz falsa que entonces corría; que, solo ser su amigo, era delito. Declaróse más esta noticia que tenía del dia y hora de su muerte el mismo dia de ella, porque desde que entró el viernes tenía mucho cuidado de saber la hora que era, y dijo diferentes veces que aquella noche habla de ir a decir Maitines al cielo; lo cual no dijera tan afirmativamente siendo tan recatado en sus ilustraciones si no hubiera tenido expresa revelación de la hora de su muerte, y que de aquella enfermedad, como de su purgatorio, había de ir a gozar de Dios derechamente. De esto mismo fue indicio que por verle tan malo, le quisieron dar el Santisimo Sacramento por Viâtico muchos dias antes, y él dijo que no se lo diesen sino por devoción, que cuando fuese tiempo para recibirlo por Viâtico él avisaría; y asi cuando fue tiempo lo pidió, y también el de la Unción.

Había sido en vida nuestro Venerable Padre un fino retrato de Cristo nuestro Serior, donde parece que su Majestad quiso singularmente estamparse, y asi ordenó que lo fuese también en muerte. Porque asi como Cristo N. S. en su pasión, (ordenándolo asi para mayor demostración del amor que nos tenía), padeció en las fuerzas inferiores del alma, desamparo de la divinidad y de los efectos de la visión beatifica, que la parte superior del alma gozaba, para poder sentir la vehemencia de los dolores del cuerpo aflicciones del ánimo, tan intensamente como lo significó en aquellas dolorosas palabras que dijo en la Cruz: Padre ¿ por qué me has desamparado?/1, asi quiso que nuestro Venerable Padre, como se le había parecido tanto en las asperezas, deshonras, abatimientos y menosprecios de la vida, se le pareciese también en los dolores y desamparos de la muerte; y asi aunque había padecido tanto en todos aquellos tres meses, todo se le hacha tolerable con el recurso que tenía a Dios, donde hallaba la puerta abierta para su comunicación dulce y favorable. Pero el dia postrero de su vida, ariadiéronse a los dolores corporales otros tan intensos del espiritu con aflicciones y congojas y tan gran desamparo de Dios, que estaba puesto como clavado el cuerpo en una cruz y juntamente el ánimo atormentado en otra. Y asi parece que como en vida le comunicó Cristo nuestro Setior sus virtudes, asi en muerte le comunicó sus pasiones para colmo de su perfección, con semejanza tan estrecha de una criatura con su Criador.

Y aunque en toda la enfermedad había disimulado sus dolores con tan heroica tolerancia, fueron tan intensos los de este dia que por más que él los callaba ellos mismos daban voces. Llegó aquella noche a Ubeda el Padre Provincial, Fray Antonio de Jesús, su antiguo compañero, ordenándolo asi nuestro Serior para consuelo de entrambos. Cuando el Padre Provincial entré a verle, aunque se alegró mucho con él, estaba tan apretado con los dolores exteriores e interiores, que no pudo hablarle ni hacer otra demostración de alegria; y porque no entendiese el Padre Provincial que era falta de amor, le dijo: perdóneme Padre nuestro que no le puedo responder, que me estoy consumiendo en dolores. Dijole el Padre Provincial pensando que se consolara, que se alegrase mucho que ya se acercaba el tiempo para gozar el premio de lo mucho que había trabajado en su compaña en los principios de esta reforma. Pero el enfermo, como le sonaba mal todo lo que podiá ser alabanza suya, se esforzó para sacudir de si aquella, y tapándose los oídos con las manos, dijo: no me acuerde eso vuestra reverencia sino mis pecados; que de éstos me acuerdo ahora, y que tengo para satisfacer por ellos solamente los merecimientos de Cristo. Entré poco después a verle el Padre Fray Agustin de San José, y viéndole tan trabajado con sus dolores, le dijo por consolarle: que presto se acabaria el padecer y le pagaria nuestro Serior lo que por él había trabajado y padecido. Pero con el mismo esfuerzo, arrojó de si este consuelo, que el pasado diciéndole: no me diga eso Padre mio, que le certifico que no he hecho obra que no me esté ahora reprendiendo. Parecióle al Padre Provincial que corría todavia limitadamente el acudir los religiosos a visitar y servir al enfermo, ya fuese por parecerles que no gustaba de ello el Prior, ya por otros temores que entonces había, y asi dijo con algún sentimiento: Abranse esas puertas, Padres, para que no sólo todo el Convento, más también toda la ciudad vea el gran tesoro que aqui tiene y le conozca.

1 S. TH., De Verit., q.26, a.9 y 10.

Cap. 23. De la dichosa muerte de nuestro Venerable Padre Fray Juan de la Cruz, y cuán felizmente se dispuso para ella.

Viendo el Venerable Padre que se iba acercando ya la hora feliz de su partida comenzó a disponerse para ella. Y aunque toda la vida nos había dado admirables ejemplos de humildad y mansedumbre quiso renovarlos en este postrer día. Aquella tarde pidió el sacramento de la Eucaristia y lo recibió con gran devoción y ternura, pidiendo perdón a todos los religiosos del mal ejemplo que les había dado, y después envió a pedir por amor de Dios al Prior que entrase a verle; y con gran humildad como si él fuera el ofendido le rogó que le perdonase los cuidados y pesadumbres que le había dado, y que como pobre le pedia por amor del Señor que tanto los había encomendado, que le diese un hábito en que enterrasen su cuerpo, y que el gasto que aquel Convento había tenido con él, procuraria pagarle con pedir a nuestro Señor que lo socorriese siempre en sus necesidades, y que esperaba en su Majestad que se lo concederia; y antes de esto tratando con el Subprior que entonces era de la gran necesidad y pobreza de aquel convento, dijo el Venerable Padre: que vendria tiempo que tuviese bien lo necesario. De las cuales palabras juzgó el Subprior, que ya lo había suplicado a nuestro Señor y tenía prendas de que se lo había concedido. Y después acá se ha conocido mejor esto: porque estando aquel convento hasta entonces tan necesitado que se dudaba que aquella fundación pudiese pasar adelante, es ahora de las casas más bien acomodadas de aquella provincia. Salió el Prior tan compungido de las palabras y afecto humilde del Venerable Padre que derramaba lágrimas, y despertando como de un sueño de mortal letargo, (porque había quitado ya Dios al demonio la licencia que antes tenía para contrastar la paciencia de su siervo), conocia cuán falto de piedad había estado con aquel dechado de virtudes, y se dolía de ello, libre ya del mal afecto pasado.

Vino el médico y conociendo en el pulso, que se iba acabando aprisa, se lo dijo, y recibió la nueva tan alegremente que como dándose a si mismo el parabién de ella dijo: “Laetatus sum in his quae dicta sunt mihi, in domum Domini ibimus». Dijole el Padre Fray Francisco Indigno, (que se halló también allí aquella noche), si la mucha gana que tenía de morirse era porque se acabase el padecer. Y él, como haciendo donaire de que se diese a su pasión un fin tan bajo, significó que el gran deseo que tenía de ver a Dios le hacia las horas largas. Viendo su cama rodeada de religiosos, con el afecto de Padre que siempre les había tenido, los exhortó brevemente con palabras amorosas y eficaces a la obediencia de los Prelados y a la observancia de la regla y vida primitiva, y les encargó la caridad unos con otros como precepto tan principal de Cristo, y les trajo a la memoria que los había puesto en su Iglesia para predicadores de buen ejemplo e imitadores de la vida apostólica.

Algunos religiosos le pedian que por prenda del amor que le habían tenido les diese alguna cosa de las que tenía a uso. A lo cual respondió: pues eso han de pedir a un Religioso Descalzo? No saben que tengo hecho voto de pobreza y no puedo disponer de nada? Vayan al Padre Prior, que es quien ha de disponer de ello, y si él se lo diere, mi bendición llevarán con ello. Su acción ordinaria en todo aquel dia, cuando los que entraban en la celda no la interrumpían, era estar con los ojos cerrados ocupado interiormente en Dios, y de cuando en cuando los abria y los ponia amorosamente en un Cristo Crucificado que junto a si tenía como ofreciéndole sus dolores. A cosa de las ocho de aquella noche pidió el Sacramento de la Unción, y recibiólo con gran devoción, respondiendo con los demás a las oraciones que decía el Preste. Quisiéronse quedar allí con el Padre Provincial y otros religiosos antiguos; él les pidió que se fuesen a descansar que aún le quedaba tiempo.

Quedáronse allí con él, el Padre Fray Bartolomé de san Basilio que había asistido a su enfermedad, y el hermano Francisco donado, que había de tañer a maitines. Poco después de salidos los demás Padres, tomó el Cristo en las manos y continuando su sosiego le besaba los pies de cuando en cuando diciéndole palabras tiernas. A las nueve de la noche preguntó, qué hora era, y habiéndoselo dicho, respondió: a las doce iremos a decir maitines al cielo. Cerca de las once se quedó tan sereno en oración, que pensando el hermano donado que se moria, quiso ir a hacer la señal que se acostumbra para que se junte la comunidad a hacer la recomendación del alma al enfermo, y entendiéndolo él, le dijo: ¿para qué los quiere alborotar, no ve que aùn no es hora? Refiriendo esto a lo que había dicho antes, que había de morir a la hora de maitines.

Una hora antes que expirase mostró un extraordinaño aliento como significativo de que habían cesado ya sus penas interiores que habían tenido como impedidas las acciones exteriores, y que le asistia a lo sabroso y conocido el Señor que antes se le había ausentado. Y asiéndose de la soga34 que pendia sobre la cama se asentó en ella por sí solo, aunque otras veces habla menester ayuda, y con rostro alegre dijo a los religiosos y a otras personas devotas que allí asistian, (por haber sabido que era aquella la hora de su tránsito), que dijesen algunos salmos en alabanza de Nuestro Señor. Y respondiéronle, que comenzase él, y cornenzó el salmo de «miserere mei”, y él decía un verso y los demás otro; estando él con rostro muy sereno y alegre, y de cuando en cuando besaba los pies del Cristo que tenía en la mano. Después de haber dicho de esta manera algunos salmos, pidió que le dijesen algo del Libro de los Cantares, de que era muy devoto, como de materias misticas y retornos amorosos entre Dios y el alma, y leyéronle un capitulo con que mostró particular consuelo.

Tenía cuidado de preguntar de cuando en cuando, qué hora era, y diciéndole que las once y media, dijo que llamasen a la comunidad. Vino con ella el Padre Provincial y dijo al enfermo: que todos deseaban que antes que se partiese de ellos les echase la bendición y cuando se viese delante de Dios los encomendase a su Majestad. A lo cual respondió: que el encomendarlos a Dios él lo ofrecia, pero que el echarles la bendición era oficio de su Reverencia como Prelado y Padre de toda aquella provincia. Más instándolo los religiosos y ordenándoselo el Provincial, alzó la mano hacia los religiosos y haciendo la señal de la Cruz sobre ellos les echó la bendición con mucho amor. Comenzáronle a hacer la recomendación del alma y estándosela diciendo el Padre Fray Alonso de la Madre de Dios, le dijo al cabo de un rato el enfermo: Padre Alonso, no se canse, sino encomiéndeme a Dios, que he menester que me deje un poco. Con esto juntó las manos apretando con ellas el Cristo, y cerró los ojos como quien se queda en oración.

De allí a un rato comenzó a dar el reloj las doce, y oyéndolas el hermano Francisco que era velador de maitines, salió aprisa a taper la campana, y en sonando abrió los ojos el enfermo, y preguntó a qué tañian, y respondiéndole que a maitines, dijo: Gloria a Dios; y dando una vista a todos los que allí estaban como despidiéndose de ellos puso la boca en los pies de Cristo, diciendo: «In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum». Y al mismo punto expiró, como si se echara a dormir un sueño dulce, cumpliéndose en él lo que dejó escrito en uno de sus libros, que la muerte de los transformados en Dios no es rigurosa y amarga sino sabrosa y dulce. Y fue todo esto tan aprisa, que estando aún tañendo a maitines el hermano Francisco, (como él lo dice en su declaración), le llegaron a decir que en acabando de tañer a maitines, doblase a muerto, que ya el santo Fray Juan de la Cruz habla expirado; y asi lo hizo. Fue su muerte entrado el sábado catorce de diciembre del año mil quinientos noventa y uno. Quedó su rostro hermoso con una blancura a modo de resplandor, siendo antes algo moreno. Lo cual refieren en sus dichos los que allí se hallaron, por una de las cosas notables que concurrieron en su muerte. Y estuvo tan lejos de dar el horror que suelen causar los demás muertos, que antes daba consuelo mirarle y acompariarle. Murió de edad de cincuenta y seis años/1, gastados en religión la mayor parte de ellos, y siempre dando con su vida y virtudes a los demás muy gran ejemplo. Y como toda ella habla sido una continua oración y comunicación con Dios, en esta misma oración y quietud murió.

En acabando de expirar acudieron todos los que allí se hallaron presentes religiosos y seglares a besarle los pies y las manos como de cuerpo santo, y a tomar cada uno lo que podiá de sus vestidos y de las vendas y paños que habían servido a sus llagas. Y hasta la soga que tenía sobre su cama para revolverse, la tomaron como por reliquia, y otros le cortaban cabellos del cerquillo. El Prior recogió alguna de las cosas que el santo habla tenido a uso para repartirlas entre sus devotos, y dio a Doña Clara de Benavides por lo que le habla regalado, la correa que él había traído ceñida, por cuyo medio hizo después nuestro Señor muchos milagros; y a Don Bartolomé de Ortega, su marido le dio el breviario en que rezaba. Las cuales prendas ellos recibieron con gran veneración y estima, y con la misma las conservan.

1 Aqui está equivocado el P. Quiroga. Habiendo nacido, según la opinien mús corriente en 1542, tenía al morir cuarenta y ocho o cuarenta y nueve atios segtin el dia que naciera. Quiroga no indica la fecha del nacimiento.





Edition partielle bilingue de deux chapitres manuscrits (dom Chevallier)

« LA PAUVRETÉ DE L’AME QUI CHANTE LE CANTIQUE SPIRITUEL »

D’APRÈS JOSÉ DE JESÙSMARIA (QUIROGA) + 1629. 35.

[Présentation par dom Chevallier]

Le Cantique spirituel de saint Jean de la Croix s’ouvre par l’aveu d’une âme douloureusement blessée d’amour par Dieu « habiéndome herido ». Quelle est la beauté de cette âme ? Estelle simplement généreuse, pleine de bonne volonté, comme le meilleur des commençants ? Estelle très avancée, fortement purifiée par un travail spécial de l’Esprit vivifiant ?

Le problème n’est pas neuf : – en 1930, notre édition critique du Cantique spirituel (pp. XXVIII, XLXLI, LXXXV, XC, notes r et 2, CIVCV), — en 1931, la Vie Spirituelle (r juillet, p. 49), — en 1932, les Études Carmélitaines (avril, p. 171, octobre, p. r 38), — y ont fait allusion. Et la solution adoptée avait entre autres garanties celle d’un beau texte, tiré du ch. xxxv du second livre de la HISTORIA DE LA VIDA Y VIRTUDES DEL V. P. FR. JUAN DE LA CRUZ imprimée à Bruxelles en 1628, réimprimée à Malaga en 1717 et à Burgos en 1927, sous le nom de José de JesusMaria (Quiroga) ; cf. : édition critique, p. xxxviii, note 2 et p. xcii ; la Vie Spirituelle, mars 1931, p. 3, 276, 282 ; les Études Carmélitaines, octobre 1931, p. 3. D’après ce texte, le début du Cantique spirituel rappelle les PRÉPARATIONS IMMÉDIATES A L’UNION AVEC DIEU LAS DISPOSIÇIONES IMMEDIATAS A LA UNION DE LA ALMA A DIOS ; c’est donc une âme très avancée qui reçoit les blessures d’amour. Le raisonnement est bon, la conclusion certaine, mais le théologien veut plus de précision. Quel est exactement le cas d’une âme très avancée, capable de profiter de telles préparations, capable de recevoir les douloureuses blessures d’amour ?

À cette question, un autre texte du même ouvrage, que nul n’a peut 227 — être signalé, semble répondre directement. Les premiers mots du chapitre xiii du premier livre de la Historia soulignent une transition : « C’EST DE CE DÉPOUILLEMENT DES HARDES DU VIEIL HOMME... QUE LE SAINT A PASSÉ AUX BLESSURES D’AMOUR — DESE DESPOJO DE LAS ROPAS DEL HOMBRE VIEJO... PASO IL SANTO A LAS HERIDAS DE AMOR. » Nous concluons : l’âme qui sent les blessures d’amour vient de subir le dépouillement antérieurement rappelé, et nous lisons le chapitre précédent le dépouillement rappelé à la fin du chapitre xii est celui du TROISIÈME CREUSET — EL TERCER CRISOL, celui dont parle saint Jean de la Croix A TRAVERS TOUT LE SECOND LIVRE DE SA NUIT OBSCURE — PER TODO EL LIBRO SEGUNDO DE SU NOCHE OSCURA ; le théologien y voit déjà plus clair.

Bientót ses vœux seront comblés. La Historia, imprimée en 1628 par les soins d’un chanoine de Tolède, cousin de Quiroga, n’est qu’un pále abrégé du travail de l’illustre Carme. De la source primitive, beaucoup plus longue que l’imprimé et bien plus éloquente (le lecteur en jugera tout à l’heure), nous avons retrouvé, écrits de la main même de Quiroga, vingt sept chapitres ; ils sont reliés tout à la fin du ms. 8 452 de la Biblioteca Nacional de Madrid. Nous en tirons tout de suite deux notes : — la finale du chapitre xii de la Historia résume en quelques lignes deux grands chapitres de la source autographe, les 18e et 19e ; — l’expression lumineuse, mais vague de la Historia A TRAVERS TOUT LE SECOND LIVRE DE SA NUIT OBSCURE remplace six longs extraits tirés de cette seconde partie du chefd'œuvre de saint Jean de la Croix (cf. ciaprès les pages 57, 78, 910, 11, 1314 et 16).

Ces longs extraits, qui donnent un si grand prix au texte édité et traduit ciaprès, signalent les plus cuisantes épreuves de l’âme qui se laisse dépouiller dans la Nuit Obscure de l’esprit. Le théologien saura donc désormais avec la dernière précision, si la vieille orthographe ne le déroute pas trop ou s’il veut lire la traduction, que, pour le plus ancien, le plus fidèle et le plus réputé des disciples de saint Jean de la Croix, c’est la pauvreté d’une grande âme, dépouillée dans ces transes, qui est l’état requis pour subir les blessures d’amour, si douloureuses et si précieuses, de la première strophe du Cantique.

fr. PH. CHEVALLIER, moine de Solesmes.

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Chapitre 18e. Comment NotreSeigneur rendait parfait l’esprit de notre vénérable Père, en le dépouillant avec force des habits du vieil homme afin de le vêtir de ses divines splendeurs.

Après avoir narré la fondation du premier monastère de l’ancienne observance, dont notre vénérable Père fut bien la première pierre, avant de rapporter comment il travaillait la terre de ce nouveau Carmel et entourait de soins ses plantes, nous devons dire un mot du travail que NotreSeigneur accomplissait en lui pour le rendre capable de former des disciples fort bien éclairés.

Nous avons dit ailleurs comment Sa Majesté a purifié les deux premières hiérarchies de son âme (suivant le mot de saint Denys rappelé à ce moment), en lui ótant toutes ces dispositions mauvaises acquises qui gênent la vraie contemplation ; comment aussi Sa Majesté nous a laissé en notre vénérable Père, et en tous les degrés par où Elle l’a élevé à une rare perfection, un modèle accompli pour les contemplatifs. Il nous faut continuer à mettre au beau milieu de la trame de sa vie l’histoire de ces degrés, tant pour nous renseigner, que pour connaître la perfection et la sainteté auxquelles ces degrés l’ont conduit ; et c’est ici le lieu de dire un peu comment s’est purifiée la dernière hiérarchie de son âme, comment

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Capit 18. Como yva nro Senor perfiçionando el espiritu de nro venerable Padre con un fuerte despojo de las ropas del hombre viejo para vestirle de sus divinos resplandores.

Aviendo tradado ya de la fundacion del primer monesterio de primitivos, donde nro [nuestro] venerable Padre fue la piedra fundamental, antes que tratemos como labrava la tierra del nuovo Carmelo y cultivava sus plantas, es neces° [necessario] dar alguna notiçia primero de como nro Sefior le yva labrando a el, para que pudiese ser idoneo maestro de discipulos muy ilustrados.

Ya diximos en otra parte como le fue Su Majestad purificando en las dos primeras hierarchias del espiritu, segun la doctrina alli referida de san Dionisio, quitandole los habitos viciosos adqueridos que son estorvos de la verdadera contemplaçion, y como en nro venerable Padre y en los grados por donde le levanto a una rara perfecçion nos hiço un perfecto dechado de contemplativos. Es necesario que entre los suçesos de su vida vamos continuando la notiçia historiai destos grados, asi para nra ensefiança, como tambien para el conoçimiento de la perfecçion y santidad a que llego por ellos. Y asi toca a este lugar que digamos algo de como fue purificado en la suprema hierarchia

elle a reçu la préparation immédiate à la divine union, but de la vie contemplative. Cette hiérarchie est en langage théologique le mens, c’est-à-dire, le point culminant de la puissance de l’âme, la région où s’imprime en nous l’image divine.

Tous les degrés de purification, grâce auxquels l’âme contempla­tive va jusqu’à jouir de quelque chose comme la très heureuse innocence de la nature humaine au moment de sa création, sont signalés par Dieu très en détail dans le prophète Isaïe. Voici comme il décrit le point qui nous occupe : je vais étendre la main sur toi, je te mettrai au feu jusqu’à ce que tu perdes tes scories, j’ôterai toutes tes parcelles de plomb. Le Seigneur a promis par là qu’il purifierait l’âme des scories des mauvaises dispositions acquises, et qu’il lui ôterait tout le plomb des imperfections de nature (qui sont le vêtement grossier du vieil homme), pour la vêtir de ses splen­deurs. Comme un maître, saint Thomas a justifié ce dépouillement, et la nécessité pour l’âme, avant son union avec Dieu et sa trans­formation en lui, d’être en quelque façon dépouillée de sa propre forme ; ne faut-il pas, pour faire d’une pierre commune la pierre précieuse qui boit les rayons du soleil, que l’influence du ciel la dépouille avant tout de sa forme vulgaire et commune. Le Seigneur dit dans le même sens que, sous l’influence de la divine lumière de sa sagesse (comme l’avoue saint Denys), il mettra l’âme au feu

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del espiritu, como disposiçion proxima para la divina union, que es el paradero de la vida contemplativa. La cual hierachia es lo que los theologos llaman mente, y significa lo que es altisieno en la virtud del alma y donde esta en nosotros la divina imagen.

Todos los grados de la purificaçion del alma contemplativa, hasta llegar a tener una semejança de la feliçisima pureça en que la naturaleça humana fue criada, significo Dios muy en particular por el profeta Isaias ; y para lo que toca a este lugar diçe asi : convertire a ti mi mano, y cozerete hasta que quedes purificada de tu escoria, y quitare todo tu estaño. En las quales palabras significo el Señor que la purgaria de la escoria de los habitos viciosos adqueridos, y la desnudaria del estaño de las imperfecciones naturales ( que es la ropa grosera del hombre viejo), para vestirla de sus resplandores. Este despojo declaro magistralmente santo Thomas, y como para la union divina y transformaçion del alma en Dios es neçesario que en çierta manera sea despojada de su propia forma ; al modo de la piedra tosca, que, para haçer la piedra preçiosa receptiva de la luz del sol, la desnuda primero la influençia çeleste de su grosera y tosca forma. Y para esto diçe el Senior que la cozera en la infiuençia de su divina claridad y sabiduria (que asi lo

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jusqu’à ce qu’elle se trouve purifiée de toutes imperfections et infériorités, acquises et naturelles.

La grandeur de la peine d’une âme tourmentée par ce feu peut être devinée, quand on a vu ailleurs à quel prix l’âme s’est purifiée de ses dispositions acquises ; si elle a eu tant de douleur quand la souffrance n’était que dans ses accidents, du fait que ces dispositions s’étaient comme accrochées à la substance de l’âme, quelle sera la douleur éprouvée à cette heure où l’âme subit en quelque sorte le dépouillement d’enveloppes naturelles au vieil homme, à cette heure où elle souffre dans sa substance, exposée à un feu violent dans le creuset divin ?

La manière dont l’esprit de notre vénérable Père fut mis dans ce creuset divin, les souffrances et les peines qu’il dut y endurer, son expérience nous les redit d’une manière vivante en ces termes : « Le troisième genre de souffrance et de peine enduré par l’âme à présent lui vient de deux extrêmes (le divin et l’humain), qui maintenant se rencontrent. L’extrême divin est l’influence purifiante indiquée, l’extrême humain est son sujet, ou l’âme. L’élément divin attaque l’âme pour la mûrir et la faire neuve, en vue de la rendre divine ; et comme il la dépouille des attaches foncières, caractéristiques du vieil homme, qui lui étaient unies, inséparables, aussi intimes qu’une forme, il brise l’âme et la décompose, la plongeant

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declara san Dionisio), hasta dexarla purgada de todas sus imperfecçiones y desemejanzas, asi adqueridas como naturales.

Quan penoso sea esto para el alma asi cauteriçada, se puede conoçer por lo que en otra parte vimos en la purificaçion de los habitos adqueridos ; porque, si alli sentia tanto dolor con no padeçer mas que acçidentalmente, en cuanto estos habitos estavan abraçados con la sustançia del alma, qual sera el dolor que le causara aora que la despojan en çierta manera de las ropas naturales del hombre viejo, donde el alma padeçe en la misma substançia del alma, cozida fuertemente en este crisol divino ?

De como fue metido el espiritu de nro venerable Padre en este crisol divino, y de los aprietos y dolores que en el padeçio, nos da notiçia practica su experiençia en estas palabras : « La terçera manera de pasion y pena que el alma aqui padeçe es causada de dos estremos (conviene a saver divino y humano) que aqui se juntan. El divino es esta influençia purgativa ; y el humano es el sujeto del alma. Porque como el divino la embiste a fin de saçonarla y renovarla para haçerla divina ; y desnudandola de las afiçiones habituales y propiedades del hombre viejo con que estava unida, conglutinada y conformada, de tal manera la desmenuça y deshaçe, absorviendola en una profunda

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en de si noires ténèbres que l’âme, mise en présence de ses misères, se voit fondre et périr d’une mort aussi cruelle que si, dévorée par un monstre, elle éprouvait qu’il la digère dans les ténèbres de ses entrailles, et en ressentait toute l’horreur ; mais elle doit habiter ce tombeau de mort ténébreuse pour connaître la résurrection spirituelle qu’elle attend. Ce genre de souffrance et de peine, encore que rien ne puisse le dire, est ainsi rendu par David : les plaintes de la mort m’ont environné, les douleurs de l’enfer m’ont cerné, de détresse j’ai crié. Mais le plus grand tourment de cette âme angoissée vient de sa conviction que Dieu l’a rejetée, et que, la prenant en horreur, il l’a poussée dans les ténèbres ; pour elle la grande souffrance, la pitoyable, c’est la créance que Dieu l’a délaissée. David, l’éprouvant dans sa force, a dit : pareil à ces cadavres couchés dans le sépulcre que ta main abandonne, dont tu n’auras plus le souvenir, on m’a mis dans la fosse la plus profonde et la plus basse, dans les ténèbres et l’ombre de la mort ; ta fureur a grandi contre moi, et tu as déversé sur moi tous les flots de ton ire. Réellement, quand cette influence purifiante sévit, l’âme a un sentiment très vif de l’ombre de la mort, des plaintes et des peines de l’enfer, qui consiste à se voir punie et réprouvée, loin du Dieu indigné et irrité contre elle ; et l’âme croit tout ceci. De plus, elle a l’obscur pressentiment qu’il en est ainsi pour toujours. Elle se

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tiniebla, que el alma se siente estar deshaçiendo y deritiendo a la faz y vissa de sus miserias con muerte de espiritu cruel, asi como, estragada de una bestia, se sintiese estar digeriendo en su vientre tenebroso, y padeçiendo estas angustias ; porque en este sepulchro de escura muerte le conviene estar para la espiritual resurrecçion que espera. La manera de esta pasion y pena, aunque de verdad ella es sobre manera, la descrive David diçiendo : cercaronme los gemidos de la muerte, los dolores del infierno me rodearon, en mi tribulaçion di voçes. Pero lo que esta doliente alma aqui mas siente es pareçerle claro que Dios la a desechado, y avorreçiendola arrojadola en las tinieblas ; que para ella es grave y lastimera pena creer que la a dexado Dios. La qual David sintiendola mucho en este caso diçe : de la manera que los llagados estan muertos en los sepulchros, dexados ya de tu mano, de que no te acordaras mas, asi me pusieron a mi en el lago mas hondo y inferior en tenebrosidades y sombra de muerte : y esta sobre mi fortificado tu furor, y todas tus olas descargaste sobre mi. Porque verdaderamente, cuando esta influençia purgativa aprieta, muy a lo vivo siente el alma sombra de muerte y gemidos y dolores de infierno, que consiste en sentirse sin Dios, y castigada y arrojada, y a el indignado y enojado contra ella, que todo esta siente aqui; y mas, que en una tenebrosa aprehension

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sent en même temps abandonnée des créatures et vouée à leur mépris. » (Nuit obscure de saint Jean de la Croix, livre 2, chap. vi, début). À cette peine s’ajoute une seconde, qui provient elle aussi de la même influence obscure : « c’est une lumière que reçoit l’âme sur le fait de sa pauvreté et de sa misère de fond, et qui cause l’une des principales afflictions qu’impose cette purification. Toutes ces peines réunies épuisent l’âme, et la mettent en cette extrémité que David exprime par ces mots : sauvezmoi, mon Seigneur ; les eaux de la tribulation ont pénétré jusqu’à mon âme ; enlisé dans une fange profonde, je n’ai plus où poser le pied ; j’ai atteint le fond de la mer, et la tempête m’a submergé ; je m’épuise a crier, mon gosier est en feu ; mes yeux ont défailli dans l’attente de mon Dieu. Dieu humilie fortement l’âme maintenant, pour l’exalter plus tard ; et, s’il n’ordonnait pas à de tels sentiments (quand ils deviennent trop vifs en l’âme) de s’apaiser sur l’heure, elle quitterait son corps en peu de jours. Ce n’est donc pas que par intervalles qu’elle expérimentera leur poussée intérieure ; qui sera quelquefois si forte que l’âme verra l’enfer tout béant devant elle, et croira sa perte arrivée. De tels gens descendent réellement tout vivants aux enfers, et, souffrant comme au purgatoire, ils se purifient dès cette vie comme ils l’auraient dû faire en l’autre. Aussi, l’âme qui a traversé cette amère purification, ou n’entre pas au purgatoire, ou y demeure à peine, parce qu’une heure icibas lui a plus profité,

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le parece que es para siempre. Y el mismo desamparo siente de todas las criaturas, y ser despreçiado deltas. »

A esta pena se le añade otra, proçedida de esta escura influençia : que es : « una luz practica que le dan en ella de su intima pobreça y miseria ; la qual es una de las prinçipales aflicçiones que en esta purgaçion padeçe. Y, cuando todas juntas la fatigan, la ponen en el estremo que significo David cuando dixo : salvame, Seizor, porque las aguas de la tribulaçion an entrado hasta mi alma ; fixado estoy en el çieno profundo, y no ay donde me sustente ; vine hasta lo profundo de la mar, y la tempestad me anego ; travaje dando voçes, enronqueçiose mi garganta, desfalleçieron mis ojos en tanto que espero en mi Dios. Aqui humilia Dios mucho al alma para ensalzarla despues ; y, si el no ordenase que estos sentinzentos (quando se avivan mucho en el alma) se adormeçiesen presto, desampararia al cuerpo en breves dias. Mas son interpolados los ratos en que se siente su intima viveça; la qual se esfuerça tan a algunas veçes que le pareçe al alma que ve avierto et infierno, y que esta ya en la perdiçion : porque estos son los que de veras vajan al infierno vivos, y al modo del purgatorio purgan aqui lo que en el avian de purgar. Y asi el alma que pasa por esta apretada purgaçion, o no

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que de nombreuses làbas. » (Nuit obscure, livre 2, chapitre vi, finale).

Voilà comme l’expérience de notre vénérable Père nous découvre le détail de tourments intérieurs infligés à son âme dans ce creuset divin. Mais ce ne sont pas les seuls qu’elle souffre au cours du dépouillement des imperfections de nature, fait pour la vêtir de divin. Comme en ce dépouillement elle doit se purifier de tout ce qui chez elle n’est pas conforme à Dieu (à qui elle doit s’unir par amour et similitude, comme le dit saint Denys), et comme ses actions imparfaites empêchent en quelque sorte une telle similitude, voici que, pour les rendre parfaites au sens divin, l’influence divine ôte à l’âme ses puissances en tout ce qui n’est pas requis pour vivre à la manière humaine et remplir ses devoirs d’état. Si l’on veut donner à quelqu’un de bonnes dispositions et des habitudes vertueuses, ne fautil le rendre incapable d’accomplir ce qui conduirait aux vicieuses ? Ne fautil pas bander la main gauche de l’enfant pour qu’il prenne l’habitude d’utiliser la droite ?

De même, comme ce dépouillement des puissances ne permet plus à l’âme dans une certaine mesure ni ses actes de nature ni les biens peu relevés que ces actes lui assurent, l’âme y trouve tant de peine et d’affliction que saint Thomas y voit l’une des grandes croix du purgatoire. Le Maítre qui est au ciel n’en parle pas autre

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entra en aquel lugar, o se detiene poco en el, porque aprovecha mas aqui en una ora que alti en muchas. »

Desta manera nos da notiçia practica la experiençia de nro venerable Padre de los aprietos interiores en que este divino crisol puso a su alma. Pero no son estos solos los que padeçe en este despojo de lo natural imperfecto para vestirla a lo divino. Porque como en el a de ser purgada de todas las desemejanças de Dios, con quien a de ser unida por amor y semejança, como declara san Dionisio, y para esto le impiden en çierta manera sus operaçiones imperfectas, para perfiçionarselas a lo divino le ata la influençia divina las potençias para lo que no es preçisamente neçesario a la vida humana y cumplimiento de las obligaçiones de su estado. Como quien pretende introduçir en algun sujeto buenas costumbres y habitos virtuosos, que le impide las operaçiones por donde se camina a los viçiosos ; y por eso al nino le atan la mano yzquierda para que se acostumbre a obrar con la derecha.

Pues, como en este atamiento de las potençias impiden en çierta manera a la alma las acçiones que le son naturales y los bienes que a su modo grosero alcançava por medio de ellas, reçive de esto tan gran pena y afflicçion que la pone sante, Thomas por uno de los principales tormentos del purgatorio. Y por talle graduo el maestro del çielo, cuando

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ment : notre mère sainte Thérèse subissant l’amertume d’une de ces purifications de la plus haute partie de l’âme, NotreSeigneur lui fit connaître ce qu’elle dit sur notre sujet en ces termes mémorables : le Seigneur m’a confié qu’en subis§ant cette peine, l’âme se travaille et purifie, comme l’or dans le creuset, pour mieux lui permettre d’appliquer les émaux de ses dons, et qu’elle se purifie sur l’heure de ce que le purgatoire aurait dû purifier en elle.

Cette peine (des puissances devenues inertes) notre vénérable Père l’a pareillement subie dans ce creuset avec même amertume, comme l’indiquent ses paroles dictées par l’expérience : « Il y a dans cet état une autre chose qui peine et afflige grandement l’âme. C’est que cette nuit obscure rend inertes les puissances et les affections, au point que l’âme n’est plus capable d’élever l’esprit à Dieu, de lui adresser une prière ; il lui semble, comme à Jérémie, que Dieu a établi une nuée entre elle et lui, pour que sa prière n’arrive pas, et qu’il lui a barré la route avec des pierres de taille. L’âme prietelle, c’est si sec et aride qu’à qu’à son sens Dieu ne l’entend pas et ne s’intéresse plus à elle. Vraiment, comme dit le prophète c’est pour elle le moment de rester la face contre terre et de supporter patiemment sa purification. C’est Dieu qui à présent fait du travail en l’âme : elle ne peut donc rien pour sa part, ni réciter l’office sans grande violence, ni prêter une grande attention soit aux affaires de Dieu soit aux choses et affaires du siècle. Ce n’est

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estando nra madre santa Teresa en lo apretado de una de estas purificaçiones de la parte superior, le dixo el Señor lo que ella misma refiere a nro proposito en estas notables palabras : dixome el Señor que en esta pena se labra y purifica el alma como el oro en el crisol, para poder mejor poner los esmaltes de sus dones, y que se purgava alli lo que avia de estar en purgatorio.

Pues esta pena padeçio tambien nro venerable Padre en este crisol tan apretadamente, como el lo diçe de su experiençia en estas palabras : « Ay en este estado otra cosa que aquexa y desconsuela mucho al alma. Y es que, como esta escura noche le tiene impedidas las potençias y los afectos, no puede levantar como antes el espiritu a Dios ni le puede rogar ; pareçiendole lo que a yeremias, que a puesto Dios una nube delante, para que no pase la oraçion, y que le tiene cerrados los caminos del espiritu con piedras quadradas. Y si alguna vez ruega, es con tanta sequedad y tan sin jugo que le pareçe que no le oye Dios ni haçe caso de ella. A la verdad es tiempo este de poner (como diçe este profeta) su boca en el polvo, sufriendo con paçiençia su purgaçion. Dios es el que anda aqui haçiendo la obra en el alma. Y por eso ella no puede nada, ni reçar sin mucha fuerça, ni asistir con raucha advertençia a las cosas

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pas tout : maintes fois elle souffre en la mémoire de si fortes absences et de si grands oublis, qu’elle va rester longtemps sans avoir le souvenir de ses actes ou de ses pensées, sans savoir ce qu’elle fait maintenant ou ce qu’il lui faut faire, sans pouvoir être très attentive malgré tous ses efforts à n’importe lequel de ses actes. Comme il s’agit en ce moment de purifier non seulement l’intellect de son mode trop faible de connaître, et la volonté de ses goûts, mais encore la mémoire de son trésor de notions et de déductions, il convient que celle-ci soit dépouillée de tout, et réalise ce que David ainsi purifié confessait : je fus réduit à rien, et je ne sçus plus rien. Cette absence de savoir implique ces ignorances et ces oublis de la mémoire. » (Nuit obscure, livre 25 chapitre viii, début).

Toutes ces descriptions détaillées que notre vénérable Père nous donne de sa propre expérience, quand son âme était mise au feu et comme décomposée dans le creuset divin pour y trouver, ó phénix courageux, une nouvelle vie, sembleront superflues à qui n’a rien eu de pareil ; mais elles consolent si puissamment les âmes contemplatives plongées dans la même peine (et j’en ai rencontré parfois), que j’aurais grand scrupule à les priver de l’aide divine, préparée par Dieu même en ce modèle si sûr de vie contemplative. Poursuivant donc sa description concrète et raisonnée de ce qu’il a connu dans ce dépouillement salutaire, le vénérable Père ajoute

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divinas ni a las cosas y tratos temporales. Y no solo tiene esto, sino tambien muchas veçes tales enagenamientos y tan profundos olvidos en la memoria, que se le pasan muchos ratos sin saver lo que hiço ni lo que penso, ni que es lo que haçe ni lo que va a haçer, ni puede estar muy advertida aunque quiera a nada de lo que esta haçiendo. Porque como aqui no solo se purga el entendimiento de su imperfecto modo de conoçer, y la voluntad de sus afiçiones, sino tambien la memoria de sus notiçias y discursos, conviene tambien aniquilarla de todas ellas, para que se cumpla lo que de si diçe David en esta purgaçion : yo fui aniquilado y no supe. El cual no saver se estiende a estas insipiençias y olvidos de la memoria. »

Todas estas notiçias practicas que nos da nro venerable Padre de lo que experimentava en su alma, cozida y deshecha en este crisol divino para ser como ave fenix generosa renovada, aunque pareçeran superfluas a los no experimentados, son de tanto consuelo a las almas contemplativas puestas en este aprieto (de las cuales e hallada yo algunas), que haria notable escrupulo en defraudarlas del socorro divino, que Dios les a dado en este dechado tan seguro de vida contemplativa. Y asi continuando el venerable Padre estas notiçias practicas y ilustradas des te saludable despojo segun lo que por el avia pasado, arcade a

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aux paroles précitées cellesci : « Ces absences, ces oublis viennent du recueillement intérieur en qui cette influence afflictive plonge une âme. Comme l’âme doit, en effet, se trouver avec ses puissances divinement prête et façonnée pour la divine union d’amour, elle devait d’abord être avec toutes ses puissances plongée dans la divine et ténébreuse lumière spirituelle de contemplation afflictive, et en même temps privée de toutes attaches et vues touchant les créatures ; et d’autant plus longtemps que la lumière est plus intense. Ainsi plus cette divine lumière, quand elle frappe sur une âme, se présente simple et pure, plus l’âme va dans le noir, se vide et se défait des vues et attaches de détail, qu’il s’agisse des objets d’en haut ou des objets d’en bas ; l’âme n’a même pas conscience d’être sous cette lumière, elle se voit dans le noir, tant la lumière dépasse ses limites naturelles. » (Nuit obscure, livre 2, chapitre VIII, suite).

Tout ceci est de notre maître.

Chapitre 19e. Si on le dépouillait ainsi des hardes d’imperfection, c’était pour le vêtir de perfection, et le faire avancer de la vie naturelle à la surnaturelle.

Durant ce sérieux dépouillement des choses et de toute vue distincte, aussi bien sur le Créateur que sur les créatures, réalisé en l’âme de notre vénérable Père dans la forge divine, cette âme obtint

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las palabras referidas las siguientes « Estas enagenaciones y olvidos son causados del interior recogimiento en que esta influençia penosa absorve al alma. Porque, para que ella quede templada y dispuesta a lo divine con sus potençias para la divina union de amor, convenia que primero fuese absorta con todas ellas en esta divina y escura luz espiritual de contemplation penosa, y asimismo fuese abstrahida de todas las afiçiones y aprehensiones de criaturas. Lo qual dura regularmente segun es la intension. Y asi cuanto esta divina luz embiste mas sençilla y pura en el alma, tanto mas la escurece y vacia y aniquila açerca de sus aprehensiones y afiçiones particulares, asi de cosas de arriba como de abaxo, sin pensar el alma que tiene esta luz, sino que esta en tinieblas, por lo miche, que exçede al natural de la misma alma. »

Todo este es de nro maestro.

Capit. 19. Que con este despojo de la ropa imperfecta le yvan vistiendo a la perfecto y el caminando de la vida natural a la sobrenatural.

Con este fuerte despojo de todas las cosas y de sus notiçias distintas asi del Criador como de las criaturas, que nro venerable Padre experi

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(à ce qu’il semble) en dépit de ses peines l’expérience raisonnée de la doctrine de saint Denys, écrivant à son condisciple, saint Tite, ceci : Dieu est cause de tout et a sa place en tout ; pourtant, si nous le contemplons avec la parfaite connaissance permise sur terre, il n’est rien de quoi que ce soit, tellement il est en marge de tout, à distance infinie de tout. Et pour Denys cette connaissance serait la nourriture solide, donnée en la maison que la divine Sagesse construit en l’âme pour y faire sa demeure. Car, comme Sa Majesté donnait au vénérable Père, en ce creuset si dur, l’ultime préparation à son introduction en la demeure qu’elle édifiait si richement en son âme, elle entendait le préparer avec cette nourriture solide qui ramène l’âme à l’unité de son tout, et lui retirait tous les restes de ce mets des enfants, qui se goûte en la distinction et multiplicité des choses, et qui aux degrés imparfaits achemine l’âme à Dieu par des moyens d’enfant ; Denys le dit dans la même lettre. Mais comme ces expériences raisonnées de notre vénérable Père sont une très haute lumière accordée par NotreSeigneur aux âmes contemplatives pour leur soutien et leur gouverne, et comme les âmes, que cette lumière ne conduit pas, souffrent beaucoup quand Sa Majesté les prépare à monter aux degrés supérieurs (je l’ai trop constaté en beaucoup d’âmes trouvées dans la peine pour ce fait), je vais donner encore un peu de cette lumière concrète pour

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mentava en su alma metida en esta fragua divina, parece que le pusieron en la experiençia ilustrada aunque penosa de lo que san Dionisio escriviendo a san Tito su condiscipulo diçe que, siendo Dios causa de todas las cosas y estando en todas, con todo eso para los que le contemplan segun el perfecto conoçimiento que del podemos tener en esta vida, es nada en nada, segun el exçeso que haçe a todas las cosas por estar infinitarnente apartado de todas ellas. Y pone este conoçimiento por el manjar solido, que se da en la casa que la divina Saviduria edifica en el alma para morar en ella. Porque como Su Magestad disponia proximamente a nro venerable Padre en este crisol tan apretado, para introduçirle en esta casa que tan sumptuosamente yva edificando en su alma, le yva disponiendo con este manjar solido que reduçe el alma a unidad de su todo, y le despojava de todas las reliquias del manjar de niños, que se gusta en la distinçion y multipliçidad de las cosas, y con que ella en los grados imperfectos camina a Dios como por medios pueriles, segun el mismo santo lo declaro en esta carta. Pues como todas estas ilustradas experiençias de nro venerable Padre son una altisima lux que nro Sefior dio a las almas contemplativas para su consuelo y govierno, y por no administrarsela padeçen mucho las que Su Magestad va disponiendo para estos grados superiores (de que yo tengo harta experiençia por

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consoler les âmes pressées d’une telle angoisse, en leur faisant apprendre d’un esprit si bien renseigné la fin sublime à laquelle Dieu les mène par des moyens si peu plaisants. Continuant donc à nous montrer par expérience la finale si heureuse d’un pareil dépouillement, le vénérable Père dit ces paroles : « Comme la lumière qui doit venir à l’entendement est très haute et divine, bien au-dessus de la nature, l’entendement ne peut décemment parvenir à s’unir à elle, et à se déifier comme le veut l’état de perfection, s’il n’est auparavant purifié et défait de sa lumière connaturelle, qui le met actuellement dans le noir quand l’influence divine sévit, et l’y laissera aussi longtemps qu’il faut pour ruiner l’habitus qu’un très long exercice de son ancienne manière de voir a constitué chez lui, et pour mettre en sa place la lumière divine et son fruit. De même, parce que l’attache d’amour que donnera l’union avec Dieu est divine, et donc très spirituelle, très fine, très délicate, et tout intime, fort au-dessus des attaches ou des émotions naturelles imparfaites de la volonté et de ses appétits, la volonté ne peut décemment parvenir à goûter en l’union d’amour l’attache divine et ses si hautes délices, si elle n’est d’abord purifiée et complètement défaite de ses attaches et émotions, qui la laissent dans le sec et l’amer aussi longtemps qu’il faut pour ruiner l’habitus

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las muchas que e hallado afligidas por esta causa) referire algo mas desta luz pratica, para que se consuelen las que padeçen estas apreturas, de oyr de un espiritu tan ilustrado el alto fin para ql [quel] Dios las dispone con estos medios tan desabridos.

Continuando pues nro Venerable Padre las notiçias de su experiençia acerca deste despojo para tan dichoso fin, diçe estas palabras : « Pues como la luz que se a de dar al entendimiento es altisima y divina, que exçede toda la natural, conviene que para que el entendimiento pueda llegar a unirse con ella, y haçerse como divino en estado de perfecçion, sea primero purgado y aniquilado en su luz natural, poniendole actualmente a escuras por medio desta influençia divina, por tanto tiempo quanto es menester para aniquilar el habito, que de su manera de entender tiene de mucho tiempo en si fornzado, y en su lugar quede la ilustraçion y luz divina. Asimismo, porque la afiçion de amor que se le a de dar en la union con Dios es divina, y por eso muy espiritual subtil y delicada y muy interior, que excede a todo afecto y sentimiento natural y imperfecto de la voluntad y de todo apetito della, conviene que, para que la voluntad pueda venir a gustar por union de amor esta divina afiçion y deleite tan subido, seaprimeropurgada y aniquilada en todas sus afiçionesy sentimientos, dexandola en seco y en aprieto quanto conviene para desnudarla del habito que tenia de afectos naturales, asi acerca de lo divino como de lo

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créé par ses manières naturelles de goûter le divin et l’humain. De même, parce que l’union que prépare l’influence obscure aura pour effet de combler et d’enrichir l’âme d’une certaine magnificence et gloire, à l’heure du don de Dieu qui apporte avec soi des biens et des délices sans nombre, beaucoup trop abondants pour la capacité naturelle à la créature, l’âme doit d’abord connaître ce vide et cette pauvreté spirituelle qui la délivre de tout appui, soutien et acquis naturel, venant soit d’en haut soir d’en bas ; par ce vide elle devient réellement pauvre selon l’esprit, libéré du vieil homme, et donc capable de vivre la vie neuve et heureuse procurée par la nuit obscure, qui est l’état d’union à Dieu. » (Nuit obscure, livre 2, chapitre ix, peu après le début).

Voilà comment l’expérience raisonnée de notre maître nous fait comprendre cet heureux dépouillement du vêtement naturel au vieil homme, qui va revêtir l’âme des 7 splendeurs surnaturelles du nouvel Adam, du Fils de Dieu, auquel elle devait être unie. Ce dépouillement ne la prive pas radicalement de sa connaissance naturelle ni de l’habitus d’une science auparavant acquise ; mais en purifiant l’âme, il la fait progresser en cette même connaissance dans la mesure où la lumière divine pourra l’améliorer, comme elle rendait meilleure celle d’Adam innocent ; bonheur, auquel conduisent des creusets si amers. Ce dépouillement donne dès maintenant comme un heureux début, une possession anticipée de la

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humano. Asimismo, porque para esta union a que la dispone esta escura influençia a de estar el alma llena y dotada de çierta magnificencia gloriosa, en la comunicaçion de Dios que ençierra en si innumerables bienes y deleites, que exçeden toda abundançia que el alma naturalmente puede poster, conviene que primero sea puesta en vaçio y pobreça de espiritu, purgandola de todo arrimo, consuelo y aprehension natural, açerca de todo lo de arriva y de abaxo, porque asi vaçia este bien pobre de espiritu y desnuda del hombre viejo, para vivir aquella nueva y bienaventurada vida que por medio desta noche escura se alcança, que es el estado de la union con Dios. »

Desta manera nos da noticia la experiencia ilustrada de nro maestro este feliz despojo de la ropa natural del hombre viejo para vestir al alma de los resplandores sobrenaturales del Hombre nuevo, Hijo de Dios, con quien avia de ser unida. Con el qual despojo no la privan totalmente del conocimiento natural y habito de ciencia que avia adquerido ; sino purgavanla para perficionarla en el mismo conoçimiento, en que avia de ser mejorada por ilustracion divina, al modo del que tenia Adam en el primer estado, a cuya felicidad va caminando por estas tan apretados crisoles. Y con este la ponen ya como en un principio feliz de

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béatitude assurée aux cœurs purs qui ont la promesse de voir Dieu ; oui, les contemplatifs commencent à en jouir dès cette vie. Comme l’affirment tous les saints, mystiques ou scolastiques, pareille béatitude se réalise sur terre, quand l’âme contemplative vient à être purifiée dans la volonté des coups d’aile des passions, et dans l’intelligence de toutes les images de détail sensibles ou spirituelles, pour contempler Dieu dans la très pure et la très simple lumière de la foi éclairée. Grâce à la description expérimentale que notre vénérable Père nous donne de ses peines intérieures, nous pouvons connaître les souffrances endurées vers ce temps, produites non seulement par la divine influence qui soumettait son âme au feu dans le but de la purifier comme l’or dans le creuset (suivant la doctrine d’Isaïe), mais encore par l’amour de ce Dieu, avec qui il n’a plus aucune douce communication, étant mis comme de force hors de sa chère présence, qui jusque là lui procurait une si agréable compagnie.

À toutes ces afflictions le dépouillement dont nous parlons en ajoutait une autre, fort bien marquée par saint Thomas : dans ce changement de l’âme allant d’une qualité à l’autre, de l’imparfaite à la parfaite, la qualité qu’elle perd lui était propre, connaturelle, la qualité qu’elle gagne lui est étrangère, inconnue ; l’âme va donc

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posesion antiçipada de la bienavanturança de los limpios de coraçon a la qual esta prometido el ver a Dios, y della comiençan a goçar los contemplatives en esta vida. Porque, como afirman los santos asi mysticos como escolasticos, esta bienaventurança, quanto al estado desta vida, se cumple quando el alma contemplativa esta purgada, quanto a la voluntad de los alazos de las pasiones, y quanto al entendimiento de todas las semejanças distintas asi sensibles como espirituales, para contemplar a Dios en luz purisima y sencillisima de fe ilustrada. Pues desta noticia experimental que nos da de sus travajos interiores nro venerable Padre, podemos conocer las aflicciones que en este tiempo padeçia, causadas no solo de la divina influencia que estava coçiendo su alma para purificarla como al oro en el crisol (segun ya lo vimos en las palabras de Isayas), mas tambien de lo que el amava a Dios, de cuya dulce comunicaçion se hallava privado, y como arrojado de su amable presencia que antes le haçia campañia tan suave.

A todas estas afflicçiones se la añadia otra en este despojo que santo Thomas pondero mucho : porque en esta alteraçion del alma en que pasa de una calidad a otra, y de la imperfecta a la perfecta, la calidad que le quitan le era propia y connatural, y la que le dan le es estreia y no conocida; y por entonces siente la falta de la una, y no gusta ni

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ressentir l’absence de la première sans pouvoir apprécier ni découvrir si tôt les avantages de la seconde ; elle en éprouve une grande peine qui l’afflige, et pourtant le changement est plus avantageux. Notre vénérable Père connut tout ceci vers ce temps ; lui-même l’a prouvé par ces lignes : « Comme l’âme doit obtenir une vue et une appréciation divine, très noble, très savoureuse, de toutes choses divines et humaines, supérieure à tout sens et savoir naturel de l’âme, l’esprit doit s’amincir et s’endurcir quant au sens naturel et commun ; ce qui met l’esprit travaillé de cette influence purifiante en grande amertume et angoisse, et ôte à la mémoire tout acquis aimable ou paisible, lui laissant tout au fond l’impression que ressent une personne étrangère et inaccoutumée en tout, que toutes choses émerveillent parce qu’elles lui paraissent différentes de ce qu’elles étaient depuis toujours. Eh oui, ce genre de nuit dépouille l’esprit de sa manière normale et coutumière d’envisager les choses, pour l’amener à donner à toutes leur prix divin, ce qui est chose si neuve et si distante de tout coup d’œil humain que l’âme se croit comme hors de soi. Parfois elle se demande s’il n’y a pas enchantement ou mirage ; allant émerveillée de ce qu’elle voit ou apprend, elle trouve très neuves et très curieuses les choses qui l’occupaient habituellement. La cause de tout ceci est que l’âme se sépare et s’éloigne de la manière commune d’estimer et de voir les choses, pour la perdre totalement, et se trouver douée d’une divine, qui est

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percive aun las comodidades de la otra : lo qual le causa notable pena y aflicçion, aunque la alteraçion sea mas favorable. Todo esto experimentava tambien nro venerable Padre en este tiempo, como el lo significo por estas palabras : « Y porque el alma a de venir a tener un sentido y noticia divina muy generosa y sabrosa açerca de todas las casas divinas y humanas, sobre todo sentir y saver natural del alma, conviene al espiritu adelgaçarse y curtirse acerca del comun y natural sentir, poniendole por medio desta influencia purgativa en grande angustia y aprieto, ya la memoria remota de toda amigable y paçifica noticia, con sentido muy interior y temple de peregrinacion y estrañeza de todas las cosas, en que le parece que todas son estrañas y de otra manera que lo solian ser. Porque en esto va sacando esta noche al espiritu de su ordinario y comun sentir de las cosas para traerlo al sentido divino : el qual es estrallo y ageno de toda manera humana tanto que la parece a la alma que anda fuera de si. Otras veces piensa si es encantamento o enbelesamiento ; y anda maravillada de las cosas que ve y oye, pareçiendole muy peregrinas y estrafias, siendo las mismas que comunenente solia tratar. De lo qual es causa el yrse ya el alma haçiendo agena y remota del comun sentido

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de l’autre vie plutôt que de celle-ci. » (Nuit obscure, livre 2, chapitre Ix, au milieu).

Telles sont les expressions et les étapes de notre maître. Les unes et les autres, jointes aux aveux des ascensions, tantôt pénibles tantôt joyeuses, qui ont conduit son âme jusqu’à l’état de perfection, accusent une différence notable entre son expérience et celle d’autres contemplatifs. Les autres sentent leur souffrance sans se rendre compte exactement et logiquement des tenants et aboutissants de leurs épreuves ; tandis que notre vénérable Père et sa coadjutrice très éclairée, parce que le Saint-Esprit (nous le dirons ailleurs) leur a donné la charge de Docteurs en leur école, ont eu tant de lumière, que non seulement ils eurent une très haute connaissance de secrets divins très sublimes, mais encore furent capables de les manifester à d’autres ; en même temps qu’ils souffraient les tourments purificateurs, ils voyaient si clairement le détail des effets déposés en leur âme, qu’ils pouvaient l’exposer à d’autres, et leur servir ainsi d’instructeurs et de guides. Voilà pourquoi toutes les expériences de notre vénérable Père, étant celles d’un maître élu de Dieu pour mettre en la voie sûre les vrais contemplatifs, sont extrêmement utiles.

Dans le même chapitre, après le passage rapporté plus haut, il parle de la pénible angoisse, ressentie à l’époque où son âme eut

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y notiçia açerca de las cosas, para que aniquilada en este, quede informada en el divino, que es mas de la otra vida que de esta. »

Todas estas son palabras y experiençias de nro maestro. En las quales y en todo lo demas que diçe de las elevaçiones, ya penosas ya gustosas, por donde paso su alma al estado de perfeçion, se conoçera una notable diferencia entre su experiencia y la de otros contemplativos. Porque los demas sienten su padecer sin conoçimiento distinto y ilustrado de los efectos y fundamentos de sus penas : pero nro venerable Padre y su ilustradisima compañiera, como les avia concedido el Espiritu Santo aquel grado de los Doctores de su escuela, de que en otro lugar trataremos, por el qual los asi ilustrados no solo tienen altisimo conocimiento de los misterios divinos muy levantados, sino tambien habilidad para declararlos a otros; juntamente con sentir los travajos destas purificaçiones, eran ilustrados acerca dellas con particular distinçion de los efectos que haçian en su alma, para que los pudiesen declarar a otros, de quien assi an de ser guias y maestros. Y por esto todas las experiencias de nro venerable Padre, como de maestro dado por Dios para guia acertada de verdaderos contemplativos, son utilisimas.

Afiade en este lugar a las palabras referidas la penosa turbacion que padecio en este tiempo de las aprehensiones que haçe el alma contra

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peur pour elle-même, en se voyant si misérable qu’elle crut être perdue, et avoir dit adieu à tous biens pour toujours. De telles craintes et alarmes sont l’une des plus grandes croix qu’elle porte à ce moment. La cause de cette angoisse est le mouvement d’une âme qui passe de la paix imparfaite à la parfaite, cessant d’avoir celle-là pour s’enraciner en celle-ci, si excellente d’ailleurs qu’elle échappe à tout sens. Chemin faisant, notre Père, en maître bien renseigné, aide les contemplatifs dans leurs peines intérieures, leur donnant d’excellents avis pour qu’ils les prennent de telle manière, qu’ils ne dérangent pas le travail que Dieu est en train de faire dans l’âme grâce à cette influence afflictive purificatrice, et qu’ils n’accablent pas leur esprit de discours ou d’interventions actives de leurs puissances, mais qu’ils veuillent bien se contenter d’un acte général prolongé d’attention amoureuse et tranquille à Dieu, sans souci ni désir excessif de goûter ou de sentir Dieu (puisque c’est Dieu lui-même qui a mis ces puissances à la diète pour les guérir de leur malaise), et qu’ils se remettent en sa main durant cet acte universel pour tout ce qu’il voudra réaliser chez eux. Telle est bien la doctrine des Saints ; elle nous enseigne que toutes les influences divines opèrent dans le plus grand repos de l’âme ; c’est ce repos que préconisent de nombreux textes de saint Denys ; et notre vénérable Père en a prouvé l’utilité par l’exemple du portrait

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si, viendose en tanta miseria, pareciendole que esta perdida, y que todos los bienes se le an acavado para siempre. Las quales aprehensiones y sospechas son para clla una de las mayores aflicçiones que en este tiempo padece. De la qual es el fundamento la alteraçion del alma con que va caminando de la paz imperfecta a la perfecta, alterandose aquella para haçer asiento en esta, tan exçelente que sobrepuja todo sentido. Y de camino socorre, como maestro tan ilustrado, a los contemplativos en estos travajos interiores, dandoles excelente doctrina de como se an de aver en elios para no estorvar la obra que Dios va haciendo en el alma por medio desta influencia peílosa y purgative, y que no fatiguera el espiritu con discursos y actos inquietos de las potencias, contentandose con un acto universal continuado en una advertencia amorosa y sosegada en Dios, sin cuidado ni gana demasiada de gustarle ni sentirle (pues el mismo Señor las tiene entonces puestas en dicta para curarlas de sus dolencias), sino entregandose en sus manos en este acto universal para todo lo que quisiere obrar en ellos. Lo qual es conforme a la doctrina de los santos, que nos ensefia que todas las influencias divinas obran en el alma en su mayor quietud ; al qual se ordena una gran parte de los libros de san Dionisio ; y nro venerable Padre la persuadio con el exemplo

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qu’on est en train de peindre : se met-il à bouger, il empêche le travail que le peintre exécute sur lui, parce qu’il le veut parfait.

Chapitre 20e. Des blessures d’amour que NotreSeigneur lui fait à cette époque, pour lui donner un esprit neuf, au sens divin, et l’unir à soi-même.

C’EST DE CE DÉPOUILLEMENT DES HARDES DU VIEIL HOMME, donnant à l’âme de revêtir les splendeurs mêmes du Fils de Dieu, à qui elle doit s’unir par amour et par ressemblance, QUE NOTRE VÉNÉRABLE PÈRE A PASSÉ AUX BLESSURES D’AMOUR, dernière préparation à cette divine union, qui assure à l’âme raisonnable l’ultime félicité (cette vie en connaît le début, et l’autre, la plénitude). Tout ceci est l’effet de l’influence divine, qui a mis l’âme au feu avec tant de rigueur pour qu’elle devienne très pure ; car, saint Denys l’a dit, ce que l’âme raisonnable reçoit de la divine Sagesse lui devient purification, illumination, perfection. Le Saint-Esprit constate dans le même sens : c’est par la Sagesse que guérirent tous ceux qui plurent à Dieu. Et comme l’influence des dons de sagesse et d’intelligence est une similitude participée de l’Esprit-Saint, c’est par elle qu’il purifie d’abord les imparfaits de leurs imperfections ; puis, quand ils sont parfaits,

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de la ymagen que se esta pintando, que, si estuviese inquieta, impediria al pintor la obra que esta haciendo en ella para perficionarla.

Capit. 20. De las heridas de amor con que nro Seinor, le llago en este tiempo y renovo su espiritu a lo divino para unirle consigo.

DESTE DESPOJO DE LAS ROPAS DEL HOMBRE VIEJO, para ser vestida el alma de los resplandores del Hijo de Dios, con quien a de ser unida por amor y semejanza, PASO NRO VENERABLE PADRE A LAS HERIDAS DE AMOR, que disponen immediatamente para esta divina union, en la qual consiste la ultima feliçidad del alma raçional (començada en esta vida y consumada en la otra). Y lo uno y lo otro son efectos de la influencia divina, en que tan intensamente la cozieron para dexarla muy purgada ; porque, como diçe san Dionisio, el recivo de la divina sabiduria en el alma raçional es purgaçion, yluminaçion y perfeccion. Y lo mismo significo el Espiritu Santo quando dixo : por la sabiduria son sanos todos los que agradaron a Dios (Sap. 9, 19 ). Y como la influencia de los dones de saviduria y entendimiento es una semejança participada del Espiritu santo, con ella purga las aimas imperfectas de sus imperfecciones, y, despues de pur

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c’est par elle qu’il imprime en eux sa ressemblance. Et l’on comprend que Dieu reçoive le nom de Feu dans la Sainte Écriture : il travaille comme le feu, purifiant d’abord ce qu’il trouve de contraire à soi dans le sujet, puis imprimant sa ressemblance dans le sujet purifié, afin de le transformer en soi. Notre vénérable Père dit tout ceci, quand, pour nous faire toucher du doigt les phases de ce renouvellement, il donne l’exemple du bois attaqué par le feu, qui, avant tout, consume en ce bois ses contraires, PUIS LUI IMPOSE SA RESSEMBLANCE. LE FEU DIVIN REFIT ENCORE UNE FOIS CETTE ŒUVRE EN NOTRE PÈRE : LUIMÊME EN DÉCRIT LE DÉTAIL DANS LE LIVRE DE SES STROPHES MYSTIQUES [le Cantique spirituel] DE LA PREMIÈRE A LA ONZIÈME, MONTRANT QU’IL RECONNAÎT CHEZ LUI CE QUE LES SAINTS AVAIENT ÉCRIT DES BLESSURES ET TOURMENTS D’AMOUR, QUI SUIVENT CET AMER DÉPOUILLEMENT.

A vrai dire, le tourment de Dieu, ressenti à cette date, est pour une part l’effet du vide de l’âme, à présent séparée de tout ce qui l’empêchait encore d’aller à Dieu comme à son centre, (on y fait allusion ailleurs), mais il est en même temps l’effet d’une cause plus haute, de certaines flèches de feu d’amour, décochées par l’Époux divin pour blesser l’âme et l’embraser de plus d’amour. Ces flèches

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gadas, imprime en ellas su semejança. Y por eso se llama Dios fuego en las divinas letras,porque obra a modo de fuego, purgando lo que halla contrario a si en el sujeto, y, despues de purgado, imprimiendo en el su semejança, para transformarle en si. Lo cual declaro nro venerable Padre, en las noticias experimentales que nos da desta renovaçion, con el exemplo del madero embestido del fuego, que primero consume en el sus contrarios, Y DESPUES LE IMPRIMA SU SEMEJANÇA. Y OTRO TANTO HIÇO EN EL ESTE DIVINO FUEGO, CUYOS EFECTOS VA EL DESCRIVIENDO EN EL LIBRO DE SUS CANCIONES MYSTICAS DESDE LA PRIMERA HASTA LA UNDEÇIMA, VERIFICANDO EN SU EXPERIENCIA LO QUE LOS SANTOS DIXERON DE LAS HERIDAS Y ANSIAS DE AMOR QUE SUCEDEN A ESTE APRETADO DESPOJO.

Y, aunque en parte procedian estas ansias de Dios que en este tiempo sentia del vacio del alma, estando ya desocupada de todo lo que antes la impedia caminar a Dios como a su centro (segun se toco en otra parte), otra causa concurria aqui de grado superior, que eran unas saetas de fuego amoroso, que a su alma tirava el Esposo divino para llagarla y encenderla mas en su amor. Las quales eran algunas ilustra

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sont des lumières très vives, très pénétrantes du don d’intelligence, qui rend fort perspicace et donne une connaissance profonde des choses divines, sans leur unir la volonté avec ce plaisir reposant, fruit de la charité, qui relève du don de sagesse. Comme cette lumière puissante fait bénéficier l’âme de vues sublimes 3ur Dieu et sur ses perfections, sans l’unir à ces vues de la façon marquée, elle laisse l’âme en souffrance ; on pourrait dire : en l’air, entre Dieu et les créatures, sans prendre pied ici où là ; puisque cette connaissance si vive de Dieu l’élève plus haut que tout créé, mais ne réussit pas à l’unir au divin. Et l’âme expérimente ce que saint Thomas a dit d’elle : du Souverain bien, on lui présente de près l’odeur, et de loin la saveur ; on lui met le désir au cœur, et le plaisir... en la mémoire. Tout ceci vient d’une soif d’amour, d’autant plus véhémente que plus grande est la connaissance du bien qui fait défaut. Cette soif d’amour brûlant consume pleinement en l’âme tous les restes de l’amour porté aux créatures.

De ces flèches amoureuses et de la force perçante de celles que Dieu à cette époque décochait à l’esprit de notre vénérable Père pour le blesser d’amour, lui-même nous fait la description en commentant une de ses strophes. Voici ce qu’il en dit : « Sans compter bien d’autres espèces de visites que Dieu fait à l’âme pour la blesser et la hausser à son amour, il a coutume de dispenser certaines

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ciones muy vivas y penetrativas del don de entendimiento, que como perfeccion aguda da intimo conoçimiento de las cosas divinas, pero no une la voluntad a ellas con el deleite satisfactorio que proçede de la caridad, que es propio del don de saviduria. Pues, como esta ilustracion aguda da al alma unas noticias muy subidas de Dios y de sus divinas perfecciones, y no la une desta manera con ellas, dexala penando, y como en el ayre, entre Dios y las criaturas, sin haçer asiento en nada, porque este conoçimiento de Dios tan vivo la levanta de todas las cosas criadas, y no la permite aun unirse con las divinas. Y asi le suçede lo que diçe santo Tomas a este proposito, que le comunican el olor del sumo bien como de cerca, y el savor del como de lexos, y con este le ponen el deseo en acto, y el deleite solo en la memoria. Todo lo qual haçe sed de amor, tanto mas intensa quanto mayor noticia le dan de su bien ausente. Y con esta sed de amor inflamado van consumiendo del todo en el alma todas las reliquias del amor de las criaturas.

Pues destas saetas anzorosas y quan penetrantes cran las que en este tiempo embiava Dios al espiritu de nro venerable Padre para llagarle de amor, nos da el mismo notiçia en la declaraçion de una destas canciones, donde diçe asi : « Entre otras muchas diferencias de visitas que Dios haçe al alma con que la llaga y levanta a su amor, suele haçer

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touches enflammées d’amour, qui, à la manière de flèches de feu, blessent et transpercent l’âme pour la rendre toute dévorée du feu d’amour : avec raison on les appelle blessures d’amour. Viennentelles, la volonté se dresse rapide et prompte pour s’emparer du Bien-aimé, dont elle a ressenti la touche ; mais aussi rapidement elle sait qu’il est absent, et se voit gémissante. Ces visites par blessures d’amour ne sont pas comme celles dont Dieu use pour refaire et satisfaire l’âme, en la comblant de suavité paisible. Dieu les fait pour blesser plutôt que pour guérir, plutôt pour faire gémir que pour donner satisfaction. En somme elles n’ont qu’un but : donner une connaissance plus vive, un appétit plus fort, donc une douleur plus grave. Ces blessures enflamment si fort la volonté d’amour pour Dieu, que l’âme, dévorée d’un tel feu, paraît se consumer au milieu de ses flammes ; ce feu la fait sortir d’elle-même, pour la rendre absolument neuve et lui permettre de recevoir une nouvelle manière d’être. » (Cantique spirituel de saint Jean de la Croix, éditions de 1930 et 1933, Première strophe, 4, b ; 4, fg ; 4, c.)

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unos ençendidos toques amorosos, que a manera de saetas de fuego hieren y traspasan al alma y la dexan toda cauteriçada con fuego de amor : y estas se llaman propiamente heridas de amor. Con las quales se levanta la voluntad con subita presteça a la posesion del amado, cuyo toque sintio, y con esa misma presteça siente su ausencia y el gemido della. Porque estas tales visitas no son como otras en que Dios recrea y satisfaçe al alma, llenandola de paçifica suavidad ; pues estas las haçe mas para llagar que para sanar, y mas para lastimar que para satisfaçer. Y asi no sirven mas que para avivar la notiçia y aumentar el apetito, y por el consiguiente el dolor. 'Inflaman tanto estas heridas la voluntad en amor de Dios, que se esta el alma como abrasando en este fuego tanto que pareçe consumirse en aquella llama ; y la haçe salir fuera de si, para renovarse toda y pasar a nueva manera de ser. »


POSTSCRIPTUM : Le chapitre 20e est bien loin d’être terminé. Le lecteur que ce début aura mis en goût en pourra bientôt lire la suite, avec toute la finale du ms 8452.











Troisième partie : Notices et Études







FORTUNATO DE JESUS SACRAMENTADO OCD

est le seul auteur carme récent qui se soit vraiment intéressé à Quiroga37. On a de lui trois présentations imprimées :


Notice del diccionario Juan de la Cruz

José de Jesùs Maria, Quiroga, OCD (1562-1628) 38

“Nacié en Castro Caldelas (Orense) en 1562. Estudió en la Universidad de Salamanca, gracias a la protección de Andrés de Prada, futuro secretario de Felipe III. Su especialidad fue la teologia y el derecho canónico. Acabados los estudios, favorecido por su pariente el cardenal Gaspar de Quiroga, arzobispo de Toledo, pretendió la entrada en el Cabildo catedralicio toledano, el 15.4.1592; el cabildo comisionó a Antonio Tavares para hacer la informacién de limpieza de sangre. Tomé posesión de su ración el 15.7.1592. Pero ya el 2.2.1595 entró en los Carmelitas de Madrid. Su profesión del 2.2.1596 resultó ser inválida y sólo profesarfa válidamente el 11.2.1600. Ese mismo ano fue nombrado historiador general por Elfas de San Martin, general de los Carmelitas Descalzos. El 4.11.1603 està de prior en Toledo, siendo reelegido prior de la misma casa en el Capitulo de Pastrana de 5.6.1604. No tuvo más cargos de gobierno.

Su tarea fundamental fue la de escritor. Ya en 1600 publicó en Madrid la Primera parte de las excelencias de la castidad. Seguiria en Toledo en 1608 la Historia de santa Catalina, virgen y màrtir, desgajada de la segunda parte de Las Excelencias de la castidad. En 1613 vio la luz su Historia de la vida y singulares prerogativas del glorioso san José. En 1624 se publicaba en Uclés La Vida del Hno Francisco del Nifio Jesùs, que Quiroga no quiso reconocer como suya, pero que fue bien recibida, e incluso traducida a otras lenguas. Finalmente, en 1628, se editó en Bruselas en circunstancias no del todo claras, la Historia de la vida y virtudes del venerable padre fray Juan de la Cruz, Después de su muerte fueron publicándose otras obras. En 1562 la Historia de la Virgen nuestra seriora, editada en Amberes. En 1656 se publicó en Madrid la Subida del alma a Dios cuya segunda parte Entrada en el paraiso espiritual, vio la luz también en Madrid en 1659. La Concordancia mistica fue publicada por el cartujo Bernardino Planes en la cartuja de Montealegre en 1667. Posteriormente se publicaron: Don que tuvo San Juan de la Cruz para guiar almas a Dios, Toledo, 1914, la Apologia mistica en defensa de la contemplacicin divina, en francés en Toulouse y Paris, en 1990, y en castellano en Salamanca en 1991. Varias obras han quedado inéditas. De tema sanjuanista es también la Relación sumaria del autor de este libro y su vida, publicado en la edición de las Obras del Santo de 1618, sin nombre de autor. Exposición brave y sencilla con alguna inexactitud, corregida en la edición de 1619. Este esbozo biogràfico fue ampliamente desarrollado en la vida del Santo de 1628 con investigaciones personales y utilizando los procesos de las informaciones in genere de 16141618. La exposición, sin descuidar del todo el orden cronológico, esté orientada por la convicción de que en los escritos del Santo esté retratada su experiencia mistica. Conato laudable de interpretaci6n de su vida espiritual. En la Historia utiliza el Cántico espiritual no impreso en las ediciones españolas de 1618 y 1619.

Ademàs de biógrafo, Quiroga fue difusor de la doctrina sanjuanista. Lo cita alguna vez en la Subida del alma a Dios, copia pàrrafos enteros en la Entrada acompahados de elogios sanjuanistas. En la Historia varias veces remite al Cántico, segûn la redacción A. Hay que contar a Quiroga entre los primeros apologistas. Sus dos escritos Don que tuvo y Apologia en defensa de la contemplación mistica en el fondo son apologias de la doctrina sanjuanista. De modo particular defiende la actividad del alma en la contemplación de fe. No faltaron quienes atacaron sus obras, pero éstas recibieron el visto bueno de la Congregación Romana del Indice en 1707. Las impugnaciones ante la Inquisicion española Ilevaron a colocar la Subida entre los libros prohibidos en 1750. Las defensas por parte de la Orden lograron se alzase la prohibición en 1771. La Historia de S. Juan de la Cruz le acarreó un gran disgusto al ser prohibida por la Orden en Espaha y él privado del oficio de escribir, y, ademas desterrado al recién fundado convento de Cuenca. Alli murió el 13.12.1628. Su memoria fue rehabilitada con la publicación de sus obras e, incluso, la vida de S. Juan de la Cruz, en el fondo, sin corrección de sus ideas.”


BIBL. — FORTUNATO DE JESUS SACRAMENTADO OCD, El P. José de Jesus Maria y su herencia literaria, Burgos, 1971.

Fortunato Antolin39.



Début de l’introduction à l’édition de “Vida y virtudes…” 40.

San Juan de la Cruz goza de una historiografía abundante. Desde la primera relación de su vida, publicada como sección especial en la biografia de su hermano Francisco de Yepes del carmelita José Velasco /1, hasta hoy no le han faltado al santo fontivereño admiradores sinceros. No es de este lugar la exposición de este tema/2. Nuestro objeto es mucho más limitado y sencillo. Hacer la presentación de uno de los primeros biógrafos y de la vida de San Juan de la Cruz escrita por él. Nos referimos al P. José de Jesús Maria (Quiroga). Ofrecemos en primer lugar algunas noticias biográficas y a continuación haremos la presentación de su biografia sanjuanista.

I. EL P. JOSÉ DE JESÚS MARIA. DATOS BIOGRÁFICOS

José de Jesús Maria (Quiroga) no es un personaje desconocido, todo lo contrario. La bibliografia sobre él tampoco es escasa/341. Francisco de Quiroga vio la luz en Castro de Caldelas (Orense), en 1562, a lo que se dice. Nada se opone a esa fecha, aunque falten documentos para probarlo. Quedó pronto huérfano de padre, pero tuvo la fortuna de hallar en Andrés de Prada, secretaño de Felipe III, un protector cariñoso y desinteresado. Andrés de Prada se preocupó de que Francisco de Quiroga recibiera una educación esmerada, realizando sus estudios en la Universidad de Salamanca, en la facultad de Cánones. No ha faltado quien ha creido que se licenció in utro

1 VELASCO, JOSÉ, Vida y virtudes del venerable varón Francisco de Yepes. Valladolid, 1617.

2 Cf. ANTOLIN, F., Aproximación a las biografias sanjuanistas, en Teresianum 41 (1990) 473514.

3 Cf. FORTUNATO DE JESUS SACRAMENTADO, El P. José de jesas Maria y su herencia literaria, Burgos, 1971. xiixvi.


que Iure /4. No encontramos su nombre en las matriculas, pero son claros sus conocimientos en materia jurídica/5. Su estancia en Salamanca no se puede poner en duda/6.

Acabados sus estudios decidió emplear su vida al servicio de la Iglesia. Ignoramos cuándo y dónde recibió las órdenes sagradas. Consta, sin embargo, que ya en abril de 1592 deseaba ingresar en el cabildo toledano, del que su tío el Cardenal D. Gaspar de Quiroga, era arzobispo. El 15 de abril de 1592 el Cabildo comisionaba al racionero Antonio Tavares para hacer la información de limpieza de sangre que exigian los estatutos para ingresar en él. No habiéndose hallado impedimento el 13 de julio fue admitido a formar parte del Cabildo como racionero y tome posesión de su ración a través de su procurador Alonso de las Marinas/7. La vida de racionero no le satisfizo y había renunciado a su ración ya antes del 22 de enero de 1594. El 20 de noviembre del mismo agio murió el cardenal Gaspar de Quiroga, con lo que quedaba libre para abrazar la vida religiosa. Lo hizo dentro de la Reforma carmelitana, donde tenía ya algunos parientes. Francisco de Quiroga tome el hábito de carmelita descalzo en el convento de Madrid el dos de febrero de 1595. Allí profesó al año siguiente. Su formación en el noviciado fue sin duda conforme a la serialada en la Instrucción para criar novicios, aprobada por la Consulta, uno de cuyos miembros era San Juan de la Cruz, en 1590. La Instrucción era obligatoria para todos los noviciados. Además en Madrid se podia más fácilmente controlar la observancia de la Instrucción. Tuvo de maestro de novicios al P. Bartolomé de San Basilio que había convivido con San Juan de la Cruz en Granada, desemperiando el mismo oficio. Al llegar la fecha de la profesión, fue admitido a ella y la hizo el dos de febrero de 1596 /8. Emitida la profesión, el P. José de Jesús Maria —tal fue su nombre en la Orden— continue todavia un año en el noviciado antes de salir a estudiar. Los estudios hechos en Salamanca debieron parecer suficien

4 Asi por ejemplo, FLORENCIO DEL NIÑO JESÚS, El Padre José de Jesús Maria (Quiroga) (1652-1629) en Archivo Carmelitano, 1 (1931) 57. OTILIO DEL NIÑO JESÚS, Un mariólogo carmelita español del siglo XVII, en Revista Española de Teologia 1 (19401941) 1024.

5 Cf. en la Historia de la vida y excelencias de la Sacratisima Virgen Nuestra Señora, Amberes, 1652, L.I. cap. 12, n. 3; L.I. cap. 15, n. 2, L.I. cap. 32, n. 4.

6 Cf. José DE JESUS MARIA, Primera parte de las excelencias de la castidad, Alcalá, 1601, P.I, L.I, cap. 11, n. 3.

7 Cf. Acta capitularia Sanctae Toletanae Ecclesiae, vol. 20.

8 Cf. el Libro de Profestones de Madrid, fol. 29v. Ms 7.404. de BNM.


tes a los Superiores, los cuales pensaron valerse del P. José de Jesús Maria para un oficio de gran transcendencia.

Era un deseo sentido universalmente en la Reforma el de tener un historiador que relatase sus hechos. Desde 1562 en que Santa Teresa fundó su convento de San José en Avila hasta entonces habían sucedido muchas cosas: multiplicación de conventos de frailes y monjas, erección trabajosa de los Descalzos en provincia independiente del Provincial de los Carmelitas Calzados y posteriormente la separación total de la jurisdicción del General Calzado. Habían también pasado a mejor vida Santa Teresa, San Juan de la Cruz, Nicolás Doria. La Descalcez, rotas las vallas hispánicas, se había extendido por Portugal, Italia, e Indias. Se habían erigido los Desiertos... Ciertamente que parte de esta historia estaba narrada. Santa Teresa había escrito en sus Fundaciones las que ella había realizado. Pero el libro de las Fundaciones, aunque difundido en manuscritos, no había sido editado, y además era un relato incompleto. Se imponia, por lo mismo, comenzar a recoger de manera orgánica y sistemâtica las noticias, acudiendo a las fuentes más inmediatas y puras para mayor garantia de la narración escrita. El Oficio de Historiador General le fue confiado al P. José de Jesus Maria. El nombramiento para este oficio suele colocarse en 1597. Fue una decisión personal del General Elías de San Martin.

El P. Quiroga comenzó sin dilaciones la tarea de acumular material historiable. En la relación de su vida por el Historiador José de Santa Teresa, se lee: ,,Bajó por su consejo a la Andalucia, sabiendo abundar entonces de religiosos muy antiguos y capaces y que habían traído entre mano la mása de los primeros sucesos. Ellos y las monjas de Beas, Granada, Córdoba y Sevilla le dieron tales noticias... que pudo volver muy rico de ellas a Castilla; en ella aumentó el caudal... comunicando muy de espacio a las antiguas hijas de nuestra Santa Madre y a los primitivos que quedaban de Mancera, Valladolid y Pastrana» /9. La exactitud de las palabras del Historiador se confirma con los documentos que manifiestan su paso por Granada, Ubeda, Málaga, Valladolid y probablemente por Segovia. No parece exagerado pensar que dado su oficio no solo pasase por estos conventos y no por todos donde hubiese religiosos que hubiesen tratado a los Reformadores/10. No sabemos exactamente el tiempo que empleó en estos viajes de primera

9 Cf. JOSÉ DE SANTA TERESA, Reforma, L.XVII, cap. 25, n. 3.

10 Cf. nota 2, p. 12, nota 30-31.


recogida documental. Consta, sin embargo, que ya estaba en Madrid el 13 de abril de 1599, fecha en que acomparia al Hermano Francisco del Niño Jesús a visitar a la Reina doña Margarita de Austria.

Al tiempo que trabajaba en la Historia, José de Jesús Maria tuvo que simultanear nuevas ocupaciones: como superior y como procurador en el proceso de beatificación de Santa Teresa.

Superior

No hay seguramente en la biografia de Quiroga un asunto más embrollado que el de su superiorato. Los autores están desacordes sobre las fechas del mismo. Remitiendo a otro lugar, baste ofrecer las fechas que creemos más exactas/11. Consta que era prior de Toledo el 4 de noviembre de 1603. Fue reelegido en el Capitulo General de Pastrana de 5 de junio de 1605. Gobernó la casa hasta el Capitulo General celebrado en Pastrana en mayo de 1607. En el capitulo de 1607 quedó libre. Un intento de mandarle ir a Madrid de Prior al ir a Roma el que lo era, su homónimo José de Jesús Maria (Martinez), no llegó a llevarse a cabo.

En su oficio de superior procuró satisfacer escrupulosamente con sus obligaciones. En el plan externo en su tiempo tuvo lugar el traslado del convento a las afueras de la ciudad, junto al castillo de San Cervantes. El traslado respondía sin duda a los deseos de soledad de Quiroga, pero a la larga se reveló desacertado, y sólo con dificultad lograron los carmelitas entrar de nuevo en la ciudad en el lugar que actualmente ocupan los religiosos.

Procurador en el proceso teresiano

La causa de beatificación de Santa Teresa estaba en este tiempo en pleamar. Comenzadas las informaciones juridicas en 1591 en Salamanca y Avila, se ampliaron en 1595-1597 a otras ciudades de la Peninsula. Remitidas a Roma las informaciones causaron tal impresión que Clemente VIII enviaba el ocho de mayo de 1604 sus Letras a los obispos de Avila y Salamanca para abrir el proceso remisorial in genere. El General de la Orden, Francisco de la Madre de Dios, nombró procurador general al P. Tomás de Jesús que realizó con diligencia su comisión. Remitidas a Roma las informaciones Paulo V,

11 Cf. FORTUNATO DE JESUS SACRAMENTADO, El P. José de Jesùs Maria y su herencia literaria, pp. 1314.


el 24 de noviembre de 1607, daba facultad para proceder a las informaciones in specie, último paso para la beatificación. Pero sólo en agosto de 1608 salieron de Roma las Letras remisoriales, cuya ejecución venia cometida al cardenal de Toledo, con facultad de delegar en los Obispos de Avila y Salamanca. Llegadas a España las Letras Remisoriales, Alonso de Jesús Maria se apresuró a presentárselas al cardenal de Toledo. Por su parte Alonso de Jesús Maria nombraba procuradores suyos a vaños carmelitas entre los que se encontraba el P. Quiroga.

La intervención del P. Quiroga se limitó únicamente a las informaciones hechas en Madrid. El seis de octubre de 1609 se presentó ante el cardenal Sandoval suplicándole mandase ver las Letras Remisoriales y abrir el Rótulo donde estaba el interrogatorio, y aceptase la comisión. Por su parte Quiroga obró con diligencia. El examen de los testigos comenzó el trece de octubre de 1609 y terminó el diez de septiembre del año siguiente. Casi un año. El nùmero de los testigos examinados fue muy grande superando el centenar. Vaños de los testigos eran muy calificados, que habían conocido y tratado a Santa Teresa. Dentro del trabajo procesual tuvo lugar la comprobación de la autenticidad de los escritos teresianos. El 13 de noviembre de 1609 se cotejaron en la biblioteca del monasterio de El Escorial los originales teresianos con la edición de Salamanca de 1589. Quiroga aprovechó esta ocasión para pedir una copia notarial de los cuatro avisos que santa Teresa dio para los Descalzo/12. También se debe a Quiroga la comprobación del carácter milagroso de la incorrupción del cuerpo de Santa Teresa.

Con la intervención en el proceso teresiano de Madrid se cierra la actividad pùblica de Quiroga. Los últimos años de su vida los pasó segùn José de Santa Teresa en el «retiro de la celda». Años de trabajo literaño intenso: «Muchos años perseveró en ella, ya en Alcalá, ya en Madrid adelantándose cada dia en perfeccionar las obras que escribó/13. Y que no fueron pocas. Veámoslo.

El Escritor

José de Jesùs Maria ocupa un lugar importante en la literatura española, tanto si se considera la amplitud de su producción literaria como el influjo

12 Cf. BNM. ms 12036.

13 JOSÉ DE SANTA TERESA, Reforma, L.XVII, cap. 25, n. 5.



de sus escritos a través de las traducciones a lenguas extraites. Dada su producción de tema espiritual es de rigor considerarle como uno de los autores representativos de la espiritualidad en et siglo XVII. La composición literaria de Quiroga abarca prácticamente todo el tiempo de su vida en et Carmelo. Sus obras se pueden dividir en impresas y rnanuscritas.

Obras impresas

Siguiendo el orden cronológico de su impresión recordamos las siguientes:

1) Primera parte de la virtud de la castidad. Alcála, 1601. El original ms. se encuentra en la Biblioteca National de Madrid. ms. 12.609. Por el ms. se ve que aun después de concedida la licencia de impresión por el General Elías de San Martín, todavia añado 99 folios, aprobados por el Maestro Córdoba el 13 de enero de 1601.

2) Historia de Santa Catalina, insigne vírgen y mártir y comprobación da la victoria que alcanzó de los Philosophos Gentiles. Toledo, 1608. Formaba parte del segundo tomo de las Excelencias de la castidad, acabado hacía años.

3) Historia de la vida y singulares prerrogativas dei glorioso San loseph, padre putativo de Christo nuestro Senior y Esposo verdadero de la Virgen Maria, su Madre. Madrid, 1613. Esta obra es una recopilación de lo que había escrito en la Vida de la Santisima Virgen, a petición de algunos devotos de San José. La aprobacién de la Orden es de 1610. No ha tenido reediciones y aun los ejemplares que se conservan son muy raros.

4) En la edición de las Obras de San Juan de la Cruz, hecha en Alcalá de Henares en 1618 se halla una Relación sumaria del autor deste libro y de su vida. Es una relacién breve. Aunque algunos la atribuyeron al P. Diego de Jésus, que publicó en esta edición unos Apuntamientos, la autoria quiroguiana de esta relatión es indubitable. Ya el P. Alonso de la Madre de Dios (Asturicense) se la atribuyó y un confronte con la vida de S. Juan de la Cruz, posterior, lo confina plenamente/14.

5) Historia de la vida y virtudes del venerable Hermano fray Francisco del N Jesus, Religioso de la Orden de los Descalzos de N. Sra. del Carmen. Uclés, 1624. Aunque publicada a nombre del P. José el texto no responde exactamente a lo que él habia escrito, por lo que en la vida de San Juan de

14 Cf. FORTUNATO DE JESOS SACRASTNTADO, Ob. cit., pp. 58-60.

la Cruz, rechaza su patemidad. No se conserva hoy el autógrafo, que se hallaba en el Archivo General donde le vio el P. Andrés de la Encamación. No podemos saber, por lo tanto, hasta qué punto fue retocado por los editores. Aunque el autor se mostrase desagradado por esta impresión tuvo acepta-ción. Se tradujo al francés en 1627. En 1628 al latin, en Colonia. Nuevas ediciones españolas en Segovia, 1638; en Madrid, en 1670. En francés en 1637 y 1688. También fue traducida al italiano en 1629 en Brescia, y nuevamente en Génova en 1654 y al flamenco en 1657.

6) Historia de la vida y virtudes del venerable P. Fray Juan de la Cruz, Bruselas, 1628. De esta obra trataremos más adelante.

Estas fueron las obras que conoció impresas Quiroga. Después de su muerte han sido publicadas:

7) Historia de la Virgen Maria, nuestra Señora, con la declaración de algunas de sus excelencias. Amberes, 1652. En la dedicatoria del Provincial de los Carmelitas de Flandes al archiduque de Austria Leopoldo Guillermo le decía que la obra «cayendo de una en otra mano vino a parar casualmente y sin designio buscado en las de nuestro convento de esta villa de Bruselas, donde se veneró por algunos años cual tesoro escondido»/15. Obra de erudición asombrosa, elevándose a unos 260 el nùmero de autores citados, paganos y cristianos, antiguos y modernos, sin excluir a Santa Teresa y a San Juan de la Cruz. En su elaboración ya estaba trabajando en 1608 y no parece le dío la ùltima mano antes de 1621. Bien recibida por Superiores españoles éstos la reimprimieron en 1657. Posteriormente hubo ediciones en 1698, 1761, 1885, 1957. Hay ediciones italianas en 1658 y 1730.

8) Subida del alma a Dios que aspira a la divina unión. Madrid, 1657.

9) Segunda parte de la Subida del alma a Dios y entrada en el paraiso espiritual. Madrid, 1659. Estas dos obras abarcan en su conjunto la vida espiritual. Fueron reimpresas en Madrid en 1675, y en Salamanca en 1694, juntas las dos partes. En italiano se publicó la primera parte en Roma en 1664 y la segunda en Génova en 1669. Edición de ambas partes en Venecia en 1681, 1789 y de sola la segunda en Roveredo en 1730.

10) Concordancia mistica en la cual se trata de las tres vias purgativa, iluminativa y unitiva, se declara y concuerda entre si la doctrina de la Santa Madre Teresa de Jesùs con la de los Santos y Maestros de la vida espiritual que a lo mistico y escolástico han tratado de oración y contempla-



ción. La publicaba el cartujo D. Bernardino Planes, en 1667. No la publicaba como propia. La autenticidad quiroguiana de esta obra esta fuera de duda ya que por el P. Andrés de la Encarnación sabemos se conservaba autógrafa en el Archivo de la Orden/16.

11) Don que tuvo San Juan de la Cruz para guiar almas a Dios. Es el titulo con que el P. Gerardo de San Juan de la Cruz, ha publicado esta obra en los apéndices del tomo III de su edición de las Obras del místico Doctor San Juan de la Cruz, Toledo, 1914, pp. 511-570.

[12) [absent de l’imprimé de Fortunato, 1992]

13) Respuesta a algunas razones contrarias a la contemplación afectiva. Publicada también en el mismo volumen, III, 571-576. Posterior al escrito anterior, pues remite a él.

14) Apología en defensa de la contemplación divina contra algunos Maestros escolasticos que se oponen a ella. Se conserva en dos manuscritos de la Biblioteca Nacional de Madrid, ms. 4.478 y 4.287. Su publicación en español es inminente por parte de la Junta de Castilla y León. En francés ha sido publicada ya con introducción, y versión de Jean Krynen en Toulouse, 1990, y en español y francés por Max Huot de Longchamp en Paris 1990.

Obras inéditas

Recordemos en primer lugar los tres tomos de las Excelencias de la castidad. El historiador José de Santa Teresa al narrar los escritos de Quiroga escribe: «Los que dejó escritos y perfeccionados son: tres tomos grandes de la castidad en prosecución del primero»/17. Hoy se ignora su parádero.

Como hemos dicho, el P. Quiroga fue nombrado Historiador general de la Orden. Fruto de sus desvelos fueron las “Flores del Carmelo antiguo donde se refieren las virtudes esclarecidas y vidas ejemplares de los santos que hubo en la religión carmelitana desde que el gran profeta Elías la fundó por inspiración de Dios en el Monte Carmelo basta que los infieles mahometanos ocuparon las provincias de Oriente y destruyeron sus monasterios”. Se conserva autógrafo en el ms. 8 677 de la Biblioteca Nacional de Madrid. Pero este volumen corresponde al segundo tomo de la Primera parte. No sabemos adonde han ido a parar los otros tres tomos que escribió de historia de la Orden. Quiroga presentó esta obra a la censura de la Orden que no la aprobó. Queda la apologia de su obra en ms. 2 711, fol. 227-232.

16 Cf. ANDRÉS DE IA ENCARNAC1ÓN, BNM. ms. 3 180, fol. 107v.

17 Cf. JOSÉ DE SANTA TERESA, Reforma, L.XVII, cap. 25, n. 10.


Se conserva además el “Tratado de la oración y contemplación sacado de la doctrina de la bienaventurada Madre Teresa de Jesùs y del venerable padre fray Juan de la Cruz”. Autógrafo, incompleto, en las MM. Carmelitas Descalzas de Consuegra.

En los ms. 11.990 y 8.273 se conserva la Declaración del capítulo 22 de la Autobiografía de Santa Teresa de Jesùs. El 20 de agosto de 1622 aprobaba el Dr. Martin Ramirez este escrito.

En el ms. 7.006 de la Biblioteca Nacional se conserva autógrafo este escrito de Quiroga: Intercesión milagrosa de la Virgen Nuestra Señora. Donde se refieren muchos sucesos raros y ejemplos milagrosos que verifican cuán poderosa es su intercesión para el socorro de todas las necesidades de cuerpo y alma. Posterior al 1614 ya que habla de sucesos acaecidos ese año.

En ms. 8.452 se halla el escrito breve ,,Respuesta a algunas dudas sobre sequedades espirituales».

En el ms. 4.478 se contiene la Respuesta a una duda de la doctrina de S. Juan de la Cruz.

Finalmente en el ms. 2.711, se conserva lo que seguramente fue su primer escrito, que podemos intitular Dictamen sobre la conveniencia de carmelitas ermitañas, con ocasión de la fundación de Carmelitas Descalzas en Alcalá de Henares. El P. Quiroga no es favorable a esa experiencia.

Recordada la producción literaria del P. Quiroga es hora de detenemos un poco en la vida de San Juan de la Cruz.





Notice du Dictionnaire de spiritualité

11. JOSEPH DE JÉSUS-MARIE (QUIROGA), carme Déchaux, vers 1562-1628.

1. Vie. — Francisco de Quiroga naquit à Castro de Caldelas, province d’Orense (Espagne). On a l’habitude, sans preuve écrite, de placer sa naissance en 1562. Il fit ses études à l’université de Salamanque, probablement en droit. Ordonné prêtre on ne sait quelle année, il obtint par l’entremise de son oncle, le cardinal Gaspar de Quiroga, un bénéfice au chapitre cathédral de Tolède (1592), auquel il ne tarda pas à renoncer. En 1595, en effet, il reçoit l’habit de carme Déchaux au couvent de Madrid et y fait profession le 2 février 1596, sous le nom de Joseph de Jésus-Marie.

Peu après sa profession (1597 ?) et sans qu’il ait été jugé utile de lui faire poursuivre ses études, José est nommé historien général de l’ordre par le supérieur général, Ëlie de Saint-Martin. Cette charge lui fait visiter les couvents d’Andalousie et de Castille. De la fin de 1603 à mai 1607, il est prieur du couvent de Tolède. À partir de cette date, il change souvent de [colonne 1355] résidence (Madrid, Pastrana, Tolède, Alcala, etc.) et se voue à la composition et à la publication de ses ouvrages.

En 1628, paraît à Bruxelles son Historia de la vida y virtudes del V.P. Fray Juan de la Cruz, sans la per¬mission de l’ordre. L’intervention de Quiroga dans cette publication n’est pas claire. Toujours est-il que ses supérieurs le jugèrent coupable et le punirent dure¬ment ; il n’est pas exact de dire qu’ils lui retirèrent son office d’historien général, car Quiroga en avait été déchargé déjà en 1625. Envoyé au couvent de Cuenca, il y mourut peu après, le 13 décembre 1628.

2. Œuvres. — Quiroga fut l’un des plus féconds écrivains du Carmel réformé ; ses ouvrages touchent à divers domaines (histoire, spiritualité, mariologie).

1 ° Ouvrages imprimés. — 1) Primera parte de las excelencias de la castidad, Alcala, 1601; l’ouvrage comptait quatre volumes ; seule cette première partie fut publiée, -- 2) Historia de Santa Catalina... y comprobación de la Victoria que alcanzó de los filósofos gentiles, Tolède, 1608. — 3) Historia de la vida y singulares prerrogativas del glorioso San José, Madrid, 1613 (dédié à son homonyme, José de Jésus Maria, récemment élu supérieur général).

4) Relacion sumaria de la vida de San Juan de la Cruz, publiée anonymement dans la première édition des œuvres de Jean de la Croix en 1618 à Alcala (reprise dans l’éd. de Barcelone, 1619) ; de cette Relacion dépend la présentation du saint que publia René Gaultier dans sa traduction française des œuvres en 1621 et 1628 (cf. DS, t. 6, col. 146).

5) Historia de la vida y virtudes del V. Hermano Fray Francisco del Nino Jesus, Uclès, 1624; cet ouvrage fut publié avec des retouches d’une main étrangère et son auteur la désavoua pour des raisons doctrinales. Réimpressions : Ségovie, 1638, et Madrid, 1670. Trad. françaises par Matthieu de Saint-Jean (Paris, 1626, 1627, 1631) et par Cyprien de la Nativité (Paris, 1647; Lyon, 1688; cf DS, t. 2, col. 2669-2672) ; en latin, Cologne, 1628 ; en italien, par Jérôme de Sainte-Thérèse, Brescia, 1629, et Gênes, 1654 ; en flamand, Bruxelles, 1657. Cf DS, t. 5, col. 1034.

6) Historia de la vida y virtudes del V.P. Fray Juan de la Cruz, Bruxelles, 1628, 1632; Malaga, 1717, légèrement retouchée par ordre des supérieurs ; l’éd. de Burgos, 1727, est moins fidèle. Trad. italienne, Brescia, 1638 ; française, par Élisée de Saint-Bernard, Paris, 1638, et par Cyprien de la Nativité, Paris, 1642 ; latine, par Adrien de Sainte-Marie, Cologne, 1633.

Ont paru après la mort de Quiroga : 7) Historia de la Virgen Maria, con declaración de algunas de sus excelencias, Anvers, 1652. Toutes les éditions faites en Espagne (Madrid, 1657, 1791, 1957 ; Barcelone, 1698 ; Lérida, 1885) sont retouchées selon les avis de la Junta de la Inmaculada Concepción. Trad. italienne, faite sur l’original d’Anvers par Jérôme de Sainte-Thérèse, Padoue, 1658, et Naples, 1730.

8) Subida del alma a Dios que aspira a la divina unión, Madrid, 1656; Segunda parte de la Subida del aima a Dios y entrada en el paralso espiritual, Madrid, 1659. Les deux parties forment un seul traité sur la vie d’oraison, la première sur l’oraison ordinaire, la seconde sur l’extraordinaire. Autres éd., Madrid, 1675 ; Salamanque, 1694. Trad. italienne par Balthasar de Sainte-Catherine (Ie partie), Rome, 1664, et par Luc-François de Saint-Benoît (2e partie), Gênes, [col.1356] 1669 (réimprimées ensemble, Venise, 1681 et 1739 ; 2e partie seule, Roveredo, 1730).

La Bibliothèque nationale de Madrid conserve, tous autographes, les ms. 2231, 8301, 8452 et 7229, intitulés Entrada del alma ou Subida del alma a Dios. Ces mss. forment deux couples (2231-8301 et 8452-7229) dont le premier paraît être le plus ancien. Les mss. 2231 et 8452 contiennent ce qui se rapporte à la contemplation ordinaire ; les ms 8301 et 7229 traitent de la contemplation extraordinaire ou infuse. En ce qui concerne l’édition imprimée de la Subida, sa première partie a pour source le ms 11990, qui n’est pas autographe et qui est surtout dépendant du ms 8452 ; la seconde partie correspond au ms 8301, dont elle reproduit presque intégralement les livres 2 et 3 (excepté ce qui concerne les sécheresses spirituelles). Retenons que la première partie de l’édition présente moins de garantie de nous donner l’enseigne¬ment authentique de Quiroga, car elle diffère notablement des ms autographes. On trouve à la même Bibliothèque nationale de Madrid un groupe de ms concernant la Subida : 18 749 (70) (censures), 8717 (défense), 8712 (discussions), 8517, 8518, 8520, 8521, 8522 (apologies diverses).

9) Don que tuvo San Juan de la Cruz para guiar almas a Dios (fait à Tolède en 1614), dans l’éd. des Obras I du saint par Gerardo de San Juan de la Cruz (t. 3, Tolède, 1914, p. 511-570). — 10) Respüesta a algunas razones contrarias a la contemplación afectiva (ibidem, p. 571-576 ; Mensajero de Santa Teresa, t. 4, 1926, p. 132-135, 164-167, 197-200).

11) Concordancia mistica en la cual se trata de las très vias purgativa, iluminativa y unitiva, se déclara y concuerda entre si la doctrina de la S. Madré Teresa... con la de los Santos y Maestros de la vida espiritual, publié à Barcelone, 1667, par le chartreux Bernardino Planes + 1604, comme étant d’un auteur inconnu ; l’original était conservé à l’Archivo general de l’ordre à Madrid, selon le témoignage d’André de l’Incarna¬tion.

2 ° Sont restés manuscrits et sont conservés à la Bibliothèque nationale de Madrid (cf. Matias del Nino Jésus, dans Ephemerides carmeliticae, t. 8, 1957, p. 207-210) : 12) Flores del Carmelo antiguo (ms 8677, autographe); c’est le tomo segundo de la Primera Parte de l’histoire de l’ordre dont Quiroga rédigea quatre volumes. — 13) Apologia mistica en defensa de la contemplación divina contra algunos maestros escolasticos... (ms 4478, autographe ; ms 4287, copie); cette défense de Jean de la Croix, qui ressemble à l’apologie de Basile Ponce de Léon, ermite de Saint-Augustin, par son propos (cf. DS, t. 3, col. 400 ; t. 4, col. 1003), en diffère par la doctrine et la manière.

14) Declaración del capitulo 22 del libro de Nuestra Santa Madré Teresa (ms 11990 ; autres copies aux archives des carmes Déchaux de Tolède et des carmélites de Salamanque). — 15) Intercesión mila gros de la Virgen Nuestra Señora (ms 7006, autographe) : exposition doctrinale de l’intercession mariale confirmée par de nombreux exemples.

16) Dictamen sobre la conveniencia de carmelitas descalzas ermitanas (ms 2711, f. 380-385, incomplet); Quiroga n’approuve pas cette forme de vie carmélitaine. — 17) Respüesta a algunas dudas sobre las sequedades espirituales (ms 8452, in fine; autographe). — 18) Respüesta a una duda de la doctrina de San Juan de la Cruz (ms 4478, autographe, 5 f.). —-19) Tratado de la oración y contemplación sacado de la doctrina de la... madré Teresa de Jesûs y del V.P. Fray Juan de la [col.1358] Cruz, conservé, incomplet, chez les carmélites de Consuegra.

On ignore où se trouve actuellement L’Escala mistica (2 vol.), conservée au 18e siècle aux Archives générales de l’ordre.

3. Doctrine. — Nous ne nous arrêterons pas à la doctrine mariale de Quiroga ni à ce qu’il enseigne au sujet de la chasteté, mais uniquement à ce qu’il dit de l’oraison.

Quiroga est pleinement convaincu qu’il existe encore de son temps une déviation dans la doctrine communément répandue au sujet de la contemplation ; cette déviation tient dans un accent excessif mis sur l’activité naturelle au préjudice de l’illumination divine à laquelle la vie d’oraison doit normalement conduire. Dans l’exposé qu’il fait de l’oraison, il suit la doctrine des trois mouvements (direct, hélicoïdal, circulaire ; cf. DS, t. 3, col. 322), qu’il prend chez le pseudo-Denys et qu’il applique à la vie spirituelle tant ordinaire qu’extraordinaire (cf. DS, t. 3, col. 414-415). Nous n’exposons ici que ce qui regarde les mouvements direct et circulaire.

Le mouvement direct s’exerce par la méditation et la spéculation, qui vont des créatures à Dieu. La méditation est nécessaire comme préambule à la contemplation ; il existe entre les deux les relations de principe à fin et de cause à effet (Entrada del alma, ms 2231, livre 1, ch. 3). La matière de la méditation est tout ce qui sert à la connaissance et à l’amour de Dieu, en particulier les mystères de l’humanité du Christ (ch. 8). Pour être fructueuse, la méditation doit avoir trois parties, ou trois démarches : elle discourt par le moyen de figures imaginaires ; elle pèse avec l’esprit ; elle se repose, attentive et aimante. Qui médite doit peu s’arrêter au premier temps, davantage au deuxième et terminer par le troisième où il reçoit la lumière du don de sagesse.

La répétition de ces actes, de méditation en méditation, forme un habitus, qui est condition indispensable pour passer à la contemplation. La contemplation exige en effet dans l’esprit cet habitus de la méditation, c’est-à-dire, en termes scolastiques, la suffisance d’espèces intelligibles dans l’intellect possible. Il exige en outre dans l’appétit sensitif « algûn sabor de las cosas espi- rituales y moderación comenzada de las pasiones » (ch. 23; Don que tuvo.., n. 2 et 6). Ces deux conditions sont d’ordinaire réunies après quatre ou six mois, si on y a travaillé sérieusement. Il existe de plus des signes qui indiquent que le moment de passer à la contemplation est venu ; Quiroga reprend ceux que donne Jean de la Croix [Entrada... , ms 2231, livre 1, ch. 27).

Le mouvement circulaire est celui de la contemplation ; celle-ci, en tant qu’elle diffère de la méditation et de la contemplation naturelle, est « cet acte principal par lequel on contemple Dieu en lui-même, sans (référence à une) ressemblance connue, avec la lumière simple de la foi, éclairée par les dons du Saint-Esprit » (Historia de las excelencias de la Virgen Maria, livre 1, ch. 27; Subida. , ms 8452, livre 1, ch. 15). Durant cette vie, la contemplation chrétienne admet une double forme : la contemplation par mode humain et celle par mode supra-humain [Apologia.. , ch. 2). Ce qui les distingue entre elles, ce sont les aides qui y interviennent ; elles sont communes dans la première, particulières dans le mode supra-humain ou infus.

Les dons de l’Esprit opèrent dans les deux, éclairant l’âme d’une manière plus ou moins vive [Apologia.. , ch. 2 ; Don que tuvo.. , n. 2 ; Entrada. , ms 2231, livre 2, ch. 10). Il semble que chez Quiroga cette lumière plus ou moins grande, qui est donnée dans les deux modes de la contemplation, s’entende uniquement dans un sens psychologique. Il n’apparaît pas qu’il fasse une distinction entre la surnaturalité de la foi et les dons du Saint-Esprit. L’illumination du Saint-Esprit requiert la quiétude de l’activité purement naturelle de l’entendement, lequel doit s’arrêter à la pensée de Dieu tel que la foi le présente, mais elle exige l’activité et l’effort de la volonté tendant vers Dieu.

La contemplation ordinaire fait partie de la voie normale vers la sainteté et tout chrétien peut y atteindre s’il s’y dispose convenablement. Il est permis de la désirer et de la rechercher par les moyens enseignés par les saints [Entrada, ms 2231, livre 2, ch. 11) ; elle est obligatoire pour les religieux carmes (ibidem).

La contemplation extraordinaire comprend toutes les élévations surnaturelles correspondant aux trois mouvements de l’âme. Celles qui surviennent dans le mouvement direct vont du sensible au spirituel ; celles du mouvement hélicoïdal sont communiquées à l’intérieur de l’âme et s’étendent de là aux actes extérieurs, mettant en œuvre les motions divines ; celles du mouvement circulaire procèdent d’illuminations divines reçues dans l’acte supérieur de l’intelligence et de la volonté sans forme ni figure sensible. Suivant en cela l’enseignement des deux réformateurs du Carmel, Quiroga établit une échelle des grâces surnaturelles : recueillement infus sensible, quiétude, recueillement plus profond, ivresse spirituelle, « théologie mystique », ivresse spirituelle plus grande, angoisse d’amour, touches divines, union simple, union de rapt, mariage spirituel.

Ces communications sont éprouvées d’une manière savoureuse, mais elles sont entremêlées d’autres communications « peineuses », qui correspondent aux nuits sanjuanistes et qui aident à pénétrer dans l’état de contemplation [Entrada, livre 1, ch. 3 et 13), avant d’arriver à l’état d’union (nuit de l’esprit ; ibidem, ch. 26 — 27). Les grâces savoureuses sont une purification par le feu ; les « peineuses », une purification par l’eau (ch. 18).

Qu’elle soit selon le mode humain ou le mode supra¬humain, la contemplation est marquée par un mouvement vers la perfection ; elle est ordonnée à l’union à Dieu par amour et par ressemblance. La contemplation ordinaire, dit Quiroga, « est ordonnée principalement à enflammer la volonté au feu de l’amour de Dieu et à augmenter en elle la charité » [Subida. , ms 8452, livre 2, ch. 2 ; Don que tuvo... , n. 21). À la différence de la méditation qui a pour but les vertus morales acquises, la contemplation tend à l’augmentation des vertus infuses, surtout de la charité. Elle doit garder une dominante nettement affective [Apologia, ch. 7). L’âme, dans la contemplation ordinaire, peut avoir une activité surnaturelle et parvenir à l’union de la volonté, qui est nécessaire et suffisante pour la perfection chrétienne [Entrada, livre 2, ch. 4). La contemplation infuse conduit d’une manière plus rapide et plus radicale aux ultimes degrés de cette perfection, en dotant les très rares âmes qui parviennent au mariage spirituel d’un état semblable à celui d’Adam avant le péché (livre 3, ch. 2). Cet état comporte la perfection morale et aussi la perfection psychologique des puissances supérieures. [col.1360]

Quiroga n’a pas la prétention d’enseigner une doctrine nouvelle. Il recourt constamment aux autorités de la tradition spirituelle chrétienne. Ses citations de la Bible sont fréquentes. Parmi les Pères, il s’inspire surtout d’Augustin, de Grégoire le Grand, d’Ambroise. L’influence du pseudo-Denys est constante, qu’elle vienne de ses écrits ou de ses commentateurs, Hugues de Saint-Victor, Rupert, Albert le Grand, Thomas d’Aquin. Ce dernier est amplement utilisé dans le domaine proprement théologique. Les auteurs spirituels classiques les plus souvent invoqués sont Bède le vénérable, saint Bernard, saint Bonaventure, Hugues de Balma, les victorins, Gerson, Jean Ruusbroec, Jean Tauler, Harphius. On remarque l’absence quasi complète des auteurs de la Devotio moderna et de l’Espagne du 16e siècle, à l’exception de Thérèse d’Avila et de Jean de la Croix, dont l’influence en matière de doctrine spirituelle est prépondérante.

L’influence de Quiroga s’est fait sentir non seulement dans l’école carmélitaine, qui tient généralement compte de ses positions, mais encore en dehors d’elle ; on rencontre des citations de Quiroga chez le mercédaire Juan Falconi (f 1638 ; DS, t. 5, col. 35-43), les capucins Antonio de Fuentelapefia (f vers 1702 ; DS, t. 1, col. 711-712) et Isidro de Leon (17e s. ; DS, t. 7, col. 2096-2097), chez le dominicain Thomas de Vallgornera 11 665, le minime Gabriel Lopez Navarro (f vers 1647), chez le dominicain Pedro Villalobos (fin 17e s.) et chez le chartreux Jéróme Spert +1670. Notre carme a aussi influencé les ouvrages du cardinal Pier Matteo Petrucci +1701, bien qu’on ne puisse dire qu’il lui ait fourni sa doctrine quiétiste. Cependant, au début du 18e siècle, les œuvres de Quiroga furent soumises au jugement de la congrégation de l’Index ; la sentence de cette dernière, le 7 juin 1707, les déclara exemptes du quiétisme que leur reprochait le capucin Félix de Alamin (f vers 1727 ; DS, t, 5, col. 128-129). Par la suite, le texte imprimé de la Subida del alma a Dios fut prohibé par l’inquisition espagnole de 1750 à 1771.

Florencio del Nino Jésus, El P. José de Jésus Maria.., dans Archivo carmelitano, t. 1, 1931, p. 55-74. — Silverio de Santa Teresa, Historia del Carmen descalzo. , t. 9, 1940 (voir table). — Otilio del Nino Jésus, Un mariólogo carmelita... José de Jesûs Maria. , dans Revista espanola de teologia, t. 1, 1941, p. 1021-1056; Un libro inédito del P. José... (= Intercesián milagrosa de la Virgen Maria), dans El Monte Carmelo, t. 48, 1944, p. 18-29, 111-116 ; La mediación universal de Maria en el P. José.., ibidem, t. 65, 1957, p. 170-223.

José Maria de la Cruz, El P. Quiroga. Una vida, una obra, un proceso, ibidem, t. 63, 1955, p. 257-286. — Enrique del Sagrado Corazon, Notas del proceso inquisitorial contra la « Subida del alma a Dios »... Autenticidad de la obra, dans Revista de espiritualidad, t. 14, 1955, p. 76-82. — J. Krynen, Denys le mystique et saint Jean de la Croix, thèse inédite, 1955 ; Apologia mistica”. Opuscule inédit de José de Jesûs Maria. , thèse complémentaire, inédite, 1955.

Matias del Niño Jésus, dans Ephemerides carmeliticae, t. 8, 1957, p. 237-240 (remarques bibliographiques). —E. Allison Peers, Studies of the Spanish Mystics, t. 3, Londres, 1960, p. 46–54, 290–292 et table. — Fortunato de Jésus Sacramentado, El P. José de Jesûs Maria y su herencia literaria, Burgos, 1971, extrait dans El Monte Carmelo, t. 79, 1971, p. 77-124.

DS, t. 2, col. 175-177, 184-185, 191-192; t. 7, col. 1106-1107 (Humanité du Christ), 1498-1503 passim (Images et contemplation).

FORTUNATO DE JESUS SACRAMENTADO.





JEAN KRYNEN

La mystique baroque dans le Carmel de la Réforme

[Pour comprendre le manque d’intérêt de la majorité des carmes pour Quiroga je propose de reprendre l’histoire de l’Ordre tel qu’il est exposé au chapitre III de la troisième partie de l’ouvrage de Jean Krynen : « Mystique chrétienne et théologie moderne, saint Jean de la Croix et l’aventure de la mystique espagnole 42» :]

CHAPITRE III La mystique baroque dans le Carmel de la Réforme

Le courant luisien chez les carmes espagnols, p. 286. —1. Leur thérésianisme et le manifeste de la nouvelle école, p. 287. —2. La nouvelle synthèse doctrinale de Thomas de Jésus, p. 300. — La contemplation infuse extatique et fruitive, p. 306. —3. La contemplation acquise, p. 319. —4. Le point de départ du quiétisme, p. 322. — Appendice I : L’édition de 1618 et la doctrine de Thomas de Jésus, p. 325. — Appendice II : Le problème du Cantique spirituel et la critique, p. 324. — Appendice HI : La postérité de la doctrine de Quiroga en Espagne, p. 331.

L’histoire de la spiritualité mystique, telle qu’elle s’est développée en Espagne entre 1600 et 1630 chez les carmes de la Réforme, constitue un des paradoxes surprenant. Quelques années plus tôt, un merveilleux retour de la tradition s’était opéré justement chez eux, à travers l’œuvre des deux réformateurs, dans une complémentarité de vocation providentielle. Sainte Thérèse était une extatique, saint Jean de la Croix l’était également ; mais sa voie n’était pas entièrement tributaire des phénomènes mystiques extraordinaires comme le fut celle de la sainte Fondatrice jusqu’à son élévation en 1575-1577 (elle avait soixante ans) au mariage spirituel. C’est dans sa prison de Tolède en 1577-1578, dix ans après sa profession dans la Réforme (il a tout juste trente-cinq ans), que saint Jean de la Croix connut ce suprême accomplissement. Leurs doctrines, par des cheminements pour ainsi dire opposés, convergèrent sur les sommets des Demeures et du Cantique spirituel, ainsi que de la Vive Flamme. L’analyse et l’histoire démontrent que cette sublime rencontre s’est accomplie dans un échange mutuel où il est parfois difficile de dire qui a influencé l’autre. Cette merveille palpable dans leurs écrits a été très tôt soulignée par certains carmes bien renseignés et bien disposés. Mais tel ne fut pas le cas général.

Dans les années qui suivirent la mort de saint Jean de la Croix (1591), sa doctrine ne semble pas avoir été bien connue. Par contre, celle de sainte Thérèse passait au premier plan d’une actualité polémique du fait qu’elle était dénoncée à l’Inquisition, et se voyait vigoureusement défendue, en particulier par Louis de Léon. Fait capital, l’Apologie que ce dernier a composée en 1589, un an après l’édition des livres de la sainte Mère, faisait valoir, contre les détracteurs, l’utilité de publier les merveilles de Dieu dans les âmes des saints et donc toutes les révélations dont les ouvrages de sainte Thérèse étaient remplis. Son plaidoyer semblait impeccable.

Il l’avait développé en 1587 dans sa Lettre - Dédicace à la prieure du couvent des Déchaussées de Madrid et à ses compagnes, la fameuse mère Ana de Jestis. Si les révélations véritables ont l’Esprit-Saint pour auteur, pourquoi ne mériteraient-elles pas d’être connues et publiées ? Si Dieu parle à ses amis, serait-ce pour que nul ne s’en avise ? Celles que reçut Thérèse sont attestées depuis sa mort et par ses miracles. Ne pas vouloir qu’on en parle c’est, en quelque sorte, faire injure au Saint-Esprit. Celui qui en jugera comme il sied, ne saurait approuver que ces révélations demeurent ensevelies. On y apprendra à distinguer les vraies des fausses. Et d’ailleurs jamais la sainte Mère n’a recommandé de se gouverner sur semblables faveurs, mais au contraire de ne tenir pour révélé que ce que l’Église a reçu de Dieu dans les Saintes Lettres et ce que dicte la sainte et saine raison. La voie qu’elle a recommandée est celle de la plus rigoureuse mortification des attaches du cœur, de la plus grande nudité et désappropriation de nous-même et de tout. Cela ne veut pas dire que la connaissance des merveilles de Dieu pour ses amis, des délices qu’Il accorde aux âmes, ne soit pas très utile. Elles sanctifient qui les lit. Elles suscitent son admiration et l’entraînent dans l’amour de Dieu. Comment la connaissance des merveilles secrètes de Dieu pourrait-elle nuire à personne ? Une seule chose est à craindre : c’est de rencontrer sur ce sujet ceux qui veulent mener tout le monde selon leur esprit et désapprouvent tout ce qu’ils n’ont pas ordonné ou recommandé. Il ne faut pas leur faire crédit. Bien sûr, concluait Louis de Léon, il convient de demeurer prudent, car ces grandes faveurs divines ne vont pas toujours de pair avec « la grâce qui sanctifie » ou « n’y mènent pas toujours », comme on le voit « dans la [grâce de la] prophétie qui peut exister même chez qui est en état de péché ». Cependant, dans le cas de la Mère, on sort de l’ordre commun. Admiration et prudence doivent donc aller de pair chez celui qui lira ces inestimables écrits.

Mais il est bien évident que la question de l’édition des écrits de la sainte mise à part — depuis les origines du christianisme les hagiographies n’en étaient-elles pas remplies autant que les vies de sainte Brigitte, de sainte Gertrude, de sainte Catherine de Sienne ? Comme le rappelait Louis de Léon — restait la question théologique de la nature de ce genre de grâces divines et de leur rapport avec la grâce qui sanctifie, autrement dit, la question posée par saint Jean de la Croix et qui, nous l’avons vu, est au cœur de sa conception de la grâce mystique. Or, nous le savons, sur ce point, Louis de Léon est en total désaccord avec lui. La vision ascético-mysticisante de Fray Luis devait néanmoins passer chez les carmes qui la firent valoir, prenant aussi résolument le parti de Louis de Léon face à saint Jean de la Croix, que celui-là avait pris le parti de sainte Thérèse contre ses malheureux détracteurs. La question des révélations servait de révélateur à la crise ouverte chez les carmes espagnols avec l’émergence d’une « école thérésienne » manifestement indépendante de la doctrine de son fidèle compagnon.

Il ne s’agissait pas seulement d’un courant reflétant l’influence des rhéno-Flamands, mais bien d’un courant national, espagnol, remontant à Louis de Léon, et tributaire de la théologie moderne que l’augustin avait, l’un des premiers, illustrée chez lui, une théologie fondée sur le séparatisme de la nature et du surnaturel. Mais, dès 1600, ce courant thérésien purement castillan interfère avec le courant de la mystique abstraite venu du Nord et donne naissance à l’étonnante synthèse du champion espagnol de la déviance au XVile siècle, le carme Thomas de Jésus. Dès ces années, en effet, dans un cours professé à Séville, il avait opté en faveur de la problématique de Laredo et de Ruusbroec en faisant dépendre la surnaturalité de la théologie mystique du miracle de l’illapsus immédiat du Saint-Esprit dans l’âme : de ce fait l’union mystique se situait dans un au-delà de la vie de la grâce des vertus théologales et des dons, dans le domaine de la vie suressentielle ou suréminente étrangère au régime de la foi/1.

**

1. La mystique, selon Louis de Léon, était essentiellement union de conformité de la volonté à la volonté divine, fruit de l’effort du sujet aidé des secours « ordinaires » de la grâce, mais une ascèse surmontée d’une mystique des lumières extraordinaires de la grâce gratuitement donnée (prophétique). Cette conception d’une mystique comme mystique des Lumières extraordinaires de l’oraison a fait une entrée bruyante dans l’Espagne des dernières années du règne du Roi Très-Catholique Philippe II. Lors de sa dernière maladie, le prieur de l’Escurial, futur biographe de sainte Thérèse, le P. Diego de Yepes, avait lu à l’infante Isabelle et au Roi une traduction du Joyau spirituel de Louis de Blois. Philippe II aurait proposé au P. Castañiza de préparer une traduction castillane des Révélations de sainte Gertrude, tant l’ouvrage de Louis de Blois lui avait paru admirable. La chose paraissait irréalisable, l’Index de Quiroga en 1583 ayant prohibé la libre circulation des révélations de sainte Catherine de Gênes. À quatre reprises, le Conseil royal devait donc refuser l’autorisation de publier le livre qui parut finalement en 1601 sous le titre : Insinuation de la Divine Piété assortie de quelques Discours explicatifs (il s’agissait de la première partie de la traduction du Héraut de l’Amour divin) et encore en 1607, avec la seconde partie sous le titre de Lumière des merveilles de Dieu.

Le titre complet et pompeux annonçait le programme de la nouvelle école. Les Discours de l’édition de 1607 n’étaient pas du traducteur, le bénédictin Leandro de Granada, mais bien du second historiographe de la Réforme de sainte Thérèse, petit-neveu de celle-ci, Francisco de Santa-Marfa (Fernando Pérez del

1 Voir infra, pp. 296, 302, 307, 311, 312 n. 53.

Pulgar y Sandoval) né à Grenade en 1567. Condisciple de Thomas de Jésus à Salamanque, il entra au Carmel en 1587 et décida celui-ci à y entrer à son tour en 1588. Il s’agissait bien d’un ouvrage qui, prenant occasion de l’autorisation du Conseil Royal de publier les Révélations de sainte Gertrude, rendait publique la doctrine de l’école en formation, autour, principalement, de Francisco de Santa Marta et de Thomas de Jésus. Cette Lumière des Merveilles que Dieu a prodiguées depuis le commencement du monde, aux âmes de ses Prophètes et de ses Amis, tant dans la loi naturelle et la loi écrite que dans la loi évangélique de grâce : par visions et paroles extérieures aux sens corporels : par visions et paroles imaginaires en l’imagination et puissances sensitives : par visions et paroles intellectuelles dans le centre de l’âme et dans la partie la plus pure et la plus relevée de ses puissances, et par la communication souveraine de sa Divine Nature, qui se fait par grâce, où l’on traite des apparitions de Dieu, du Christ, des Anges, des saints glorieux, des âmes du Purgatoire aux vivants avec aussi un épitomé de théologie mystique : où l’on résout ce qu’il y a de plus difficile dans la Théologie mystique. Son auteur est Léandre de Grenade, moine de l’Ordre du glorieux saint Benoit et Lecteur de Théologie. Il est adressé au Cardinal Archevêque de Tolède, Primat des Espagnes, Illustrissime Seigneur Don Bernardo de Rojas y Sandoval.

Ce titre en dit long. L’ouvrage est une fin de non-recevoir adressée à la doctrine la plus significative d’un certain Père Jean de la Croix, jamais cité, mais toujours présent, concernant le renoncement aux appréhensions surnaturelles distinctes. Il n’est pas, chez saint Jean de la Croix, un reniement. Le docteur mystique ne nie pas que Dieu éclaire les contemplatifs chrétiens tout au long de leur cheminement dans la voie de l’union d’amour, qu’il les gratifie de dons prophétiques, merveilles de sa Lumière — aujourd’hui, comme hier, au temps de l’Ancienne Alliance. Non seulement il admettait l’existence de telles faveurs, mais il en marquait la nécessité, il en soulignait surtout la nature et la finalité. Ce qu’il en a dit montre qu’il appréciait à leur juste valeur, et mieux que quiconque, le bienfait spirituel de ces charismes dont Dieu honore parfois l’homme. Mais il ne les a pas confondus avec les faveurs qui constituent la substance de la contemplation secrète propre à la sainteté. Il a affirmé avec autorité que ceux-là accompagnaient celle-ci, qu’ils y coopéraient, qu’ils la manifestaient parfois. Jamais il ne leur a accordé la prérogative qui ferait des charismes plus que des accidents de la contemplation secrète ; moins encore leur a-t-il accordé l’exorbitante prérogative de constituer à eux seuls une contemplation d’un autre ordre que la contemplation la plus haute communiquée dans la foi, une contemplation d’essence béatifique supérieure à celle que procure l’illumination de la foi par les dons du Saint-Esprit.

Tout en réservant le cas de quelques rares exceptions (Moïse, Élie, saint Paul ont pu être gratifiés d’une vision transitive de la gloire), saint Jean de la Croix affirme avec force que, même au sommet de la plus haute contemplation, c’est toujours au sein de la foi que l’âme est illuminée par une lumière divine qui l’atteint plus profondément que ne peut le faire la lumière des plus hauts charismes. Telle est la lumière divine qui communique à l’âme l’intelligence secrète, confuse et amoureuse de la foi très illuminée. Cette doctrine était bien faite pour réfréner, chez les professionnels de l’intelligence, toute prétention à couronner la théologie de l’École d’une théologie extraordinaire proprement miraculeuse, dussent-ils n’en attribuer la prérogative qu’aux seuls Pères de l’Église et aux grands mystiques.

C’est de cette claire vision de la structure de l’expérience mystique que le docteur de la Nuit a déduit, avec une logique que d’aucuns jugent impitoyable, la nécessité d’une pratique inaliénable de la pauvreté spirituelle, conformément à la loi évangélique et à la droite raison. C’est au prix d’une prédilection pour l’obscurité translumineuse de la foi, prédilection parfois héroïque à l’heure où l’attrait des appréhensions surnaturelles distinctes risque de devenir la pire des tentations, que saint Jean de la Croix sauvegarde chez le contemplatif la pureté et la haute visée divine de l’union d’amour. Car il savait qu’on ne peut allier jamais le pur désir de Dieu et le désir des révélations, même au terme de l’ascension mystique. S’attacher aux dons transformants de Dieu – compromettre irréparablement, parfois même d’une manière sacrilège, le travail que Dieu se réserve dans les âmes —, c’est finalement introduire dans la contemplation surnaturelle infuse une aspiration déraisonnable à dépasser les limites de la nature humaine, prétention spirituelle contre nature. Lorsqu’il exige du contemplatif chrétien le renoncement aux révélations, qu’il en bannit le désir serait-ce au titre de disposition à l’union, c’est en vertu des principes fondamentaux d’une théologie qui lui enseignait que la grâce sanctifiante est seule cause de la contemplation infuse propre à l’union d’amour, ciencia de amor, les charismes qui l’accompagnent relevant, comme la prophétie ou le miracle, de la grâce gratis data.

Or, la Mystique des Lumières, telle qu’elle fait son apparition dans les deux ouvrages de 1601 et de 1607, méconnaissait délibérément le bien-fondé de ces principes : elle réalisait exactement ce que saint Jean de la Croix avait voulu bannir. La première divergence concernait la critique des appréhensions surnaturelles distinctes : à la critique positive de saint Jean de la Croix, on substituait une apologie des révélations particulières. La seconde divergence, qui explique la première, concernait les principes eux-mêmes : à l’enseignement de saint Jean de la Croix relatif à la science d’amour propre à la grâce sanctifiante, on substituait une doctrine dévaluée de la théologie mystique comme science miraculeuse de l’intellect, doctrine qui était appelée à devenir « classique » au Grand Siècle.

La portée du débat entre le docteur du Carmel et les « Thérésiens » espagnols de la Mystique des Lumières était considérable. Pouvait-on concilier cette mystique et la mystique de la foi ? Ne fallait-il pas nécessairement choisir ?

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Il y a eu, nous dit-on, et il y a dans l’Église, beaucoup de révélations particulières. Par elles Dieu a découvert aux hommes l’immensité de son Amour. Elles sont l’une des voies par lesquelles les saints se sont le plus rapprochés de Lui, entraînant derrière eux le plus grand nombre. Mais ce chemin aisé, le démon l’a parsemé d’embûches. Telle est l’origine des doutes que certains ont conçus à l’égard des révélations.

Aux uns, le démon inspire un désir immodéré des révélations, leur laissant croire qu’elles sont la voie sûre et unique du salut ; aux autres, il leur donne à entendre qu’elles sont toutes fausses, l’aveuglement de la chair, le manque d’expérience aidant. Il faudrait cacher ces sublimités aux esprits grossiers et ineptes, comme Denys en faisait la recommandation à son disciple Timothée lorsqu’il l’instruisait dans les secrets de la théologie mystique qui s’exerce particulièrement dans ces révélations. Le Christ n’a-t-il pas dit aussi à ses disciples qu’il parlait en paraboles, « afin que voyant ils ne voient pas et qu’entendant ils n’entendent pas » ? (§ I).

Parmi les révélations particulières, il s’en faut que soient seules vraies celles que mentionnent les livres canoniques. L’ignorance, l’hésitation dans ce domaine varient selon les gens. Certains les nient toutes, sauf celles qui sont rapportées dans les saints livres (Érasme, ennemi secret de l’Église, les favorise) ; d’autres concèdent qu’il y eut de vraies révélations aux temps anciens en dehors de celles-là, mais que depuis que la foi est confirmée, il n’y en a plus ; d’autres n’ont pas cette audace, mais ils ne peuvent admettre qu’elles soient aussi relevées que celles qu’on rapporte dans les livres de sainte Gertrude, de sainte Hildegarde, de sainte Angèle de Foligno et de la sainte Mère Thérèse de Jésus ; d’autres, enfin, qui se font de Dieu une plus haute conception (bien étroite encore), admettent ces dons de la libéralité divine et de plus grands encore, mais soutiennent qu’il ne convient pas que les livres où ces révélations sont rapportées circulent en langue vulgaire (§ 2).

Mais ces bons catholiques qui réduisent à l’Église primitive l’ère des prophéties dont parle Joël (2, 2) se trompent, car les révélations authentiques se sont poursuivies dans l’Eglise jusqu’à nos jours et elles doivent durer jusqu’au Jugement dernier. Saint Paul range la prophétie parmi les grâces gratis datae qui se sont continuées. Les révélations particulières sont du nombre. « Et encore qu’il soit vrai que la prophétie n’est pas nécessaire pour planter la foi là où elle est plantée, elle l’est néanmoins pour la faire croître et pour la confirmer chez ceux qui faiblissent, pour nous éclairer sur beaucoup de vérités qu’elle renforce chaque jour, pour nourrir l’ossature de cet organisme — je veux dire faire croître des amis de Dieu robustes qui puisent leurs forces dans ces faveurs signalées — pour soutenir la faiblesse de la chair, pour attirer, enfin, amoureusement, à Dieu, tant de cœurs farouches et secs qui, à la vue de ces merveilles, retrouvent une vigueur nouvelle qui les fait revenir à Dieu. La foi n’était pas moins plantée qu’aujourd’hui au temps de notre Père saint Benoit, de saint Romuald, de saint Bernard, et nous connaissons les révélations particulières qu’ils ont reçues de Dieu et, après eux, saint Dominique, saint François, saint Albert carme : tous ont été comblés par Dieu de ces suprêmes faveurs. Et que dire de celles de sainte Catherine de Sienne, de sainte Claire, de saint Diègue/2, du Bx Louis Beltran, du P. François-Xavier, l’apôtre du Japon ?... Celles de la Mère Thérèse de Jésus sont bien connues. Dieu accorde encore ses révélations au corps, puisqu’il les a accordées à l’ombre. Joël avait raison/3. Et Leandro de conclure : s’il ne faut pas tout approuver en bloc, gardons-nous cependant d’éteindre l’esprit (§ 3).

Quant à l’opportunité de publier en langue vulgaire les révélations de sainte Gertrude, il la soutient malgré tous les dangers possibles, pour la raison principalement qu’il espère ranimer par là l’esprit d’oraison dans les âmes : « la voie de l’oraison semble avoir été bouchée par le démon, de nos jours » ; aux dévots il fait craindre une oraison qui dépasse la prière vocale tout en leur faisant concevoir le désir de consolations spirituelles. Les Révélations de sainte Gertrude, à l’égal des Vies de saints, leur inspireront une plus sainte audace 4 (§ 5).

Telle qu’elle se présentait dans le Discours de 1601-1607, cette apologie en règle semblerait à première vue dépourvue de tout intérêt historique. Il n’en est rien.

Son haut intérêt provient de ce qu’elle abordait sommairement un problème fondamental que saint Jean de la Croix avait posé et résolu avec toute l’autorité que lui conféraient et sa science des voies mystiques et sa sensibilité aux problèmes de l’heure (voir supra, pp. 73-76).

Cette apologie, en effet, ne vise que des négateurs ; elle passe sous silence le vrai problème que le fait des révélations particulières posait à la réflexion d’un théologien de l’oraison. On affirme que ces révélations augmentent, confirment et éclairent la foi, sans se demander à quelles conditions, ni surtout à quelles conditions elles sont capables de ranimer l’esprit d’oraison dans les âmes. C’est un problème que l’on suppose résolu, comme si saint Jean de la Croix ne l’avait pas posé, parce qu’on l’a résolu à l’encontre de la solution qu’il en avait proposée. Pourquoi ? Parce qu’on a sommairement identifié l’oraison contemplative avec la

2 Saint Diègue d’Alcali, convers franciscain, mort à Alcali de Henares en 1463. La vie de Diego est digne des Fioretti.

3 Cette prophétie de Joël (2,2), est citée avec insistance dans les deux ouvrages : « por Joel promete que el dichoso tiempo de la ley de gracia ha de ser tan abundante en espiritu de profecia y conocimiento de secretos de Dios, que no solamente los viejos maduros ya con la experiencia sino tambien los moços maduros ya con el calor del Espfritu profetarin, verin visiones y sueiios. » L’Ecclésiaste (24) fait entendre la même promesse : « La Sabiduria divina ha de derramar dotrina celestial semejapue a profecta, y esto hasta el siglo santo. »

4 Le Discurso 2 ° était consacré à l’exposé de la discrétion des esprits. Il établissait l’authenticité des révélations de sainte Gertrude, hautement estimées par les doctes carmes que Leandro connaît.

prophétie, identification dont saint Jean de la Croix avait aperçu le danger et contre laquelle clame toute son œuvre/5.

Il n’était pas étonnant, dans ces conditions, qu’après avoir éliminé de leurs vues la contemplation secrète communiquée à l’homme au-delà de toute révélation particulière distincte, ces théologiens de l’oraison se révélassent incapables de comprendre en quel sens saint Jean de la Croix s’appropriait l’argument tiré de la foi implantée, pour en tirer tout autre chose qu’une négation pure et simple du fait des révélations particulières après la venue du Christ dans le monde. D’où le caractère polémique évident du passage que nous avons reproduit/6 où toutes les allusions sont dirigées contre deux célèbres chapitres de la Montée du Mont-Carmel/7. Alors que pour saint Jean de la Croix on entre dans la vraie contemplation transformante en se fondant sur la foi au Christ, qui est toute la Parole de Dieu et toute sa Révélation — et donc en passant au travers de toutes les révélations particulières pour ne pas s’y embarrasser — nos auteurs voyaient au contraire, dans les révélations particulières, à la fois l’instrument de la communication à l’homme de la Sagesse divine et le moyen mis à la disposition de l’homme pour se préparer à y accéder. La théologie secrète s’exerce particulièrement dans les révélations. Telle est la nouveauté de la thèse défendue non seulement dans le Bref Traité de la Théologie mystique de Francisco de Santa Maria inséré à la fin de ces ouvrages, mais tout au long, de la première à la dernière page.

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Au lieu de se mettre humblement à l’école de leur Père et maître en théologie mystique, nos auteurs ont donc pris le parti de se passer de lui, d’enseigner aux contemplatifs et ce qu’ils étaient en droit d’attendre des révélations particulières et ce qu’ils leur devaient/8.

5 Voir supra, pp. 70 et 198 ss., 203.

6 Voir supra, p. 290.

7 S. Il, 21, 175 ; S. II, 22, 184. La venue du Christ a mis fin à l’ère des prophéties, c’est-à-dire non point au fait des prophéties et des révélations particulières, mais au régime de la communication de la Sagesse divine qui se faisait auparavant au moyen de la prophétie et qui se fait dorénavant au moyen de la Foi dans le Christ, Parole définitive que Dieu a proférée et que les contemplatifs n’ont plus qu’à entendre dans la foi.

8 Ces auteurs semblent avoir constamment confondu la foi aux révélations particulières — une foi à forme humaine — et la foi dans le Dieu de ces révélations. Cruelle conséquence du nominalisme théologique, révélatrice de la décadence de l’École. L’ambiguïté est une arme dont ils jouent sûrement. Voir le passage suivant (Luz, p. 16) : « Esta parte siguen algunos muy rechristianos, pareciéndoles liviandad y

La démonstration fait l’objet de tous les autres Discours. Inutile de s’attarder à la description qu’ils nous donnent des visions et locutions surnaturelles corporelles et imaginatives. Nous retiendrons surtout ce qui nous est dit des quatre sortes de visions et de locutions intellectuelles/9 et des plus élevées.

Nombreux sont aujourd’hui les docteurs qui tiennent que, dans la contemplation la plus relevée, Dieu accorde la faveur de connaître les choses matérielles et spirituelles comme le Christ les connaissait lui-même sur terre. Cela se fait au moyen d’une lumière et d’espèces infuses qui les font connaître directement comme elles sont en soi (nous dirions aujourd’hui une connaissance intuitive). “Quand on en est là, il ne reste plus qu’un échelon à gravir pour entrer dans la gloire. La lumière, le feu, la pureté dont on jouit sont si grands, qu’aucune parole humaine ne peut l’exprimer. Personne ne connaît cette manne, si ce n’est celui qui la reçoit.” De même, ce qu’on entend dans les locutions spirituelles perçues dans l’intelligence grâce à l’infusion de nouvelles espèces opérée par Dieu seul. Grâce à ce secours tout à fait extraordinaire, on ne connaît plus par la foi la vérité qui est révélée, on la connaît par une connaissance claire ; par la médiation de l’ange, ou directement par Dieu même, on jouit de la vision de l’essence divine ou de la connaissance du mystère de la sainte Trinité. Leandro souligne que la Mère Thérèse en fut gratifiée à plusieurs reprises, comme elle le rapporte au chapitre 27 de sa Vie et ailleurs/10. Enfin, Dieu apparaît lui-même par la venue du Christ en personne dans l’âme.

Ces considérations, où s’affirme une prise de position résolue, sont amplifiées, précisées et confirmées dans la refonte qu’elles reçoivent dans l’ouvrage de 1607/11.

On souligne nettement la distinction entre une lumière surnaturelle ordinaire, la foi, qui use d’espèces naturelles et opère sans discours sous l’autorité de Dieu Première Vérité Révélante, et une lumière surnaturelle extraordinaire qui cause les visions intellectuelles, dont les modalités varient selon les quatre degrés de cette lumière. Tantôt il s’agit d’une vision intellectuelle opérée dans la foi avivée par la main puissante de Dieu ; tantôt d’une vision opérée dans la foi secourue par Dieu

serial de énimo amigo de sefiales exteriores (falta general de Judios y Gentiles) el creer tan fkilmente las revelaciones. Pero si bien advirtiessen la rayz de su pensamiento verlan que no lo es lo que ellos dizen, sino falta de fe. »

9 Leur objet est sensible ou spirituel. Dans le premier cas, les espèces sont ou bien sensibles (l’ange peut intervenir dans ce cas) ou bien infus (c’est de ce genre de connaissance des objets matériels que le Christ jouissait sur terre). Dans le deuxième cas, les espèces sensibles représentent leur objet obscurément (tel est le mode de connaissance ordinaire — on veut dire dans la foi — de Dieu, de l’âme et des anges) : les espèces infuses et la lumière infusée directement par Dieu seul — on veut dire une autre lumière que celle de la foi — font connaître les choses spirituelles comme elles sont en soi par leurs propres espèces (Insinuación, Disc. 3 °, § 1).

10 Voir en effet, Vida XXXI, Moradas, VII, ch. 1, § 6.

11 Luz, Discurso 4 °, IV, §§ 2 et 3.

d’une manière très spéciale, grâce à l’infusion de nouvelles espèces dans l’entendement, espèces surnaturelles et de nature céleste (alors seulement s’achève totalement tout discours, l’imagination ne joue plus, l’entendement découvrant les choses comme elles sont en soi, parce que les espèces qui les lui font connaître sont semblables à celles des bienheureux). Au-delà, il convient de distinguer une vision intellectuelle supérieure qui survient lorsqu’aux espèces infuses Dieu ajoute un habitus nouveau, distinct de la foi et plus clair bien que non plus certain : l’entendement y perd toute obscurité. « De cette espèce de lumière, l’âme du Christ fut remplie ; chez les autres, s’il leur arrive d’en être parfois gratifiés, elle se trouve grandement limitée et concédée seulement comme en passant, car ils ne la reçoivent que pour de très brefs instants. » Au sommet, enfin, se place la vision béatifique, la seule vraie vision intellectuelle selon saint Augustin, dont saint Paul et Moïse ont été gratifiés.

Telles sont les précisions que la refonte du Discours de La Lumière des Merveilles introduisait dans les pages que l’ouvrage de 1601 consacrait à cette question capitale de la nature des différentes sortes de visions intellectuelles.

L’auteur de la refonte a manifestement eu le souci d’accommoder la doctrine de 1601 à l’enseignement de saint Jean de la Croix concernant la contemplation qui se fait dans la foi. Les deux premières sortes de vision — on l’aura noté — sont dites opérées dans la foi. Sommes-nous donc en plein dans la ligne de la pensée du docteur mystique ? Nous en sommes loin.

Si l’on se reporte au texte fondamental de la Montée auquel il a été fait allusion plus haut/12, on observera que saint Jean de la Croix ôtait, si l’on peut dire, aux visions spirituelles du côté de l’entendement et de l’évidence des vérités nues, ce qu’il leur rendait du côté de la volonté et du sentiment de l’union à la substance divine. L’auteur de la Lumière faisait exactement l’inverse : il donnait aux visions spirituelles dénommées intellectuelles, du côté de l’entendement, ce qu’il allait leur ôter du côté de la volonté. Elles donnent « dans la foi » l’évidence des choses vues !...

Plus encore, il tenait à souligner que dans les visions du troisième genre, l’habitus nouveau ajouté aux espèces infuses est plus clair que la foi, s’il n’est plus certain. Mais accorder à l’intelligence un habitus qui lui fait dépasser celui de la foi, tout en ajoutant que cet habitus ne lui fournit pas une certitude plus haute que celle de la foi, c’est se payer de mots : car il ne manque rien à la foi du côté de la certitude, mais seulement du côté de la vision. Si l’on accorde à l’intelligence la vision, la certitude est proprement celle de la vision béatifique et la restriction apparaît comme une habileté dialectique qui ne trompe que son auteur, un artifice commode pour rattacher tant bien que mal cet habitus nouveau à l’habitus de la foi.

12 Voir note 7.

C’est cet escamotage qui allait permettre de se défaire de la contemplation sanjuaniste : les sentiments spirituels propres à l’union d’amour allaient se transformer en visions intellectuelles, l’union d’amour, opérée dans la substance de l’âme, allait s’effacer devant l’évidence intellectuelle opérée dans l’entendement.

C’est bien à la science d’amour de saint Jean de la Croix que s’en prenait l’auteur dans la suite de son Discours 13. Il instruisait non seulement le procès du saint docteur, mais celui de tous les tenants de l’école (mal nommé) affective et dont le porte-parole le plus fameux, sinon le plus heureux, avait été jadis Hugues de Balma.

Par ce qui précède, nous dit-on, nous voyons d’où vient l’erreur de quelques dévots peu versés dans la théologie et qui pensent que dans ces visions l’âme en vient à aimer dans la volonté sans rien voir dans l’intelligence ; elle y serait aveugle, donc incapable de mériter. Mais les saints sont si éloignés de cette opinion qu’ils font consister la perfection humaine la plus haute non pas dans l’amour, mais dans la connaissance de Dieu, tellement ils sont persuadés que le manque de connaissance n’accroît pas la perfection, mais la diminue. Aussi bien, si ces théologiens ont voulu exalter l’excellence de la vision intellectuelle et faire éclater la sublimité de la perfection accessible dès ici-bas, ils eussent été mieux avisés de montrer les grandes lumières qui peuvent être communiquées à l’entendement, plutôt que de les lui ôter. Quel avantage peut-il bien en tirer, de même que la volonté ? Aucun ; seulement des inconvénients, car au lieu d’accroître l’estime que l’on doit concevoir pour la vision intellectuelle, on en vient à la diminuer/14.

Cette page décisive enterrait purement et simplement la doctrine de saint Jean de la Croix. Celui-ci avait enseigné, tant dans la Montée que dans le Cantique et la Vive Flamme, que la notice de contemplation surnaturelle était amorosa et que Denys l’appelait, pour cela même, rayo de tinieblas al entendimiento, un rayon de ténèbres pour l’entendement, une lumière, mais confuse et obscure pour l’entendement/15.

L’argumentation de l’auteur avait pu faire impression chez les théoriciens de la mystique depuis le temps où le Viae Sion de Balma avait été la cible des partisans de l’école dite intellectualiste ; mais saint Jean de la Croix avait montré le bien-fondé de la « thèse de l’amour sans connaissance » en l’éclairant à la lumière de sa haute expérience de l’union transformante. Reprendre après lui ces arguments usés était proprement une méprise. Et que penser de l’auteur qui s’imagine encore que saint Jean de la Croix ait jamais eu en vue d’exalter l’excellence des lumières de la vision intellectuelle ! Il a voulu, tout au contraire, souligner que la sublimité de la perfection accessible sur terre ne lui venait pas des merveilles célestes qu’elle ferait entrevoir à l’intelligence, mais de l’union

13 Luz, Discurso 4 °, 4, pp. 117-118.

14 Au § 5 du même Discours, l’auteur citait sainte Thérèse (Vida, cap. 27) ; au § 6, il concluait que l’âme s’unissait immédiatement à Dieu moyennant ces hautes visions intellectuelles.

15 Texte de la Llama, III, § 49/42. Voir S. II, 24, 4, et Càntico, sur. 13, 5, j.

d’amour qui la transforme en Dieu dans la Nuit sereine avant-coureuse des clartés éternelles. Il a dit avec force, tout à l’inverse de ce qu’on nous inculquait ici, que l’union à Dieu ne se faisait pas par le moyen de visions miraculeuses, mais bien au moyen de la notice amoureuse et obscure de l’intelligence mystique, confuse et obscure.

Telle est l’innovation baroque qui donne à la Mystique des Lumières son caractère novateur et révolutionnaire. La sagesse chrétienne n’était plus une science d’amour normalement octroyée ici-bas et, accessoirement, une haute connaissance extraordinaire et miraculeuse. Elle devenait une science miraculeuse de l’intelligence qui arrache l’âme au régime de la foi elle-même et, accessoirement, une union d’amour. La vision baroque de la condition du chrétien sur terre fixait les regards sur un trompe-l’œil dont on affublait l’édifice de la doctrine de saint Jean de la Croix. On se condamnait à attendre du miracle — auquel on devait se préparer sans y aspirer toutefois — une perfection illusoire, tout en se détournant de la seule vraie perfection que la Sagesse divine à mise à la portée de l’homme qui voudrait la recevoir en se disposant à l’épouser dans la foi (Osée, 2, 20) 16.

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C’est sur ces considérations concernant la préparation requise du contemplatif pour accéder à la sagesse chrétienne la plus haute que se terminent les deux ouvrages. On voit à quelles conclusions elles devaient aboutir.

C’est à Denys qu’il est fait appel. C’était normal : la manière de se disposer à recevoir la sagesse suprême ne se tire-t-elle pas de la nature de cette sagesse ? Tout ce que l’auteur va nous en dire il l’a appris dans Denys (mais il n’y a pris que ce qu’il voulait y prendre). Le Rayon de ténèbres lui est apparu comme un rayon de lumières.

« La première chose que j’aie apprise de ce maître, nous dit-il (grâce à Francisco de Santa Maria, qu’il a consulté en ces matières), c’est que la théologie mystique est une science qui relève entièrement de l’intellect » ; le nom lui-même ne signifie rien d’autre que connaissance secrète. Comment donc l’appliquer à la volonté autrement que par métaphore ? Cette science procède, en effet, par négation des concepts et des noms qui s’appliquent à Dieu, elle ne peut donc relever de la volonté. « En outre, elle pénètre dans la ténèbre translumineuse, elle fixe d’un regard d’aigle le rayon de ténèbres, c’est-à-dire la divine essence, claire en elle-même, bien qu’obscure pour nous. Comment dire que la volonté aveugle soit capable de voir la lumière et de contempler le rayon ? ». S’il en est ainsi, tout ce

16 Voir Noche, 2, 2 et 2, 21 ; Cantico, 11 b.

qui ne concerne pas la connaissance ne sera pas, à proprement parler, théologie mystique : par exemple, l’amour, le désir, etc. D’ailleurs, dans le livre de la Théologie mystique de Denys on ne voit rien qui concerne l’affection, tout y est rapporté à l’intellect. Et Leandro de Granada de conclure : « Faute de s’en être avisés, certains auteurs ne sont pas parvenus à mettre en lumière la vraie nature de la théologie mystique ». Libre à nous d’attribuer aux effets tels que l’amour, le nom de la cause, ou de l’attribuer aux dispositions qui la préparent, telles que la mortification, les exercices de purification et l’Observance des commandements ; mais, si nous voulons parler en toute rigueur de termes, il faut nous contenter d’entendre par théologie mystique ce que lui-même en a dit.

Ce simplisme (auquel les prétentions à l’objectivité historique de certains modernes ne parviennent pas à donner de poids) arrache à Leandro un cri de victoire. La théologie mystique tant discréditée auprès de doctes théologiens de l’École à cause de ce qu’en avaient dit des dévots trop simples, usant d’expressions étranges et inutiles, voire outrées, va recouvrer auprès d’eux tout son crédit. Depuis que les doctes théologiens ont vu la vérité dans le Bref Traité de la Théologie mystique composé par le T. R. P. Frère Francisco de Santa Maria, recteur du collège des carmes Déchaussés de cette ville (Salamanque) ils ont été conquis : si l’on peut « expliquer toute la théologie mystique avec une telle rigueur, c’est que la théologie mystique est très voisine de la théologie scolastique ». Elle n’est donc pas l’apanage des simples/17. Leandro avait pris sa théologie de la Mystique pour la Théologie mystique. La science des « simples » n’était que métaphore, et l’École était illuminée/18.

Il ne tenait qu’à elle de pratiquer l’exercice de la Théologie mystique. Les saints, qui avaient conçu tant d’estime pour les hautes révélations qui les faisaient grandir dans les vertus, avaient désiré ces faveurs « avec une grande faim ». Ceux d’hier et d’aujourd’hui s’étaient violemment mortifiés pour mériter de parvenir « à ce commerce intime et familier avec Dieu ». Leandro et Francisco connaissent des carmes de la Réforme de sainte Thérèse qui s’imposent pour cela toutes sortes de macérations/19.

17 Luz, Introd. au Breve tratado de Teologia Mistica, pp. 235-236.

18 C’est sur les instances des doctes théologiens qui avaient pris connaissance du Traité latin de Francisco de Santa Maria que Leandro avait décidé de le publier tout au long dans l’ouvrage de 1601 et à nouveau dans l’édition de 1614 (p. LXXXVII-X011). L’auteur lui avait pourtant demandé de le garder secret, entre autres raisons, parce qu’il avait conscience que ce qu’il y dit de Denys, d’accord, croit-il, avec les premiers Pères, apparaîtrait comme une nouveauté aux yeux des théologiens du jour : quia huius aevi Theologis nova valde, aliter de Theologia mystica sentientibus etsi (ut credo) priscis nota patribus: nonne in Kr rebus ingrata novitas, et magis a me in omnibus novo ?

19 Insinuación, Disc. 4 °, § 2 : C6, 1711) en estos tiempos ha tornado a renovarse este rigor. L’instrument de la Providence dans le rétablissement de cet esprit contemplatif fut une faible femme. Elle s’efforça d’y attirer des hommes. « Y assi por su industria, y persuasion aconsejandoles y ayudandoles ella en toclos, tomaron a su cargo dos padres graves (que despues fueron santissimos) — saint Jean de la Croix et Antonio — el

Mais on nous a prévenus : ce ne sont là que des préparations. C’est principalement par la pratique de la contemplation que les saints se sont élevés aux sommets de la perfection où ils ont été trouvés dignes des hautes révélations de la théologie secrète. Leandro donne la parole à Francisco de Santa Maria/20. Par la pratique de la rémotion, puis de la négation — Francisco les confondait d’ailleurs avec la via negationis de la théologie affirmative — l’intelligence est censée parvenir au degré suprême des spéculations mystiques : abandonnant ses opérations intellectuelles, même ses concepts négatifs des perfections divines, elle se dépasse elle-même et s’élève au-dessus de ses propres forces naturelles et des secours ordinaires de la grâce, par suite d’un secours très spécial de Dieu. Là elle contemple Dieu dans une clarté, une simplicité, une pénétration telles que les mots lui font défaut pour l’exprimer.

Ainsi donc, au terme d’une pratique spéculative de la négation, une grâce très spéciale doit venir disposer l’intelligence à recevoir les plus hautes révélations particulières. L’état monastique n’a pas d’autre fin que de disposer les contemplatifs qui l’embrassent à mériter ces faveurs insignes, proprement miraculeuses/21. Pourquoi les théologiens de l’École n’y prétendraient-ils pas ?

On était loin des temps où un chancelier Gerson, devant les ravages exercés par la logique des formalizantes, tournait les regards des théologiens de Sorbonne vers l’étroit sentier de la Montagne de Contemplation, cette montagne que l’on gravit en esprit de pénitence et d’humilité pour atteindre, au sommet, le Dieu

regar este nuevo plantel con tanto espfritu que en pocos ahos le hizieron tan grande que ha estendido sus sarmientos con Conventos de Monjas y Frayles por toda Esparia. Y no parti en el mar o rio, por encima pass6 a hazer participantes de sus frutos a los remotos Indios. Y porque no era raz6n que dejase de gustar dellos la madre de las Religiones Italia, se los ofreci6 de lo precioso que tenfa ». (Saint Jean de la Croix est embarqué dans la fondation des déserts de Thomas de Jésus, dans les missions du même : insensiblement, il prenait place aux côtés des promoteurs de la nouvelle mystique prophétique).

20 Nous citerons la conclusion de son Traité : « Vis tibi claiitatis gratia speculationum mysticarum gradus veluti in tabella depingam? Tres accipe. Primus est quo mens per omnium creaturarum perfectiones discurrens omnes aufert a Deo, alias, quia tantum metaphorice illi conveniunt, alias, qui prout in creaturis, longe distant a divinis, unde conceptus et voces earum obscuri sunt ad illas declarandas. Unde hic primus gradus diversus, imo adversus quoddammodo affirmative et significative theologiœ ostenditur qui aufert a Deo nomina que illi imposuerunt. Secundus, quo perfectionem divinam unite et simplici conceptu complectans, videns non posse declarari per vocem positivam declarat per negativam. Tertius, quo se ipsam superans et se supra elevans, id est supra proprias vires nature et communes gratis, specialissimo auxilio, tanta claritate, simplicitate, tanto mentis acumine Deum contemplatur, ut nulla se possit voce declarare » (1614, p. XCII).

21 C’est pourquoi saint Jean de la Croix avait pu résoudre d’un mot la question que Leandro et Francisco ont longtemps débattue : les visions sont-elles méritoires ? Ni son mérito, ni démérita répondait-il (S. II, 22, 195). Elles sont méritoires, même dans le sommeil, rétorquaient nos deux auteurs.

simple et libre de la foi/22. À deux siècles de distance, les novateurs de la célèbre école de Salamanque invitaient au contraire à détourner les yeux de l’étroit sentier de ce Mont Carmel où un saint Jean de la Croix leur avait montré qu’on chemine sans bagage, sans rien qui appesantisse vers le bas ou empêche de monter plus haut/23, et dans la nuit, la Nuit qui conduit à la vie éternelle, non pas seulement la nuit des sens, mais la nuit du vide et de la nudité spirituelle la plus totale/24.

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C’est parce qu’elle mettait en cause l’avenir de la théologie spirituelle dans la chrétienté en mettant à l’écart la doctrine du docteur mystique que la nouvelle théorie de la mystique présentée dans les deux ouvrages de 1601 et de 1607 mérite de retenir l’attention des historiens. Une ère de la spiritualité chrétienne allait se clore. Une autre allait s’ouvrir/25. Jamais peut-être la responsabilité des théologiens professionnels n’avait été aussi engagée dans une phase décisive de l’orientation de la culture chrétienne. En accueillant comme ils auraient dû le faire la doctrine providentielle de saint Jean de la Croix, ils eussent puisé les forces d’un renouveau spirituel et spéculatif capable de résister à la poussée d’un nouveau naturalisme néo-platonicien multiforme hérité d’Avicenne, d’Algazel et de quelques autres. En l’abandonnant, ils n’ont pas seulement laissé le champ libre au déploiement de ces forces qui avaient saisi d’horreur l’École du Moyen Âge et contre lesquelles elle avait lutté au point de sacrifier saint Thomas lui-même à la bonne cause : ils ont ajouté à la poussée de ces forces le poids d’une École que le culte de la gloire devait cruellement décevoir.

22 E. Gilson, La philosophie au Moyen Âge, Paris, Payot, 1947, p. 716.

23 S. 2, 7, 90 : « Tales viadores requiere, que ni lleven carga que les haga peso cuanto a lo inferior, ni cosy que les haga embarazo cuanto a lo superior ».

24 Ibid., p. 89 : « ... que no se maravillen del vacio y desnudez en que en esta noche habemos de dejar las potencias del alma » ; p. 90 : « ... y quieran entrar en esta suma desnudez y vaci6 de espiritu ».

25 La complexe et prodigieuse fermentation mystique du XVe et du XVIe siècles n’avait été qu’un intermède : une théologie d’École décadente en stérilisait les fruits. Il est évident qu’en introduisant dans leur théologie ce dernier-né des quidclitates d’une théologie formalisante, qu’était « cet autre habitus nouveau distinct de l’habitus de la foi et plus clair sinon plus certain » (voir Supra, p.294), les novateurs de Salamanque évacuaient au Ciel le Dieu de la Divine Sagesse de la foi, comme les formalizantes du XIVe siècle avaient détruit le Dieu simple et libre de la foi en introduisant dans leur métaphysique les formas metaphysicales vel rations ideales de leur logique (voir E. Gilson, op. cit., p. 716).

2. Il s’en faut, en effet, que la nouvelle mystique qui faisait son apparition à cette date ait été le fait de quelques isolés. Elle avait été préparée de loin/26 et elle devait faire son chemin.

Elle a d’abord provoqué dans le Carmel de la Réforme de sainte Thérèse et de saint Jean de la Croix une querelle sanglante et durable, en dressant contre ce dernier une école thérésienne.

C’est l’intime ami de Francisco de Santa Maria, le carme Thomas de Jésus, qui devait assurer à la mystique des Lumières la plus éclatante publicité/27. Provincial de Castille en 1597, définiteur général de la Congrégation d’Espagne de 1600 à 1604, il avait été commis à la révision des œuvres de saint Jean de la Croix en vue de leur édition. Mais à la même époque, il rédigeait un traité de théologie mystique, un écrit sur l’oraison et la contemplation, une Somme de la doctrine de sainte Thérèse, où l’on retrouve la thèse de la Mystique des Lumières, qui n’étaient que les pierres d’attente des deux grands traités de la Contemplation divine et de la Méthode de l’Oraison divine infuse qu’il devait publier à Anvers respectivement en 1620 et en 1623/28. L’auteur nous a lui-même appris qu’il avait « composé » le premier de ses ouvrages alors qu’il vivait retiré (de 1604 à 1607) au désert des Batuecas, près de Salamanque. Il s’avère donc que les deux ouvrages de 1601 et de 1607 que nous connaissons maintenant nous livrent l’écho de l’enseignement original que Thomas de Jésus dispensait aux ermites de la Réforme de sainte Thérèse. Un témoignage capital, connu depuis 1951, reçoit ainsi sa pleine signification : quand le P. José de Jestis Marfa Quiroga prenait la défense des doctrines de saint Jean de la Croix et de sainte Thérèse, également malmené par certains de ses frères en religion, il visait les promoteurs de la Mystique des Lumières dont le fief était au désert contemplatif qu’ils avaient créé près de Salamanque/29.

26 Sur le rôle des augustins espagnols, particulièrement de Louis de Léon, voir supra, chapitre I.

27 Voir la troisième partie et la conclusion (pp. 229-336) de notre ouvrage Le Cantique spirituel de saint Jean de la Croix commenté et refondu au XVIIe siècle, Salamanca, 1948.

28 Voir Jean Krynen, op. cit., 1948, p. 229. Le premier ouvrage (1600-1604) est intitulé : Tratado de la mtstica theologla muy probechoso por los que desean hir adelante en el Camino de la Oraci6n y exercicio de las virtudes, hecho por el padre fray Thomas de Jesils definidor general de nra orden (B.N.M., 12 568).

29 Jean Krynen, Bulletin hispanique, 1951, pp. 411-412 : Saint Jean de la Croix Antoltnez et Thomas de Jésus. On lit, en effet, dans la réfutation des objections contre son Histoire de l’Ordre (Bibl. nat. Madrid, ms. 2711, fol. 232) : « Aurique nos di6 Nro Seftor por maestro acreditado della [contemplaci6n] a nro venerable padre fray Joan de

Plus encore, il semble bien que le chef de file de l’école thérésienne, le promoteur de la Mystique des Lumières, n’était autre que Thomas de Jésus. Les confidences qu’il nous livre dans ses deux grands traités permettent de l’avancer : Thomas de Jésus a reconnu sa vocation religieuse le jour même où, lisant sainte Thérèse dans l’édition annotée par Louis de Léon, il reçut d’en haut une illumination qui le mettait, en 1587, sur la voie de la découverte qu’il devait faire vingt ans plus tard/30.

Le De Contemplatione Divina et le De Divinae orationis... Methodus répondait aux mêmes préoccupations que celles qui poussaient Francisco de Santa Maria à chercher à voir clair dans les arcanes de la théologie mystique. Thomas de Jésus constatait, lui aussi, que la vraie nature de cette théologie était rarement comprise, paucisque intellectam ; il voulait, lui aussi, la débarrasser des obscurités de langage et des symboles propres aux spirituels, afin de l’asseoir sur les fondements solides de la théologie scolastique (op. cit., p. 316, n. 1).

Mais surtout, c’est le problème de la nature des visions intellectuelles les plus hautes qui hantait la réflexion de Thomas de Jésus comme celle de Francisco de Santa Maria et généralement de tous les théologiens qui ont préparé, de près ou de loin, l’avènement en Espagne de la Mystique des Lumières. Dans l’application qu’il apportait à la solution de ce problème, Thomas de Jésus reçut l’illumination qui l’a conduit au Carmel, et lui a révélé la solution. Il nous l’a dit : alors qu’il révisait les œuvres de sainte Thérèse (dont l’édition avait été préparée par Louis de Léon), il était tombé en arrêt devant le passage où sainte Thérèse décrit sa vision intellectuelle de la sainte Trinité (Vie, c. 27 et 7e Demeures, c. 1). Sa décision d’entrer au couvent des carmes de Valladolid vint de là. Dès lors, il n’eut de cesse qu’il fût parvenu à élucider le mystère de la nature de cet état très relevé d’union mystique (op. cit., 317 et n. 1). Il y mit plus de vingt ans (ce qui nous place en 1607, date de la publication de Luz). Or, l’interprétation que cette vision reçoit dans les deux grands traités de 1620-1623 est exactement celle qu’elle avait reçue dans les deux ouvrages de 1601 et 1607 : elle descend d’abord dans l’entendement taliter ut ea quæ hic per fidem credimus, tunc anima quasi intuitive (ut ita dicam) videat (op. cit., p. 281, n. 2).

Sa découverte concerne ce qu’il a appelé l’illapsus novus, mode nouveau de la manifestation de Dieu lorsque, après avoir dépassé la plus haute union mystique que lui ménagent la foi et les secours ordinaires de la grâce sanctifiante, l’âme se voit introduite dans une contemplation suréminente divinisatrice. Elle y échappe

la Cruz, primer descalzo desta reforma, y el nos la ensei16, de palabra y por escrito con grau distinci6n y propiedad, no se recive con el aplauso que era raç6n su utilisirna doctrina, no s6lo en los monesterios de vida comtin, mas también en los monesterios de los desiertos dedicados a esta contemplaci6n divisa ». Un siècle et demi plus tard, Andrés de la Encarnaci6n fera écho à ces paroles. Voir l’Introduction à notre édition de l’Apologie mystique, p. XXXII ».

30 Voir les pages 316-320 de l’ouvrage de 1948.

à la condition humaine ; elle y dépouille son être créé pour revêtir son être incréé/31. Elle parvient aux portes de la vision béatifique qui lui inspire un désir insatiable d’être arrachée à la terre, à l’Église militante, pour rejoindre son lieu naturel, le Ciel, et l’Église triomphante.

Telle est l’intuition première d’où devait sortir toute la synthèse doctrinale de Thomas de Jésus. L’habitus nouveau des ouvrages de 1601-1607 32 subira une élaboration savante et subtile dans laquelle Thomas de Jésus s’appropriera des éléments puisés dans la Théologie mystique de Herp et le Traité sur la contemplation de Denys le chartreux 33. Il aura conscience également de l’innovation que sa théorie introduisait dans la théologie de l’École 34 ; mais elle lui sera absolument nécessaire pour justifier une conception de la vie mystique (qu’il tenait de Macaire) 35 contre laquelle clamaient l’œuvre entière de saint Jean de la Croix et l’expérience séculaire des mystiques chrétiens.

La découverte de Thomas de Jésus était une révélation. Entre l’homme et Dieu des rapports nouveaux s’établissaient, la foi n’étant plus un écran au travers duquel la lumière incréée transparaît faiblement : celle-ci faisait irruption dans la foi et manifestait à l’âme, revêtue de son être incréé, les splendeurs de la Face Divine, non point formée, mais formante/36.

Qu’une telle mystique ait profondément agi sur les destinées de la doctrine de saint Jean de la Croix, c’est ce que prouve le remaniement auquel Thomas de Jésus et ses compagnons ont soumis le texte de ses écrits avant de les publier en 1618. La Mystique des Lumières nous fournit une des clefs dans l’interprétation des innombrables retouches apportées aux manuscrits, car celles-ci répondent, pour la plupart, et pour l’essentiel, à la préoccupation d’accommoder les textes du saint Docteur aux innovations doctrinales clairement exprimées en 1601 et 1607 (Appendice I).

31 D.C. liv. V, c. 7, p. 388. Il reprenait un texte de Denys le chartreux (voir op. cit., p. 301, n. 3 de la p. 300).

32 Voir supra, p. 294 et note 53.

33 Voir 1948, op. cit., p. 292, n. 3 et 300, n. 3.

34 Voir 1948, op. cit., p. 267, n. 1. Il avouait qu’il innovait, les théologiens les plus fameux affirmant que même chez les bienheureux ce nouveau mode de présence de Dieu à l’âme n’était pas requis, la présence d’immensité suffisant à rendre compte de la vision.

35 Selon cette conception, les vrais amants de Dieu ne se contenteraient pas de l’aimer sur terre dans « l’union affective », ils aspireraient continuellement à le saisir dans « l’union réelle ». L’idée d’une insatisfaction inhérente à la contemplation mystique nocturne, à la science d’amour, si contraire à l’égalité d’amour décrite comme rassasiante dans le Cantique Spiritual de saint Jean de la Croix et plus spécialement dans la Vive Flcunme, est l’idée directrice de la Mystique des Lumières. Thomas de Jésus l’avait trouvée dans la dixième Homélie de l’hérétique Macaire (voir infra, n. 59).

36 D.O., lib. IV, c. XI, 438 (passage cité, 1948, op. cit., p. 267, n. 1).

L’ouvrage qui devait subir de la part des promoteurs de cette nouvelle mystique les plus profonds remaniements est, on le sait depuis quarante ans, le Cantique spirituel. Lorsque, en 1948, on démontra que la refonte était le fait de théoriciens qui tenaient pour nulle et non avenue sinon l’œuvre, du moins l’inspiration fondamentale de l’œuvre de saint Jean de la Croix, parce qu’ils s’étaient donnés un autre maître en la personne de Thomas de Jésus, l’assertion eut les honneurs de l’invective qu’une pieuse fidélité aux grands noms de l’histoire moderne du Carmel, inspirait aux spécialistes espagnols de saint Jean de la Croix. Au moment où paraît en France une édition prétendument définitive des écrits du Docteur mystique, il est opportun de ramener l’attention aux vrais problèmes que pose une exacte interprétation de sa doctrine. Nul n’a reçu mandat de présenter, au nom de l’Église, comme étant l’œuvre de son Docteur mystique, un Cantique spirituel B, prétendument « didactique », où la voix du promoteur de la Mystique des Lumières parle plus haut que celle du Docteur de la Nuit (Appendice II).

Les ouvrages de 1601 et de 1607 confirment ce que nous avions démontré en 1948. Ils permettent de préciser, en outre, que la seconde version, dite version B, du Cantique spirituel s’insère dans l’activité d’une école bien constituée, dont la doctrine s’élabore audacieusement depuis sa première manifestation au grand jour en 1601-1607. Cette école a misé sur la refonte du Cantique pour se frayer la voie victorieusement et imposer son pseudo-thérésianisme au détriment de la diffusion de la pensée authentique de saint Jean de la Croix/37.

37 Le Cantique refondu selon la doctrine nouvelle fut édité à Séville en 1703 et présenté comme le seul vrai Cantique fidèle à son auteur. Il a été réédité à Madrid en 1924. Le Père Gerardo en 1912 avait tenu à éditer simultanément le texte de 1618. On trouvera dans la troisième partie de l’ouvrage de 1948, pp. 253-307, une étude détaillée des relations textuelles et doctrinales qui rattachent le Cantique B aux deux grands traités de Thomas de Jésus. Il convient de signaler rapidement quelques passages de ce Cantique qui font écho aux thèses de la Mystique des Lumières déjà dévoilées en 1601 et 1607. On rapprochera de Luz, Disc. 3 °, 1-2 (sur les visions intellectuelles et la vision glorieuse) le § 37, 5 a, a'— t’ du Cantique B (éd. Dom Chevallier, Le Cantique spirituel de saint Jean de la Croix, Bruges, Desclée de Brouwer, 1930, pp. 304-305). On nous disait, en 1607, que l’âme connaît, dans les plus hautes visions intellectuelles, au-delà de la foi, por conocimiento claro. Le remanieur du Cantique ne comprend plus que l’âme puisse demander à Dieu dans l’état de l’union du mariage spirituel aquello que me diste el otro dia, savoir le fruit de cette transformation d’amour : l’état de la justice originelle dans laquelle Dieu lui a donné, en Adam, la grâce et l’innocence, ou encore, cette pureté et cette netteté complète qu’elle reçut le jour de son baptême. Il s’est fait une autre conception de l’état de l’âme parvenue à ces sublimités. Ce n’est pas la robe des noces qu’elle aspire à revêtir, c’est son être incréé. Elle ne songe plus à la perfection accessible dans la foi très illuminée, puisque cette illumination, comme le disait déjà l’auteur de Luz, se fait grâce à un habitus qui n’est plus celui de la foi. Son baptême ne fait pas le compte : la pureté qu’elle désire c’est celle de l’intelligence miraculeusement inondée des lumières de la claire connaissance. D’où la dubitatio posée et résolue au § b'— f, p. 304 : comment l’âme peut-elle seulement prétendre aimer d’un amour égal à celui dont Dieu l’aime (cf.

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À partir de 1608, la nouvelle tendance s’affirme. Leandro de Granada approuvait le livre de son confrère Antonio de Alvarado intitulé Art de bien vivre ou Guide des Chemins du Ciel, en 1608. Celui-ci accueille quinze chapitres [II, 35-49] qui ne font que résumer un Bref Traité de la connaissance obscure de Dieu affirmative et négative ou Manière de s’unir à Dieu par l’amour qui n’est lui-même qu’une copie assez libre du Traité de la contemplation de Thomas de Jésus, composé entre 1600 et 1604 et qui reparaît dans le troisième Livre d’un autre traité du même, intitulé Première Partie du Chemin Spirituel de l’oraison et de la contemplation, composé avant 1607 et demeuré manuscrit/38. Ce traité a dû passer très tôt pour un ouvrage de saint Jean de la Croix. Le P. Gerardo l’a inclus, en 1912, dans son édition des Œuvres du saint [III, pp. 277-335].

En 1609 paraissait l’un des ouvrages les plus considérables, par l’action qu’il allait exercer. Il fut réédité en 1610, 1615 et 1623. Il s’agit, encore, d’un livre du même Thomas de Jésus. Désireux de systématiser les déclarations de sainte Thérèse, il a conçu un ouvrage sur Les Degrés de l’Oraison, selon l’esprit de la sainte Mère. Pour la première fois, un carme parlait de deux sortes d’oraison contemplative. Il appelle la première oraison acquise et la seconde oraison infuse.

On peut discerner dans cet ouvrage la tendance à opposer à travers ces deux espèces d’oraison, une contemplation non mystique et une contemplation mystique. Le Prologue des rééditions de 1665 et 1725, postérieures aux grands traités de Thomas de Jésus de 1620-1623, est explicite. C’est à sainte Thérèse que l’on faisait porter pareille responsabilité, au prix d’un contresens.

Dans ses Cinquièmes Demeures, la sainte avait parlé d’une union de conformité de la volonté à la volonté de Dieu. Thomas y voyait, non la contemplation d’attitude, disposition requise normalement pour être élevé à la contemplation infuse, mais un degré d’oraison assorti d’un genre de grâces mesurées par le mode humain du discours. Saint Jean de la Croix avait enseigné la pratique d’une disposition intérieure que saint Ignace avait appelée la sainte

37, 1, d, g-f), si elle n’aspire qu’à parvenir à la perfection de la vision intellectuelle ? La virtuosité du remanieur vient facilement à bout de cette aporie : il suffisait de supposer que ce qu’elle désire, ici, c’est la gloria esencial que consiste en ver a Dios. En parlant d’amour à Dieu elle ne voulait pas se donner à Lui et, tout ensemble, donner Dieu à Dieu, par participation à la spiration du Souffle (el aspirar del aire, 38, 1, a-t) : elle voulait Le voir lui révéler sa Face, non formata, sed formans ! Elle ne vivait plus sur la terre, à l’ombre de la foi bienheureuse : elle vivait déjà au Ciel, grâce au miracle de la Mystique des Lumières. Sur l’édition de 1618, voir infra, Appendice I, p. 325.

38 Simeon de la Sagrada Familia, Tomà de Jesus y san Juan de la Cruz, Ephemerides Carmeliticae, 1951-1954 (5), pp. 91-159.

indifférence. Thomas n’y comprend plus rien. Il partira de ce contresens fondamental, pour étayer sa doctrine d’une contemplation acquise.

Entre 1607 et 1615, on assiste à une intense production d’ouvrages sur la question controversée de la nature de la mystique selon les deux fondateurs du Carmel de la Réforme. Les novateurs sont pris à parti par les traditionalistes. Mentionnons deux livres significatifs : l’un émane d’un Thérésien, Antoine Sobrino (1612), Vie spirituelle et Perfection chrétienne ; l’autre d’un sanjuaniste, Jean Breton, Théologie mystique ou Doctrine de la Perfection évangélique à laquelle l’âme peut avoir accès en cette vie (1615). L’un et l’autre dénoncent la doctrine de François de Sainte-Marie et réfutent explicitement l’erreur que l’on commet en opposant la contemplation dont parlent les extatiques, à la contemplation dont parlent saint Thomas et les théologiens de la tradition.

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Durant ces années où se jouait le destin de la pensée des deux Docteurs mystiques, les Carmes préparaient l’édition des œuvres de saint Jean de la Croix. De toute part, elle était réclamée ; mais elle tardait. On comprend pour quelles raisons : ces écrits n’étaient pas conformes à la nouvelle théologie.

Les écrits de saint Jean de la Croix, largement diffusés dans des copies manuscrites, avaient été glosés, commentés, pillés ; mais aussi violemment critiqués, et souvent par des maîtres de l’École, théologiens acquis à une conception ascéticiste de la spiritualité, comme celle que diffusaient autour d’eux les jésuites, principalement.

Pouvait-on faire paraître officiellement des écrits avec lesquels on n’était pas d’accord ? Qui, tels quels, risquaient d’être mal compris ? Fallait-il laisser passer telle critique radicale des merveilles de la grâce de Dieu dans les âmes ? Laisser entendre que nous sommes tous appelés à la contemplation, même si plus de la moitié de ceux qui s’y adonneront sérieusement ne doivent pas y être élevés jusqu’à l’union ? N’est-ce pas inciter les âmes à désirer s’élever au-dessus de leurs capacités naturelles dans l’oraison et donc les jeter dans l’illuminisme ?

Une soigneuse révision s’imposait donc avant de livrer les textes à l’impression. On les assortirait d’un commentaire afin d’éclairer le lecteur et de réfuter les arguments que les détracteurs faisaient valoir contre la doctrine. Cette révision fut à la charge du P. Diego de Jesùs-Maria Salablanca, secrétaire de Thomas de Jésus. Lorsque parut l’édition en 1618 (l’édition ne comprenait pas encore le Cantique spirituel), il y ajouta un commentaire fait de Notes et Remarques en trois Discours pour faciliter l’intelligence des phrases mystiques et des doctrines contenues dans les œuvres spirituelles de notre Père Jean de la Croix. En 1622, le neveu de Louis de Léon, Basile Ponce de Léon, devait y ajouter une réfutation des Censures et objections qui ont été faites à quelques propositions du livre de notre Père Jean de la Croix, car on avait trouvé matière à critiquer dans un texte déjà soigneusement retouché. Enfin, en 1630, on faisait appel au carme Nicolas de Jésus et l’on publiait son Élucidation des phrases mystiques de notre Père Jean de la Croix. Dans la nouvelle édition (comprenant cette fois le Cantique spirituel), aucun de ces commentaires officiels de la pensée de saint Jean de la Croix ne restituait l’exacte idée que celui-ci s’était faite de la nature de l’abstraction de l’intelligence requise dans la contemplation d’attitude, l’attention simple et amoureuse à Dieu ; contrairement à ce qu’au même moment Quiroga avait fait en composant son Apologie mystique de la doctrine de saint Jean de la Croix (Appendice III) 39.

C’était pourtant le point névralgique de la doctrine. Or, ces trois commentateurs, maîtres en théologie, faisaient de cette abstraction une faveur surnaturelle, propre à une contemplation extraordinaire. Ils rendaient ainsi impossible la pratique de la contemplation. Plus encore, ils jetaient sur elle l’interdit, car si l’acte du regard direct de l’entendement sans réflexion sur soi, propre à l’union intentionnelle à Dieu, se voit rapporté à la contemplation infuse extraordinaire propre aux âmes favorisées de grâces mystiques particulières, y aspirer serait succomber à la prétention et à l’illusion des illuminés. Ces carmes ne parlaient pas autrement que les jésuites : la mystique était devenue affaire de faveurs extraordinaires ; de la contemplation d’attitude, plus question.

Cette éviction de la contemplation d’attitude chez des carmes voués à la vie contemplative était inadmissible. Il appartenait au P. Thomas de Jésus de tenter d’y porter remède, dans une synthèse complexe qui subvertit totalement la doctrine de saint Jean de la Croix.

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Thomas de Jésus s’est fait de la contemplation mystique une idée très personnelle qu’il devait achever d’exposer dans le volumineux ouvrage publié à Anvers en 1623, en latin et intitulé Méthode, nature et degrés de l’Oraison divine ou infuse.

Interprétant l’Aréopagite, particulièrement dans le texte fameux de la Théologie mystique, où Denys invite son disciple Timothée à entrer dans la divine ténèbre 40, Thomas de Jésus « entendait de la contemplation infuse et

39 Voir infra, p. 331.

40 « Nature de la ténèbre divine irmite, (sont l’essence, la divinité, la bonté sont superessentielles, superdivines, superbonnes, qui guidez les chrétiens dans la sagesse ès choses divines, menez-nous au sommet spécialement inconnu, lumineux et sublime

suréminente dont il s’est fait le théoricien. Pour lui, cette contemplation très relevée est une science miraculeuse de l’intellect opérant sous l’influence immédiate de Dieu, selon un mode d’opération transitive, de l’ordre de la grâce gratuitement donnée (por modo de acto transeunte) à travers le rapt, l’extase, les visions et les révélations, la prophétie. On ne pouvait prendre plus nettement le contre-pied de l’enseignement souverain de saint Jean de la Croix, pour qui la théologie mystique est toujours, dans la foi illuminée, dans tous ses degrés, science d’amour. (C’est néanmoins à Thomas de Jésus que Nicolas de Jésus devait se référer explicitement au moment de commenter la doctrine de saint Jean de la Croix dans l’édition des Œuvres du saint de 1630) (voir supra, pp. 96-97).

Dans son traité de 1623, Thomas avait voulu compléter son De Contemplatione divina de 1620 et finalement résoudre le problème laissé en suspens après 1612 et les années de polémique qui l’avaient opposé aux capucins belges, disciples de Benoit de Canfeld, à propos de sa Censure de la Théologie germanique. Thomas de Jésus responsable des carmélites venues de France et


des oracles cachés, là où la simplicité, la pureté et la fixité des secrets de la science de Dieu paraissent dans la lumière, plus claire que la lumière, du silence, maître des secrets. Lorsque tout est bien noir, cette ténèbre se met à briller d’un éclat hautement supérieur. Quand plus rien n’est palpable ni saisissable, elle inonde de splendeurs merveilleuses les âmes qui sont sans yeux. Puisse-t-il en être ainsi pour moi ! Pour toi, cher Timothée, qui ambitionne sérieusement de voir dans le secret mystique, laisse-là les actions des sens, les ouvrages de l’esprit, tout sensible, tout intelligible, ce qui n’est pas, et ce qui est. Puis, dans cette ignorance, élève-toi autant qu’il est possible à l’union de Celui qui passe toute essence et toute science. Moyennant cette totale et parfaitement exacte sortie de toi-même et de tout, tu pourras t’élever au rayon inouï de la divine ténèbre, parce que tu seras pauvre de tout, libre de tout » (Théologie mystique, éd. Dionysiaca, pp. 566-569). Ce grand et mémorable texte dit assez clairement l’unité de la contemplation de théologie mystique, infuse et élective. Pour Thomas de Jésus, il fallait l’entendre de la seule contemplation éminente (De coniemplatione Divina, Libri Sex, V, cap. XIII). Il faut souligner l’ascendance médiévale — et avicenienne — de la problématique de Thomas de Jésus à propos du rôle de la lumière de gloire, appliquée à la contemplation infuse. Capréolus, Suarez et les carmes de Salamanque se référaient à Jean de Ripa, scotiste, qui joua un rôle de premier plan dans les disputes qui opposèrent dans la seconde moitié du XIVe et le début du XVe siècles, scotistes et thomistes, sur la nature du mode de la connaissance de Dieu au ciel (vision béatifique). Du ciel descendu sur terre, le même problème se posait : s’agit-il d’une connaissance moyennant un don créé ou immédiate, par illumination directe de l’essence divine ? Hugues de Saint-Victor, saint Thomas avaient réfuté les thèses favorables à la vision immédiate de Dieu dans la gloire (1-2, q. 3, 1, à propos de la thèse fameuse de Pierre Lombard) que reprennent au xvie siècle les illuminés pour qui l’amour de Dieu en l’homme « est » Dieu (tels que Pedro de Alcaraz, le chef de file des dexados de Nouvelle-Castille). Thomas de Jésus, dans la problématique miraculiste de la théorisation baroque de la mystique, appliquait la thèse au mode de l’illumination de l’intelligence qui se produit dans l’union transformante de la contemplation infuse, dans une pure passivité. L’âme « était » alors Dieu. On reconnaît là le naturalisme gréco-arabe de l’avicennisme mystique dont avait déjà hérité la mystique spéculative des rhénans. Thomas de Jésus l’incorporait dans sa vision surnaturaliste de la contemplation « extatique et fruitive » par concession transitive du lumen gloriae.

fondateur en Belgique et en Allemagne, avait imité Gratien de la Mère de Dieu dans son rôle d’inquisiteur espagnol officieux en Pays-Bas et aussi de gardien de l’esprit de sainte Thérèse qu’il jugeait, non sans raison, gravement menacé par la spiritualité « perfectiste » des capucins, autant que la Mère Anne de Jésus l’avait pensé de la spiritualité bérullienne. Mais il n’avait suivi que de loin la position de l’ancien Commissaire de la Réforme auprès de sainte Thérèse, sans du tout épouser son thérésianisme primaire et sa conception brouillonne de la théologie mystique. La polémique lui avait appris à approfondir dans le sens de sa propre recherche et surtout à mieux apprécier l’apport original des mystiques du Nord à la solution, croit-il, du vrai problème. En fait, il se situait, lui aussi, dans la problématique moderne rénovée de celle des rhéno-Flamands. Comme eux, il avait opté pour le primat de la grâce de prophétie et il y ajoutait une conception toute moderne du séparatisme de la nature et du surnaturel. Entre 1613 et 1627, date de sa mort, on le voit tout occupé à rédiger ses écrits de théologie mystique, dans lesquels il assimile de plus en plus les analyses de Ruusbroec et de Herp — il ne semble pas avoir connu les œuvres de Maítre Eckhart — avec une impressionnante maîtrise dialectique. Tant et si bien qu’il approuvera chaudement en 1623 le projet de béatification de l’Admirable dont il avait fait son saint Patron/41.

Le but que Thomas de Jésus poursuivait était donc clair. Lui-même nous a dit que dans ces deux ouvrages, il désire asseoir la science mystique sur la doctrine solide de l’Écriture et des Pères, parce que la contemplation surnaturelle et infuse est ardue et rarement comprise (paucisque intellectam) ; il se propose de débarrasser la théologie mystique des obscurités de langage et des symboles propres aux spirituels qui en ont l’expérience, afin de la mettre à la portée de tous les esprits/42. Son insistance à souligner dans ces deux ouvrages le parti-pris de dissiper les obscurités de la théologie mystique et l’absence totale de toute référence aux œuvres de saint Jean de la Croix, semble bien prouver qu’il vise en particulier les « obscurités » de la doctrine du saint Docteur. Aussi bien se propose-t-il dans son Divinae Orationis, d’étudier toute la matière de l’oraison infuse sans jamais entrer dans la controverse/43. Plutôt que de discuter saint Jean de la Croix, dont il n’admet pas la doctrine, il a préféré l’ignorer.

Thomas de Jésus a-t-il une expérience mystique qui lui permettrait du moins d’être meilleur théologien que saint Jean de la Croix, témoin plus lucide de cette expérience ?

Il l’a dit lui-même : il n’a pas l’expérience de l’union surnaturelle propre à l’oraison infuse. Mais il s’est efforcé de la comprendre pendant plus de vingt ans, au prix de lourds travaux, fouillant les trésors de l’Écriture et des Pères, consultant les contemplatifs les plus insignes, tant de son Ordre que des autres. Il n’a pas l’expérience parfaite de tous les états qu’il décrit, mais les miettes tombées de la Table Divine suffisent à donner le goût du Pain Céleste.

Il confesse avoir cherché, des années durant, à puiser aux trésors surnaturels de l’oraison infuse. Il a désiré marcher du même pas que d’autres religieux et spirituels, aiguillonnés dans leur intérieur par Dieu. Plus encore, c’est après la lecture du passage de sainte Thérèse où la Sainte Mère parle de la vision intellectuelle de la Trinité divine, qu’il a conçu ce désir et qu’il décida d’entrer en religion. Son seul désir en prenant l’habit était de jouir des richesses surnaturelles, de faire l’inventaire du trésor caché et de parvenir, au prix d’inlassables efforts, à la source délectable des eaux de la Vie éternelle.

Pendant plus de vingt ans, déclare-t-il, il chercha en vain d comprendre, ne fût-ce que spéculativement, la nature de cette union suprême et céleste, célébrée par les Pères et magnifiée par les Docteurs mystiques. Jusqu’au jour où Dieu


41 La Théologie mystique de Herp, mise à l’Index depuis 1559 en Espagne et 1583 à Rome, n’est autorisée qu’en 1585 dans l’édition latine expurgée publiée à Rome. À partir de 1592, le franciscain espagnol Juan de los Angeles s’était proposé de la meure à la portée des lecteurs espagnols, en particulier dans ses Dialogues de la Conquête du Royaume de Dieu (1595-1608). Il faisait œuvre de compilateur éclectique et soucieux d’éviter toute dispute en matière d’oraison. Thomas de Jésus se montre autrement plus hardi.

42 D.O. Ad lectorem (3e page) : « Attamen divino freti auxilio, etsi non quantum exposcit tante rei dignitas et magnitude, secundum experientir nostrie mediocritatem (quam fatemur esse exiguam) utcumque digerere tentabimus ; conantes pro ingenii nostri tenuitate, natura sua difficilem, arduam, mysticam et obscuram hanc tractationem, ab obscurioribus et symbolicis Mysticorum terminis et dicendi modis, quibus obvoluta et obtenebrata horrorem contraxit multisque incussit, vindicatam et expurgatarn, ad faciliorem et omnibus notarn ac ferme scholasticam loquendi phrasim reducere : enitentes in primis, sine ullo argumentorum strepitu ac disputatione, mysticam hanc scientiam in solida scripturr sacre ac sanctorum Patrum fundare doctrina, quam, claram sinceramque, et scholasticr Theologi principiis optime cohrrentem, periti Theologi probe cognoscant, minus etiarn docti facile et sine obscw-itme invenire arque percipere valeant » (Cf. Lut, 236 y’) ; voir également D.C. Praefatio ad lectorem : « De divins contemplatione, maxime de infusa (materia sane non minus sublirni et obscurs quam utili et necessaria) Deo favente dicturus, opereprœtium duxi pretermisso mysticorum symbolicis ac implicatis loquendi modis, sanctorum et gravissinorum Patrum, probatiorumque Scholastice Theologi Doctorum pracipue vero divi Thom et divi Bonaventure ac aliorum vestigiis inherere et prout Deus dederit, universam hanc tractationem ad Theologir Scholasticœ fontes communemque doctrinam reducere ». On retiendra également le passage suivant de la Préface du D.O. (3e page verso) : « Poro intentionis nostra acies eo tendit ut animam ad Deum a sœculi vanitate conversam, a primis Orationis rudimentis, arque ab ipso spiritualis sua nativitatis exordio, usque ad perfectam ejusdem vitae œtatem perducamus ; et viam, media, modum, quibus clementissimus Deus eam per omnes retates spirituales, de virtute in virtutem, de gradu in altiorem Orationis gradum, quousque in Sion nudis se prabeat videndum oculis, veluti manuducit, exponamus et digito (ut aiunt) demonstremus ». Ce passage ne manquera pas de rappeler l’Argumento et l’Anotacién du commentaire du Clintico de Jaén (39, a-f et x, a, a'— d’). Tout se passe comme si le D.O. était destiné à exposer la théorie de la doctrine que Thomas de Jésus illustre dans son commentaire du Càntico. On ne peut séparer les deux ouvrages.

43 Cf. supra, note 40, le premier passage cité.

lui ouvrit sa main et lui fit entendre la nature de l’union, dont il lui refusait l’expérience/44. Cela suffit à lui donner confiance. Il va aider son prochain à désirer de toutes ses forces de parvenir aux eaux célestes, en lui montrant au grand jour, les trésors de la sagesse de Dieu en lui faisant comprendre quelle abondance de richesses surnaturelles Dieu réserve aux âmes.

Cette confession sans détours nous fait entrer au plus profond de l’inspiration de Thomas de Jésus : elle nous livre, plus directement, plus vivement, que ne peut le faire la lecture soutenue de ses écrits, l’intuition centrale d’où son œuvre tout entière est sortie. On nous permettra d’y insister.

Le passage de la Septième Demeure auquel Thomas de Jésus rapporte sa vocation religieuse, a joué dans son esprit un rôle absolument primordial/45 : c’est à partir, croit-il, du témoignage de sainte Thérèse qu’il conçut sa théorie de la contemplation suréminente et de l’union « extatique et fruitive ».

Thomas de Jésus interprète l’expérience de la vision de la Trinité divine dont parle sainte Thérèse, comme Louis de Léon, du point de vue du don de prophétie, c’est-à-dire comme une grâce extraordinaire (gratis data)/46 et non pas du point de vue de la grâce des vertus et des dons à laquelle saint Jean de la Croix la rapportait.

Il y a lieu, rappelons-le ici, de distinguer deux expériences de la vision de la Trinité : l’une, celle dont parle saint Jean de la Croix, est une connaissance de la vie intime de la Trinité, qui est intérieure à l’expérience mystique la plus élevée, et qui résulte du plein épanouissement dans l’âme de la grâce sanctifiante, c’est-à-dire de la foi informée par la charité et illustrée par les dons de sagesse et d’intelligence. L’expérience du mariage spirituel ne se conçoit pas sans cette participation à la Vie Trinitaire.

L’autre n’est pas essentielle à l’expérience du mariage spirituel : elle ne relève pas, en effet, de la grâce sanctifiante, mais des charismes. Les deux expériences

44 D.O., loc. cit. Le dernier paragraphe est ainsi rédigé : « Fateor tamen et quidem libenter, etiam evolutis diligentissime plurimorurn virorum doctorum scriptis, non potuisse me per annos plusquam vigenti, spéculative etiam, percipere quidnam esset suprema et crlestis haec anime cwn Deo unio... donec tandem divina illa bonitas lumen quod manibus absconditum tenebat, aliqua data occasione, aliquantisper mihi reseravit quo quidnam ista sit unio et in quo precipue consistas capere possem » (5e page recto).

45 11 le cite plusieurs fois dans ses deux Traités (Cf. en particulier D.O., lib. IV, cap. 9,

p. 420, où il y fait allusion ; D.C., lib. VI, cap. III, p. 497, où il l’a traduit.

46 D.C. Summa totius operis (page 11) et D.O. Ad lectorem (2e page recto) : l’oraison la plus élevée résulte d’une manifestation fulgurante de Dieu, d’un infusion du Saint-Esprit sans le secours des habitus des dons (« aquam profecto orationis sublimem gratiam, per Prophetas suos promiserat Deus liberalissime se legis Evangelice tempore donaturum arque effusurum »). Cette grâce, qui dépasse celle de l’oraison qui procède de l’influx spécial du Saint-Esprit moyennant les habitus des dons, « earn ob causam ad gratias gratis datas merito reducitur ».

peuvent parfois coexister (ce fut le cas de sainte Thérèse gratifiée de la connaissance intime de la Trinité essentielle à l’état du mariage spirituel, propre à la vision intellectuelle des Personnes divines, et par ailleurs, d’une vision imaginative), mais l’une ne se réduit pas à l’autre. Les confondre serait dénaturer dans son fond l’expérience mystique la plus élevée et faire passer dans l’ordre des charismes ce qui relève de l’ordre de la grâce des vertus et des dons, toute espèce de grâce divine étant alors ramenée au mode commun de l’extraordinaire.

De toute évidence, comme le faisait Louis de Léon, Thomas a confondu ces deux expériences. C’est pourquoi il a regardé toute union expérimentale aux Personnes divines comme accidentelle et extraordinaire. Selon lui, il s’agit d’une grâce suréminente, en tout point charismatique, qui consiste en une manifestation transitive de Dieu à l’âme comme objet béatifique (Herp avait dit : en une concession transitive du lumen gloriae).

Pour bien comprendre la nature de l’union mystique, telle que l’entend Thomas de Jésus, il faut se rappeler qu’il distingue d’une manière très personnelle et complexe deux genres principaux de contemplation, selon deux modes essentiellement distincts d’union à Dieu.

Le premier genre de contemplation est l’effet du développement normal de la grâce sanctifiante : il procède de l’habitus des vertus et des dons du Saint-Esprit opérant dans l’âme de manière humaine encore, c’est-à-dire par l’entremise de la raison qu’ils disposent aux opérations proprement surnaturelles/47. Cette contemplation est, de droit, accordée à toutes les âmes justes, elle peut être acquise avec l’aide de Dieu et elle est nécessaire à la perfection. Lorsque l’âme y parvient, elle est unie à Dieu en tant qu’il est présent en elle par la présence d’immensité/48. La grâce sanctifiante dispose donc l’âme à une certaine union habituelle à Dieu, manifesté en elle comme principe d’opérations surnaturelles, et présent en elle par la présence dont il remplit toute chose. Thomas de Jésus appelle cette contemplation contemplation acquise.

Le second genre de contemplation n’appartient pas, au contraire, au développement normal de la grâce sanctifiante : il procède de l’action immédiate du Saint-Esprit sur les puissances de l’âme. Son mode est proprement divin, et cela peut s’entendre de deux degrés différents de contemplation. Dans le premier, l’action immédiate du Saint-Esprit dans l’âme se fait par le moyen des habitus des dons, mais « spécialement actués ». Dans le second, supérieur au premier, l’Esprit-Saint meut l’âme immédiatement sans l’entremise d’aucun habitus des

47 D. 0., lib. I, cap. 3, p. 20 : « omnibus justis sirnul cum gracia et charitate donorwn habitus infundantur », mais dans ce genre de contemplation l’Esprit-Saint ne meut pas l’âme immédiatement, mais moyennant les actes des puissances « per rationis discursum mediate movet ». La motion du Saint-Epsrit est alors « prédéterminée » par la raison.

48 Cf. en particulier, D.O., lib. IV, cap. 11, p. 442.

dons, selon un mode actuel très spécial/49. Cette contemplation relève alors des charismes/50, mais dans les deux degrés elle est extraordinaire, procède de l’infusion d’une grâce actuelle supérieure à l’ordre de la grâce sanctifiante, et à ce titre n’est pas requise pour le salut de l’âme ni pour la perfection de précepte. Ce genre de contemplation surnaturelle et infuse résulte, selon Thomas de Jésus, d’un mode nouveau de présence de Dieu dans l’âme, distinct de la présence d’immensité et de la présence de Dieu dans l’âme justifiée. Telle est la contemplation propre à la théologie mystique.

Thomas de Jésus sait parfaitement que ce nouveau mode de présence est une innovation qui lui est propre, et qu’il ne trouve ni chez les Pères/51, ni chez les théologiens les plus experts/52. Mais il n’est pas disposé à l’abandonner, et on le comprend, car toute sa synthèse doctrinale s’effondrerait.

Selon Thomas de Jésus, en effet, la contemplation propre à la théologie mystique résulte de la manifestation de Dieu aux puissances de l’âme comme objet surnaturel et béatifique. S’il est vrai que l’âme peut dès ici-bas commencer à goûter à la béatitude glorieuse, comme tous les théologiens scolastiques et les docteurs mystiques le disent, cela suppose nécessairement, selon lui, qu’elle est capable, ici-bas, de s’unir en acte à Dieu aimé et connu comme objet béatifique. Or, par la présence d’immensité, Dieu est présent dans l’essence et dans les puissances de l’âme en tant que principe de ses opérations naturelles. Lorsque l’âme reçoit l’infusion de la grâce sanctifiante, Dieu lui fait sentir cette présence d’une manière intime et en quelque sorte habituelle. Mais de même que la présence d’immensité est, de soi, improportionnée à cette union habituelle qui résulte de la justification de l’âme par l’infusion de la grâce sanctifiante, de même l’union habituelle est, de soi, improportionnée, et d’un ordre inférieur, à la vision béatifique et à la béatitude accessible ici-bas. Dieu doit donc se rendre présent dans l’âme d’une manière toute nouvelle, proportionnée à la vision béatifique/53, et il le fait en se manifestant aux puissances de l’âme comme il le fera dans la gloire, avec cette différence toutefois que dans la gloire les puissances seront Saint Jean de la Croix et l’aventure de la mystique espagnole immédiatement unies à Dieu comme objet béatifique, tandis qu’ici-bas l’union n’est immédiate que dans la volonté/54. Comme on le voit, Thomas de Jésus entend d’une manière toute nouvelle l’affirmation commune à tous les Docteurs scolastiques et à tous les mystiques selon laquelle la béatitude glorieuse commence dès ici-bas ; il abandonne sur cette question fondamentale la doctrine traditionnelle et celle de saint Jean de la Croix. Selon lui, la « beatitudo inchoata » propre à la théologie mystique est d’un autre ordre que celui de la grâce des vertus et des dons. Elle est de l’ordre des grâces actuelles « gratis data ».

À son degré le plus élevé/55, l’union actuelle propre à la théologie mystique consiste, dans l’âme parfaite, dans l’union immédiate et expérimentale à Dieu caché dans l’essence de l’âme et rendu intimement présent aux puissances comme objet béatifique. Cette union n’est parfaite que dans la gloire : en effet, seule la volonté s’unit immédiatement à Dieu rendu présent en elle comme Souverain Bien, l’intellect ne s’unit pas encore immédiatement à lui : il ne le connaît pas comme Souverain Bien d’une manière intuitive, mais « sub ratione immense lucis ». C’est ce degré d’union actuelle passive que Thomas de Jésus appelle à proprement parler union mystique/56.

À un degré inférieur de cette union, l’âme parfaite est transformée en Dieu présent en elle comme objet béatifique, sans lui être unie immédiatement : elle n’a pas l’expérience de « la présence déifique », elle ne connaît pas encore qu’elle est transformée en Dieu/57. Dans cet état l’âme aspire à recevoir un baiser de sa bouche, à sentir expérimentalement qu’elle lui est unie/58. Elle est unie à Dieu « in affectu tantum », comme à distance. Dans le degré supérieur que l’âme désire atteindre, elle est unie réellement à Dieu « non in affectu tantum sed in effectu ». Comme on le voit, cet autre degré, inférieur, d’union actuelle n’est à proprement parler qu’une disposition à l’union mystique proprement dite. Tant que l’âme y


49 D.O. ad lectorem : « alterum [le 2e genre de contemplation] a Spiritu Sancto mediis donorum habitibus specialius movente ; tertium immediate ab ipso Deo sine habituali alicujus doni interventu, per modum actus procedit ».

50 La grâce abonde dans l’âme « qua abundantia non habitualem solum quam graturn facientem vocamus sed et gratis datam sive actualem cumulo largitatis suz complecti videtur » (ibid.). Cf. également lib. I, cap. IV, p. 39 : le mode le plus élevé de cette contemplation résulte de l’habitus des béatitudes que Thomas de Jésus considère comme accordées à l’âme « per modum actus tantum et qua gracia gratis data communiter appellatur ». Cf. aussi p. 41.

51 D.O., lib. IV, cap. 11, pp. 443-444.

52 Ibid., p. 440 : cf. toute la Dubitatio des pages 440-446 que nous résumons dans le texte et également les chapitres V et VI, pp. 333 à 343.

53 Ibid., p. 442 : « Constituendus igitur est novas illapsus Dei (przexistentis in essentia anima ratione gracia habitualis) ut eo medio manifestetur potentiis in ratione objecti supernaturalis et beatifici ».

54 D.O., lib. IV, cap. II, pp. 443-444.

55 D.O., ibid., pp. 341, 342 et également lib. IV, cap. II, pp. 435-436.

56 Pour bien comprendre la position de Thomas de Jésus, il convient d’ajouter que selon lui, il y a deux sortes d’union actuelles (D.O., lib. IV, cap. 5, pp. 333-336). l’une, qu’il appelle union active, affective, ou sobre, dérive de l’habitus de la charité « modo humano ». C’est la béatitude propre à la contemplation acquise. L’autre qu’il appelle union passive, effective ou d’ivresse (ebria) est l’effet d’un don particulier de Dieu qui suspend les puissances et les sens. La première dérive du don de sagesse, la seconde également, mais « eminentiori modo et diviniori ». Seule la seconde est ordonnée à la présence de Dieu comme objet béatifique : c’est à elle que se réfère Thomas de Jésus lorsqu’il parle de la béatitude propre à l’expérience mystique et qui est la béatitude glorieuse commencée dès ici-bas (cf. supra, pp. 311-312).

57 Ibid., p. 342 : « Deo inhaeret ac in ipsum transformatur, non tamen Deo immediate unitur nec ejus arnplexum, deosculationem, sive Deificam presentiam percipit ».

58 D. O., p. 342 : « Ideoque adhuc optat Deum przsentem sentire, ac in nudis ejus bracchiis requiescere ».

demeure, elle est insatisfaite et soupire constamment vers l’union réelle et effective/59.

Si nous récapitulons les différents éléments de cette description de la nature de l’union mystique telle que l’entend Thomas de Jésus, nous dirons que l’union mystique est essentiellement extraordinaire, parce qu’à la différence de l’union active propre à la contemplation ordinaire acquise, elle résulte de la manifestation immédiate de Dieu présent dans l’âme par son essence comme objet surnaturel et béatifique/60. Dès le moment où l’âme est gratifiée de cette manifestation, et elle peut l’être au premier instant de sa conversion, elle vit sous un régime qui n’est plus celui de la grâce sanctifiante seulement, mais essentiellement sous le régime des grâces « gratis data » propre à l’union mystique comme telle/61.

Il en résulte que l’âme appelée par Dieu à l’union mystique se trouve, dès le premier instant de sa conversion, animée du désir de la vision béatifique. Lorsqu’elle parvient au terme de la voie illuminative elle est unie à Dieu, manifesté dans ses puissances comme objet béatifique, sans l’être réellement : elle n’a qu’un pressentiment de sa présence. Dans cet état d’union « affective seulement », elle désire l’union plus parfaite propre à l’union mystique proprement dite. Lorsqu’elle voit son désir satisfait, elle n’abandonne pas pour cela le désir de posséder Dieu plus parfaitement encore tel qu’elle le possédera dans la gloire, car elle ne lui est pas encore unie immédiatement par l’intellect. Dans cet état d’ailleurs, Dieu lui communique des grâces très élevées, « suréminentes », qui achèvent de la disposer à être élevée à l’union glorieuse, parce qu’elles ont pour effet de communiquer à l’intellect une vision transitive actuelle de la béatitude glorieuse/62 plus que jamais l’âme, disposée par Dieu lui-même d’une manière tout extraordinaire à parvenir à la béatitude glorieuse, est animée du désir de quitter la condition terrestre en mourant afin de parvenir à la vision béatifique. On peut donc dire que l’âme appelée à l’union mystique, à la

59 Ibid., pp. 431-432. Thomas de Jésus citait Saint Thomas : « Amor non requiescit, non est contentas superficiali apprehensione amati, sed intendit rem amatam perfecte habere ». Il glosait cette citation de la manière suivante : « Quare perfecti Dei amatores ea dilectione qua in affecta consistit minime contenti ad realem cum Deo unionem continuo aspirant ut preclare S. Macarius... ».

60 D.0., lib. IV, cap. 8, p. 358 : « Hee autem manifestatio pressentie Dei fit per illapsum Dei in potentias anime, ita ut Deus per ejus essentiam et substantiam fiat prrsens licet non ita perspicue ac in gloria, intellectui et voluntati sanctorum ».

61 D.O., lib. IV, cap. VI, pp. 339-341 : Dans ces pages, Thomas de Jésus montre qu’au sens large d’union mystique (« lace quidem ») on peut distinguer trois degrés d’union mystique « quorum infimes ad vitam Purgativam, secundus ad Illuminativam, ultimus ad Unitivam pertinet ». Dieu opère alors dans l’âme par le moyen des dons « eminentiori modo et div iniori », c’est-à-dire par le moyen de graces actuelles gratis date.

62 Thomas de Jésus décrit longuement ce dernier degré d’union mystique dans son D.C., lib. VI (« De supereminenti gradu contemplationis infuse ») pp. 469-541. Cf. p. 504 : « Et licet Deum facie ad faciem non videant, eum tamen per intelligibiles effectus altissimo modo et quasi angelico, contemplantur ».

différence de l’âme que Dieu n’y destine pas/63, est animée du désir continuel et sans cesse accru de la vision béatifique. Il ne peut en être autrement, puisque l’union à laquelle elle est appelée résulte de la manifestation immédiate de Dieu comme objet béatifique aux puissances, et que celles-ci ne trouveront de repos total que lorsqu’elles seront immédiatement unies à Dieu clairement manifesté dans la vision.

Or, si l’on se reporte à la doctrine de saint Jean de la Croix, on observe que le saint Docteur n’attribue à l’oraison mystique aucun des caractères que lui reconnaissait Thomas de Jésus. Selon saint Jean de la Croix, en effet, l’oraison mystique n’est pas extraordinaire au sens où l’entendait Thomas de Jésus ; elle n’est pas essentiellement ordonnée à l’union actuelle à Dieu manifesté dans les puissances de l’âme comme objet béatifique ; enfin, elle n’a pas pour effet propre d’inspirer à l’âme un désir continuel et sans cesse accru de la vision glorieuse.

Pour nous en tenir au Càntico, saint Jean de la Croix déclare/64 que la grâce suprême que Dieu accorde à l’âme « en la faisant entrer au plus intime de son amour, qui est l’union ou la transformation d’amour en Dieu », était réservée à l’âme qui « possède en perfection les sept dons du Saint-Esprit »/65. Il s’agit donc d’une union qui reste dans l’ordre de la grâce sanctifiante. Sans doute est-elle accordée « à quelques rares âmes »/66 ; mais ce n’est pas parce qu’elle serait de l’ordre des grâces « gratis data ». Pour Thomas de Jésus, au contraire, l’oraison mystique dans son suprême degré est accordée à peu d’âmes, parce qu’elle est essentiellement extraordinaire et résulte « de l’action immédiate de Dieu, sans l’intervention d’aucun habitus des dons, par la manifestation de la présence actuelle de Dieu comme objet béatifique ».

63 Sous le seul régime de la grâce sanctifiante le désir de la béatitude personnelle, de la possession parfaite de Dieu comme souverain bien existe dans l’âme, mais à titre de désir primordial de la nature ou à titre d’acte propre de l’espérance ou d’acte secondaire de la charité. Dans la perspective de Thomas de Jésus il existe, en outre, comme désir surnaturel actué par la manifestation immédiate de Dieu, comme objet béatifique : à ce titre le désir de la béatitude glorieuse tel que Thomas de Jésus le conçoit est propre à l’expérience « mystique ». On observera que le procès de l’âme ici récapitulé est illustré, d’un bout à l’autre, dans la conception et le commentaire du Cantique B.

64 Càestico, 17, 2, f. Pour lui cette grâce (de la « interior bodega ») est celle que chante l’Épouse du Cantique des Cantiques (2, 4) : « Introduxit me Rex in cellam vinariam ». Pour Thomas de Jésus la grâce de la « cella vinaria » est celle de l’union extatique et fruitive proprement dite (cf. en particulier D.O., lib. IV, cap. 5, p. 335 : « De illa [union activa] dicitur Bibite amici ; de hac autem [unio passiva ou ebri] : Inebriamini charissimi ». Cf. également ibid., p. 334 : « Quidam trahuntur, qui dicere possunt : Trahe me post te. Nonnulli ducuntur qui dicunt : Introduxit me Rex in cellam vinariam ».

65 Càntico, 17, 1, d.

66 Ibid., 17, 1, f.

De plus, cette union suprême que l’âme atteint dans l’état du mariage spirituel est présentée par saint Jean de la Croix comme substantielle, au sens où Dieu se communique substantiellement dans la substance de l’âme/67. En employant l’expression de communication substantielle, saint Jean de la Croix ne veut pas opposer, en philosophe, la substance de l’âme à ses puissances : il veut rendre compte de son expérience. Selon lui, l’âme totalement purifiée adhère très purement à la vie intime de Dieu, non pas toujours d’une manière actuelle dans ses puissances, mais d’une manière habituelle dans son fonds premier et les énergies d’où procèdent les opérations de ses puissances. Elle est alors pleinement disposée à avoir pour objet d’intellection et d’amour Dieu lui-même, présent en elle, en lui-même (substantiellement) et non en image, et goûté, connu, dans les ténèbres et en cachette, dans le fond de l’âme (sa substance) sans aucun acte particulier des puissances/68.

L’union suprême est donc essentiellement substantielle : elle procède de l’habitus de la charité. C’est accidentellement qu’elle peut parfois être accompagnée d’une union actuelle des puissances/69 : alors l’âme « boit de son Dieu d’abord par sa substance, puis par ses puissances spirituelles »/70. Mais l’union des puissances, bien qu’elle suppose une motion particulière du Saint-Esprit, est toujours de l’ordre de la grâce des vertus et des dons, et procède comme l’union substantielle, de l’habitus de la charité. Dans les deux cas, union substantielle simple, ou union substantielle augmentée de l’union passagère des puissances, l’âme jouit de Dieu présent en elle comme auteur de la grâce sanctifiante pleinement épanouie. Elle connaît alors un état de pleine transformation en Dieu, qui est en quelque sorte de la nature de l’état béatifique/71 : telle est pour saint Jean de la Croix, la « béatitude commencée ».

Thomas de Jésus, contrairement à saint Jean de la Croix, considère que l’union mystique est essentiellement dans les puissances. L’union substantielle,

67 En particulier, 17, 2, b. « Se difunde [esta comunicaci6n de Dios] sustancialmente en toda el alma ».

68 L’âme est alors « attentive » à l’opération de Dieu en elle. Sa contemplation est essentiellement une « advertancia amorosa a Dios sin especificar actos ». Les puissances, même perfectionnées dans l’ordre surnaturel par les vertus théologales ne peuvent savoir ce qu’est cette « advertencia amorosa ». L’expérience de l’union se situe plus profondément dans l’âme. C’est ce que veut dire saint Jean de la Croix lorsqu’il parle d’union « substantielle de Dieu dans la substance de l’âme ».

69 17, 3, b : « no està siempre [el alma] en actual uni6n segun las dichas potencias aunque segun la sustancia si ».

70 17, 2, c : « Segtin la cual transformaci6n bebe el alma de su Dios segtin la sustancia de ella y segtin sus potencias espirituales... ».

71 Du point de vue de l’habitus de la charité, l’union « substantielle » est aussi parfaite que dans la gloire ; elle en diffère par « l’opération et le fruit de l’amour » (Llama, strophe 1, vers 3; Silverio, tome IV, p. 117).

au sens où l’entendait saint Jean de la Croix, lui paraît réservée à la gloire/72 ; d’autre part, l’union habituelle dont l’âme jouit du fait de la grâce sanctifiante est improportionnée à l’union à Dieu comme objet béatifique, elle est d’un ordre inférieure. Ici-bas, la seule union mystique accordée à l’âme est l’union selon les puissances, entendue comme relevant non pas de la grâce des vertus et des dons, mais des grâces actuelles gratis datae. Il s’ensuit que la béatitude commencée dès ici-bas n’a plus le même sens que chez saint Jean de la Croix ; elle ne consiste pas, en effet, dans l’union à Dieu intimement présent dans la substance de l’âme, aimé et connu immédiatement par la foi informée par la charité et illustrée par les vertus et les dons du Saint-Esprit, mais dans l’union extraordinaire, purement gratuite, à Dieu manifesté aux puissances de l’âme selon un mode spécial de présence déifique comme objet surnaturel et béatifique/73. La béatitude commencée est donc réservée aux âmes gratifiées des grâces gratis datae, on ne peut l’entendre de la perfection accessible à l’ensemble des fidèles qu’en un sens tout différent/74 : dès ici-bas, les âmes « patientes divina » sont gratifiées d’une manière tout extraordinaire, dans leurs puissances, d’une expérience des joies célestes, elles puisent déjà au trésor délectable que leur perfection leur réserve de posséder pleinement dans leur substance dans l’au-delà ; au contraire les âmes parfaites, qui ne sont pas élevées aux grâces de l’oraison mystique, méritent d’avoir leur place marquée dans la gloire, mais elles ne parviennent pas, dès ici-bas, à entrevoir les joies ineffables qui les attendent.

Enfin, selon saint Jean de la Croix, l’âme qui entre dans la voie unitive, voit s’estomper le désir qui l’animait, dans la voie illuminative, de voir Dieu face à face/75 : c’est qu’elle parvient, dans l’union substantielle habituelle accessible ici-


72 D.O., lib. IV, cap. 11, p. 442 : Selon lui, l’illapsus de Dieu comme objet béatifique ici-bas n’est pas « in essentia anims » ; cf. également lib. IV, cap. 8, pp. 362-363 : l’âme est unie à la Sainte Trinité « non secundum unionem substantialem, sed secundum unionem hanc amoris intirnam et arcanam » (c’est l’union propre à l’union « extatique et fruitive »).

73 Cf. supra, p. 315.

74 Pour Thomas de Jésus (cf. D.O., lib. IV, cap. 4, pp. 330-331), l’union par la grâce habituelle est d’un ordre inférieur à la « béatitudo inchoata » : « In hac quoque habitualis gratis possessione sive conjunctione, unio haec fruitiva et supernaturalis in qua nostram beatitudinem sitam esse ostendimus, nequit consistere ». En un certain sens seulement, purement juridique, l’union par la grâce habituelle peut être appelée béatitude de la vie présente : « In hac tamen gratis habitualis unione quodammodo dici potest beatitudinem hujus vioc consistere, quia haec unio justis perfects et complets beatitudinis jus tribuit ». Pour saint Jean de la Croix au contraire, la foi pleinement informée par la charité et illustrée par les vertus et les dons du Saint-Esprit, ne donne pas seulement à l’âme un droit à jouir de Dieu dans la béatitude future de la vision, car la Foi et la Vision ont le même objet. En ce sens, il n’a pas à recourir à un autre moyen immédiatement proportionné à la vision : c’est normalement, par le plein développement de la grâce sanctifiante que l’âme parvient ici-bas à la « beatitudo inchoata ». Cf. Subida, lib. II, cap. 24, 4.

75 Cf. supra, p. 88 et ss.

bas, à aimer Dieu de la même manière qu’elle le fera dans la gloire/76. Si nous nous reportons au Cantico authentique nous observons, en effet, que l’âme cesse d’aspirer à la vision glorieuse, dès qu’elle est élevée à l’état des fiançailles spirituelles. Au contraire, nous l’avons vu/77, selon Thomas de Jésus et l’auteur du Càntico apocryphe, le désir de la vision béatifique est essentiel à l’oraison infuse proprement dite et il ne cesse de croître dans l’âme à mesure que Dieu, comme objet béatifique, se manifeste plus clairement à elle/78 : dans la gloire seulement il disparaîtra, car l’âme possédera alors essentiellement la béatitude dont elle n’a ici-bas que l’image/79.

On comprend, dès lors, le sens très précis qu’il faut accorder à l’expression d’union extatique et fruitive par laquelle Thomas de Jésus caractérise l’union mystique ainsi entendue. L’union est dite extatique parce qu’elle arrache l’âme à elle-même et la tire hors des conditions normales de l’expérience humaine de la grâce divine. En ce sens les grâces mystiques violentent la nature et détournent les puissances de l’âme de leur usage normal ici-bas, en les appliquant non pas au créé (qu’il s’agisse de la connaissance des créatures ou de la connaissance de Dieu présent en toute chose, et à ce titre connu par l’âme humaine ornée de la grâce sanctifiante), mais à l’incréé, c’est-à-dire à Dieu immédiatement manifesté à l’âme comme objet béatifique/80.

De même, l’union est dite fruitive parce qu’elle est essentiellement une certaine connaissance de la gloire, déjà goûtée dans la volonté immédiatement unie à Dieu comme objet béatifique, et connu par l’intellect, bien qu’à distance, médiatement, par le moyen de l’union immédiate de la volonté, ou

76 Cf. supra, note 71.

77 Cf. supra, pp. 313-314.

78 Cf. D . 0., lib. IV, cap. 3, p. 325 : Thomas de Jésus l’explique également en montrant que l’âme, dans son progrès mystique, opère des actes de plus en plus parfaits « qui magis fini scilicet beatitudini appropinquant et assimilanrur ». Ces actes sont les actes propres des béatitudes (cf. cap. II, pp. 437-438 : l’âme, dans cette union qui résulte des grâces extraordinaires, ne se contente pas des révélations, elle désire naturellement qu’elles soient accompagnées d’une faveur spéciale [« speciali prrrogativa »] qui consiste dans la manifestation de Dieu comme objet béatifique, « non sicuti est », mais « quod est »).

79 Ibid., p. 324 : « Unde etsi in hac vita, perfecta summi boni possessio non habeatur, sed tantum in futura, in qua Deum revelata facie videbirnus sicuti est, in hac tamen vita est qurdam veluti imago, qur rternrilli felicitati assimilatur, qur in ecstatica et fruitiva unione hominis cum Deo consistit ». Comme on le voit, Thomas de Jésus ne l’entendait pas de la même béatitude que saint Jean de la Croix.

80 On notera que Thomas de Jésus retrouve, en un sens, la doctrine de l’amour violent propre à Richard de Saint-Victor qu’il cite sans cesse dans ses ouvrages. Mais ce n’est pas parce qu’il renierait la rectitude de l’inclination primordiale de la nature à aimer Dieu et à le désirer par-dessus toute chose, au contraire, il l’accepte (avec S. Thomas de Villeneuve). Sans qu’il se soit expliqué à ce sujet, c’est plutôt sa conception philosophique de la liberté humaine qui doit être mise en cause.

immédiatement, quoique d’une manière transitive, dans la contemplation suréminente qui caractérise le degré le plus élevé de l’union mystique.

Sur ces deux points, Thomas de Jésus était en parfaite consonance avec les théoriciens rhéno-Flamands de la mystique.

**

Ce n’est pas seulement au niveau de la nature de la contemplation surnaturelle infuse que l’enseignement de Thomas de Jésus devait avoir une influence décisive, mais aussi au niveau de la nouvelle espèce de contemplation qu’il introduisait, une contemplation mystique non infuse, active ou acquise. Thomas de Jésus a défendu cette thèse tout au long de sa vie. Il en a posé les bases dès 1600-1604 : face à la contemplation infuse définie comme « totalement surnaturelle »/81, Dieu seul la versant en nous sans nous, moyennant l’opération immédiate des dons, il y a place pour une « contemplation de théologie mystique » dans laquelle on entre « modo humano » : « c’est celle que nous pouvons obtenir grâce à notre diligence et industrie principalement moyennant la faveur divine [ordinaire], en nous fondant sur la connaissance de la foi ».

Cette contemplation « se fonde en connaissance de foi, avec notre propre industrie ». Elle met en œuvre la « notice cachée de Dieu qui est un acte propre de l’entendement, selon les philosophes et les théologiens ». Thomas de Jésus réfute sur ce point la thèse de l’amour sans connaissance (qu’il attribue à saint Bonaventure) :

Que la mistica theologia es una noticia tan oculta que en ella no ay conocimiento ninguno del entendimiento sino q. la voluntad es la q. experimenta y gusta quien es Dios y desta noticia experimental de la voluntad desciende al entendimiento la luz y el conocimiento. (Primera Parte del Camino, III, 235-236).

Selon lui, « il existe une véritable connaissance de l’entendement secrète et cachée, une connaissance négative si habituelle dans les âmes qui y parviennent qu’elles ne la perçoivent plus » (237). Il ajoute que l’amour de Dieu enflammé dans la volonté est l’effet principal de cette espèce de connaissance/82.

Lorsque les signes de l’entrée dans la contemplation (après un certain temps consacré à la pratique de la méditation et du discours) sont donnés, Thomas de Jésus, lisant saint Jean de la Croix et de très près/83, n’y verra plus, comme lui, l’invitation divine à entrer dans un nouveau mode de comportement face à l’amour

81 « ...qur omnino supernaturalis a solo Deo infunditur ».

82 Voir l’article du P. Siméon de la Sagrada Familia, Morue Carmelo, 61 (1952), qui cite la Primera Pane, d’après le manuscrit de la B.N. Madrid, 6533, pp. 233 et ss.

83 Tomas de Jestis y san Juan de la Cruz, op. cit., pp. 150-155.

infus — la contemplation d’attitude — Dieu prenant l’initiative de se communiquer à nous avec ses dons selon son mode proprement divin, afin de nous apprendre à nous conformer à son mode à Lui. Il y verra l’invitation à entrer, soit dans la contemplation surnaturelle infuse liée à la purgation passive (décrite dans la Nuit obscure), soit dans la « contemplation acquise de Théologie mystique » dont il croit trouver la description dans La Montée du Mont-Carmel/84. Ici, comme nulle part ailleurs, il faisait sentir le poids fatal de la problématique séparatiste qui conduit inévitablement à séparer, dans la contemplation mystique, les deux aspects unis de l’infus divin et de l’électif.

En faisant de la mystique, pour une part, une contemplation infuse suréminente relevant d’une communication divine immédiate du Saint-Esprit, Thomas de Jésus achevait le processus historique de laïcisation de l’intelligence du mystère de l’œuvre de l’amour infus dans la divinisation de la créature humaine. Il réduisait la mystique par le haut.

Avec sa théorie de la contemplation mystique « active » ou « acquise », il en réduisait le mystère par le bas. Il confondait, en effet, la libre réaction du sujet face à l’initiative souveraine de la grâce, la négativité d’un non-voir et d’un non-goûter spécifiques, avec le processus de la négativité propre à la spéculation des philosophes ou des théologiens qui recourent à la connaissance négative. Cet aspect de l’enseignement de Thomas de Jésus avait retenu l’attention d’Antonio de Alvarado et de l’auteur du Bref Traité de la connaissance obscure affirmative et négative dont nous avons parlé.

Il était pourtant profondément subversif, dans la mesure où la notice générale et confuse de Dieu, qui constitue l’essence de la théologie mystique selon Thomas de Jésus, ne correspond plus du tout à la notion sanjuaniste de l’attention simple et amoureuse à Dieu, parce qu’elle ne dépend plus essentiellement de l’amour infus, mais de l’opération naturelle de l’intelligence parvenue au point où l’incognoscibilité divine lui inspire un désir ardent de la vision de Dieu.

L’entrée active dans la contemplation de théologie mystique se fait, en effet, selon lui, par deux voies différentes : celle de l’entendement et celle de la volonté. Le texte suivant (reproduit par le P. Siméon dans Monte Carmelo, 60, p. 246), permet de se faire une idée précise de sa doctrine sur ce point capital :

De donde se puede entender q. los que entran en la mistica theologia son en dos marieras, vnos mediante el entendimiento ayudandose mas del entendimjt.° q de la voluntad. otros al contrario. Los primeros son los q. de contemplon, en contemplon, y de conocimiento en conocimjt.°, vienen a subir hasta Ilegar al conocimiento negatiuo y entrar mediante el en las tinieblas resplandeçientes de la diuinidad, y hasta llegar aqui ban, a remo y vela del entendimjt.° y como Ilegan a conoçer a dios debajo de vn modo tan alto la voluntad se inflama en vn ençendidisimo amor, y como el entendimiento no conoçe nada en particular ba desfall(e)çiendo y sumiendose en aquel abismo de la diuinidad, y queda la voluntad por seflora del campo amando y goçando de dios con la voluntad de vn intenso amor y vn grande y puro deleyte. Los segundos ban por otro camino porq. cerrando los ojos del entendimiento y contentandose con saber lo que la fee nos ensefia conuiene a saber q Dios es vna essençia pura, desnuda de formas y imagines incomprehensible, inefable y que exçede a toda nra. capaçidad y modo de entender, çierran los ojos al entendimjt.° no formando notiçia particular de dios sino solamte vna confusa y general de que es inaçesible y inintelligible y q. infinitamte sobrepuja lo que del podemos aprehender y viendo que con el entendimjt.° no puede dar alcane a Dios procura contentandose con aquel simple general y obscuro conoçimjt.° que la fee nos ensefia poney todo el conato en los actos de la voluntad... aspirando a Dios con vnos deseos altos viuos y ençendidos de juntarse y vnirse con el y esto llaman los que escriuen mistica theologia caminar por fee como diremos mal largam.e en el cap. 12° (169 r-v).

Au Troisième livre de son De Contemplatione Acquisita, Thomas de Jésus déclarait qu’« il n’y a pas de degré de la contemplation infuse qui ne puisse être exercé également moyennant notre industrie et notre travail, et inversement ». Tout ce qu’il a dit aux Livres II et III de son De Contemplatione Divina au sujet des degrés de la contemplation infuse, peut donc s’appliquer aussi bien aux degrés de la contemplation acquise, mis à part le mode d’opérer dans chacune d’elles (José de Jesùs Crucificado, op. cit., El P. Tomàs de Jesùs, Escritor mistico, Ephemerides Carmeliticae, 1950 (4), p. 186).

Le P. Siméon a mis en parallèle la description des degrés de la « contemplation négative ou de théologie mystique » selon Thomas de Jésus, d’où il ressort que le deuxième degré (considéré comme relevant de la contemplation « surnaturelle et infuse » au c. 6 du Livre I) correspond au troisième degré de la suprême contemplation « active » du c. 14 du Livre II (art. cit., p. 248). La conclusion est capitale et sans appel. Il s’avère que la doctrine de Thomas de Jésus plonge la mystique chrétienne dans la pire des équivoques : les deux espèces de contemplation qu’elle propose sont finalement considérées comme en continuité l’une avec l’autre, non seulement du fait que la contemplation acquise mène à la même perfection des vertus que la contemplation surnaturelle infuse, mais parce qu’en outre, elle est présentée comme étant la disposition prochaine pour passer à cette contemplation infuse extatique et fruitive. Le degré le plus élevé de l’acquise correspond, en effet, comme l’enseigne maintenant Thomas de Jésus, au degré inférieur — et intermédiaire — de l’infuse. Le vieux principe de l’ordre hiérarchique de Denys est sauf ; mais c’est tout l’édifice de la doctrine de saint Jean de la Croix qui s’effondre.

Constatons-le. À l’opposition abrupte qu’il avait établie au départ entre deux modes de contemplation — l’un ordinaire, l’autre extraordinaire — succède à l’arrivée la confusion. Il ne faut pas s’en étonner outre mesure, s’il est vrai que les deux espèces de contemplation mystique qu’avait imaginées Thomas de Jésus n’étaient

84 « Lo tercero que se ha de advertir es que a estos que van perdiendo el discurso, unes veces les lleva Dios a la contemplaci6n afirmativa, otras a la purgative pasiva... y otras veces ellos mismos se disponen y entran en la c,ontemplaci6n eligiendo la que o su maestro les ensefia o aquella a que interiormente nuestro Sefior los mueve » (Primera Parte, 252-253, art. cit., p. 137).

que deux succédanés réducteurs de la seule et unique contemplation mystique chrétienne infuse et élective.

**

4. Telle est la doctrine de la contemplation qui s’est introduite entre 1600 et 1623 dans la Réforme carmélitaine sous l’action décisive des principaux responsables de l’édition des œuvres de saint Jean de la Croix. Cette doctrine est en contradiction absolue avec celle des deux Réformateurs. Elle apparaît comme réalisant une adaptation savante, très élaborée, des orientations anciennes de la mystique spéculative des Rhénans, accommodées à la nouvelle problématique du séparatisme de la théologie des modernes. Elle permet d’expliquer le retard apporté par les carmes espagnols à l’édition des œuvres du saint.

La décision de publier les écrits du saint Docteur fut prise par le Définitoire de Madrid en 1601. L’examen des manuscrits fut confié à Thomas de Jésus à nouveau en juillet 1603. En 1607, lorsqu’il quitte l’Espagne, Thomas de Jésus n’a préparé aucune édition. La seconde permission d’imprimer fut confiée, dix ans plus tard, à l’un de ses disciples, le P. Diego de Jésus Salablanca. Son édition n’est pas complète lorsqu’il la fait paraître en 1618 à Alcalà — et en 1619 à Barcelone (manquait le Cantique spirituel). L’édition n’est pas fidèle non plus. Diego de Jésus a introduit d’innombrables corrections, surtout de longues coupures et des interpolations qui défigurent la pensée de l’auteur sur des points absolument essentiels. Nous avons apporté la preuve irréfutable que Diego de Jésus avait voulu accommoder, autant que faire se pouvait, la doctrine de saint Jean de la Croix à celle de ses amis Francisco de Santa Marfa et Thomas de Jésus (qu’il avait bien connu, puisqu’il avait été son secrétaire). Lui-même n’avait pas compris la pensée de saint Jean de la Croix si l’on en juge d’après ses Notes et Remarques placées en tête de son édition (voir infra, Appendice I).

On avait cru pouvoir avancer que la raison qui permettait d’expliquer les libertés de l’éditeur face à la pensée de l’auteur était tactique : on aurait voulu « éliminer ainsi toutes les parties de l’œuvre par lesquelles saint Jean de la Croix se montre le plus ouvertement le continuateur de la mystique des essences héritée des spirituels du Nord et la ramener à une sorte d’orthodoxie pseudo-thomiste, dont Thomas de Jésus est un des représentants ».

Un tel jugement/85 va à contresens de l’orientation de la doctrine que l’on a voulu substituer à celle de saint Jean de la Croix : la doctrine thomasienne est bel et bien tributaire de celle des spirituels du Nord. Cette fausse appréciation révèle que la spécificité traditionnelle de la pensée de saint Jean de la Croix, face à celle des héritiers de Maítre Eckhart, échappe encore à l’attention des meilleurs historiens de la spiritualité/86.

L’avenir était écrit dans les grands traités de Thomas de Jésus/87. Pour que l’on passe de la théorie de la mystique thomasienne à la pratique de la mystique de la passivité acquise, autrement dit au Quiétisme, quelques années allaient suffire. Il ne manquait que d’éliminer, dans la problématique de Thomas de Jésus, la première forme de contemplation mystique réputée miraculeuse et extraordinaire, au profit de la seconde considérée comme le mode ordinaire accessible à tous et non miraculeux, de la mystique. Une fois délestée de son rapport — tout extrinsèque — à la contemplation infuse (qui, dans la doctrine thomasienne, maintenait la contemplation acquise en tension vers la passivité propre de la contemplation extatique et fruitive), la pratique de la contemplation chez les lecteurs des « quiétistes » devait inévitablement se résumer en un apprentissage d’une passivité acquise, succédanée de la passivité active de la mystique infuse et élective de la tradition.

Le pire devait suivre. On ferait appel à la doctrine de saint Jean de la Croix pour justifier une telle éjection de la mystique miraculeuse au profit de la contemplation acquise. En amalgamant les deux doctrines inconciliables de Thomas de Jésus et de saint Jean de la Croix, on se flatterait d’en avoir surmonté la contradiction. Ce monstre spéculatif devait séduire deux générations d’amateurs de spiritualité égarés dans un chemin-court évangélique : les pré-quiétistes et les francs quiétistes.

85 Louis Cognet, op. cit., p. 181.

86 Voir supra, 2e partie, ch. 5, pp. 200-206.

87 Il faut signaler le cas bien significatif du carme espagnol Juan de Jestis Maria de San Pedro (1564-1615) qui partit en Italie dès 1585 et qui semble bien avoir devancé Thomas de Jésus dans la conception séparatiste des deux degrés de la contemplation qui apparaît dans sa Théologie mystique et son École de l’oraison. Ce dernier ouvrage fut traduit en français en 1614 par le capucin Jovye et Mme Guyon le citera encore pour sa défense. Déjà il pose une distinction de nature entre ce qui est la contemplation d’attitude (ou contemplation selon notre mode, de Quiroga) et ce qui est la contemplation infuse (au-dessus de notre mode). n l’explique en disant que la première est acquise et qu’elle n’est autre que la contemplation naturellement accessible aux philosophes simplement appliquée à un objet surnaturel révélé par la foi ; que la seconde est infuse et extraordinaire dans la mesure où elle résulte de l’infusion immédiate directe de Dieu dépassant la grâce sanctifiante. Curieuse convergence entre lui et Thomas de Jésus.


[J’omet les Appendices I & II]


APPENDICE III La postérité de la doctrine de Quiroga en Espagne

Tandis que la spiritualité des carmes de la Réforme déviait ainsi en favorisant l’émergence du quiétisme, chez eux comme au-dehors, le conflit des deux doctrines de Quiroga et de Thomas de Jésus se prolongeait ailleurs. Ce ne sont pas les carmes, infidèles à leurs saints Docteurs, qui firent paraître en 1667 un autre chef-d’œuvre de Quiroga intitulé Concordancia Mystica de la doctrina de santa Teresa con la de los Doctores Mysticos, mais l’abbé de la chartreuse catalane de la Scala Dei, Dom Bernardino Planes. Le manuscrit circulait depuis plus de trente ans dans les chartreuses d’Escala Dei et de Monte Alegre. Il constituait le livre de chevet des moines. Planes en « ignorait » l’auteur, auquel il décerne le titre de lucidismo esplendor de la Escuela Mistica ; mais il a bien su en apprécier le contenu et préciser son originalité en disant qu’« on y expose et démontre la concordance qui existe entre la doctrine de la sainte Mère Thérèse de Jésus et celle des saints et des maîtres de la vie spirituelle qui ont traité en mystique et en théologie scolastique de l’oraison et de la contemplation ». Ses moines en faisaient un éloge universel. Ils avaient mis sa doctrine en pratique depuis longtemps. D’autres l’avaient généreusement pillé, sans le dire ; il était donc temps que les chartreux reconnaissants le publient. De fait, Quiroga avait inspiré au moins deux grands ouvrages : les traités sur la théologie mystique de Juan Bretón (1614) et de Gabriel Ldpez Navarro (1641). Bretón était qualificateur du Saint-Office et avait, à ce titre, disposé des manuscrits de la Montée du Mont-Carmel et de la Vive Flamme ; mais il semble bien s’inspirer de Quiroga dans ce qu’il dit du paradoxe de l’acte de l’entendement dans l’union intentionnelle, en citant lui aussi saint Thomas (Mistica Teologia y doctrina de la perfeccién evangélica, a la que puede llegar el alma en esta vida, sacada del espfritu de los sagrados doctores, 1614, libro 1°, p. 137). Quant à López Navarro, il résume encore plus clairement toute la doctrine de Quiroga. Le titre de son livre le laisse entrevoir : Theologia Mystica, unión y junta perfecta del alma con Dios, en este destierro por medio de la Oracién de contemplacién en vista sencilla de fe. Même définition de l’acte propre de la contemplation que chez Quiroga (Tratado, III, f° 36 v0) ; même insistance sur la purification active et passive sous l’illumination divine (Tratado VIII) ; même rejet de la conception thomasienne de la mystique (Tratado X), la « déification transformante » étant présentée comme mystique « pas au sens de : par la voie de l’extase [por via de arrebatamiento], mais bien : par la voie royale et commune de la volonté parfaitement conformée et transformée dans la volonté divine par l’amour parfait.

Il est donc certain que la doctrine déviante de Thomas de Jésus n’a pas fait l’unanimité ; mais celle de Quiroga n’a été publiquement défendue que par une petite minorité de théologiens espagnols.



Max HUOT DE LONGCHAMP

Introduction à l’Apologie mystique


INTRODUCTION43

I - José de Jesùs Maria (1562-1628)/1

Francisco de Quiroga naquit probablement en 1562 à Castro de Caldelas (province d’Orense). Neveu du cardinal Gaspar de Quiroga, archevêque de Tolède et familier de la réforme thérésienne, il reçut une formation littéraire et juridique soignée, notamment à Salamanque. Après un début de carrière ecclésiastique dans le siècle, il entre chez les Déchaux au couvent de Madrid en 1595, quatre ans après la mort de saint Jean de la Croix, et fait profession le 2 février 1596 sous le nom de José de Jesûs Maria. Sa fonction d’historien de l’ordre de 1597 à 1625 va immédiatement lui donner un accès direct aux pièces d’archives concernant la réforme carmélitaine. Mieux encore, désigné comme l’un des procureurs du procès de béatification de sainte Thérèse à Madrid, il enquêtera à ce titre auprès de tout ce qui compte dans l’Espagne mystique des années 1610. Tout cela suffirait à nous garantir l’exceptionnelle importance de Quiroga pour notre connaissance de la deuxième génération du Carmel réformé, et de l’héritage littéraire et spirituel de sainte Thérèse et de saint Jean de la Croix. Cependant, Quiroga nous intéresse davantage encore à un autre titre : l’historien de la réforme est au service du disciple des réformateurs, et de ce point de vue, il fut, jusqu’à la disgrâce, l’apologiste le plus constant et le plus déterminé de Jean de la Croix durant la période où les œuvres de celui-ci furent soumises à un traitement douteux, et qui reste aujourd’hui à préciser, de la part de ceux qu’inquiétaient ses audaces contemplatives. Rappelons simplement qu’il faudra attendre 1618 pour que paraissent la Montée du Carmel, la Nuit Obscure et la Vive Flamme, et 1627 pour que paraisse le Cantique spirituel, ce qui indique l’importance du témoignage de Quiroga pour connaître l’état des textes

1 Pour les données biographiques et bibliographiques de Quiroga, nous renvoyons une fois pour toutes à l’étude très solide de Fortunato de Jesùs Sacramentado, OCD, El P. José de Jesùs Maria y su Herencia literaria, Burgos, 1971. (On en trouvera les éléments principaux en son article du Dictionnaire de Spiritualité, t. 8, col. 1354 ss, Joseph de Jésus-Marie [Quiroga]. On ajoutera à ses bibliographies : Philippe Chevallier, OSB, La Pauvreté de l’âme qui chante le Cantique spirituel, en Études Carmélitaines 24 [1939], I, pp. 226-247.)

johannicruciens entre la mort du saint et la publication de ses oeuvres./2

Tout au long de sa vie carme, mis à part une résidence prolongée à Tolède où il fut prieur de 1603 à 1607, Quiroga se déplacera d’un couvent à l’autre pour les besoins de ses recherches, tout en rédigeant des milliers de pages, non seulement comme historiographe, mais aussi comme auteur spirituel et surtout comme interprète et défenseur de l’héritage mystique des deux maîtres de la réforme. On trouvera la liste et l’état de ses écrits dans l’ouvrage du P. Fortunato de Jesùs Sacramentado déjà mentionné ; qu’il nous suffise ici de souligner l’orientation de ceux qui concernent plus directement saint Jean de la Croix.

On sait en effet, et c’est le sort de toute réforme authentique, que le Docteur mystique mourut largement incompris de ses proches. Au cœur de cette incompréhension, il y a la direction résolument contemplative imprimée par le saint à la réforme carmélitaine, et cela au nom d’une vocation du Carmel à l’oraison passive, ce dernier mot constituant à lui seul tout l’enjeu du débat. Dès lors, la tâche de son disciple était simple : montrer l’harmonie de la doctrine johannicrucienne avec celle de sainte Thérèse, incontestable et rapidement canonisée par l’Eglise, et au-delà, avec celle de tous les maîtres du Carmel depuis le prophète Élie. Cette démonstration allait donner naissance à partir de 1610 à une monumentale Histoire du Carmel, dont seul le second des quatre tomes subsiste aujourd’hui, et que son inopportunité fit immédiatement écarter de la publication par les supérieurs auxquels elle était destinée. Elle fut suivie vers 1620 d’une volumineuse Histoire de la Vie et des Vertus de Jean de la Croix, publiée un peu plus tard à Bruxelles, histoire de la vie intérieure du réformateur, autant que des circonstances qui l’ont entourée, appuyée sur des témoignages de première main qui donnent un poids incomparable à l’interprétation de ses écrits qui en résulte. De la même période date l’étude de la contemplation johannicrucienne


2 II est remarquable que Quiroga, dans l’Apologie et ailleurs, se réfère toujours à la version A du Càntico Espiritual. Peut-on imaginer qu’après avoir eu accès à toutes les archives de la Réforme, cet inconditionnel de Jean de la Croix ait pu ignorer une éventuelle version B du même texte ? Qu’un témoignage de cette autorité n’apparaisse pas décisif dans le débat entourant cette version B, nous semble tout simplement incompréhensible. A contrario, on imagine facilement que les censeurs de l’historien de la réforme aient pu être les mêmes que ceux du Cantique A, dont l’ensemble des corrections va dans un sens diamétralement opposé à l’interprétation que Quiroga donne de la pensée de son maître, en continuité avec l’orthodoxie carmélitaine telle qu’elle pouvait être codifiée dans le De lnstitutione et Processu Ordinis Prophetici Eliani (cf. ch 17, note 1.).

dans le Don reçu par Jean de la Croix pour guider les âmes à Dieu/3. De la même veine enfin sortit notre Apologie mystique en Défense de la Contemplation divine contre certains Maîtres scolastiques qui lui sont hostiles, titre éloquent d’un traité fulgurant, dans lequel Quiroga a rassemblé et parfaitement maîtrisé toutes les pièces accumulées pour ses autres ouvrages ; de ce fait, nous y verrions volontiers une sorte de résumé de l’activité littéraire de Quiroga, qu’il faut placer au soir de sa vie. D’autres écrits mineurs achèvent de montrer que la défense de Jean de la Croix et de l’orientation proprement mystique du Carmel fut au cœur de cette œuvre, aussi considérable par sa valeur spirituelle et historique que par son abondance.

La plus grande partie de cette œuvre reste manuscrite, malgré les multiples projets d’édition qui se sont succédé en trois siècles et demi. Du vivant de Quiroga, ce sont ses travaux les moins engagés dans les débats internes au Carmel qui virent le plus facilement le jour. Pour autant, la parution à Bruxelles en 1628 de son Histoire de la Vie et des Vertus de Jean de la Croix, désavouée par ses supérieurs, fera l’effet d’une bombe et signera sa disgrâce en même temps que celle d’une interprétation johannicrucienne de la vie carmélitaine, et plus largement, de la vie contemplative. Quiroga 1 mourra en pénitence au couvent de Cuenca le 13 décembre de la même année. Cependant, l’influence de ses écrits à l’intérieur de l’ordre ne cessera de se développer, au point de l’homologuer peu à peu comme interprète officiel de la pensée des réformateurs de la première heure. D’ailleurs, si les écrits de Quiroga, et d’abord son Apologie mystique, révèlent une vie intérieure d’une rare intelligence et profondeur, en consonance parfaite avec celle de sainte Thérèse ou de saint Jean de la Croix, le témoignage unanime de ses frères trace de lui le portrait d’un religieux toujours loyal envers les siens, jusque dans les plus sévères contradictions.

Il — L’Apologie mystique

Circonstances, destinataires, rédaction

Les circonstances de la rédaction de l’Apologie nous sont exactement indiquées par Quiroga lui-même dans son prologue : il s’agit de l’amplification d’une réponse à un théologien attaquant, au nom de la Tradition, l’exposé de la contemplation que donne Jean de

3 Publié par Gerardo de San Juan de la Cruz en annexe du t. 3 de son édition critique des œuvres de saint Jean de la Croix, Tolède, 1914, pp. 511-570.

la Croix dans ses œuvres. Au-delà d’un contradicteur « maître scolastique, mais peu versé dans le domaine spirituel », Quiroga veut une fois pouf toutes régler son compte à la fausse et activiste spiritualité que l’on oppose aux âmes authentiquement contemplatives, et cela au bénéfice de tous ceux qu’inquiètent et égarent une direction spirituelle dévoyée. La méthode, apparemment simple, mais en réalité si rarement employée, consistera à comparer les affirmations de Jean de la Croix et celles des saints de tous les temps, homologuées par I'Église. C’est cette théologie-là que pratique Quiroga, celle de saint Thomas qui s’autodéfinit avec l’Écriture comme « science des saints »/4, et qui est expérience vitale de la grâce avant de prendre forme intellectuelle.

Qui pouvait être le Révérend Père contestataire auquel Quiroga prétend répondre ? Nous n’en savons rien. S’agirait-il de celui auquel il s’adresse dans la Respuesta a una duda, placée tardivement/5 par un copiste à la suite de l’autographe de l’Apologie ? En fait, l’argument principal de la Respuesta, l’illumination de l’âme telle que Jean de la Croix la traite au deuxième livre de la Montée du Carmel, n’apparaît nulle part dans l’Apologie. Contentons-nous donc d’inscrire ce texte dans le débat majeur entre vraie contemplation et fausse théologie, qui aura occupé toute la carrière de Quiroga.

Nous avons dit un peu plus haut qu’il convient d’envisager la rédaction de l’Apologie à la fin de l’existence de son auteur. Fortunato de Jesùs Sacramentado incline pour la placer après 1624/6 ; cela semble tout à fait raisonnable. En effet, l’emphase avec laquelle Quiroga parle à plusieurs reprises de « notre Mère et Maîtresse sainte Thérèse » invite à penser que nous sommes après 1622, date de sa canonisation. Par ailleurs, il cite toujours le Cantique spirituel comme « non encore imprimé » ; on peut penser qu’il ne tient pas compte de l’édition française de la traduction de René Gaultier, en 1622, et que nous sommes donc avant 1627, date de l’édition de Bruxelles du Cantique. Nous y ajouterions le caractère très composé et très serein de l’ouvrage, ordonnant des éléments dispersés dans l’Histoire de la Vie et des Vertus de Jean de la Croix.

4 Somme Théologique, la, Q 1, a 3.

5 B. N. de Madrid, ms. 4478. Outre l’écriture manifestement autre que celle de Quiroga, Jean de la Croix y est déjà appelé « notre saint Père », et non plus « notre vénérable Père » (usage constant de Quiroga), ni même « notre bienheureux Père » (usage de certaines éditions avant même la béatification). Nous publierons sous peu cet opuscule très complémentaire de l’Apologie.

6 Cf. op. cit., pp. 71 ss.

Par ailleurs, le rapprochement de l’Apologie et de l’Histoire de la Vie et des Vertus de Jean de la Croix, permet de deviner la façon dont travaillait Quiroga : il devait s’être constitué un fichier de lectures spirituelles extrêmement riche, dont il nous donne un échantillon en annexe de ce premier ouvrage. Si bien qu’au fil des quelque 500 références dont Quiroga émaille l’Apologie, c’est un véritable feu d’artifice mystique qui nous est offert, n’utilisant que le plus significatif et le plus contemplatif d’auteurs aussi différents que le Pseudo-Denys, Richard de Saint-Victor, saint Thomas d’Aquin, Robert Grossetête, saint Grégoire le Grand ou saint Laurent Justinien. Un coup d’œil sur l’index de ces citations montrera que l’Apologie mériterait déjà tout le succès que nous lui souhaitons comme anthologie de la littérature spirituelle antérieure. Le Pseudo-Denys et saint Thomas sont de loin les mieux servis dans ce recueil, au point de donner parfois la sensation d’un certain intellectualisme dans la contemplation de Quiroga. Son vocabulaire dionysien y est pour beaucoup et nous aurons à en prévenir le lecteur ici ou là. Mais de nous y trompons pas : l’Apologie est gouvernée d’un bout à l’autre par une expérience, et non par une théorie, et c’est son caractère concret qui frappe le lecteur dès qu’il s’éloigne un peu de la lettre du texte.

Parfois, on le signalera en note, Quiroga n’hésite pas à tirer la couverture à lui dans ce recours aux classiques, allant même jusqu’à citer à contresens ses autorités. Mais peu importe, non seulement parce qu’il le fait rarement, mais surtout parce que son intuition devançant toujours l’expression exacte de la pensée qu’il cite, il nous donne toujours l’impression d’avoir compris les auteurs (et il ne s’intéresse qu’aux plus grands) au-delà de telle ou telle utilisation approximative qu’il en fait. C’est ainsi que sa lecture spirituelle de saint Thomas, par exemple, est si fine et pénétrante, qu’elle fera sans doute redécouvrir à beaucoup le Docteur Angélique comme docteur mystique, avec un regard nouveau sur toute l’architecture de son œuvre, dont l’Évangile plus qu’Aristote constitue la clef de voûte/7. S’il est un auteur qui devrait permettre de rapprocher par le sommet théologie et spiritualité, c’est bien Quiroga, praticien et théoricien de la science des saints.

Quiroga, directeur spirituel

Quiroga nous l’a dit dans son prologue : c’est la détresse des âmes égarées dans la nuit d’une fausse direction spirituelle, qui lui fait

7 Rien d’aussi révélateur, par exemple, que le statut du mot « essence » aux ff ° 248-249 : le mot provient d’un horizon mystique, et non ontologique. L’essence de l’âme est telle par création, c’est-à-dire par relation, et non en soi.

prendre la plume ; car, comme le dit Jean de la Croix « c’est une chose dure pour une âme que de ne trouver personne qui la comprenne à ce moment-là/8 ». Toutes les fois qu’il en vient à aborder la période décisive de toute vie spirituelle, l’entrée dans l’union proprement dite et les nuits qui la précèdent (notamment aux chapitres 25-28), ses accents sont ceux de Jean de la Croix, d’indignation envers le faux directeur qui conseille le repli sur une position plus moralisante et moins ambitieuse, et de compassion pour l’âme qui ne trouve alors que souffrances supplémentaires dans cette épreuve « qui dépasse la manière commune de souffrir et les forces humaines » (f ° 225). Son ton devient alors très chaleureux, ses citations plus rares et moins doctorales, montrant bien qu’il touche ici son but, celui des plus grands donner accès au paradis par la douceur et l’abandon, non pas par la souffrance qui, comme telle, ne vient que du malin et qu’aucun spirituel un peu sérieux n’a jamais prêchée. Et ici, un nouveau pont est jeté par Quiroga en direction d’un autre Seigneur de la littérature mystique, vers son contemporain saint François de Sales.

Un manuel d’oraison et de vie chrétienne

« Entrer au paradis ». Peu de chrétiens savent qu’ils y sont invités autrement qu’à la fin de leurs jours. C’est pourtant de cela que nous parlent les saints, et c’est sur ce point que se joue, nous dit saint Jean de la Croix, toute l’histoire d’une âme et toute l’histoire du salut/9. Pour autant, particulièrement dans les deux derniers chapitres de l’Apologie, Quiroga développe abondamment la restauration complète de l’homme restitué à son innocence originelle par son union au rédempteur : l’œuvre du Christ devient incompréhensible si elle ne va pas jusque là, et le péché resterait finalement vainqueur si la mort devait, en toute rigueur, rester la frontière en deçà de laquelle le bonheur ne serait jamais tout à fait possible.

Avant d’en arriver à ces sommets, l’Apologie traite de tous les états spirituels que traverse ordinairement une âme, et constitue de ce fait pour les directeurs un manuel complet auquel ne manque la description d’aucun élément important de la vie intérieure. Sa sûreté à l’école des plus grands maîtres, le choix des citations qu’elle en donne, permet de la recommander sans hésiter dans la formation de ceux qui doivent guider leurs frères en ce domaine, et que l’on oriente trop souvent vers des livres plus compliqués et plus gros, mais

8 Montée du Carmel, prologue, 4.

9 « ... il en a coûté beaucoup à Dieu d’arriver jusque là... et c’est ce qu’il désire depuis toujours. » (Vive Flamme, 3, 54)

tellement moins lucides sur l’essentiel de la vie d’une âme. Développons les points saillants de cet « Enchiridion » mystique :

Le nœud de la question : qu’est-ce que prier ? Passivité et activité — vraie et fausse contemplation.

Qu’est-ce que prier ? La question est vitale, comme le mot même d’« oraison » l’indique, puisqu’il désigne le « bouche-à-bouche » primordial dans lequel l’homme vient à la vie en recevant le souffle divin. C’est cette attitude purement réceptive et qui élève la créature à la dignité du créateur, que retrouve le mystique dans l’épanouissement contemplatif : « en l’état d’union, nous dit Jean de la Croix, Dieu et l’homme possèdent conjointement l’essence divine, l’un disant à l’autre ce que le Fils de Dieu dit au Père en saint Jean : Omnia mea tua sunt, et tua mea sunt./10 » Cet homme est-il passif ou actif ? La question n’a aucun sens, car il ne reçoit qu’en donnant et il ne donne qu’en recevant, l’amour n’étant pas transfert, mais union et lien entre les amants : Qui ex Patre Filioque procedit. Un autre réformateur carme contemporain de Quiroga, Jean de Saint-Samson, parlera ici de « force passive/11 », et pour la part d’initiative (nous ne disons pas d’activité) qui reste intégralement la sienne, la psychologie de l’homme en prière tient dans son « attention simple et amoureuse à Dieu/12 ». C’est cette expression clef de Jean de la Croix qui aura mis le feu aux poudres dans le débat qui nous vaut l’Apologie/13. Elle correspond à l’entrée dans la vie proprement contemplative : en deçà, la méditation fournit des motifs pour prier, mais elle n’est pas encore prière. Et c’est précisément l’entrée dans la prière qui constitue le point difficile à conceptualiser, quoique souvent plus simplement vécu que les livres ne le donnent à penser. Il vaut la peine de s’y arrêter.

La perfection de l’homme est dans la prière, on vient de voir pourquoi. La perfection de l’homme est donc contemplative (F ° 13), mais il y a deux versants à cette contemplation, parce qu’elle met en jeu deux libertés, celle de l’homme et celle de Dieu, deux versants qui s’ajustent précisément dans cette « attention simple et amoureuse » contestée par l’interlocuteur de Quiroga. Le premier versant est l’adhésion volontaire à Dieu, l’acte de foi dans lequel l’homme investit tout ce qu’il est dans la disponibilité à Dieu qui lui donne d’être. Alors

10 Vive Flamme, 3, 79.

11 L’Aiguillon, article huit, in Œuvres Mystiques, éd. Hein Blommestijn et Max Huot de Longchamp, Paris, 1984, p. 120.

12 Montée du Carmel, 11,13.

13 Cf. FF ° 2, 50, 76, 130.

l’homme est en sa perfection et sa grandeur, et pour autant, nul n’est dispensé de la contemplation, au sens où saint Thomas en parle après Denys comme de « l’extase de la vérité » (F ° 14). La contemplation n’est pas autre chose ici que la sainteté de l’intelligence et de la volonté, lorsque l’homme s’appuie sur la création pour s’offrir au créateur en un non-savoir et un non-vouloir autre chose que ce que Dieu sait et veut. À partir de là, Dieu est libre d’informer l’homme selon les desseins de sa Sagesse, et ce deuxième versant de la contemplation n’appartient qu’à lui, sans proportion ni continuité avec le premier, celui de la sainteté et de la réponse humaine aux sollicitations de la grâce. La réponse ici est de ne plus pouvoir répondre (la « faillite » chère à Ruusbroec), et pour autant, un délicat problème de psychologie religieuse se pose, dans la mesure où l’extase de la vérité est en elle-même intellection simple et globale de Dieu reçu tout entier dans l’acte de foi : celui de l’indistinction de ce type de connaissance par excès. Excluant tout examen, recevant immédiatement son objet, l’attention simple et amoureuse perçoit les éléments de la foi dans le tout de la foi, comme les étoiles dans la voûte céleste (F ° 142), et cela déroute le priant habitué à vérifier sa connaissance et à sentir son effort, et il avait certes raison tant que son regard portait sur les créatures. Mais cette indistinction, se demande-t-il, n’est-elle pas paresse ou quiétisme, infidélité plutôt qu’abandon à Dieu ? Mais examiner l’authenticité de la prière suppose d’interrompre la prière, et pour autant, avec la plus fine pédagogie spirituelle, Quiroga invite le spirituel à dépasser sa question, à poser un acte de foi plus radical encore : il lui faut s’abandonner à Dieu parce que c’est Dieu, et non plus parce qu’il est opportun de s’abandonner à lui. Amo quia amo : il n’y a d’autre certitude contemplative que celle-là, mais elle est absolue. Et Quiroga de citer ici des textes essentiels de saint Bemard et Richard de Saint-Victor (f° 146).

C’est au chapitre 6 que cette entrée dans la phase proprement contemplative de la vie spirituelle est traitée avec le plus de netteté, et Quiroga est ici plus explicite encore que Jean de la Croix, dénonçant « cette démangeaison et ce mouvement qui consiste à vouloir reconnaître toujours son propre acte », là où « non seulement l’entendement doit abandonner toutes les choses créées et leurs similitudes, mais doit aussi s’abandonner lui-même en se mettant en quiétude quant à toute son opération active, aussi élevée soit-elle, afin d’être mû par Dieu sans attache ni résistance de sa part. » (f° 51) En cela même, tout l’effort antérieur de la phase méditative se trouve investi dans la formation du « concept supersubstanciel » de Dieu, c’est-à-dire tout simplement, qui déborde toute saisie limitée. La raison établit ici la raison dans son propre dépassement, que Quiroga décrit de façon pratique au chapitre 12, là où son apport personnel est peut-être le plus fort. Alors l’esprit se trouve « sans voile » (le revelata facie de saint Paul si souvent cité), libre pour recevoir ce que Dieu veut librement lui donner : « Une fois que ce concept supersubstantiel et très élevé de Dieu est établi en l’entendement, le contemplatif étant persuadé que sa beauté et sa perfection dépassent tout ce qu’il peut connaître ici-bas, il n’a plus à se fatiguer davantage dans la recherche d’une plus grande connaissance de Dieu ; et ce concept une fois solidement formé, il n’a plus d’ordinaire à le reconnaître, mais à chercher à aimer ce qu’il ne peut connaître en y appliquant l’intention et la force de l’âme. » (f° 110)

Une fois établi dans la quiétude intérieure par la foi, le spirituel ne chôme pas, mais opère en vertu de son actuation par l’Esprit-Saint, comme la scie dans la main du menuisier (f° 116) : c’est bien elle qui coupe, mais c’est bien le menuisier qui la fait couper. Et là encore, Quiroga se comporte en directeur expérimenté, ne précipitant jamais dans le zèle une âme qui aura toujours trop tendance à travailler « pour » Dieu, c’est-à-dire le plus souvent à la place de Dieu et pour elle-même, là où il lui faudrait laisser Dieu travailler en elle : « si elle sent de la répugnance à sortir de sa quiétude savoureuse, c’est une indication claire que Dieu est encore en train de lui communiquer ses ressources surnaturelles, et la proportionne à lui pour cela en cette quiétude et en ce silence éternel par lequel, dit saint Denys, il meut toutes les choses sans se mouvoir lui-même ; et en aucune manière il ne faut alors la tirer de sa quiétude. »

Bien sûr, il y a des contrefaçons de tout cela, et Quiroga ne manque pas de souligner celles des Alumbrados justement réprimées par les autorités de l’Inquisition qu’il ne manque pas de saluer au passage (tout son chapitre 3 y est consacré), mais le vrai risque serait de refuser le risque inhérent à la vie contemplative, c’est-à-dire à l’amour. Et cela nous conduit à la vision d’ensemble que Quiroga nous offre de la contemplation, celle qui permet de situer exactement son combat, tant pour la famille carmélitaine, que pour toutes les âmes soumises à l’étroitesse de directeurs incompétents.

Une conception d’ensemble de la vie contemplative

Ce que Quiroga doit défendre, c’est tout simplement la distinction entre les deux versants de la contemplation dont nous avons parlé. Tous deux sont surnaturels, mais le second l’est en quelque sorte doublement : « si nous repoussons dans la contemplation divine les actes de la raison humaine, ce n’est pas parce qu’ils seraient mauvais, mais parce qu’elle ne suffit pas à la fin surnaturelle à laquelle nous prétendons. En effet, personne ne peut parvenir à cet héritage céleste des bienheureux s’il n’est mû et guidé par l’Esprit-Saint, et cette motion et ce guide, c’est ce à quoi l’on prétend en la contemplation. » (f° 7). Aussi serait-il peut-être prudent de réserver à ce second versant le mot même de contemplation, et d’appeler sainteté le premier : « Ces deux manières de contemplation, le vénérable Richard de Saint-Victor les a différenciées en disant que la première s’exerce par notre industrie propre aidée de la grâce ; et que la seconde s’exerce seulement quand la grâce même y appelle ; et pour autant, la première se possède de plein droit, alors que la seconde est conditionnelle, du fait que l’on ne peut y recourir sans cet appel. » (f° 11). De l’une à l’autre, il y a deux « ordres », au sens pascalien du mot, même si le premier est ordonné au second, et si la contemplation parfaite implique une charité parfaite : « si c’est de la charité que provient la perfection de la vie chrétienne, et si l’on dit que la sainteté est véritable quand l’esprit de l’homme applique à Dieu tous ses actes et s’y applique lui-même (sic ergo sanctitas dicitur per quam mens hominis se ipsam et suos actes applicat Deo), alors il est en train d’exercer la perfection et la sainteté véritable en cette contemplation. » (f° 83)

Cette unité et cette distinction de la contemplation et de la vie chrétienne sont à référer à une vision globale du mystère chrétien, et notamment à la place qu’y tient la vocation à la contemplation au sens strict. Les chapitres 18 à 22 sont uniquement consacrés à établir, avec des arguments historiquement contestables, la continuité de cette doctrine de la contemplation depuis l’Ancien Testament. Auparavant, Quiroga aura démontré qu’elle était déjà celle des Patriarches, et au-delà, celle d’Adam. Le grand intérêt de cette démonstration déborde la seule apologie de Jean de la Croix, il est d’enraciner la contemplation dans la nature même de l’homme : « en créant l’homme, Dieu lui a communiqué la contemplation » annonce le titre du chapitre 17. Cet enracinement fonde l’humanisme des mystiques et permet d’embrasser toute l’histoire comme celle d’un immense mariage spirituel, dans lequel Adam, Abraham, Jacob, Moïse, Élie et les Apôtres nous sont successivement présentés comme prophètes de la vie parfaite, premiers invités au festin que Dieu prépare à ses élus dans la consommation de l’œuvre du Christ (f°25). Et cela permet au passage à Quiroga des développements extrêmement suggestifs sur la nature de l’inspiration et de la prophétie (chapitre 18), qu’il associe étroitement à l’exercice de la contemplation dans l’Ancien Testament. Autrement dit, la loi de Nature, la loi de Moïse et la loi de la Grâce constituent trois ordres d’une unique contemplation, trois vagues de l’avènement du Christ, au cœur duquel Quiroga voit et défend la vocation providentielle du Carmel.

III - Notre édition

Notre édition s’appuie sur le texte de l’Apologie contenu dans le ms. 4478 de la Bibliothèque Nationale de Madrid/14. Il y occupe 271 pages (avec une erreur de foliotation que nous signalerons à son emplacement) de format 209 mm X 150 mm, de bonne lisibilité. Son caractère autographe ne fait aucun doute, et nous sommes en présence d’un état peut-être inachevé, quoique certainement très avancé, du projet de Quiroga : de nombreuses ratures et surtout de nombreuses adjonctions marginales indiquent que l’auteur est encore au travail, même si rien d’essentiel ne s’en trouve bouleversé. Le style s’en ressent, parfois un peu lourd, les phrases s’allongeant démesurément au fil d’une pensée en cours d’enfantement. Nous avons tenté d’y remédier dans la traduction, mais même l’introduction d’une ponctuation moderne dans le texte espagnol ne suffira pas toujours à en rendre la lecture parfaitement fluide.

Il nous reste à dire un mot du traitement que nous avons fait subir à ce texte, et de son annotation :

Pour le texte espagnol :

– Nous avons pris le parti d’une modernisation minimale, celle de l’orthographe, de l’accentuation et de la ponctuation ; cependant, nous n’avons pas changé un mot au texte de Quiroga.

– Nous avons développé les abréviations et introduit dans le texte les corrections que Quiroga loge où il le peut sur sa page, mais en indiquant toujours leur emplacement exact.

– Nous avons ajouté au fil du texte espagnol la foliotation de l’autographe.

– Pour des raisons de clarté, nous avons groupé en bas de page les références dont Quiroga émaille son texte, et qu’il place en marge, en général un peu plus haut que leur emplacement probable, qui, lui, n’est jamais indiqué. Nous avons transcrit exactement ces références et leurs ponctuations, ajoutant entre crochets [] notre propre référence après contrôle, et d’éventuelles observations. Nous n’avons pas répété cet apparat sous le texte français. Souvent, Quiroga réfère un texte qu’il ne cite pas ou qu’il résume ; il aurait été impossible de restituer à chaque fois le texte original sans déborder des limites de ce volume. Cependant, nous avons été un peu plus

14 Une copie en existe, celle du ms. 4287, d’une main autre que celle de Quiroga, mais qui manifestement ne dépend que de l’autographe. On l’a donc négligée pour établir le texte.

généreux pour certains textes rares, ceux de Laurent Justinien ou de Robert Grossetête par exemple.

Afin de ne pas allonger démesurément ces notes, nous avons utilisé quelques abréviations pour désigner les ouvrages les plus cités par Quiroga. Les voici :

– Pour les ouvrages du Pseudo-Denys15 : DDN = Traité des Noms Divins ; TM = Théologie mystique ; HE = Hiérarchie Ecclésiastique ; HC = Hiérarchie Céleste.

– Pour les ouvrages de saint Thomas : ST = Somme Théologique DV = De Veritate ; Super DDN = Commentaire aux Noms Divins ; I, Il, III, IV Sent. = Commentaires aux Sentences. Pour les références à saint Thomas, nous avont noté Q les questions, et q les questioncules des commentaires aux Sentences. – Pour les ouvrages de Gerson : TMS = Theologia Mystica Spec, ulativa TMP = Theologia Mystica Practica.

– Pour saint Laurent Justinien : DPM = De Disciplina et Perfectione Monasticae Conversationis ; DCC = De Casto Connubio ; LV = Lignum Vitae.

Par ailleurs,

– pour les références aux Moralia in Job, de saint Grégoire, Quiroga suit généralement la division en chapitres telle qu’elle se présente dans l’édition de Bâle de 1551, et parfois celle des éditions antérieures. L’une et l’autre étant absentes des éditions récentes, nous donnons la référence en Migne, qui les mentionne encore.

– pour les références à saint Augustin, nous ajoutons la numérotation des paragraphes de la Bibliothèque Augustinienne.

Pour le texte français :

– Nous avons ajouté en note sous le texte français la traduction des citations latines, qui ne sont pas toujours ou qui ne sont qu’approximativement traduites par Quiroga. Dans les cas très rares où sa traduction est littérale, nous n’avons pas ajouté de note.

– Nous avons ajouté également au texte français quelques notes explicatives qui nous ont paru nécessaires à l’intelligence du texte.

Pour ne pas multiplier les renvois internes, nous avons mis en fin de volume un bref index de ces notes explicatives, et un index des citations de Quiroga.

15 Quiroga se réfère à diverses versions de Denys. Ce problème complexe ne nous concerne pas directement ici ; aussi indiquerons-nous dans nos propres références les paragraphes des éditions modernes, tant pour Denys que pour le commentaire qu’en fait saint Thomas.

[suit : APOLOGIE MYSTIQUE EN DÉFENSE DE LA CONTEMPLATION/ APOLOGIA MISTICA EN DEFENSA DE LA CONTEMPLACIÓN que l’on retrouvera édité dans les œuvres de Quiroga].







Annexe : choix d’éditions de Quiroga disponibles aujourd’hui sur le net & en impression papier

La Vie du Bienheureux Père Iean de la Croix, premier religieux Déchaussé de la Réforme de Nostre Dame du Mont-Carmel, & coadjuteur de Ste Therese

Avec une déclaration des degrez de la vie contemplative, par lesquels N. Seigneur l’éleva à une rare perfection ; et du singulier don qu’il eût pour enseigner la divine Sagesse qui transforme les âmes en Dieu.

Composé en Espagnol par le R.P. ioseph de Jesus Maria, carme Déchaussé, traduitte cy-devant en François par le R.P.Elisee de S. Bernard, et nouvellement reveuë par un aure Religieux [Cyprien de la Nativité], tous deux du même Ordre.

https://play.google.com/books/reader?id=eKY6Cssr0n8C&printsec=frontcover&output=reader&hl=fr&pg=GBS.PA417

« 8) Subida del alma a Dios que aspira a la divina uniôn, Madrid, 1656; Segunda parte de la Subida del alma a Dios y entrada en el paraiso espiritual, Madrid, 1659. Les deux parties forment un seul traité sur la vie d’oraison, la première sur l’oraison ordinaire, la seconde sur l’extraordinaire. Autres éd., Madrid, 1675 ; Salamanque, 1694. Trad. italienne par Baltha­sar de SainteCatherine (Ie partie), Rome, 1664, et par Luc-François de Saint-Benoît (2e partie), Gênes, [D.S., col.1356] 1669 (réimprimées ensemble, Venise, 1681 et 1739 ; 2e partie seule, Roveredo, 1730). »

On trouvera l’édition de 1675 de ce seul premier volume de 1656 sous l’adresse :

https://play.google.com/books/reader?id=cGeaDGd3RY8C&printsec=frontcover&output=reader&hl=fr&pg=GBS.PP10

Un site intéressant :

http://jesusmarie.free.fr/jean_de_la_croix.html

En imprimé moderne :

José de Jesùs Maria (Quiroga), Historia de la Vida y Virtudes del Venerable Padre Fray Juan de la Cruz, ediciòn de Fortunato Antolìn , Junta de Castilla y Leòn, 1992.









Jose de Jesus Maria [Quiroga]

1562-1628




Subida del alma a Dios que aspira a la divina Union (1656)

Segunda parte: De la entrada del alma al Parayso Espiritual (1659)

Don que tuvo sans Juan de la Cruz

Repuestas

Apología mística en defensa de la Contemplación divina



Subida del alma a Dios que aspira a la divina Union (1656)

Por el R.P.F. Joseph de Jesus Maria, primer Historiador General de la Sagrada Reforma du nuestra Señora del Carmen.

§

La notice du Dictionnaire de Spiritualité donne les dix-sept publications de Quiroga dont :

« 8) Subida del alma a Dios que aspira a la divina uniôn, Madrid, 1656; Segunda parte de la Subida del alma a Dios y entrada en el paraiso espiritual, Madrid, 1659. Les deux parties forment un seul traité sur la vie d’oraison, la première sur l’oraison ordinaire, la seconde sur l’extraordinaire. Autres éd., Madrid, 1675; Salamanque, 1694. Trad. italienne par Baltha­sar de SainteCatherine (Ie partie), Rome, 1664, et par LucFrançois de SaintBenoit (2e partie), Gênes, [D.S., col.1356] 1669 (réimprimées ensemble, Venise, 1681 et 1739; 2e partie seule, Roveredo, 1730). »

On trouvera l’édition de 1675 de ce seul premier volume de 1656 sous l’adresse :

https://play.google.com/books/reader?id=cGeaDGd3RY8C&printsec=frontcover&output=reader&hl=fr&pg=GBS.PP10


[titre]

Subida / Del Alma a Dios / que aspira à la divina union. /Por el P. Fr. Ioseph de Iesus Maria, Primer Historiador General de la Sagrada Reforma de N. Señoradel Carmen. / A la Excelentissima Señora doña Maria de Guadalupe Alencastre y Cardenas, Duquesa de Avero, etc.

Con Privilegio en Madrid par Roque Rico de Miranda Acosta de Juan de Triviño, Año de 1675.


[début d’ouvrage]

A la Excelentissima Señora… […],

Licencia de la Orden …1655 […]

Parecer del Reverendissimo Padre Maestro Fray Benito de Ribas, Predicador de su Magestad, y Calificador del Santo Oficio. […]

Aprobacion… […]


PRIMERA PARTE.

Año 1656.

PROLOGO.

L R. P. Fr. Ioseph de lesus Maria, en el siglo Quiroga, Autor bien conocido, por los muchos libros que andan impresos, dexo tantos escritos de varias materias, assi Historiales, com Misticas, que iguala el numero a su importancia. Algunos se han dado a la Imprenta, y otros descubre cada dia la diligencia de los Prelados, que conocen la utilidad de su letura, y desean que gozen de ella las almas, espacialimente aquellas que caminan por la senda do la perfection estrecha. Entre otros que se deseavan, era este de la Subida del alma a Dios; y aviendo venido a manos de los Prelados, trataron de imprimirlo, por satisfazer su deseo, y ayudar con doctrina tan espiritual al bien publico; y porque no les arguyessen de avaros, si encerravan dentro de su Religion tan gran tesoro. Agradado el Señor destos motivos, permitio, que antes que saliesse de la prensa esta primera parte, nuestro muy R. P. General Fr. Diego de la Presentacion halasse tambien la segunda; la qual trata su Reverencia de que inmediatamente se imprima, para que toda esta materia de oracion sobrenatural que de cumplida, y perfecta de mano de un Autor que tuvo tanta ciencia, y experiencia de la Teologia Mistica. Con el mismo intento se iran imprimiendo otros Tratados Tratados que se han descubierto en algunos Conventos de Religiosas, a quien nuestro Autor los dexo para alrovecharla, no presumiendo su humilidad, y modestia que merecian sus obras la luz publica; porque el Padre Frai Ioseph no fue menos humilde que docto, como apunto en la fundacien del Convento de Madrid el Tomo segundo de la Historia de nuestra Reforma, y dira el quarto en mas larga relacion que nos dara de su vida.



Libro primero

de la SUBIDA DEL ALMA A DIO,

Capitulo Prinero. De tres movimientos con que camina el alma en la oracion al conocimiento y amor de Dios.

A los ruegos devotos de los quo me han pedido que les trate brevemente algo de oracion, podia responder con mas razon lo que respondio San Dionisio a semejante proposito, diziendo44: Si el sustento fuere que el alma recibe en la contemplacion, es manjar de perfectos; quanta perfeccion ha de tener quien ha de alimenter a otros con este manjar? Y assi mal podra giarlos a esta perfeccion, quien aun a penas ha dado el primer passo para llegar a elle. Pero porque los ruegos de los mayores son mandatos que no solo persuaden, mas tambien obligan: y lo que se pide, cosa que excede al caudal humano, y que la avemos de recibir de la liberalidad divina; fiados on esta, y abraçadanos de la luz que nos dexaron los Santos, cumpliremos esta obligacion, tomando por guia de lo que se pide, la doctrina de San Dionisio, y de Santo to Tomas, como lumbreras divinas y segurissimas que Dios nos puso en su Iglesia, para caminar con esta luz seguros. Y para dar principio a nuestro intento45, nos da la mano S. Dionisio con la declaracion que haze de los tres movimientos con que el alma camina a conocer y amar a Dios, hasta unirse con el como con su principio; en la qual union consiste in perfeccion y felicidad: y quanto mas se acercare a ella, y con medios mas proximos; tanto mas va grangeando desta felicidad y perfeccion.

Al primero destos movimientos (caminando de lo imperfecto a lo perfecto) llama este Santo, movimiento recto; porque con el va subiendo el alma derechamente y a su modo, de las criaturas al Criador. Al segundo llama, movimiento obliquo, o torcido, quando el movimiento del alma comiega de Dios, y movida del se tuerce azia las criaturas, para volverse dellas a Dios con nueva ganancia. Al tercero llama, movimiento circular, que es Figura perfecta, sin principio ni fin; y assi tambien lo es el movimiento con que el alma, dexando los passos de su razon, camina a Dios con passos de Fè, mirándole no ya limitadamente, como en las criaturas, sino sin limite, en la grandeça de su incomprehensibilidad; y apartandose ya del arrimo de las cosas criadas, como estrecho y corto para tan immensa capacidad passiva, como tiene el alma, se anega a sus anchuras en la immensidad de Dios, contemplandole en si mismo. El primero y segundo movimiento tocan a la meditacion y especulacion, y el tercero a la contemplacion: y por este orden los mos declarando.

CAPITULO II. Del primer movimiento del alma en la oracion, y como es propio de los principiantes.

LLama pues San Dionisio al primero movimiento, derecho: porque es propio del alma racional, mientras esta unida al cuerpo mortel, caminar al conocimiento de Dios por el conocimiento de las criaturas, y discurso de la razon, haziendo sus comparaciones de las perfecciones criadas, para llegar por ellas a rastrear algo de la perfeccion del Criador. Y assi este modo de subir a Dios, es el camino derecho con que nuestro conocimiento imperfecto camina a conocer a su Criador, y el primer acto y movimiento con que la criatura racional, puesta en el destierro, se levants a roconocerle y alabarle en el culto interior, caminando de lo imperfecto azia lo perfecto, y de la luz imaginaria y racional, a la intelectual sencilla, que os el paradero de nuestro conocimiento para llegar a Dios, y valiendose de las cosas exteriores que ella conoce, como de ciertas señales varias, y multiplicadas, para levantarse à la contemplacion unida y sencilla. Porque de tal manera tiene Dios ordenada la naturaleza de las cosas, que de las baxas subamos a las altas, por otras que sean como medios entre ellas. Por lo qual, assi como en las iluminaciones de los Angeles, la iluminacion de los superiores, por ser de luz muy universal, no puede ser recibida de los inferiores (cuyos entendimientos son proporcionados para luz mas particular) sino es que passe por los Angeles de la Gerarquia media; los quales estrechando esta luz a modo mas universal, la proporcionan con la disposicion de los inferiores: Assi tambien para que el nuevo contemplativo, acostumbrado a la luz material y particularissima de los sentidos, suba à la luz de la inteligeneia pura, que es sencillissima, y universalissima, y la que mira a Dios sin mas medio que el de la Fè; es necessario que primero passe por la luz media de la imaginacion, y de la razon, y se exercite en la meditacion, y especulacion de las cosas divinas, antes de contenplarlas sencillamente. Assimismo, como la perfeccion de una cosa camina de lo imperfecto a lo perfecto, es necessario, que la que con le contemplation se ha de introduzir en el alma, comience de la parte sensible, y camine a la intelectual, disponiendola con la meditacion, para subir a la contemplation.

A este modo de conocimiento sirve el movimiento derecho, que es propio de las almas que estan en el estado que llama San Dionisio, de imperfectos; y los misticos nuevos llaman, de via purgativa, en el qual estado caminan a Dios por los actos de la imaginacion y de la razon, en la meditacion y especulacion de las cosas criadas, para subir por ellas a Dios, assi quanto al conocimiento, como quanto a la imitation de aquello que meditan; que este es el oficio que el mismo San Dionisio da a los deste estado, para hazerse participantes de las perfecienes y virtudes que se les descubren en los misterios y obras divinas que meditan, y con esto restaurar en si los daños en que les dexo el pecado, y disponerse para caminar a la ciencia perfectiva, que el Espiritu Santo comunica en la contemplacion a los ya dispuestos para recibirla en astado de illuminacion.

CAPITULO III. Como en este primer movimiento del alma se exercita la meditacion imaginaria.

Pero aunque este movimiento derecho del alma, sea propio de todos los que estan en este estado de meditacion; diferentemente se han de exercitar los principiantes en ella, o los quo van ya adquiriendo habito de meditacion, para passar a la contemplacion. Para cuya diferencia se ha de presuponer lo que dize Santo Tomas: que en el conocimiento humano ay dos partes; conviene a saber, la representacion de las cosas par cuyo medio ha de conocer, y el juizio y ponderacion de las casas representadas. De las quales dos Partes de nuestro conocimiento, dize, que la segunda es la mas principal; porque el juizio de las casas es perfectivo del conocimiento dellas, donde este conocimiento se perficiona. La representacion se haze por media de algunas imagines y figuras, que en la imagination se forman de las casas que ha de entender; y el juizio dellas se haze par la virtud de la luz intelectual. Esto pues assi entendido, y aplicandolo a nuestro proposito, conviene a los principiantes en la meditacion, exercitarse mas en la primera parte della, que es la representacion de las imagines de las casas que han de meditar, y los ya exercitados en la meditacion, han de gastar mas tiempo en la segunda parte, que es el juizio y ponderacion de las cosas representadas, y menos en la representacion figurativa dellas, desasiendo presto el entendimiento destas cadenas de figuras materiales; para q [que] suelto ya destas pihuelas, y recogido en si con el conocimiento q faco desta representacion, pueda mejor ponderar y hazer juizio de las cosas representadas. Porque a los primeros, que no sabe aun andar el camino del espiritu, sino arrimados a lo sensible y material, les hazen arrimo y compaña aquellas figuras, y los ayudan para esto estas sombras y nubes de semejanças materiales, para poder percibir la luz interior sin deslumbrarse. Y los que estan ya aprovechados en la meditacion, y dispuestos por el habito della para caminar a Dios sin estos arrimos, y mirar la luz intelectual sin estos nublados; han menester desarsirse destos impedimentos mas presto, para aprovecharse sin ellos del conocimiento sensible en la luz intelectual, y perficionar el conocimiento en el juizio y ponderacion de lo que meditan.

CAPITULO IV. Que para sacar provecho de la meditacion, se ha de quietar el alma en la ponderacion de lo meditado.

Pero aunque aya de aver esta diferencia entre los nuevos y los aprovechados en la meditacion, contodo esso, assi los unos como los otros han de dexar la representacion y discurso de las casas, y quietarse en la ponderacion y juizio de allas, si quieren que su meditacion sea provechosa y Christiana, y no como la de los Filosofos gentiles, que toda se encaminava al conocimiento, y no al afecto. Lo qual nos declaro Santo Tomas diziendo, que esta diferencia ay entre la razon especulativa y la razon practica, que la razon especulativa solamente es aprehensiva de las cosas; pero la razon practica no solo es aprehansiva, sino tambien causativa. Esto es, que el oficio de la razon especulativa, solo es inquirir y descubrir la noticia de las cosas que han de servir a nuestro conocimiento y meditacion; pero el oficio de la razon practica, no solo es reconocer essa misma noticia, mas tambien perficionar este mismo conocimiento, con el juizio y ponderacion de las cosas, y embeber en el alma la sustancia de esta noticia y conocimiento, para mover y aficionar la voluntad. Porque aunque assi el entendimiento especulativo, como el entendimiento practico sirven a la voluntad, pero de diferente manera: porque el entendimiento especulativo le sirve como regla remota, y el entendimiento practico como de regla proxima, aplicada ya a la obra. Por lo qual dixo Santo Tomas que el entendimiento practico era el que movia la voluntad, porque la enderezava proximamente a su acto.

Por todo lo qual, para que la meditacion pueda movera a la voluntad (que es el fin a que la oracion se ordena) es necesario que el discurso de la razon recoja las velas de su movimiento inquieto, y de la multiplicidad de su exercicio, y se reduzga a quierud y uniformidad, para que cessando la razon especulativa de su oficio, haga el suyo la razon practica, y comunique al alma sa sustancia de la especulacion. Lo qual se haze quando cessando el discurso, se ofrece al entendimiento en quietud y uniformidad la noticia de lo que se ha discurrido, para que el haga practicamente su juizio y nonderacion. Es assimismo necessario esto, para que la meditacion sea oracion: porque como dize un Autor muy docto, mentras uno discurre con el entendimiento, no habla con Dios, sino consigno mismo, ni ora, hasta que en sossiego aulica el entondimiento y la volundad para representar a Dios su deseo. Y aun para hazer perfecto juizio de lo que ha meditado, es menester esta quietud dentro de si mismo: porque como declaro Santo Tomas, el juizio no es obra que tale fuera del que la exercita, ni se traslada a otra cosa: sino es una operacion exercitada dentro de si mismo, como perfeccion suya. Y assi quando el entendimiento haze juizio de lo que discurrio, no se anda mudando de una cosa en otra, como en el discurso; sino que permanece quieto y uniforme en si mismo, y entonces da perfection al conocimiento, y comunica a la voluntad la sustancia dèl, como regla proxima de su movimiento. El exemplo de esto vemos representado a nuestro proposito en la operacion de la abeja, que aunquo anda discurriendo de una flor en otra, no haze su miel, sino quando dexa ya de discurrir, y suspendiendo el buelo, se assienta en quietud y uniformidad en una flor sola, dexando la multiplicidad inguiera, en que antes andava discurriendot y otro tanto ha de hazer el contemplativo, si quiere que su discurso sea provechoso. Y como la consideracion es acto del entendimiento que pertenece al juzio, como la inquisicion es acto de la razon, pertenociente al discurso; mucho mejor puede considerar el entendimiento lo que quisiere, quando esta recogido dentro de si con las especies admiridas, que quando se estiende a las cosas que estan fuera de si.

CAPITULO V Como despues que el alma ha hecho ponderacion de los misterios meditados, se ha de disponer para que la luz divina imprima ma en ella otra mayor ponderecion dellos.

Otra diferencia ha de aver tambien entre los nuevos en la meditacion, y los ya aprovechados en ella; que los nuevos como van adquiriendo noticias de verdades acerca de los misterios divinos, y obras de Dios, que nos puedan levantar a su conociniento y amor (de las quales verdades han de adquirir habito de meditacion, para subir a contemplation) tienen necessidad de gastar mas tiempo en el discurso, que los ya aprovechados en ès: los quales assi como van adquiriendo mas desto habite, assi han de ir gastando menos tiempo en el discurso, y mas en la ponderacion y juizio de las verdades ya reconocidas, para perficionar el conocimiento dellas assimismo, que como los nuevos passan del discurso inquieto a la ponderacion sossegada; assi los ya aprovechados en el discurso passen de la ponderacion sossegada a la pureza sencilla y intelectual: porque segun doctrina de San Dionisio y Santo Tomas, en los grados de perfection el grado inferior toca los fines del grade superior, y participa dèl. Por lo qual dize el Venerable Ricardo, que la buena meditacion ha de parar en contemplation; donde el alma logia mejorlo que ha meditado y ponderado con el socorro de otra luz mas alta. Porque quanto la luz intelegible con que se ponderan las especies que procedieron de los sentidos fuere mas fuerte y mas noble; tante el conocimiento que sacare dellas el entendimiento sera mas excelente, y mas eficaz para mover la voluntad. Y assi cosa clara es, que mas perfecto conocimiento sacara de lo que le presento la fantasia, quando recibe mas fin estorbos la luz divina, que quando la impido. Y quando haze pausa en esta ponderacion, y se reduce a la sencillez y pureza intelectual con solo el concepto universal de aquellas verdades, sin la ponderacion activa y particular dellas, abre la puerta a la luz divina, para que entre en el alma a ilustrar estas verdades, y a imprimir en ella otra ponderacion mayor dellas; porque se pone disposition passiva, que es la que ha de tener para recibir esta luz divina; como profundamente lo declaro San Dionisio a este proposito diziendo: que la primera causa esta sobrepuesta a todos, y que a aquellos se les comunica de verdad y sin velos, que dexados todos los objetos, assi sensibles como intelectuales, se levantan sobre todos elles, y se entran en la escuridad de la Fè, donde esta Dios sobre todo la criado. Y declarando este lugar Linconiense, comentador de San Dionisio, dize, que entonces se comunica esta luz divina al alma, quando se levanta sobre todos sus actes, aunque mas altos sean, de toda virtud aprehensiva a gente. Y en este sentido dixo tambien el mismo San Dionisio, que llenava Dios de divinos resplandores a los entendimientos sin ojos: esto es, cerrados a los objetos sensibles, que como sombras impiden la claridad destos resplandores divinos, como lo veremos adelante de la doctrina de los Santos. Al mismo proposito dize San Gregorio, que la infusion de la luz incorporea no se recibe con las imagines de las cosas corporales. Y dando la razon desto, añade: porque no se admite en el entendimiento la luz invisible, mientras el se embaraça en las cosas visibles. Esto significa tambien Santo Tomas quando dize, unas vezes, que la luz de los Dones del Espiritu Santo, como sencillissima, se ha de recibir en aprehension sencilla: y otras, que el movido se ha de proporcionar con su motor, si quiere que le mueva.

Pues como quando el entendimiento haze juizio y ponderacion de las cosas, sea a modo activo y no passive, como declara Santo Tomas; que da claro, que despues que ha hecho su oficio en la ponderacion de las verdades sacadas de la meditacion, ha de dexar la operacion activa, y ponerse en disposicion passiva, para que entrando la luz sobrenatural, imprima en el alma otra ponderacion mayor de estas verdades. Lo qual fuele ser por uno de dos caminos, como Santo Tomas declara: " Primero, fortaleciendo al entendimiento, para que pueda penetrar y ponderar mejor aquellas verdades; y el segundo, ilustrando las especies intelegibles, que destas verdades saco de las representaciones de la fantasia, para que mas viva y claramente se las represente: y desta manera, como antes era movida el alma de su propria operacion, sea movida despues de la de Dios. De la qual disposicion passiva, y de como aunque el alma en elles tiene operacion propia, es operacion movida de Dios, trataremos adelante en su lugar. A este mismo proposito dixo Santo Tomas, declarando a San Dionisio: que ningun provecho haria el discurso de la razon, si no se reduzia a la unidad de la pureza y sencillez intelectual, donde el conocimiento de la luz natural es ilustrado con la iluminacion de la luz divina; quando quietandose el entendimiento en su operacion activa, queda dispuesta el alma para recibir la operacion divina: pues como un cuerpo no puede en un mismo tiempo ser figurado de dos figuras diferentes, tampoco una potencia ser informada juntamente de dos formas diferentes, aunque no sean opuestas; y assi es menester que cesse la natural, para que se reciba la sobrenatural, de que tantas vezes nos avisa San Dionisio.

CAPITULO VI. Que los misterios de la vida y Passion de Christo nuestro Señor han de ser los medios mas ordinarios de nuestra meditacion.

Todo lo que se ha dicho en el capitulo passado nos declara el trabajo continuo e infructuoso de aquellos, que imitando a los que dize el Sabio, que andan siempre afanando por amontonar riquezas, sin alcançar libertad para gozarlas; andan continuamente hechos en la oracion unos como carreteros de gran copia de noticias, adquiridas con los actos de la imagination y discursos de la razon, sin redurzirse a la quietud y unitormidad intelectual, donde avian de gozar el provecho destas noticias: pues nunca la abeja sacaria su miel de las flores, si por andar discurriendo de una en otra, nunca se quietasse en alguna. Lo qual pondero Santo Tomas gravissimamente, lamentando mucho el desorden con que muchos contemplatives andan afanados en buscar siempre a Dios con exercicios imperfectos, fuera de si, sin gozarle en quietud, teniendole dentro de si.

Entre estas noticias que on la meditacion se adquieren, ya diximos, que las principales y mas ordinarias han de ser de la vida y misterios de Christo nuestro Señor, que se nos dio por dechado y regla perfectissima de nuestra vida, y sus virtudes para imitation de las nuestras. Por lo qual (como pondero magistralmente Santo Tomas) aunque la devocion y amor consiste principalmente en las cosas de la Divinidad, peor como por nuestra flaque za ha menester muestro espiritu en el destierro alguna guia, assi para el conocimento de las cosas divinas, como para el amor dellas; son para esto excelentes medios las que tocan a la humanidad de Christo nuestro Sefior, por las quales sonos guiados como de la mano a las de su Divinidad. Y assi, aunque en todo tiempo nos han de hazer compañia, mucho mas en el estado de principiantes, donde nunca se han de perder de vista estas memorias, en las quales ha de ser el principal exercicio de este tiempo, segun el modo y diferencia ya declarada.

Y porque pongamos algun exemnlo acomodado a la practica: a los que comiengan a exercitarse en la oracion mental, y en el primer passe della, que es la meditacion imaginaria, les conviene usar de discurso, y de imagines sensibles; como considerando a Christo nuestro Señor en algun passe, o misterio de su vida y Passion; si es en el huerto, alli le puede imaginar en aquella mortal agonia, representando se le eficacissimamente los tormentos y arrentas que por nosotros avia de padecer, y el desagradecimiento que avian de tener de este costoso beneficio aquellos por quien se ofrecia à la muerte. Mirele alli como suda sangre con la fuerza della agonia, y enternezcaso de ver aquel Dios de las eternidades hecho per nuestro amor participante do nuestras penas, y padeciendolas tan intensamente.

Quando ya el alma se sintiere enternecida de ver en tal figura por ella à su Dios, dexe ya el discurso, y quedese en ponderacion quieta desta misericordia, y dignacion tan incomparable; y de la malicia del pecado, per cuyo aborrecimiento y satisfacion vino el Hijo de Dios a padecer tantas afrenas y dolores; y doliendose de los pecados que ella cometio contra este Dios de tan inmensa bondad, se indigne contra si, con aborrecimiento de elles, y llorelos. Quando ya per algun tiempo se huviere exercitado en esta meditacion, prinero discursiva, y despuos ponderativa y quieta; se puede exercitar despues de mas breve discorso, en la ponderacion del amor que Dios descubrio a los hombres, en embiar a su Hijo a nadecer por ellos; y enternecida el alma con muestras tan finas dente amador divine, solicite el retorno de amor y agradecimiento que tales obras piden, y quedeso en atencion quieta regalando con estas memorias, ya sin discurso.

Despues que ya fuere el alma adquirienlo habite destas noticias, se puede transmontar en Dios un poco mas, considerando quien es este Señor que tan humillado vemos per nuestro amor: y acordandose que es el Hijo de Dios, y que segun la naturaleza divina es de magestad inmensa, y de poder infinito; y engolfandose en esta inmensidad y grandeza sobre todo lo que el entendimiento puede alcançar a conocer, admirese de tanta bondad, y quedese alli exercitando afectos de amor, recogiendo las velas del entendimiento, que no puede en esta vida alcançar a conocer esta grandeza; y estendiendo las a la voluntad, quo con este conocimiento escuro puede amar a Dios perfectamente, y el amor entra donde el conocimiento se queda a la huerta. Y desta manera acabara la meditacion en contemplacion, y el discurso de la razon sera reducido a la pureza y sencillez intelectual, como lo aconsejan los Maestros sabios: y quanto mas uno fuere aprovechando en la meditacion, tanto mas tiempo se podra detener en esta pausa y atencion sencilla y amorosa, y mas si el alma se siente recogida, como luego diremos.

CAPITULO VII. Quanto tiempo han de estar en estado de meditacion, y como conoceran que pueden passar a contemplacion.

Y aunque para el tiempo que ha de durar el alma en los exercicios desta via purgativa, y estado de imperfectos, no se puede dar regla cierta; porque unos aprovechan mas en poco tiempo, que otros en mucho, y a unos los llega nuestro señor mas presto a si que a otros, según que a el le agrada, y a ellos les conviene: con todo esso algunos de los Maestros espirituales señalaron tiempo para esto. San Buenaventura pone un mes, u dos: otro Autor mui experimentado pone quatro, o seis.

Otros grandes Maestros desta sabiduria Mistica toman otro camino mas cierto, poniendo señales para conocer quando el alma esta fazonada para passar de la via purgativa a la iluminativa, y de la meditacion a la contemplacion; y quando Dios la llama a que dexe las figuras, y atienda a lo figurado. La primera señal toco San Dionisio, declarando, come porque nuestro animo no puedo levantarse a la imitacion y contemplacion de las cosas invisibiles, sino es encaminado a ellas por medio de las visibiles; y la hermosura y perfeccion de las cosas visibles es imagen de la hermosura de las invisibles, per esso le ponen delante las imagines sensibles de las rosas que conocemos, no para que la consideracion pare en ellas, sino para que por ellas suba a las espirituales y sencillas que no conocemos. Y assi quando ya por medio de la meditacion, y especulacion se ha exercitado suficientemente en estas figuras, conviene que las dexe, y suba a la iustancia sencilla por ellas figurada; porque como declara el Venerable Hugo de Santo Victor sobre este lugar, toda la multiplicidad de la hermosura de las criaturas visibles, es como un espejo de la naturaleza sencilla y uniforme del Criador. Y quando ya el alma no gusta de meditar ni discurrir, y apetece mas la quietud y el sossiego en la oracion, es señal que tiene ya lo que ha menester destas figuras y via purgativa, y que esta sazonada para passar a la iluminativa, que es estado de contemplacion. Y en aquella quietud que ella apetece, sin pensar cosa ninguna distinta, le comunican ya secretamente influencia de contemplacion; la qual ella recibira, con solo advertir que esta delanto de Dios, sin divertirse en mas discurso.

Assimismo, quando el alma que solia hallar gusto en la meditacion imaginaria, ya no le halla, ni saca juge della, dize nuestro Venerable Padre Fr. Juan de la Cruz, y otros Maestros, que es señal que Dios le ha mudado ya la comunicacion espiritual a otros arcaduzes mas pures, quales son los intelectuales, para que no hallando la paloma mistica del espiritu racional donde poner los pies para descansar en todos los arcaduzes sensibles (quales son la imagination y el apetito sensitive) tome buelo, y se recoja al arca de la parte intelectual, donde ha de hallas su descanso.

Assimismo, quando Dios faverece al alma con recoginientos suaves y amorosos, dize San Dionisio, que es como tomaria Dios de la mano, y sacarla de la multiplicidad y division de los actos de la imaginacion, y de la razon al conocimiento intelectual puro y sencillo. Y de aqui viene lo que los Autores misticos exnerimentados dizen; que estos recogimientos infusos son unos llamamientos de Dios, con que llama al alma a comunicacion intelectual muy intima suya: par lo qual ya el alma gusta poco del discurso y comunicacion sensible, como Ilamada ya de Dios para cosas mayores, y para ganancias mas preciosas: como lo experimentava bien nuestra Madre Santa Teresa de Iesus.

Y aunque todos estas Maestros hablaron coma experimentados, pero si bolvemos los ojos a las divinas letras, hallaremos con fundamento mas fixo, quando esta el alma sazonada para dexar el manjar de niños, qual es la meditacion sensible, y gustar el manjar solido de las aprovechados, que es la contemplation. Porque dandonos desto regla cierta el Apostol San Pablo, dize, que quando uno tiene exercitados los sentidos en primeras principios de la vida espiritual, y en saber hazer diferencia con la consideracion entre el bien y el mal (que es lo que San Buenaventura y otros Autores misticos llaman, tener ya habito de meditacion) entonces esta dispuesto para dexar la leche de la doctrina de niños, y mantenerse del manjar de los arrovechados. Las quales palabras aplica San Dionisio su dicipulo a nuestra contemplacion, como quien supo del estas materias. Y la Glossa Interlineal, y Lira declaran por sentidos las potencias intelectuales, que muchas vezes se toman por las sensibles: y assi viene mejor con el habito de meditacion que se adquiere en el entendimiento possible. Y al mismo proposito dize el Espiritu Santo por Isaias: A quien enseriara Dios la ciencia, o a quien hara entender las inspiraciones y vozes interiores de Dios, y de sus Angeles? Y responde, que a los destetados desta leche y manjar de niños, y a los apartados de los pechos de las consideraciones y sentimientos sensibles.

Assimismo la Sabiduria divina nos exorta a dexar esta vida y mantenimiento de niños, y a passar a la vida y mantenimiento de hombres, diziendo: Dexad ya la niñez y venid a beber el vino que os adobe. Y declarando la Glossa Interlineal, que vino es este, dize que son los secretos de su Divinidad, en cuyo conocimiento y amor se exercitan los verdadores contemplativos. Pues, si como aqui dize el Apostol, para passar uno a la contemplacion intelectual de los misterios divinos, basta que renga habituadas las potencias en los actes de la meditacion; y este habito de la parte aprehensiva, de que aqui tratamos, dize Santo Tomas que se puede adquirir con solo un acto (y ver lo menos se adquiere con pocos actos) como despues de un etc), y dos, y mas años que se exercitan algunos en esta meditacion, texiendo, y destexiendo una misma tela cada dia, no les parece que estan aun sazonados para dexar esta vida y manjar sensible y pueril, y passar a la de hombres espirituales, que es la contemplacion intelectual? Por todo lo qual parece, que comunmente, entre personas que tienen cada dia tiempo señalado para la oracion, sera suficiente tiempo para adquirir habito de meditacion el que ponen los Autores referidos al principio deste capitulo: y si acopañan a esto algunas de las senales que quedan declaradas, podrán con razon passar a contemplacion intelectual; y mas con el modo que queda declarado, si comiencen en meditacion, y se estiendan luego a la contemplacion.

CAPITULO VIII. De la especulacion afirmativa de Dios, que es propria deste primer movimiento del alma.

Tambien toca a este primer movimiento del alma la especulation que se haze por modo de afirmacion, para Ilegar por el conocimiento de las criaturas al del Criador, como por los efectos a su causa: La qual en tante es provechosa, en quanto se ordena a la contemplacion como a su fin, segun Santo Tomas declara; como quando del conocimiento de las criaturas saca el contemplativo conocimiento de las perfecciones del Criador; y admirado de su poder, sabiduria, y bondad, dexa ya la especulacion, y queda en admiracion quieta amando al Hazedor de estas grandezas. Assimismo quando discurriendo por los beneficios divinos comunes y particulares, y despertando con esto el fuego del amor, se queda en quietud agradecida amando a su bienhechor, y dexando ya de mirar la causa en sus efectos, la mira en si misma, convirtiendo la vista de la multiplicidad a la unidad, y passando de la especulation a la contemplacion. Porque assi como el acto de especulacion es mirar a Dios en las cosas criadas como en espejo; assi el acto de contemplacion es contemplar a Dios sencIllamente en si mismo.

Pues para que desta especulacion y de la meditacion passada se saque provecho, y con estos medios nase estorben los contemplativos en llegar a su fin, conviene que advirtamos, que el edificio de nuestra perfeccion, a que se camina por la vida contemplativa, tiene cierta semejança con otro qualquiera edificio material: para cuya fabrica ay unos medios remotos, y otros proximos. Los medios remotos son los materiales que se van juntando para levantar el edificio: y los medios proximos es la planta o forma del, que el Artifice principal haze, y el repartimiento de oficiales, en que se da a cada uno la distribución y las formas menores de lo que ha de hazer: y quando estos medios proximos se aplican a los materiales, entonces se levanta la fabrica del edificio. Y otro tanto sucede en el edificio espiritual que en la contemplacion divina vamos levantando de nuestra perfeccion, que tambien ay sus medios remotos y proximos. Los remotos son los materiales que han de concurrir en este edificio, como la leccion, meditacion, y especulacion; que aunque entre los medios remotos son los mas proximos, todavia son remotos; porque aunque sirven para disponer la materia, no introducen la forma.

Los medios proximos son: el principal, la forma universal deste edificio, que el Artifice divino ha de dar para el, que es la gracia, e influencia divina: los aumentos de la nual, y de los demas dones divinos que la acompañan, ha de recibir (como declaran San Dionisio, y Santo Tomas) la parte espiritual del alma en la oracion (porque no tratamos de las demas obras en que alla se puede aumentar) quando el entendimiento, dexando su operacion activa, se haze instrumento vivo, y animado de Dios, quedando con disposicion passiva en luz sencilla de Fe, para ser movida libremente del, como otro qualquier instrumento de su Artifice. Y despues de recibida esta divina forma en la essencia del alma, va el divino Artifice repartiendo a las potencias, como a oficiales menores, los habitos de las virtudes (y entre ellos el del Don de Sabiduria, que es el fundamento de nuestra contemplacion) y con ellos las formas particulares, y el caudal con que cada una ha de obrar lo que le toca; como lo describe Santo Tomas a este proposito, y tambien el edificio que con estas formas y oficiales se ha de levantar, que es una regeneracian y renovacion sobrenatural del alma, en semejança y participation de la naturaleza divina. El qual edificio funda la Sabiduria eterna sobre aquellas siete fortissimas y riquissimas Colunas, de que haze mencion la Escritura Sagrada, que son los siete Dones del Esriritu Santo, que sustentan y hermosean esta fabrica de la perfeccion espiritual.

Pues de la manera que en el edificio de una casa, aunque mas materiales se junten, nunca se levanta la fabrica della, hasta que la forma y planta universal del Artifice superior se aplica a la obra, y conforme a elle se van distribuyendo y executando las demas formas inferiores y particulares, por los oficiales menores, como instrumentos del superior. Lo mismo sucede en este edificto espiritual que con la contemplacion divina pretendemos levantar, que por mas materiales que las potencias con su operacion activa junten para el, con la leccion, meditacion, y especulacion, aunque mas futil y levantada sea, nunca la fabrica del edificio se levantara, hasta que la forma universal del Artifice divino se pone en execucion; y las potencias, como oficiales inferiores, dexando ya su forma activa, sirven a la forma del Agente superior, como instrumentos suyos, para executar en esta obra le que a cade una le toca, segun la distribucion y movimiento del Artifice supremo. Y esto (hablando de la oracion y no de las demas obras en que la gracia y caridad se puede aumentar) se haze quando el entendimiento en la contemplacion, dexando su forma y operacion activa, se haze instrumente vivo y animado de Dios, unido con el por medio de la luz sencilla de la Fe, quedando el alma en disposicion passive para ser libremente movida del Agente divine; y entonces, haziendose el alma de Dios, y dexando de ser suya (dize San Dionisio, y Santo Tomes derlarandole) que se reciben en elles estos divinos dones y sus aumentos, para perpetuarse mas en Dios, y unirse con el en participacion de un mismo espiritu, que es la consumacion deste edificio, quanto al estado desta vida.

Para prueba de lo qual debria bastar la experiencia comun, del poco aprovechamiento que fienten en si muchas personas de oracion, despues de muchos años y muy continuados exercicios de leccion, meditacion, y especulacion: porque siempre estan obrando con su forma activa y natural, sin disponerse para recibir en si la forma sobrenatural de Dios, y obrar con ella como instrumentes suyos. Y lo que est mas de lastimar, que algunos dellos no solo no se disponen para que Dios haga en elles esta obra, mas tambien disponiendolos su Magestad para ella, y recogiendolos de la multiplicidad a la unidad, y de su operacion a la de Dios (quitandoles como de las manos la inquietud de sus propios actes, para que se dexen governar del) ellos a fuerza de bracos quieren salir deste dichoso govierno, y per el consiguiente estobar la fabrica de este edifirio (que desta manera se avia de levantar) per tornar de nuevo a rebolver los mismos materiales que otras muchas vezes avian rebuelro, porfiando de meditar, y discurrir enlo que otras muchas vezes han meditado y discurrido, no sin gran renugnancia de la misma alma, que siento el daño que le hazen, en apartarla de la operacion de Dios, con que avia de caminar a su perfeccion.

Y pues sabemos ya quales son los medios remotos de la contemplacion divina, y que la leccion, meditacion, y especulacion sirven al edificio de nuestrà perfeccion, a que la contemplacion se ordena, como de materiales; resta que sepamos qual es la forma particular de la contemplacion, y qual el medio proximo con que el edificio della se levanta, y con que caminamos a nuestra perfeccion. De la uno y de le otro nos dio noticia cierta Santo Tomas, diziendo, que la contemplacion es aquel acto principal en que el contemplativo dexa ya de mirar a Dios en el espejo de las criaturas, y de buscarle con la multiplicidad de actes, razones, y consideraciones; y le contempla en si mismo en un acto universal de conocimiento sencillo, ilustrado de luz de Fè. En el qual acto dize, que consiste la felicidad de la vida contemplativa: porque en el mira el entendimiento a Dios como a su prorio objeto en essencla universal (que assi la llama Santo Tomas) y no en objetos particulares y peregrinos; y alli es vestido de un habito nobilissimo, qual es del don de sabiduria, con que no solo el entendimiento es ilustrado a lo sobrenatural, mas tambien la voluntad, saboreada a lo divino con el sabor de la caridad, con quien este divina don anda siempre unido. El qual don es la forma divina que el Artifice supremo concede al alma, para levantar por ella el edificio de nuestra contemplacion y perfeccion, hasta unirla consigo.

Al mismo prorosito dize San Dionisio, que quando nuestro entendiminnto se aparta de todas las casas criadas, y de sus representaciones, y despues dexa a si mismo, y a sus proprios actos, y se une a los rayos divinos de la luz de Fè, para contempiar en ellos a Dios, sobre todo lo que puede alcançar el entendimiento por razon y discuaso; entonces dize, que es ilustrado de la profundidad de la Sabiduria divina: le qual es la forma que el Espiritu Santo, Artifice desta fabrica, concede al alma contemplativa, para levantar por elle el edificio de su perfeccion; y una semejança divina y sobrenatural de Dios, de que este divino don (con los demas que le aconpagñan) la viste, para hazerla en cierta manera divina por participacion de la naturaleza de Dios, como dixo el Apostol San Pedro. Y este acto de contemplacion es el medio proximo y proporcionado para poner en execucion esta obra sobrenatural y divina, y aunque assi el don de Sabiduria, como los demas del Espiritu Santo, se hallan en todos los que estan en gracia, aunque no sean contemplatives, no en todos estan en un mismo grado, ni en toda la intension que nuestra perfeccion pide: y con los actos de la contemplacion se intensan, y arraigan mas en el alma, para que participando ella mas destos rayos divinos, que de mas Endiosada, y vestida mas a lo divino.

CAPITULO IX. Como se ha de aver el contemplativo en la especulacion afirmativa, para sacar provecho della.

La declaracion deste medio próximo con que los contemplativos se llegan a Dios, y se disponen para que el introduzga en ellos la forma de su semejança, en que consiste su perfection, toca al segundo movimiento del alma, donde avemos de tratar esto de proposito. Y ora solamente diremos algo do lo que toca a este primero, acerca de la espaculacion afirmativa, tomandobo de lo que el mismo Santo Dionisio,dize a Tito su condiscipulo en aquella carta de profunda sabiduria, donde supliendo la falta que nos haze el libro que escribio de la Teologia Simbolica, y no se habla, declara, como avemos de aprovecharnos de las cosas, que assi en la Escritura Sagrada, como fuera de ella, se nos representan debaxo de simbolos y figuras, para levantarnos por ellas al conocimiento de Dios, y de sus divinas perfecciones.

Dize pues, que dos maneras ay de doctrine con que nos dan a conocer a Dios. Una mistica y secreta, que se nos representa dabaxo de figuras: como quando la Escritura llama a Dios, Fuente, Piedra, Labrador, y otras cosas semejantes. Y otra manifiesta y conocida, que sin rodeos ni cubiertas nos lleva derechamente a Dios: como quando la Escritura le llama Essencia, Sabiduria, Bondad, Verdad. Pues esta mistica y secreta, dize, que es para unos significativa, y para otros perficionadora: este es, significativa para aquellos que como niños, y rudes todavia en el camino espiritual, han menester para andar per el este arrimo de las figuras sensibles, y el sentido pueril dellas. Pero para los verdaderos amadores de la Divinidad, y que ya pueden caminar a Dios sin carreton, sino por su pie, y sueltos destas renresentaciones sensibles y figurativas, dize, que esta Sabiduria es perficionadora: porque dexando la cortega y cubierta grossera de las figuras, penetran con el entendimiento suelto y ilustrado, y con anima sencillo a la contemplacion admirable, sencilla y supereminento de la verdad, significada por estas figuras; y alli ilustrados de la luz divina, son levantados al conocimiento y amor de Dios, debaxo destos simbolos representado, y con este son perficionados desta misma luz y amor.

Y ensefiandonos el mismo Santo como nos avemos de aprovechar desta doctrina para nuestra especulacion, dize, que toda la que se nos da, aora en la Escritura divina, aora en los Doctores sagrados, para llevarnos al conocimiento y amor de Dios, estriba no solamente en el fundamento vulgar, historial, y grossero de las figuras metaforas, y exemplos con que la representan; sino tambion en perfeccion vital; esto es, en inteligencia espiritual, y sentido inflamativo: y que assi, para sacar provecho de la especulation, avemos de dexar luego esta capa grossera de las figuras, y penetrar con toda nuestra intención al sentido espiritual, que nos ilustra, inflama y perficiona, y esta encerrado dentro destas cubiertas: y desnudando el entendimiento de los velos sensibles con que los misterios divinos misticos y secretos estan cubiertos, contemplar estos misterios en si mismos, puros y desnudos de velos y antiparas; pues les figuras sensibles no son mas que unas guias y ministros para caminar a las cosas espirituales y divinas; y assi no nos avemos de quedar en los medios sin llegar al sin. Por Io qual, valiendonos de las figuras para lo que ellas sirven, que es para darnos a su modo grossero como a niños alguna noticia pueril de las cosas divinas; no avemos de gastar mas tiempo en detenernos en ellas, sino pasar a lo espiritual que significan, y hazer allí nuestro assiento.

Esta es la doctrina que nos da este gran Maestro de la Sabiduria mistica, de como nos avemos de arrovechar de la meditacion y especulacion, para sacar destos medios el fruto para que ellos sirven, que es pana subir por ellos como por escalones a la contemplacion, sin que nos estorben otro fruto mayor, que es la misma contemplacion, y en lo que aqui avemos tocado, parece que esta cifrado lo que este Santo enseñava en el libro de la Teologia Simbolica, como el lo significo a Tito en esta carta.

Y porque ya en los capitulos passados tratandos algo de lo que toca a la meditacion, y como por las obras de la Humanidad de Christo nuestro Serior nos aviamos de levantar al conocimiento de su Divinidad; porque en este dechado nuestro se nos descubrieron mas altamente las perfecclones divinas, que en toda la universidad de las criaturas: aqui pondremos algun exemplo, facado del mismo S. Dionisio en esta carte, de como avemos de exercitar la especulacion afirmativa, para subir por ella a Dios, que es lo que toca a este lugar. Como quando la Escritura divines llama a Dios Fuente de vida, nos propone esta figura material y grossera, para que no deteniendose el entendimiento en ella, passe a lo interior; y dexando la figura, penetre a lo figurado, y vista el animo del sentido vital, y espiritual inteligencia: considerando, que Dios es fuente y principio de donde todas las cosas toman su ser, y que es no le toma de nadie: y como Agente primario y origen de todos los bienes, comunica su bondad a todas las criaturas, sin diminution ni mudança suya, sino quedando en si mismo, todo perfecto e invariabile; y que siendo una sustancia y virtud sencillissima y espiritualissima, obra con su propia virtud todas las cosas, sin mezclarse con ellas.

Y despues que desta manera e huviere el entendimiento desnudado de la figura material, y penetrado con la consideracion lo espiritual, puro, y desnudo que ella significava, y con la ponderacion dado vida a la representacion muerta: cesse ya del discurso y de la ponderacion: y quedando con una vista sencilla, aplique la intention a la voluntad, levantando el afecto a amar a esta Fuente divina de todos los bienes: y dexando la inquietud amorosa en el fin: en la qual quietud sencilla y afectuosa se saca el fruto del discurso y ponderacion passada, como en otra parte declaramos. Y esto mismo ha de hazer en todas las demas consideraciones de la especulacion afirmativa, si quiere sacar provecho della, de manera que siempre rare en contemplacion: como quando mirare la fabrica visible de este mundo para levantarse por alla a Dios, como lo aconseja el Apostol, sea para sacar por esto visible la sabiduria, bondad, omnipotencia, y grandeza del Criador; y cessando de la operacion especulativa, quede amando en quietud y atencion sencilla aquel abismo impenetreible de todas estas perfecciones.

Este modo de aprovecharnos de las cocas criadas, y de la especulacion y consideracion dellas, para subir al conociniento y amor del Criador, nos enseño el mismo San Dionisio en otra parte en braves palabras, diziendo, que para caminar el alma a Dios, avia de unir el discurso de la razon, y redurzirse a la pureza intelectual, y desta manera caminar por lo intelectual inmaterial y sencillo, segun la prorietad de su naturaleza, como a passo llano, y por camino real a unirse con las cosas que son sobre su entendimiento. En la declaracion de las quales palabras dize Santo Tomas: Para llegar el alma a la paz y union divina, ha le subir por tres escalones. El primero, es el discurso de la razon. El segundo, el reduzir este discurso a la unidad de la pureza y sencillez intelectual: porque ningun erecto haria eldiscurso de la razon, si no llegasse a la contemplacion intelectual de la verdad inteligible. El tercero, que por esta contemplacion intelectual y sencilla camine, segun la propiedad de su virtud, a unirse con

Dios, que es sobre el entendiniento. Todo esto es de Santo Tomas.

De manera, que para que la especulacion, y qualquiera consideracion y discorso de la razon sea provechoso, se ha de reduzir a la pureza intelectual, y parar en contemplacion sencilla. Y en otra parte, declarando al mismo San Dioniso a este proposito dize: En la contemplacion de esta vida usamos de señales y figuras, para levantarnos por ellas al conocimiento de las cosas divinas, pero no para que nuestro entendimiento se detenga en ellas, si no que dellas se estienda luego a la verdad unida y sencilla de las cosas intelectuales y divinas, quietando en ellas al entendimiento, unido sobre si mismo a la luz de la Fè. Esto dize Santo Tomas. De todo lo qual queda ya sabido, coma nos avemos de aver, segun la doctrina de los Santos y grandes Maestros desta Filosofia del cielo, en la especulacian afirmativa. En la qual le ha de advertir, que no la referimos aqui como por media necessario para passar a la contemplacion intelectual y sencilla, pues desde la meditacion imaginaria de la vida y Passion de Christo nuestro Señor, se puede passer a la contemplacion sencilla de su Divinidad, como ya tocamos, y es el camino mas ordinario de las almas sencillas y poco especulativas. Pero ponemos aqui el exercicio de la especulacion, para que quando quisieren caminar por ella, sepan como la han de exercitar con provecho, y a modo de Filosofos Christianos, y no Gentilles.

CAPITULO X. Como se ha de encaminar la especulacion de Dios, para ser ilustrada el alma con sus dones.

Antes de dar remate a este primer movimiento del alma, nos esta combidando e nonderacion aquella palabra ya referida de San Dionisio; que la Teologiasimbolica (este es, figurativa) era significativa quanto a las figuras, y perficionadora quanto al sentido espiritual y secreto. Para cuyo entendimiento nos hara provecho el exemple que poco ha pusimos, de la fabrica del edificio espiritual (a semejança del material) al qual sirve la meditacion y especulacion de allegar materiales para la obra; pero la contemplacion es la que valiendose destos materiales introduce la forma, y levanta el edificio. Porque, como en otra parte probamos con la doctrina de Santo Tomas, el entendimiento especulativo sirve a la introduction de la forma como regla remota; y el entendimiento practico como regla proxima. Y porque este edificlo de nuestra perfection se ha de levantar no solo en el entendimiento, sino mas principalmente en la voluntad, a que se ordenan las operaciones intelectuales; el que mueve e la voluntad como regla proxima, es el entendimiento practico, como prueba el mismo Santo. En lo qual se nos descubre, que quando discurrimos con la meditacion y especulacion, sino juntamos materialos de semejanças y buenas consideraciones, para disponer la matoria en quo sc ha de introduzir la forma, y levantar la fabrica. Y quando quietamos el entendimiento, y le estendemos destas semejanças y consideraciones, a la contemplacipn de Dios pura e intelectual, en luz sencilla de Fè : como a este proposito declaran S. Dionisio y Santo Tomas) entonces se introduze la forma divina en el alma, sirviendo como de materiales las noticias que el entendimiento especulativo avia adquirido, espiritualizadas ya y ilustradas a lo divino con los dones del Espiritu Santo, que son los que dan la forma a esta materia para levantar la fabrica.

De donde podemos entender, con quanta razon nos dan vozes los Maestros de la Sabiduria Mistica; que la buena meditacion y especulacion he de acabar en contemplacion: pues (como poco ha vimos de la doctrines de Santo Tomas) ningun provecho haze el discurso de la razon, si no llega a reduzirse a la pureza y conciliez intelectual. Y assi quando el que medita (pongamos exemplo en la Passion de Christo) dexa ya el discurso; y vestido el entendimiento de la luz de la Fè, le estiende sencillamente de las figuras y consideraciones a la grandeza incomprehensible de aquel Señor que por nosotros padecio, y al amor incomparable y bondad immensa que nos descubrio en esta obra; Y levantando a el afecto, se queda en quietud amorosa y silencio penetrador, adorando esta grandeza, y amando esta bondad; entonces no solo allega el entendimiento especulativo materiales con la meditacion para el edificio de la perfection, mas tambien el entendimiento practico none con la contemplacion las manos en la obra, y aolica los materiales a la fabrica, segun la forma divina que le dan con el don de sabiduria, para que vaya creciendo. Porque como estes divinos dones y sus aumentos se han de recibir (como declara Santo Tomas) en una aprehension sencille, entonces se dispone y proporciona el alma para recibirlos.

Pero si no haze mas que tomar una consideracion, y tras aquella otra; aunque ellas sean muy buenas, todo es no mas que acarrear materiales; y quando mucho, como dize Juan Gerson, movera con ellas en el apetito sensitivo un afecto piadoso y humilde, que comunmente llaman devocion, o compuncion, pero no recibira los aumentos de los dones divinos que en la contemplacion se dan al alma. Porque como qualquiera cosa que ha de ser movida vida, conviene que se proporcione con su motor, si quiere que esta mocion se siga: y la mocion divina donde estos divinos dones se reciben, pide al alma sencilla y reduzida a unidad, como ya vimos; cosa clara es, que si el entendiminnto no se recoge de la multiplicidad inquieta de la meditacion a la sencillez y sossiego intelectual, que no se proporciona con el Agente divino, antes se pone en disposicion contraria a su conmocion y divina operacion: y aunque con la suya inquieta cause alguna ternura al apetito sensitivo, no vestira de virtud y fortaleza al alma, la qual le vine de la operacion divina, a la qual impide con la suya activa.

Bolviendo pues a nuestro proposito, como la doctrina mistica y secreta, que se abstrae de la figurativa, es la que sirve a la contemplacion, donde el alma se haze instrumento vivo de Dios, para ser movida libremente del, y donde recibo el aumento de sus divinos dones; por esso dite San Dionisio, que es perficionadora, porque dispone al alma para recibir estos dones. Por lo qual el Apostol San Pablo, haziendo mention destas dos maneras de doctrina ( la figurativa y de principiantes, a que llama leche de niños: y la mistica de los arrovecbados, a que Ilama manjar solido) dize, que esto es mantenimiento de perfectos; este es, que haze perfectos a los que se exercitan en ella: que assi declara San Dionisio este lugar del Apostol su Maestro, como quien lo avis sabido de su boca. Y la misma razon lo dize, pues entre los principiantes y perfectos de que alli trata el Apostol, que son dos estremos, ha de aver media, y este es de los que van aprovechando, a quien conviene esta doctrina perficionadora, con que salen de la edad y mantenimiento de niños a la de hombres espirituales, y han de ser arrovechados y perficionados.

Y dando el mismo San Dionisio la razon deste aprovechamiento, de los que usan desta doctrina a le espiritual y mistico, dize, que les viene de la contemplation Y conocimiento de Dios, estable, firme, unida, y indivisible (que es lo mismo que de la luz de la Fè, que desta manera la describe en otra parte, como ya vimos) y que por ella participan los dones divinos en las potencias espirituales. Esto dize San Dionisio. Y San Gregorio, declarando de quanta utilidad sea a los contemplativos esta doctrina mistica y secreta, para levantarlos a Dios, y darles a gustar su dulgura y suavidad, dize assi: De la Esposa se dize, que subia abundando en deleites; porque mientras el alma se sustena de inteligencias misticas, es levantada cada dia a contemplar las cosas divinas. Y por lo mismo dize el Salmista.Y la noche es mi iluminacion en mis deleites. Porque quando por medio del entendimiento mistico es recreada el alma estudiosa, ya es iluminada en ella escuridad de la vida presente, con el resplandor del dia advenidero, para que aun en las tinieblas desta corruption prorrumpa en su entendimiento la fuerza de la luz que espera; y sustentada con las delicias de las palabras divinas, aprenda de lo que comiença a gustar, la hambre que ha de tener del sustento de la verdad eterna.

Esta diferencia de efectos, en las dos maneras de doctrina que avemos referido, no solo la ay en la contemplacion a que nosotros podemos llegar con los auxilios ordinarios, por medio de la luz de la Fè: mas tambien en la contemplacion infusa, a que Dios nos levanta por auxilio particular y ilustraciones sobrenaturales. Porque como declara muy a lo largo el mismo San Dionisio, las visiones y ilustraciones que comunica Dios a los contemplativos por media de figuras o sentimientos en la Parte sensible, son para llevarlos por estos medios mas palpables y connaturales a nosotros, como guiados de la mano al conocimiento y contemplation sencilla de las cosas sobrenaturales y divinas, a nosotros mas remotas. Pero las ilustraciones intelectuales y sencillas, dize que las comunica Dios al alma para su perfection y santidad: y assi entendieron este lugar de S. Dionisio Hugo de Santo Victor, y Alberto Magno en la exposicion del.

De manera, que assi las consideraciones y discursos que sacamos de la meditacion y especulacion, como las visiones y iluminaciones que se comunican sobrenaturalmente al alma, por media de figuras o sentimientos en la parte sensible, han de servir principalmente para levantarla al conocimiento intelectual y contemplacion sencilla de Dios, y de sus perfecciones, donde el alma se renueva a lo divino, y se transforma en la imagen sobrenatural de Dios, como lo significo el Apostol. quando dixo: que quando contemplavan a Dios con el entendimiento descubierto de velos, eran transformados en su imagen de claridad en claridad, como movidos del Espiritu del Serior; porque entonces se haze el alma instrumento de Dios, para ser por el movida, e iluminada desta manera. En la declaracion y persuasion de lo qual nos avemos detenido tanto, por ser cosa en que mucho se estorban los contemplativos, haziendo fin de los medios, y caminando siempre, sin ir ganando tierra, azia el lugar de su descanso, cumpliendose en elles lo que dite el mismo Apostol, que siempre andan trabajando con la consideracion, sin Ilegar nunca à la verdadera sabiduria; porque aviendola de recibir en quietud atenta y afectiva, la buscan con movimiento especulativo y inquieto.

CAPITULO XI. Como se ha de usar de la leccion devota, para ayudar a la oracion, y no estorbarla.

Tambien es propio dente movimiento primero del alma, valerse de la leccion de libros devotos, que ayuden a levantar el anime a Dios: y tambien des exercicio do la mortificacion, contra el desorden de las passiones y actes viciosos que salen de ellas. quanto a lo primero, dizen los Maestros de la vida espiritual, que para que la leccion haga provecho, se ha de tomar con la moderacion que el mantenimiento corporal; que si es moderado y proporcionado con el calor del estomago, haze provecho; y si es mas de lo que el estomago puede digerir, haze daño. Y assi no se ha de tomar la leccion por tarea, sino para sacar della alguna consideracion, en que la imaginacion y la razon se ceven a lo espiritual, y les sirva como de grillos para que no anden inquietas, buscando otios objetos en que cevarse: y si es mucho lo que se lee, no lo pueden estas potencias digerir todo; y en lugar de unirse en una cosa, se dividen en muchas; el qual es fruto contrario al que con la leccion y meditacion se pretende, que es unir entre si primero al alma, para que despues se una con Dios, como dize San Dionisio. Aunque para los nuevos contemplativos, que aun no tienen adquirido habito de meditacion, bien puede la leccion ser un poco mas larga, y tambien la meditacion sobre ella, para que vayan adquiriendo memorias de Dios, y de los bienes y males que nos pueden llegar, o apartar del; particularmente acerca de los misterios de la vida y Passion de Christo nuestro Señor. Pero para los habituados ya en este, o que estan ya recogidos, mas los puede estorbar que aprovechar la leccion larga, como tambien la meditacion sobre ella.

Por lo qual, tratando deste punto Santo Tomas dize, que la leccion y las oraciones vocales, y otra qualquiera oracion particular que consista en figuras y seriales, se ha de usar solamente quarto aproveche para despertar interiormente el espiritu; pero que si el espiritu se distrae per este, u de qualquiera manera es impedido, han de cessar estos medios: y que este principalmente sucedo en aquelles, cuyo espiritu sin estas ayudas esta suficientemente dispuesto para la devocion. Esto dize Santo Tomas, contra la qual doctrina es la leccion larga en actes de oracion de comunidad, donde ay muchos ya aprovechados en la meditacion, y otros que en entrando en la oracion se recogen, y levantan a Dios con las memorias de sus misterios que tienen ya habitualmente adquiridas; a todos los quales estorba la leccion larga. Per lo qual es necesario que sea moderada, para que de tal manera haga provecho a unos, que no estorbe a otros. Y de los que se aprovechan della hasta que se recojan, dite Juan Gerson; que mas parece que la usan para el sonido, que para la consideracion: pues a la consideracion menos leccion le basta, en el que sabre levantarse per ella a Dios: y que si no sabe andar sin arrime, aunque le parezca que algun tanto se recoge con la leccion, en cessando ella, cessara tambien el recogimiento que en sola la leccion estribava; y assi es bien que se costumbre a cminar per si, sin ir atado a estes medios tan exteriores.

CAPITULO XII. Del exercicio de la mortification, para moderar las passiones con las virtudes morales.

El exercicio de la mortification es tambien muy propio deste primer movimiento, porque he de andar muy hermanado con la meditacion, para que por medio de las virtudes morales, enfrene los movimientos desordenados del apetito sensitivo, donde las passiones tienen su assiento. Porque al passo que cada uno fuere aprovechado en esto, a esse mismo se ira disponiendo para la perfecta contemplacion, y ira quitando los estorbos de los buenos efectos della, como de clara Santo Tomas a este proposito. Y mientras el alma no esta mortificada, no puede tener la paz y alegria que ha menester para ser morada de Dios: porque la inclinacion del apetito contraria a la virtud, mientras no esta domada, es un manantial de inquietud y tristeza: y a la mortificación y quebrantamiento de la propia voluntad tene Dies prometida la comunicación de su suavidad, el señorio sobre las inclinaciones terrenas, el mantenimiento espiritual, con los demas efectos de la contemplacion. Y aunque todos han menester esta virtud, mas narticularmente los nuevos espirituales, como mas cerriles en las cosas de esriritu; y assi han de ordenar su meditacion principalmente al exercicio de las virtudes. Por le qual San Dionisio, tratando de los tres estados de contemplativos, conviene a saber de imperfectos, iluminados, y perfectos, dize, que los principiantes han de insistir principalmente en procurar ser renovados, haziendose participantes de las virtudes y exemplos en que meditan, este es, imitando las virtudes y exemplos de Christo nuestro Señor, que es nuestro verdadere dechado, y el bianco que no han de perder de vista los deste estado.

Esta virtud de la mortificacion, aunque es comun a todos estes tres estados, diferentemente han de caminar a alcançarla los unes que los otros. Para lo qual se ha de saber, con la doctrina de Santo Tomas, que con dos medios llega el hombre a ella: el principal es por Don de gracia, que se recibe en lo interior, y de alli se deriva à los actes exteriores. El segundo y menos principal, por estudio y diligencia humana, con la qual, ayudada de la gracia, tràbaja el hombre por enfrenar los actos exteriores, contrarios a la virtud, que salen del desorden de las passiones: y despues camina a extirper las raizes de las mismas passiones, que estan en lo interior.

Pues destos dos medios, el segundo es mas propio de los que estan en estado de purgacion y meditacion: los quales han do trabajar mucho por enfrenar los actes desordenados, quo exteriormente producen las passiones, aun no moderadas con las virtudes morales: cuyos habites se han de ir adquiriendo, con actes contrarios a los vicios que estas virtudes moderan; como con la humildad los actos de sobervia, con la paciencia los de la ira, con la templança los de la sensualidad, y assi los demas. Y la oracion sirve para dar fortaleza al alma, para exercitar estas virtudes en la oposicion de los vicios contrarios, aunque la oracion no sea mas que imaginaria, ni haga mas altos efectos que grangear fervor sensible. Porque como el apetito sensitivo donde este fervor se recibe, es por una parte el assiento de las passiones, y por otra esta muy cercano al movimiento corporal; juntamente se modera con el fervor el impetu de las passiones, y se dà aliento para la facilidad y promptitud de los actos exte riores virtuoses.

Pero el otro medio, y el principal, para alcancar la mortificacion, es mas propio de los que esta ya en estado de contemplacion: en la qual (como ya tocames, y lo avemos de declarar mas de proposito adelante) se dispone el almpara recibir las virtudes y dones infusos, que la fortifican contra las passiones: y con la inrluencia divina, que en la contemplacion se communica al alma, se purifican y desarraigan de la parte intelectiva de ella los habitos imperfectivos que alli se avian engendrado de la communicacion de los sentidos, y de donde tambien procede la imperfeccion de los actos exteriores. Los quales habitos, como declara Santo Tomas, no se quitan por el exercicio de las virtudes morales, sino por sola influencia divina. Por lo qual, hasta que el alma esta en estado de contemplacion y es ilustrada en ella con la influencia y dones divinos, nunca alança perfecta mortificacion de sus passiones y afectos; de la qual trataremos de proposito adelante en su lugar.

CAPITULO XIII. Del segundo movimiento del alma, y a que personas mas principalmente toca.

Al segundo movimiento del alma en la oracion Ilama San Dionisio movimiento torcido: el qual es quando estando el alma recogita con Dios en acto universal que es proprio de la contemplacion) la faca la iluminación divina exercicio de actos particulares, no a lo intelectual sencillo, sino segun el discurso y multiplicidad de la razon, como a consideraciones particulares. Y llamale movimiento torcido, porque estando el entendimiento atendiendo a su propio objeto, que es la essencia universal, en que le dan su lleno, como declara Santo Tomas y otros Autores, le tuerce la iluminacion divina àzia otros objetos particulares y limitados, ora sea de los atributos divinos, ora de las sustancias criadas. el qual es torcimiento en materia de contemplacion.

Para entendimiento desto se ha de presuponer lo que dize Santo Tomas, que Dios como motor universal mueve comunmente la voluntad del hombre al bien universal, aunque también algunas vezes la mueve a actos de bien particular. Y assi aunque las mociones ordinarias de Dios en los contemplativos, son azia lo interior del alma, a unir los alli consigo, y a conocimiento sencillo y universal de su Divinidad, que es el objeto propio del alma, y la que soles puede llenar los inmensos senos de su capacidad: con todo esso algunas vozes la mueve a actes particulares como de los misterios de su sagrada Humanidad, ù de sus divinas perfecciones, con alguna ilustracion particular dellas, ù de otras cosas de que el alma puede sacar provecho, para bolverla a juntar consigo en contemplacion universal con estas ganancias de noticias y afectos particulares: y a esta salida de la unidad a la multiplicidad Ilama S. Dionisio movimiento torcido, porque sale el alma como de su centro azia la circunferencia, y del Criador azia las criaturas. Assimismo se llama movimiento torcido, quando a los que no estan aun recogidos en contemplacion intelectual, les comunica Dios alguna iluminacion por medio de figuras particulares, para llevarles dellas a la quietud y pureza interior sencilla, como declaro San Dionisio: y como entonces comiença el movimiento de Dios, que es unidad y objeto propio del alma, y sale a la multiplicidad de la razon, se llama tambien torcido.

Esto pues assi declarado, se ha de saber, que como el movimiento derecho es propio de los que estan en la via purgativa, que es subir de las criaturas al Criador; assi este es mas propio de los que estan en la via iluminativa, que es estado de contemplacion: porque la contemplacion dispone mas al alma para ser movida de Dios, como instrumento suyo, y por esto son en este estado mas frequentes estas iluminaciones divinas, que en el de principiantes. Por lo qual es necessario, que los que ya tienen adquirido habito de meditacion, se dispongan con la contemplacion para ser iluminados de Dios: como nos lo enseño San Dionisio, tratando del oficio y aprovechamiento de los tres estados de contemplativos, quando dixo, que para entrar en el estado de iluminacion convenia, que los que avian de ser iluminados caminassen al habito de contemplacion con ojos intelectuales, puros, y sencillos disponiendose con esto el entendimiento para ser lleno de mucha luz divina. En la declaracion de las quales palabras dize Alberto Magno: Con ojos puros quiere que camine el entendimiento, para ser iluminado; este es, libres de la difusien y esparcimiento del entendimiento a muchas cosas, para que se recoja y fortifique en el conocimiento de aquel solo, que es objeto de nuestra contemplacion.

Y esta disposition vide San Dionisio, para ser iluminado el entendimiento de la luz divina: porque, como el mismo dixo en otra parte, esta divina luz que obra nuestra iluminacion, esta despues de todos nuestros particulares conocimientos, los quales son como voles puestos entre esta luz y el alma; y quando los quitamos todos, quedanclo con sala la atencion universal y sencilla, entonces se le descubre esta divina luz al alma, para iluminarla y enriquecerla: porque en entrando sin estorbos on ella, la va perficionando con tantos y tan excelentos efectos, como doclaro el mismo San Dionisio en otro lugar. Por lo qual San Gregorio nos persuade tan apretadamente, como en otra parte vimos, que para ser el alma iluminada de Dios, dexe de esparcirse por las imagines sensibles, que son velos que escurecen el alma, para no poder contemplar las cosas divinas, y le impiden el recibir las iluminaciones de Dios, que son propias deste estado. Pues para esta iluminacion se dispone con el acto de contemplacion, donde el alma se reduze de la multiplicidad a la unidad, y el entendimiento aparta de si los velos de sus particulares conocimientos, para que sin estorbos entre la luz divina a ilustrarle.

CAPITULO XIV. De tres caminos per donde el alma puede subir al conocimiento de Dios en la oracion, y mejorarse en ella.

Y pues ya avemos sabido, que este segundo movimiento es propio del estado de iluminacion; y que para recibir esta iluminacion se ha de poner el entendimiento en acto de contemplacion, declararemos brevemento, como ha de levantarse a ello; y como después de puesto en acto universal, ha de salir a los particulares, que es el exercicio de este movimiento torcido. Para lo qual se ha de advertir lo que dize San Dionisio, que de tres maneras puede nuestro entendimiento levantarse a conocer a Dios en esta vida. La Primera, por afirmacion; convenie a saber, por el orden de todo el universo. Porque toda la universidad de las criaturas se nos pone delante, para que por ellas, como por unas imagines y semejanças imperfectas, subamos a conocer a Dios que las cria, y es mas perfecto que todas.

En esta manera de conocer a Dios se exercita la meditacion y especulacion, y el movimiento derecho del alma, de que ya tratamos: y en esta manera de conocimiento tiene el primer lugar la meditacion de la vida y Passion de Christo nuestro Señor, por quien, como dize San Dionisio, avemos de llegar a la principal luz, que es el Padre. Sobre las quales palabras dize el Venerable Hugo de Santo Victor: Iesus es Sabidura del Padre; y como tal salio al principio del mundo manifestando en la creacion del al Padre en sus obras, y començo a ser visto visiblemente el invisible en aquello quo era visible: y mostrose cierta luz para que nos guiasse a otra luz mayor: y desta manera se nos hizo Iesus camino para el Padre. Vino despues segunda vez esta Sabiduria vistiendose de carne, y fue hecha luz para alumbrarnos y guiarnos a la luz principal de la Divinidad. Pues como en esta luz de la segunda salida desta divina Sabiduria resplandecieron mas las virtudes y perfecciones de Dios, por las obras que en esta salida hizo, llegamos a mayor conocimiento desta luz princirai de la Divinidad, que por toda la universidad de las cosas criadas en la primera salida.

La segunda manera de conocer a Dios, dize San Dionisio, que es por negacion; que es camino contrario al passado, apartando de Dios todo lo que ay en las criaturas, no porque al Criador le falte perfeccion alguna de las que a ellas les dio, sino porque la perfeccion de Dios excelle infinitamente a todas las perfecciones criadas. Este conocimiento por negacion, es mas perrecto que el passado; y dize San Dionisio, que fue inventado por los Apostoles, para llegar a conocer de las perfecciones divinas por este camino, la que no podian alcançar por la especulacion afirmativa dellas.

Pues desta manera puede el alma levantarse a la contemplacion divina apartando de Dios todas las cosas, por perfectas que sean, y considerando en el otra perfection infinitamente mayor. Y juntamente con ir desnudando el anima de todo lo que por la via afirmativa le figuraya a Dios, vayale vistiendo de un concepto aitissimo desta divina perfeccion y excelencia, tan superior a todo lo que nuestro entendimiento puede alcançar della, que todo lo que el puede conocer entienda que no es Dios, sino otra cosa mayor. Porque como en la creacion de las cosas, aunque mas altas y mas perfectas sean, no les comunico Dios su essencia, sino su semejança, segun que cada criatura era capaz della; oor lo qual dixo San Dionisio, que de tal manera es comunicativo de sus criaturas, que el queda apartado de todas ellas, y colocado con virtud incomprehensible sobre todas las sustancias, aunque sean Angelicas; de aqui viene, que quando fueramos altamente ilustrados con el conocimiento de todas las criaturas terrenas y celestiales, nos quedara con todo esso oculto lo que Dios es en si. For la qual dixo el mismo Santo en otra parte: Si alguno contemplando a Dios, entendio lo que vio, no vio al mierto, sio alguna cosa suya, de las que se pueden conocer: porque Dios es sobre todo entendimiento y sustancia, y este no conocer nada, es mayor conocimiento de Dios, que conocerle per todas las demas cosas: porque es sobre todas las que se pueden conocer.

Esto dize San Dionisio: y entonces dize Santo Tomas, que llega nuestro entendimiento a este conocimiento de Dios, y a hazer verdadero cencepto de su perfeccion y excelencia, quando rendido a los pies desta incomparable Magestad y grandeza, conoce que es sobre todo lo que el puede conocer; y vestida de admiracion y reverencia entonces el alma, se quede amando y venerando al que no puede conocer ni comprehender, adorandole en aquel concepto confuse y universel que saco desta negacion, y amando con la voluntad lo que no pue de penetrar el entendimiento; y este es contemplar a Dios.

La tercera manera de conocer y contempler e Dios. y mas nerfecta que las dos passadas, es en luz sencilla de Fè, sobre todos los actos de la razon, en la inteligencia pura, sin inquisicion ni discurso; a la qual llamo el mismo San Dionisio divinissima; porque dize, que es la que une nuestro entendimiento a los rayos divinos, para ser iluminado de la profundidad de la divina Sabiduria: la qual contemplacion declararemos en el tercero movimiento del alma, que en esta contemplacion se haze.

CAPITULO XV. Con que circunstancias ha de exercitar el alma los actos particulares en este segundo movimiento.

Pues quando el alma esta desta manera contemplando a Dios, en acto universal, sobre todo su conocimiento particular; si la sacare la iluminacion divina a actos particulares, y del acto de la inteligencia pura, que transciende al acto de la razon, la baxa a los actos de la misma razon, para conocer en particular algunas verdades de nuovo, con que aumente leña al fuego del amor; hase de aver en esto, como lo enseño el mismo San Dionisio en otra parte, diziendo, que lo que Dios pretende, quando en iarticular nos comunica sus iluminaciones en variedad y multiplicidad, es para restituirnos luogo, como virtud unifica, a la unidad y sencillez deiricada de su Divinidad: y que para esto suele la claridad divina, por medio de las iluminaciones que se nos dan per Christo, manifestarnos en semejanças y imagines las perfecciones divinas, que resplandecen en sus criaturas, y particularmente en las Gerarquias Angelicas, como las mas perfectas; para que contemplandolas, no ya a lo material y sensible, sino con los ojos espirituales, y no cegajosos de la inteligencia pura, nos bolvamos otra vez a restituir en el raye sencillo de la Divinidad.

En estas palabras (que Hugo de Santo Victor sobre este lugar, y Santo Tomas en otra parte, declara de nuestra contemplacion, ilustrada a lo sobrenatural) nos declaro profundamente S. Dionisio, como avemos de exercitar en la oracion estos actos del movimiento torcido del alma. Lo primera, que para dexar el entendimiento su propio objeto (que es, como dize Santo Tomas, la essencia divina universal, en que esta empleado en la contemplacion) ha de ser, como dize el mismo San Dionisio, intellectu a Patre moto; esto es, conmocion y iluminacion particular de Dios; aunque tambien algunas vezes se puede mover ella, guardando estas condicions, como en otra parte declararemos, como en su propio lugar. Lo segundo, que para baxarse del acto aura de la inteligencia, donde esta sobre la razon contemplando a Dios, a ocuparse en los actos do la misma razon, no sea para quedarse en ellos, sino para restituirse luego otra vez a su propio objeto en conocimiento sencillo y universal; como quien sale do junto al fuego a buscar leña para cevarle; y cevado, se buelve luego a llegar a èl, para tomar de nuevo calor. Y esto nos enseño en otra parte San Dionisio, declarado muy a nuestro proposito por Santo Tomas, diziendo, que en la contemplacian de Dios usavamos de semejanças particulares, no para quedarnos en ellas, sino para escondernos luego de ellas a la contemplacion sencilla de las cosas divinas, que por ella se nos representavan. Y esto mismo hallamos experimentado muy de ordinario en el magisterio interior secreto que Dios usa con las almas contemplativas, que sueltas de las actos de sus particulares discursos, se unen con èl en luz sencilla de Fè, Para ser movidas de su Magestad, como instrumentas suyos: que quando las saca a actos particulares con alguna moción o iluminacion, las buelve luego a quietar en luz sencilla de su conocimiento. Donde la Fè nos representa sin estos velos, en conocimiento, aunque oscuro, mas cierto, la sustancia destos accidentes, y lo figurado destas figuras, aora sean de las perfecciones divinas, aora de la sagrada Humanidad de Christo nuestro Señor, de las quales memorias nos podemos aprovechar alli con mayor utilidad, que en la imaginacion, teniendo al mismo Serior como presente, y tan a la mano en la memoria intelectiva de las meditaciones passadas las especies y memorias habituales de los misterios de nuestra redempcion, que las nuede la voluntad hazer actuales quando quisiere, como matera del entendimiento, para moverse con ellas, o para representarlas a Dios por nuestras necessidades. Del qual modo de parovecharnos de estas memorias de Christo nuestro Señor avemos de tratar muy de proposito en otra parte, coma uno de los puntos. mas essenciales de nuestra contemplacion.

Lo tercero que avemos de notar en estas palabras, es aquello que dize, que estas perfecciones criadas qne la ilustracion divina nos manifiesta debaxo de señales y semejanças, las avemos de mirar con los ojos del entendimiento, immatorialibus et non trementibus; esto es, levantandonos luego de las representaciones materiales al conocimiento intelectual, mas arrimado a la luz de la Fè, que a nuestra razon (porque esta divina luz es la que conforta a nuestro entendimiento, para mirar las cosas divinas sin pestañear) y esto para restituirnos luego desta luz particular a la universal y sencilla de la Divinidad; como quien dexados los arroyos, buelve a coger el agua en la fuente de donde elles salen. En la declaracion de las quales palabras dize Alberto Magno desta manera: "La vista intelectual de aquellos que estan detenidos en los afectos terrenos y en las imagines sensibles, esta material, y assi se deslumbra con la claridad divina: pero apartandose de estes afectos y imagines sensibles, se haze esta vista inmaterial y clara para la especulacion intelectual, pero todavia pestañeando: porque con los principios de la razon mira aun como de lexos las cosas divinas: pero quando el entendimiento se abrasa de la luz de la Fè, entonces dexa de postañear en la contemllacion. Di pues: con ojos immaterialiabus, quanto al entendimiento, con los principios de la razon: y non trementibus, quanto a la confortacion del entendimiento con la luz de la Fè."

Todas estas son palabras deste doctissimo Maestro, y en que nos da muluz desta materia, y del sentimiento de San Dionisio, que despues del Apostol. S. Pablo su Maestro, es a quien avemos de dar mas credito en ella, como archivo en quien el deposito lo que acerca della avia aprendido en el tercer cielo. Y que nuestra razon, desnues del pecado, entienda defectuosamente, y como pestañeando las cosas intelectuales, aun las criadas, quanto mas las divinas, lo dize tambien Santo Tomas con palabras muy conformes a las de Alberto Magno su Maestro. Y dexando esta confortacion del entendimiento con la luz de la Fè en la contemplacian, para quanto tratemos del tercer movimiento del alma, que es su propio lugar, trataremos aora solamente de como avemos de mirar con ojos inmateriales del entendimiento estas luzes y noticias particulares, a cuya vista nos saca la iluminacion divina, como aquí dize San Dionisio, que esto toca al movimiento torcido, de que aora tratamos, y a la especulacion de las cosas divinas, para bolver a entrar con nuevas ganancias en la contemplacion de ellas.

Porque esta diferencia pone Santo Tomas entre la especulacion y la contemplacion; que especulacion significa aquel acto con que uno mira las cosas divinas en las cosas criadas, como en espejo, al modo que los Filosofos Gentiles las miravan con los principios de la razon: pero la contemplacion significa el acto principal con que uno contempla a Dios en si mismo; de que avemos de tratar particularmente en el tercero movimiento del alma.

CAPITULO XVI. Que se ha de desembaraçar presto el alma de las noticias particulares, aunque sean sobrenaturalmente comunicadas, para bolverse al acto de noticia universal.

Cumpliendo pues con lo que toca a este lugar, que es, como se ha de exercitar este movimiento torcido, quando nuestro Serior con alguna particular ilustracion saca al alma del acte universal a los particulares, representandole algunas noticias de sus misterios, por medio de algunas imagines y semejanças, representadas a modo sobrenatural (per que desta manera entiende Santo Tomas este lugar de San Dionisio) no se ha de embaraçar mucho con estas representaciones: sino sacando el fruto dellas, que es la luz que per este media quiso el Señor comunicarle, y la mocion de la voluntad, con los demas efectos que huvieren hecho en el alma, se entre con estas ganancias otra vez en el acto de contemplacion sencilla y universal, donde la luz y noticias particulares cobran nueva ilustracion y dignidad, como los actos inferiores en el superior. Y desembaracando el entendimiento de aquella corteza de las figuras representadas, aora sean accica de los misterios divinos de la Divinidad o Humanidad, aora de otras obras de Dios, goze la sustancia que debaxo de acuelle corteza le dieron; que tanto mas bien la lograra, quanto mas se desocupare de la representacion, para abragar lo representado: pues como aqui dize San Dionisio, no le representaron estas semejanças sobrenaturales, para que se quedasse en ellas, sino para que otra vez se bolviesse a entrar el entendimiento en el acto de contemplacion pures y sencilla; y para esto la misma iluminacion divina inclina al alma a recogimiento muy intimo: y los poco advertidos resisten a esto liamamiento interior y quieto, portiando en querer rebolver en la imaginacion la figura sobrenaturalmente representada, por un poco de sabor que hallan en aquello. A uno de los quales reprehendio nuestro Señor como refiere un Autor grave) diziendole: quando te dan una rama confruta, que hazes? Y respondiendole, que comia la fruta, y arrojava la rama, le«dixo el Señor: Pues otro tanto has de hazer en esta vision. Significandole, que aquella representacion, aunque sobrenatural, era como la rama que llevava la fruta de los efectos que avia de caular: en el alma, con los quales se avia de recoger en la parte intelectual y sencilla de la contemplation, sacudiendo de si la rama de la figura imaginaria.

Con este impedimiento he hallado mui embaraçadas a muchas almas, usando para su daño de lo que se avia dado para su provecho; porque (dexando el peligro de los engafos que por este camino puede hazer el demonio, que son muchos) se estavan ocurando de ordinario en alguna destas representaciones que avian tenido, sin pastar a otra cosa mas provechosa. Por lo qual nuestro Venerable Padre Frai Juan de la Cruz trabajo mucho en uno de sus escritos, por desnudar a las almas destas imagines sobrenaturalmente representadas, con que se impiden para caminar a unirse con el original en la contemplacion, por detenerse en la representacion del retrato. Porque como ponde o profundamente San Dionisio, el camino real y derecho para unirse el alma con Dios, es caminando por la pureza y sencillez intelectual a unirse en conocimiento de Fè, con el que es sobre todo entendimiento.

Por lo tratando desto mismo en otra parte este Santo, dize, oue Dios, aunque nor su inmensidad, oue todo lo llena, esta sobronuesto a todos, combidandolos a su comunicacion; a solo aquellos se comunica sin medios, que transcienden todo lo sensible e intelectual criado; y despidiendo de si todas las noticias particulares, aunque sean sobrenaturalmente comunicadas, como son ilustraciones divinas, sonidos y hablas celestiales, y entran en la escuridad mistica del conocimiento sencillo de Fè, adonde se halles al que es sobre todas las casas. Y en otra parte, refiriendo las comunicaciones sobrenaturales que le hazen en los organos corporale y potencias sensibles, y entre ellas la suavidad y otros efectos que en estas potenclas se recihen, con la sagrada comunion del Cuerpo de Iesus, dize, que de todas estas comunicaciones se ha de aprovechar el alma, para levantarse a la contemplacion intelectual y sencilla de Dios, y que para esso se las dan. La razon de esto da en el mismo capitulo, diziendo: Que como Dias sea unidad sencillissima, y esta nuestra perfection en assemejarnos a el, procura quanta es de su parte reduzirnos a esta misma unidad y sencillez, segun la disposicion de cada uno, para unirnos consigo. De manera, que para unirse el alma con Dios (según la doctrina deste Santo) no solo impiden al alma los conocimientos particulares adquiridos, si se quisiesse detener en ellos, mas tambien los que sobrenaturalmente se le comunicaron, si se quisiesse embaraçar con la representacion dellos, y no reduzirlos a la sencillez, y pureza intelectual, por donde ha de caminar a la divins union.

CAPITULO XVII.Como se han de exercitar en la oracion los actos particulares a modo intelectual, para que sean mas provechosos.

De todo lo qual queda entendido, qual es el movimiento torcido del alma, que es quando Dios la mueve con alguna particular ilustracion a actos de la razon: porque quando la recoge a lo intelectual y sencillo (que es la motion ordinaria de Dios) no es entonces acto torcido, sino circular, como dize San Dionisio, y lo avemos de declarar adelante. Pero porque no solo quando Dios mueve al alma a actes particulares, sino tambien quando ella se mueve a si misma, ha menester algunas vezes (aun estando en la contemplacion) exercitarle en ellos, seran assimismo efectos deste movimiento torcido. Para lo qual se ha de saber, que, para que el entendimiento practico se exercite en actes particulares, ha menester alguna razon o noticia particular, per medio de la qual la noticia universal que esta en el entendimiento, se aplique al acte particular. Y assi todas las vezes que el alma esta levantada a contemplacion intelectual sencilla, y quiere exercitarse, en actos particulares, para esforzar mas la misma contemplacion, y renovar el fuego del amor, ha de ser por medio de alguna memoria o noticia particular: como de las perfecciones divinas, y de los misterios de la vida y Passion de Christo nuestro Serior, donde estas perfecciones mas altamente se nos descubrieron.

Pero para que estos actos y memorias particulares nos ayuden, y no nos impidan otra utilidad mayor, es necessario que se guarden en ellos las circunstancias, que para exercitar estos actos quedan referidas de San Dionisio; como que estos actos se hagan quando el alma sintiere que la influencia divina la alienta para hazerlos, o que por estar tibia en la oracion ha menester cevar al fuego con estas noticias, y que no sea para quedarse en ellas, sino para restituirse otra vez al acto universal de contemplacion sencilla, donde se han de lograr y mejorar estas nuevas ganacias, como ya tocamos. Assimismo, que estas memorias se exercitan, come dize el mismo Santo, immaterialibus, et non trementibus mentis oculis, esto es, por especulacion de imagines intectuales, y conceptos sueltos de las figuras sensibles, y las demas calidados materiales; come a este proposito lo ensefia mui en particular el doctissimo Iuan Gerson; y procurando sacar mas estos conceptos de la luz de la Fè, que de los principios de la razon, como queda advertido de la declaracion que Alberto Magno haze destas Palabras de San Dionisio; para que siendo la especulacion intelectual, sean espirituales, y no sensibles los efectos que della se sacaren. Porque qual fuere la aprehension, tal fera el afecto que della saliere: porque cada potencia aprehensiva influye en la potencia afectiva de su genero; y a nuestro proposito lo pondero Santo Tomas con estas notables palabras. "El afecto es de dos maneras: Uno animal o sensible, que se junta a la imaginacion, y os comun al hombre y a los brutes, y de aqui viene el amer sensible. Otro es el afecto racional o espiritual, que se junta al entendimiento, el qual es comun al Angel y al hombre; y de aqui viene el amor intelectual." Todas estas son palabras de Santo Tomas. Y aplicando Iuan Gerson esta doctrina universai a nuestro proposito, dize, que de la meditacion imaginaria se signe en el apetito sensitivo un afecto piadoso y humilde, que se llama, devocion o compuncion: pero de la consideracion intelectual se sigue en el apetito intelectivo, amor o jubilo.

Pues como en el apetito sensitivo no se rueda exercitar acto de amor que pertenezca à la caridad, porque su objeto no puede ser Dios, Segun a este proposito lo declaro el mismo Santo, necessario es para que este amor de caridad, en que consiste nuestra perfeccion, se exercite y aumente, que nuestra aprehension se aplique, no a lo imaginario, sino a lo intelectual, y sirva al amor y mocion del apetito intelectivo, que es el fugeto propio de la caridad. For lo qual dixo el mismo santo, que la disposicion para recibir los aumentos de la caridad, era la conversion y aplicacion de la vista del alma a Dios, segun las potencias esrirituales, por las quales es imagen divina. Y por este San Gregorio Nazianzeno, que tambien lo sabia per experiencia, describiendo las calidades de la perfecta oracion, esta pone por la principal: que el entendimiento contemple a Dios siempre, por medio de especies puras, y no mezcladas con las formas sensibles, para que sea un espejo puro y limpio de Dios y de las cosas divinas, y cada dia so vaya rutificando y subtilizando mas. Y porque desta especulacion intelectual avemos de tratar en el movimiento tercero del alma, aunque es mas propia de este segundo, passamos aora tan de corrida por ella, para que de alli tome cada uno lo que della huviere menester.

CAPITULO XVIII. Del movimiento del alma tercero, en que se exercita la contemplacion perfecta.

Al tercero movimiento del alma con que camina a conocor a Dies, y a unirse con el, llama San Dionisio, movimiento circular, que es figura perfectissima, que no tiene principio ni fin; Y assi es perfecta tambien la contemplacion que en este movimiento del alma se exercita: conviene a saber, quando el alma, apartandose de todas las cosas criadas, por donde solia mendigar las noticias de Dios, dexa los arroyuelos turbios, que tan limitada y escasamente le pueden dar noticia cierta de su incomparable Magestad y grandeza, por no tener proporcion ninguna excelencia de criatura con la excelencia del Criador: y Ilega a coger el agua pura y limpia en su propia fuente. Porque la essencia de Dios excede en infinito, no solo a todas las perfecciones visibles, mas tambien a todas las intelectuales criadas; y assi no puede por ninguna dellas formar semejança el entendimiento humano en esta vida, que le levante al conocimiento propio y perfecto de Dios. Por lo qual, cessando ya del largo trabajo con que en la meditacion y especulacion avia buscado el conocimiento de Dios, sin hallarle apartado de sombras y figuras peregrinas, y impropias desta perfeccion infinita, se busca con la luz purissima y sencillissima de la Fè, donde el mismo Señor, que solo se conoce y comprehende, nos dio noticia de si mismo: y rendido ya el entendimiento en su inquisicion porfiada, a la Magestad que en el destierro no puede cenocer, abate las alas de su buelo a los pies desta grandeza, y encendiendo la vela con que en esta vida ha de buscar la dragma perdida, si quiere hallarla, contempla y adora à Dios en su incomprehensibilidad, y infinidad inaccessible, sin cansarle y a en hazer varies discursos, ni impropias comparaciones entre cosas tan desproporcionada distantes, como es el Criador, y sus criaturas, que no tiene comun nada con ellas.

Porque como dite Santo Tomas, declarando este movimiento circular del alma, para exercitarle nuestro entendimiento, es necessario dexar dos imperfecciones que tiene en el modo de conocer las cosas en esta vida. La primera es, los actos de la imaginacion on la representacion de las cosas visibles: La segunda es, el discurso de la razon; y esto se haze quando todas las operaclones del alma se reduzen a la contemplacion sencilla de la primera verdad, que es Dios. Y entrambas cosas significo San Diolisio en dezir, que el movimiento circular del alma era una entrada y recogimiento de las cosas exteriores azia si misma; para que unida primero entre si, y hecha uniforme, sea Ilevada como de la mano a aquel Uno, que es sin principio y sin fin. Desta manera declara Santo Tomas este lugar de San Dionisio; y añade, que en este movimiento y contemplacion alcança tan gran dignidad el varon contemplative, que en cierta manera se desnuda de la condicion de hombre, y se viste de la calidad de Angel, recibiendo la luz y el conocimiento, no de las cosas por discorso, sino siendo iluminado de la luz primaria y sencilla, que es Dios.

La excelencia de la contemplación que se exercita en esta movimiento circular del alma, signifiro profundamente San Dionisio, quando aviendo tratado del conocimiento afirmativo, por donde subimos a Dios por el conocimiento de las criaturas, de que tratamos en el movimiento derecha; y del conocimiento negativo, de que tratamos en el movimiento torcido; añade la declaración deste conocimiento y contemplacion circular por estas palabras. "Pero demas desto ay otro conocimiento divinissino, conocido por ignorancia, segun la union sobre la mente, quando el entendimiento apartandole de las demas cosas, y dospues dexando a si mismo, se une a los sobreresplandecientes rayas de la Divinidad, y alli es iluminado de la profundidad de la Sabiduria divina." Todas estas son palabras de San Dionisio.

Y en dezir, que para la perfecta contemplacion, no solo se ha de apartar el entendimiento de todas las cosas, mas tambien ha de dexar si mismo, significo, que ha de caminar derecho a Dios,

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[…]

[Libro secundo]

[…]

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Libro tercero de la subida del alma a Dios

CAPITULO PRIMERO Como purifica Dios a las almas contemplativas, unas vezes a lo suave, y otras a lo penoso, y quan util es la purgacion penosa.

Todo lo que hasta aqui avemos dicho del modo de caminar a Dios las almas contemplativas, y de exercitar sus actos, ha jugar quando el alma se halla alentada, o por lo menos no muy notablemente seca y desabrida en la oraclon.

Pero porque en este camino de vida contemplativa ay tiempos de bonança, y tambien tiempos de tormenta, y en estos como mas apretados se halla el alma como destituida de todos los socorros interiores que solian llevarla a Dios, assi quanto al conocimiento como quanto al afecto: ha menester mas el baculo de la guia exterior, para no caer en desfallecimionto y desconfiança, no dexar los exercicios de la oracion, quando Dios mas la dispona para la perfeccion della, y de toda la vida contemplativa. Diremos tambien algo brevemente de la sustancia dellas sequedades, y de como se ha de aver en ellas, aunque es materia algo larga, y poco exercitada, y el passo en que mas almas han atollado por su dificultad, si en este trabejo no tienen quien las aliente.

Para declaracion desto, se ha de advertir primero lo que dize San Buenaventura, que assi como en lo material de dos maneras se purifica una cosa, o con fuego, o con agua; assi tambien en lo espiritual dos modos tiene Dios de purgar a las almas contemplativas, para introducir en ellas su semejança y amor, con que se han do unir con el como con su principio, para participer de un mismo espiritu: en lo qual consiste la perfeccion do la criatura racional, como dize Santo Tomas. La primera purgacion es de fuego, en la qual se purifica el alma con todas las comunicaciones divinas que recibe a modo iluminativo y sabroso, que son influencias con que el Espiritu divino enciende el fuego de su amor en las almas que le buscan en la oracion, y en este crisol desde el principio deste exercicio las va purificando: pero quando este divino fuego mas estrechamente las cauteriza y acrisola, es en el grado de amor inflamado, que S. Tomas llama amor hambriento, y impatiente, en la admirable declaracion que haze del; y comunmente le llaman ansias de amor, y suceden quando esta ya el alma purificada con trabajos, y vacia de sus apetitos desordenados, y ha començado ya a gustar, por conocimiento y afecto a lo sobrenatural, del manjar de los Bienaventurados, y con el olor y sabor del pena por unirso con el, donde se le ha de comunicar mas en abundancia en el destierro, y con hartura en la patria.

La segunda manera de purificacien, y la que aora haze a nuestro proposito, es de agua, conviene a saber, de aflicciones y trabajos, assi exteriores como interiores: y destos interiores, como mas propios de los contemplativos, trataremos brevemente. Para lo qual se ha de saber con la doctrina de San Dionisio, que assi en los Angeles como en los hombres guarda la divina Sabiduria este orden, que a la purgacion se sigue la iluminacion, y a la iluminacion la perfeccion; y consiguientemente a la mayor purgacion mayor iluminación; y a la major iluminacion mayor perfection: y por estos grados (que San Dionisio llama especiales ordenaciones anagógicas: y Hugo declarando este lugar las llama ascensiones o subidas) va levantando Dios a las almas, purificandolas tanto mas estrechamente, quanto mas copiosamente huvieren de ser iluminadas, y mas al altamente perficionadas.

Y assi quando Dios quiere aventajar mucho a un alma contemplativa, la mete primero en la legia de los trabajos, y despues en el crisol del amor inflamado, tanto mas estrechamente, quanto ha de ser mayor la perfeccion a que quiere levantarla: y por esto los Maestros de la Teologia mistica hablaron con gran estimation de estas purgaciones, particularmente desta de trabajos, y la engrandecen con nombres muy significativos do los admirables efectos que en el alma haze. San Buenaventura la llama Lima esriritual por estas palabras: "La quinta razon de faltar la devocion a los contemplativos, puede ser de merecimiento de mayor gracia y gloria, quando el deseo no cumplido purga al anima, y la paciencia del desamparo, y la humilde tolerancia de la tristeza, como lima haze al alma mas clara y mas dispuesta para recibir el resplandor divino, y mas capaz de gracia y gloria. Porque la luz de la presencia de Dios, y el resplandor de su claridad liberalmente resplandece sobre todos; y el que esta mas puro y mas libre del vicio que escurece, mas capaz es de la luz y iluminacion que de arriba se influye: assi como un vidrio claro, o un metal bien limado y lifo, mas bien recibe los rayos de la luz, y mas resplandece con ellos.

Pues como la afliccion es lima del alma, que rae della el orin de los vicios, para que limpio el pecado, que con su escuridad, como impedimiento de la luz, avia excluido del alma los rayes y resplandor de la luz divina, recupere en elle la luz de gracia; suele Dios algunas vezes purgar los coraçones de sus devotos, quitandoles las consolaciones sabrosas de su comunicacion, el carecer de las quales es para ellos grandissima afliccion. Y haze este con ellos, para que desta manora purgados, se hagan mas aptos para recibir on esta vida mas abundante gracia, y en la venidera mayor gloria, aunque enta afliccion no aya procedido de particulares culpas." Todas estas son palabras deste Santo, experimentadissimo en estas materias misticas.

Desta misma purgacion trata luan Gerson, Maestro tambien muy docto y experimentado en estas materias ;entre otros renombres que le da, la llama Espiritual antiparistasis, que fortifica la virtud contraria: muela donde se afila y limpia el hierro; assensio amargo con que se destetan nIños en el camino espiritual de los pechos de los consuelos sensibles: martillo que ensancha y estiende los metales: lima que los pule, limpia, y clarifica: crisol donde se purifica el oro: y vara con que herida el alma se levanta del amargor a la suavidad, y del peso de la tribulacion a la ligereza do la contemplacion. Porque no hallando la paloma racional donde descansen los pies de su deseo, inundada tode con aguas de amargura, recogese al arca de la contemplacion: y la misma arca, crociendo las aguas de las tribulaciones, mas se levanta a lo superior de la casa del espiritu.

Desta manera nos describe este Autor la purgacion espiritual penosa, y como la toma Dios por medio para purificar y subtilizar mas al alma, para levantarla a grados mas altos de contemplacion y iluminacion. Con esta misma estimacion hablaron della otros Autores misticos muy experimentados, y quien mas en particular trato de la sustancia della y de sus efectos, fue nuestro Venerable Padre Frai Juan de la Cruz en un tratado que della hizo, en el qual la divide en dos partes: una de la parte sensible con que dispone Dios al alma para sacarla de la oracion sensible a la intelectual, y de la meditacion a la contemplacion: y otra con que purifica Dios la parte espiritual del alma, para disponerla para la union divina. Lo quel es conforme a la doctrina de San Dionisio, que unas vezes trata de la purgación de aquellos que han de ser iluminados, y otras vezes de como han de ser purgados, para ser perficionados los que estavan ya en iluminacion. La primera purgacion es para quitar los impedimentos a la luz divina, para que entre a iluminar el alma: y estos dize que han de caminar al habito de contemplacion con el entendimiento puro y sencillo, disponiendose desta manera para ser llenos de la luz divina con que han de ser iluminados, sin el impedimento de las figuras y representaciones sensibles de la meditacion y especulacion. Pero a los de la segunda purificacion dize, que han de ser purgados de toda confusion y disimilitud, como disposicion para mas alta forma, de manera que del todo sean puros, y reducidos a aquel uno en quien han de ser perficionados.

CAPITULO II. De la sustancia desta purgacion, quanto a la Parte sensible del alma.

La sustancia desta purgacion es un influencia divina que enviste al alma, no a modo iluminadivo y sabroso, como en la purgacion de fuego, sino a modo purgativo y ponoso con que Dios va purificando y limpiando al alma de todo lo que haze desemejante a el, particularmente on la parte sensible del desorden de las passiones y apetitos; y en la parte intelectiva, de las calidades bastardas, y habitos adquiridos que nacieron en ella de la comunicacion de los sentidos. A esta influencia llama S. Dionisio (segun la declaracion de Hugo de Santo Victor) purificativa en la primera purgacion, porque dispone y purifica al alma para ser iluminada; y en la segunda la llama perfectiva en un sacrificio divinissimo, porque perficiona al alma para unirla y consagrarla toda a Dios. En la primera purgacion entran muchos, porquo en ella son llamados a la contemplacion; pero en la segunda entran pocos, como declara sobre este lugar de San Dionisio Alberto Magno: porque no a todos dispone Dios para tan gran alteza de semejança divina como pide la union con Dios, para que esta puriticacion dispone.

Esta influencia enviste primero al alma per la parte sensible, y camina azia la intelectual, como las demas calidades y perfecciones del alma, quo caminan de lo imperfecto a lo perfecto. En la primera purgacion, juntamente con los efectos de la influencia divina (que son escuridad en la aprehension imaginaria, y sequedad en el apetito sensitiva; porque enjuga y esteriliza estos manantiales y arcaduzes sensibles, para destetar al alma dellos, y hazerla que busque su sustento en los arcaduzes espirituales) ay tambien otros trabajos y combates de parte de otros contrarios, como tentaciones sensuales, impaciencias, escrupulos, tentaciones de Fè, representaciones de blasfemias, y otras baterias semejantes, como guerra y movimiento de calidades contrarias, quando se ha de introducir una forma, y expeler otra. Y a este proposito declara San Augustin aquellas palabras que Christo nuestro Señor dixo a San Pablo? La virtud se perficiona en la flaqueza. Por lo qual llama Tuan Gerson, como ya vimos, a la afliccion deste purgacione Antiparistasis, que fortifica la virtud contraria, corso nuestro proposito le declaro Santo Tomas diziendo: que las passiones y tentaciones ocasionalmente eran provechosas y meritorias, porque despiertan la voluntad a la resistencia con lo contrario. Y pone exemplo en la tentacion contra la castidad, que apretado con ella el hombre casto, aplica la voluntad con mayor eficacia a la resistencia; y con este crece mas el habito de la misma virtud que esta en el alma. Y por esto dize San Agustin, que aunque el Apostol pedia a Dios que le quitasse esta querra que el demonio le hazia, no se la quitava, porque le era provechosa. Ruega (dize el Santo) el doliente al Medico, que le quite el emplastra que le fatigava, pero el Medico, que sabia que con esto le curava, no quiere quitarsele, hasta que del todo que de sana; conviene a saber, hasta que quede tan enflaquecida la raiz de la passion, y tan fortificada la virtud contraria, que ya la passion no le incline contra la razon; y esto no ya por discorso de la misma razon, sino por una connaturalidad a la misma castidad, por el habito que della tiene en el alla, como dize Santo Tomas a este proposito.

CAPITULO III. Desta misma purgacion, quanto a la parte intelectual, y de diversas aflicciones que causa en el alla, con que la van purificando.

Pero en la segunda purgacion, que es de la parte intelectual, suelen cessar estas tentaciones y baterias, por hazerse la guerra muy de otra maneral; conviene a saber, no por transmutacion de un contrario on otro, como en la parte sensible, sino por sola influencia del Agente divino, como declara el mismo Santo. Pero no por esso es menor el aprieto y la afliccion del alma, si no tante mayor, quanto los doloros y trabajos interiores son mayores que los exteriores, assi de parte del apetito, a quien mas derechamente repugna el dolor interior, como tambien do parte de la aprehension de la razon, que es mas alta que la del sentido.

Porque demas de la securidad del entendimiento, y sequedad de la voluntad, que esta purgacion es mucho mayor que en la passada, ay un desabrimiento y afliccion intensissima del alma, tanto mayor, quanto la influencia divina la embiste con mayor eficacia, para purgarla con mayor brevedad. El qual desabrimiento viene del efecto de la misma influencia; que como va quitando las calidades impuras, y habitos imperfectos adquiridos, que en la parte intelectiva se avian engendrado de la comunicacion de los sentidos, para introducir y arraigar en ella el habito de la caridad, y los damas infusos, a que estos son contrarios, como ya tocamos, y el expeler una forma para introducir otra, cause passion; al arrancar estes habitos, que estavan abraçados con la misma sustancia del alma, siente grandissimo dolor, como si le quitaran algo de la misma sustancia della.

Combaten assimismo al alma unas aprehensiones penossissimas, que las comparan los Autores a las de los condenados: porque como la luz, quo esta influencia le comunica, le descubre tan claranente sus defectos, para profundarla en la humildad y propio conocimiento, con que pueda recibir seguramente las mercedes que despues le ha de hazer, y el alma se ve tan miserable, parecele que no os possible que Dios se agrade de cosa tan mata, y que assi debe de estar en su desgracia: y tanto mas la aflige esto, quanto mas ama a Dios. Y aunque el Confessor mas la assegure que va bien, y que toda aquella afliccion en su provecho, y en llegarla mas a Dios, y que no esta en su desgracia; y que antes, cono dize San Agustin, no pone Dios en este crisol sino a los que le han servido mucho, y cuyos servicios el ha aceptado, no le da credito, pareciendole, o que ella no ha sabido darle quenta de su alma, o que el no la entiende, porque experimenta en si lo contrario de lo que el le dize: porque estas aprehensiones tan penosas se le comunican, como declara Santo Tomas, por media de la razon aprehensiva, sobre la irascible motiva; y assi no puede dexar de persuadirse a lo que tan penosamente aprehende, hasta que la influencia divina se le comunique a modo mas confortativo y confiado. Y hasta entonces no esta para mas, que dezir con el Profeta: Convertido estoi en mi miseria, mientras se fixa la espina; porque de dia y de noche se hizo tu mano pesada sobre mi: y quevarse con el Santo Iob, que estan dentro della las saetas del Señor; porque estas aprehensiones penosas son como espinas, que estan siempre pungando y atormentando al coraçon, y atravesandosele como con saetas.

Demas destas penas, otra padece tambien el alma en esta purgacion de la parte espiritual, quo mucho la afligo: la qual es una como ligacion y atamiento de las potencias, con que parece que esta inpedidas para las operaciones que le son connaturales; que por esso es tan penoso no hazer uno su voluntad, porque le privan desta operacion, y del señorio natural que tiene en su acciones. La qual es una pena muy semejante a la que padecen las almas de Purgatorio: porque assi como el fuego del Purgatorio, dize Santo Tomas, que tiene virtud y eficacia sobrenatural para detener y ligar las almas, y impedirlas de sus proprias operaciones, y de los bienes que por mediodellas les eran connaturales; la qual es una pena grandissima para el alma, y con ella es alli purgada: assi, tambien esta influencia divine purgativa tiene eficacia para ligar en cierta manera las operaciones naturales del alma; de tal suerte, que le parece tiene como las potencias para exercitar sus actos con la libertad que solia, assi quanto al conociniento, corso quanto al afecto: le qual experimentan bien los que estan en esta purgacion.

La razon desto nos dà Santo Tomas diziendo, que el que mueve, procura quanto puede reducir al movido, de la potencia al acto de su semejança, y de lo imperfecto a lo perfecto; y como le potencia racional es desemejante al Artifice divino, que en esse obra en la aptitud que tiene para la multiplicidad, procurala redicir a unidad, y quitarle quanto es possible esta desemejança de confusion y multiplicidad, que tiene en potencia, y ponerla en acto de unidad. Por lo qual, tratando San Dionisio de esta segunda purgacion, dize, que los que han de ser desta manera purgados, para quedar del todo puros y perfectos, que los han de desnudar de toda confusion de desemejança. Y declarando Santo Tomas y Alberto Magno, que desemejança esta, dizen, que es la difusion, y vagueacion de la potencia intelectual a muchas cosas, por la qual es desemejante a aquel que en unidad.

Pues como esta divina influencia impide esta difusion y esparciniento a que el entendiniento estava acostumbrado; como quien le desnuda de una forma imperfecta para vestirle de otra perfecta, de la qual no puede ser vestido, hasta que en alguna mar era se aparta de la suya (como a este proposito declara Santo Tomas) no es mucho que le sea penoso apartarse de su forma connatural, mientras no siente la mejoria de la sobrenatural, y la suavidad de sus efectos; porque antes de unirse con alla, padece en si division.

CAPITULO IV. De alguna señales desta purgacion, y como no es de una manera en todos los que son purgados.

Esta pues es la sustancia desta purgacion passive, y para saber quando las sequedades del alma en la oracion proceden desto, dan algunas señales los Autores; como que aunque el alma halla poco gusto en las cosas de Dios (Porque la tienen puesta en dicta) tampoco le halla en las criaturas, antes comunmente suele aver desengaño y desgana dellas, aunque algunan vezes va y viene la imagination a diferentes objetos; Y si son deleitables, la mueven, pero sin asmimiento a ellos. Assimismo, que entre sus sequedades y desganas anda con solicitud y acuerdo de Dios, y con rezelo y pena, que no le agrada: lo qual es muy conocida señal, que no procede esta sequedad y desgana de culpas, ni de floxedad, porque quando es desto, ninguna solicitud trae el alma de Dios para recibir esta pena. La qual pena, en esta purgation, es el amor rezeloso que la acompania, como el amor tierno y confiado acompaña a las influenclas, que se comunican al alma a modo iluminativo y sabroso.

Esta rurgacion no es de une manera en todos los que entran en ella, sino mas o menos rigurosa, segun fuere mayor o tienor el grado do perfeccion a que Dios quiero levantar al alma, o lo que ay quo purgar on ella, y la brevedad con que quiere purgada, y la Fortaleza de la misma alma, para sufrir estos cauterios. En unas es la pena continuada, y assi se acaba la purgacion mas preste: en otras, porque no estan tan fuertes, cessa a tiempos, y entonces las fortifica con nuevas comunicaciones sabrosas; y quando piensan que los trabajos son acabados, buelven con mayor aprieto: porque quanto mas azia lo interior de la essencia del alma llega el fuego purgativo, tanto mas apretada es la purgacion; y por breve que sea, dura años, si el alma ha de llegar a grado de union, o a alguna gran perfeccion. Aunque algunas vezes permite Dios tentaciones y sequedades a los que no han de llegar a la divina union, para humillarlos, y preservarlos de muchos vicios espirituales, que ne suelen engendrar en el alma inperfecta con los consuelos de la oracion. Y por esto como Iuan Gerson pondera, assi como la conmocion y alteracion de los vientos purifican las aguas del mar material, para que no se crien en el impurezas: assi estas sequedades y trabajos purgan y preservan el mar espiritual de los vicios y imperfecclones que de la quietud suave de la contemplacion suelen criarse en el.

CAPITULO V. Como se ha de aver el contemplativo en esta purgacion, para sacar provecho de ella, sin fatiga del alma.

En este tiempo se ha de aver el alma con longanimidad y patiencia, no afligiendose, ni congojandose ni procurando en la oracion sacar jugos como a fuerza de braços: porque aunque se haga pedaços, no podra entences sacar sabor ni consolacion per su diligencia, particularmente si es en Ia segunda purgacion; porque en esta tiene la influencia divina puesta al alma en dicta, assi quanto a las potencias sensibles, como quanto a las espirituales; porque el ligamento dellas (de que ya hizimos mencion) es parte desta purgacion, y con que se va assenejando mas al Agente divine, y disponiendose para la union con el.

Pero en la primera purgacion (como es para esterilizar y enjugar las potencias sensibles, para que no hallando la palomita del espiritu racional, como dixo Iuan Gerson, donde poner los pies, ni descansar en las potencias materiales, entre en el arca de la contemplacion intelectual, donde ha de hallar su descanso) suele hallar algun consuelo en las potencias espirituales, si le sabe buscar.

Porque como esta el alma acostumbrada a caminar por su pie, en operacion activa de discurso de la razon, y fervor sensible del apetito sensitivo; y todo esto le quitan entonces, para que camine (como dize San Dionisio, muy ponderado por Santo Tomas a este proposito) por la pureza y sencillez intelectual, a unirse con Dios en conocimiento de Fè, como disposicion unica para la segunda union, por medio de la caridad: y a este nodo sencillo ella no se acomoda, acostumbrada a su exercicio naterial que entoncen le falta: no busca el consuelo de la oracion en la quietud del alma, donde le avia de hallar: y pretendiendo sacar jugo con su operacion, se inquieta, porque queda frustrada su diligencia, y con esto crece su afliccion.

Tenga pues advertencia, que quando el alma, sin tener gana de pensar en nada, ni de hazer acto ninguno de su operacion activa, se huelga de estar quieta y sossegada, assi quanto al conocimiento, como quanto al afecto, que entonces la lleman a contemplacion intelectual sencilla; y pongase en ella tambien quieta y sencillamente, como quien advierte, assi a lo sencillo, sin otra consideracion, de que esta dolente de aquella grandeza incomprehensible de Dios: y la voluntad, aunque no pueda exercitar actos de amor, este con deseo de amarle, que con esto estara excelentemente ocupada en Dios, con las principales dos potencias del alma, entendimiento, y voluntad, como lo ponderaron muy a nuestro proposito los mismos Santos.

Yaunque no sienta aquel jugo sensible y material que solia, sentir en la oracion con transmutacion corporal, y assi muy palpable, ni ella perciba el de la voluntad, que como no se exercita con esta transmutacion, sino con un movimiento sencillo de la misma voluntad, a que el alma entonces esta poco acostumbrada: con todo esso sentira el consuelo que el alma tiene en aquella quietud, si ella sabe quietarse. Y quando ni aun este consuelo sienta en la quietud (como le sucedera en la segunda purgación quando esta en le riguroso de ella) no par esso se aflija, sino vaya a la oracion, como quien va a estarse alli a sus anchuras, atendiendo solo que esta delante Dios, como un pobrecito delante de quien le ha de remediar su necessidad; y considere, que de si no puede nada, ni ella puede pretender mas que hazer la voluntad de Dies; y pues essa se haze, saque consuelo de esto y resignese toda en el, para que haga en ella cumplidamente su voluntad.

Y por penosas y contrarias que se le ofrezcan entonces las aprehensiones, no desmaye, sino considerese como enferma, y no les de credito, ni ahonde entonces en su proprio conocimiento, como no necessario: porque le dan infusamente harta luz de sus faltas: antes se arrime quanto pudiore a la confiança en Dios, y a su bondad, y al amor que nos tiene; y de ninguna manera se dexe inclinar a desconfiança, y caimiento de coraçon, que es tiempo muy a proposito para esto, y le puede hazer mucho daño: si no vistase de longanimidad, que despues de la escuridad de la noche bolvera a nacer el Sol, y a alegrar la tierra.

CAPITULO VI. Como ha de resistir el alma en este tiempo a las baterias del demonio, sin daño de la salud.

Para los quo estan en la primera purgacion, combatidos de varias tentaciones, se ha de advertir, que porque las representaciones dallas sean tan porfiadas que no las puede apartar de la imaginacion, no por esso se aflijan, ni hagan tanta fuerza para desecharlas, que dañen a la cabeça. Porque como advierte a los deste estado Juan Gerson, toda virtud que usa de los organos corporales, causa fatiga, y algunas vezes destruccion de los mismos organos, si la operacion es vehelente, y muy continua.

Para nayor conocimiento desto se ha de advertir, que muchas vezes haze nuestro Señor a los demonios ministros de nuestras coronas, contra su intencion, que siempre es de hazernos mal. Y para esto les permito que nos combatan, y su Magestad da a los combatidos tanto mayores auxilios, quanto las tentaciones son mas apretadas; y con esto en la flaqueza se perficiona la virtud, y por antiparistesis espiritual crecen y se fortifican mas los habitos de las virtudes, en que son combatidos, como ya declarames. Pues algunas vezes non en los contemplativos tan vehementes y continuas estas baterias del demonio, que no solo se le representan los objetos viciosos al modo comun de nuestros pensamientos y representaciones imaginarias, que llaman sugestion, sino tambien se les représenta el demonio algunas vezes a modo de vision, sobrenaturalmente representada, de manera que parece que se ven con los ojos corporales : y assi las unas como las otras se representan con tante viveza y asimiento, que por mucho que los assi tentados quieran apartar estas cosas de la imaginacion, no pueden; porque como el demonio tiene mucha mano en la imaginacion del hombre, si Dios no se la limita, y es enemigo infatigable; por mas que procuremos sacudirle de nosotros, no podremos, si Dios no le ata las manos.

Por lo qual, si quisiessemos hazer mucha fuerza en la imaginacion, para desechar estas representaciones tan porfiadas para que entonces le dan licencia, aprovechariamos poco, y podrianos dañar mucho a la cabeça. Y assi entonces la mayor resistencla que puede hazer es pedir a Dios con humilidad, que ate las manos a este enemigo, y ella por su parte procure, como aconseja Juan Gerson, desasirse de la imaginacion; y passando de corrida por entre este ponçonoso enjambre de enemigos, entrarse en el conocimiento intelectual sencillo, como paloma mistica en el arca de su seguridad, y lugar sagrado, donde el demonio no puede entrer, sino es conbidando con sus representaciones inaginarias, desde asueta. Y si con la fuerza dellas bolviere a baxar el entendimiento a le sensible, buelvase luego a acoger al lugar sagrado de la contemplacion sencilla, y a la vista de Dios, delante de quien alli se presenta para que le defienda: y como desta manera ordena a Dios el entendimiento, ardene tan bien a el la voluntad, ya que tampoco con ella puede evitar la bateria.

Para lo qual se ha de advertir, que aunque la voluntad tiene muchos actos, dos hazen a nuestro proposito: el primero es el que se ordena derechamente a resistir la bateria de los enemigos, y atajar la guerra; y este, quando los assaltos della son tan porfiados, hara con dificultad entonces su efecto: porque aviendose de valer para esto de las fuerzas sensibles, la imaginacion esta muy asida a los objetos materiales que alli le ofrecen, y el apetito sensitivo se abalança a ellos tan impetuosamente, que con mucha dificultad le podran apartar por entonces dellos. De donde viene, que como se aplica la resistencia a estos medios sensibles, y ellos estan no solamente flacos, mas tambien inclinados a los objetos viciosos, les parece a los de esta manera combatidos, que consienten en las tentaciones, aunque la voluntad (que on el apetito intelectivo) las este resistiendo: y de aqui nace tanto mayor afliccion a los assi tentados, quanto mas desean no ofender a Dios.

Por lo qual conviene que se valgan, en este tiempo principalmente, del otro acto de la voluntad, que mira al fin, que es Dios, aplicando la intencion a no puerer admitir de ninguna manera, entre todas aquellas feas representaciones, cosa que desagrada a los ojos de Dios; y aunque paderezca una como violencia en impurezas, este siempre firme este baculo de la intencion pura, quo como este no flaquee, aunque nas baterias aya, la misma verdad dixo, que toda el alma estaria pura y iluminosa: porque la intencion es aquel ojo sencillo que haze toda la alma resplandeciente, como declaran San Agustin, y Santo Tomas con otros Santos. Y con solo esto podran resistir al demonio sin fatiga; que mientras la intencion no le die e entrada, aunque en lo sensible sea fuerte la guerra, no quedara el alma manchada, pues entre las flaquecas de la carne esta fuerte del espiritu. Con esto damos remate a la declaracion de los tres movimientos con que el alma camina a conocer y amar a Dios en la contemplacion: en los quales se encierran todos los demas movimientos del alma, que Ricardo y otros Autores ponen, como en particular lo va Santo Tomas verificando.

CAPITULO VII. Que para ser perfecta la vida contemplativa, se ha do mezclar con la activa, que toca a nuestra propria reformacion.

Pero para que nuestra contemplacion sea provechosa y bien ordenada, conviene que mezclamos con ella la vida activa que toca a nuestra propria reformacion. Para lo qual se ha de advertir, con la doctrina de Santo Tomas, que la vida humana bien ordenada, consiste en la operacion del entendiniento, y de la razon. Para esta avemos de considerar en la parte intelectiva dos oreraciones; una en si misma, y otra segun que rige las fuerzas interiores y assi sera de dos maneras la vida hunana: una que consiste en la operacion del entendiriento en si mismo, y esta se dize vida contemplativa, y otra que consiste en la operacion del entendimiento y de la razon, segun que ordena y riga las fuerzas inferiores, y esta se llama vida activa.

Porque lo principal de la vida activa consiste en la refornacion de nosotros mismos, y despues en la reformacion y utilidad de otros; y de la prrimera tratamos aqui, que es la que ha de andar con la vida contemplativa: porque para contemplar a Dios, aun en esta vida, no solo es necessario que este el entendimiento puro de formas y figuras, aunque sean espirituales, como dize Santo Tomas, sine tambien de los

alhagos y desordenes de las pasiones, en cuya moderacion se ezercita la vida activa con los actos de la razon. Y mientras el alma no esta perfecta en esta parte de vida activa, no puede llegar a la perfeccion de la vida contemplativa, por la dificultad que el hombre padece en los actos de las virtudes morales, que ordenan la parte inferior para que no inpida el buelo de la contemplacion.

Por lo qual dize el mismo Santo, que mientras esta vida activa no esta perfecta en la mortificacion de las passiones y apetitos desordenados, y promptas las virtudes morales para el exercicio de sus actos, no tiene la contemplacion mas que conençada, aunque tenga ya habito della, quanto al entendimiento. Y por esto conviene, que con toda solicitud procure el contemplativo la reformacion de aquellas cosas, que echa de ver que mas le impiden la pureza y facilidad de la contemplacion; en lo qual se exercita la vida activa dentro de la misma contemplacion.

CAPITULO VIII. De dos medios desta reformación propria: uno de las virtudes morales, y otro de las infusas; y como disieren entre si.

A esta perfeccion de la vida activa se ha de llegar por dos maneras de medios, unos naturales, y otros sobrenaturales: con aquellos se comiença esta perfeccion, y con estos se consuma. Los primeros consisten en las virtudes adquiridas; y los segundos en las virtudes infusas: con aquellos nos hazemos buenos ciudadernos de la tierra, y con estos nos hazemos participentes de la Ciudad celestial, de la qual son ciudadanos los Angeles y todos los Santos, aora reinen ya en la gloria y descanten en la patria, aora peregrinen todavía en la tierra, segun aquello del Apostol: Ciudadanos sois de los Santos, y domesticos de Dios, que es el Rector desta Ciudad.

Para las virtudes adquiridas, que nos hazen buenos ciudadanos de la tierra, basta el caudal natural, ayudado de la gracia: pero, para las infusas, que nos hazen ciudadanos del cielo, no basta la naturaleza, sino que ha de ser levantado a ellas el hombre por infusion de gracia. Para las virtuden adquiridas tiene el hombre disposicion con principio activo, y assi las puede adquirir por sus propios actos, porque no exceden la facultad de la naturaleza humana: pero para las infusas tiene disposicion con principio solalente passivo, y assi no se causan con nuestros propios actes, sino que se nos infunden por virtud divina, y exceden la facultad de nuestra naturaleza. A alcanzar las virtudes adquiridas puede caminar el hombre con su propria accion, por el exercicio de las virtudes morales, movidas de la razon; pero para las infusas ha de caminar no como agente, sine como instrumento del Agente divino, y assi no con disposicion activa, sino con disposicion passiva, para ser movido de Dios por medio de las virtudes infusas, y de los dones del Espiritu Santo.

CAPITULO IX. Que para alcançar estas virtudes en la oracion, se han de azer diferentemente los que comiençan, y los que ya van aprovechando.

Todo esto desta manera advertido con la doctrina de Santo Tomas, y sabido que esta vida activa, de que aqui tratamos, tan necessaria para la contemplativa, se comiença a perficionar por media de las virtudes adquiridas, y llega a su perfeccion por medio de las virtudes infusas; conviene tambien saber, que diferentemente han de mezclar esta vida activa con la contemplativa los que comiençan a tener oracion mental, a los que estan ya algo exercitados en ella: y de una manera los que todavia estan en estado de meditacion, y de otra los que ya estan en estado de contemplacion. Porque los principlantes han de caminar a la mortificacion y moderacion de sus passienes, por medio del exercicio de las virtudes morales, y del discurso de la razon, acomodandoa esto la oracion y meditacion, y procurando la imitacion de las virtudes y exemplos de Christo nuestro Señor, en que principalmente se ha de ocupar la meditacion.

Y esto parece que significo San Dionisio, quando tratando de los deste estado, dixo, que los imperfectos avia de 3er restauration, haziendose narticiPantes de las virtudes sarmndfts que descubrian en la oracion. Perm de los que estavan ya en ostndo de iluminacion y contemplacion, dize, que avian de caminar a la contemplacion habitual con el entendimiento puro y limpio, y disponerse con esto para recibir mucha luz divina para esta contemplacion: y declara Alberto Magno, que el estar desta manera puro y limpio el entendimiento, consistia en entar apartado de la multiplicidad, y reducido a unidad; lo qual se haze en la contemplacion. Con lo qual nos significo, que assi como Ios principiantes avian de mezclar la vida activa con la contemplativa, por medio del exercicio de las virtudes morales y discurso de la razon; assi tambien los ya exercitados avian de juntar estas dos vidas, no tanto con este exercicio activo con que se camina a las virtudes adquiridas, quanto con la buena disposition passiva con que se dissone vara alcanear las virtudes infusas, y se perficiona assi la vida activa como la contemplativa.

De manera, que aunque a todos ha de ser comun el exercicio de las virtudes morales, aora sean principiantes, aora aprovechados: pero en aquellos ha de ser este como su principal exercicio, y en estos el principal intento ha de ser la disposicion proxima para recibir las virtudes infusas con que las adquiridas se perficionan, pues como ya avemos visto, no podemos llegar a alcançarlas por el exercicio de nuestros propios actos, como las virtudes morales, sino con disponernos para recibirlas de Dios, haziendonos no motores principales de nuestra propia operacion, sine como instrumentos de la operacion divina, por medio de la qual se nos han de infundir estas virtudes, y los aumentos dellas. Porque assi como las virtudes adquiridas se aumentan por los actos de nuestra propice operacion, que las causant assi tambien las virtudes infusas se aumentan por la operacion de Dios, de quien son causadas: y para esta operacion no nos disponemos con nuestra operacion activa, sino con nuestra disposicion passiva, para ser movidos de Dios (como ya vimos) a modo de instrumentos suyos.

Por todo Io qual, quando el alma quieta on su operacion intelectual activa, y apartada de todos los conocinientos particulares y distintos de las cosas criadas, esta vacando a Dios en contemplacion pura y sencilla de conocimiento de Fè, por medio del qual se une, con su artifice, nara ser movida del, como instrumento suyo (segun declara Santo Tomas a este proposito) no pience que entonces esta ociosa, quanta al efecto de su propia reformacion, que antes entonces en quando se esta reformando a imagen do Dios, en semejança sobrenatural, por medio de la qual nos avemos de unir con el en union de caridad, para hazernos un mismo espiritu con el, en que consiste nuestra perfeccion y felicidad, la qual se comiença aca, y se perficiona en el cielo.

Para que esto quede mas persuadido, se ha de advertir lo que dize el mismo Santo, que como el acte se proporcione con la potencia quo le obra, como el efecto con su propia causa, es impossible que saIga acto perfecto de potencia imperfecta; y como la perfeccion de las potencias consiste en los habitos de las virtudes, particularmento de las infusas, siguese que quanto estos habitos se fueren perficionando mas, tanto se perficionaran tambien las potencias, para producir actos perfectos.

Porque aunque todos los habitos infusos que andan juntes con la caridad se infunden al alma con la misma caridad, quando la levantes nuestro Señor del pecado a la gracia, no luego se arraigan perfectamente on el alma, ni el sujeto del alma participa perfectamonte dellos; sino que como se va aumentando la caridad, se van aumentando tambien los demas habitos infusos, como los dones del Espiritu santo con las demas perfecciones infusas, a quien la caridad informa, como semejança del primer don, que es el Espiritu Santo. Y este aumente consiste en arraigarse mas intensamente estos habitos en el alma, y participar dallas las perfectamente el sujeto de la misma alma; y como se fueren desta manera aumentando, se iran porficionando mas las potencias donde estos habitos residen, para producir actos mas perfectos. Porque en todas las fuerzas del hombre, que pueden ser principio de actos humanos, assi como ay virtudes que las perficionen para los actos a Io natural, assi ay tambien donos que las perficionan para exercitar estos mismos actos a lo sobrenatural y mas perfecto.

Pongamos un exemplo desta mejoria: Quando nuestras potencias no estan perfectas con estos habitos, salen los actos dallas tanto mas imperfectos, quanto ellas estan mas imperfectos y assi, aunque hagamos buenas obras, van mezcladas con fines imperfectos, ù de nuestro propio interes, ù de otros respectos humanos: y cogito las potencias se van perficionando mas con sus habitos, se van perficionando tambien mas en sus actos, da manera que ya no nos mueven tanto los fines y respectos segundos, sino el fin principal, quo es Dios. Porque al passo que se va aumentado le caridad en el alma, ne va enflaqueciendo el amor proprio, y fortificando el amor de Dios: y quando ya las potencias están del todo perfectas con sus habitos, entonces ya en sus obras no miran mas que a un fin, que es Dios; y un acto exercitado desta manera, vale mas que ciento de essotros imperfectos.

CAPITULO X. Que con la contemplacion quieta y abstraida se perficiona mas el alma en la mortificacion y reformacion propria, que con ningunotro exercicio.

Esto pues assi presupuesto, quedara entendido, que de los exercicios en que estos habitos (particularmente los infusos) mas se aumentan, este sera el mas eficaz, no solamente para nuestra perfection tambien para la mortificacion y reformacion de nuestros defectos. De esto nos daran noticia las dos Lumbreras de la luz divina, que para guiarnos a Dios seguramente pulo su Magestad en su Iglesia. La primera dellas, que es San Dionisio, tratando deste mismo punto dize, que quando dexamos el conocimiento de nuestra razon, y nos unimos con la luz de la Fè sobre nuestro entendimiento, para que por medio de esta luz el se una a las cosas que por su conocimiento no puede alcançar: entonces nos dan los dones por cuyo medio avemos de ser endiosados, para ser todos de Dios, y dexar de ser de nosotros mismos. Todo esto es de San Dionisio, tan a proposito de nuestro intenta, que no se que mas claramente pudo significarlo.

En otra parte, tratando desto mismo dize, que quando nuestro entendimiento, apartandose de todas las cosas, y despues dexandose a si mismo (esto es la reflexion sobre sus actos) se viste de la luz de Fè sobre todo su conocimento; entonces se une a los rayos resplandocientes de la Divinidad, y es iluminado de la profundidad incomprehensible de la sabiduria divina. En otra parte, declarando esta misma contemplation mas de proposito, dite, que a solos aquellos quo dexando todos sus propios conocimientos, no solo sensibles, mas tambien intclectuales; y desnudos de todo esto se catravan en la escuridad del conocimiento de Fè, se comunicava Dios in circumvelate et vere, esto es, verdaderamente, y descubierto de velos, de la manera que nos es posible en esta vida; conviene a saber, quanto al entendimiento, en luz de Fè, ilustrada con los dons del Espiritu Santo; y quanto a la voluntad, mediante la caridad, saboreada con los mismos dones, que esparcen en el alma el sabor de la verdad divina, que de la caridad reciben, para que su desde aca comience a gustar el sabor de la vida eterna.

Pues de los efectos admirables que hazen en el alma los rayos desta luz divina, quando el entendimiento, desnudo de todos sus conocimientes, la mira sin vélos, y se une con ella en conocimiento de Fè, escrive el mismo Santo un gran Catalogo: y de como va purifido al entendimiento, encendiendo la voluntad, y renovando todas las fuerzas del alma, llegandola siempre mas a Dios, y a su semejança, hasta juntarla y unirla con el.

La misma doctrina nos enseña Santo Tomas, declarando a San Dionisio en muchos destos y otros lugares del libro de los Nombres divinos que comento, ponderando mucho la profundidad de la sabiduria que en el, y en los demas libros enseño, poco entendida, y menos exercitada. Y quanto a la disposicion que ha de tener el alma para recibir el aumento de la caridad, en que consiste el de todos los demas habitos infusoe, dize desta manera. "La disposicion, para recibir los aumentos de la caridad, es quando el alma se convierte a contemplar a Dios, por medio de las potencias, segun las quales es imagen de Dios que son las espirituales." Y en otra parte, tratando de la misma disposicion, dize aquellas notables palabras, de que en otro lugar hizimos ya mencion. "La intension (dize) de la caridad no sucede de que se fortifica mas la virtud del Agente divino, sino de que la naturaleza que la recibe mas y mas le prepara para recibir la gracia, segun que de la muchedumbre y confusion de la potencialidad se recogo a la unidad, por media de las operaciones con que se prepara para recibir la caridad: y por esto San Dionisio siempre señala lo perfecto de la sentidad, en que de la vida esparcida, se levanta el alma a la unica." Todo esto es de Santo Tomas: y en materia de habitos infusos, le mismo es intension que aumento, porque por modo de intension se aumentan.

Pues esta disposicion que aqui pide para los aumentos do la caridad, y de los demas habitos infuses; conviene a saber, que este el alma apartada de la multiplicidad, y reducida a unidad, tiene en la contemplacion sencilla de conocimiento de Fè. "; En la qual dize el mismo Santo, que ha de dexar el entendinlonto no solo las figuras sensibles, mas tambien las formas espirituales: y entonces esta presente a Dios, y le mira en unidad, y recibe en si la luz divina, Y los efectos della, sin estorbos. Porque todas estas formas y figuras son como nublados, y velos que se ponen entre el alma y la luz divina, para assombrarla y anublarla, como el mismo lo dixo en otra parte, declarando un lugar de San Dionisio muy a nuestro proposito. De manera, que assi como quando la Luna mira al Sol sin que la tierra se le ponga en medio, le comunica el Sol tan de lleno su hermosura y resplandor, con los demas sus efectos, que parece al mismo Sol; assi tambien quando el entendimiento mira a Dios sin los nublados de las representaciones sensibles (que son de calidad de tierra) unido a la escuridad luminosa del conocimiento sencillo de Fè, sobre todos los conocimientos de la razon, recibe tan copiosamente el resplandor, con los demas efectos de la luz divina, que queda como divinizados; y assi San Dionisio en muchos lugares de sus libros le llama, quando esta desta manera ilustrado, Deiforme. y deificado, esto es, tan semejante a Dios, que, parece que esta endiosado.

Assimismo, quien ay que pueda dudar que es mas poderosa la operacion divina para hazer esta reformaclon en nosotros, y introducir las virtudes en nosotros, y introducir las virtudes en nuestras almas, que nuestra propria operacion pues quando el alma esta hecha instrumento de Dios, y el la esta moviendocomo a tal, dos efectos principales dize Santo Tomas que haze en ella la gracia e influencia divina, como en otra parte tocamos, y entrambos sirven a esta reformacion. El primero, perficionarla en su essencia, quanto al ser espiritual, segun el qual se haze semejante a Dios. Y que esta perfeccion sirva a la reformacion del alma, no solo en quanto participa en si de la naturaleza divina por cierta semejança con ella, mas tambien quanta a ser ilustrada con las vIrtudes, esta claro: parque la gracia e influencia divina primera se comunica a la essencia del alma, para reformarla en si misma, y después se deriva y difunde a las potencias por medio de las virtudes, para reformarlas tambien y perficionarlas para sus actos. Por lo qual, quanta la essencia del alma, de donde salen las potencias, erstuviere mas reformada y perfecta, tanto mas lo estaran las mismas potencias; y quanto mayor.gracia recibiere en si la essencia, tanto mas pertectamente seran reformadas las potancias; porque la gracia se considera en orden a las potencias, como el que mueve en orden al movido, y como el Cavallero, que lleva las riendas en la mano para mover y governar al cavallo: y estas riendas son el alma, los habitos de las virtudes que la gracia infunde en las potencias.

El segundo efecto que haze la gracia e influencia divina en el alma, es perficionarla quanto a la operacion, con las virtudes infusas qùe emanan della, introduciendo en las potencias y fuerzas del alma los habitos de las virtudes, si aun no estan introducidos; y arraigandolos y perficionandolee, si ya estan introducidos: porque, como ya vimos, no puede sor perfecta la operacion de una potencia, si ella no esta perficionada en si misma, con habito de virtud conveniente a esta operacion. Pues si para entrambos estas dos efectos esta mas dispuesta el alma, quando en la contemplacion, dexando su operacion activa, se haze instrumento de Dios para ser novida del, cosa llana es que entonces obra mas en su reformacion, que quando para reformarse con su operacion activa y natural se haze agente principal de su reformacion, y pierde la disposicion passiva, on que Dios la avia de mover y reformar a lo sobrenatural.

Y no solo ilustra y perficiona al alma la luz y influencia divina, que en la contemplacion se recibe, sino también la purga, y limpia para esta ilustración y perfeccion. Y por esso dize San Dionisio, que sa compara a la miel en las divinas letras, no solo por su suavidad, mas tambien por esta virtud purgativa qui tiene, para limplar y purificar al alma que se dispone para recibirla: porque el agente quanto es de su parte procura reducir al movido a tu semajança; y como el Agente divino, que en esta influencla obra, sea sustancla purissima y sumamente perfecta, procura reducir a esta pureza y perfeccion al alma en quien obra, segun su capacidad y disposición. Y en particular la purifica de los habitos inperfectos de la parte intelectual donde sola esta divina influencia obra; y esteriliza las passiones en la parte sensible, para que no se desordenen contra las virtudes morales, ni salgan impetuosamente a actos viciosos. Por todo la qual es eficacissimo medio el de la contemplacion, no solo para los aumentos del alma en los dones sobrenaturales con que se ha de unir con Dios, y participar de su Divinidad, mas tambien para su propria reformacion.

CAPITULO XI. A quanto mas alta reformación es levantada el alma por el aumento de las virtudes infusas que recibe en la contemplación, que por el exercicio de las virtudes morales en la vida activa.

Sabido pues, que quanto mas perfectas están las potencias con los habites infusos, tanto mas perfectamente obran, y que para esteperfeccion se dispone el alma con la contemplación; verificaremos con la doctrina de Santo Tomas como por estos habitos infusos es levantada el alma, no solo a mayor conocimiento y amor de Dios, mas también a mas alta reformación de si misma, y a mas perfectos actos de virtudes, que por el exercicio de las virtudes morales, que principalmente se ordenan a la reformacion y moderacion de nuestras passiones.

Que el hombre (dize este Santo) juzgue de las cosas divinas, y por ellas ordene las cosas inferiores a modo humano, y per discurso de razon, es efecto de la sabiduria, que llamamos virtud intelectual. Pero que el hombre se una a las cosas divinas, y se transforme en su semejança, y juzgue dellas como de lo intimo de si, no ya por discurso de razon, sine per cierta connaturalidad que con ellas tiene; y ordene por ellas no solo las cosas que conoce, sino tambien las acciones humanas, y las passiones, es efecto del don de sabiduria. Porque los dones levantan al hombre a actos mas altos que los de las virtudes: y por esto dize San Dionisio del divine Hieroteo, que era perfecto en las cosas divinas, porque no solo las aprendia, mas tambien las padecia; lo primero por su discurso, y lo segundo por infusion dlvina, dize el mismo Santo a nuentro proposito: Las passiones o pertenecen a la irascible, o a la concupiscible. Las que se ordenan a la irascible, y se exercitan por medio de discurso y a nuestro modo, tienen por medida y regla el bien de la razon: al qual bien somos enderezados por medio de algunas virtudes morales, como la paciencla, magnanimidad, mansedumbre, y fortaleza, en quanto es virtud, para que segun nuestras fuerzas abracemos el bien que nos persuade la razon, y huyamos lo que nos le estorba; como no airarse contra el proximo ni vengarse de las injurias recibidas. Pero para exercitar actos dificultuosos y heroicos, como para no solo no airarse contra el proximo, sino tambien sufrir con alegria las injurias; y no solo para no buscar vengança dellas, sino también para que tenga por gloria hazer buenas obras a los que le han injuriado: assi mismo, para tener por medida en todas las cosas a la virtud divina, para estendra las quales sabe que no bastan sus fuerzas: y fiade en el socorro divino, no tema los peligros que exceden su caudal: todo esto es de virtud infusa, y obra del don de fortaleza. Pero en las passiones que tocan a la concupiscible, que son amor, concupiscencia, y delectacion, somos endereçados, segun nuestro modo, al bien de la razon, por medio de otras virtudes: como el no aficionarse el hombre a los bienes temporales mas de lo que ha menester; y esto se haze por la virtud de la templança, que modera los deleites y concupiscenclas. Pero que el hombre, por reverencia de la Magestad divina, todas estas cosas juzge por basura; esto es de la virtud infusa, y sobre nuestro caudal, y se perficiona por el don de temor.

En otra parte dize el mismo Santo a este proposito: Assi por la virtud adquirida, corso por la infusa se moderan las passiones que inclinan al mal, para que el hombre no sea movido de ellas desenfrenadamente: pero con mucha diferencia, porque la virtud adquirida prevalece, quanto a que se sienta menos semejante guerra; porque con los actos frequentes con que el hombre se va acostumbrando a la virtud, se desacostumbra de obedecer a tales passiones, y se acostumbra a resistirlas, y de aqui viene sentir menos sus molestias. Pero la virtud infusa prevalece, en que aunque acompañen al hombre estas passiones, de ninguna manera se señoreen del: porque la virtud infusa haze, que de ninguna manera se obedesca a los deseos del pecado; y mientras ella permanece, obra esto infaliblemente; en lo qual desfallece la virtud adquirida.

Todas estas son palabras de Santo Tomas: por las quales consta claramente, que la virtud infusa que en la contemplacicn se recibe, obra mas perfectanente en nuestra reformacion, que la adquirida que en la vida activa se exercita; y que no solo nos levanta a actes mas heroicos y perfectos de virtudes, mas tambien da mayor esfuerço al alma, para no ser vencida en la guerra de las passiones; y assi no esta ociosa el alma, quanto a su propia reformacion, quando exercita en quietud la vida contemplativa.

CAPITULO XII. Quanto mas prompta esta el alma para bien obrar con la virtud infusa que alcança en la contemplacion, que con la adquirida por su exercicio.

Ay tambien otra muy grande diferencia en el modo de obrar virtuosamente, por medio del exercicio de las virtudes morales, o por virtud de los habitos infusos, como tambien lo noto Santo Tomas; que para lo primero es necessario que preceda siempre discorso de la razon, a que estas virtudes estan subordinadas, pa ra exercitar alguna operacion virtuosa. Y este es un modo de obrar muy trabajoso, y que con dificultad estara el hombre siempre prevenido para el: y assi en las operaciones repentinas para que no esta prevenido, obrara desordenadamente, si no tiene habita de virtud.

Pero el que obra por virtud de los habitos infusos, como no obra por discurso, sino por union y connaturalidad con la misma virtud, obra con facilidad virtuosamente en qualquiera operacion, aunque sea repentina; porque le es connatural, por razon de los habitas virtuosos. Y aunque quando las virtudes morales estan ya adquiridas por habito, obran tan bien con facilidad, no pueden levantar al hombre sobre su virtud natural, como las infusas; y para guerra tan dificultosa como la de nuestras passiones y inclinaciones torcidas, flaco es el caudal de la naturaleza. Porque como ella, vestida del amor propio, aborrozca tanto los trabajos, las mortificaciones, y las demas cosas contrarias a la carne, y a la propria estima, y se abalance tan impetuosamente a los deleites, a la estimation vana, y a los demas objetos del amor desordonado; cosa manifiesta es que para aborrecer estos, y hazer grande aprecio de las virtudes de Christo, fundadas en abnegacion de todos estes objetos amables, y en el exercicio de su contrarios; y para moverse eficazmente a abraçar desta manera estas virtudes, que no baste el caudal natural, ni el socorro do las virtudes morales, ayudadas de la razon humana, sino que es menestor virtud sobrenatural: la qual se recibe en la contemplacion, como ya vimos, no soli para la perfeccion de la vida contemplativa, sino tambien de la vida activa, en la propia reformacion.

Por otro camino son poco suficientes estas virtudes: porque la reformacion del alma no consiste solamente en la moderacion de las passiones, que estan en el apetito sensitivo, y inclinan al mal, en cuyo reparo se exercitan las virtudes morales; sine tambien en los habitos imperfectos adquiridos, que de la comunicación de los sentidos se engendraron en la parte intelectiva y espiritual, y son como unas raizes muy hondas, que estas passiones han echado desde la parte material a la espiritual. A la moderacion de los quales habitos no alcança la eficacia de las virtudes morales porque el arrancar estas malas raizes, y calidades bastardas de la parte espiritual del alma, para plantar en ella el habito de la caridad, y los demas infusos, con que el Espiritu Santo la viste de su semejança: no se haze por transmutacion de un contrario en otro, como en la parte sensible, sino por influencia sencilla del Artifice divino, cuya es esta obra (como a nuestro proposito lo declaro Santo Tomas) y esta influencia en la contemplation principalmente se recibe. For lo qual, mientras estas raizes no se arrancan, aunque con los actos de las virtudes morales cercenen las ramas que van brotando, no se haze la reformacion perfecta; pues no es mas que andar por las ramas, y dexar las raizes vivas.

CAPITULO XIII. Como dentro del acto de contemplación se puede mezclar el exercicio particular de virtudes, sin impedir los efectos infusos de la misma contemplacion.

Pero aplicando mas la contemplación a la vida activa de que tratamos, no solo se puede en ella esforçar y purgar el alma, quanta a la parte intelectiva, para no ser vencida de la guerra de las passiones, mas tambien para moderar la misma guerra en la parte sensible. Para lo qual se ha de advertir, que las causas universales producen efectos particulares, por medio de otras causas particulares; como la vemos en las influencias de los cuerpos celestes, que para que produzgan frutos en la tierra, han menester que el Labrador cultive la haza, y el Hortelano la huerta, por cuyo medio la influencia celestial fertiliza la tierra, y le comunica su virtud. Pues esto mismo ha de hazer el contemplativo, para que la influencia divina de la contemplacion que en la parte intelectual recibe, se aplique a la tierra del apetito sensitivo, para plantar allí las virtudes morales, y sacar las malas yervas de las passiones, sin salir de la misma contemplacion, aplicando alguna causa particular a la universal. para esto ha de tener muy conocidos sus defectos, y qual parte de la naturaleza esta mas enferma, y mas desordenadamente inclinada a los objetos viciosos, pidiendo luz a Dios para conocerlo, y alli aplique la medicina, lo qual puede hazer desta manera.

Quando estuviere en la contemplacian sencilla mirando a Dios con vista derecha y sencilla, vestida de solo el conocimiento de Fè, incline un poquito la vista azia su imperfeccion, y alli represente a Dios aquella parte flaca y enferma, y le pida humilmente que la fortaleza, y como Medico la cure para servirle y ser del todo suyo; y dexando luego esta reflexion del entendimiento, buelvale a estender a Dios en vista derecha y sencilla, y quede la voluntad solicitando a Dios con el deseo, acerca de aquello mismo. Y del mismo exercicio se puede valer para pedir a Dios otra qualquiera virtud, de que conozca tiene mucha necessidad; y desta fuerte juntara utilisimamente las dos vidas, activa y contemplativa, sin que la una estorbe a la otra, sino que antes se ayuden. Pero entre dia ruede usar del exercicio de las virtudes morales, guiadas por la razon, conforme se ofreciere la necessidad; como la paciencia y mansedumbre contra los movimientos que se levantaren desordenadamente on la irascible; y de la templança contra los que se levantaren en la concupiscible: que para estas virtudes, como no exceden nuestra facultad natural, disposicion activa tiene el hombre, y las puede adquirir con sus propios actos, como ya declaranos.

Pero en la oracion haze de advertir, que la representacion de su necessidad, con reflexion sobre su defecto, y mengua, sea muy breve y la instancia del deseo sea mas larga; el conocimiento suave, y el deseo eficaz: no solo porque el deseo humilde es el que principalmente haze la obra, pues (como lo vimos on otra parte de la doctrine de Santo Tomas) los efectos de la divina gracia se multiplican, segun la multiplicacion y esfuerzo del deseo; mas tambien porque el deseo, como acto de la voluntad, no impide, sino antes ayuda a la contemplacion, segun que on otra parte lo declaramos: pero el conocimiento con reflexion azia los actos de la razon, innlde al entendimiento el buelo a Dios, y le anubla y escurece para no poder contemplarle: porque la razon ninguna cosa puede entender actualmente, sine es recibiendo especies sensibles, con las quales se escurece y mancha la pureza intelectual con quo ha de contemplar a Dios, como en otra parte vimos.

Y de la manera que quando la Luna, con ser cuerpo tan claro, se interpone entre el Sol y la tierra, le eclipsa, y impide que imprima en elle sus influenglas, de que tantos daños se siguen a todos los cuerpos terrestres, como declaran los Astrologos, sin echarlo entonces de ver, aunque dure tan poco tiempo esta interposicion y eclipse: Assi tambien, quando en la contemplacion divina, se interponen entre el Sol divino y el alma las especies sensibles de los actos de la razon, siguese eclipse do este Sol divino, y cessan por entonces de recibirse de lleno en el alma sus divines influenclas, con mayores da los de los que ella echa de ver entonces, aunque bien se trasluzen despues, en el poco aprovechamiento de las almas que de esta manera se ocupan, que despues de tantos años de oracion estan poco mas medradas que principiantes. De estos eclipses, y de los daños que nos hazen nos avisa en innumerables lugares de sus obras San Dionisio; de los quales avemos visto ya algunos, y nos da tantas vozes que en la contemplacion que temos el entendimiento en sus oneraciones y que desnudandole de los actos de la razon, le vistamos solamente de la luz de Fè, por cuyo medio nos unimos a los resplandecientes rayos de la luz divina, y sonos ilustrados con la profundidad de la sabiduria de Dios.

Esto mismo llora Santo Tomas en muchos lugares de sus obras, de algunos de los quales avemos tambien hecho mencion, y assi traere a la memorla solo uno, donde dize assi: "Aunque para la perfeccion de la operacion intelectual fue necessario unirse el alma con el cuerpo, pero no podemon negar, sino que por los movimientos corporales, y por la representacion de las especies sensibles sea muy impedida el alma, para no poder recibir las influencias divinas." Esto dize Santo Tomas, y lo repite en otras muchas partes. Pues si todo el dia anda el alma ocupada con estas especies, y actos de la razon, y padeciendo con tan gran menoscabo suyo estes eclipses del Sol divino (pues donde nace la razon en el entendimiento, ahi es anublado y encurecide el mismo entendimiente, como pondero el mismo Santo) no sera razon que este poquito tiempo que el alma so recoge a vacar a Dios, quite de enmedio estos nublados, y quede descubierta a las influencias divinas, que la han de ilustrar y fertilizar con virtudes y dones, para quedar semejante a Dios, y unirse con el?

Pues quando con este exercicio particular, exercitado en la contemplacion de la manera que ya declaramos, solicitamos con Dios la aplicacion de la influencia divina a las necessitades particulares, y a la reformacion del apetito sensitivo, y de las passiones que en el residen, se estienden a el los efectos de esta divina influencia; y por una parte van secando y esterilizando las raizes de las mismas passiones, para que dexen de inclinarnos impetuosamente al mal, y de preceder al acto de la voluntad, governada por la razon, sino quando la misma voluntad las despertare, para valerse dellas en sus actos, y que la vayan siguiendo y esforgando. For otra parte, el espiritu calificado, y ilustrado con la influencia y semejança divina, califica y en cierta manera ilustra yesniritualiza la parte sensible, como forma suya, y cielo superior que govierna los inferiores, para que sigan una misma vereda, y se sustenten de un manjar, por la redundancia del espiritu al cuerpo; y desta manera la parte sensible, que no sabe sino rebolcarse en el cieno de los deleites materiales, se levante a la comunicacion de los espirituales, hecha en cierta manera tambien espiritual, como a nuestro proposito lo declaro doctamente Iuan Gerson.

Y desta suerte exercitara con gran utilidad el contemplativo las dos vidas, activa y contemplativa juntas, sin faltar a la contemplacion, ni estorbandola: Pero diferentemente se han de aver en esto los nuevos contemplativos, y los exercitados en la contemplacion; que en aquellos han de ser estos actos mas frequentes, y en estos mas raros. Advirtiendo los nuevos, que no los han de exercitar, quando sintieren que repugna el alma salir a ellos y que siente que la quiten de su quietud, y del acto universal y sencillo en que esta ocupada en Dios: porque esta repugnancia es señal que la privan de otro mayor bien, que a lo passivo y sencillo recibe entonces de la influencia divina. Y los ya exercitados en la contemplacion, entonces principalmente han de hazer estos actos particulares, quando sintieren que la iluminacion o influencia divina los combida a hazerlos; o quando alguna passion, o trabajo fatiga al alma: Y assi los unos como los otros han de salir a los actos particulares, no para quedarse en ellos, sino para restituirse luego dellos a la contemplacion sencilla y universel, como en otra parte lo advertimos con la doctrine de San Dionisio.

CAPITULO XIV. De la presencia de Dios fuera de la oracion, con que se mezcla la vida activa, que toca a la utilidad de otros, con la contemplativa.

Aviendo tratado ya como la vida activa, que sirve a nuestra propia reformacion, se ha de mezclar con la comtemplativa, siguese que digamos algo de como se ha de mezclar la vida contemplativa con la activa, que sirvo a la reformacion y utilidad de otros: en Io qual se incluye la presencia de Dios, con que avemos de acompañar las obras activas que fuera de la oracion exercitamos. Y lo primero, nos puede mover a este exercicio la utilidad del, para caminar a nuestra perfeccion, y recibir dones y mercedes continuas de Dios. Desto ay en las divinas letras muchos testimonios: y esto significo Dios al Patriarca Abrahan, quando le dixo, que anduviense en su presencia, y fuesse perfecto, porque de lo uno se sigue lo otro, como lo pondero San Dionisio, declarado por Santo Tomas, diziendo, que la providencia divina, de su benignidad se da a si misma a los que se buelven a mirarla, y se les comunica por cierta participaclon para endiosarlos.

Al mismo proposito dize San Agustin: "Nuestra alma esta puesta en medio de Dios, y de las criaturas: quando mira a Dios, es iluminada; quando mira a las criaturas, es escurecida, enpeorada y corrompida." Sobre las quales palabras añade Santo Tomas: "Por esto los Filosofos pusieron la creación del alma en el Orizone de la eternidad, y del tiempo: porque quando actualmente conoce a la criatura, y por el consiguiente la ama tambien actualmente, no puede conocer y amar actualmente al Criador. Porque como el alma sea una sustancia sencilla, colocada entre terminos opuestos, no puede en un mismo tiemoo ser movida de novimientos diversos; por lo qual, mientras con el movimiento del conocimiento, y del afecto es movida azia el Criador." Todo esto es de Santo Tomas. Por todo lo qual se dexa bien entender, quan neressaria sea la presencia de Dios para caminar a nuestra perfeccion, y al conocimiento y amor de Dios.

Assimismo de la presencia de Dios se causa deleite y alegria en el alma, como lo significo el Profeta, quando dixo: Acordeme de Dios, y deleiteme. Y esta alegria y deleite os la que esfuerza y alienta al alma para todas las obras de virtud, la que ensancha los sonos espirituales, y perficiona nuestra operacion, como declaro Santo Tomas.

Pero no solo la utilidad nos debe mover a este exercicio, mas tambien la necessidad que tenemos del, assi para adquirir las virtudes, como para no perder las ya adquiridas: Para lo qual se ha de advertir con la doctrina de Santo Tomas, que assi como con los actos virtuosos se engendran habitos de las virtudes en el alma; assi por la cessacion de los actos dellas se corrompen o disminuyen sus habitos: porque el recto prohibe y expele las causas de la corrupcion, y diminucion del habito, y le defienden de sus contrarios, que son la inclinacion torcida del apetito sensitivo, con todas sus passiones, que son enemigos de casa, y las tentaciones y ocasiones oue vienen de afuera. Pues como se van siempre levantando secretanente algunos destos contrarios de los habitos de las virtudes, conviene que sean removidos por los actos que proceden destos habitos: y si por mucho tiempo cessan de exorcitarse estos actos, sera forgoso disminuirse, o quitarse del todo los habitos.

Y aunque el habito de la caridad, con los demas infusos que andan con ella, no se puede disminuir por esta cessacion, quanto a la essencia del: porque la firmeza de los habites infuses no procede de nuestros actos, sine de la influencia divina; con todo esse se disminuyen por la cessation de los actos, quanto a la raiz, y quanto al fervor, como declara el mismo Santo. Quanto a la raiz porque es disposition para lo contrario, y con esto se disminuye la union firme de la caridad, y por esto dezimos que el pecado venial es disposition para el moral, con que la caridad se pierde. Quanto al fervor, porque impide la obediencia de las potencias inferiores a las superiores, de lo qual le causa este fervor.

Pues de todos estos daños nos preserva la presencia de Dios, que levantando al hombre al conocimiento y amor actual de su Criador, le aparta actualmente por entonces de todos las contrarion deste amor, y le fortifica para resistirlos con el exercicio de todas las virtudes. Es asimismo no necessario este exercicio, para conservar la devocion y calor que de la oración sacamos; y a este pronosito dize S. Agustin: Necessarias son frequentes oraciones, y memorias de Dios, para que la devocion grangeada del todo no se apague. Porque mas presto se buelve a encoder el fuego de la devocion, quando del todo no se ha apagado: de lo que pone S. Tomas exemplo en el madero una vez encendido, o la vela que todavia esta humeando, que con facilidad se buolve a encoder; y assi tambien el espiritu, despertado una veza a la devocion, facilmente despues es tornado a la devocion primera, mientras aquella proxima disposicion, y ya començada calidad no se pierde.

CAPITULO XV. Que esta presoncia de Dios no ha de ser una misma en los principiantes, y en los aprovachados.

Pero aunque esta presencia de Dios, entre las obras activas, ha de ser comun a todos los que quisieren aprovechar en la vida espiritual, y caminar a la perfeccion, diferentemente la han de exercitar los princiriantes, y los ya aprovechados; y de una manera los que estan todavia en estado de meditacion: y de otra los que ya estan en estado de contemplacion: que aquellos se han de aprovechar mas de las representaciones imaginarias; y estes del conocimiento intelectual, apartado de las condiciones materiales, como ya lo declaramos en la oracion de los unos y los otros: porque la presencia de Dios de entre dia ha de ser comunmente, al modo quo exercitan la oración en los tiempos que vacan a ella de propósito.

Y para todos suele ser buen medio considerar a Dios dentro de si: porque esto se funda en verdad, que como Dios por su infinidad todo quanto crio tiene dentro de si nismo, y lo esta conservando en el ser que le dio, por mas singular modo esta en el alma del justo, porque alli reside como Rey en su trono y Esposo en su talamo; y assi con gran propiedad le consideran dentro de si. Y porque en la Divinidad esta la persona del Verbo Eterno, que es la que se vistio de nuestra humanidad, para hazernos en ella tantos, y tan incomparables beneficios; tambien podemos considerar a Christo N. S. dentro de nosotros: y esta manera de presencia de Dios aconseja mucho N. M. S. Teresa de Iesus.

CAPITULO XVI. Con que moderacion se ha de user de la presencia de Dios imaginaria, para evitar los daños de cuerpo y espiritu que puede causar.

Pero es menester advertir, que unas vezes persuade esta manera de representar a Dios Centro de nosotros, como a la Santa se lo aconsejaron: y otras la declara como ella la exercitava. Lo que a ella le dixeron es muy poco provechoso, y muy ocasionado para destruir en poco tiempo la cabeça, y assi nunca la Santa se pude acomodar a este modo de exercicio. Pero Io que ella dize que usava deste exercicio, es excelente modo, muy util, y poco de dañoso. Lo que le dixeron es, que el contemplativo representasse dentro de si un palacio de grandissime riqueza, todo su edificio do oro y piedras preciosas, y que en este palacio esta el Rey eterno en un trono de grandissimo precio. Todo este ha de ser fabricado con la fuerza de la imaginacion: y assi para assentarlo, como para despues retenerlo, ha de trabajar mucho la virtud imaginativa, y la estimativa con todons las demas organos corporales interiores, y ha de causar forçosamente lesion de la cabeça, si mucho se continua.

Para cuya persuasion me contentare con referir aqui unas palabras de Iuan Gerson, Maestro muy docto y experimentado en estas materias: el qual, tratando desta manera de meditar, dize assi: "Diemos algo mas de este modo de meditacion, que suele comencar de las cosas corporales, y representarlas en si, aunque el mas saludable consejo y sumamente necessario es, que no paren en estas representaciones, ni fixen el pie mucho en ellas, si no quieren dar en algun frenesi, o en otros desvarios. Demos razon de esto. Cosa clara es, quo toda virtud que usa de los organos corporales, padece fatiga, y algunas vezes desfallecimiento, si su operacion es muy continua. Es assimismo casa clara, que todo pensamiento particular, que demasiamente se profunda en la virtud imaginativa y estimativa, causa lesion al que desta manera piensa.” Esto dice este Autor: y luego lo va verificando, con la experiencia de los daños y peligros a que con este modo de meditar se va caminando, de los quales es el menor destruir la cabeça, de que yo he visto hartas experiencias, no solo en otros, mas tambien en mi.

Este modo de presencia de Dios sacaron los que se la aconsejaron a nuestra Santa, de lo que dize de Santa Catalina de Sena su historia; que traia un oratorio dentro de si, donde orava a Dios: pero no es creible que Santa tan ilustrada en la oracion, la eyercitarse tan a lo sensible, y naterial, sino muy a lo sencillo, y esniritual; y que ocuparia mas el espiritu en ella, que la imaginacion, considerando que tenia en su alma un cielo clarissino, y espiritualissimo, donde Dios se aposentava, y no a modo corporal, y dentro de los limites estrechos del cuerpo; pues la parte del alma, que esta fuelta del cuerpo, tiene un genero de infinidad, respecto de la parte que con el cuerpo esta unida: y en los que estan en gracia alumbra en este cielo el Sol divino, y resplandecen las estrellas fulgidissimas de las virtudes y dones infusos, que son como rayos de divino fuego, y antorchas eternas, derivadas de la luz primaria, que alumbran y hermonean al alma. Y desta manera se ha de considerar este templo, y a Dios en el, y no a lo material y sensible, que demas de ser ficcion, y para comparacion muy desproporcionada, es modo poco provechoso, y muy dañoso.

Y los principiantes, y todos los demas que hallan consuelo en considerar que traen dentro de si a Christo nuestro Señor, valganse del modo que nuestra Santa Madre dize en otra parte, que exercitava esta presencia de Dios, como ella lo significo despues de aver hecho mencion de estotra fabrica material, diziendo: Aunque yo nunca pude considerar a Christo dentro de mi desta manera, sine como en un escuro. Esta es consideracion que se llega mas a las imagines intelectuales, de que tratan San Agustin y Santo Tomas, y muy provechosas. Y le que a nuestra Santa le parecia que lo representava como en escure, no el porque no fuesse en luz, tanto mayor y mas clara, quanto le es mas la luz intelectual, que la imaginaria: sine que como la considerava como en confuso, y a bulto, sin las calidades particulares e individuales, que son propias de la imaginacion, y de nuestro modo grosero de entender, le parecia que era en escuro: porque no era con distincien de boca, y ojos, con las demas circunstancias individuales. Y esta es la claridad que echava menos, aunque otra claridad mayor acompañava a esta pnesencia de Dios, y haziendo poca eficacia en la distincion individual del conocimiento, aplicava la intencion y eficacia al afecto, que es lo que se ha de procurar mucho en Ia presencia de Dios, para que sea descansada y provechosa.

CAPITULO XVII. Quan imperfecta es la presencia de Dios imaginaria, hasta que llega a ser intelectual.

Pero ainque los principiantes, como imperfectos aun en el conocimiento por donde se camina a Dios, han menester valerse para exercitar este conocimiento y presencia de Dios, de medios tambien imperfectos, hasta que tengan mas esforçada la vista del alma, para mirar la luz divina en conocimiento intelectual: pero hasta que desta manpra miran a Dios, muy imperfectamente se ponen en su presencia. Porque como ya en otra parte tocamos, los objetos de la imagination son unos accidentes de las cosas, de los quales se forma una figura: pero el objeto y blanco del entendimiento, es la misma sustancia de la cosa, y assi es muy imperfecta, y poco sustancial la representacion de la imaginacion, para la presencia de Dios; y aunque sea ayudada de la luz divina, como passa por tantos medios para llegar alli en cada uno va perdiendo de su resplandor y efficacia, como en otra parte lo vimos de la doctrina de Santo Tomas.

Por lo qual, hasta que esta luz se recibe en el primer arcaduz del alma (que es la inteligencia pura, sobre todos los actos y representaciones de la razon) no goza sin estorbos de sus efectos, ni esta de veras presente a Dios, como lo declaro San Dionisio, ponderado mucho a este proposito por Santo Tomas, y en particular dize assi: Dios a todos esta presente, pero no todos están presentes a Dios; y entonces estamos presentes a Dios quando el entendimiento le mira revelatamente; esto es, como declara Santo Tomas, quando nuestro entendimiento no esta anublado con la escuridad de las figuras de nuestro propio conocimiento; y esto dize que sucede a aquellos que no quieren percibir las cosas espirituales sobre las corporales. Assi mismo se pone presente a Dios, quanto a la voluntad, quando la dispono ad divinam unctionem, esto os, como declara Santo Tomas, quando la voluntad se estiende y ordena a Dios, con deseo de unirse a el por caridad y amor. Y agãden estos santos, que quando desta manera nos ponemos presentes a Dios, nos Ilegamos mucho a el para comunicar sus dones.

Toda la qual disposicion tiene el alma, quando se pone presente a Dios por medio del conocimiento de Fé, sobre todos sus conocimientos, para unirse con el que desta maniera conoce: porque (como dice el mismo Santo Tomas, declarando a San Dionisio en otra parte) ordenado nos esta de Dios, que aquellas cosas que son sobre las divisas, nos avemos de unir por medio de la luz de la Fè, y no de nuentra propia razon.

CAPITULO XVIII. Que este exercicio de la presencia de Dios, aunque es dificultuoso a los imperfectos, se va falicitando con la mejoria del alma en la propia reformacion.

Sabido ya como nos avemos de poner presentes a Dios, para llegarnos a el y a la comunicación de sus dones, resta saber, como nos dispondremos para que esta presencia de Dios, y comunicacion divina, en que se mezcla la vida contemplativa con la activa, sera mas durable y continuada, de manera que las ocupaciones de Marta no inpidan la vista y atencion de Maria. Esto nos significo Santo Tomas en unas breves palabras diziendo assi: Segun que el hombre es las o menos perfecto en la vida activa, que se ordena a su propio reformacion, mas o menos: se esparcira en la multiplicidad de las cosas, y mejor podrá exercitar la vida contemplativa entre las obras activas.

La declaracion destas palabras sacaremos de otros lugares del mismo Santo: poque la intencion es acto de la voluntad, y mira al fin que en las obras ponenos: y quando el alma no esta aun reformada del desorden del amor propio, no pone la intencion puramente en el ultimo fin, que es Dios, sino en otros a quien ella esta viciosamente inclinada, y de aquello mismo viste el entendimiento : porque como la intencion es acto de voluntad, lleva tras si todas las fuerzas del alma; y assi embaraçada el alma con los objetos criados a que mira, no puede ocuparse en Dios. Pero quando esta ya purgada del amor propio, mira a solo el ultimo fin, y por el govierna todas las demas cosas interiores y exteriores, y con facilidad atiende a Dios entre las ocupaciones activas. Este nos declaro el mismo Santo en otra parte desta manera: En nosotros la ocupación exterior impide la pureza de la contemplación: pero quando dos operaciones se ordenan de tal manera, que la una es regla y razón de la otra, no se impiden entre si, antes se ayudan.

Pues quando Dios es fin de todas nuestras obras, y por el las governamos, juntamos la vida contemplativa con la activa, y aquella es forma desta otra, al modo del ministerio de los Angeles, aunque no con la perfeccion que ellos: y esto es propio de los que han alcançado ya habito de contemplacion, y de qualquiera artifice que tiene ya adquirida la ciencia de su arte que de la forma universel que della esta en el entendimiento, quando esta muy arraigado en el alma, y la ha penetrado intensamente con su luz: porque como tiene su assiento en la razon superior del hombre, y le ilustra con razones divines y reglas éternas, para que por ellas govierne y enderece los actos humanos; quando el obra desta manera, mezcla con facilidad la vida contemplativa y presencia de Dios con las obras activas, porque siempre en ellas mira a este fin.

Pero mientras el contemplativo no puede obrar con esta perfeccion, mucho trabajo le ha de costar este santo y utilissimo exercicio de la presencia de Dios. Porque como la potencia intelectiva es receptiva de muchas rosas, y esta acostumbrada a estenderse a ellas a su anchuras, con dificultad se reduce a la unidad de su propio objeto, que es Dios, mientras no esta perfecta, por algun habito infuso que la ordene y levante a el. Pero todo el trabajo que esto costare es bien empleado por las grandes utilidades que grangea al alma; y con la continuacion cuidadosa, ayudada de Dios, que no falta a los que hazen su diligencia, y fian en el, se viene a facilitar esta dificultad. Para el qual exercicio se puede valer de todas las consideraciones, sacalas de su razon, u de la vista y especulación de las criaturas, que pueden llevarnos a Dios: advirtiendo lo que a este propósito aconsejan San Dioniso y San Tomas, que el discorso de la razón le reduzga luego a la sencillez y pureza intelectual, para que el discorso sea provechoso, y aplique la intención mas al amor que al conocimiento, y mas al coraçon que a la cabeça. Y para persones sencillas y pocos especulativas, es medio fácil y muy excelente de presencia de Dios la del afecto, andando entre las obras activas con deseo amoroso de agradar a Dios en ellas; poque al amor acompaña el conocimiento; y adonde esta el amor, allí están los ojos: y este modo de levantarse a Dios por afecto, con aspiraciones frequentes del coraçon, de mas de ser exercicio mas provechoso, y mas descansado que el de la especulación, le hallara mas a mano, par avalerse mas de ordinario del.

CAPITULO XIX. Que por humilidad se sube a la contemplacion, y que no ay otro camino para llegar a ella.

Pero assi para la presencia de Dios, como para la contemplacion, se acuerde siempre el contemplativo, que es sabiduria de humildes y pequeñuelos, y que la suele el Señor dar estos, y esconderla a los confiados en su sabiduria y prudencia, por lo qual dio Christo nuestro Señor gracias a su Eterno Padre: y assi procure de tal manera hazer su diligencias, que quede siempre con humildad, pendiente de la liberalidad divina, conociendo que de si no puede nada, y esperando como pobre a las puertas de la divina clemencia. Porque impossible es, dize Iuan Gerson, llegar a la contemplacion verdadera por otro camino que por el de la humildad: y los humildes y sencillos son levantados a ella, que dando ayunos de su experiencia los sabios confiados, aunque aldancen la especulación della:porque escrito esta, que la sabiduría se acompagña de los sencillos, y habla con ellos; y que el Espiritu Santo reposa sobre los humildes. A cuyo propósito dize San Augustin : El Espiritu Santo no habita sino sobre los humildos de coraçon, porque Dios dize : Sobre quien reposara mi espíritu? Y responde a la pregunta : Sobre el humilde, y quieto, y que teme mis palabras.

Y al mismo propósito dize Santo Tomas, que por eso los Letrados no son todas vezes tan devotos como los sencillos, y ignorantes; porque non humillan a Dios tanto el coraçon, ni se ponen como ignorantes delante la Sabiduría infinita. Por la qual a los sencillos los ilumina Dios a modo de Angelos supeiores, por medio de aspirationes e ilustraciones interiores, sin ruido de palabras, ni varahunda de argumentos (como declara San Dionisio) y los va con esto perficianando secretamente, para unir los consigo por amor y semejança, que es modo de sabiduría mas alta que la se aprende por argumentos.

CAPITULO XX. Como han de caminar a alcançar esta humildad, assi los principiantes, como los aprovechados.

Y pues la humildad es el camino por donde se ha de llegar a la perfecta contemplacion, conveniente sera dezir algo de como se alcança esta virtud tan necessaria para caminar a Dios, y recibir del los medios de nuestra perfeccion. Esto no ensegño Santo Tomas diziendo, que con dos medios llega el hombre a acançar la humeldad: el principal de los quales es, por Don de gracia, que se recibe en Io interior, y de alli se deriva a los exteriores. El segundo y menos principal es, por estudio y diligencia humana; con la qual trabaja el hombre en enfrenar los actos exteriores contrarios a la humildad, y despues camina a extirpar la raiz de la sobervia que esta en lo interior. Dize assimismo, que aunque la regla de la humildad esta en el entendiniento, en quanto conoce las razones de nuestra debida humiliacion, para que no se levante el hombre a mas de lo que es: pero que la essencia de la humildad esta en la voluntad, en quanto abrasa con el afecto esta humillacion, y refrena el impetu del animo, para que no se estienda desordenadamente a cosas grandes.

Desta doctrina deste Santo podemos sacar el exercicio, que es propio de los que comiengan a tratar de oracion y mortificacion, y desea alcançar la virtud de la humildad, valiendose para esto de la meditacion, que es propia de su estado; y el que han de exercitar para esto mismo los que estan ya en estado de contemplacion. Porque los primeros han de trabajar mucho en refrenar los actes desordenados, que salen a lo exterior de los malos habitos que estan en el alma; y juntamente con esto valerse del discurso de la razon, para representar al alma las muchas razones que ay para que el hombre se hunille; y ponderarlas con eficacia, para procurar con esto introducir en el alma la humildad, en quanto es virtud moral, que en frene todos los movimientos de sobervia que se levantaren contra la humilde estimacion y modestia ; particularmente los del apetito sensitivo, en cuya reformacion las virtudes morales principalmente se exercitan segun la direccion de la razon.

Y porque esta direccion y exércicio necessario para ordenar bien la vida natural y humana no bastes para alcançar la virtud heroica y perfeccion sobrenatural, que nos viste de la semejança de Dios, para unirnos con el, en que nuestra felicidad consiste, ha menester el alma otro medio mas alto y tambien sobrenatural, que la proporcione con su fin, nos dan para esto humildad, que es Don de gracia, para que por ella no solo conozca el hombre los propios defectos que la razon descubre, y los aborrezca como contrarios a la misma razon; mas tambien para que conozca con la luz divina otros mas secretos, que a la razon se le escubrian, y confortaleza mas que ordinaria los enmiende. Assimismo nos la dan, para no solo no buscar la excelencia que reluce en los ojos exteriores, y llevar con paciencia el abatimiento exterior, sino tanbien para descarle: y no solo para descubrir sus defectos, de que otros no pueden escandalizarse, mas tambien para persuadir el credito dellos, y querer que de veras le tengan por imperfecto. Porque a estos actos de humildad tan esforçada y arraigada en la voluntad, no se llega por sola virtud moral, guiada de la razon humana, sino por ilustracion y influencia del Don divino.

Pues como estos dones sobrenaturales, y los aunentos dellos se comunican al alma contemnlativa, no en la oracion de discurso de nuestra razon, sino quando nos levantamos sobre elle a contemplar a Dios en luz sencilla de Fé, como declaran San Dionisio, y Santo Tomes (porque con esta se dispone el alma para recibirlos, cogito ya en otra parte declaramos) siguese, que assi como la humildad, que se alcança por estudio y diligencia humana, es exercicio propio de los que estan on estado de meditacion: assi a la que es Don de gracia se ha de caminar principalmente con el exercicio de la contemplacion. Porque aunque los contemplativos no estan excluidos del primer exercidio guardando el modo que queda declarado, rare exercitar las dellas virtudes de la vida activa en la contemplative: pero otro exercicio mas alto y mas provechoso de humildad se exercita en la contemplacion que es, mirando aquella immense grandeza y Magestad divine, conocer nuestra vileza y miseria, y estimarnos en lo que somos de nuestra cosecha, y con reverencia profundissima humillarnos delante de esta soberana Magestad: la cual reverencia dize Santo Tomas, que es la raiz y principio de nuestra humildad.

Assimismo, acordandonos del exemplo de la incomparable humildad de Christo nuestro Señor, que siendo Hijo de Dios, se humillo tanto por nosotros (valiendonos para este del concepto universal, que desta humillacion tiene hecho ya el contemplativo) se afrento el vil gusanillo de la tierra, de quererse estimer en algo, despues de tan eficaz doctrine como esto Señor nos die en su persona, mereciendo nosotros por nuestros recados la suma humillacion y abatimiento. Y como en esta contemplacion es el alma iluminada a lo divine, y inflamada a lo sobrenatural, no solo recibe el entendimiento luz superior de sus defectos; mas tambien la voluntad recibe la sustancia de la humildad, para que uniendose y abraçandose con elle, obre ya sus actes interiores y exteriores, no por discurso de razon, sino por cierta connaturalidad que tiene ya con esta virtud, arraigada en el alma habitualmente, como Santo Tomas lo declaro a semejante proposito.

De donde parece, que hasta que el contemplativo entra en exercicio de contemplacion pura y sencilla, donde se reciben los donos sobrenaturales de Dios, no se dispone para alcançar la perfecta humildad, aunque con las virtudes morales la exercite en la meditacion, y los demas exercicios de la vida activa; porque por ellas no se puede llegar a la perfeccion quo excede nuestra facultad natural: y poco importaria, que con el discurso de la razon se alcangasse la definicion, la sustancia y todas las circumstancias de la humildad, si la misma humildad no se imprimiesse y arraigasse en la voluntad, donde esta la essencia della.

CAPITULO XXI. De algunos efectos de humildad que tocan a los contemplativos.

Y aunque la humildad tiene muchos actos, y salen della muchos efectos, como frutos de su raiz, diremos algo de los que tocan mas de cerca a los contemplativos, como mas propios de nuestro intento. Toca pues a esta humildad no desear en la oracion cosas extraordinarias, no solo de visiones, y revelaciones, y raptus; mas tambien de exercicios virtuoses, que sean singulares y desusados, y que causan admiracion a los que los miran y oyen. Porque el buen espiritu, como es discreto, no mueve comunmente sino a causas ordinarias, y conformes a las fuerzas de cada uno, sin milagros, guiandonos por los caminos derechos, llanos, y trillados, y por este mas seguros que los extraordinarios y desusados, donde son mayores los peligros, y donde el mal espiritu haze mas astaltos. Por que como Dios es el Autor deste camino ordinario para el cielo, y guio por el a nuestros antepassados, inspiranos a que vamos por el, sin traspassar los limites antiguos, y trillados que señalaron nuestros padres. Y esto nos persuade el mismo Señor diziendo: No traspasses los termines antiguos, que pusieron tus padres: y el guardar esto, dize Santo Tomas, que es acte de humildad que pertenece al quinto grade della.

Mas el espiritu del demonio por el contrario nos inclina a traspassar estos limites, y a abragar casas nuevas, singulares, milagrosas, y desusadas, que causen admiration al mundo, para ganar credito de santidad con allas. De lo qual hizieron gran ponderacion los Maestros sabios, y muy experimentados en la vida espiritual: y assi uno dellos, y de muy gran autoridad en estas materias, dize a este proposito estas palabras: "Quando uno camina por el camino ordinario, y por la senda real de su estado con sencillo coraçon en todas las justificaclones de Dios, y que no aspira a las cosas altas y milagrosas que exceden su capacidad; sino antes caminando por tierra llana, sigue las reglas de vivir, instituidas por los santos Padres, ni traspassa los terminos que pusieron sus passados: de este tal no se debe creer facilmente que os engañado del demonio, si se dexa governar por consejo ageno, y se ajusta en las demas cosas a la regla de la discrecion.

Pero los que son amigos de seguir su parecer, y andar por el camino que ellos inventaron, dexando el carretero y real de las virtudes, y reglas de los Santos, y de sus mayores, son guiados de un governador peligrosissimo, y los va desperiando la propia opinion. Fatiganse con demasiados ayunos, desvelanse con largas vigillas, secanse el celebro con lagrimas; y Ilevados destas cosas, no creen las amonestaciones de otros, ni curan de sus consejos para governarse con mas templança. No cuida de comunicar Letrados, y consultados los deprecian, porque presumen ya de si alguna cosa mas alta, y piensan que ellos saben nejor que otros lo que les conviene. Destos tales bien le puede tomer, que caeran presto en grandes ilusiones del demonio; porque van caminando con demasiada velocidad, y ciega precipitacion. For lo quel es cosa muy saludable, para evitar este peligro, el consejo del varon prudence, y que el hombre no sea sabio en sus ojos, ni estribe en su prudencia." Todas estas son palabras de este Maestro doctissimo, y muy experimentado.

Y aunque algunas vexes inspira Dios, para gloria suya y exemplos esforgados de su Iglesia, algun modo de vida particular y extraordinaria a sus Santos: pero como no todas las aves tienen tan levantado buelo como el Aguila, ni todos los animales tan veloz carrera como el Tigre, tampoco el buelo de los espiritus puede ser igual, ni todos los contemplativos caminar a Dios con igual carrera: y quanto es de nuestra parte, avemos de huir toda singularidad de vida extraordinaria, poniendo la santidad en hazer las cosas ordinarias de nuestro estado con modo excelento, y amor y pureza extraordinaria. Y regulamente no acostumbra nuestro Señor inspirar cosas extraordinarias al que no esta fundado en profunda humildad, ni al que es muy tentado de vana gloria, porque no le sean ocasion de caidas: antes se puede presumir, quo los poco humildes son llevados a cosas somejantes de su espiritu vano, û del demonio, con capa de mayor santidad.

Assimismo es acto de humildad no presumir de si por lo que recibe en la oracion, ni anteponerse en su estimación a otros que no son assi consolados de Dios, ni tenerse por mejor que ellos: antes tenerlos por de virtud mas solida, y pensar que a el, como a mas flaco, le trata Dios con mas regalo. Assimismo, el encubrir quanto pudiere los dones de Dios, y descar quanto es de su parte que no sean sabidos, sino de quien le huviero de guiar; y manifestar de mejor grana sus defectos que sus virtudes. Assimismo, desear de coraçon ser despreciado de los hombres, no solamonte en las cosas honorosas que el mundo estima, mas tambien en materia de virtud, gustando de ser tenido por imperfecto. Pero aunque no luego pueda alcançar el contemplativo estos efectos de humildad perfectamente, no por ese se desanime, ni desconsuele; porque aunque esto sea Don de Dios, y se alcança en la contemplacion, no en un instante, sino poco a poco, perficionandose las potencias para exercitar estos actes, como ellas se van perficionando en si, con los habitos de las virtudes y dones infuses, corso en otra parte declaramos.

CAPITULO XXII. En que se cifra toda la perfeccion de un verdadero contemplativo.

Finalmente damos remate a este brevo tratado con dezir, que en dos cosas esta cifrada toda la perfeccion de un verdadero contemplativo. La primera, en disponerse para ser promptamente movido de la inspiracion y influencia divina. Y la segunda, en reducirse de la multiplicidad que en potencia tiene de su cosecha a la unidad con que se assemeja y proporciona con Dios, para quo le junte consigo, y le mueva como a instrumento suyo: y todo esto se haze en la contemplacion, porque quanto a la primera, como, segun la doctrina de Santo Tomas, la perfeccion del movido es la disposicion que tiene, para que le pueda mover bien su motor; y la contemplacion no sea otra cosa, que una promptissima y alta disposicion en que se pone el alla, para ser movida sin estorbos de la operacion de Dios, de quien ha de recibir los dones sobrenaturales con que se ha de perficionar y unir con el: entonces estara mas bien dispuesta el alma para ser desta manera movida, quando ella dexa su operacion activa para hazerse instrumento de Dios, y ser movida del passivamente. Y para que esta disposicion sea mas prompta y mas perfecta, le dan estos dones sohrenaturales: porque assi como las virtudes morales sirven para hazer al alma prompta on lo natural, para ser movida de la razon; assi los dones del espiritu Santo sirven para disponer a lo sobrenatural, para ser promptamente movida de Dios; y quanto mas arraigados estuvieren en el alma, tan mas bien dispuesta estara para esta mocion divina. Y para todo esto aprovecha la contemplacion de Ifè sobre nuestra razon, pues en ella (como ya vimos con la doctrina de San Dionisio, y Santo Tomas) se haze el alma toda de Dios, para ser governada y movida por el, y recibe alli estos divinos dones.

Y si alguno dixere, que sin la contemplacion puede uno ser perfecto, le respondere con Santo Tomas, que aunque con todas las obras con que se aumenta la caridad se aumenta tambien la perfeccion (porque ella informa todas las demas virtudes y dones, en quanto es semejança del primer don, que es el Espiritu Santo) pero como el que ha de hazer una grande y dificultosa jornada, Ilegara tarde y con mucho trabajo por su pie al fin della; y con mas brevedad y descanso, si va en cavallo ligero, o en nave con buen viento: Assi tambien llegaria tarde, y con mucha dificultad a la perfeccion el que quisiesse caminar a ella por su pie; esto os, con solo las obras activas, y no por media de la contemplacion, que es como nave divina, que nos lleva con viento prospero, y navegacion segura desde la tierra de nuestra miseria al cielo de nuestra felicidad, a unirnos alli con Dios, y recibir del nuestra perfeccion: y por esso todos los Santos fueron grandes contemplativos, y en esta dichosa nave llegaron al puerto de su bienaventurança, azia donde nosotros aora caminamos.

quanto a la segunda, todo Io que San Dionisio aprendio del Apostol su Maestro, de la luz quo le dieron en el tercero cielo, en orden a nuestra contemplacion (como el lo confiessa y declara protundamente en la carte quo escribió a Tito) esta cifrado en reducir al alma contemplativa de la multiplicidad a la unidad, y de la distincion y variedad de los discursos y actos de la razon, a un acto sencilla, unico, puro, universal, e indistinto de nuestra inteligencia, ilustrada de la luz de la Fé, sobre la imaginacion y la razon, con el animo no dormido, ni caido, sino despierto, y levantado a Dios, y suelto de todas las cosas, como el mismo Santo lo Persuade en otra parte muy de proposito. Y esta misma unidad y sencillez pretende el Espiritu Santo introducir en nosotros con su influencia, y quitar de nuestras almas la desemejança de multiplicidad, que tiene de su cosecha nuestra potencia, para assemejarnos a el en uniformidad sencilla, con que dispone al alma para vestir la del habito de caridad, y de los demas dones sobrenaturales con que la ha de unir consigo, como magistralmente lo declaro Santo Tomas con la autoridad del mismo San Dionisio a nuestro proposito. Y por esto a la luz y influencia divina con que Dios nos santifica, llama el mismo San Dionisio virtud unifica; y da la razon desto diziendo, que nos restituye y reduce a la unidad y senciliez de Dios, a la qual llama tambien deifica, porque con esta sencillez haze al alma en cierta manera endiosada, y muy parecida a su Criador.

Enla declaraclon de las quales palabras dize un expositor deste Santo, acerca desta unidad sencilla y endiosada las siguientes: "Hase de advertir, para entendimiento desto, que en esta vida no recibimos inmediatamente la luz increada de Dios, para contemplarla en si misma, sino recibimosla por medio de los dones gratuitos y sobrenaturaies, particularmente por la luz de la Fè, por la influencia de la caridad, y por el don de sabiduria: los quales, como se van apoderando del alma, la van reduciendo a sencillez y unidad en Dias, y haziendola en cierta manera divina y endiosada, por semejança con su principio, para ser un espiritu con el, y hija adoptiva suya, como dixo el Apostol; y por estos dones nos unimos con Dios en la contemplacion, para amarle y gozarle, aunque no con la perfeccion y continuacion que en la patria, sino con muchas interpolaciones y renovacionnes. Todo lo qual toco copiosamente el Apostol San Pedro, quando dixo: El Señor os dio unos dones preciosos, para que par ellos seais hechos participantes de la divina naturaleza. Pues estos dones sobrenaturales del Espiritu Santo nos confirman con su Autor, y nos reducen, y en cierta mariera transforman en el."

Esto dixo a nuestro proposito este Autor y el Apostol San Pablo lo cifro, y todo lo que se ha dicho en este capitulo, y todo lo que se puede dezir acerca de nuestra contemplacion, en unas breves palabras en otra parte referidas, quando dixo: Nosotros contemplando la gloria del Seelor con faz descubierta de velos somos transformados en la mima imagen de claridad en claridad, como movidos del Espiritu del Señor. Las quales declaran de nuestra contemplacion Santo Tomas con otros Santos y Autores graves, y mas en particular San Buenventura el qual a nuestro prorosite dize assi: "Porque no es otra cosa contemplar la gloria del Señor con Paz descubierta de velos, sine que quitando de delante todos los medios, y estorbos que se donen entre la luz divina y la faz de nuestra inteligencia (que como velos le impiden que la ilustre y beatifique) sea levantada a la participacion de los resplandores de la eternidad, y tranquilissima paz de los Bienaventurados. Y que otra cosa es ser transformados en la misma imagen los que desta manera contemplan, sine que apartados de nosotros mismos, y anegados en Dios, y participando de Io que contemplamos (llegando como a beber de la corriente caudalosa de los deleitea celestiales, aunque con el limite de caminantes) ser en cierta manera transformados de terrenos en celestiales, de carnales en espirituales, y de hombres en Angeles? Y bien dize, de claridad en claridad, como movidos del Espiritu del Señor: porque guiados como de la mano del Espiritu Santo en esta contemplacion, sonos llenos de divines resplandores, quando en ella vamos subiendo de un conocimiento en otro, y de una iluminacion en otra."

Desta manera nos declara San Buenaventura estas palabras del Apostol, y el estado altissimo a que esta contemplation nos levanta con tan grandes utilidades: de las quales fue proxima disposicion aquel mirar el alma a Dios revelata facie, y Dionisio dixo, revelata mente, que es lo mismo; y declarandole Santo Tomas, y que velos son estos que se ponen entre Dios y el alma, y se han de quitar para esta contemplacion, dize, que son las semejanças que procedieron de la fantasia, y anublan, y escurecen al alma, que no se levanta a conocer las cosas espirituales sobre las corporales, y las divinas sobre la razon humana: y por esto es impedida de la comunicacion pura y estrecha do Dios, porque no le busca con la disposición con que le ha de hallar, para recibir su ilustracion y influencia como en su fuente.

De esta indisposicion para hallar a Dios en la oración, los que le buscan con el alma embuelta en sus propios conocimientos, y no desnuda dellos y vestida de la luz de la Fè, haze San Dionisio un argumente palpable diziendo: "Si las divinas letras dizen, que puso Dios su morada en las tinieblas (porque habita en una luz inaccessible, que por el excesso que haze a nuestro entendimiento, es para el escuridad, como la del Sol a la lechuça) claro es, que para hallar a Dios, avemos de entrar a buscarle en estas luminosas tinieblas, sobre todos nuestros conocimientos. Y assi aquellos solos dize que le hallan de verdada y a solos aquellos se les comunica sin estorbos, que lebantandone sobre todas las cosas criadas, no solo materiales, mas tambien espirituales, se entran en la escuridad de la luz de Fè sobre todos los demas conocimientos particulares, aunque sean de luzes reveladas en particular: porque la luz de la Fè es la luz mas divine, y mas cierta para hallar a Dios."

Esta altissima y profundissina doctrina verifica este Santo con el exemplo de Moisen, que subiendo a hablar a Dios en el Monte Sinaï despues de averse apartado de toda humana compañia, y subido a la cumbre del Monte, le rodeo una niebla, que lo uso en escuridad de todas las cosas, y alli le hablo Dios. Pero aunque este exemplo es simbolo de nuestra contemplecion, como en otra parte vimos; otro refieren las divinas letras, que mas derechamente habla con nosotros, y nos da vozes de mas cerca, que es el de aquella misteriosa comunicacion divina con que fue ilustrado nuestro Padre elgran Profete Elias en la cueva del Monte Horeb. Donde despues de ser recibido diferentes ilustraciones particulares y misteriosas, de otros grados inferiores de contemplation, en que aun no venia Dios (porque en todos ay medios de velos entre Dios y el alma, que le impiden su comunicacion pura y sencilla) quando el Santo Profeta se quiso disponer para recibir la ilustracion de Dios universel y sencilla (donde el, como aqui dixo San Dioniso, se comunica al alma de verdad y sin estorbos) se cubrio el rostro con la capa, como quien se acomodava en la disposicion con la influencia; y esperando con anima sencillo la influencia sencilla, paratava la vista no solo de las cosas a que su conocimiento natural se podia estender, mas tambien de las que sobrenaturalmente se le avian comunicado alli con distincion particular, diaponiendose sobre todas ellas en escuridad de Fè para esperar en alla a Dios, como Moisen en la niebla: y entonces recibio aquella influencia, y ilustracion divina altissima, del silvo de la marea delicada, donde le hablo Dios, y le comunico sus secretos, y lo que avia de hazer en su servicio. Y en dezir, que esta iluminacion y influencia era delicada, significo su sencillez, y por el consiguiente su unidad y universalidad: porque como declara San Dionisio, quanto la influencia y iluminacion divina es mas sencilla, tanto es mas universel, y tanto mas se llega a la unidad y pureza de Dios.

En esta vision misteriosa dizen los Autores, que tratan de nuestras antiguedades arrimadas a la Escritura que mando Dios al Santo Profeta, que fundasse sobre aquel cimiento una Religion de contemplativos, lo qual el puso luego por obra: y en la vision le die la Regla y fundamento de su instituto, y le represento, no en letra muerta, sino en espiritu vivo, como a cabeça, la ocupacion para que escogia a sus hijos, como adoradores verdaderos de Dios en espiritu y verdad, dexadas las sombras y figuras: Y alli començo luego el Santo, como Maestro original, a enseñarnos la disposicion con que aviamos de buscar a Dios en la oracion, para hallarle, cubriendo el rostro con la capa; esto es, escondiendo el entendimiento de todas las cosas criadas, aunque mas alias sean, y de todos sus objetos y conocimientos: y entrando en esta luz inaccessible en que Dios habita, y en estas tinieblas misticas y luminosas donde Dios mora, le busquemos con sola la luz de Fé, en unidad sencilla. porque alli le hallan los verdaderos contemplativos, i alli les comunica este dichoso y suavissimo silvo de la marea delicada y divina, y les habla y enseña a hazer su voluntad; aunque el alma en quiense obran estos erectos, no los conoce todas vezos.

Bien conocian esto los Religlosos antiguos, nuestros mayores, y quo a esta ocupacion de Angeles los avia llamado Dias: y por esso se preciavan tanto de ella, y de no perder de vista esta unidad sencilla en la contemplacion, que hablando dellos S. Dionisio, como consta de S. Geronimo, y de Filo , dize, que los Apostoles, entre otros renombres de gran excelencia que les dieron, los llamaron Monges, que viene de la palabra Griega Monas, que quiere dezir Unidad, por la unidad endiosada con que se dedicavan a Dios en la contemplacion intelectual, pura, y sencilla. De que daremos mayor noticia en los tratados de nuestra Escala mistica, y donde con el favor divino se declararan mas de proposito las materias que en este tocamos tan de passo, y otras que passamos en silencio, de los efectos sobrenaturales que obra Dios, en las almas contemplativas, con las advertencias y avisos que acerca dellas nos dan los Santos y Maestros experimentados, para huir los engaños del demonio, sin atar las almas bien encaminadas, ni estorbar al espiritu del Señor en ellas; como sucede quando las atormentan con temores inutiles, donde los Santos non los quitan, dexando de temer, donde suele aver mayor peligro.



Segunda parte de la Subida del alma a Dios : De la entrada del alma al Parayso Espiritual (1659)


[Brève présentation]

Cette seconde partie est essentielle à mes yeux.

Elle a été complètement négligée dans l’étude du Dictionnaire de Spiritualité parue en 1938, certes à une époque peu favorable à l’approche mystique 46. Cependant Quiroga a toujours été reconnu comme une source majeure incontournable. Et ceci même dans l’étude que nous venons de citer. Peu favorable à Quiroga, elle tente d’établir une grande place à une « contemplation acquise » et cite exclusivement la première partie de la Subida (1656). Depuis, grâce aux traductions d’un texte de combat par Jean Krynen et par le P. Max Huot de Longchamp, l’ Apologia que nous reproduisons ici en fin de volume, la situation a été modifiée. Mais le contenu plus irénique reste oublié. Un sondage sur le net n’a rien offert de plus récent, hors publication de la Vida y virtudes par Fortunato Antolin (1992). Une enquête auprès du Carmel espagnol est en cours par un carme ami de Toulouse.

Cette seconde partie constitue un complément majeur aux écrits de Jean de la Croix. On sait que des écrits majeurs du Docteur de l’Eglise ont été amputés selon Cognet ou perdus.

J’ai utilisé pour sa reprise une copie faite sous papier carbone. Je l’ai découverte dans la bibliothèque de Solesmes. Personne n’a pu me renseigner sur son origine. Elle fut probablement préparée en vue d’une édition possible autour des années 1930 par dom fr. Ph. Chevallier. Ce moine de Solesme est connu pour ses études sur Jean de la Croix (entre autres il publia dans la Revue carmélitaine des extraits de la Historia de la Vida y Virtudes… sous le titre : « La pauvreté de l’âme qui chante le Cantique spirituel », contribution reprise supra).

La copie carbone est identique à l’imprimé de 1659 (qui me reste à retrouver). L’imprimé diffèrerait peut-être assez largement du manuscrit intitulé « Entrada del alma al paraíso espiritual donde se goza en la contemplación divina el Reino de Dios, que está dentro de nosotros mismos » ? Car le parallèle offert par la reprise de dom Chevallier de chapitres de l’Historia manuscrite le font supposer.

Ce manuscrit est référencé à l’aide du lien :

http://www.europeana.eu/portal/fr/record/9200376/BibliographicResource_3000100237234.html

J’espère recevoir bientôt sa reproduction permettant d’entreprendre un travail complémentaire.

Libro primero, de la entrada del Alma al Parayso Espi­ritual

CAPITULO I. De las comunicaciones sobrenaturales a que suelen serlebantados algunas almas en la contemplacion Divina muy ilustrada.

En la primera parte de la subida del Alma, declara­mos la substancia, y los me­dios de la contemplación Divina, que podemos exercitar a nuestro modo humano, por medio de la luz de la Fé y de los auxilios comunes de la gracia. Y en esta segunda parte declararemos la otra mas elevada, a que somos lebantados por auxilios particulares sobre nuestro modo humano, tocando los principales grados, que las ilustradas experiencias de los San­tos nos dexaron expressados desta; por­que como dize San Buenaventura, aun­que los grados por donde caminamos a esta contemplación elevada, como por es­calones de nuestra disposición son limitados; pero los de la misma contemplación son tantos, quantas elevaciones sobrena­turales tienen las almas contemplativas movidas de Dios, en las quales seguiremos principalmente la noticia ilustrada, que della nos dá nuestra gloriosa Madre Santa Teresa, y su Venerable compañero fray Iuán de la Cruz en sus tratados místi­cos, por auersido los que con mayorddistincion trataron de estos recibos de Dios tan sobrenaturales y lebantados.

Y porque tengamos alguna mas par­ticular noticia de estos dos términos, que usa Santo Tomas a nuestro modo, o sobre nuestro modo, se ha de advertir con­templar el hombre a Dios en esta vida, ha menester dos medios. El primero, alguna semejanza del mismo Dios. El segundo, luz conque el entendimiento se estienda a contemplarle. Los quales dos medios se toman en la contemplación especulativa del conocimiento natural, aunque este ilustrado de la Fé, aprovechándose de las semejanças de las criaturas, y de la luz del entendimiento agente; porque para re­presentar con ella a Dios, aunque sea en aquel concepto sencillissimo, nos vale­mos para formarle de las semejanças de nuestro conocimiento natural, y defor­mamos, y representamos a nuestro modo connatural, y por esto podemos usar del quando quisiéremos: Mas en la contempla­ción sobrenaturalmente infusa por medio de los dones del Espíritu Santo, assi la luz, como las semejanças con que contemplamos a Dios se nos comunican graciosamente a lo sobrenatural, y lebantan el entendimien­to sobre su modo humano. A cuyo propo­sito dlxo Santo Tomas, quando Dios nos halla con alguna ilustración interior, no nos representa su essencla, sino alguna se­ñal della, que es alguna semejanqa espiri­tual de su sabiduría.

Esto, pues, assi entendido, antes que entremos en la declaración destas eleva­ciones sobrenaturales, que lebantan el al­ma contemplativa sobre au modo huma­no, conviene que nos acordemos de lo que se dixo en la primera parte de los tres mo­vimientos del alma, con que camina al co­nocimiento y amor de Dios en la medita­ción, y contemplación, conviene a saber, derecho circular, y torcido, porque qual­quiera dellos tiene sus elevaciones, y re­cibos sobrenaturales. Las elevaciones que tocan al movimiento derecho, son las que caminan de lo sensible a lo intelectual, pa­ra guiar nuestro Señor el alma imperfecta a su modo connatural de esto visible, que conoce a lo invisible, que ignora; y de lo sensible, y grosero, a lo intelectual, y sencillo, donde su Magestad habita en el al­ma, y se le comunica a lo familiar, y favo­rable.

Las comunicaciones sobrenaturales, que tocan al movimiento torcido, cami­nan al contrario, porque se comunican en lo interior del alma, y de allí se estienden a los actos exteriores, para poner por obra las las mociones de Dios, y bolvernos despues a unir mas intimamente con el, y a vestirnos de su Deifica sencillas, como dize San Dionis. Las que tocan al movi­miento circular, son las que proceden de iluminaciones divinas, recibidas en el acto superior por especies intelectuales, sin figura, ni forma sensible, y son siempre acerca del Criador, y de sus Divinas per­fecciones, y como comunicaciones mas perfectas, y de mayor dignidad, perficionan mucho al alma, como declara el mis­mo Santo en la semejança de Dios para la union Divina, y no la sacan a los actos in­feriores, antes la unen mas intimamente con el, y las llama Santo Tomas por ex­celencia Espejos Divinos, porque cada una dellas es como un espejo, en que se vé una alta semejança de la verdad Divina, o de otra de las perfecciones de Dios, según lo que su Magestad quiere comunicar al que las recibe. Esto, pues, assi tocado en universal destos recibos sobrenaturales, tra­taremos en particular dallos.

CAPITULO II. De la primera elevación de la parte sensible, que es recogimiento infuso.

La primera elevación sobrenatural, y propria del movimiento derecho, es la que nuestra Madre Santa Teresa llama oracion de recogimiento, por estas palabras. Esta oración es un recogimiento, que tam­bién me parece sobrenatural, porque no es esta en escuro, ni cerrar los ojos, ni consiste en cosa exterior, puesto, que sin quererlo se haze esto de cerrar los ojos, y desear soleda, y sin artificio parece que el edificio se vá labrando para la contemplacion; porque estos sentidos, y cosas exteriores, parece que van perdiendo su derecho, pa­ra que el alma vaya cobrando el suyo, que tenia perdido. Hagamos cuenta, que estos sentidos, y potencias, que ya he dicho, que son la gente deste castillo, y que viendo su perdición se van ya acer­cando a él. Viendo ya el gran Rey, que está en este castillo su buena voluntad, los quiere tornar a él, y como buen Pastor, con un silvo tan suave, que casi ellos mismos no lo entienden, haze que conozcan su voz; y tiene tanta fuerça este silvo, que desamparan las cosas exteriores en que estavan ocupados, y metense en el castillo.

Y no penséis que esto es adquirido por el en­tendimiento, pensar dentro de si a Dios, ni con la imaginación, imaginándole en si. Bueno es esto, mas otra cosa es la que digo, que esto cada uno lo puede haszer, con el favor de Dios. Mas lo que digo es de diferente manera, que al­gunas vezes, antes que comience s pensar en Dios, ya esta gente está en el castillo, que no sé por donde, ni como oyo el silvo de su Pastor, que no fue por los oidos, que no se oye nada, mas sién­tese notablemente un recogimiento suave en lo interior, como lo verá quien passa por ello, que yo no lo se declarar mejor. Parece me que he leí­do, que es como un herizo, o tortuga, quando se retiran azia a si: devialo de entender bien quien lo escrivio; mas estos ellos se entran quando quieren; acá no es en nuestro querer, sino quando Dios quiere hazemos esta merced, y es gran dis­posición para poder escuchar, como aconsejan al­gunos libros, que procuren no discurrir, sino estarse atentos a ver lo que obra el Señor en el Alma.

En estas palabras significo nuestra Maestra insigne, a su modo sencillo, con gran propriedad, la substancia della elevación primera de la parte inferior del Alma. Y lo primero en dezir, que este silvo espiritual le da el Pastor Divino, quan­do vé, que la gente del castillo trabaja por acercarse a el, significo, que el recogimiento adquirido dispone para el infuso. Loqual persuádanlos Autores místicos con un exem­ple de la experiencia ordinaria. Vemos, dizen, que quando se pone a los ojos del Sol un vidrio concabo, y recogido, y debaxo del alguna materia seca, y acomodava al fuego, se prende presto en ella, por la eficacia de los rayos del Sol, alli recogidos. Y assi también, quando las fuerças sensibles están recogidas, y unidas en­tre si, con mayor eficacia son embestidas de los rayos del Sol Divino, para prender fuego en el coraçon, y levantarle a Dios, como a esfera deste fuego.

Assimesmo en dezir, que este recogi­miento suave no es adquirido por el en­tendimiento, ni por la imaginación le di­ferencia del recogimiento, y su avidad adquirida, que procede de la misma operación del entendimiento; porque como a este proposito declara Santo Tomas, a cada cosa es delectable la operación que le es convenientes y como los ojos se deleytan en ver hermosos colores, y los oidos en oir músicas muy concertadas, assi tam­bién el entendimiento se deleyta en con­templar la suma verdad, que es su proprio objeto, y en la armonía, y consonan­cia de las demás verdades que proceden della : la qual suavidad adquiere el entendi­miento con su propria operacion ayuda­da de la gracia ordinaria, como la misma Santa lo declaro con mucha propriedad el cap. I de la morada 4 pero esta otra sua­vidad, y recogimiento, que llama nuestra Maestra silvo del Pastor Divino, procede del objeto de la misma contemplación, que es Dios, aunque de diferente manera en los aprovechados, que en los principlan­tes; porque en los aprovechados procede esta suavidad (que San Dionisio llama man­tenimiento fuerte, y durable) de la con­templación intelectual de las cosas Divi­nas, y se recibe en la parte superior del Alma, como en sugeto inmediato de los efe­ctos de la gracia: y quanto el objeto Divi­no desta contemplación fuere mas ama­do, tanto será mayor la suavidad que reci­birá el alma en contemplarle.

Y porque en los principlantes está aun el amor muy flaco, y tibio, suple la Divina bondad esta flaqueza, comunicandoles esta suavidad por redundancia de la parte superior a la inferior, como en pre­mio, dize Santo Tomas, de que la parte sensible, también a su modo, concurre con la intelectual en el servicio de Dios, sus tentandolos con esta leche espiritual, co­mo a niños en la virtud, para que crezcan en su amor; y assi la llama con este nom­bre de leche el Apostol san Pablo, y san Dionisio su discípulo, en la declaración deste lugar de su Maestro, la llama Man­teamiento liquido, y derramado, conviene a saber, de la parte intelectual a la sensible: Y añade, que con esta suavidad los va co­mo llevando la Divina Sabiduría de la ma­no, de la multipliciada de las cosas en que se ocupa la meditación, a la contempla­ción unida, firme, y sencilla de luz de Fè. Assimismo con esto les abre la puerta de su dulce comunicación, que ellos con su diligencia, ayudada de la gracia común, no sabían abrir: Lo qual significo el mis­mo Señor por San Juan en una de sus reve­laciones, quando dixo: Advierte, como he puesto delante de ti la puerta abierta, porque tienes aun poca virtud y deste re­galo, que suele hazer nuestro Señor a los nuevos contemplativos, para que no desfallezcan en sus devotos exercicios, tra­tan largo San Gregorio, y autores mysti­cos. Pero conviene advertir, que algunas vezes anda la bondad Divina tan larga con ellos, que los prevenie con esta suavidad, como despertandolos a su amor, y comu­nicación, y entonces no es oración, ni me­ritoria, hasta que el alma que la recibe la haze acto deliberado, aplicando a Dios el entendimiento, y la voluntad.

A este suavidad espiritual llaman los Autores uno como seminario de la oracion mental, con que el Espíritu Santo previene, y despierta a los contemplativos, particularmente a los que no están aun muy fuertes en su amor, y con este so­corro las esfuerça mas en su fin : y por esso dixo Santo Thomas, que era proprio del deleyte perficionar la operación; porque el que se deleyta en lo que obra, con ma­yor vehemencia insiste en su operación, y con mayor diligencia la procura. Pues con esta suavidad, y leche espiritual, comuni­cada al apetito sensitivo, que esta en el coraçon corporal, se recogen asía el mismo coraçon todas las fuerças sensibles, y se sunan allí; y el afecto inferior en sintien­do la suavidad del rocio celestial, se abre, y estiende azia lo que goza, para entre­garse mas intimamente a su objeto de don­de esta suavidad procede, y a su modo, y según su capacidad se aplica, y proporcio­na con el movimiento intelectual, y no im­pide, sino antes ayuda al buelo del espíri­tu a las cosas Divinas. Para el quel efecto dise San Dionisio que se les concede este socorro : y como qualquiera virtud tanto es mas eficaz para obrar, quanto está entre si mas unida, assi también según la ma­yor union del alma en si misma, podra con mayor facilidad, y duración lebantarse a Dios con los actos superiores desta prime­ra elevación del alma, y de todas sus cir­cunstancias, en que aquí no nos embara­zamos mucho, tratan muy a lo largo algunos Maestros mysticos, donde los po­dra ver quien las quisiere ver mas de pro­posito.

CAPITULO III. Que los recogimientos infusos de la parte sensible, son llamamientos de Dios a la contem­plación intelectual.

De esta declaración que haze S. Dio­nisio a las palabras del Apóstol su Maestro, sacamos una advertencia muy substancial para el buen logro desta sua­vidad espiritual, que se nos concede en estos recogimientos de la parte sensible, conviene a saber, que es común llamamien­to, que haze Dios al alma azia su inte­rior, para que dezando ya de buscarle fue­ra de si con discurso inquieto en la multi­plicidad de las criaturas, y en sus semejanças, le busque dentro de el misma en unidad quieta, y sencilla sobre todas estas semejanzas, como la Fè se lo representa a lo imenso, e incomparable ; porque esta suavidad con que recoge Dios al alma a su interior, es como una voz Divina con que la llama a su intima comunicación, y por esto la llamo silvo nuestra Maestra. Y el mismo nombre le puso la Escritura Sa­grada, quando con el dispuso al Profeta Elias nuestro Padre original para esta co­municación intima; y quando Dios la lla­ma tan a lo conocido con voz tan espiritual, y delicada, es necessario que el alma le responda, no a lo sensible, que es lengua getosco para Dios espíritu purissimo, y sencil1issimo, sino también a lo espiritual, y sencillo, a cuyo proposito dize S. Ber­nardo. Mas le agrada al Esposo que le ha­blen, y contemplen en espíritu: y por es so, entre las alabanças de la Esposa, seña­la esta, que en su contemplación tiene los ojos de paloma, conviene a saber, espiri­tuales. Y declarando luego, como en sin­tiendo el llamamiento del Esposo, le res­pondió al modo del mismo llamamiento del Esposo, y dize, que se lebanto a con­templarle con ojos sencillos in sublimem mentía verticem; esto es, en lo superior del alma. Esta cortesia, y reverencia del alma en responder a lo espiritual a los llamamientos de Dios, pondero San Gregorio, aunque a otro proposito, con unas pala­bras muy convenientes, diziendo : Quando la naturaleza incomprehensible habla a la na­turaleza invisible, cosa digna es, que nuestro en­tendimiento, que excede la calidad de las hablas corporales, y sensibles, suspenda las acciones de las potencias inferiores, y se lebante a escuchar a Dios con las espirituales, en los modos sublimes, y menos conocidos de la comunicación intima.

Este modo de escuchar, y hablar a Dios a lo espiritual, en respuesta de sus lla­mamientos, nos significo el mismo Señor en muchos lugares de las Divinas letras; porque de esta manera dize David que le escuchava, convertido àzia su interior, y bueltas las espaldas a todas las cosas exte­riores para recibir en paz sencilla la ha­bla, y operación de Dios en su alma. En esta misma escucha se ponía el Profeta Habacuc, quando dezia : Estaré sobra mi custodia, y assentaré al passo sobre mi mu­nición, y contemplaré para ver lo que me dirán; que fue dezir, que sobre el discurso de la rason, que es la guarda natural del alma, y sobre las semejanzas de la fanta­sía, que es la depensa, y oficina de las re­presentaciones del conocimiento natu­ral, escucharia lo que Dios le hablara, y allí assentaria su comunicación para los recibos sobrenaturales. Esta misma escu­cha, y lo cortesía, y reverencia con que nos avemos de disponer para la comuni­cación intima de Dios, nos enseño nues­tro Padre original, quando oyendo la voz Divina en aquel silvo sencillo, y sutilissimo, se cubrió el rostro con la capa, cumpliendo lo que de san Gregorio queda re­ferido, y suspendiendo las acciones de las potencias inferiores, para lebentarse a es­cuchar a Dios con las superiores, en lo mas sublime espíritu.

Pues como todas las comunicaciones sobrenaturales, que haze Dios en las po­tencias sensibles, dize San Dionisio, que se ordenan para lebantar el alma de lo co­nocido, y distinto, a lo no conocido, y sen­cillo, conviene que para esto mismo se aproveche el alma dellas, y que quando su Magestad la recoge, y habla por medio de esta influencia Divina, dexe el entendimiento todas las representaciones de su proprio conocimiento, en que estuviere ocupado, aunque sea para represantarle a Dios, y procure recorgerse da la multiplicidad inquieta de sus aprehensiones na­turales, a la unidad sencilla en escuridad de Fé, adonde le llaman como a Moysen dentro de la nube, que rodeava la cumbre del monte, donde habla a Dios, y no en la luz distinta. Para la qual subida le ayuda­ra la misma influencia Divina, que enton­ces se le comunica. También se ha de ad­vertir en estas comunicaciones, y recogi­mientos, que aunque el alma que los re­cibe estè todavía en estado de meditación, si ellos se continúan algunas vezes, es se­ñal que ya Dios la llama a la contemplación intelectual, y que para esto vá dispo­niendo las fuerças sensibles con esta suavi­dad; porque quando ella falte, estén ya acostumbradas, y como domesticadas para recogerse, y unirse entre si cada vez que el alma quisiere contemplar a Dios en uni­dad sobre toda la inquieta, y dividida multiplicidad.

Esto mismo nos significo la experien­cia ilustrada de nuestra Maestra en las pa­labras referidas en el capitulo passado, quando dixo, hablando deste recogimien­to infuso : Parece, que sin artificio se vá ya el edificio labrando para la contemplación; porque estos sentidos, y cosas exteriores parece que van perdiendo de su derecho, porque el alma vaya cobrando el suyo, que tenia perdido. El qual derecho es de poderse recoger a su inte­rior agozar allí del Reyno de Dios, que está dentro de nosotros mismos, como dixo el Salvador. A esto mismo se reduce la tercera señal, y la mas cierta de la saçon del alma, para pastar de la meditación a la contemplación, que nuestro Venera­ble Padre Fr. Juán de la Cruz puso en el li­bro de la Subida del Monte Carmelo; porque saborcada ya el alma con el Manjar Divino, que se le comunica en estos re­cogimientos en unidad de sus fuerças, gusta ya mas de estar en paz, y quietud unida, que de andar en división inquieta, discurriendo por las semejanças de las criaturas, y con esta quietud se dispo­ne para la contemplación in­fusa, y sobrena­tural

CAPITULO IV. Como se ha de obedecer a los llamamiento a de Dios en estos recogimientos, y acomo­darlos a nuestra segu­ridad.

También nos enseña nuestra Ilustrada Maestra como nos avemos de aver en estos llamamientos de Dios, para no impedir los favorables efectos dellos, diziendo : Ay personas, y yo he sido una dallas, que está el Señor enterneciéndolas, y dándoles inspiraciones santas, y luz de lo que es todo: y en fin dándoles este Reyno, y poniéndolas es esta oración quieta, y ellas haziendo e sordas, por que son amigas de hablar en la oración, y dezir muchas oraciones muy apriessa, como quien ca­da dia quiere acabar su tarea. Y aunque como digo, les ponga el Señor su Reyno en las manos, no le admiten, sino que ellas con su rezar, pien­san que hazen mejor, y se divierten. Esto no ha­gáis, hermanas, sino estad con aviso quando el Se­ñor os hiziere esta merced, miard, que perdéis un gran tesoro. Este desorden, que en estas palabras significo nuestra Santa, es tanto mas perjudicial al alma, quanto ella menos lo conoce : y assi es muy reprehendido de los Santos, y Maestros grandes de la Sabiduría mystica, y la desaucian de ser muy enriquecida de dones Divinos, mientras no respondiere promptamente a estos llamamientos interiores de Dios, porque cierta la puerta al bien, quando el Señor se le está comunican­do.

A cuyo proposito dize San Lorenço Justiniano, gran Maestro de esta Sabidu­ría escondida, estas notables palabras : A estas influencias Divinas de luz, o amor, nun ca se ha de resistir, qualquiera cosa útil que en­tonces se considerare, o se propone de conside­rar, se ha de dexar para otro tiempo, y con toda alegría de espíritu se ha de sugetar el coraçon a la influencia celestial, y sin resistencia obede­cerla, según la comunicación de la gracia; por­que repugnar, y no querer rendirse humilmente a Dios, que está llamando, no es otra cosa que secar las avenidas de la grada, è influen­cia Divina, cerrar en daño suyo, la puerta a la devoción interior, y tras esto llamar fuerte­mente contra si la ira de Dios: y por esso desia el Profeta: Terrible es Dios al que desecha el espíritu; y por lo mismo desia San Pablo : No querais apagar el espíritu. Todo esto es de este Santo ilustradissimo, donde po­demos conocer, quanto se desagrada Dios, que no reciba el alma con obe­diencia humilde, y quietud sencilla estas visitas, y recogimientos de su Divina influencia, dexando qualquiera otra devosion inquieta, por útil que parez­ca.

Porque es regla muy assentada de los Maestros sabios en la vida espiritual, que quando el alma está dispuesta para la devoción, y quietud de la oración mental, se han de dezar todos los me­dios inquietos, con que antes suelen des­pertarla a ella, lo qual dize Santo Tho­mas por estas palabras : En la oración que se haze en particular, se usa de la lección, y oración vocal, o de señales, y figuras para des­pertar la devoción interior, con que el espíritu del que ora se lebante a Dios: Pero solamente se ha de usra de estos medios quanto aprove­chan para esta devoción interior, mas si por ellos se distrae el espíritu, o de qualquler ma­nera se impide, no ha de usar satos medios: lo qual particularmente sucede en aquellos, cuyo espíritu, sin estas diligencias esta suficiente­mente dispuesto para la devoción. Esto dize Santo Thomas; y en nuestro caso no solamente esta el alma dispuesta en e sino con llamamiento sobrenatural de Dios nuestro Señor.

Al mismo proposito dise S. Loren­zo Justiniano estas substanciales pala­bras: En estando encendido el fuego de la devo­ción se ha de poner silencio a la boca, y cessar de la oración vocal, para que por un pequeño bieno se pierda un grandissimo. Y mucho se en­gaña el que siendo favorecido con la suavidad de la influencia Divina, no pone entredicho a la lengua, para que no impida la oración, y hue­lo del espíritu, sino fuere en aquel tiempo, que por obligación se ha de cumplir con el Oficio Divino. Y tanto tiempo se ha de quietar en es­te alegre exercicio de amor de Dios, quanto perseverare el afecto de devoción, y todos los medios, aora sean de oración vocal, aora de postraciones, aora de extensión de manos, ù otra qualesquiara, se han de encaminar a que el espíritu sea lebantado a Dios en la oración sin impedimento; porque el fin de la oración es este, que el alma se una con Dios por piadoso afecto de amor, llevando delante la luz del co­nocimiento Divino; y qualquiera que de otra manera se exerita, o busca otra cosa en la ora­ción, an a en tinieblas, y no sabe azis donde camina. Todo esto es deste Santo.

Finalmente, todo lo que los gran­des Maestros de este Sabiduría celestial persuaden a los verdaderos contempla­tivos, es la quietud, y silencio del espíri­tu en su propria operación, movida de su luz natural, y propria habilidad, por ser esta la disposición en que ha de reci­bir la Operación de Dios: Be la qual di ze el Apóstol, que es la que reforma nuestra humildad, a semejanza de la cla­ridad de Christo, y entonces se recibe en el espíritu del contemplativo, quando él se lebanta sobre toda su operación en luz de Fé, y se quieta en ella, como ya lo vimos en otra parte de la doctrina de S. Dionisio. Y assi, todos las vezes que es­te Sumo teologo nos encamina a la con­templación Divina, lo primero que haze, es disponemos para recibir en ella la operación de Dios, en quietud de to­das las de nuestra mocion. Y a esto mis­mo se encamina aquel callar el entendi­miento, y quedar mirando a Dios con los ojos de la Fè, y regal endose con él con los afectos amorosos, que nuestra Maestra aconseja. Y a este callar el en­tendimiento en sus operaciones natura­les, para recibir la de Dios a lo sobrenatural, llama Santo Thomas suspension intencional, donde el verdadero con­templativo aparta la intención de to­das las cosas, que proceden de los sentídos, y la aplica toda al conocimiento, y amor de las cosas Divinas, representa­das en la Fè. Y añade, que esto es proprio de qualquier verdadero contem­plativo amador de Dios; porque como dize San Juán Damasceno, Maestro ex­perimentado de nuestros desiertos an­tiguos, no se puede llamar oración men­tal, la que no tiene a Dios por Maestro, y recibe del inmediatamente los efectos de su Divina operación.

Otra utilidad muy importante re­fiere San Buenaventura, del lebantar el entendimiento a Dios en luz de Fè, en estos recogimientos suaves, que es po­ner el espíritu en seguridad, contra los engaños del Demonio, lo qual nos inti­mo por estas palabras: « Pero porque esta abundancia de consuelo, y alegría consiste en cierta dulçura admirable de el coraçon, siempre es mas seguro estar con rezelo: porque el Demonio acostum­bra transfigurarse en Angel de luz, y procura algunas vezes al hombre cosas semejantes, no para consolarle, sino pa­ra mancharle ocultamente, desvane­ciéndolo, para que se ensobervesca, y piense que ya es algo. Por lo qual, con suma diligencia se ha de advertir, que todas las vezes que huviere estos reco­gimientos dulces, se enderece a Dios la vista de la inteligencia sencilla, para que nuestra voluntad de ninguna mane­ra se aparte del, guiada de esta fuerte del entendimiento: y con esto, si conviniere deleytaraos, lo hagamos con solo Dios; y de esta manera, si esta suavidad fuere de Dios, se hara mas intensa: y si del De­monio, sequitará o por lo menos se dis­minuirá. » Todo esto es de San Buena­ventura y no solo sirve para esta eleva­ción primera, mas también para las de­mas comunicaciones sobrenaturales, que se reciben en la parte inferior del alma, donde puede alcançar la Opera­ción del Demonio, retirando al espíritu de las oficinas de la imaginacion, y apeti­to sensitivo, que él tiene muy a la mano, y poniéndolo en el lugar sagrado de los actos superiores del mismo espíritu, donde queda inmediato a Dios. Y este mismo consejo con otros avisos importentes à este proposito dà nuestra Maes­tra en uno de sus libros.

En otra parte, dándonos doctrina de quan de fassidos avemos de estar de estos sentimientos dulces en la oraclon, para aprovechar mucho en el camino espiri­tual, dize estas palabras. Haze de notar mu­cho, y digolo porque lo sé por experiencia, que el alma que en este camino de oración mental comiença a caminar con determinación, y pue­de acabar consigo de no hazer mucho caso, ni consolarse, ni deconsolárse mucho, porque le falten estos gustos, y ternuras, o porque se los dé el Señor, que tiene andado gran parte del camino y no aya miedo de tomar airàs, aun­que mas tropiece, porque va el edificio cami­nando con firme fundamento. Esto dize nuestra Maestra: y lo mismo nos persua­de en sus libros nuestro Venerable Padre Fray Juan de la Cruz: y como al alma desinteresada la multiplica Dios los be­neficios, y quan gran estorbo es para vo­lar el espíritu à unirse con el a hazer pre­sa, y propriedad, en ningún sabor, ni gusto de sentido, por espiritual que sea, sino caminar a Dios en; escurldad de Fé, desassido de todos essos sentimientos. Con todo esto, quando Dios favorece a la alma con la comunicación de influencias suaves, no se han de desestimar, sino re­cibirlas oon humildad agradecida, y aprovecharse dellas para la propria re­formación, y caminar en su servicio con fervor alegre, y alentado, que para esso se las dan.

CAPITULO V. De otra comunicación infusa, mas copiosa en el apetito sensitivo, que llaman oración de quietud.

De esta elevación de la parte sensi­ble ay otros grados superiores al passado, y al que se sigue: A este llama nuestra Maestra oración de quietud; porque como procede de mayor abun­dancia de la comunicación del don de Sabiduría, que San Dionisio llama liqui­do, y diffusso, y tiene calidad de unir el alma entre si, y lebantar a Dios, y la quieta, y recoge, y la lebanta mas azia su esfera, que en la oración paseada. Este grado describen los Autores mysticos, diziendo, que es un rocio celestial, y con­solación interior, de que nace un deleyte casto, con que el coraçon, y todas las fuerças sensibles, y corporales quedan de repente bainadas con tan gran aveni­da de la Divina suavidad, que le parece al espíritu estar todo rodeado de Divi­nos, e inefables abraços. De esta eleva­ción trata en muchas partes de sus li­bros nuestra Madre Santa Teresa con gran propriedad; porque como sus ex­periencias son procedidas de la Divina Sabiduría, son fidellissimas, y concuerdan nrucho con la doctrina de S. Dioni­sio, y Santo Tornas en estas comnnicaciociones sobrenaturales, y tuuo particu­lar don de Dios en declararlas.

Dize pues de este grado de oración estas palabras: "Esta oración de quie­tud es ya cosa sobrenatural, y un poner­se el alma en paz, o ponerla el Señor en su presencia, por mejor dezir, porque todas las potencias se sossiegan. Entien­de el alma por una manera muy fuera de entender con los sentidos exteriores, que esta ya junta cabe su Dios, que con poquito mas llegara a estar hecha una cosa con él por union. Es como un amortecimiento interior, y exterior mente, que no querría el hombre exterior (digo el cuerpo) bulliras, sino como quien ha llegado casi al fin del camino, descansa para poder mejor tomar a ca­minar, que allí se le doblan las fuorças para ello. Siéntele grandissimo deleytes en el cuerpo, y gran satisfacion en el al­ma, está contenta de solo verse cabe la fuente, que aun sin beber esta ya harta, no le parece ay mas que desear. Las po­tencias sossegadas, que no querrían bu­llirse, aunque no están perdidas, porque pueden pensar cabe quien están, que las dos están libres; la voluntad es aquí la cautiva, y si alguna pena puede tener es­tando assi, es de ver, que ha de tornar a tener libertad.

El entendimiento no querría enten­der mas de una cosa, ni la memoria ocu­parse en mas de una cosa. Aquí ven, que estar sola es necessario, y todas las de­mas las turban. No querrían, que el cuerpo se meneasso, porque les parece que han de perder aquella paz; y assi no se osian bullir. Dales pona el hablar; en dezir Padre nuestro una vez, se les passa una hora, están tan cerca que se entien­den por seña, están en el Palacio cabe su Rey, y ven que les comiença a dar aquí au Reyno. Aquí vienen algunas la­grimas algunas vezes sin pesadumbre, y con mucha suavidad, parece que no están en el mundo, ni le querrían ver, ni oír, si­no a su Dios, ni les da pena nada, ni les parece se la ha de dar. En fin lo que du­ra con la satisfaclon, y deleyte que en si tienen las potencias, están tan embevidas, y absortas, que no se acuerdan que ay mas que desear, sino que de buena ga­na dirían con S. Pedro: « Hagamos aquí tres moradas. »

En esta descripción, que nuestra Maes­tra haza sacada de su ilustrada expe­riencia, veremos reducidas a practica las tres calidades, que S. Dionisio, y San­to Tomas declaran deste mantenimien­to espiritual, que procede del don de sabiduría, y se comunica principalmen­te à la parte superior del alma, como sujeto inmediato de la gracia, y de allí redunda al cuerpo: Conviene a saber, que tiene virtud de unir el alma entre si, y lebantarla a Dios, y hazersele como presente, por ilustración del entendimiento miento. Y como están de tal madera es­labonados entre si los grados de la per­fección, que lo supremo de los inferiores tocan los términos de los superio­res, y participan dellos; como lo su­premo del elemento del aire participa del fuego, y lo supremo del fuego parti­cipa del primer cielo: assi esta elevación de la parte sensible participa de la pri­mera de la parte intelectual, que llaman de Mystica Teología, que se exercita en la contemplación sencilla de movimien­to circular, donde como en su termino para el movimiento derecho; que es lo que significo aquí nuestra Maestra, en aquellas palabras: como quien ha llega­do casi al fin del camino descansa: y quando dize que el entendimiento no que­rría atender mas que a una cosa, y que echa de ver que esta cabe su Dios, por­que esta influencia del don de sabiduría le reduce de la multiplicidad a la unidad, y le pone a Dios como presente en fee ilustrada.

Y aunque estas comunicaciones tan copiosas no las suele hazer nuestro Se­ñor, sino à almas que su Magestad quie­re façonar apriesa para los grados supe­riores de perfección, à que ha determi­nado 1ebantarlas: con todo esso participa nuestra contemplación ordinaria de este mantenimiento, que cria las almas en la vida espiritual. Porque la iluminación del don de sabiduría, que anda con los auxilios comunes de la gracia: a ninguno de los que están en ella se niega, como ya lo vimos de la doctrina de Santo Tomas, si saben disponerse pa­ra recibirla. La qual declaro en otra par­te nuestra Maestra quando dixo: Es co­mo una presencia de Dios, que se siente muchas veces, que parece que hallamos con quien hablar, y que entendemos que nos oye. Esto dize nuestra Santa, y la causa de no percibir en la oración esta presencia de Dios ilustrada, es por no quietarse el alma en luz sencilla de fee sobre todos los nublados de las semejanças distintas, que hazen medio entre el entendimiento, y esta divina luz: y le quitan de ser ilustrado della, y passer a saborear la voluntad. Los quales impe­dimentos quita el auxilio particular en estas otras elevaciones, y pone el al­ma sencilla, y lebantada a Dios.

Uno de los principales efectos que dexan en el alma estos abundantes reci­bos de la influencia del don de sabi­duría, es destetar de las aprehensiones sensibles, y discursos inquietos de la ora­ción. Porque como esta iluminación la pone en participación de Dios, y de sus divinas perfecciones ensi mismas, según que muy a nuestro proposito lo declaro Santo Tomas, no arrostra ya a las comu­nicaciones groseras de las cosas criadas, que por medio de sus semejanças le da la meditación, que es como sacar el alma ma de los pechos del Criador, y poner­la a los de las criaturas. Y como ella siente este agravio después que gusto este manjar primero, le da ya en rostro el segundo, como lo declara nuestra Maes­tra en estas palabras. Ay algunas almas, y son hartas las que lo han tratado commigo, que como el Señor llega a darles cosas sobrenatura­les, quedan con esta merced; del Señor de mane­ra, que después no pueden discurrir en los misterios de la Passion, y vida de Chriato, como an­tes. Y no se que es la causa, mas esto es muy ordinario que queda el entendí : lento mas inha­bilitado para la meditación. Creo de ve de ser la causa, que como en la meditación es todo bus­car a Dios, como uña ves se halla, y queda el alma acostumbrada por obra de voluntad a tor­narle a buscar, no quiere cansarse con el enten­dimiento. No discurre, ni quiere aquí, porque

como ya hallo a Dios, solo quiere amarle, y no gastar el tiempo en buscarle por vía de medi­taciones, y discursos. El bien que se tiene no se busca, sino se amas y assi todo el cuyadado del alma es amar, y no gastar tiempo en discurrir, y buscar, pues hallo ya lo que buscava. To­do esto es de nuestra Santa.

CAPITULO VI. De muchas maneras de quietud, que puede aver en la oración, y como disiere la ver­dadera de la falsa.

Según la doctrina de todos los San­tos, y Maestros Sabios de la Teolo­gía mystlca, toda la buena disposición del alma en la contemplación Divina, consiste en saberse quietar en ella, para recibir en si la operación de Dios, que la ha de reformar, como dixo el Após­tol, a semejança de la claridad de Christo. Pero porque en lugar de abrir la puer­ta a esta operación, no se la cerremos, es necessario advertir qual ha de ser la quie­tud que disponga el alma para ello; por­que otras maneras de quietud ay, que antes la indisponen, y de que avernos de huir. Quando esta quietud procede de influencia Divina sobrenatural de par­ticular auxilio de gracia, como en estas dos elevaciones ya referidas, es cosa tan conocida estar el alma bien ocupada en Dios, que no puede ignorarlo: y por esso no tiene lugar aquella quietud ociosa, de que luego trataremos. Solo se puede temer, lo que ya tocamos de la doctrina de San Buenaventura, que puede ser procedida de suavidad contra hecha del Demonio, para lo qual nos dio allí re­medio conveniente.

Quando esta suavidad, y quietud es procurada del Demonio, tiene sus señales. La principal es, que como toda su operación interior en nosotros se estienda a sola la fantasia, y apetito sensible, que está en el coraçon corporal, no inclinara su quietud a elevación de espíri­tu en recogimiento interior universal, y sencillo, antes sacará el alma de lo uni­versal, è indistinto, a lo particular, y distinto: y de la unidad del acto supe­rior, a la multiplicidad de las oficinas inferiores, adonde él puede estender sus redes, y armar sus laços. Y al contrario sucede en la quietud procedida de Divina influencia, que quando ella abun­da, y loa recogimientos son muy infu­sos, sin diligencia nuestra desnuda el en­tendimiento de todas las representacio­nes sensibles, particulares, y distintas, y la pone a vísta de aquel uno, que solo es necessarlo, como lo vimos en el cap. passado: Y quando traxera este sobreferito, é in­clinare desta manera el alma, bien puede entender, que semejante mocion es de Dios: porque inclinar al conocimiento, y bien universal, dize Santo Tomas, que es proprio del primer motor, que es Dios. Y al mismo proposito dize San Dionisio, que todas las comunicaciones sobrenatura­les, y suavidades sensibles, que Dios con­cede en las fuerqas inferiores a los nue­vos contemplativos, las ordena a lle­varlos por estos medios sensibles a las cosas intelectuales, ô insensibles. Y si la suavidad interior no moviere el alma a esto, procure ella ponerse en el lugar sa­grado de su seguridad, entrándose en el acto sencillo de Fé, como Moysen den­tro de la nube, que rodeava el monte, que recogida allí a la vista de Dios, no puede el Demonio armarle laços, sino arrojándole alguna representación particular de la fantasia, en que vaya su pon­çoña, o con que saque a los retretes de la parte sensible, donde el tiene ma­no.

Otras señales nos dio nuestra Maes­tra desta quietud, quando es del De­monio, diziendo: Esta oración de quietud se siente, a mi parecer, quando es de espíritu de Dios. Y si es del Demonio, el alma exercitada pareceme que lo entendéra, porque dexa in­quietud, y poca humildad, y poco a parejo para los efectos que haze el recogimiento de Dios: no dexa luz en el entendimiento, ni firmeza en la voluntad. Esto dize nuestra Santa. Y assi, quando el alma en estos recogimientos, y sentimientos suaves, después de averse puesto en lugar seguro de la atencion sencilla de Fè, y lebantado con ella el afecto a Dios, sintiere alguna sae­ta de poca humildad, y propria estima­ción, que el Demonio arrojo desde la parte inferior, socorrasse en este peligro, poniéndose en conocimiento de su ba xeza, y miseria; pero esto se ha de hazer no saliendo del acto de la contempla­ción, para discurrir por los pecados de su vida (que esto seria salir del lugar segore a los peligrosos, y cerrar la puerta a los efectos de la operación Divina) si­no como lo aconseja la misma Santa con admirable doctrina a este proposito den­tro del acto de la contemplación senci­lla, y sin perder de vista el blanco princi­pal de alia, que es la Divinidad, donde mirando la grandeza de Dios, verá su baxeza, y contemplando la blancura de la luz eterna, y epejo, sin mancha de su Hi­jo, y quanto por nosotros se humillo, verá su impureza, y su sobernia.

Otra quietud ay no infusa, sino procurada del alma, para mejor vacar a Dios, a la qual, como ya se toco en otra parte, llama Santo Tomas suspension intencional, a diferencia de la suspension infusa. Y esta es la que sirve a nuestra contemplación ordinaria, y la que co­munmente llamamos abstracción, sin la qual no avia disposición proporciona­da en el alma, para recibir en si la opera­ción de Dios, y los efectos sobrenaturales della, a que la oración mental debe ordenarse. Y assi la aconsejan, y persua­den a cada passo todos los Santos, y en ella funda San Dionisio el buen logro de la verdadera contemplación Divina; porque como pondero sabiamente San Gregorio, nunca la verdadera contem­plación se junto con la inquietud, y de la manera que el ayre ocupado con nu­bes, nos impidé el calor del Sol, y en la fuente movida no se representa bien la imagen de quien se mira en ella, lo mis­mo sucede a nuestro entendimiento pa­ra la contemplación Divina y sus efe­ctos, si está inquieto, o ocupado con nu­bes de semejanças distintas, de las quales le desnuda esta suspension intelectual., y le pone a vista de la eternidad, por con­formidad de su objeto, para que contem­ple y ame las cosas Divinas, y eternas, y dexe de amar las temporales, y cadu­cas. Y desta manera de suspension, sin enagenacion de sentidos, declara Santo Toma Tomas lo que el Apóstol dezia: Nuestra conversación es en los Cielos. Y a nuestro proposito el Santo Apóstol, que en esta conversación celestial se perciba la ope­ración de Christo, para que le refor­masse a semejança de su claridad; por­que aunque el ser substancial del alma está en la union del cuerpo, con todo esso dize el Angélico Doctor se verifi­ca, que en esta contemplación conversa en los cielos, por estar trasladada a ellos por medio de sus nobilissimos actos, pa­ra alcançar la perfección ultima, que es su mas noble ser. Y por esso dezia S. Agustin, que el alma, mas estava donde amava, que donde animava.

Y pondera con mucha razón el mismo Angélico Doctor en este lugar la excelencia desta suspension de las co­sas que conocemos, para atender a las que en escuridad nos representa la Fé. Pues por aquel tiempo nos haze en cier­ta manera celestiales, disponiendo el entendimiento y afecto para que no se conforme con las cosas mundanas, y ca­ducas, sino con las celestiales y eternas. Y en otra parte asiade el mismo Santo, que no solo pone el Alma en conformi­dad de las cosas Divinas, y eternas, sino también en participación dellas en si mismas, y lo prueba con la autoridad de S. Dionisio, y con la regla fixa de la Teo­logía scolastica. Estas utilidades desta suspension intencional de las cosas tem­porales, para vacar a las eternas, expe­rimento bien nuestra gloriosa Maestra, y con ella dio puerto seguro a tantas tormentas como padeció en aquellas veinte años que dize que no hallo Maes­tro que la entendiósse. Y por esso nos lo aconseja en el cap. 1s de su vida, diziendo; que acallemos el entendimiento,y el espíritu quede mirando a Dios con los ojos de la Fè, y se le humille, y rega­le con el en sus afectos; y luego pondera las utilidades que en esta oración hallo su alma. Lo mismo nos aconseja el Espí­ritu Santo en aquel sueño misterioso de la Esposa, donde ella dormía a todo lo natural, y caduco, para velar a lo sobre­natural, y divino. Porque en este sueño velador están las potencias espirituales empleadas en Dios con sus nobilisiimos actos, y recibiendo del los efectos sobre­naturales de su Divina influencia, aun­que el alma no los perciba, por las razo­nes que en otra parte vimos de Santo Tomas, quando no son movidos de au­xilios particulares.

Pero demas de estas maneras de quietud en la oración provechosa, ay otra, que naturalmente puede suceder al que sabebuscarla, quando uno, según los sentidos exteriores, è interiores, se desnuda de todos los objetos, y repre­sentaciones sensibles, y queda ocioso de toda opeaea donde las fuerças inferiores y superiores, porque este tal alcançara naturalmente descanso, como le alcançan los que duermen, por estar en­tonces ociosas en ellos todas estas ope­raciones. Desta quietud natural, y o ciosa, dize un Autor muy experimen­tado, que no es otra cosa, "sino un ocio floxo, y pereçoso, con que los que están llevados del, quedan desnudos de toda operación, olvidados de Dios, y de si mismos, y de todas las cosas: la qual quietud es del todo contraria a la sobre­natural, que se possee en Dios, o a lo in­fuso sin diligencia nuestra, como con esta oración de quietud, o con nuestra dili­gencia, fundada en luz Divina, como en la contemplación sencilla de luz de Fé sobre todos nuestros conocimien­tos.

Ydiferenciando esta quietud útil de la ociosa, añade: « Porque esta es un amoroso desacimiento del Espíritu San­to, con una vista sencilla ázia la luz in­accessible de Dios. Assimismo la ver­dadera quietud se busca siempre activa­mente, con intimo afecto, y deseo, y se halla en la inclinación gozada a Dios, y se possee en la amorosa enagenacion en èl, y alcançada y posseida todavía so bus­ca. Pues esse deseando tanto se aventaja a la quietud natural, quanto el del mis­mo Dios al de las criaturas. Y de aquí se considera quanto se engañan, los que si­guiéndose a si mismos con la intensión, hazen assiento floxamente en la quie­tud natural, y no buscan a Dios con el deseo, ni se hallan en el amor gozoso; porque esta manera de descanso consiste en un ocio perezoso, y haragan, con lo qual se entregan del todo a aquellos que por naturaleza, y por costumbre están inclinados, y llevados sin exercicio de virtudes, y algunas veses con alguna complacencia de si mismos piensan que son, o que tienen aquello a que nunca llegan: y persuadiéndose a esto, y que to da amorosa conversion, y aplicación, a Dios les es impedimento, hazen con esta quietud assiento en si mismos, con vida contraria a la verdadera quietud, que une al hombre con Dios. » Todas estas son palabras deste Autor, en que mues­tra prácticamente la útil quietud, y la desaprovechada.

Aesta quietud ociosa, y haragana se le suele juntar una pretensión postilencial, de que Dios lebante al desta mane­ra ocioso a cosas sobrenaturales, que ex­ceden su facultad natural, y modo hu­mano. Lo qual, demas de ser acto de presumpcion sobervia, es también una disposición muy acomodada, para que el Demonio ocupe el alma assi ociosa, y poco humilde, y siempre en ella la ma­la semilla, que sembrava antiguamente en los Begardos, y Turilupinas, que por este camino fueron engañados con tantos errores, copio descubren algunos Autores mysticos, que escrivieron con­tra ellos en los tiempos passados ; y en el nuestro se opone también nuestra glo­riosa Madre a algunos que los imitavan, contra los quales, y contra su pretensión sobervia, dize estas palabras: Sientende mos que el Rey con quien imos a negociar no nos oye, ni nos vé, no nos hemos de estar hechos bobas, que lo queda harto el alma, quando ha procurado esto, y queda muy mas fria, y por ventura mas inquieta, con la fuerça que se ha hecho a no pensar nada. Las obras interio­res son todas suaves, y pacificas, y hazer cosa penosa, antes daña, que aprovecha: y llamo pe­nosa qualquiera fuerça que nos queremos hazer, como seria detener el huelgo. Quando su Magestad quiere que el entendimiento cesse ocúpale por otra manera, y dale una luz en el conocimiento tán sobre la que podemos alcançar, que le haze quedar absorto, y entonces, sin saber como, queda muy mejor enseñado, que no con todas nuestras diligencias. Pues Dios nos dio las potencias, para que con ellas trabaje­mos, no ay para que las encantar, sino dexarlas hazer su oficio, hasta que Dios las ponga en otro mayor. Como está olvidado de si, el que con mucho cuidado no se ssava rebullir, ni de­xa a su entendimiento y deseos, que se bullan, o desear la mayor gloria de Dios, ni que se huelgue de la que tiene. Todas estas son pala­bras de nuestra Maestra, donde claramente se vé, que habla con los desta mane­ra ociosos, sin acto de entendimiento, ni voluntad, y que de proposito procuran enagenar las potencias, que ella aqui lla­ma encartarlas, sin dexar al entendimien­to que atienda a su objeto, que es Dios suma verdad; ni a la voluntad que se estienda al suyo, que es el sumo bien, ni aun con los deseos, que es el acto de la voluntad, que nunca ha de faltar en la oración, como veremos en el capitulo siguiente. Y todas las vezes que nuestra Santa avisa a los contemplativos, que no se lebanten, sino los levantaren: en­tiende de estos sobervios pretensores, contra los quales hizo Santo Tomas un particular articulo, descubriendo su des­vanecido desorden; y siendo este tan co­nocido, da que considerar, que algunos que presumen de muy Escolásticos esten tan ignorantes de la verdadera contem­plación, enseñada por la Sabiduría Di­vina humanada, predicada por sus Apostoles, y ejercitada por todos los gran­des Santos, y lumbreras de la Iglesia, que comparen el acto proprio de ella (que es la vista sencilla de la suma verdad) con esta quietud ociosa y haragana, que no esta ocupada en Dios con acto algu­no (aviendo entre la una y otra quietud la diferencia que entre los Angeles a quien los verdaderos contemplativos imitan) a las bestias, que en total ociosidad buscan su des­canso

CAPITULO VII. De las circumstancias, que ha de tener la quie­tud en la Oración mental, para la contem­plación y comunicación de Dios.

Las calidades que ha de tener nues­tra quietud, y disposición atenta para recibir en la oración la divina ilu­minación y influencia, y los efectos so­brenaturales della, nos las dixo ya en otra parte San Dionisio, conviene a saber : Lo primero, que el entendimiento en­golfado, en Dios, como le es possible, con la luz de la Fé, no quiera lebantarse a mas de lo que la iluminación divina, se­gún la dispensación de la sabiduría de Dios, le concediere, porque aspirar a mas, es presuscion sobervia. Lo segun­do, que el enetendimiento permanezca lebantado, y firme en el conocimiento de Fé, sobre los demas conocimientos, a vista del rayo divino, que sobre todos resplandece y no se dexe caer à los actos inferiores. Lo tercero, que al conoci­miento acompañe el afecto, procuran­do amar la voluntad, lo que el entendímiento le dà a conocer. Y declara San­to Tomas, que no estè caida, y iloxa, si­no lebantada con alas espirituales, aspi­rando con reverencia santa a unirse con Dios, no conocido mas que por fee. Por que esta pretensión de la voluntad no es sobervia guiada de la fee, sino querer el entendimiento sobre su modo humano aspirar a excessos de espíritu, no propor­cionados con su caudal natural, contra lo que Dios tiene assentado en las cosas que la operación se conmensure con la virtud del que obra.

Guardando pues estas tres calida­des, que ha de tener nuestra quietud en la contemplación, nos certifica San Dionisio, de parte de la suma bondad, sumamente comunicativa de si misma, que recibirá siempre el alma desta ma­nera dispuesta iluminación, y semejança del sumo bien, aunque no lo perci­ba. Porque aunque su Magestad algunas vezes sale de las reglas ordinarias, co­municándose a lo conocido, y con ma­yor abundancia a algunas almas: el cami­no ordinario es el que dize San Buena­ventura en estas palabras: Unos son favo­recidos en la oración con sentimientos dulces de la influencia divina, para que se den priesa en el camino de la virtud: y otros van cre­ciendo a lo secreto al modo de los arboles, y aun que estos no son recreados con grandes sentimien­tos de suavidad, cada dia se ván perficionando, y haziendose mayores acerca de Dios, y dan fructo como de suyo, esto es, obrando con los há­bitos de las virtudes, que ván creciendo, aunque no sienten el socorro de particular fervor, y sua vidad en las potencias, con que suele nuestro Se­ñor esforçar la operación de los flacos.

Para esta diferencia nos devemos acordar de lo que en otro lugar nos dixo Santo Tomas, que los efectos de la divina gracia recibidos en el alma, unas vezes se aplican a la essencia della para perficionarla en el ser espiritual, y semejança divina. Y entonces como la frui­ción no está en la essencia, sino en las po­tencias, no se percibe el augmento de perfección, aunque le recibe: pues quanto mas se perficionare la essencia, con la gracia, tanto mas se perficionáran tam­bién las potencias en los hábitos de las virtudes infusas, que proceden della, según la doctrina del mismo Santo, de la manera que quanto mayor claridad re­cibe en si el cuerpo luminoso, tanto mas resplandecen los rayos que salen del, pe­ro otras vezes se aplican los efectos de la gracia, à perficionar la operación do la misma alma y como entonces se reci­ben estos efectos en las potencias, percí­bese en ellas la suavidad, y fervor de la co­municación divina, aunque el aumen­to de perfección no aya sido tan grande, como el que se recibe a lo callado en la essencia. Y como este modo es mas favo­rable para nuestra humildad, assi es mas ordinario en los contemplativos, aco­modando nuestro Señor su comunica­ción y divina influencia, como a cada uno estè mejor. Y por esso San Bernar­do nos amonesta que la liberalidad que nuestro Señor uso con algunos contem­plativos, no ha de lebantar nuestros pen­samientos a querer que se haga lo mis­mo con nosotros, sino tenernos por indignos destos favores.

El desorden que reprehende nuestra Maestra, y la substancia de la verdadera quietud en la contemplación, quedara mas entendida con lo que dize Santo To­mas, que ay dos maneras de quietud: Una de deseo, y esta es propria de nues­tra contemplación en el destierro, don de caminamos al sumo bien, que no posseemos aun sino con la esperanza: por lo qual aunque mas elevada, y goçosa sea nuestra contemplación, siempre la quietud della anda acompañada de de­seo, estendiendose la voluntad con in­clinación sedienta à unirse perfectamen­te con el sumo bien. A la segunda mane­ra de quietud llama este Santo, quietud de movimiento, y esta es muy propria de los Bienaventurados de la Patria, que como ya están en el termino de la Bienaventurança cumplida, y llenos todos los inmensos senos de su deseo con la perfecta possession del sumo bien, des­cansan en él; y quietase el deseo no te­niendo ya que caminar, ni otro bien a que entender. De aqui se conoce el desa­tino de estos ociosos haraganes, que pre­tenden en el destierro, lo que es proprio de la Patria, poniéndose en la oración sin ordenar a Dios su deseo con reveren­cia santa. Y de esto se les seguirá, que no participarán de la contemplación del destierro, y menos de la de la Patria, y solo que darán dispuestos para los enga­ños del Demonio. Por esto dixo con gran propriedad aquel Autor experimentado de la verdadera quietud, que alcançada, y posseida todavía se busca, por­que siempre el deseo está aspirando a unirse mas intimamente con Dios.

Este movimiento del deseo en la quietud de la oración ha de ser diferen­te, quando la voluntad ayuda con su mo­ción a la Divina, según se toco en otra parte, que quando Dios la mueve muy a lo infuso, y sin diligencia suya, porque quando la mocion Divina es esforçada, no ha menester entonces el socorro de la propria operación activa, antes le impe­dirá la total quietud, con que ha de re­cibir el alma esta operación Divina, co­mo nos lo advirtió un Doctor muy do­cto por estas palabras: Quando el alma es movida del Espíritu Santo en la contempla­ción altissima, no ha de mezclar cosa alguna de su propria acción, sino seguir el goviemo del Espíritu Santo, cooperando con él en quietud. Esto dize este Autor. Y es señal deste impedimento la repugnancia que el alma siente de hazer este esfuerço activo, porque el que recibe a lo infuso en quie­tud passiva, 1e es tanto mas provechoso que el suyo, quanto la operación de Dios de mayor perfeccion al alma, que le suya propria. Quando sintiera es­ta repugnancia del alma, que se quie­re estar en quietud pacifica, no la per­turbe en su paz, sino contentase con assistir a Dios con una atención sencilla y amorosa, según el consejo de experien­cia ilustrada de nuestro Venerable Padre Fr. Juán de la Cruz.

CAPITULO VIII. De los efectos desta oración de quietud infusa, con que se comiença a perficionar el alma en la vida espiritual.

De dos maneras dize Santo Tomas que suele Dios mover las almas a su jtistificacion y perfección. Una co­mún y ordinaria, para que el alma se estienda a Dios primero con operación imperfecta, y con ella vaya caminando con nuevos aumentos a la operación perfecta: porque como dize S. Agustín, la caridad començada, merece que se aumente; y la aumentada, que se perficione, y desta manera camina el alma del estado imperfecto al perfecto, no en un instante, sino a su modo, y poco a poco haziendose el hombre coadjutor de Dios, para executar con cuidado y esfuerço las mociones è inspiraciones in­teriores: y los que desta manera las lo­gran siempre se van mejorando y reci­biendo de Dios nuevo caudal para su perfección. Pero si el desta manera mo­vido, en saliendo de la oración dexa de poner por obra el buen deseo que alli le dieron, malogra la mocion Divina, y es semejante al siervo perezoso, que en lu­gar de negociar con el talento que avia recibido de su Señor, le enterro, y se quedo mano sobre mano. Lo qual suce­de a muchas personas llenas de buenos deseos, è inspiraciones de Dios, sin aca­bar nunca de ponerlas por obra. A los quales amenaça la justa sentencia, que aqui decreto el Salvador, que les quita­rá el caudal que les avia dado para ne­gociar, y le dará al que cuidadosamente negocio con el suyo.

La otra manera de obrar Dios en las almas es mas rara y eficaz, y pertenece a los auxilios particulares, y entonces no espera la operación Divina las tardas disposiciones del movido, sino que andan juntas la mocion y la operación, y el llamamiento, y la execucion dél, dis­poniendo la materia, y juntamente in­troduciendo la forma de manera, que dexa luego en el movido algún aumen­to de perfección. Desta manera de obrar Dios en las almas tan a lo sobrenatural, ay muchos grados en los contemplati­vos, que Dios quiere aventajar mucho, y uno de los primeros es este de tan co­piosa elevación de la parte sensible, y assi dexa luego gran mejoría en el al­ma, assi en la moderación de las passiones que residen en el afecto interior, co­mo también en la parte espiritual, por dos caminos. El primero, quanto a las imperfecciones que del desorden de la parte inferior resultavan en la superior, porque como declara Santo Tomas, en aviendo alguna mudança de mejo­ría en la parte sensible, al mismo instante resulta alguna perfección en la parte in­telectiva, quanto a los hábitos adquirídos. Lo secundo, como esta influencia Divina se recibe primero en la parte su­perior, como sugero inmediato de la gracia aumenta en ella también los habitos de las virtudes infusas, y assi en en­trambas partes queda mejorada.

Esta mejora sentía luego nuestra Ilustrissima Maestra, después destos abundantes recibos de la Divina influencia, y, nos da noticia dello en muchos lu­gares de sus libros tratando desta ora­ción de quietud, en uno de los quales di­se assi: Es oración esta de grandes bienes y mercedes que el Señor da. Aqui haze crecer las virtudes mucho mas sin comparación, que en la oración de recogimiento, porque ya vá subiendo el alma de su miseria, y se le dá un poco de noticia de los gustos de la gloria: esto creo la haze mas crecer. Y también llegar mas cerca de la verdadera virtud, de donde todas las virtudes vienen, que es Dios, por­que comiença su Magestad a comunicarse a esta alma, y quiere que sienta ella como se le co­munica. Comiença luego en llegando aqui a perder la codicia de lo de acá, y pocas gracias, porque vé claro, que un momento de aquel gusto no se puede hazer acá, ni ay riquezas, ni señoríos, ni honoras, ni deleytes, que basten a dar un cerrar, y abrir de ojos deste contenta­miento, porque és verdadero, y contento que se vé que nos contenta: porque los de acá por ma­ravilla me parece entendemos adonde está este contento, porque nunca falta un si, no. Acá todo es si en aquel tiempo, èl no, viene después por ver que se acabo, y que no se puede tornar a cobrar, ni sabe como: porque si se haze pedaços a penitencias, y todas las demas cosas, si el Señor no le quiere dar, aprovecha poco.

En otro lugar, tratan do la misma Santa desta oración, añade: Esta oración es una centellita que comiença el Señor a en­cender en el alma de verdadero amor suyo, y quiere, que el alma va ya entendiendo que co­sa es este amor con regalo, pues esta centellita puesta por Dios, por pequeña que es, haze mu­cho ruido, y sino la matan por su culpa, esta es la que comiença a encender el gran fuego que echa llamadas de si (como diré en su lugar) del gran­dissime amor de Dios, que haze su Magestad tengan las almas perfectas. Es esta cente la una señal, o prenda, que dá Dios a esta alma de que la escoge ya para cosas grandes; si ella se apareja para recibirlas, es gran don, mucho mas de lo que yo podrá dezir. Todas estas son palabras de nuestra Maestra, y con mucha propriedad dize; que esta cente­llita es la que haze encender el gran fuego del amor de Dios, en que arden las al­mas perfectas; porque es comunicación del don de Sabiduría, según lo vimos ya de la doctrina de San Dionisio. Y co­mo este Divino don, según dize Santo Thomas, es una semejança participada de Dios, và desnudando con su influen­cia al alma de todas sus desemejanças, y vistiéndola de la semejança de Dios, y particularmente de las rayzes del amor proprio, para arraigar en ella el de Dios, y por esto dixo el libro de la Sabiduría; que por ella eran curadas nuestras do­lencias.

Esto mismo nos significo San Dioni­sio en pocas palabras, diziendo: El recibo de la sabiduría en el alma, es purgación, ilu­minación, y perfección. Y assi, quanto mas copioso fuere el recibo, tanto mas eficazmente se obraran en el alma estos efectos. Al mismo proposito dize San Lorenço Iustiniano: « En la ilumina­ción de la Divina Sabiduría, y resplan­dor del Verbo Eterno, se reforma la her­mosura del alma, y se conforma con la misma Sabiduría para unirse con la her­mosura increada. Y tanto mas perfecta menée se reforma la imagen de Dios, que está en el alma en esta luz de la Divi­na Sabiduría, quanto con mayor abun­dancia se le comunica, quanto ella halla mas dispuesta el alma para recibirla. » Esto dlze este gran Maestro desta Sabiduria escondida. Y esta disposición que aqui pide para este recibo Divino en abundancia, es por el camino ordina­rio, y sin privilegios, que el alma se proporcione con esta Divina influencia. Y como dize el mismo libro de la Sabi­duría, es una sencilla emanación de la claridad de Dios, que también el alma se ponga sencilla, y en luz de Dios, que es la de Fé sobre todas las demas luzes, y conocimientos, como ya se dixo en su lugar.

De todo lo dicho, y de la experien­cia común se conoce, que hasta que nuestra contemplación llega a gustar el sabor de Dios, y de sus Divinas perfec­ciones, y a participar de los dulcissimos efectos desta influencia del don de Sabíduria, no son grandes los aumentos de perfección que introduce en el alma, aunque mas largo tiempo ella gaste en el exercicio devoto de sus proprias lu­zes. Pero en quanto a gustar estos Divi­nos efectos, comiença también a dexar el pelo malo, y la cobardía y floxedad con que antes andava en el servicio de nuestro Señor, y en el exercicio de las virtudes, y serviste de fervor, y aliento esforçado contra las dificultades de la vida espiritual, que antes tenia, y se và mejorando en ella muy apriessa. Por lo qual, despues de aver tratado S. Dioni­sio de la influencia, y substancia deste don Divino, declarando al Apostol su Maestro, añade, que sus comunicacio­nes, y rocios Divinos se comparan al agua, a la leche, a la miel, y al vino, por la semejança que tienen sus efectos espi­rituales con los materiales destas cosas, conviene a saber, de virtud generativa, como en el agua; aumentativa, como en la leche;confortativa, como en el vino; y purificativa, y juntamente conservati­va, como en la miel; Y que con estos efe­ctos và llevando las almas por el cami­no espiritual desde la niñez a la edad perfecta: y remato estas alabanças desta Divina influencia, que se comunica con largueza a los que se llegan convenien­temente a recibirla.

Esta convenienjcia es la proporción del alma con esta Divina influencia, que ya se toco. Y en estos recogimientos pri­vilegiados, donde abunda esta comunicación suave, y dónde el alma ha de cooperar con Dios, y a justarse obediencialmente en él, conviene, que de ninguna manera haga assiento en la parte sensible con ningún acto suyo, por excelente que sea, sino que con vista sencilla se pon­ga en atención de la suma bondad, cu­yos favorables efectos está recibiendo, assi para la decencia proporcionada con que los ha de recibir, como también pa­ra desfrutar substancialmente la utili­dad dellos, porque como prueba Santo Thomas, las potencias sensibles y mate­riales no tienen operación acerca del su­mo bien, y ultimo fin, ni pueden exercitar acto de caridad: y assi es menester, que la atención, è intención del animo, salga de la esfera sensible a la espiritual, donde está la fuente original desta Divi­na influencia. Y exercitandose la caridad en su proprio sugeto, que es la vo­luntad, se aumente su habito, y con los demás de las virtudes infusas: y si se con­tentasse con solo aplicar la intención a gozar esta suavidad, avria poca diferen­cia della a otro qualquier gusto indi­ferente, que el natural quisiesse desfrutar.

CAPITULO IX. De otro recogimiento muy durable del apeti­to sensible entre los exereicios de la vida acti­va, y como se ha de ordenar para que sea mérito io.

A este modo de oración de quietud, que ya queda declarada, toca tam­bién un recogimiento infuso, quieto, y mas durable, de que nuestra Maestra haze memoria por estas palabras: « Algunas vezes en esta oración de quietud haze Nuestro Señor otra merced bien difi­cultosa de entender, sino ay gran expe­riencia, mas si ay alguna, luego la enten­dereis los que la tuvieredes, y daros ha mucha consolación saber la que es. Y creo que muchas vezes haze Dios esta consolacion, junto con estotra, quando es grande, y por mucho tiempo esta quie­tud. Parecerne a mi, que si la voluntad no estuviesse assida a algo, no podría du­rar tanto en aquella paz porque acaece andar un dia, o dos, que nos vemos en esta satisfacion, y no nos entendemos (digo los que la tienen) y verdaderamente ven que no están enteros en lo que hazen, sino que les falta lo mejor, que es la voluntad, que a mi parecer esta unida con Dios, y dexa las otras potencias li­bres para que entiendan en cosas de su servicio; y para esto tienen entonces mu­cha mas habilidad: pero para tratar co­sas del mundo, están torpes, y como embovados: a vezes es gran merced esta, a quien el Señor la haze. Porque vida acti­va, y contemplativa están juntas, y de to­do se sirve entonces el Señor; porque la voluntad esta en su obra, sin saber como obra: y en su contemplación las otras dos potencias sirven en lo que Marta: assi que ella, y Maria andan juntas; yo sé de persona que la ponia aqui el Señor muchas vezes, y no se sabia entender, y preguntólo a un gran contemplativo, y dixo: que era muy possible, y que à él le acaéda assi, que pienso que pues el alma está tan satisfecha en esta oración de quietud, que lo mas continuo deve estar unida la potencia de la voluntad, con el que solo puede satisfacerla. »

Todas estas son palabras de nuestra Santa, y deste recogimiento interior, en tre los exercicios de las obras exteriores por largo tiempo hallamos también noticia en otros Autores mysticos ex­perimentados, aunque no carecede di­ficultad entre los Scholasticos. Y de tal manera se engolfa el entendimiento en las cosas exteriores, que no atiende al objecto interior de la oración, de donde procede este gustoso sentimiento del afe­cto. Pero porque las experiencias de nuestra ilustrada Maestra son fidelissimas, assi en la sabiduría mystica como en la scholastica, diremos lo que acerca desta ora­do tan continuada, hallamos en los bue­nos Autores, para lo qual se ha de saber, que de tres maneras de elevación del afecto nos dan noticia, en que andan jun­tas Marta, y Maria en tres estados de Con­templativos. La primera, començando por lo mas perfecto, es de los que están en union transformada en Dios, en los quales por particular privilegio sobre natural assiste a Dios, la parte superior del alma, y la inferior se ocupa en las co­sas exteriores, y actos humanos, y se exercitan la vida activa, y contemplativa juntamente, al modo que las exercitava Adan en el primer estado; cuya pureça, è innocencia imitan estas almas; y como son tan pocas las que llegan a este fe­liz estado, assi es cosa muy rara esta jun­ta de acción, y contemplación en un mismo tiempo, de la qual avemos de tratar de proposito adelante, declaran­do este privilegio, de que goço nuestra Ma­dre Santa Teresa en este estado, como ella refiere.

La segunda elevación continuada del afecto en Dios, entre las ocupáciones exteriores, es un aliento, y esfuerço alegre de la voluntad, que da el Espíritu Santo algunas vezes à los Contemplati­vos, desterados de las representaciones, y jugos sensibles, como por dispo­sición para los aumentos de caridad, y en tanto suele ser mas alentada, quanto el aumento de caridad ha de ser ma­yor. Y deste auxilio preparatorio decla­ro Santo Tomas aquellas palabras del Salvador, quando en el repartimiento de los talentos dixo, que los avia repar­tido à cada uno, según su propria virtud, dándoles primero la disposición de la gracia venidera, y de aqui se verá quan gran beneficio es de Dios este aliento, pues según la extensión del, se dá la gra­cia. Y también la diferencia que ay de hazer las obras del servicio de nuestro Señor con voluntad fervorosa y alenta­da, o con floxedad y tibieça para los au­mentos de perfección.

Pero aunque este aliento sobrenatu­ral es tan favorable al exercicio de en­trambas vidas, activa, y contemplativa, no están con él las potencias superiores assistentes siempre a Dios, como en la union transformada, ni siente el con­templativo aquella maravillosa division entre alma y espiritu, que tan altamen­te pondero el Venerable Hugo de S. Victor, que siendo una misma essencia indivisible y sencillissima, estuviesse co­mo divida en dos operaciones. Una superior, assistiendo a Dios con Maria: y otra inferior, administrando con Marta. Con todo esso, como la voluntad con este fervor segundo está tan llevada a Dios, tiene la intención (que es acto su­yo, y se puede estender a muchas cosas juntas) inclinada continuamente a su fin, que es Dios, y también a los medios con que se camina a él, y entonces ay mas facilidad que en otro tiempo, para aplicar de quando en quando la aten­ción del entendimiento de las cosas exteriores a las interiores. Y quando las cosas son tan ordenadas entre si, que la una operación es regla y razón de la otra, no solo no se impiden, sino antes se ayudan: y desta suerte andan en las obras exteriores los desta manera favoreci­dos, con el aliento interior que las obras por Dios, de quien son movidos. Y co­mo este fervor es disposición para los aumentos de caridad, o procede della, siempre que él se aumenta, se aumenta assimismo la caridad, como lo prueba Santo Thomas.

La tercera manera de elevación con­tinuada del afecto en Dios entre las obras de la vida activa, parece que es la que aqui describe nuestra Maestra, que es un sentimiento dulce del apetito sen­sitivo, con que las fuerças inferiores se recogen azia el coraçon, el qual puede proceder de muchos principios, y de al­gunos hazemos aquí memoria. Puede proceder lo primero de la intención del acto de la voluntad, porque quando el afecto superior se mueve a Dios inten­samente, síguese en las fuerças sensibles, como de cielo superior, en los inferio­res cierta impression gustosa, según la qual son movidas a estenderse, y obede­cerá su modo al amor Divino, para lo qual se unen, y recogen azia su interior, que es el coraçon.

Lo segundo, puede proceder esto por impression del Angel bueno, como lo declaro Santo Thomas en estas pala­bras : Todas las vezes que un Agente impri­me una fuerte impression, queda por algún tiempo aquella impression en el paciente, aun­que esté ausente el que la hizo, como se vé en los movimientos violentos: y assi, por uña acción del Angel en el hombre, puede recibir una buena disposición, que permanezcar en él por algún tiempo, como se experimenta quando alguno tuvo una vez oración devota, que de aqui queda por muchos dias mas devoto. Según lo qual, aunque el Angel de nuestra guarda no esté presente siempre (porque al­gunas vezes está en el cielo Empíreo) puede guardar al que tiene a cargo, en quanto su efecto dura después de su acción. Todas estas son palabras deste Santo; y en otras partes de sus libros llama a este efecto durable, que queda en el alma después de la mocion del agente superior, o de­voción fervorosa, cierta habilidad para ser otra vez mas fácilmente movida, como la vela recien muerta, que todavía está humeando, que apenas ha llegado a la lumbre, quando buelve a encen­derse.

Lo tercero, puede proceder esta mo­ción continuada del afecto de la influencia del don de Sabiduría, que llama San Dionisio, como ya vemos, liquida, y di­fusiva, que se comunica a los nuevos con templativos a lo sensible, para esforçar su flaqueza, y de una vez que se comuni­ca con abundancia, queda por mucho tiempo façonado y recogido el apetito sensitivo, para servir a los actos devo­tos de la parte superior: y desta mocion parece que se han de entender las pala­bras referidas de nuestra Maestra, como ella lo significo en dezir, que procede de la oración de quietud. Y llama union de la voluntad esta union de las fuerças sensibles en el afecto inferior, como quando en la Escritura significan por el coraçon la voluntad.

Pero hase de advertir en todos estos recogimientos de fervor sensible, lo que dize Santo Thomas, que este fervor quanto es de su parte, no basta para el aumento de la caridad, sino se le llega algún acto de la parte superior, que le haga meritorio, y assi es necessario re­novarle de quando en quando con lebantar el espíritu a Dios; porque de otra manera, ni seria oración, ni meritorio, sin ácto deliberado de la voluntad, sino vina extension del apetito sensitivo a un objeto gustoso, que puede deleytar al sentido, como nos lo advierte un Autor Escolástico muy docto. Y para esta ele­vación del espiritu a Dios son estos re­cogimientos infusos de la parte sensible muy utiles, porque con ellos es ayudada el alma con causa sobrenatural, y obra en virtud de la mocion Divina, según nos lo declaro Santo Thomas a este pro­posito. Y como el navio que navega con viento favorable se acerco mas azia el puerto en una hora, que en muchos dias de dias de viento contrario, lo mismo su­cederá a los que desta manera son ayudados si saben negociar con el socorro.

CAPITULO X. De otra elevación mayor de la parte sensi­ble, que llaman embriaguez es­piritual.

La elevación superior de la parte sen­sible, que hallamos en los Autores mysticos, es la que llaman embriaguez espiritual, procedida de recibo muy co­pioso de la influencia del don de sabidu­ría, que San Dionisio llama difusiva. La razón de darle este nombre de embria­guez, declarólo luego este Santo, diziendo; que assi como de la mucha abundan­cia del vino material procede la embria­guez corporal, que enagena de los sen­tidos al desta manera embriagado, assi con la mucha abundancia del vino espi­ritual, que el Espíritu Santo por medio de sus dones comunica a algunas almas contemplativas, se causa en ellas una Divina embriaguez, que poniéndola en un feliz olvido de las cosas de la tierra, las lebanta al amor de las celestiales, de que les dan sabor en esta comunicación Divina. Este mismo nombre le da el Esposo Celestial en el libro de los Canta­es, quando combida con este vino a sus amadores, diziendo: Bebed amigos, y embriagaos carissimos, porque a unos se dá agustar este vino, y a otros se les con­cede en abundancia hasta embriagarlos, según la dispensación Divina.

Esta embriaguez es de dos maneras, y pertenece a dos estados, muy diferente te el uno del otro. La primera procede desta influencia difusiva, comunicada a los que todavía están en estado imper­fecto, y en arrimos sensibles para llegar los mas a Dios por este medio, y sacarlos de la edad de ñiños a la de hombres, porque como ya vimos en otra parte de la doctrina de San Dionisio, todas estas comunicaciones sensibles las comunica Dios a los contemplativos, para lebantarlos a su modo imperfecto de las co­sas materiales a las espirituales, y de las comunicaciones distintas a las sencillas.

La segunda embriaguez es mas espiri­tual, de la qual se haze mención en el mismo libro de los Cantares, quando dize : Bebi vino con mi leche, porque en ella vá mezclado el manjar solido con el difusivo, que el Apostol llamo leche de niños en la vida espiritual, y se comuni­ca a los mas aprovechados, como en su lugar verèmos.

Destas dos maneras de embriaguez, la primera es de que aora tratamos, la qual describen los Autores mysticos desta manera. Esta embriaguez espiri­tual. es el movimiento mas copioso del sabor afectivo, y deleyte interior del coraçon, que el mismo coraçon podia de­sear, y aun mas de lo que podia dixerir, con el qual es inflamado tan fuertemen­te de un estimulo grande de amor Divi­no, y dilatado de tal manera en si mis­mo, que le parece muy angosto el pe­cho, y que no cabe dentro del, y por esto le sea necessario salir afuera impetuosa­mente la abundancia del espíritu con un valor violento, y tan esforçado, que aun­que no quiera le haze manifestar con se­ñales exteriores la llama del amor vehe­mente con la gran abundancia del de­leyte, porque su impetu violento con­mueve a todo el hombre, è infundido en los coraçones no experimentados, ni exercitados, no se puede al principio re­primir, sin salir a lo exterior con accio­nes desacostumbradas, assi como el vino nuevo hierve al principio, y después de algún tiempo dexa de hervir y sosiega, y esta es la vida mas subtiliçada que podemos recibir, según las fuerças infe­riores del alma, recogida en la virtud del coraçon. Pero esta aun es embriaguez grosera, como si un rustico, que no está acostumbrado a beber vino, se embriagaze con el: la qual a los muy principlantes en la vida espiritual, la suele el Señor co­municar algunas vezes, para llegarlos mas a si, y apartarlos del mundo, y de sus consolaciones, y deleytes.

Desta manera nos dan noticia expe­rimental estos Autores de esta mayor elevación, y embriaguez de la parte sen­sible, y deste genero parece que era aquella devoción de Ana madre de Sa­muel, quando orava en el Templo: con la qual socorrio Nuestro Señor su aflic­ción, tan a lo sensible, y ablandante, que el Sacerdote Heli pensó que estava em­briagada de vino. Algunas vezes viene esta embriaguez espiritual en los nue­vos, no de muy abundante comunica­ción divina, sino de corta capacidad de espíritu. Porque de la manera que el que no está acostumbrado a beber vino, o tiene el celebro flaco, con poco que beba se embriaga. Assi también el poco acostum­brado a los recibos de este vino espiri­tual, o que tiene muy estrecha la capaci­dad donde hade recibirle, con pequeño recibo del queda embriagado, y menos señor de si, y de sus acostumbras opera­ciones. Y para que esta corta capacidad se ensanche, puede ser buen medio estender sin limite, ni medida las velas del co­nocimiento, por lo sencillo, y espiritual de Fé, azia la inmensidad de la divina grandeça, que ella representa, para que se ensanchen también las del afecto. Por­que, como dize el Venerable Ricardo de S. Victor, por el acto supremo del en­tendimiento, que llaman inteligencia, se abren, y ensanchan inmensamente los senos del alma: y la luz divina, que con este acto entra en ella, dize un doctissi mo Doctor expositor de San Dionisio, que se dilata, y desarruga el espíritu que con el conocimiento, y amor de lo sen­sible estrava estrecho, y como arrugado. Y acerca de lo mismo da provechosa doctrina nuestra Maestra Santa Teresa, para que estos impetus de amor sensi­ble se arrojen ázia lo interior del alma vitando con esto las muestras exteriores.

Esta embriaguez haze en los nue­vos contemplativos, y mucho mas en los aprovechados, los tres efectos que resiere Santo Tomas de la embriaguez corporal. El primero, comunicar mu­cho calor. El segundo, poca considera­ción. Y el tercero, multiplicación de es­píritus vitales, porque otros semejan­tes se hallan esplritualmente en los que son favorecidos con abundancia deste vino celestial. Causa lo primero, mu­cho calor de amor de Dios, como poco ha lo vimos en la descripción de aquellos Autores experimentados. Causa lo se­gundo, poca consideración, porque co­mo pone al alma en exercicio de amor, le quita todos los conocimientos apre­hensivos, que le pueden estorbar este exercicio afectivo, como en otra parte nos lo declaro un Autor sabio muy ex­perimentado. Lo tercero multiplica los espíritus vitales, aumentando es esfuerço, y virtud de las fuerças espirituales, para caminar con aliento por el cami­no de la perfección, sin el temor de las dificultades, que antes le acorbardavan. Y por este efeçto dize San Lorenço Iustiniano, que el don de sabiduría es un gusto divino acomodado al alma, para perficionar en ella la Fè, esforçar la esperança, è infundirle tan gran vigor, que no tema morir por Dios, quando conven­ga. Del qual esfuerço se ha de tratar mas de proposito en la otra embriaguez mas espiritual, para quando guardamos la noticia experimental, que nos dan della San Buenaventura, y nuestra Madre Santa Teresa, porque mezclan la de la par­te sensible, con la de la parte espiritual.

CAPITULO XI. Como se han de moderar los exercicios en estas comunicaciones suaves de la parte sensible, para no dañar a la salud.

En estos exercicios de la influencia difusiva, que se estiende a la parte sensible, se ha de tomar el exercicio de ella con moderación, porque como es comunicación dulce, y el eoracon humano amigo de deleyte, suelese ce­bar demasiadámente en ella, y conti­nuar la operacion afectiva con mas es­fuerço, y par mas tiempo de lo que la naturaleza corporal puede sufrir, co­mo lo significo Santo Tomas en estas pa­labras. El hombre grandemente se mejora, y perficiona con el amor de Dios: pero esto quanto a lo que es formal en el que es de parte del apetito, mas quanto a lo que es material en la passion del amor, que es alguna inmutación corporal, succédé que el amor sea lascivo, y dañoso al que ama por el excesso de la inmutación, como acaece en el sentido, y en todo acto de virtud del anima, que se exercita per alguna inmutacion del organo corporal. En estas pala­bras dá el Angélico Doctor dos raçones: porque el afecto suave exercitado en la parte sensible, causa lesión en la natura­leza, aunque por ser comunicación espi­ritual perficiona el apetito. La una por­que se exercita en el organo corporal, que es el coraçon: y la otra , porque se exerci­ta con movimiento no sencillo, como en la voluntad, sino de transmutación corporal, según se declaro en otra parte. Por lo qual como qualquiera deleyte exercitado en los órganos corporales ha de ser moderado por el juizio de la raçon, aunque estos deleytes por ser es­pirituales estavan exemptos desta jurisdicion, se deven sugetar a ella en entrando en los términos corporales, que la razón governia. Y assi dize el mismo San­to, que se han de moderar: lo qual no es necessario quando se exercitan en la par­te espiritual, donde se regulan por otra causa superior, y su exercicio sencillissimo no causa lesión, sino mucho esfuerço a la naturaleza espiritual, y cor­poral .

Este peligro de lesión es mayor quando esta influencia es mas abundan­te, como en esta embriaguez espiritual, y se comunica a los nuevos, y no experi­mentados en estas comunicaciones dul­ces, porque la comunicación no experimentada desta suavidad amorosa, haze, como dize el mismo Santo, que ame mas fervorosornamente un principiante con poco amor, y suavidad, que el mis­mo quando está yá exercitado, aunque esta comunicación, y amor sea mayor entonces. Y assi en estos nuevos ay ma­yor necessidad de moderar el exercicio impetuoso deste amor sensible, porque con su violencia muy frequentada no lastimen el coraçon de manera, que queden despus inhabiles para continuar los exercicios devotos, como lo advierte S. Buenaventura en estas palabras: « Es proprio de la experiencia de la suavi­dad espiritual., particularmente quando se comunica con frequencia, y se exercita con movimiento vehemente, qual es el del apetito sensitivo, que recreando al espíritu, debilita al cuerpo, y en cier­ta manera le aflige, deleytandole. Por lo qual conviene, que quando abunda esta comunicación à lo sensible, se use della moderadamente, porque mas pro­vechoso es goçar por mas tiempo de las comunicaciones divinas tomadas conmoderacion, que por entregarse a ellas indiscretamente, pierdan la salud, y se impossibiliten para la oración con perdida de lo recibido: Porque quebra­do el vaso, se sale el licor que en el se gardava. Y otro tanto sucede a los nue­vos espirituales, que les falta la devo­ción con la indisposición corporal. »

En otra parte nos dá el mismo San­to otra raçon muy conveniente porque los deleytes espirituales comunicados a sola la parte espiritual, no hazen daño al natural del que los recibe, y en la parte sensible si: conviene à saber, que quan­do la suavifiad divina, comunicada a sola la parte espiritual, como es su proprio mantenimiento, la perficiona, y no la al­téra, ni corrompe; pero quando esta sua­vidad es comunicada a la parte sensible con mucha frequencia, o por largo tiem­po, la altera, y corrompe, por ser manjar mas sutil, y delicado, que su calidad gro­sera acostumbra, assi coçio un rustico acostumbrado a manjares groseros, si come muchas vezes otros mas delica­do alteran, y corrompen. Todo esto es deste Santo, muy experimentado en es­tas materias mysticas.

Quando este amor sensible es sedien­to, è impetuoso, aun se ha de moderar con mas cuydado, porque como ay ma­yor excesio de transmutación en el exercicio, según la doctrina ya referida de San­to Tomas, en menos tiempo puede hazer mayor daño al natural, del qual pe­ligro nos amonesta nuestra ilustrada Maestra endi versos lugares de sus libros: en uno dize assi: Digo, que en llegando a te­ner esta sea impetuosa, que se mire mucho que acabará la salud, y dará nuestras exterio­res, aunque no quiera, las quales se han de escusar por todas vias. Estemos con cuidado quando vienen estos impetus tan grandes, para no añadirlos, sino con suavidad cortar el hilo con otra consideración, y acortar el tiempo de la oración, por gustosa que sea, quando se vieren acabar las fuerças corporales, y hazer daño a la cabeça, que en todo es necessaria discreción. En otra parte, tratando de las grandes ansias espirituales de amor, que prece­den a la union, haze mención de passo destos impetus de amor sensible, que vie­nen con desasossiego del pecho, que pa­rece ahogan al espíritu, y que no cabe en si. Y da muy buena doctrina de como se han de moderar, y procurar que sea la oración mas quieta, y mas suave.

De lo mismo nos avisa nuestro Ve­nerable Padre Fray luán de la Cruz su compañero, y Maestro experimentadissimo en estas materias mysticas, el qual, después de aver tratado, y declarado la vehemencia, y imperfección deste amor impetuoso de los nuevos contemplati­vos, favorecidos de influencias suaves, lo remata con estas palabras: « Estos nuevos amadores siempre traen ansias, y fatigas de amor sensitivo, a los quales conviene templar la bebida, porque si obran mucho, segun la furia del vino nuevo, estragarán el natural. A estos ordinariamente les dà fuerça para obrar el fervor sensible, y por el se mueven, y assi no ay que fiar deste amor hasta que se acaben aquellos fervores, y gustos gruessos del sentido, porque es muy fá­cil faltar este vino, y con él el fervor con que obravan. » Esto dize nuestro Ve­nerable Maestro, y lo mismo aconsejan comunmente los Autores mysticos desta moderación en los exercicios deste tiem­po, hasta que façonandose mas el calor del espíritu, se haga mas sutil el exercicio, y mas espiritual, acomodándolo mas al acto sencillo de la voluntad, que al impetuoso del apetito sensible; por­que como un Autor experimentado en­seña, quanto uno se fuere habituando mas a estos exercicios, tanto se irá haziendo mas apto para recibir los impul­sos espirituales, y usar dellos, sin daño del natural; porque como en la contem­plación intelectual vá mejorando el en­tendimiento de luz, también mejora la voluntad de gustos y consuelos en los que desta manera son favorecidos, y la diferencia que ay de los unos a los otros declaro la experiencia de nuestro Maes­tro en estas palabras: Destos gustos que sereciben en la oración, digo, que han de ser de ve­ras gustos, como tina recreación suave fuerte­mente impressa, deleytosa y quieta. En estas palabras declaro la suavidad Divina re­cibida en la voluntad, y luogo declara la del apetito sensible, diziendo: Porque unas devocioncitas del alma, y otros senti­mientos pequeños, que al primer ayrecito de persecución se pierden. A estas florecitas no las llamo devociones, aunque son buenos princi­pios, y santos pensamientos.

CAPITULO XII. De la gula espiritual de los que en la oración van à gustos sensibles, y no a desnudez de espíritu.

Hablando nuestra gloriosa Madre de los que han llegado a este sabor sensible desta oración, que llama de quie­tud, descubre un vicio que suele aver en ellos, diziendo: Algunas almas como co­mienza a llegar a oración de quietud, y à gustar de los regalos, y gustos que dá el Señor, páreceles que es muy gran cosa estarse alli siem­pre gustando: pues créanme, y no se embeban tanto, y si fuere largo este gusto, y siempre en un ser, tenedle por sospechoso, y procurad desembeberos con otra cosa provechosa, y quítese este peligro, que alómenos para la cabeça es muy grande, si durasse mucho tiempo. En estas palabras toca nuestra Maestra el peligro que en otra parte tocamos de la doctrina de San Buenaventura, de poder con­trahazer el Demonio estos sentimien­tos dulces de la parte sensible: y también el vicio de la gula espiritual, que con la continuación dellos suele aver en algu­nos contemplativos, que andan siempre en la oración a caça destas consolaciones, y quando hallan algo dellas, hazen assiento en este gusto para gozarlo, co­mo gozaran otro qualquier deleyte, sin passar con su intención a mayor aprove­chamiento. Para lo qual se ha de adver­tir lo que dize Santo Thomas, que des­pués del pecado del primer hombre, quedo la naturaleza tan inclinada a la sensualidad (que comunmente llama­mos amor proprio) que quando la re­primen por un camino, ella brota luego por otro: y quando por el exercicio de la oracion la apartan de los deleytes sensuales, busca su cebo en los espirituales, y por esto no se halla bien con la Fè desnuda de todas estas ex­periencias sabrosas, y debiendo buscar la Cruz para seguir a Christo nuestro Señor, negándose en lo que infructuosa­mente busca el apetito, como nos lo in­timo el mismo Señor bien cuidadosa­mente della.

Esto pondero con admirable luz y practica nuestro Venerable Padre Fray luán de la Cruz hablando con estos es­pirituales interesados, y particularmen­te con Religiosos, y a nuestro proposito dize estas palabras : « Los espirituales que en el estado han abraçado la Cruz de Christo, en las obras huyen della, y de la negación y desnudez espiritual, que el Señor nos aconseja porque en lu­gar de desnudarse de si mismo, y negar­se en todas las cosas, andan buscando en que cebar, y vestir nuestra naturaleza de consolaciones y sentimientos espiritua­les, y piensan que basta negarse en las co­sas del mundo, sin aniquilarse y purifi­carse en la propriedad espiritual: de don­de nace, que en ofreciéndose les algo desto solido y perfecto, que es la aniquila­ción y carencia de toda suavidad de Dios, y en començando a gustar de la Cruz espiritual, y desnudez de espíritu, huyen dello, como de la muerte, y solo andan a buscar dulçuras, y hinchimiento en Dios, lo qual no es la negación de si mismos, que el Salvador aconseja; no desnudez de espiritu, sino golosina de espíritu, con lo qual se hazen espiritual­mente enemigos de la Cruz de Christo: porque el verdadero espíritu antes bus­ca lo desabrido de Dios, que lo sabroso: y mas se inclina al padecer, que al ser consolado: y mas a carecer de todo bien gus­toso por amor de Dios, que a : y mas a las sequedades y afficciones, que a las consolaciones dulces, sabiendo que esto es seguir a Christo, y negarse a si mismos y essotro por ventura buscar­se a si en Dios, lo qual es harto contra­rio al verdadero amor, porque buscarse a si en Dios, es buscar los regalos y re­creaciones en Dios; mas buscar a Dios en si es no solo querer carecer de esto, y de essotro por Dios; mas también incli­narse a escoger por Christo todo lo mas desabrido, aora sea de Dios, aora del mundo. Esto es el cáliz que dixo el Salvador a sus Discípulos que avian de beber, co­mo la cosa mas preciosa y mas segura, que ay en esta vida, que es un morir a su naturaleza, desnudándola y aniquilándola, no solo de lo que le puede gozar y desfrutar de propria comodidad por los sentidos, mas también por las poten­cias, assi de lo humano, como de lo Divino. »

Todas estas son palabras desta Aguila espiritual, que mirando sin pesta­ñear al Sol Divino, tan alta luz recibió del en el camino de espíritu, que vino a ensenar; vestido de nuestra naturaleza, que de su iluminación nos ilumina utilissimamente a nosotros. Acerca desto mismo, y del engano que padecen mu­chas vezes los muy llenados destos sen­timientos dulces, dize un Autor muy experimentado estas palabras: « En el amor y devoción sensible se ha de notar lo que dize el Venerable Ricardo sobre los Cantares que ay un amor afectuoso, que muchas vezes … mas al me­nos perfecto y que os ama, porque no ama cada uno t… quanto siente este amor, quanto en este estado le pa­rece que ama; sino quanto estumiere fun­dado en la caridad, y en las demas virtudes; y quanto fuere mas fiel en cumplir los Divinos mandamientos. El afecto sen­sible, aunque sea en lo espiritual, es engaoso, y muchas vezes tiene mas de natu­raleza, que de gracia, mas de coraçon, que de espíritu; y de sensualidad; que de razón razón. De manera, que algunas vezes se enciende mas para el menor bien, y me­nos para el mayor, y es para alguna coso mas sabrosa, que conveniente. En este afecto erravan los discípulos de Christo, que le amavan según la carne, de cu­ya presencia corporal no quieran carecer, y por esso fueron reprehendidos de que no amavan, porque amavan mas lo que deleytava, que lo que convenia. Y por esso les dixo el Señor: Si de verdad me amaradas, os alegrarades de que voy al Padre: y deste desorden participan los que llegan a comulgar para adquirir esta gracia y devoción sensible, mas que con sin de agradar a Dios y crecer en las virtudes. Y si algunos todavía imperfe­ctos y carnales se aficionan a Dios afe­ctuosamente, no es porque le avian mu­cho, sino porque gustar por entonces desta gracia, que tanto ayuda, quanto dura: porque todo el tiempo que dura la suavidad, dura el amor, mas este ami­go no se como es, porque muohas vezes siente mas este amor sensible, y la dulzu­ra desta gracia el liviano de coraçon, y vacio de gracia, que el verdadero amador de Dios. » Todo esto es deste Au­tor.

Entre los peligros que tienen almas muy llevadas de la suavidad espiritual, nos avisan los Santos de uno muy co­mún, que es de vana estima de si, quando por ser aun ñiños en la vida espiri­tual, las regala nuestro Señor con algu­nas consolaciones dulces y sensibles, porque como están aun imperfectas, re­ciben este secorro al modo de su imper­fección, y se euvanecen fácilmente, pen­sando que ya son algo, y en faltándoles esta suavidad, luego desfallecen, como lo significo San Gregorio en estas palabras : « En esto caen muchas vezes los nuevos contemplativos; que quando son recreados de Dios con algunos do­nes de gracia y dulçura de principiantes piensan que han recibido ya perfec­ción confirmada, y se juzgan ya por hom­bres perfectos: y no saben que aquella suavidad es todavía la primera leche de los que comiençan. Y de aquí viene, que quando los saltea de repente la tem­pestad de la tentación, piensan que es­tán ya desechados de Dios, y se tienen por perdidos, los quales, si se juzgaren todavia por principiantes, se aparejaran en la prosperidad para la adversi­dad, y tanto mas firmamento resistirán a las tentaciones, quanto con mayor saga­cidad las huvieren esperado, porque con mayor quietud se tolera el golpe en el que se aguarda previniendo. Todo esto es de San Gregorio. Y de lo mismo nos avisan S. Lorenço Iustiniano, y San Buenaventura.

CAPITULO XIII. De algunas sequedades de los contemplati­vos, que proceden de no conocer el movi­miento de las potencias, y lo que Dios obra en ellas.

Antes que tratemos de las verdade­ras sequedades en que nuestro Se­ñor pone a las almas contemplativas pa­ra purificarlas, y aventajarlas, es menes­ter hazer alguna breve mención de otras que se padecen por no entender el orden de las potencias, y como se vá subiendo por ellas de claridad en clari­dad, de las inferiores a las superiores, hasta llegar a unirse, y transformarse en Dios, dexando lo imperfecto para subir a lo mas perfecto. Destas primeras sequedades, y de lo que aflixen al alma, nos dio noticia la experiencia de nues­tra Madre Santa Teresa en estas pala­bras: O Señor, tomad a quenta lo mucho que passamos en este camino de oración por falta de saber: y es el mal, que como no pensamos que ay que saber mas de pensar en vos, aun no sa­bemos preguntar a los que saben, ni entende­mos que ay que preguntar, y passanse terribles trabajos, porque no nos entendemos; y lo que no es malo sino bueno, pensamos que es mucha culpa. De aquí proceden las aflicciones de mu­cha gente que trata de oración, y el quexarse de trabajos interiores. De aqui vienen las me­lancolías y el perder la salud, y aun el dexarlo del toda, y por la mayor parte todas las inquietudes, y trabajos vienen deste no enten­dernos.

Para conocer en que caso habla con palabras tan ponderosas nuestra Maes­tra, acordémonos de lo que en otra parte diximos de la doctrina de San Dioni­sio, que qualquier espíritu, aora sea ce­lestial, aora humano, tiene es si para lebantarse a Dios, sus Ierarchias, y orde­nes diferentes, unas mas espirituales, y superiores que otras: y assi como en la disposición de los Angeles ay una Ierarchia inferior, y otra media, y otra supre­ma, donde cada uno es iluminado, según la proporción de su Ierarchia. Assi tambien en el espíritu humano ay otras tres ordenes de potencias cognitivas, y afe­ctivas, a modo destas Ierarchias celestia­les, o unas inferiores, que son las sensiti­vas de la imaginación, y apetito sensible. Otras medias de la raçon, y apetito ra­cional: y otras supremas de la Inteligen­cia, y afecto mental supremo. Y en cada una destas Ierarchias de potencias, quanto es mas superior, tanto la luz se recibe mas clara, mas pura, y mas eficaz para su operación, aunque mas obscura le pa­rezca al alma, como el mismo Santo de­clara: porque quanto las potencias son mas superiores, tanto reciben la luz mas universal, y mas pura de objetos particu­lares, y distintos, y el ser tan universal, indistinta, haze que parezca al alma mas obscura, porque faltan allí los obyectos distintos, y grosseros, por donde el alma esta acostumbrada a caminar en su co­nocimiento.

Pues assi como en el orden de recibir la luz se assemejan las ordenes de nues­tras potencias à las de los Angeles: Assi también en la purgación, iluminación, y perfección, qué con ella reciben. Porque quanto el alma en la contemplación va subiendo mas azia los actos superiores, y recibe alli la luz divina en mayor pureça, y claridad: tanto mas se vá purifi­cando, iluminando, y perficionando la parte intelectiva. Y estos mismos efe­ctos se hazen también en la porción afe­ctiva, quanto es de parte de la divina ilu­minación, e influencia, sino halla resisten­cia en ella: y essa misma resistencia la vá venciendo, y enflaqueciendo sus contra­rios, como el fuego los suyos en el made­ro verde para encenderlo, y transfor­marlo en si.

Pues como el aprochamiento del alma en la vida contemplativa consiste en façonnarse ordenadamente en la Ierarchia inferior para subir a la superior; Si quando esta ya façonada para subir a los exercicios del orden superior inmedia­to ella no se suelta de los del inferior en que asta, suele N. Señor esterillárse­los, para que no hallando gusto en el, suba à buscarlos en el orden superior donde le tiene librada su comunicación y la mis­ma alma quando tiene ya lo que ha me­nester de aquel grado, y aspira al supe­rior, no gusta ya de los exercicios inferio­res, como el que sabe ya leer en processado, no gusta de ya deletreando. Y si el alma no tiene entonces quien la govierne, y en­tienda, passa el trabajo que nuestra glo­riosa Madre Santa Teresa passo unos diez y ocho, o veinte años, como ella llora, del qual tiempo es la experiencia de las palabras que quedan referidas, aun­que las escrivio quando avia salido ya destas dificultades. En todo el qual tiem­po, como la llamava Dios a contempla­do intelectual, y ella no se desasía de los objetos sensibles en la meditación ima­ginaria, sino quando el Señor la lebanta va a contemplación infusa, y tenia tan estériles los arcaduces de la meditación sensible, que de ninguna manera hallava gusto en ellos: padeció en este tiempo notable sequedad, aflicción, y trabajo.

De aqui, pues, vienen las mayo­res sequedades, que el alma contempla­tiva padece en la oración, quando esta ya façonada, para pastar de la medita­ción imaginaria, a la contemplación in­telectual de la grandeça inmensa, è infi­nita de Dios: porque si ella entonces no quiere dexar el estado, y manjar de niños en la vida espiritual, suele Dios des­tetarla de los pechos de las comunica­ciones sensibles, como dize Isaias, para que con la iluminación divina reciba el verdadero conocimiento de Dios, y se vayan purgando los oidos espirituales, pa­ra recibir lo que interiormente habla Dios al alma en soledad de todos sus co­nocimientos, y aprehensiones, como dixo por el Profeta, el mismo Señor: y en esta soledad, destetada de los pechos sen­sibles, dize, que la sustentará con otro mantenimiento mas divino, y para que el alma suba a recibirle en la esfera inte­lectual, donde Dios se comunica a sus verdaderos amadores, como el lo dixo à la Samaritana, le esteriliza los arcaduces de las comunicajciones sensibles que son la imaginación, y el apetito sensitivo que le corresponde, para que, o no pueda medirar sino con trabajo, o aunque medi­te, no halle jugo en la meditación. Y de esta manera, no hallando la palomita del espíritu racional donde reposar, ni poner los pies de su discurso, se entre en el arca mystica de la contemplación, don­de ha de hallar su descanso, y su mantenimiento. Y por esso algunos Autores mysticos llaman a esta sequedad el assensio amargo, conque destean a los niños en el camino espiritual, y los apartan de los pechos sensibles.

Pues si quien guia entonces estas al­mas no conoce su disposición, y llama­miento, padecen mucho, porque aunque Nuestro Señor las recoja algunas vezes llamándolas a lo interior con sentimien­tos dulces, como ellos no entienden este llamamiento, en acabándole esta suavidad, se quedan en su sequedad, y trabaje; del qual salieran, si buscaran a Dios a o intelectual de Fè, y le dexaran de buscara lo sensible, y distiato: y por allí hallaran mejorado lo que por el otro camino avian perdido. Assi lo hizo N. gloriosa Madre después de tantos años de trabajo, sin aver hallado Maestro que la entendiesse como ella misma dize: porque después de aver probado todos los medios de propria industria, y conocimiento sin aver hallado en ninguno gusto, ni con­suelo; assento su oración de la manera que ella lo refiere en el cap. 1s de su vi­da: conviene a saber: Acallando el entendimien­to en todos sus conocimientos, y discursos, y quedándose mirando a Dios en luz de Fè, y vista derecha, como presente, humillado el es­píritu a su grandeza, y regalándose con el con los actos de la voluntad. Y pondera luego los grandes aprovechamientos, que ha­llo en esta oración, y nos la persuade, y que nos pongamos en ella desde el principio.

Y no es mucho que sintiesse estos prove­chos, porque con este modo de oración, semejante a la que San Dionisio nos acon­sejar: se disponía para recibir la divina iluminación, è influencia a que se orde­na la oración mental, y en la misma se han de disponer los que quisieren reci­birla, y con esto se repararan destas prime ras sequedades, perseverando en esta pri­mera quietud del entendimiento vesti­do desta luz de Fè sobre demás cono­cimientos, aunque al principio les parez­ca modo seco, y obscuro este conocimiento sencillo, por estar acostumbrados al grosero, y distinto. Y para el reparo do esta sequedad dá excelente doctrina nuestro Venerable Padre Fray luán de la Cruz en este sentido mismo.

Otras sequedades semejantes à estas suele aver en los que por algún tiem­po se han exercitado en la contemplación intelectual de Dios, y de sus divinas per­fecciones, por medio de semejanças, aun­que también intelectuales, pero distin­tas, y conocidas. Y Dios les quita este modo lipitado, è imperfecto, para que hagan su assiento en la contemplación perfecta, è indistinta de luz sobrenatu­ral desarrimada del todo de la razón.

Para lo qual por ser punto importante, y en que se pueden embaraçar mucho los contemplativos, se ha de advertir, que en la contemplación que podemos exercitar por medio de la luz de la Fé, y de los auxilios comunes de la gracia, ay dos grados, que en el orden de la esca la mystica son el quinto, y sexto. La dife­rencia de los quales pone el Venerable Ricardo de S. Victor, admitido por San­to Tomas, San Lorenço Iustiniano, y San Buenaventura, diziendo, que el primero es sobre la razón; pero no geno, ni desarrimado della. El segundo, es so­bre la razón, y desarrimado del todo de ella. El primero se permite a los que de nuevo salen de la meditación imagina­ria, y material a la contemplación inte­lectual, que como son ñiños en la vida espiritual, no pueden andar sin algún arrimo al carreron de lo sensible, y distin­to, y se lebantan al conocimiento, de Dios, como dize San Dionisio por me­dio de algunas comparaciones de cosas conocidas, como representando la Magestad Divina delante de quien están; grandissima, a manera de cielo: Hermosissima a manera de Sol, purissima a ma­nera de un diamante muy resplandecien­te, o otras cosas semejantes de las ma­yores, y mas excelentes que conoce­mos.

Pero assi como a los niños en la vi­da natural, en pudiendo andar sueltos les quitan el carretón à que andén imperfe­ctamente arrimados : Assi a estos nuevos contemplativos se les ha de quitar pres­to este arrimo de la razón à estas semejanças conocidas, comó modo muy imperfecto de contemplar à Dios, para que suelto el espíritu destos grillos de semejanzas distintas, se engolfe en la contemplación de la inmensidad de Dios con la luz de la Fé, sin otro arrimo de luz conocida y limitada, y hasta entonces no abre la puerta a la iluminación Divina, y tiene otros muchos defectos este arrimo limi­tado. Porque con el no esta el entendi­miento en su acto supremo inmediato à Dios, para recibir su iluminación, como en otra parte vimos, sino en el acto infe­rior del, donde se divide, y compone. Ni mira ázia Dios con vista derecha, que es propria de la verdadera contemplación, sino mira el entendimiento àzia si, para formar aquella semejança conocida, y la pone como nube entre los rayos del Sol Divino, y el mismo entendimiento para que no le iluminen. Assimismo esta manera de formación de semejança co­nocida, lleva la intención del ani­mo, y queda la voluntad menos eficaz para amar, y unirse con Dios, a que la ora clon debe ordenarse. Y también ocupa­do el entendimiento en aquellas com­paraciones, participa por entonces de aquellas cosas que representa, y no de Dios en si mismo: y por todos estos, y otros muchos defectos se ha de dexar presto este modo primero de contem­plar a Dios a lo conocido y limitado, arrimado todavía a la razón, para que suelto ya el espíritu destas comparacio­nes improprias de cosas conocidas, se engolfe en el mer inmenso de la grande­za de Dios, no conocido sino por Fé: también a lo inmenso, como en otra parte lo vimos de la doctrina de S. Dio­nisio.

Pues quando está ya el alma façonada para subir a este acto de Ierarchias su­perior, y recibir en él la luz Divina en su sencillez y pureza, si ella no se quiere aun soltar del arrimo de las semejanqas conocidas, suele hazer nuestro Señor el oficio de Maestro, è impedirles esta for­mación de semejanças, para que sin ellas quede en participación de Dios, y de sus Divinas perfecciones en si mismas, se­gún queda declarando en otra parte con la doctrina del mismo Santo. Pues si en este tiempo tiene el alma contemplati­va Maestro que la entienda, y haga ca­minar a Dios desta manera a lo sencillo de Fé en participación Divina, halla presto su quietud y consuelo. Pero sino halla quien le dé luz de su camino, pade­ce sequedad, y aflicción, y le parece que es tentación del Demonio, que le tiene con no atado el entendimiento. Y si por­fia en quererle en desatar, aprovecha po­co, y recibe daño la cabeça. Y aunque este atamiento es cosa mas rara, es muy ordinario sentir el alma molestia, y re­pugnancia en estas formaciones de semejanças conocidas; y esta molestia es señal que esta façonada ya para la con­templación sencilla, y que la llama Dios a ella.

CAPITULO XIV. De dos maneras de devoción, y que la prin­cipal se exercita aun entre las sequedades.

De no saber en que consiste la verda­dera devoción, viene muchas vezes la aflicción que los contemplativos tienen en las sequedades, y assi seria conveniente darse la a conocer. Para lo qual se ha de advertir con la doctrina de Santo Tomas, y de otros grandes Maestros de la Teología Escolástica, que ay devocion substancial, y accidental. La substan­cial no es otra cosa, que una voluntad prompta de entregarse a las cosas del servicio de Dios, y es acto de la volun­tad en quanto potencia espiritual, que mueve todas las demás fuerças del al­ma, y a si misma a Dios, como a su ulti­mo fin. Accidental, es las que llamamos sensible, que se siente en la parte inferior del alma, a la qual devoción no pertene­ce el aumento de la caridad, ni el méri­to, y suele nuestro Señor darla particulaemente, como en otra parte tocamos a los imperfectos, y nuevos en el camino espiritual, para que con suavidad, y ca­lor façone el apetito sensitivo, que está en el coraçon corporal, y le buelva prompto para servir al intelectivo, qué en la vo­luntad, y serene las passiones que en él residen, para que con su desorden no im­pidan las obras de la devoción substan­cial. Porque el fuego que arde en el co­raçon, con esta suavidad quieta estas pas­siones, y consume por entonces todas las repugnancias, y tibieças de la carne, para que se conforme con el espíritu.

Destas dos maneras de devoción, la primera es la que propria y essencialmente se llama devoción, según la difinicion ya referida de Santo Tomas, con la qual concuerda la que haze della la Ilustrada experiencia de nuestra Madre Santa Teresa en estas palabras: Solo quie­ro que estas advertidas, que para aprovechar mucho en este camino de oración, y subir a las moradas que deseamos, no está la cosa en pensar mucho, sino en amar mucho. Y assi, lo que mas os despertare a amar, esso hazed: quiz ás no sa­bemos que es amar: y no me espertare mucho, porque no está en el mayor gusto, sino en la ma­yor determinación de desear contentaren todo a Dios, y procurar, en quanto pudiéremos, no ofenderle. Esto dize nuestra Maestra. Y assi desta devoción de promptitud y determinacion de la voluntad para servir a Dios, avernos de hazer aprecio, aun­que esto puesta en sequedad la parte in­ferior; porque esta devoción substan­cial, como procede de la caridad que con la voluntad tiene su assiento, es la que aumenta la misma caridad, y la que grangea el merecimiento, como decla­ra Santo Thomas, aunque falte la devo­ción sensible, y aunque la misma carne re­pugne. Y assi entre las sequedades, y re­pugnancias de la parte sensitiva puede aver verdadera devoción, y antes con mayor merecimiento, porque vence la voluntad entonces mayores dificultades para obedecer al beneplácito Divi­no, y es mas puro el acto de la voluntad, con que nos inclinamos a servir, y obe­decer a Dios, como mas limpio de amor proprlo, sin tener que desfrutar a lo sen­sible.

Esta devoción substancial mostro Christo Señor nuestro la noche de su Passion; porque sin hazer caso de los te­mores y tristezas de su carne, se ofreció a beber el cáliz de dolores y trabajos, que el Padre Eterno le avia embiado, y assi juntamente estava triste, y devoto, temeroso, y esforçado. Lo primero, en la parte inferior del alma. Y lo segundo, en lo superior del espíritu. Según lo qual, a Christo nuestro Señor imitan estrecha­mente los que entre las sequedades, y trabajos interiores y exteriores no buelven el rostro à los buenos exercicios, y a las cosas en que Dios se sirve. Por esta de­voción substancial se pone el alma en actual exerciclo, de amor de Dios, por­que como nos lo declara Santo Thomas en otra parte, la aplicación de la voluntad a Dios, como a su bien, es acto de amor, en el qual no pende la voluntad del apetito sensible, porque ella tiene en si el señorío de su operación, antes co­mo el hombre es llevado al bien por elección de la razón, è imperio de la vo­luntad, quanto en sus operaciones ay mas desto, y menos del impetu de la pas­sion de la parte inferior, tanto tiene mas de bondad el acto de la voluntad, como declara el mismo Santo; y esto es quanto a la devoción substancial.

La devoción accidental y sensible, aunque es uno como principio y semi­nario de devoción, como ya se toco en su lugar, y con ella se facilita la oración mental, ordenándola al fin para que Dios la dà, y exercitandola provecho­samente. Pero antes de nuestra propria operación, ni es devoción essencialmente, ni se puede llamar oración, ni acto meritorio, como declaran los Autores Escolásticos; porque la oración, y ver­dadera devoción, significa acto delibera­do, y perfectamente humano: y assi solo es un afecto movido del Espíritu Santo en nuestras potencias, que son sus instrumentos vivos, y pertenece a la gracia excitante y preveniente, y un principio de la devoción, y oración: y por esto dixo un Autor mystico, que la comunica­ción de la suavidad Divina era uno co­mo llamamiento de Dios a los actos de perfección, pero no la misma perfec­ción. Por lo qual debe entonces el con­templativo ser diligente en responder a esta vocación, caminando con esta suavi­dad al acto deliberado de oración y amor de Dios, según aquello de Iob: Llamarasme, y yo responderá.

Y de aqui sacaremos, que muchos de los que piensan que están devotos, y en muy afectuosa oración, ni están en oración, ni devoción substancial, sino so­lamente en una disposición para tenerla, si aplican deliberadamente su inten­ción y voluntad a Dios, quando son pre­venidos con la visitación de su suavidad. Y por el contrario, que muchos de los que entre las sequedades y trabajos in­teriores permanecen en la oración, aunque secos y sin jugo quanto a la parte sensible, y se quexan de indevotos, que no pueden tener oración, tienen devo­ción substancial, y oración muy merito­ria. Porque quanto a la parte superior, donde la verdadera oración y devoción se exercita, están con deseo de servir, y agradar a Dios, y congran determina­ción de no ofenderle, con voluntad prompta de poner por obra todo lo que entendieren que le agrada. Todas las cuales son calidades de la verdadera devoción y amor de Dios.

Con todo esto, esta suavidad espi­ritual, comunicada a la parte sensible, es gran socorro de la providencia Di­vina, como pondero San Buenaventu­ra. Con que nuestro Señor suele ayudar la imperfección y flaqueza, no solo de la parte inferior, mas también de la supe­rior, en los que aun no tienen las poten­cias perficionadas con los hábitos de las virtudes, y por esto obran imperfecta­mente, para que con este aliento so haga la voluntad rías prompta en el servicio de Dios, y los actos della sean mas inten­sos, y la carne que se corrompe no agrave, y apesgué al espíritu, quando quiere tomar buelo para servir a Dios, y enton­ces es muy buena ocasión para obrar el alma, porque le hazen la costa. Y como declara Santo Thomas, obra no solo con su virtud, mas también con la del motor Divino, particularmente aplicada. Con la qual, como transciende la virtud de la propria operación, se lebantarà a actos mas eficaces y perfectos, que los que obra por el camino ordinario, y su­plirá lo que le falta de perfección para obrarlos sin esta ayuda, assi en la ora­ción, como fuera della; porque como el apetito inferior, que esta en el coraçon corporal, es mas cercano al movimien­to del cuerpo, que el superior, si él con­curre promptamente al exercicio de los corporales, quando la volun­tad le mueve a ellos con el juyzio de la razón, saldrán mas perfectos, y con ma­yor promptitud y facilidad la obedece­rá estando desta manera dispuesto y ju­goso, que si estuviera soco y desgana­do.

También suele proceder la seque­dad que los nuevos contemplativos sien­ten en la oración, por estar el paladar es­piritual todavía templado a lo mate­rial y sensible, y no percibir en el movi­miento de la voluntad en la influencia Divina, si el apetito inferior no está mo­vido donde se siénte mas esta mocion, por hazerse con cierta transmutación corporal, como en otra parte vimos, y ejercitarse la del apetito intelectual, que os la voluntad, a lo quieto y senci­llo, a modo do la operación de los Ange­les, quien los verdaderos contempla­tivos imitan. Este defecto llora S. Buena­ventura, declarando quan enfermos quedaron los sentidos interiores por el pecado de nuestro primer Padre, y quan inficionado el paladar espiritual con la ponçoña de la serpiente, para percibir el sabor de las cosas Divinas; y trae para este reparo las palabras con que S. Ber­nardo se persuade, convenio a saber, que en la oración se abra la puerta a la iluminación del don de Sabiduría, por­que está entrando muchas vezes en el alma, la vá purgando desta enfermedad del paladar del espíritu, para que pueda saborearse en las cosas Divinas. Y como se han de hazer en el abrir desta puerta, ya nos lo declaro en otra parte San Dio­nisio. Y entre tanto que esta cura se vá haziendo, insista el contemplativo para el amor de Dios en el acto sencillo de la voluntad aunque po sienta jugo, per suadido de su utilidad, y que en la promptitud della consiste la verdadera devocion.

CAPITULO XV. De algunos favores que en el estado imper­fecto haze nuestro Señor a algunos contem­plativos, para acercarlos mas a si, y esforçarlos mucho.

Como la Sabiduría Divina es el prin­cipal Maestro de los verdaderos contemplativos, va guiándolos a la per­fección, y esforçando su flaqueza, y hu­millando su altivez, como lo significo el Espíritu Santo en los Proverbios, quando dixo: "Antesque sea quebrantado el coraçon del hombre, es lebantado: y an­tes que sea glorificado, es humillado."

De manera que en la vida espiritual, hasta que un espíritu está muy purgado, el trabajo de la humillación es víspera del consuelo de la exaltación, y esta lo es también de la humilliacion. Y assi, no luego que sale el alma de las penas de esta noche purgativa de la parte sensi­ble, la pone el Señqr en los aprietos de la otra purgación rajas penosa de la parte espiritual, sino antes la regala, y es­fuerza poe alguní tiempo con algunas comunicaciones dulces, y favorables, porque no desfallezca en el trabajo, an­tes cobre nuevas fuerças, y aliento para llevarlo.

De esto nos dio noticia experimen­tal el Venerable Padre Fray Juán de la Cruz por estas palabras: "A alma que Dios ha de llevar adelante, no luego que sale de las sequedades y trabajos de la primera purgación, y noche del senti­do, la pone nuestro Señor en la que dis­pone para la union de amor, antes suele pastar harto tiempo y anos, en que salida el alma del estado de princi­piantes, se exercita en el de los aprove­chados, en la qual, assi como el que ha salido de una estrecha cárcel, anda en las cosas de Dios con mucha mas anchura y satisfación espiritual, y con mas abun­dante è interior deleyte, que tenia a los principios, antes que entrasse en esta no­che, no trayendo ya atada la imagina­ción, y las potencias al discurso, y cuida­do espiritual, como soliá. Porque con gran facilidad halla luego en su espíri­tu muy serena y amorosa contempla­ción y sabor espiritual, sin trabajo del discurro, aunque como no esta bien hecha la purgación del alma (porque falta la principal, que es la del esoiritu) ay a tiempos algunas sequedades, tinieblas, y aprietos, a vezes mucho mas intensos que los passados, que son como mensageros de la venidera noche del espíritu, aunque estos no son durables, como lo serán los de la noche que espera; porque aviendo passado un rato, o ratos de esta tempestad, luego buele a su acostum­brada serenidad. Y desta manera va pur­gando también nuestro Señor algunas almas, que no han de subir a tan alto gra­do de amor como las otras, metiendolas a ratos inpoladámente en esta pur­gación epíritual, haziendo anochecer, y amanecer a menudo, aunque esta con­templación obscura no es tan apretada como la otra, que dispone al alma para la union Divina."

Desta manera nos dá noticia nues­tro Venerable Maestro del discurso del alma contemplativa entre estos dos cri­soles. Pues como ha de ser tan apretado el del espíritu, y ha menester estar el al­ma esforcada, y alentada para poder su­frirlo, suele nuestro Señor fortificar su flaqueza, y reparar su imperfección con particulares favores, con los quales lo aumenta la virtud, y despierta en ellas grandes deseos de padecer por el traba­jos, que es como víspera de entrar en ellos. Estos favores son de muchas mane­ras, y lo mas ordinario son por medio de la influencia Divina, que San Dioni­sio, como ya vimos, llama difusiva, que comunicandose a la parte superior del alma, se difunde por redundancia hasta la inferior, y regala toda el alma. Otros son mas raros por medio de algunas vi­siones proporcionadas al estado de ma­yor, o menor perfección de el alma, a quien se hazen con tal orden, que (co­mo dize Hugo de S. Victor, declarando a este proposito a San Dionisio) a las al mas imperfectas se comunican estas vi­siones a modo mas grosero è imperfe­cto, quales son las imaginarias, por no estar aun capaces para otras mas espiri­tuales; y a las mas perfectas se les manifiestan los secretos Divinos, por medios de formas mas excelentes, quales son las intelectuales. Pues acomodándose nuestro Señor al estado grosero, y toda­vía material de las almas imperfectas, y aun no purgadas, quando quiere lebantarlas a alguna comunicación, o ilumi­nación sobrenatural, se la templa y pro­porciona según la flaqueza de au vista. Y el fin para que nuestro Señor se la conce­de, no es para que hagan su assiento en la representación imaginaria de estas co­municaciones, aunque sean de la huma­nidad Sacratissima de Christo nuestro Señor, que son las mas dignas entre las representaciones sensibles, sino como dize el mismo San Dionisio, para que a nuestro modo imperfecto subamos de las cosas sensibles a las intelectuales; y de las figuras a lo figurado, haziendo una como escalera de las semejanças mate­riales a las sencillas y espirituales; y de las perfecciones criadas a la increada, de donde salieron; porque assi como en este mundo visible crio Dios muchas co­sas hermosas para lebantarrios por ellas a la hermosura del Criador, crio tam­bién muchas suaves a los sentidos, para que sublessemos por ellas a la suavidad del Criador, y una luz visible tan comunicativa pare arrebatar nuestra conside­ración a contemplar la generosidad y nobleza de la luz increada, è invisible, Y assi también concede a los nuevos contemplativos algunas visiones imagina­rias para lobantarlos a su modo grosero, è imperfecto, por las cosas sensibles a las intelectuales; y de la representación ma­terial de las cosas conocidas, a la contem­plación sencilla de las Celestiales y Divi­nas, no conocidas. Y usando dellas de esta manera, no solo consiguen el fruto para que Dios las concede, mas también huyen los enganos, que puede hazer el Demonio en estas comunicaciones ima­ginarias, como en su lugar declarare­mos.

Llega algunas vezes la bondad de Dios, y el deseo que tiene de acercar a si las almas, y encaminarlas a su perfeccio, a concederles en el estado imperfecto, no solo estas comunicaciones groseras, proporcionadas con su imperfección, mas también por favorable privilegio alguna participación de passo de las muy altas, que su Magestad concede a los perfectos mas de assiento, como la Santa Madre Teresa lo dize de propria experiencia en estas palabras: Comen o, pues, el Señor a regalarme tanto en estos principios, que me hazia merced de darme oración de quietud, y alguna vez llegana a union: verdades que durava tan poco esto de union, que no sé si era Ave Maria, mas quedava con unos efectos tan grandes, que con no aver en este tiempo veinte años, me parecía traía el mundo debaxo de los pies. Y assi me acuerdo, que avia lastima a los que le seguían, aunque fuesse en cosas licitas. Esto dize nuestra Ma­dre, y como no era union de assiento a que se llega por disposición proporcio­nada, sino concedida de passo, y como por privilegio, aunque la avia ávido pa­ra caminar a la perfección, no la dexo perfecta.

A este proposito dize San Lorenço Iustiniano: Aunque por Divina dispen­sación se pueden gustar en el primer gra­do de los principiantes algunas primi­cias del grado segundo y tercero de aprovechados y perfectos. Muy diferente te cosa es, y gran distancia ay entre sentir de repente y muy de passo lo que por largueza de Dios se concede, o posseerlo de assiento, y por habito infuso inten­samente arraugado ya en el espíritu: aquello se dà a los imperfectos para alen­tar sus flaquezas; y esto se suele dar a los perfectos, como en premio de su vir­tud. Esto aqui dize este Santo, declara mas lo largo Santo Thomas, tra­tando de la mocion de passo de la volun­tad, y de la que es mas de assiento. Para lo qual se ha de advertir, que mueve Dios de dos maneras la voluntad del hombre, una por modo de acto, y otra por modo de habito. Porque unas vezes la mueve a querer alguna cosa, sin im­primir en ella cosa ninguna; y otras im­primiendo en ella alguna que la este in­clinando a lo que la misma forma pide. Lo qual a nuestro proposito es el habito de la caridad, que perficiona la volun­tad, y la inclina al amor y union de Dios. Para lo qual no basta quslquiera grado de caridad, sino el intenso, que penetra toda el alma. Y esta penetración viene después de estar el alma ya purgada de todas sus imperfecciones, como en su lu­gar dirémos.

Pues como en este estado aun no está el alma de esta manera purgada, ni pe­netrada con esta forma Divina, por me­dio de la qual se ha de unir con Dios, su pie su Magestad esto quando quiere ha zerle esta merced por modo de acto, estiendo azia si la voluntad del con­templativo para unir la consigo, el qual es efecto mas del amor de Dios, que del que la misma alma le tiene, según aquel­la doctrina de San Dionisio, que el amor es virtud unitiva, que mueve a Dios a hazer bien a sus criaturas, y a ellas a lle­garse a Dios, como a su proprio bien. Y como el amor no está aun tan poderoso en esta alma para inclinarla intensamen­te a la union con Dios, por estar aun po­co arraygado en la voluntad el habito de la caridad, la inclina Dios a si por mo­do de acto, supliendo la imperfección del habito.

Y declarando Santo Tomas este lu­gar de San Dionisio, dize a nuestro pro­posito, que ay dos maneras de union, una superficial, y otra penetrativa. La primera es, como quando dos cosas se to­can superficialmente sin penetración, ni transformación. Y deste genero es la union actual del estado imperfecto, de que aqui haze mención nuestra Santa. La segunda es la de las cosas continua­das, como forma y materia con penetra­ción y transformación del que ama en el amado, y del amado en el amante. Y des­te genero es la union de amor y semejança con Dios, de los ya purgados y perfisionados con el habito de caridad intensamente arraygado en el alma. Y acá a lo material y visible podemos ­considerar: La primera, como la union de los rayos del Sol con la piedra tosca, que no la penetran. Y la segunda, como la union de los mismos rayos con el cris­tal claro que la penetran y visten de su claridad y hermosura. En otra parte lla­ma el mismo Santo a la primera, poner el pie en el grado de union; y a la segun­da, assentarle de proposito en el; que le primero es como huésped de passo; y lo segundo como morador de assiento.

Destas mercedes de Dios, y de la flaqueza è imperfección del alma en este estado, suelen sucederle arrobamientos y enagenacion de sentidos, que lla­man San Agustin, y Santo Thomas rap­to de los sentidos a vision imaginaria, a diferencia del rapto de los sentidos, è imaginación a vision intelectual, proprio de los grandes amadores de Dios, a comunicación muy alta de sus secretos, de que avemos de tratar adelante en su lugar. Este primer arrobamiento, o ena­genacion de sentidos sucede muchas vezes de mucho fervor sensible en almas imperfectas, a modo de los no acostum­brados a beber vino, o que son flacos de celebro, que con poco que beban se em­briagan. Otras vezes sucede de algún ob­jeto sensible, eficazmente representado en la imaginación. Porque quando la intención del alma se aplica toda ella al acto de tina potencia, queda abstraída de los actos de las demas potencias, y causa suspension en ellas. Y deste gene­ro dize Santo Tomas que fue el que tu­vo S. Pedro, referido cap. 10 Actuum Apost. Y el de S. luán en su Apocalypsi, en el qual modo de arrobamiento pue­de tener el Demonio mucha mano, po­niendo en la imaginación algún objeto amable, y moviendo alguna passion en el afecto sensible, que ayuda a la efica­cia y vehemencia de su aprehensión, pa­ra que aplique alli el alma toda su intencion, y quede abstrahida de los actos de las demas potencias. Y assi se debe pro­ceder en ellos con tremor y recato, no ha ziendo mucha estima de las aprehensio­nes que hufiiere en ellos, y desechando su memoria entrarse con el entendimien­to en la obscuridad sencilla è indistinta de la Fé, donde está su seguridad, y ma­yor aprovechamiento.

CAPITULO XVI Del peligro que tienen almas imperfectas, favorecidas en la oración, y como se han de vaer para caminar se­guras.

Como el acto se proporciona con la potencia que le obra, como el efe­cto con su propria causa, impossible es, dize Santo Thomas, que de potencia no perfecta con algún habito virtuoso, sal­ga acto perfecto en toda bondad. Y de aqui viene, que (como en las almas no purgadas están los hábitos de las virtu­des infusas, que andan con la caridad, y de donde procede nuestra perfección, poco arraygados en allas, y por esto par­ticipa el alma imperfectamente de la no­bleza y virtud sobrenatural destos hábi­tos) obran todavía las potencias a su mo­do natural è imperfecto, quando no ay particular auxilio, que supliendo la im­perfección de los hábitos, perficione sus actos. Por lo qual dize a nuestro pro­posito Enrique Harphio, que las almas que enastado imperfecto reciben fa­vores sobrenaturales, como de visiones y revelaciones están en muy gran peli­gro, por lo mal que por su imperfección usan dellas. Porque les sucede lo que a los animales inmundos, que aunque co­man buenos manjares, los convierten en ponçonas, por la mala calidad de sus estómagos? Y ptro tanto hazen los con­templativos imperfectos, que de las mercedes y favores de Dios se aprove­chan para su sobervia y vana estimado, pareciendoles que son algo, pues Dios assi los favorece, y se desvanecen con lo que avian de humillarse. Por lo qual conviene, que assi ellos, como los que los govieman anden con rezelo grande y recato en estas cosas para no ser engabana­dos de la propria estima, o de los ardi­des del Demonio, que tiene guerra abier­ta contra los contemplativos, y procu­ra mucho emponçonarlos.

Del mismo peligro nos advierte el Venerable Padre Fray luán de la Cruz diziendo: « Estos que no han entrado aun en la purgación de la parte espiri­tual, tienen todavía muchas imperfec­ciones; porque como traen los bienes espirituales tan afuera, y tan manuales en el sentido, caen en algunos inconvenientes y peligros. Porque como ellos hallan a manos llenas tantas comunica­ciones y aprehensiones al sentido y espí­ritu, donde muchas vezes veen visiones imaginarias y espirituales (porque todo esto, con otros sentimientos sabrosos, acaecer a muchos destos en este estado) y como suele comunicar el Demonio con gran gusto algunas destas aprehensiones y sentimientos con gran facilidad, embelefay y engaña al alma, no teniendo ella cautela para resignarse y defenderse fuertemente de todas estas visiones y sentimientos. Porque aqui haze creer el Demonio muchas visiones vanas, y pro­fecías falsas, y procura hazerlas presu­mir que habla Dios, y los Santos con ellos, y creen muchas vezes a su fanta­sia. Aqui los suele el Demonio llenar de presunción y sobervia, y atraídos de la vanidad y arrogancia se dexan ser vistos con actos exteriores, que parezcan de santidad, como son arrobamientos y otras apariencias. » Todo esto dize este Santissimo Padre. Y del mismo peligro nos avisan San Gregorio, y S. Laurencio Iustiniano in ligno vitae, cap. 7 de oratione, hablando destos que en estado imperfecto reciben favores de Dios, y se des nanecen con ellos.

Y para que sepamos de que comunicaciones sobrenaturales avernos de hazer caso, y de quales nos avernos de recelar: acordémonos de lo que en otra parte queda tocado de los tres mo­vimientos de el alma, que San Dionisio pone, conviene a saber, derecho, torci­do y circular. Porque las que tocan al movimiento circular, en que se exercita la perfecta contemplación, son estan­do el entendimiento en su acto supre­mo, que llaman inteligencia sencilla, vestido de la luz de la Fè, sobre todos los demás conocimientos, y tiene por objeto a Dios, suma verdad, y Magestad inmensa, incomprehensible. Y por este acto está inmediato a él, para recibir su iluminación como en su fuente: y las ilu­minaciones que alli se reciben, son acer­ca de Dios, y de sus divinas perfeccio­nes, que es el objeto proprio de la intelligencia, y se quedan allá en la Ierarchia suprema del alma en substancia intele­ctual, indistinta. Por todo lo qual, ho so lo son seguras estas comunicaciones so­brenaturales, mas también utilissimas al alma. Porque como dize San Dioni­sio, en la declaración dellas siempre dexan en ella perfección y santidad; por­que imprimen en el alma la semejança divina, de que estas comunicaciones es­pirituales, y lebantadas vienen vestidas, y dexan en ella altissimo conocimiento, y amor intimo de Dios, y gran estima­ción de su soberana Grandeza, y Magestad. Y assi en estas que este Santo llama por excelencia visiones divinas, bien se puede engolfar el alma contem­plativa, y tener gran gusto dellas, por­que siempre aumentan su perfección.

Las comunicaciones sobrenatura­les que tocan al conocimiento derecho, son las que comiençan en los sentidos, o imaginacion, y caminan azia lo interior del alma. Y pues estas, dize San Dionisio, que se dan a los nuevos contemplati­vos para lebantarlos a su modo grosero, è imperfecto, de lo sensible a lo intele­ctual, y de lo material, y distinto, a lo es­piritual, è indistinto de Fè, aprovéchen­se dellas para esto los que las reciben, co­mo queda tocado en otra parte.

Las que tocan al movimiento torcido, son las que se reciben en lo inte­rior del alma, y se tuercen àzia la parte inferior, para ponerlas por obra exteriormente. Pues en estas dos comunica­ciones destos dos movimientos, dere­cho, y torcido, ay poca seguridad, por poderse mezclar en ellas el Demonio; porque las del movimiento derecho se comiençan en las fuerças sensibles, don­de el según su naturaleza tiene mano, y potestad, si Dios no se la limita. Y las del movimiento torcido, las puede el contrahazer tan a lo sutil en la imaginación, que parezcan intelectuales; y por uno y otro camino arma sus redes peligrosa­mente a los poco recatados; y cúmple­se en ellos lo que dize Santo Tomas, que como el entendimiento es guiado a lo falso con apariencia de verdad, y la vo­luntad al mal, por semejança del bien, es engañada muchas vezes el alma de los ardides del Demonio, con buenas apariencias.

Porque quando el se transfigura en Angel de luz, dize San Buenaventura, que solo aquel podrá conocerle, que fuere ilustrado por el Espíritu Santo, median­te el don de consejo; declara a este pro­posito aquellas palabras del cap. 49 de Job: Quia revelabit faciem indumenti ejus. Porque este enemigo, dize este Santo, de una manera tienta las almas religiosas, y de otra las mundanas: conviene a saber, a estas a lo descubierto, y a aquellas a lo reboçado, y debajo de cubierta de santi­dad. Y assi solos aquellos vén sin cubier­tas la faz desnuda de su malicia, quando él la oculta con ropa de santidad, que tienen particular gracia de conocer es­píritus, concedida por Dios, contra las assechangas del Demonio. Esto dize en este lugar San Gregorio; y en otro nos avisa, que en estas cosas no nos assegure mos con el buen sobreescrito, y loable apariencia con que le representan. Por­que algunas vezes persuade el Demonio primero muchas cosas buenas, y ver­daderas para assegurar de que esbuen es­píritu; y después añade algo de lo que es proprio suyo, persuadiendo algún error, o pecado. Y al mismo proposito dize S. luán Chrisostomo algunas vezes tiene licencia el Demonio para dezir cosas verdaderas, pata recomendar su menti­ra con alguna verdad rara.

Pues si en estas aprehensiones sobre­naturales, que tocan a estos dos movimientos del alma, nos dan tan poca seguridad los Santos, que tuvieron mucha luz de Dios, como Maestros y Doctores de su Iglesia, para avisamos de sus peligros, devemos aprocharnos della, prendán­donos poco destas comunicaciones pa­ra hazer assiento en ellas, y mucho mas quando no tocan a nuestro aprovecha­miento, como revelaciones, o hablas de terceras personas, o de sucellos venide­ros. Porque desto de ninguna manera se ha de hazer caso, sino quieren abrir al Demonio una puerta muy ancha para que las engañe, y por ellos a otros. De lo qual nos avisa muchas vezes nuestra ilustrada Maestra, y su Venerable com­pañero en sus libros. Y en la oración de qualquiera manera que sean estas apre­hensiones distintas de ninguna fuerte se ha de embaraçar con ellas el alma con­templativa, sino tomando el consejo de San Dionisio. Penetrar el entendimien­to por todas estas noticias distintas, por mas sobrenaturales que sean, y entrarse desnudo de ellas en la obscuridad de la Fé, como Moysen debaxo de la nube, que cubría el monte, porque alli se le comunicara Dios a lo cierto y verdadero y sin peligros. Y lo mismo dize San Agustin con admirables palabras en otra parte referidas. Y el Padre Fray Juán de la Cruz trata mas largamente esto mismo, y da utilissima doctrina a los contemplativos assi para no ser engaña­dos con las comunicaciones del Demo­nio, como para lograr sin peligro las que son de Dios.

CAPITULO XVII De dos estreñios, entrambos peligrosos, que se hallan en algunos Maestros, que goviernan almas de oración, y del medio mas seguro entre estos dos peligros.

Entre los que goviernan almas con­templativas, ilustradas desta mane­ra con recibos sobrenaturales, ay dos estremos, tan peligrosos entrambos, y tan poco acomodados a la utilidad, y seguridad dellas, que no es fácil juzgar en qual ay mayor daño. Uno es de los que todo lo sobrenatural que veen en ellas lo condenan luego, o por malo, o por lo menos por sospechoso, porque no es conforme a su sentimiento, ni ellos han dado licencia para ello, queriendo que el Espíritu Santo no obre mas en las almas puras, que son templos suyos, de lo que ellos tienen por acertado. Otros van por el camino contrario, que como aquellos todo lo condenan, y con sus assombros y espantos en oyendo dezir vision o revelación, cierran la puerta al buen consejo, y echan uno como canda­do a la boca del contemplativo para no atreverse a dar quenta dellas, que es lo que el Demonio pretende para armar sus redes. Assi estos todo lo aprueban, y en cosas tan dudosas viven con poco te­mor y rezelo, y con esto dexan la puerta abierta a los engaños del Demonio. Y pues a estos segundos dieron ya los San­tos doctrina segura y provechosa en el capitulo passado, diremos en este a los primeros lo que sienten de su modo los Maestros sabios y experimentados.

Con estos habla la Santa Madre Te­resa, quando dize : El engaño es, que nos pa­rece que par los anos que ha que tratamos de espíritu, hemos de entender lo que en ninguna manera se puede alcançar sin experiencia. Y assi yerran muchos en querer conocer espiritus sin tenerle. No digo, que quien no tuviesse espíritu, si es Letrado, no governarâ a quien le tiene, mas entiéndese en lo exterior è interior, que vá conforme a via natural, por obra de entendimiento, y en lo sobrenatural que mire vaya conforme a la Sagrada Escritura. En lo demás ; no se mate, ni piense penetrar lo que no entiende, ni ahogue los espíritus, que ya en quanto a aquello, otro mayor Señor los govierna, que no están sin superior: no se espante, ni le parezcan cosas impossibles, que todo es possible al Señor, sino procure esforçar la Fè, y humillarse de que haze el Señor en esta ciencia a una viejecita mas sabia por ventura que a él, aunque sea muy Letrado: y con esta humil­dad aprovechar à mas a las almas, y assi, que con tenerse por contemplativo. Todo esto es desta Santa Madre y Maestra. Y en muchos lugares de sus libros se quexa de lo mucho que la hizieron padecer algunos medio Letrados espantadiços. Y en el cap. 8 de sus fundaciones dá admirable doctrina desta materia.

En esta conformidad habla Gerson desta manera. Los que han de ser Maes­tros de almas contemplativas, convie­ne que estén muy versados en la lección de los Autores, que en cosas de espíritu tuvieron ciencia y experiencia, y no casarse luego con su parecer en los senti­mientos sobrenaturales, que hallaron en las personas devotas y sencillas, en que no ay cosa contra la Fé, ni al descu­bierto cosa contra las buenas costum­bres, sino que veneren con silencio las cosas que no alcançan, o antes de dar su sentencia las remitan a mas sabia consul­ta, para tomar consejo con los libros de los Santos, y Varones Sabios y experi­mentados, que juntamente tengan cien­cia en el entendimiento, y experiencia en el afecto, quales son San Agustín, Santo Thomas, San Buenaventura, y algunos otros, y no muchos, y léanlos con deseo de acertar a tomar su parecer, porque si los miran de otra manera, en lugar de sacar luz, sacaran tinieblas.

Desta fuerte nos da doctrina este sapientissimo Varón de la prudencia façonada, con que se ha de proceder en censurar estas cosas, y conviene mucho quitar de tal manera la estimación de las que pueden ser peligrosas a estas per­sonas, que dexen siempre la puerta abier­ta a la comunicación del Maestro, para tomar consejo en lo que demas fuere su­cediendo; porque el Demonio procura mucho darles encigimiento, para que con el silencio no sean sus laços descu­biertos. Para esto no ha de ser fácil el me­dio en condenarlo que conocidamente no es malo, sino darles a entender en lo que consiste el aprovechamiento del alma, para que caminen a procurarla, y quiten la estimación de lo que tiene mas peligro, que utilidad. Para esto es a pro­posito lo que dize Santo Thomas, que la gracia que haze al hombre grato a Dios, es bien mas alto y excelente, que todas las gracias gratis datas, aunque sean de Profecía, y hazer milagros, y te­ner en la contemplación grandes reve­laciones de secretos Divinos. Y que assi se han de endereçar los exercicios devo­tos a los aumentos de la gracia, que or­dena al hombre inmediatamente a unir­le con su ultimo fin, sin cuidar de otros recibos sobrenaturales, que no se orde­nan a esto.

También puede servir a esto lo que el mis­mo Santo dize en otra parte de la gracia intensiva y extensiva de los Angeles, que la intensiva es la que les dieron al princi­pio de su Bienayenturança, y por la qual son bienaventurados: y la extensiva es de los misterios que de nuevo les son revelados hasta el día del juyzlo. Pues declarando este lugar del Angélico Doctor el sapientissimo Padre Suarez prueba con fundamentos claros y allños, que qualquiera aumento de la gra­cia intensiva, que le orden a nuestra bienaventuranza es de mayor momen­to, que todos los aumentos de la gracia extensiva, aunque comprehenda todas las revelaciones de misterios escondi­dos, que han tenido los Angeles desde que fueron criados. Pues con estos, y otros fundamentos semejantes se puede persuadir a los desta manera ilustrados, que pongan su estimación y aprecio en caminar eñ la oración a los aumentos de la gracia que los haze agradables a Dios y los une con el, y en que consiste su bien­aventuraba, y no en otrad aprehensiones nes, que tienen mas de peligro, que de utilidad, y la disposición de parte del alma para los aumentos de la gracia, y ca­ridad, ya vimos en otra parte de la do­ctrina de S. Thomas y S. Dionisio que es reducida de la multiplicidad a la unidad, y de la vida esparcida a la única, como le quedo en la contempacion sencilla de Fè sobre los demas conocimient tos y aprehensiones.

Para ir por este camino llano acon­sejado de los Santos, y prendarse poco de otros menos seguros, dize Santo Tho­mas, que es necessario abraçarse fuerte­mente de la virtud de le humildad, que enfrena el impetu del animo, para no aspirar desordenadamente a cosas raras y desuades, y no apartarse en sus obras del acamino común. Lo qual es proprio del espíritu humilde, governado por Dios y no desear cosas extraordinarias, como visiones, revelaciones, raptos y excessos de espíritu, ni exercicios de vir­tud, que sean singulares y desusados para cansar admiración a los que los mi­ran. Porque aunque para manifestar Dios su gloria ha inspirado muchas ve zes modos de vida particulares y ex­traordinarios, como leemos en las vidas de los Santos, no dá semejantes inspira­ciones, sino a personas de quien se ha de servir para ganar muchas almas, y que están fundadas ya en la humildad y vir­tud robusta, tomando este modo de vi­da de algunos muy perfectos, como por milagros de la virtud Divina para traer muchos a su servicio. Y al que no està bien fundado en profunda humildad, o que es muy llevado de vana estimación, no acostumbra nuestro Señor inspirar cosas extraordinarias, porque no les sean ocasión de calda. Y como el buen espí­ritu discreto, no mueve regularmente te sino a cosas ordinarias y conformes a las fuerças de cada uno, sin esperar mila­gros, guiándonos por caminos dere­chos, llanos, y trillados de nuestros ma­yores, y por esso mas seguros que los ex­traordinarios y desusados, donde son mayores los peligros, y mas ciertos los assaltos de mal espíritu.

Esta doctrina tan importante para los contemplativos trato muy de pro­posito luán Gerson de dist. ver. revelat. condit. 2 como tan docto y experimen­tado, el qual dize desta manera: « Quando uno camina por el camino ordina­rio, y por la senda Real con sencillo coraçon en todas las justificaciones de Dios, y que no aspira a cosas altas y mi­lagrosas, y que exceden su capacidad, si­no que yendo por tierra llana sigue la re­gla de vivir, instuitida por los Santos Padres, ni traspassa los términos que pusieron sus passados. De este tal no se de­be creer fácilmente, que es engañado por ilusiones del Demonio, si ves que se de­xa governar por consejo ageno, y se ajus­ta en las demas cosas a las reglas de la discrecion. Pero los que son amigos de se­guir su parecer, y andar por el camino que ellos inventaron, dexando el carre­tero y real de las virtudes y reglas de los santos, son guiados por un governador peligrosissimo, y los va despeñando la propria opinion, y qualquiera cosa que dixeren de revelaciones se debe tener por sospechosa. » Todas estas son pala­bras de este gravissimo Autor, y doctri­na muy importante para todos los espi­rituales, y muchissimo mas para los que son inclinados a cosas nuevas y singula­res, por estar mas dispuestos para ser en­gañados. Porque assi como Dios mueve a cosas humildes, y a que seamos Santos sin ruido, assi también el Demonio mue­ve a cosas raras y extraordinarias, que campeen mucho en los ojos de los hombres, y se van con esto a la vana esti­ma.

Desta manera de aprehensiones distintas, recibidas por modo sobreñatural, trato muy a lo seguro y provecho­so al Venerable Padre Fray luán de la Cruz, ensenando como en la negación de ellas consiste, no solo nuestra seguri­dad, mas también la utilidad que puede sacarse dallas. Y a este proposito dize desta manera: « Portento, siempre se han de desechar las tales representacione nes y sentimientos, porque dado caso que algunos sean de Dios, no por esto se le haze agravio, ni se dexa de recibir el efecto, y fruto que Dios quiere hazer por ellos al alma, porque ella los dese­che, y no los quiera. La razón desto es, porque la vision corporal, o sentimiento en alguno de los otros sentidos, assi también como otra qualquier comuni­cación de las mas interiores, si es de Dios, en este mismo punto que aparece haze su primer efecto con el espíritu, sin dar lugar a que el alma tenga tiempo para deliberar en quererlo, o no que­rerlo. Porque assi como Dios comiença en aquellas cosas sobrenaturalmente, sin diligencia activa, ni habilidad del al­ma assi también sin diligencia, ni habi­lidad suya haze Dios el efecto en ella, que quiere con las tales cosas. Porque se obra passivement en el espíritu. Y assi no consiste en querer, o no querer, para que sea, o dexe de ser. Y con no querer las admitir cierra la puerta a los engaños del Demonio. Y aunque se supiesse cierto que eran de Dios, tiene in­convenientes grandes para quererlas el alma admitir, y hazer propriedad de ellas. Particularmente, que por estas co­sas se vá desquiciando de la perfección de seguirse por Fè, haziendo a precio de lo que experimentan los sentidos, pues la Fè es sobre todo sentido, y assi se apar­ta el alma de la union de Dios, cuyo me­dio es la Fè, no cerrando los ojos del es­píritu a todas las cosas de los sentidos, y detenida en ellas no camina a lo invi­sible. » Todo esto es de la do­ctrina deste gravissimo y experimentadissimo Maestro.

CAPITULO XVIII. De las primeras ansias de Amor de Dios de las almas contemplativas en estado aun no perfecto.

Para tratar de las ansias de Amor de Dios, con que algunas vezes penan las almas contemplativas, se ha de pre­suponer lo que dize San Buenaventura en estas palabras: Assi como en lo corpo­ral ay dos maneras de purificar una cosa: la primera por agua y la segunda por fuego: assi también las ayen lo espiritual: la primera por lagrimas, dolores, y continuo quebrantamien­to de trabajos: y la segunda, y mucho mas efi­caz por fuego de Amor. Esto dize este Santo, y todo lo que se ha dicho en la primera parte de los trabajos interiores del alma, pertenece a la purificación de agua, y a los efectos del cierço espiri­tual, que corria en el huerto de la Espo­sa, para esterilizar, y secar las malas hier­vas. Y finalmente al primer despojo de les imperfecciones del alma, se ha dicho ya, según la doctrina de S. Tomas, y a referi­da, y aora diremos algo de la purificación del fuego, y de los efectos mas apacibles del vieto abrego, y de su influencia fervo­rosa, para introducion del Amor de Dios, y del pojo del amor proprio desordenado.

Para declaración de como se vá haziendo en el alma esta purificación de fuego, nos pone Santo Tomas el exemplo del madero verde puesto en la lumbro, que como le va inflamando el calor del fuego, va poco a poco expeliendo de las disposiciones contrarias, hasta que vencidas del todo, imprima en el su semejança. Y otro tanto haze en el alma contemplativa la Divina influencia. De esta misma comparación usa nuestro Ve­nerable Padre Fray Juán de la Cruz, y la declara mas a nuestro proposito desta manera: « Esta luz divina purgativa, de la misma fuerte se ha en el alma, purgándola, y disponiendo la para unirla consi­go perfectamente, que el fuego en el ma­dero para transformarle en si. Porque el fuego material en aplicándole al made­ro, lo primero que haze es yrle desecan­do, y echando fuera la humedad, y los demás accidentes contrarios, y juntamente le vá inflamando para transformarle en si. Y a este modo avernos de filosofar acerca de este divino fuego de amor en esta fragua purgativa, que antes que una, y transforme al alma en si, la purga primero de todos sus acciden­tes contrarios; y al passo que se và puri­ficando el alma por medio deste fuego de amor, se và mas inflamando en él, assi como el madero al passo que se và dispo­niendo se và calentando mas, aunque es­ta inflamación de amor, no siempre la siente el alma; sino algunas vezes, quando la influencia divina dexa de envestir­la tan a lo fuerte, porque entonces tie­ne el alma lugar de ver, y aun de goçar la labor que se và haziendo en ella, como quando sacan el hierro de la fragua, pa­ra que se vea la obra que en el se haze, y entonces ay lugar para que el alma eche de ver en si el bien que no veia quando andava la obra. »

Esto dize desta inflamación purga­tiva nuestro Venerable Padre, y aplican­do su doctrina experimental a la prime­ra purgación que se haze en la parte sen­sible, de que yá en su lugar tratamos, assicomo la influencia divina và gastando y consumiendo en ella impureças, y verdores del apetito inferior, que hazen contradicion a los hábitos de las virtudes morales, que militan contra el desorden de las passiones que están en él, assi la va también inflamadlo para introducir en ella su semejança; según el modo de su capacidad material, y gro­sera. Y quando el apetito sensible está inflamado con este fuego, de manera que se mueve con eficacia a desear a Dios, comomo su movimiento procede de passion, suele ser muy impetuoso, y una como señal de victoria, que va alcançando yà de las passiones, è inclinaciones desor­denadas, que le abatían viciosamente a las cosas de la tierra. Porque assi como quando el fuego lebanta llama en el ma­dero verde, es señal de victoria del mis­mo fuego, y que ván ya de vencida los contrarios, que le hazian resistencia: Assi también quando el fuego de amor dá estas llamaradas ansiosas en el apetito, es señal que ya los contrarios, que an­tes le resistían, van perdiendo su fuerça.

Pero como en el apetito sensible se exercita el amor a modo de passion y por esto quando el se inflama suele ser su movimiento muy vehemente, e im­petuoso, es menester moderarle con dis­creción, para que con su violencia no dañe al coraçon donde se exercita. Pues como en otra parte se toco de la doctri­na de Santo Thomas, aunque de parte de lo formal del amor se majora el ape­tito; pero de parte de lo material en la passion de amor exercitada en el órga­no corporal, se haze este amor nocivo con el excesso del movimiento; Assi es necessario, que este exercicio y movi­miento sea moderado, y assi nos lo acon­seja nuestra gloriosa Santa Teresa en al­gunos lugares de sus libros, y en uno dize assi : Una cosa advertid Hermanas en es­tos grandes deseos de ver a nuestro Señor, que aprietan tanto algunas vezes, que es menester no ayudarlos, sino divertirlos (si podéis digo) porque en otros que diré adelante, en ninguna manera se puede, como vereis. En estos prime­ros alguna vez, si podran, porque ay razón entera para conformarse con la voluntad de Dios. Y como al parecer no es deseo de perso­nas muy aprovechadas, ya podria el Demonio moverla, porque pensassemos lo estamos, y procurar abundancia de lagrimas, para que se enflaquezean de manera que despues no puedan tener oración, ni guardar su regula.

Esto dize nuestra Madre Maestra, y de lo mismo nos avisan otros Maestros mysticos experimentados, y del daño que recibieron algunos, por dexarse lle­nar de estos Ímpetus de amor sensible, perdiendo tinos la salud, y otros con ella el consuelo también, quedando llenos de escrúpulos. Y de uno en particular nos avisan, conviene a saber, que como con este movimiento impetiioso se de­bilita el coraçon corporal, donde tiene su exercicioj sino ser repara con tiempo, viene a quedar tan flaco para exercitar los actos virtuosos con esfuerço, que queda como lisiado para no poder exer­citar la parte que le toca de la oración, y con su acto sirve flacamente al de la vo­luntad. De donde viene, que quando la parte concupiscible del mismo coraçon se inclina viciosamente a los objetos de la sensualidad, y la virtud irascible, que se avia de oponer a este desorden, está debilitada para baser con eficacia su re­sistencia, aunque la voluntad en lo supe­rior resista, piensan que consiente, y dello les viene tanto mayor aflicción, quanto mas aman a Dios, y mas desean no ofenderle, la qual aflicción es argumen­to de la resistencia de la voluntad: Los que desta manera tienen debilitado el coraçon, han de ordenar esta resistencia mas con lo interior del animo, que con el movimiento sensible. Porque como la la intención es acto de la voluntad, que mira al fin, y orden los actos de las de­mas potencias, en poniéndola en Dios, queda con seguridad el alma.

CAPITULO XIX. De otras ansias de amor do Dios mas espiri­tuales en los contemplativos, que van aprovechando.

Lo que se ha dicho del apetito sensi­ble, y ansias de amor de Dios al fin de la purificación de la parte inferior, suele suceder también en la parte inte­lectual después de la puegacion del pri­mer despogo, de que ya se ha tratado, donde la purificaron y desnudaron de los hábitos adquiridos imperfectos, aun­que como de parte mas noble, y de al­mas que están ya en estado de ilumina­ción, demás de la inflamación de amor que và haziendo en ella la influencia Di­vina con Vitoria de sus contrarios, co­mo el fuego en el madero, aumentan estas ansias de amor estos otros motivos que las hazen mas intensas. De dos de los quales nos dá Santo Thomas noti­cia. El primero es el vacio, en que ya es­tá esta parte espiritual de los hábitos imperfectos que las ocupavan, para no recibir en si como Tronos, y filias de la Sabiduría Divina a la misma Sabiduría, y descansar en ella como en su centro. El otro es aver començado ya a gustar el sabor supersubstancial de esta Divina Sabiduría. Y declara el mismo Santo, a nuestro modo grosero, la hambre espiri­tual que esto le causa, con la que tiene un hprnbre de buena salud de los man­jares corporales, quando tiene el esto­mago vacio, y ha començado ya a oler, o gustar la suavidad del manjar que ape­tece. Porque con este se irrita el apetito, y crece mas la hambre, y el deseo de aquel manjar.

Quanta eficacia tenga este primer motivo para tener penada el alma desta manera desocupada, se puede conocer con lo que dize el mismo Santo, que la felicidad, de cada cosa consiste en tener unido consigo aquello de que pende su perfección. Y quando está dividida del pena el apetito por esta union, y causale dolor no llegar a ella ? Pues como la ul­tima perfección del alma racional es unirse con su principio, que es Dios, y descansar en él como en su centro: De aqui viene, que el deseo natural del hom­bre en ninguna cosa puede quietarse, si solo en Dios. Porque como recibió del la primera perfección, que es el al­ma racional salida inmediatamente de sus manos, del también ha de recibir inmediatamente la perfección ultima, pa­ra que su felicidad sea cumplida, la qual consiste en esta union con èl començada en esta vida, y perficionada en la otra. Pues mientras el alma está embaraçada con cosas criadas, y con los hábitos im­perfectos, que la inclinan a ellas, y ceba do con su sabor el apetito, no hecha tan­to menos esta union con su principio y centro, aunque no halla satisfacion fuera del en otra cosa alguna, por exce­lente que sea. Pero estando ya purgado de estos hábitos bastardos, y en vacio de las cosas criadas, que por ellos gustava, siente la falta de la perfección de su na­turaleza, y pena por unirse con el con­tro de su perfecta felicidad» y la división del le causa dolor.

Este dolor se aumenta guando se ha començado ya a gustar este bien en que consiste nuestra perfección. Porque mas nos dolemos de la falta de los bie­nes que començamos ya a gozar de pre­sente, que de los que se nos libran para el tiempo venidero, porque con la expe­riencia del bien gustado pena mas el ape­tito por su falta. Y de aqui viene el segun­do motivo que tiene el alma dentro de si, para hazer mas penosa y encendida esta ansia de amor. Porque en este estado ha començado ya a gustar quan suave es el Señor por algunas mercedes sobrena­turales, que ha recibido en la oración, las quales le han descubierto la bondad incomparable de lo que desea, y de par­te de su causa le aumentan algunas vezes el fuego del amor, con noticias muy sutiles, que por nuevas ilustraciones le dan de Dios, con que mas la hasen pe­nar, porque le dan el olor de su bien co­mo do cerca, y el sabor como de lexos, (que de esta manera declaro la substancia destas ansias añadidas S. Thomas) y con esto tiene el deseo del sumo bien en acto, y el gusto del en la memoria, lo qual haze sed de amor tanto mas intenso, quanto mayor noticia le dan del bien au­sente.

Con esta sed y ansias amorosas, co­mo con purificación de fuego, que es mas eficaz que la de agua, vá la Sabidu­ría Divina purificando mas perfectamen­te lo que en el agua de sequedades y tra­bajos se aula purificado, y juntamente ensanchando los senos del alma, para re­cibir en ella a Dios, y vistiéndola de su semejança para la Divina union. Por­que este deseo ansioso de Dios, que San Dionisio llama amor agudo, no es otra cosa, según la declaración de Santo Tho­mas, que penetración de la caridad y forma Divina, hasta lo mas intimo del alma. Porque la caridad es deseo de Dios; y donde ay mayor caridad, ay también ma­yor deseo, como el mismo Santo dixo en otra parte. Y esta penetración la estorbavan los hábitos viciosos, y calida­des bastardas, de que en el crisol passado la purgaron, como sus contrarios.

Desta dilatación y ensanchamiento, que estos deseos ansiosos de Dios hazen en el alma contemplativa, dize San Gregorio: « Algunas vezes no llegan los contemplativos al cumplimiento de sus deseos, para que con la dilación se ensanchen mas los senos del espíritu, y hagan mas lugar a los mismos deseos. Y porque por ventura se pudieron enfla­quecer con el cumplimiento, con gran providencia de Dios se los dilata, para que no cumplidos, crezcan. Dilatase el deseo para que se esfuerce; y dentro del seno de su dilación se cria, para que mas crezca. Por lo qual con razón da vozes la Esposa, diziendo: En mi lecho busqué de noche a quien ama mi alma, busquèle, y no le hallé Escondióse el Espo­so, quando era buscado, para que no ha­llándole le buscasse mas ardientemente; y buscándole la Esposa se le dilata el ha­llarle, para que hecha mas capaz con la tardança, le halle mas copiosamente después que le buscava. » Todo esto es de San Gregorio. Y en estas ultimas pa­labras significo lo que dize Santo Tho­mas, que el deseo haze apto y dispuesto al deseoso, para recibir el bien deseado. Y por esso a la union Divina preceden siempre estos grandes deseos, como le experimento en la misma Esposa, que andando buscando con ellas ansias, a su amado, dize: Que poco después le ha­llo, de manera, que el deseo encendido en buscarle, fue la disposición para que le hallasse.

Pero una cosa advierte Santo Tho­mas a este proposito, muy digna de pon­deración, y aun de lagrimas, diziendo: Que la memoria del bien ausente ya gus­tado, entonces causa sed, quando el hom­bre está en aquella misma disposición en que le era deleytable el bien que se gusto y se ausento. Porque si esta disposi­ción se mudo y altero, ya la memoria del bien no causa sed. Esto dize este gran dissimo Doctor. Y gran lastima es, que estando ya el alma contemplativa en esta disposición tan alta para tan incomparable bien, y si está ya del todo purgado, como en víspera de unirse con Dios, ya llegar al paradero de su felicidad, se alexe del por bolver a ocupar su vacio con la afición, o assimiento de alguna criatu­ra, que le quito aquella sed de Dios, que le disponía la passada. Deste lastimoso peligro nos avisa nuestra ilustrada Maestra tratando de los primeros actos de union, y no dá excelente doctrina acer­ca desto, y la califica con dezir, que no es suya, sino que se la dixo el Señor. Y co­mo muchas vezes con capa de zelo de almas perdemos al aprovechamiento de la nuestra, quando no está aun para vo­lar, porque tiene todavia pelo malo, y sale con peligro del nido.

CAPITULO XX. De la contemplación ya mas ilustrada de las almas que han passado por la primera purgación del espíritu.

Como esta purgación primera de la parte espiritual, quanto a los hábi­tos imperfectos (que escurecian el entidimiento para el conocimiento de Dios, y entibiavan la voluntad en su amor) sirve a tinos para principio de dis­posición de la union Divina, a que van caminando; y a los que van caminando, y los que no han de llegar a ella, para que se perficionen en la contemplación sen­cilla y endiosada, quedan después deste crisol tan dispuestos para ella, como me lo significo una alma sencilla desta ma­nera purgada, diziendo que en entran­do en la oración la ponían en un gran remanso, y mucha simpleza, que son efe­ctos muy proprios de la iluminación del don de Sabiduría. De la qual dize S. Dionisio, que los que la reciben sin estor­bos y proporcionadamente, les une y los viste de su sencillez divinizada, y à la misma iluminación entre todas las demás de los dones del Espíritu Santo, atribuye Santo Thomas la pacificación del alma, como el aposentador de Dios, que la dispone para que sea morada su­ya. Y como este Divino don de Sabidu­ría, infundido por el Espíritu Santo en el alma, abraça las dos potencias della, in­telectiva, y afectiva, por estar en el en­tendimiento según su essencia, que es juzgar rectamente, y en la voluntad se­gún su causa, que es la caridad con quien anda siempre acompañado. En ponién­dose en la oración quieta y sencilla las almas purgadas, penetra luego esta Di­vina luz el entendimiento para ilustrar­le y la voluntad para inflamarle, al mo­do que los rayos del Sol el cristal claro; y el fuego la materia seca, que son comparaciones de que usa S. Dionisio a este proposito. Y assi, quitados los tiempos de sequedad, muy de ordinario gozan desta serenidad sabrosa en la oración.

Pues para tratar ya de esta contem­plación mas ilustrada de los aprovecha­dos, acordémonos de lo que en otra par­te se dlxo de los tres movimientos del alma, que pone S. Dionisio, derecho, torcido y circular. Porque las elevaciones afectivas sobrenaturales, que se exercitan en el movimiento circular proprias destos aprovechados, siguen al conoci­miento que en él se recibe, que es senci­llo, è indistinto, sin principio, ni fin, co­mo figura circular. Y como en él entra el entendimiento en Dios a lo inmenso, sin limite, ni medida, assi entra también la voluntad, y entrambas estas potencias exercitan sus actos con este movimiento en la parte superior del alma, que lla­man mente, o espíritu en quietud sencillissima, a diferencia de los otros dos movimientos, que tienen anexa a si mo­ción inquieta, caminando al movimien­to derecho de lo baxo a lo alto, y el tor­cido de lo alto a lo baxo. Y por esto dize Santo Thomas que a solo el movimien­to circular pertenece la inmobilidad quietissima. Porque las iluminaciones que pertenecen a este movimiento se re­ciben en el alma sencilla y quieta, y no la sacan los actos inferiores, como el movimiento torcido, sino antes la jun­tan y unen mas estrechamente con Dios. Porque son iluminaciones sencillissimas, representabiones de Dios, y de sus Divinas perfecciones, y lebantan el al­ma a su conocimiento y amor para per ficionarla, haziendola participante de ellas, como declaro San Dionisio. Y en la exposición deste lugar dize a este pro­posito Alberto Magno: Tres cosas toco San Dionisio en estas visiones intele­ctuales, que por excelencia llama visio­nes Divinas. La primera, el modo, que es por medio de semejanças, pero no de cosa corpórea, quales son las que entran por los sentidos. La segunda, el fin, que es para reducir el alma a Dios. La tercera, el efecto, que es introduciendo en ella la perfección de la virtud con que se há de llegar a Dios.

Para entender esto se ha de advertir lo que dize Santo Tomas, que la vision o iluminación intelectual se haze, no por medio de semejanzas corporales y distintas, sino mediante alguna inteligi­ble y sencilla. Y esto sucede de dos mane­ras. Una, y la mas ordinaria en nuestra contemplación favorecida a lo sobrena­tural, es ilustrando la luz Divina del don de Sabiduría el concepto sencillo de la Fé, que nosotros formamos de Dios a nuestro modo humano, bolviendole mas sutil y mas ilustrado, de la manera que el Sol quando embiste una nube obs­cura la esclarece u sutiliça. Y con esta ilustración le pone a Dios como presen­te. Otras vezes, por ser tan sutil esta ilustración intelectual, no la percibe el contemplativo, pero siente el efecto que haze en la voluntad, y como la va transformando en si para lebantarla a Dios. Lo qual declara Santo Thomas por un exemplo muy conveniente, diziendo, que assi como el ayre, por tener potencia passiva para ser transformado en fuego, se vá poco a poco transforman­do en él quando le tiene vezino; y des­pués de transformado haze movimien­to de fuego: assi también nuestra volun­tad, que tiene potencia passiva para ser transformada en fuego de caridad y amor de Dios, quando embiste en ella esta Divina iluminación, la va encen­diendo y transformando poco a poco en este amor, y transformada, obra a lo so­brenatural. La obra iluminación por semejanças intelectuales, es mas rara y mas lebantada, quando estas semejanças proceden de Dios inmediatamente, y las imprime en el entendimiento huma­no, para conocimiento de algún miste­rio Divino, de las quales ilustraciones se ha de tratar adelante.

Para proceder ordenadamente en estas ilustraciones intelectuales, nos de­bemos acordar de lo que se toco en otra parte de la doctrina de San Dionisio, que en qualquier animo humano ay tres Ierarquias de potencias, al modo de las Celestiales, donde (según estos grados) recibe de Dios purgación, iluminación, y perfección, y que estamos ya en la Ierarquia superior, que es en lo supremo de las potencias espirituales, que llama­mos mente, o spiritu, y proporcionán­dola con la Ierarquia suprema del cielo, según que a nuestro proposito lo decla­ran San Buenaventura, y algunos expo­sitores doctos de San Dionisio. Assi como en aquella ay tres ordenes de Angeles assistentes a Dios, que son, Tronos, Cherubines, y serafines: assi nosotros, imitando sus nobilissimas propriedades, con que administran a su Criador, y se disponen para recibir en si, y los efe­ctos de su Divina iluminación è influen­cia, avernos de ir caminando por estos tres ordenes, hasta unirnos con él en par­ticipación de un mismo espíritu.

Siguiendo pues este orden, aplieado al movimiento circular proprio de esta suprema Ierarquia. La era ele­vación sobrenatural de nuestro espíritu en este movimiento, ha de ser semejan­te a la de los Tronos Celestiales, de los quales dize San Dionisio, como en otra parte vimos, que cada uno dellos, co­mo assiento de la Divinidad, se proporcio­na con Dios, y se viste de su semejança para recibir en si, sin ninguna inquie­tud, ni materialidad sobre todo lo cria­do, aunque mas excelente sea, y está siem­pre abierto para los recibos de las comu­nicaciones de Dios, y obediente a ellas. Estas mismas calidades aplica el Venera­ble Hugo de Sanct. Victor en este lugar a nuestra contemplación, para ser bien ordenada y provechosa. Lo primero, que nostro entendimiento esté Deiforme como el Trono Celestial: esto es, propor­cionado con èl a lo Divino, por medio de de la luz sencilla de la Fé, que le viste de una forma Divina, y le traslada de si en Dios.

Lo segundo, que esté quieto y pu­ro de toda semejança material, para re­cibir en si a Dios, espíritu purissimo y quietissimo. Lo tercero, que esté lebantado sobre todas las cosas, y abierto y pa­tente para recibir a Dios, y obediente a su mocion Divina. Destas propriedades aplicadas a nuestra contemplación or­dinaria, exercitada a nuestro modo hu­mano, tratamos ya en su lugar. Aora tratarémos de la que por iluminación Di­vina nos lebanta sobre todo nuestro mo­do humano, que son términos con que Santo Thomas diferencia estas dos manneras de contemplación, una común, y otra ilustrada.

Pues la primera elevación desta su­prema Ierarquia, y movimiento circular, en que el espíritu humano imita en su contemplación al Trono Celestial, es la que llaman de mystica Teología, que S. Dionisio aprehendió del Apostaol San Pablo su Maestro, y nos la comuni­co a nosotros. La quel describa Ruperto Lincon su Comentador desta manera: Contemplación de mystica Teología es una habla secretissima con Dios, y no en el espejo y semejanzas de las criaturas, la qual se exercita quando el espíritu del contemplativo transciende todo lo criado, y a si mismo, y queda en quietud y ocio de los actos de todas las potencias aprehensivas acerca de las criaturas, con deseo de ver y abraçar aquel que es so­bre todas, esperando en la oscuridad y actual ignorancia de toda aprehensión de cosa criada, hasta que el deseado se manifieste al que le desea, quanto cono­ce que le conviene. Esta es la difinicion que este Autor dà a esta contemplación, y llamala habla secreta del alma con Dios, sin semejanças de cosas criadas Porque lo principal desta contempla­ción es el acto de la voluntad, guiado de la luz de la Fé, que es potencia tan pri­vilegiada en esta comunicación Divina, como pondero el Venerable Hugo de S. Victor, diziendo, que el entendimien­to llega acompañando a la voluntad hasta el Talamo Divino, que el Esposo Celestial tiene en la alma de su Esposa, y no entra dentro. Pero la voluntad no se contenta con llegar hasta la puerta deste talamo, sino que también con ossadía privilegiada entra dentro della regalar­se con su Esposo. La razón desta diferen­cia da Santo Thomas, diziendo, que la voluntad en esta vida puede amar a Dios según su essencia. Pero el entendi­miento no le puede conocer sino por medio de alguna semejança. Y por esto San Dionisio llama contemplación de participación Divina a esta de mystica Teología, donde la voluntad participa de Dios en si mismo.

CAPITULO XXI. De la contemplación de mystica Teología, ilustrada a lo sobrenatural.

El camino ordinario para llegar a la contemplación de mystica Teolo­gía ilustrada, que lebanta el entendimien­to sobre su modo humano, es el exercicio de la misma contemplación a nues­tro modo, por medio de la luz de la Fé, y los auxilios comunes de la gracia, segun se declaro en la primera parte. Y pa­ra persuadirnos a esto nos ponen S. Dio­nisio, y San Gregorio el exemplo de Moysen, que su cuidadasa subida hasta la cumbre del monte Synai, donde en­tro en la escuridad mystica, que fue me­dio para que Dios se le comunicasse tan estrechamente, y con tanta luz, que del alma reverberava en el cuerpo. Y por esto a esta primera contemplación lla­man los Autores Enigmática, y Anagogica, conviene a saber, Enigmática, que quie­ra dezir escuridad, quanto al entendi­miento; y Anagogica, que quiere dezir, lebantamiento del espíritu a Dios, quan­to a la voluntad. Porque en esta subida a unirse a las cosas Divinas, inefables, y no conocidas, ha de llevar el entendimien­to por guia la luz de la Fé, que es tam­bién Divina, y le pone en escuridad de todos los demas conocimientos; y al arrimo desta luz ha de subir el espíritu por la via afectiva a buscar a Dios para unirse con él. Esta escuridad dizen los Autores, que es la que puso Dios para morada suya, y que en entrando en ella el entendimiento, dize el amor. La no­che es mi iluminación en mis deleytes, y por esto aliento que ha de tener la vo­luntad en la obscuridad de Fé del entendimiento, usa tantas vezes S. Dionisio desta palabra Anagogica, quando trata de nuestra contemplación.

Como passa el alma contemplati­va desta contemplación obscura a la ilustrada, nos lo declaro magistralmen­te Santo Thomas, diziendo; que lo que la influencia del don de Sabiduría ilustra en nuestra contemplación, es lo que la Fé le representa sencillamente en nues­tro entendimiento de Dios, y de sus Di­vinas perfecciones. Y assi, lo que le re­presenta destos misterios, como embuelto en escurldad, lo esclarece, y como desembuelve la iluminación deste don Di­vino dentro del acto de la misma Fé, se­gún el grado de conocimiento dellos, a que Dios quiere lebantar al contempla­tivo. Y con esto passa de la contempla­ción Enigmática y obscura, a la ilustrada y endiosada, que le lebanta sobre su mo­do humano al conocimiento y amor de Dios. Y este transito tan feliz no sucedie­ra, si Moysen no estuviera en la cumbre del monte, debaxo de la obscuridad que le cubria, como nos lo intimo San Dionisio con palabras muy notables a nues­tro proposito. Y en declaración desta semejança, y de como no se manifiesta Dios a lo ilustrada, sino à los que trans­cendiendo todas las cosas, y a si mismos se entran en la obscuridad de la Fé, co­mo Moysen en la del monte, donde se ha­lla Dios.

Esta ilustración se haze por medio de semejanças intelectuales de los miste­rios Divinos, que representan, de los quales dan al assi iluminado tan alto co­nocimiento, que cada una dellas dize Santo Thomas que es como un espejo Divino, donde se le descubre sobre la oscuridad de nuestro conocimiento el misterio que Dios quiere comunicarle. Estas semejanças intelectuales ilustra­das a lo Divino, son de dos maneras. La primera, mas a lo universal, è indistinto de algún misterio o atributo Divino, co­mo de la bondad, grandeza, o hermosu­ra de Dios, o de toda la essencia Divina junta, que aunque no le dá conocimien­to distinto de lo que le representa, sino assi en confuso, è indistinto; pero como de tal manera los proporciona la Sabidu­ría Divina con nuestro conocimiento grosero, que conservan la decencia debida a Dios y a sus misterios, según declara S. Dionisio, lebantan al entendimiento a una altissima estimación de la Divina grandeza, o hermosura, o del misterio que le representa, y la voluntad a su amor, y hazen otros muchos efectos ad­mirables en el alma.

La segunda manera desta comuni­cación tan sobrenatural, es por semejanças mas expressas, y distintas de Dios,y de sus Divinas perfecciones, comunica­das a almas muy purgadas, que Dios quiere hazer participantes del conoci­miento de los Angeles. De la qual vision intelectual, como de la mas lebantada, que se comunica en el destierro dentro del acto de la Fé (y assi es muy rara) ave­rnos de tratar adelante en el estado de union transformada. Y aquí solo diré mos algo desta otra vision intelectual indistinta, que puede aprovechar a las almas, que desta manera son ilustradas, y darles estima dellas.

Deste genero declara Santo Tho­mas aquella vision intelectual de que nos da noticia el Profeta David, quan do dize que le hablo el fuerte de Israel, justo señoreador de los hombres; y de­clarando el modo con que le hablo, aña­de; que fue como la luz del Alva, quan do en tina mañana clara y limpia de nuc­hes resplandece al tiempo que nace el Sol, y como se produce la yerva de la tie­rra con las lluvias del cielo. En lo prime­ro significa la serenidad y sencilléz desta manera de vision, quanto al entendimien­to, sin nubes de figuras sensibles y distin­tas. Y en lo segundo, la fertilidad de frutos que dexa en el alma, à quien se comunica, fertilizándola como las llu­vias del cielo fertilizan la tierra. Los quales dos efectos nos declaro también San Dionisio destas semejanças Divinas tan endiosadas; y por esta serenidad sencillissima las llama S. Thomas contem­plación Divina de verdades Divinas, porque con ellas desnudan al entendimiento humano de todos los accidentes sensibles y materiales, con que por el ca­minó ordinario suele entrar al conocimiento de la essencia de las cosas; como el mismo Santo declara en otra parte. El qual modo de conocer es muy semejante al de la patria, y lebanta siempre al en­tendimiento sobre su modo humano. Y por esto estas comunicaciones tan espi­rituales no se hazen sino a entendimien­tos purgados ya de las calidades bastar­das y materiales, que se le avian pegado de la comunicación de los sentidos, que por el beneficio de la ilustración Divina tienen ya, como dize San Dionisio, cier­to parentesco con la misma luz, y assi se les comunica en su espiritualidad y pu­reza, sin los accidentes groseros con que va embuelta en las comunicaciones que se hazen a entendimientos aun no pur­gados.

De este genero de ilustración inte­lectual dizen los Autores mysticos, que fue también aquel silvo de la marea delicada en que hablo Dios al Profeta Elias en la cueba del monte Horeb, del qual silvo dize San Gregorio, que es una contemplación Divina, que dá sabor, que no solo nos dà a conocer, sino tam­bién a gustar la verdad eterna. Y luán Gerson dize deste delicado silvo que es un llamamiento de Maria al silencio de la contemplación, y aquel susurro de la palabra Divina; que dize Iob, que sona­va en su oido espiritual como un ayre muy sutil. Deste genero es assimismo aquel silencio hablador a lo Divino, que San Dionisio dize, que secretamente enseña, y aquella paz del espíritu, que dize el Apóstol sobrepuja todo sentido, y la dichosa quietud de toda operación activa de sentidos y potencias, donde duerme dulcemente la Esposa recosta­da sobre el pecho de su amado en lo se­creto de su Talamo Divino, y velando a él con el espíritu, oye su voz en este sil vo sutil, y serenidad sabrosa. De la qual gozan muchas vezes en su contemplacion ordinaria las almas aprovechadas, que han passado ya por el cristol purgati­vo, como mas dispuestas para recibir esta luz Divina en su sencillez y pureza, y ser penetradas della.

Esta pues es la forma Divina, que en aquel silvo delicado en que Dios ve­nia, dio el Señor al Santo Profeta Ellas, para que del se dérivasse a sus Hijos; y este es el mayorazgo concedido a los Hi­jos de Elias, como a Maria la parte mas perfecta, para que como hijos legíti­mos desta Aguila Real, miremos al Sol Divino de hito en hito, sin velos, ni an­tiparas de semejanças materiales y distin­tas. Hagan otros en hora buena su assiento en el ayre fuerte, en la conmoción grande, y en el fuego sensible en que Dios no venia (que como declaran los Auto­res sabios, son la meditación discursiva, la ponderación y fervor sensible, que preceden a la contemplación, que a nosotros nos llama Dios como a contemplativos y verdaderos adoradores suyos en espíritu y verdad, a que paseando por todos estos preámbulos apriessa, hagamos nuestro assiento en el silvo Divino desta Celestial marea, donde Dios viene a las al­mas para vivir en ellas. Y por este camidobreve y derecho para la perfección, nos tiene él librada la nuestra con tan favorable experiencia, que siempre que en las Congregaciones de Elias abundo este exercicio, abundava también la vi­da reformada, que haze Santos. Verificándose lo que dize San Dionisio, que a los que siguen el blanco que puso Dios a cada orden, los va reformando a seme jança de su hermosura, y haziendolos imagines Divinas. Y assimismo lo que dize Santo Thomas; que quanto mas uno se vá acercando a su principio, tan­to mas participa de sus efectos. Y esta contemplación no solo acerca el alma a Dios, mas también quita los estorbos pa­ra que obre en ella, y le comunique su virtud y semejança.

Destas comunicaciones intelectua­les ilustradas a lo Divino, nos dá tam­bién noticia experimental el Venerable Padre Fray luán de la Cruz, y por algu­nos de sus efectos la llama contempla­ción secreta; y a este propositi dize assi: « Llamase secreta esta contempla­ción porque es la Teología mystica que los Teologos llaman Sabiduría secreta, la quel dize Santo Thomas que se comu­nica, è infunde en el alma mas particu­larmente por amor, y esto acaece secre­tamente a escondidas de la obra natu­ral del entendimiento, y de las demás potencias. Y porque las dichas poten­cias no la alcançan, sino que el Espíritu Santo la infunde en el alma, como dize la Esposa en los Cantares, sin entender ella como sea, se llama secreta. Y no so­lo por esto se puede llamar secreta, mas también por loé efectos que causa en el alma, que también son secretos. Y de aquí podemos sacar la causa, porque algunas personas que van por este cami­no, y por tener almas buenas, y teme­rosas, querrían dar quenta a quien las rige, de lo que tienen, y no saben, ni pue­den, y assi tienen en dezirlo grande re­pugnancia, mayormente quando la con templacion es algo mas sencilla, y la misma alma apenas la siente, y solo sabe dezir, que el alma está satisfecha, quien ta, y contenta; que sienten a Dios, y que les và bien a su parecer. Mas no ay dezir lo que el alma tiene, sino por términos generales semejantes a los dichos. Otra cosa es quando las ilustraciones que el alam tiene son particulares, como visio­nes y sentimientos, que como estas se re­ciben debajeo de alguna especie de que participa el sentido, se pueden dezir.

Y no solo por esto se llama esta con­templación secreta, sino también por­que esta Sabiduría mystica tiene propriedad de esconder al alma en si, que de­mas de lo ordinario, algunas vezes de tal manera absorbe al alma, y la sume en su abismo secreto, que ella echa de ver claramente, que está remotissima, y dexadissima de toda criatura. De fuerte, que le parece que la colocan en tina pro­funda, y anchissima soledad, donde no puede llegar alguna humana criatura, como un inmenso desierto, que por nin­guna parte tiene fin, tanto mas delicio­so, sabroso, y amoroso quanto mas pro­fundo, ancho, y solo, donde el alma es­té tan secreta, quanto se vé lebantada so­bre toda temporal criatura. Y tanto lebanta entonces, y engrandece este abis­mo de sabiduría al alma, metiéndola en las venas de la ciencia de amor, que la haze conocer, quan baxa es toda condi­ción de criatura para este supremo sa­bor y sentir de Dios, y quan cortos, è im­proprios los términos y vocables con que en esta vida se trata de las cosas Di­vinas, y como las dà a conocer, y sentir la iluminación desta mystica Teología. » Desta manera nos declara nuestro Maes­tro los efectos secretos, y luminosos de esta contemplación mystica ilustrada. Y esta soledad en que pone el alma, es señal que se va purgando ya de las im­perfecciones, que estorbavan à las po­tencias entrar azia lo intimo de su essencia, donde Dios tiene en ella su morada. Y destos declara San Gregorio aquel lu­gar de Iob, de los Reyes, y cónsules que edifican para si soledades, en que repo­san con quietud, abstraída del espíritu, mientas no pueden llegar al intimo deseando de la union Divina en el pro­fundo centro del alma.

CAPITULO XXII. De otra contemplación deste mismo genero, muy sutil, y poco percebida : y como se ha de aver el alma en ella para lograr sus efectos.

También pertenece a esta contem­plación de mystica Teología una influencia tan sencilla, sutil, y secreta, que por no percibirla, ni en el conoci­miento, ni en el alma que la recibe, la malogra muy de ordinario: y assi dire­mos algo de ella, quanto baste para po­ner en advertencia a los que por no co­nocerla no la logran. En dos tiempos particularmente suele acaecer esto. El uno entre las sequedades y aprietos del crisol purgativo, porque al modo del Artífice que labra el yerro para cosas cu­riosas, que después que le ha desbastado con la lima gruessa, le pule y da lustre blandamente con oÿra mas menuda: As si parece que se ha el Artífice Divino con las almas que vá labrando para perficionarlas, que primero usa en esta labor, co­mo de lima gruessa del crisol apretado de sequedades y trabajos, para desnu­darlas de las imperfecciones y deseemejanças, que las impiden su comunica­ción intima, y union Divina, y después las embiste con otra influencia mas be­nigna para façonar lo que con la rigurosa no se ha labrado, como poniendo esmal­te sino sobre la labor primera. Y porque todas las influencias Divinas en la ma­yor quietud del alma hazen su efecto, esta de ninguna manera la inclina a ope­ración alguna activa, no solo de conoci­miento, pero ni aun de afecto, sino a es­tarse quieta y unida en un acto univer­sal, como conviene para obrar Dios en ella, sin estorbos, y con su operación, co­mo dize el Apostol, reformarla, y confi­gurarla a somejança de la claridad de Christo.

Desta influencia secreta, mas pacifi­ca que jugosa al sentido, y de como la ha de lograr, trato el Padre Fray Juán de la Cruz Cruz en muchos lugares, en uno de los quales dize assi: « Demas destos prove­chos que están dichos, otros muchos consigue el alma por medio desta seca contemplación. Porque en medio destas sequedades y aprietos, muchas vezes, quando menos piensa, comunica Dios al alma suavidad espiritual y amor muy puro, y noticias espirituales a vezes muy delicadas, cada una de mayor provecho y mas aventajado precio, que quanto antes gustava, aunque el alma a los prin­cipios no lo piensa assi, porque es muy delicada la influencia espiritual, que aqui se dà, y no la percibe el sentido. »

En otra parte dándonos acerca desto mas doctrina, dize: « Conténtese el al­ma con estar alli solo con una adverten­cia amorosa y sollegada en Dios, sin cui­dado, sin eficacia, y sin gana demasiada de sentirle y gustarle. Porque todas estas pretensiones inquietan, y distraen al al­ma de la sossegada quietud y ocio suave de contemplación, que aqui se dà. Y aunque mas escrúpulos le vengan de que pierde tiempo, y que seria bueno hazer otra cosa, pues en la oración no pue­de aver, ni pensar nada; súfrase, estese sossegada, como que no vá alli mas que a estarse a su placer y anchura de espíri­tu. Porque si de suyo quiere obrar algo con las potencias interiores, seria estor­bar, y perder los bienes que Dios por medio de aquella paz y ocio del alma esta assentando, è imprimiendo en ella. Bien assi, como si un pintor estuviesse pintando el restro de una imagen, si el rostro se meneasse en querer hazer algo, estorbarla al Pintor, y le turbarla lo que estava haziendo. Y assi quando el alma está en paz y ocio interior, qualquiera operación, o cuidadosa advertencia que ella quiera tener entonces, la distraerá, inquietará, y la hará sentir sequedad y vacio del sentido. Porque quanto mas pretendiere tener algún animo de afe­cto, o noticia particular, tanto mas sen­tirá la falta, y no estorbando la operación de la contemplación infusa, que và Dios dando con mas abundancia, pacifica, la recrea y da lugar a que arda, y se encien­da en el espíritu del amor, que esta obs­cura y secreta contemplación trae con­sigo y pega al alma, la qual no es otra co­sa, que infusion secreta, pacifica, y amoro­sa de Dios, que si le dan lugar inflama el alma en espíritu de amor. »

Toda esta es doctrina deste gran Maestro. Y aunque los que hilan poco delgado en materias de espíritu, y que tienen poca experiencia de los recibos de la Divina Sabiduría en el alma, les parecerá doctrina dura, y esta fundada en nos la que desearon de lo mismo los San­tos ilustrados de Dios, y que mayor ex­periencia tuvieron destas materias. Por­que como la operación de Dios, según que poco ha nos la dixo el Apostol, es la que ha de hazer esta reformación del al­ma para configurarla con la claridad de Christo, se ha de ordenar principalmen­te la provechosa oración a recibir sin es­torbos en el alma esta operación Divi­na; y por esso dixo con gran propriedad San Juán Damasceno, que no se podia llamar oración mental là que no tenia a Dios por causa, para recibir del inmediatamente su operación, è influencia. Pues como Dios obra en el alma según declara San Dionisio, sin inquietud, ni perturbación suya, sino en eterno silen­cio, paz y quietud. Con estas mismas ca­lidades se ha de disponer el alma para re­cibir proporcionadamente en si esta operacion Divina. De manera que como pondera Santo Thomas en la declara­ción deste lugar, qualquiero ruido, o inquietud del alma, es señal de paz, per­turbada contra la inmobilidad pacinea, que Dios pide entonces al alma. Y esta disposición es tan necessaria para la con­templación provechosa, que dize San Dionisio, que según la proporción de la vista del entendimiento con la luz Divi­na, va adelantando al alma en la perfec­ción, à iluminándola para la renovación de todas las fuerças espirituales.

Esta quietud del alma contempla­tiva, proporcionada con la Divina ope­ración, nos persuade Santo Tilomas en muchas partes, y por muchos caminos. En una dize que por esto la contempla­ción se llama ocio, porque en ella que­da quieta el alma, no solo de los movimientos exteriores, mas también de los interiores, para ocuparse el animo en el conocimiento y amor de su Criador, y que por esso los actos de la contempla­ción, assi del entendimiento, como de la voluntad son perfectos, porque se orde­nan mas a la quietud, que al movimiento. Y finalmente es lengúage común de los Santos, que nunca la contemplación se junto con el movimiento; y este mo­vimiento aun seria mayor desorden, quando Dios pone al alma en quietud para obrar en su perfección, como en esto caso de que vamos hablando. Lo qual persuade nuestra Madre Santa Te­resa, diziendo: Estad hermanas con este avi­so, que quando el Señor os hiziere esta merced deponeros en oración de quietud, que no os in­quiérela con otras oraciones y exercios, co­mo quien quiere acabar la tarea, mirad que per­deréis un gran tesoro. Esto dize nuestra Maestra. Y assi, no solo en el caso en que nos dio aqui su Venerable compañero, sino también en otro qualquiera tiem­po que el alma en la oración sintiere re­pugnancia en salir a exercicios de actos particulares, ha de assistir a Dios en acto universal con una atención sencilla de Fè, y la voluntad ordenada a él, entre­gándose toda a su govierno, para que obre en ella a su voluntad, y permane­cer en esta entrega resignada y quieta, que esta es la disposición proporciona­da para recibir la operación Divina a que la oración debe ordenarse, porque co­mo dize San Gregorio, tanto mas huye el espíritu Divino de los espíritus huma­nos, quanto menos quietud halla en ellos, y lo prueba con muchos lugares de la Escritura.

El otro tiempo en que deziamos que no se percibía en la oración la Divi­na influencia, aunque se recibiesse, es quando se aplica a perficionar la essencia del alma, y no las potencias que sa­len della. Porque como en otra parte lo vimos de la doctrina de Santo Thomas, unas vezes se ordenan los efectos de la gracia a perficionar la misma naturale­za y essencia del alma, intensando y arrai­gando mas en ella el ser sobrenatural, y forma Divina, según la qual participa de la naturaleza de Dios, y se haze seme­jante a ella ? Y otras vezes se ordena a perficionar las potencias del alma con las virtudes y dones sobrenaturales, que proceden de la gracia a las mismas po­tencias, tanto mas intensamente, cuan­to la misma gracia está mas arraygada en la escancia, y para esto ponen al alma un acto universal y quieto, porque con su inquietud no estorbe la obra que Dios haze en el alma. Pues quando la operan cion Divina se ordena a perficionar la naturaleza del alma, como no se puede saber lo que passa en le essencia, sino por medio de las potencias, ni lo que passa en las potencias, sino por medio de sus actos, y los actos por sus objetos, y todo esto está entonces reducidos a una sencillez indistinta y quieta de un acto universal, y muy lexos de la distinción par­ticular de actos, y objetos, por donde el alma suele conocer lo que passa en ella, y assi le esta secreta la operación Divi­na, y no la percibe, aunque recibe los efectos della. Solo conoce en si una in­clinación secreta de estarse en quietud, y siente repugnancia en salir a exercicios de actos particulares.

Pues siempre que el alma en la ora­ción sintiere esta repugnancia, y apete­ciere la quietud, tenga lo por señal, que esta la operación de Dios perficionandola intimamente, y ayude por su parte a los efectos della, assistiendo a Dios con atención sencilla y amorosa, y una entrega universal a el de su alma, para que la reforme y labre a su gusto. Y con esta disposición, aora la influencia Divina se ordene a perficionar la essencia, aora à perficionar las potencias, en ambas co­sas recibe mejoria. Porque la mejora de la essencia redunda en mejoria de lss po­tencias teñe Las, como la nueva claridad del cuer­po luminoso, resulta en nuevo resplandor de los rayos que salen del, y el au­mento de perfección de las potencias, re­dunda en mayor perfección de la essen­da, como efecto de causa próxima, que sale della; que son términos con que de­clara Santo Thomas ambas cosas. Por to­do lo qual, según la doctrina magistral del V. Padre Fray luán de la Cruz, poco ha referida, aunque en esta disposición quieta, atenta, y resignada le vengan al alma pensamientos de que está ociosa, y perdiendo tiempo, y se lo quieran otros persuadir assi, ni la crea a si, ni a ellos. Porque está en la disposición que Dios le pide para obrar en ella, y enriquecer­la con bienes Divinos. Y por esta resigna­ción, y promptitud de la voluntad tie­ne la devoción substancial, y por la en­trega de su voluntad a Dios está en acto de amor suyo, como en otros lugares queda declarado. Lo mismo aconseja nuestra Madre Santa Teresa, diziendo: Lo que ha de hazer el alma solo es, que la vo­luntad confienta en las mercedes de Dios, y se ha de ofrecer a todo lo que en ella quisiere ha­zer la verdadera Sabiduría, dexandose to­da en los braços de Dios, para que haga su Magestad como en cosa propria, y que está ya todo dada al Señor, y que no es de si misma, descuide del todo de si.

CAPITULO XXIII. De otro grado de contemplación de mystica Teología, mas copiosamente ilustrado.

Por esta contemplación que queda referida ejercitada a modo de Tro­no Celestial, van caminando, y mejorán­dose las almas que han passado ya por la purgación de los primeros crisoles. Pe­ro las que han de entrar en el crisol mas apretado de la parte espiritual para el tercer despojo de todas las dessemejanças de Dios, según la doctrina de Santo Thomas ya referida, con que les dispo­nen para la Divina union, suelen ser mas copiosamente recreadas en este tiempo de alivio, que ay en medio de un crisola otro, para fortalecerlas con mas eficaces auxilios Divinos, y mayores experien­cias de la suavidad de Dios, porque no desfallezcan en el trabajo venidero. Y en estas comunicaciones (según la do­ctrina referida de San Buenaventura) suelen passar de la orden de loe Tronos, que avemos declarado, al de los Chéru­bins, que se sigue despues dellos en esta Ierarquia suprema de nuestra alma, en que aora estamos. Y como Chérubin, se­gún San Dionisio, quiere dezir gran abun­dancia y derramamiento de la Sabiduría Divina: assi los que están en este grado suelen recibir algunas vezes unas como avenidas de la iluminación del don de Sabiduría, que derrama en ellos conocimiento y amor de Dios, con que son lebautados sobre su condición humana a gustar la suavidad Divina.

En. el orden pássado de los Tronos caminavamos, aunque movidos de Dios, mezclando nuestra diligencia con la mo­ción Divina, y favoreciéndonos de nues­tra industria para lograr los efectos de la operación de Dios, que obrava en no­sotros mas a lo ordinario. Lo qual signi­fico la Esposa quando dixo: Traeme, y correremos en pos de ti al olor de tus ungüen­tos.Pero en este orden de los Cherubines camina el alma con vientos mas favorables de mas particulares auxilios. Y assi dise luego la misma Esposa decla­rándoles ; introduzco el Rey en sus celleros (que son sus iluminaciones Divinas sobrenaturalmente recibidas en las potencias superiores) para gozarse, y alegrarse en él; se vá purificando, è ilustrando, y divinicando el alma para entrar en la bodega de los vinos mysticos (que es el orden de los serafinas) donde el alma se une con su Dios por medio de la caridad, que alli la perficiona en el amor y semejança Divina para esta union, en participación de un mis­mo espíritu con su Criador, como dise el Apostol.

Destas iluminaciones, y entrada del alma contemplativa en los celleros de Dios, del orden de los Cherubines, a par­ticipar con mayor abundancia la Sabiduria mystica y secreta, nos dá noticia nues­tra Madre Santa Teresa en muchos lugares de sus libros, en uno de los quales dize assi; Acaecíame algunas vezes estando en oración, venirme a deshora un sentimiento de la presencia de Dios, que en ninguna manera podía dudar, que estava dentro de mi, o yo to­da engolfada en él. Esto no era manera de vi­sion, creo lo llaman mystica Teología; si spende el alma de fuerte, que toda parecía estar fuera de si; ama la voluntad, la memoria me parece ostà casi perdida, el entendimiento no discurre, a mi parecer, mas no so pierde; pero como di­go, no obra, sino está como espantado de lo mu­cho que entende, porque quiere Dios entien­da, que de aquello que su Magestad le repre­senta, ninguna cosa entiende.

Todas estas son palabras de nuestra ilustrada Maestra, llenas de profunda Sa­biduría mystica, y como declaración ex­perimental de las de S. Dionisio, quando describiendo esta misma contempla­ción, la llama Divinissimo conocimiento de Dios, conocido por ignorancia en union del entendimiento con la luz Di­vina sobre todos sus conocimientos, y sobre si mismo por copiosa iluminación del don de Sabiduría, en la quel queda profundamente engolfado. Declarónos también lo que en otra parte referimos de la doctrina de Santo Tomas, que de­clarando la substancia desta contempla­ción endiosada, dize; que lo que la Fè nos dà a conocer sencillamente de los misterios Divinos, como embuelto en obscuridad, lo desembuele algo la ilu­minación del don de Sabiduría, para que los conoscamos mas prácticamente, y con experiencia mas ilustrada, aunque todavía en el espejo Divino de la Fé, pero no tan obscuro. Y allí advertimos, que este modo de esclarecer el don de Sa­biduría la obscuridad de los misterios de la Fé, era algunas vezes a lo indistinto, y mas conforme a nuestro estado, y otras mas a lo distinto, y por semejanzas mas expressas à modo de Angeles, de que se ha de tratar en otra parte. Pues aqui nos declara nuestra Maestra esta iluminación indistinta, diziendo; que el entendimien­to esta espantado de lo mucho que en­tiende, y que ninguna cosa entiende de lo que Dios le representa, porque conoce mucho indistintamente, y nada con distinción. Y aquella presencia de Dios tan cierta, con que dize que començo esta elevación, es efecto proprio de la iluminación del don de Sabiduría, que al iluminado le pone a Dios como presen­te, según S. Thomas declara.

En otra parte dize la misma Santa desta contemplación tan copiosamente ilustrada: Muy possible es que estando rezan­do os ponga al Señor en contemplación perfe­cta, y hable el alma suspendiendo el entendi­miento, y atajandola el pensamiento, y tomán­dola, como dizen, la palabra de la boca, que aunque quiera no puede hablar, sino con mu­cha pena. Entende que sin ruido de palabras está enseñándola este Maestro Divino, suspen­diendo las potencias: Porque entonces, antes dañarían, que aprovecharían, si obrassen, goçan, sin entender como gozan. Está el alma abrasándose en amor, y no entiende como ama: conoce que goça de lo que ama, y no sabe como lo goça: Bien entiende que no es gozo que alcança el entendimiento a desearle, abraçale là vo­luntad, sin entender como; mas en pudiendo en­tender algo, que no es bien este que se puede merecer con todos los trabajos que se passan jun­tos por ganarle en la tierra: Es don del Señor de ella y del Cielo; que en fin da como quien es. Todo es de nuestra Maestra, y en estas co­municaciones tan sabrosas se comiença ya a cumplir lo que dize San Dionisio de los varones muy ilustrados de Dios, en esta vida, que los haze muchas vezes participantes del magnifico combite de que goçan los Angeles en el Cie­lo.

En otra parte hablando de la mis­ma oración nos declara con experiencia ilustrada los efectos, que dize San Dionisio, que haze la iluminación Divina en el alma que se dispone para recibirla aunque por el camino ordinario no la per­ciba, purificando, è ilustrando al entendi­miento, encendiendo en amor de Dios a la voluntad, y paseando despues a re­novar a lo Divino todas las fuerças espi­rituales: à cuyo proposito dize esta Maestra desta manera. « A este fuente viene el agua de su proprio nacimiento, que es Dios: assi quando su Magestad quiere hazer alguna merced sobrenatural, prodúcela con grandissima paz, quietud y suavidad de lo interior de no­sotras mismas, y no se aziá donde, ni co­mo; ni tampoco aquel contento, y deleyte se siente como los de acá en el coraçon, digo en su principio, que después todo lo hinche. Vase revertiendo esta agua portodas las moradas, y potencias hasta llegar al cuerpo.

Estava yo aora mirando, quando escrivo esto, que aquel verso del Psalmo Cum dilatasti cor meum, dize que ensancho el coraçon, y no me parece, como digo, que es cosa que su nacimiento es del co­raçon, sino de otra parte, aun mas inte­rior: Como una cosa profunda, pienso deve de ser el centro del alma, como después he entendido. Y en lo que a mi parecer me puede aprovechar este ver­so para aquí, es, que aquel ensanchamien­to desta manera es, que como comiença a producir aquella agua celestial de este manantial que digo de lo profundo de nosotros, parece que se vá dilatando y ensanchando todo nuestro interior, y produciendo unos bienes que no se pue­den decir, ni aun el alma sabe entender lo que se dá alli. Estiendese una fragran­cia (digamos aora) como si en aquel hon­dón interior estuviesse un brasero adon­de se echassen olorosos perfumes, ni se vee la lumbre, ni donde está, mas el ca­lor, y humo oloroso penetra toda el al­ma; y aun hartas vezes, como he dicho, participa el cuerpo. Mirad, entended me, que ni se siente calor, ni se huele olor, que mas delicada cosa esque todo esto, sino para dároslo a entender. Y esto no es cosa que se puede antojar, porque por diligencias que hagamos, no le po­demos adquirir, y en ello mismo se vee no ser de nuestro metal, sino de aquel purissimo oro de la Sabiduría Divina. Aqui no está las potencias unidas (a mi parecer) sino embebidas, mirando co­espantadas, que es aquello: sientese claro tin dilatamiento, o ensanchamiento en el alma, a manera de como si el agua que mana de una fuente no tuviesse corriente, sino que la misma fuente estuviesse labrada de una cosa, que mientras mas agua manasse, mas grande hiziesse el edificio, o parte donde se recibe: Assi parece que en esta oración ay otras muchas maravillas que haze Dios en el alma, que la habilita, y vá disponiendo para que todo quepa en ella. Y esta sua­vidad, y ensanchamiento interior se ve en el que le queda para no estar atada como antes en las cosas de el servicio de Dios, sino con mucha mas anchura. »

Desta manera nos declara nuestra Maestra, como acto palpable lo que obra la sabiduría Divina a lo secreto en las almas contemplativas, que se dispo­nen para recibir sus influencias; y como de la gracia, que está en la essencia del alma, proceden las virtudes, y dones in­fusos à perficionar las potencias, particu­larmente quando el Espíritu Santo por medio deste don suyo de la Sabiduría, vierte en ellas con abundancia, ilumi­nación, suavidad y amor Divino. Declá­ranos assimismo la experiencia ilustra­da de nuestra Santa lo que dize Santo Thomas que las potencias espirituales no son estrechas y licitadas, como las sensibles. Porque como las crio Dios proporcionadas con su Divina bondad, y largueça; son tan capaces, que tienen cierto genero de infinidad, de manera, que quanto mas reciben desta Divina bondad, y de los efectos de su gracia, tan­to se hazen mas capaces para recibir. Decláranos, finalmente, lo que en otra parte nos dixeron aquellos Maestros sa­bios, y experimentados, que el acto su­premo del entendimiento, que llaman inteligencia, donde se reciben las ilumi­naciones Divinas, ensanchan inmensa­mente los senos del espíritu con la luz sobrenatural, a que ella abre la puerta.

CAPITULO XXIV. De otra comunicación muy copiosa de Sabidu­ría mystica, que llaman embriaguez es­piritual los Mysticos.

Otra elevación de la voluntad del mismo genero que la passada, aunque con mayor enchimiento de Sabiduría espiritual ponen los Maestros de la Sabidu­ría mystica, y la llaman embriaguez espi­ritual, por la semejança que tiene con algunas propriedades, que tiene la em­briaguez corporal, de que hizimos men­ción en la otra embriaguez de la parte sensible. Pero esta es tan diferente de aquella, que assi ; el fugeto, en que se recibe el vino de la Divina Sabiduría, que causa embriaguez,que es en lo supremo del espíritu en los actos mas lebantados de las potencias espirituales semejan­tes a los Angeles, como por la dignidad y excelencia deste vino celestial, y de la abundancia con que se comunica al al­ma: haze San Dionisio al contemplati­vo desta manera recreado, participante de aquella inefable suavidad y goço, en que el mismo Señor, goçandose a si mis­mo, está como anegado, y (hablando à nuestro modo grosero) como padecien­do excesso. Y aunque esta avenida ce­lestial de suavidad, y amor Divino se re­cibe, como se ha dicho, en lo superior de el alma, se difunde después por todos los senos della hasta llegar al cuerpo, y por esso la pone tan fervorosa. Porque como declara Santo Thomas, en esto consiste el fervor de la caridad, que el amor que esta en la parte superior, con su vehemencia redunde a la parte infe­rior para renovarla.

Y assi como en la embriaguez corpo­ral, ay unos quietos, y provocados a sue­ño, y otros inquietos y alegres, assi po­ne también San Buenaventura otras dos maneras de embriaguez espiritual, una que pone en quietud el alma, y en un sueño velador, que aunque no con to­tal enagenacion de los sentidos, advier­te poco a los objetos dellos. Y otra, que dá tan grande alegria al alma, que ape­nas puede dissimularla, las quales decla­ra desta manera: Antes que el contem­plativo llegue al sueño de la union, y al buelo del rapto (que es de pocos) suele experimentar dos maneras de embriaguez espiritual. La primera es una abun­dancia de alegría en el coraçon, y un ju­bilo vehemente en el espíritu, que vie­ne en él por un intenso deseo de la vida eterna, o por una devota consideración de la Passion de Christo, o por un gran fervor de singular amor de Dios proce­dido de una nueva iluminación infusa. Esta alegría abunda tanto en el coraçon, que redunda a los miembros del cuerpo de manera que en todos parece que está brotando el goço, y el que desta manera está alegre, no admite quietud, al modo de un embriagado de vino; Antes a to­das las criaturas querría combinar al amor de su Criador, y darles parte de su alegría. Este tal poco aplicara el coraçon a las cosas de la tierra, porque todas las juzgará por vanas.

Otra embriaguez ay de suavidad, quando la voluntad del contemplativo de la vecindad y comunicación de Dios se llena de Divina dulçura, la qual vie­ne de la quietud de la contemplación. Y tanto abunda también esta Divina sua­vidad, que redunda a todos los miem­bros del cuerpo, de fuerte, que todo el hombre interior, y exterior le parece estar lleno de dulces sentimientos. Y assi como la primera embriaguez, por la mucha alegría, no sufre quietud, assi esta segunda por la gran suavidad reduce todo el hombre a quietud. Y sino se estiende tanto que llegue a sue­ño de potencias, no quita del todo el uso de los sentidos y actos particulares pero a modo de un embriagado; no se los dexa libres. Todo esto es de S. Buena­ventura: y desta espiritual embriaguez parece que estavan todos los Apostóles bañados del Divino espíritu, quando dezian los Judíos que estavan embriaga­dos del vino. Desta misma embriaguez de amor parece que iba inflamada Maria Madalena, quando sin mirar su estado y nobleza, y quan desproporcionada cosa era ir a llorar lagrimas de penitencia a combire de Fariseos murmuradores, y mal inclinados, se fue a arrojar sin dila­ción a los pies de Cbristo. Y también S. Francisco, quando queriendo comuni­car a otros su alegría, combidava a to­das las criaturas a que le ayudassen a ala­bar al común Señor.

Desta misma embriaguez nos dá también noticia la Santa Madre Teresa en diferentes lugares de sus libros, en uno de los quales dize assi. « Vengamos aora a hablar de la tercera agua con que se riega esta huerta, que es como agua corriente de fuente, o rio, que se riega muy a menos trabajo, aunque alguno dá el encaminar el agua. Es un sueño de las potencias, que ni del todo se pierden, ni entienden como obran. El gusto, suavidad, y deleyte es mas sin comparación que lo passado (habla de la oración quie­ta) es, que da el agua a la garganta a esta alma, que no puede ya ir adelante, ni sa­be como, ni querría tornar atrás goza de grandissime gloria. Es como tino que está con la candela en la mano, que le falta poco para morir, muerte que él la desea, está gozando en aquella agonía con el mayor deleyte que se puede dezir, no me parece que es otra cosa, sino un morir casi del todo a todas las cosas del mundo, y estar gozando de Dios. Yo no sé otros caminos como dezirlo, ni como declararlo, ni entonces sabe el al­ma que hazer, porque no sabe si hable, si calle, si ria, o si llore. Es un glorioso desatino, una celestial locura, donde se aprende la verdadera Sabiduría, y es de leytosissima manera de gozar el alma. Muchas vezes estava assi como desatina­da, y embriagada con este amor, y jamás avia podido entender como era, hasta acra, que me lo dio a entender el Señor. Bien entendía que era Dios, mas no en­tendía como obrava aqui, porque en hechode verdad están casi unidas las po­tencias, mas no tan engolfadas, que no obren: solo tienen habilidad para ocu­parse todas en Dios. Habíanse aquí mu­chas palabras en su alabança, sin concier­to, si el mismo Señor no las concierta, alómenos el entendimiento no vale aquí nada para esto. »

Desta manera nos dá noticia expe­rimental nuestra Maestra deste opulen­te combite de gozo celestial, que haze Dios al alma contemplativa, cuya exce­lencia declaro el Esposo Celestial en el Libro de los Cantares, quando dixo: Be­bed amigos, y embriagaos carissimos, por­que son banqueros ya estos que haze el Señor a los que escoge por privados su­yos. También nos da noticia la misma Santa en otro lugar desta embriaguez, de quietud, diziendo: No es esta una devo­ción que ay, que mueve a muchas lagrimas, porque estas, aunque causan ternura quando se llora, o por la passion del Señor, o por nuestros pecados, no es tan grande como esta oración de que hablo, que parece tiene la persona a Dios muy a su voluntad, con una suavidad que pa­rece, que todo el haore interior y exterior se conforta, como si le echassen en los tuétanos del alma una unción suavissima, à manera de un gra lor que la contenta y satisface, y pone todas las potencias en quietud y sossiego, y no puede entender que es. Esto dize nuestra Santa, y el efecto que esta suavissima quietud embriagada hizo en la Esposa, fue dexarla, como ella dize, en aquel sueño velador, donde el alma duerme a todas las cosas criadas, y a si misma para velar a Dios.

Esta embriaguez de la Divina in­fluencia (que S. Augustin llama un rocio de la gloria Divina, con que Dios soco­rre la vidá humana, para que en los tra­bajos y tentaciones se aya fuerte y tem­pladamente) dá vigor y fortaleza al al­ma, que si conviene para gloria de Dios, no dudará por ella morir, como lo experimentava el Apóstol San Pablo, ocupa­do del calor deste vino Celestial, quando hizo aquel general desasió a todas las cosas criadas, altas y baxas, ásperas y suaves, sobre no apartarle del amor de Christo. Y el glorioso San Ignacio, quando por la misma causa deseava verse ya despedaçar entre los dientes de las bes­tias fieras, que en Roma le estavan apa­rejadas. A cuyo proposito dize Santo Thomas, declarando a S. Agustín: Este rocio Divino, que con esta suavidad celestial recreava Dios a los Santos Márti­res en los tormentos, es, para que assi como eran atotmentados interior y ex­teriorícente con dolores y afliciones, assi fuessen también recreados y esforza­dos en el alma y cuerpo con el rozio de la Divina gloria, que se les comunicava del banquete perpetuo, que haze Dios en el cielo a los Bienaventurados.

Desto mismo nos dá también noti­cia nuestra Madre Santa Teresa, tratan­do desta celestial embriaguez, quando dize: El que bebe desta agua con tanta abun­dancia, queda tan esforçado, que todo su cuer­po y alma querría se despedsçassen para mos­trarse agradecido a Dios: que se le pondrá entonces delante de tormentos, que no le sea sabroso passarlo por su Señor: Vé claro, que no hazian casi nada los Mártires de su parte en passar tormentos, porque conoce bien el al­ma que viene de otra parte la fortaleza. Esto dize nuestra Maestra. Y profiguien de los efectos desta embriaguez Divina, pone entre ellos, que la desnudo de la flaqueza y cobardía, que sentía antes pa­ra exercitarse en cosas arduas y dificul­tosas del servicio de Dios, con lo qual començassen ya a descubrir su hermosura, y esparcer au fragrancia las flores de las virtudes.

Entre estos gozos espirituales, que proceden de la iluminación, è influen­cia Divina, con mocion particular en el alma, pone San Buenaventura un con­suelo y alegria general, que gozan las personas virtuosas y desassidas de las co­sas del mundo, y de las cadenas de su propria voluntad. La qual alegria procede de la firme confiança en Dios, y del testi­monio de la buena conciencia, que es co­mo combite perpetuo. Este aliento ale­gre es de muy gran importancia para la vida espiritual, porque con él se vencen, y atropellan las dificultades, que en ella se ofrecen a cada passo, y se toleran con facilidad las cosas adversas, que con la virtud andan mescladas. Y a este propo­sito dize San Lorenço Iustiniano, que los aprovechados y verdaderos amado­res de Dios, no solo en los actos, mas tam­bién en los hábitos tienen su pasto. Porque quando los hábitos de las virtudes están arraygados en el alma, y se han apo­derado ya della, han desterrado las per­turbaciones de los vicios contrarios. Y como los hábitos infusos son como arcaduces Divinos para participar de las per­fecciones de Dios, como declara Santo Thomas, son también como manantia­les de consuelos, y suavidad.en el alma, que la traen contenta, aun quando no exercita sus actos.

CAPITULO XXV. Que para las comunicaciones Divinas sobrenaturales, se ha de disponer el contem­plativo con humildad y pureza de Alma.

Para recibir el alma de Dios estos efe­ctos de su iluminación, è influencia, y percibirlos, nos aconsejan dos cosas los Maestros de la vida espiritual, que han de acompañar a nuestros devotos exercicios; que son humildad y pureza de conciencia. Porque la humildad, como en otra parte lo vimos de la do­ctrina de Santo Thomas, es una eficaz disposición para tener el hombre aun entre las miserias del destierro, libre en­trada a las cosas espirituales, y Divinas.

Y en el edificio de las virtudes dize este Santo, que tiene el primer lugar la Humildad, por modo da apartamiento de sus contrarios, porque ella es la que ex­pele la sobervia, a quien Dios resiste, y haze al hombre sugeto y patente a Dios para recibir el influxo de la Divina gra­cia, abriendo los senos del alma, y vaziandolos de la hinchaçon de la sober­via. Y por esto dize el Apóstol San que a los subervios resiste Dios, y dá gra­cia a los humildes. Toda esta recomen­dación haze este Santo desta virtud a nuestro proposito. Y al mismo dize San Lorenço Iustiniano estas palabras: « El siervo de Christo, amador de las virtu­des, y cuidadoso de la oración, tenga hu­mildad, y exercitela en los negocios, en las costumbres, y mas en la oración. Por­que quando esta virtud se apoderare del alma, y la humillare, entonces començara el coraçon a dilatarse con el amor, à ilustrarse con la virtud, a resplandecer con la luz, a ser bañado de alegría, re­creado con suavidad, y por la contem­plación será lebantadp el espíritu ago­zar de los purissimos abraços, è inefa­bles gozos del Esposo Celestial. Con esta virtud se dispone el alma contem­plativa para la comunicación de los Divinos secretos para la participación de los bienes celestiales, y para la union con la bondad Divina. » Todo esto es deste Santo.

Acerca de lo mismo nos da prove­chosa doctrina nuestra Madre Santa Te­resa en muchos lugares de sus libros; y en uno dize assi: « Sabida ya la excelencia desta oración ( habla destos gozos nruy espirituales, que ensanchan y perficionan al alma) luego queréis mis hijas pro­curar tenerla, y saber como alcançaremos esta merced. Yo os diré lo que en esto he entendido (dexemos quando el Señor es servido de hazerla, porque su Magestad quiere, y no por mas) quanto es de nuestra parte, humildad, y mas hu­mildad. Por esta se daxa vencer el Se­ñor para quanto del queremos. Y lo pri­mero en que vereis si la teneis, es en no pensar que mereceis estas mercedes y gustos del Señor, ni los aveis de aver en vuestra vida. Direisme, que desta mane­ra, como se han de alcançar no las procu­rando? A esto respondo, que no ay otra mejor de la que os he dicho, y no los procurar. Porque lo primero que para esto es menester, es amar a Dios sin interès. Lo segundo, que es falta de humil­dad pensar, que por nuestros servicios miserables se ha de alcançar cosa tan grande. Lo tercero, que el verdadero aparejo para esto es el deseo de padecer, è imitar al Señor, y no gustos, los que en fin le hemos ofendido. Y lo quarto, por­que trabajaremos en valde, que co­mo no se ha de traer el agua por arcadu­ces, como la passada, si el manantial no la quiere producir, poco aprovecha que nos cansemos. Quiero dezir, que aun­que mas meditación tengamos, y aun­que mas nos estruxemos, y tengamos la­grimas, no viene esta agua por aqui, so­lo se da a quien Dios quiere; y muchas vezes, quando mas descuidada está el alma. Bien creo, que quien de verdad se humillare y deshiziere, y estuviere des­as sido de si, y de todo, que no dexaeà el Señor de hazerle esta merced, y otras muchas que no sabemos desear. » Desta manera nos encamina esta Maestra a vestirnos desta humildad en la ora­ción.

Acerca desto mismo nos da también doctrina San Gregorio, diziendo que los sabios en su estimación, no pueden contemplar la Sabiduría de Dios, ni gustar de su suavidad, porque con su estimación hinchada se escurece el espíritu, y se cie­rra la vista intelectual para la contem­plación, y para entrar en el Reyno de Dios, que esta dentro de nosotros a gus­tar alli las comunicaciones intimas y sa­brosas de la Divina sabiduría increada. Es necessario, que según las palabras del Salvador, se haga el contemplativo Ni­ño, è ignorante delante de la grandeza incomprehensible de la Sabiduría in­creada, en cuya presencia assiste, y de quien ha de recibir esta luz sapiencial y Divina, que él reservo para si, como lo pondero San Buenaventura en estas pa­labras: « La doctrina y ensenança desta resplandeciente Sabiduría, quiso reser­var para si la Sabiduría increada, para que sepa toda moral criatura, que ay Maestro en el cielo, que en la Cátedra del espíritu racional, y en la aula de la contemplación, enseña a sus Discipulos la verdadera Sabiduría, por medio de influencias Celestiales, y de los rayos de su claridad, para convencer a todos los sabios deste mundo, viendo que una vie jecita sencilla, o un rustico campesino puede llegar perfectamente a ser lebantado a la contemplación desta Divina Sa­biduría. La qual no llegara a tocar nin­gún Doctor esclarecido en las demás ciencias, por estar el conocimiento della lebantado sobre todo entendimiento, sino es que entre a estudiarla por el camino humilde de los niños. » Todo esto es de S. Buenaventura.

Esta misma doctrina dá nuestra Ma­dre a un Confessor suyo contemplativo, y muy gran Letrado, diziendo: Assi que en estos tiempos, que esta el alma recogida con Dios, dexela descansar con cu descanso, qué­dense las letras a un cabo, tiempo vendra que aprovechen: mas delante la Sabiduría infinita creame, que vale mas un poco de estudio de humildad, y un acto della, que toda la ciencia del mundo. Aqui no ay que argüir, sino conocer con llanez a lo que somos, y representarnos con simpleza delante de Dios, que quiere se hagael alma ignorante en su presencia, como a la verdad lo er, pues su Magestad se humi­llo tanto, que le sufre cabe si, siendo nosotros lo que somos. Esto dize esta Santa. Y a este proposito haze una sabia descripción S. Lorenço Iustiniano, descubriendo la in­fructuosa fatiga de los que por su estudio, y con la fuerça de sus razones y dis­cursos quieren caminar en la oración al conocimiento practico y secreto de las cosas Divinas, y al amor experimental de Dios, y llegar a beber desta agua espi­ritual y saludable de los consuelos Divi­nos, que tiene en el mismo Dios su naci­miento, y quan pocos lo alcançan, por no vestirse de la sencillez de Fé, que es Madre de la suavidad interior.

Y dá buena doctrina a unos sabios prudenciales, mui casados con su razón, pocas vezes rendida a otra, que hasta los efectos inefables y excondidos a noso­tros, que Dios obra en las almas puras, los quieren ellos medir por su pruden­cia corta, y sino quadran con ella, no les parece que pueden ser de Dios, aunque mas los acredite la doctrina de los San­tos.

Otra circunstancia muy notable descubrió nuestro Señor a nuestra Ma­dre, de la humildad que dispone al alma para la perfecta contemplación, la qual ella refiere desta manera: Estava yo consi­derando tina vez porque razón era Dios tan amigo desta virtud de la humildad, y ofrecioseme de presto, sin considerarlo, que por ser Dios suma verdad, y la humildad es andar en ver­dad, que lo es muy grande no tener de nosotros cosa buena, sino miseria, y ser nada. Y quien esto no entiende, anda en mentira; y quien mejor porque anda en ella. Plegue a Dios hermanas, que no salgamos jamas deste proprio conoci­miento, amen. Esto le ofreció el Señor à nuestra Santa, y como este proprio conocimiento proporciona al alma con Dios, suma verdad, de aqui viene, que sea gran disposición para recibir sus Divinas in­fluencias, y comunicaciones intimas.

Otra vez la dixo el Señor a este propo­sito: Hija, muy diferente es la luz de las ti­nieblas, mas nadie piense, que por si puede estar en luz, assi como no podría hazer que no viniesse la noche natural, porque depende de mi gracia. El mejor medio que puede aver para detener la luz, es entender el alma, que no pue­de nada por si, y que le viene de mi; porque aunque esté en ella, en un punto que yo me apar­te, vendrá la noche. Esta es la verdadera hu­mildad, conocer el alma lo que puede, y lo que yo puedo.

Y si esto que dixo la Verdad Eterna tiene lugar en todas las demás luzes, de que aqui hablamos, cuyo magisterio re­servo Dios para si, como poco havimos de la doctrina de San Buenaventura, y la enseña no a los mas sabios, sino a los mas humildes. Y por es o el mismo Se­ñor dio las gracias a su eterno Padre, porque avia escondido esta sabiduría se­creta a los sabios, y prudentes del mun­do, y reveladola a los pequeñuelos en su estimación.

También los muy Escolásticos suelendisponerse poco para las iluminacio­nes, è influencias Divinas, que en la con­templación se reciben, por la razón que en otra parte vimos de San Dionisio. Porquecomo para ser el entendimien­to humano desta manera iluminado de la Divina Sabiduría, y recibir della su intima comunicación, è influencia, se ha de poner en total ignorancia de todos los objetos criados, y en quietud de to­da operación intelectual activa; A como danse a esto mal los entendimientos acostumbrados a discurrir, y hazer argu­mentos y silogismos en todas las cosas, y a traer la razón por vaculo de todo su conocimiento. Hi tampoco a hazerse ni­ños ignorantes delante de la Sabiduría eterna. Porque aunque rindan su entendimiento delante della, no con tan ani­quilada y desnuda estimación de su cien­cia, como esta profunda humildad pide. Y por esto dize Santo Thomas que abun­da mas la devoción en la gente sencilla, que en los muy doctos.

Por todo lo qual es necessario, que assi los que son Maestros en la Sabiduría mystica, como los que son muy doctos en la Escolástica, y aspiran a estas Divi­nas iluminaciones, è influencias, con que so perficiona el alma, trabajen en esta humildad y sencillez de niños, y fiel co­nocimiento proprio, si quieren dispo­nerse para recibirlas, porque no les suce­da lo que San Lorenço Iustiniano dize en estas notables palabras: « Assi como la nube que nace en el ojo, quita la luz del mismo ojo, assi la altivez, por la ma­yor parte nace de la luz del entendimien­to, y ciega al mismo entendimiento, pa­ra no ver la luz de la verdad. Porque el que mucho sebe, sino se repara debaxo de la sombra de la humildad, quanto mas sabe, tanto mas se ciega con una pre­sunción para caer miserablemente en ne­cias ignorancias. » Esto dize el Santo. Y añade nuestra Maestra: Que como el fundamento del edificio de la oración es la humildad, que no lebantsrà el Se­ñor mucho a quien no fuere humilde, porque no dé con todo el edificio en el suelo.

Este pues es el camino breve, y el atajo mas compendioso para alcançar la comunicación intima de Dios, y los grandes bienes que della se siguen a la alma contemplativa, como lo significo un Autor sabio y muy espiritual en estas palabras, llenas de útil experiencia: « Por mas de quarenta anos trabajé, y su­dé estudiando mucho, leyendo, orando, meditando en largas y quietas horas de oración, y con todo esso, ninguna cosa hallé mas provechosa y eficaz para al­cançar la Sabiduría mystica, que hazerse el espíritu a los pies de Dios, como un niño pobre, é ignorante, que está pidien­do a las puertas de la Divina Sabiduría y misericordia, donde la mendiguez es­piritual, con la Fé sencilla, tiene el prin­cipal lugar. » Todo esto es deste experi­mentado Autor.

La segunda cosa, que al principio deste capitulo diximos, que era neceasa ria para las intimas comunicaciones Divinas y percibir los efectos dellas, es la pureza de conciencia, no solo de los pe­cados graves, mas también de los venia­les volontarios. Porque como prueba a este proposito Santo Thomas, qualquiera pecado, aunque sea venial, causa en el entendimiento cierta desproporción para la luz Divina, y en la voluntad una calidad como contraria para el fervor, y suavidad de la contemplación, que es dezir en lenguage común; que entre los damás danos que hazen en el al ma los pecados veniales volontarios, escurecen el entendimiento, y entibian y secan de la voluntad; porque de los flaqueza, è inadvertencia nadie está preservado, pero de los voluntarios y de adverten­cia siempre se guardaron mucho los Va­rones espirituales, por aquella mala ca­lidad de advertidos y consentidos, en que tienen parentesco con los mortales dentro de su esfera de veniales. Y con­cluye Santo Thomas con dezir; que un imperfecto desocupado y libre de pecados ve dos veniales, se deleytarà actualmente mas en Dios, que un perfecto ocupado, y con pecados veniales. Y en otra parte dize al mismo proposito; que por los pecados veniales se aloja el alma de la fa­miliaridad de Dios.

CAPITULO XXVI. De los aprietos y tribulationes que padece el alma en el crisol espiritual, donde la pu­rifican para la union Di­vina.

Dize el Espíritu Santo en el libro de los Cantares, que hizo el Rey Salo­mon un reclinatorio de oro, cuya subida era de color roxo, el qual lugar declara San Cregorio desta manera: Quando Christo resplandece en los eoraçones de los perfectos, les muestra por la contem­plación unas vislumbres de su Divini­dad, y entonces comunicándole? la her­mosura de los gozos Celestiales, les hi­zo uno como reclinatorio de oro, don­de gozosamente descansassen. Y con ra­zón le llamo reclinatorio de oro, por­que la Sabiduría Divina, que alli se gus­ta, es de mayor precio, que todas las ri­quezas del mundo; y todas las cosas que se desean no se pueden comparar con ella, según dizen las Divinas letras. La Sabiduría a este reclinatorio dize, que es de color de sangre, porque a este descanlo gozolo se ha de llegar por muchos trabajos y tribulaciones hasta derramar sangre, si fuere necessario. Esta es la de claracion que dá S. Gregorio a este lu­gar de los Cantares. Y S. Dionisio decla­ra este reclinatorio de la gloria de los Bienaventurados, donde la bondad Di­vina les administra la comunicación de todos los bienes juntos, de la qual felicidad participan las almas contemplati­vas en estado de perfección. Y para lle­gar a este estado y reclinatorio Divino en nuestro destierro, han de passar estas almas las tribulaciones y aprietos del ri­guroso crisol purgativo, donde las des­nudan de las ropas del hombre viejo, que es el estaño, que dixo el Profeta Isaías, hasta quedar acendrado el oro de la naturaleza racional con la semejança de Dios, con que fue criada, purgada ya de todas las Jmperfacciones y desseme janças que en ella quedaron por el peca­do, qual conviene que esté para unirse por amor y semejança con ls blancura de la luz eterna, y espejo sin mancha del Hijo de Dios.

Quan riguroso sea este crisol para el alma que entra en el, suficientemente lo significo el Espíritu Santo en estas pa­labras de Isaías, de las quales son como declaración las de Santo Thomas, con que declara el tercer despojo que ha de padecer el alma contemplativa antes de la Divina Union. Pues no es menos que desnudarla en cierta manera de su for­ma natural, para introducir en ella la sobrenatural, con que se ha de unir con Dios, lo qual causa tan gran passion y dolor, como el mismo Santo declaro en otra parte. Porque si en el otro crisol donde desnudaron al alma de les habitos imperfectos, que se avian engendra­do en la parte espiritual de la comuni­cación de los sentidos, con no padecer el alma, sino accidentalmente, como alli vimos; sentía tan gran dolor quando la despojavan destos hábitos, por ester co­mo abraçados con la misma substancia del alma. Que dolores y angustias senti­rá en este otro crisol, donde padece en la misma substancia donde la van despo­jando de la calidad que le era connatu­ral, para vestirla de otra estrena? Y co­mo sacándola de sus proprios términos a los agenos. Y aunque este sea pera me­jorarla tan incomparablemente, como es passar de una calidad humana, è im­perfecta, a una perfectissima y divina, el tiempo que esta en el crisol purgativo siente el dolor del despojo, y no la utili­dad de la mejoria.

Para que nuestro modo natural y grosero pueda penetrar algo desta obra tan lebantada y admirable, que la Sabiduria Divina haze en las alnas que quie­re unir consigo, nos avernos de valer de lo que dize el Aposto!, que por las co­sas visibles, que crio Dios en esto mun­do, podemos conocer las invisibles de su virtud eterna. Y para esto nos aprove­charemos de lo que en los exemplos del Sol, y del fuego se nos representa de la reformación que haze Dios en estas almas; que por esto San Dionisio, y San­to Thomas llaman el Sol semejança ex­press a de la bondad Divina; y al fuego semejanza de la operación de Dios. De xando pues la semejança del fuego para otro lugar donde nos hará provecho, se me represento muy al proprio esta re­formación, que la influencio Divine vá haziendo en las almas contemplativas, en la que la influencia del Sol haze en las piedras toscas, que dispone para piedras preciosas, quando con su luz obra en una cantera de esmeraldas. Porque lo primero la vá como purgando, y desnu­dando de la groseza tosca, è impura, que tiene de su natural, hasta dexarla clara y trasparente, como un cristal mui limpio. Y quando está de esta manera limpia y subtilizada, la vá vistiendo de la forma de la luz, como habitual y co­lor verde. Con lo qual, la que antes era piedra tosca, sin dexar de ser piedra se haze resplandeciente y preciosa. Esto mismo en su manera es lo que la Divina Shbiduria va haziendo en estas almas que ha de unir consigo; que primero las desnuda de la forma tosca y grosera de sus imperfecciones y dessemejanças, y después la viste de la forma Divina de su claridad y hermosura. Y para desnu­darla desta manera, la meten en este cri­sol tan apretado, adonde como parte deste desaojo la esterlizan su modo de obrar imperfecto, para divinizar su ope­ración, que es uno de los grandes tra­bajos, que en esta reformación pade­ce

Desto nos da noticia experimental San Lorenço Justiniano, diziendo: Sue­le algunas vezes esconderse la bondad Divina del afecto del contemplativo, y dexarle todo seco, y todo indevoto. En­tonces todo lo que se medita es desabri­do; todo lo que propone considerar queda indetermidado, y sin hazer dello verdadero juizio por la sequedad del es­píritu; ninguna cosa dá sabor, ninguna dsleyta, y ninguna se halla que dé susten­to al afecto. Antes en todas partes se pal­pan espesissimas tinieblas, y en todas se siente una esterilidad muy grande, co­mo si jamas se huviera gustado en la ora­ción alguna cosa dulce. Padecense tam­bién en lo interior diversos trabajos, y tentaciones del Demonio, por diferen­tes caminos, con que procura derribar al alma de su firmeça, o por lo menos apartarla de la oración. En estas pala­bras toca este Maestro de la vida espiri­tual, quatro géneros de trabajos, que suelen ocurrir en esta noche purgativa, que son: Gran sequedad de ambos ape­titos, sensitivo, è intelectivo; tinieblas obscurissimas en ambas vistas interio­res, imaginaria, è intelectual, grandissimo sin sabor, y desabrimiento, y porfia­das, y apretadas tentaciones del Demo­nio.

Destas sequissimas apreturas trata assimismo Santa Teresa, en muchos lu­gares de sus libros, de uno de los quales se trato ya en otra parte. Y porque el Ve­nerable Padre Fray luán de la Cruz tra­to muy en particular, y con admirable luz practica de todas las aflicciones desta noche purgativa, referiremos aqui al­go de lo que dize dellas en sus obras. En una en particular las declara desta ma­nera. “Esta noche obscura es una in­fluencia de Dios en el alma, que la pur­ga de sus ignorancias, è imperfecciones habituales, naturales, y espirituales que llaman los contemplativos contem­plación infusa, o myotica Teología, en que de secreto enseña Dios al almo, y la instruye en perfección de amor, sin hazer ella nada mas que atender amorosa­mente a Dios, oirle, y recibir su luz, y sin entender como es esta contemplación in­fusa, la qual purgándola, o iluminandola, la dispone para la union de amor de Dios. En la qual purgación ilumina­da padece el alma gran passion, y pena, a causa de dos extremos que en ella se juntan Divino y humano. El Divino, es esta contemplación purgativa. Y el hu­mano es el fuego del alma, y como el Divino la embiste a fin de sazonarla y re­novarla para hazerla Divina, quando la vá desnudando de las aficiones habi­tuales, y propriedades del hombre vie­jo con que olla está muy unida, y con­formada, de tal manera desmenuza, y deshazle, absorviendola en una pro­funda tiniebla, que el alma se siente, yr desasiendo, y como derritiendo a la faz y vista de sus miserias, assi como si traga da de una bestia, se sintiesse estar digirien do en su vientre tenebroso, padeciendo estas angustias, como lonas en el vientre de aquella bestia. Porque en este escrú­pulo de obscura muerte la conviene es­tar para la resureccion espiritual que espera.

La manera ¿esta passion y pena (aun­que de verdad ella es sobre toda mane­ra) descrive David diziendo: Cercaron me los gemidos de la muerte, los dolo­res del infierno me rodearon; en mi tri­bulación clame: pero lo que esta dolien­te alma aqui mas siente, es parecerle claro, que Dios la ha desechado, y con flo­recimiento arrojadola on las tinieblas, Lo qual es para el la grave, y lastimera pena, creyendo que la ha dexado Dios, como lo significo también David diziendo: De la manera que los llagados están muertos en los sepulcros, dexados yá de su mano, assi me parecieron a mi en el lago mas hondo, è inferior, en tinieblas y sombre de muerte, y tu furor esté fir­me mi, y descargaste en mi todas tus olas. Porque verdaderamente quando esta influencia purgativa aprieta, som­bra de muerte, y gemidos, y dolores de infierno siente el alma muy a vivo, que consiste en sentirse sin Dios, y casti­gada y arrojada, representándosele eno­jado, è indignado della, que todo se sien­te aqui, y mas que le parece en una te­merosa aprehensión, que es para siem­pre. Y el mismo desamparo siente de to­das las criaturas, y desprecio dellas, par­ticularmente de sus amigos.”

Desta manera nos descrive nuestro Venerable Maestro los trabajos en que pone al alma esta influencia Divina purgativa, y para mayor conocimiento destas aprehensiones penosas que tanto le afligen, se ha de advertir lo que dize Santo Thomas, que en el govierno inte­rior con que Dios mueve al alma, influ­ye en ella mediante la razón aprehensi­va, sobre la irascible motivaí :unas vezes a modo confortativo y animado, como en la influencia amorosa, y consolada. Y otras vezes a modo desconfortativo, y desalentado, como en esta noche. Y assi co­mo quando la consuela, percibe el alma a Dios como favorable, alegre, y amoroso: assi quando la pone en el crisol pur­gativo, le aprehende como indignado, y severo, y que con Magestad rigurosa la amenaza con la gravedad de los peca­dos passados, y con el castigo dellos, co­mo lo significo el Profeta Jeremias pues­to en esta aflicción, quando dixo: Yo soy un varón, que veo mi pobreza en la vara de la indignación de Dios, amenaçome, y traxome a las tinieblas, y no a la luz. Pues como con esta luz practica, y con esta influen­cia penosa dan al alma de sus defectos, è imperfecciones, para que conozca su miseria y probesa, y se profunde mas en la humildad, haze contra si tan penosas aprehensiones de sus danos, que por mas que el Confessor la assegura, quo os por su provecho, y que estos trabajos en que Dios la pone, son antes muestras de su amor, que de su indignación, nada le basta, por grande que sea la opinion que tiene de quien la confiessa, para dexarse de tener por desechada de Dios, porque assi la parte aprehensiva, como la moti­va tiene inclinadas a esto. Y como echa­do un sello en ellas para que le estén siem­pre representado esta triste figura desa­nimada, hasta que Dios se digne de im­primir en ella otro sello mas alentado. Y à este proposito declaro San Grego­rio aquellas palabras del cap. 6 de Iob, porque las saetas del Señor están den­tro de mi, la indignación de las quales bebió mi espíritu, y los temores del Se­ñor pelean contra mi. Entonces dize S. Agustín, que se acuerda el alma de lo que dexo de obedecer a Dios; y la memoria desto la está como un verdugo interior atormentando, y tanto mas riguro­samente, quanto el alma mas ama a Dios, y mas vivamente se le representa su culpa. De todo lo qual nos dá también bien harta noticia la experiencia de nuestra Maestra Santa Teresa.

A todo esto se añade la probeza grande que el alma a la vista de la Magestad de Dios vè en si, para mas afligir­la, como lo significo el Venerable Padre Fray luán de la Cruz desta manera: "Esta intima probeza, que el alma siente en si, es una de las principales penas que padece en esta purgación, porque siente en si un profundo vacio de tres maneras de bienes, que se ordenan al gusto del al­ma, que son temporal, natural y espiri­tual. Y se vé puesta en males contrarios do miserias, imperfecciones, y desamparos del espíritu anegado en tinieblas, porque como purga Dios aquí al alma según la substancia sensitiva y espiritual; y según las potencias interiores y exteriores, conviene que sea puesta en vacio, probeza, y des­amparo de todas estas partes, dexandola seca, vacia, y en tinieblas. Aqui humi­lla Dios mucho al alma, para ensalçarla mucho despues; y si el no ordenasse, que estos sentimientos, quando son muy vi­vos, se adormiecessen presto, desampara­rla el alma al cuerpo en breves dias, mas son interpolados los ratos en que se siente su intima viveza, y en que le parece que vé como abierto el infierno, y presente la perdición." Esto es de nuestro V. P.

CAPITULO XXVII. De otros trabajos y aflicciones que en esta pu­rificación padece el alma, assi de parte del Demonio, como de la influencia Divina.

Tratando San Laurencio Iustiniano de las aflicciones y trabajos deste crisol Divino, donde reforman al alma para unirla con su principio, y de las ten­taciones que le permite para este fin, le pareció que se hallava obligado a hazer salva al Artifice desta obra. Y a este pro­posito dize: "A. algunos permite la Sabi­duría de Dios, que sean tentados fuera del modo común, y sobre las fuerças huma­nas, para que la continua y asperissima batalla los hagan mas gloriosos, que los assi no tentados: y vencido el enemigo, y aviendo triumfado del, gozen las per­petuas eternidades con mayor gloria. No se han de inquirir curiosamente los juyzlos de Dios, ni la razón de la permis­sion Divina, que la Sabiduría de Dios no puede errar. Y assi se han de recibir con reverencia humilde todas las cosas que ordena, aunque sean adversas, è impene­trables. A todos ama, la salvación de to­dos desea con paterno afecto, y ningúno está ayuno de sus beneficios.” Esto dize este Santo. Y destas tentaciones tan apu­radas suelen ser también afligados los que están en este crisol purgativo, escondién­doseles el Señor, como dize San Bernar­do, quanto al conocimiento ilustrado, y afecto dulce de la contemplación, y quedando presente quanto al govierno y defensa del alma contra las tentaciones, que para aumento de sus coronas les permite, cumpliéndose lo que dixo el Psalmista, que con ellos está en la tri bulacion, y los sacarla della con gloria, que passarian por sobre el áspid y basilis co, y hollarían el León fuerte, y el Dra­gon ponçonoso.

Estos trabajos que permite el Se­ñor de parte del Demonio algunas ve­zas a estas almas, que dispone para tan alta perfección, describe la experiencia de Santa Teresa desta manera: ”Lo que he entendido destos trabajos, que vie­nen de parte del Demonio, es que lo quiere y permite el Señor, que le da li­cencia, como se la dio, para que tentasse

a Job. Hamo acaecido cogerme de pres­to, me parece el entendimiento por co­sas tan livianas a las vezes, que otras me reiria yo dellas, y hazele estar trabuca­do en todo lo que él quiere, y el alma aherrojada alli, sin ser señora de si, ni poder pensar otra cosa, mas de los dispara­tes que él le representa, que casi no tie­nen tomo, ni atan, ni desatan; solo ata pa­ra ahogar de manera el alma, que no ca­be en si. Y es cierto que me ha acaecido parecerme, que andan los Demonios co­mo jugando a la pelota con el alma, y ella no es parte para librarse de su po­der. No se puede dezir lo que en esta par­te se padece. Ella anda a buscar reparo, y permite Dios que no le halle. Solo que­da siempre la razón del libre aluedrio, y aun esta no clara. La Fè entonces está tan amortiguada y dormida, como todas las demás virtudes, aunque no perdida, que bien cree lo que tiene la Iglesia, mas pronunciado por la boca, que parece por otra caba la aprietan y entorpecen, para que como a cosa que oyo de lexos, le parece conoce a Dios. El amor tiene tan tibio, que si oye hablar en él, escucha como una cosa que cree ser el que es porque lo tiene la Iglesia, mas no ay me­moria de lo que en si ha experimenta­do. Irse a rezar, o a estar en soledad, no es sin congoja, porque el tormento que en si siente, sin saber de qué, es incompa­rable, a mi parecer es un poco de trasla­do del Infierno. Esto es assi, según el Se­ñor en una visión me lo dio a entender, porque el alma se quema en si, sin saber quien, ni por donde la ponen fuego, ni como huir del, ni como le matar. Pues quererse remediar con leer, es como si no supiesse. Tener conversación con al­guno es peor, porque un espíritu tan disgustado de ira pone el Demonio, que parece a todos me querría comer, sin po­der hazer mas, y algo parece se haze en irme a la mano, o haze el Señor en te­nerme de la suya, para que no diga, ni ha­ga contra sus próximos cosa que les per­judique, o en ofensa de Dios.”

Otras muchas cosas dize nuestra Maestra de la guerra que en esta noche purgativa haze el Demonio si alma, y los trabajos en que la pone. Y aunque to­das estas baterias exercita el Demo­nio derechamente en la imaginación y apetito sensitivo, donde según su naturaleza tiene mucha mano, si Dios no se la limita, porque en la espiritual no tiene entrada, sino es combatiéndola por me­dio de la sensible. Con todo esso, de to­dos los trabajos de la parte inferior alcança parte a la superior, como lo de­claro Santo Thomas en estas palabras : Como toda la essencia del alma esta unida al cuerpo, de manera que toda está en todo, y toda en qualquier parte del, de aqui viene, que pa­deciendo el cuerpo, padezca también toda el alma. Esto dize el Angélico Doctor. Y por esta union que ay entre el alma y cuerpo, tanto mas apretada será la aflic­ción del alma en la parte espiritual, quan to la parte sensible mas penare. Y en esta ocasión, quando Dios dá licencia al De­monio pena mucho, por ser enemigo po­deroso, infstigable, y tener a los hom­bres mortal odio, y rabioso deseo de vengarse en él, por averie despojado de su tyrano imperio el Hijo de Dios he­cho hombre.

Y quando concurren en este crisol la aflicción procedida en la parte espiri­tual de la influencia Divina, y la del De­monio en le parte sensible, es mayor el tormento, como declara S. Thomas, porque penan ambos apetitos, sensiti­vo è intelectivo. Y tal era esta aflicción que aqui significo nuestra Santa, porque aquel fuego en que dize, que sentia el alma quemarse, de la influencia Divina procedía. Y en lo que dize, que tienen en este crisol como aherrojada el alma triste, sin ser señora de si, ni aun para pen­sar, significo un gran tormento, que en esta noche se padece, el qual le viene del fin para que Dios la va disponiendo que es para la Divina union, para la qual la han de vestir de ropas de boda, y des­nudarla de las del hombre viejo, intro­duciendo en ella una forma Divina, y en cierta manera despojarla de la tosca y grosera suya. Porque para transformar­se una cosa en otra forma, ha de dexar la que tenia primero. Pues union dize re­ducirse las cosas a unidad, y assi también a una misma forma. Pues para este despo­jo es necessario ir despojando al alma, no solo de los hábitos imperfectos del hombre viejo, que las retenían en la for­ma antigua, mas también de las opera­ciones naturales imperfectas que dellos procedían, para introducir las perfe­ctas, y cano Divinas, al modo que a los ninos les antan la mano siniestra, para que se acostumbren a obrar con la derecha: y para esto le ponen como entredicho, è impedimento en estas operaciones, con lo qual padece una como ligación, y ata­miento de las potencias, quedando en cierta manera impedidas para las opera­ciones que le son connaturales.

Deste atamiento de potencias se le sigue al alma un tormento muy seme­jante al que padecen las almas en el Pur­gatorio; porque assi como el fuego que alli las atormenta, dize Santo Thomas que tiene virtud y eficacia sobrenatural para detener, ligar, è impedir las almas en sus proprias operaciones, y en los bie­nes que por medio dellas se serán conna­turales, la qual es una pena grandissime para el alma, con que es alli purgada, assi también esta influencia Divina pur­gativa tiene eficacia para ligar en cierta manera las operaciones naturales del al­ma, en quanto no son necessarias para el cumplimiento de las proprias obliga­ciones. De fuerte, que le parece que tie­ne como atadas las potencias, para no poder exercitar sus actos con la libertad que solia, assi quanto al conocimiento, como quanto al afecto, como lo signifi­co Jeremias, quando en un largo Cata­logo que hizo de las penas del alma, puesta en la purgación, dixo; que avia Dios cerrado sus caminos con piedras quadradas, y trastornado sus sendas, por que los caminos y sendas del alma son las operaciones de sus potencias, por donde camina a Dios por conocimiento y amor.

En esta pena tiene también parte el Demonio, quando Dios se lo permite, como aqui lo experimentava nuestra Santa. Porque assi como la influencia Divina purgativa liga, è impide en la forma ya declarada las operaciones de las potencias espirituales, assi el Demo­nio ata en cierta manera las sensibles pa­ra las suyas, en las quales él tiene mano, y desta fuerte queda el alma toda aherro­jada, ypuesta como en cadenas, y tan apretada como una cosa puesta en pren­sa, según lo significo en este lugar el mis­mo Profeta. Y de aqui viene lo que dizen los desta manera impedidos, que por el tiempo que este atamiento dura, padecen unos olvidos y enagenaciones para todo lo que no es de propria obligacion, que algunas vezes les parece que están entontecidos. Lo qual dize nues­tro Venerable Padre, que procede de que purgan, no solo el entendimiento de su conocimiento imperfecto, y la vo­luntad de sus aficiones, sino también la memoria de sus noticias y discursos. Y de todo este despojo de operaciones im­perfectas de las potencias (para que con la nueva forma Divina obren a lo perfe­cto) nos da noticia admirable experi­mental el mismo Padre, como quien avia passado por todas estas aflicciones y aprietos.

Quando ya esta nueva forma se vá introduciendo en el alma por remoción de sus contrarios, y el Artifice Divino ha alcançado victoria del fiugeto que pretende reformar a semejança del fue­go, que se va apoderando del madero, para introducir en èl su semejança. Sí­guese desto al alma, desta manera refor­mada, otra nueva aflicción, pensando que está perdida, quando vá estando ga­nada. Porque como la forma y calidad de que la han despojado era connatural, y la nueva de que la han vestido le es es trana, esta alteración le causa passion y pena, como Santo Thomas declara. Y como ella no avia experimentado aque­lla novedad, que la deslumbra de su pri­mer modo de obrar y sentir, atribuye a perdida lo que es tan incomparable ga­nancia, y se entristece por lo que devia alegrarse mucho. Esta alteración peno­sa declaro la experiencia de nuestro Ve­nerable Padre desta manera: "Pone tam­bién esta influencia purgativa al alma en gran angustia y aprieto con la memoria remota de toda amigable y pacifica no­ticia, y con sentido muy interior, y tem­ple de peregrinación y estrañeza de to­das las cosas en que le parece que todas son estranas, y de otra manera que solian ser, porque esta influencia vá sacando al espíritu de su ordinario y común sentir de las cosas, para traerle al sentido Divi­no, el qual es estrano y ageno de toda manera humana, tanto que le parece al alma que anda fuera de si. Otras vezes piensa, si es encantamento, o embelesa­miento el que tiene, y anda maravillada de las cosas que vè, y oye, pareciendole muy peregrinas y estranas, siendo las mismas que comunmente solia tratar. De lo qual es causa el irse ya el alma haziendo agena y remota del común sen­tido, y noticia de las cosas, para que ani­quilada en este, quede informada en el Divino, que es mas de la otra vida, que de esta. Y con estos dolores de parte sale a luz el espíritu de salud, que se conci­bió de la faz del Señor, como dixo Isaías: "Desta manera declara nuestro Maestro esta alteración penosa, en que el alma contemplativa passa de lo humano a lo lo Divino.

CAPITULO XXVIII. De las ansias de amor inflamado, en que se purifica el alma para la union Divi­na, y comiença a participar della.

Tratando Santo Thomas, referido ya en otra parte, de las tres divisio­nes y despojos que ha de aver en el alma contemplativa para llegar a unirse con Dios, dize que después de las dos divi­siones que ya quedan referidas, donde van dividiendo y apartando dolía las imperfecciones adquiridas, y naturales, que es la ropa del viejo hombre, se sigue la que el amor de Dios, que S. Dionisio llama agudo, va haziendo, apartando dalla el amor proprlo desordenado pa­ra introducir en ella el de Dios, que la dispone para unirla con él. El qual, co­mo dize Santo Thomas, que penetra todos los senos del alma, y la va vistien­do de una forma Divina, de manera, que no aya cosa en ella, que no esté renovada y divinizada, à semejança del madero, quando le ha penetrado por to­das partes el fuego, y vestidole de su for­ma. Pues assi como quando lleva ya el fue­go de vencida, lo que hazia contradicio en el madero lebanta llamaradas, como lu­minarias de victoria, y con estas mismas vá penetrando mas el madero, é intro­duciendo mas intimamente en él su for­ma y semejança. Otro tanto sucede al alma en esta renovación, que quando ya la influencia Divina vá victoriosa con­tra las desemejanças, é imperfecciones della, que le hazian contradlcion, leban­ta llamaradas con este a or agudo en señal de victoria, y con ellas penetra mas aprlessa todos los senos del espíri­tu, para que no aya en el cosa donde la forma Divina no alcance.

Estas llamaradas del amor ya victorioso rioso, son unas grandes ansias de Dios, que el alma siente azia el fin del despojo pas­eado, y mucho mas intensas, que las que en otro lugar quedan referidas. Porque la influencia de amor es mayor, el vacio del alma mas profundo, y las noticias que le dan de Dios mas altas, que son los prin­cipales fundamentos destas ansias, co­mo alli vimos. Y como este estadose acer­ca ya a la union Divina, donde sus comunicaciones son muy favorables, en esta penetración tan intima, suelen caminar juntos el amor agudo, que llega a pene­trar los sentidos del afecto, y el don de entendimiento, que como una perfec­ción aguda (que assi le llama Santo Tho­mas) penetra por toda la esfera intelecti­va con unas noticias muy altas de Dios, y de sus Divinas perfecciones, para dar­le a conocer sobre su modo humano la bondad, la suavidad, la hermosura, la amabilidad, con todas las demás excelen­cias de su infinita Grandeza. Y por otra parte, como no es proprio deste don, se gun declara el mismo Santo comunicar satisfacion sabrosa de las cosas de que ilumina, sino solamente lebantar el entendimiento a la noticia dellas (à dife­rencia del don de Sabiduría, que con su comunicación ilumina el entendimient to de las cosas Divinas, y dà sabor y satisfacion dellas a la voluntad) queda el alma desta manera penetrada con el de­seo en acto, y el sabor y deleyte solo en la memoria, según en otra parte vimos. Y por esto tan hambrienta por llegar a unirse con el sumo bien, que hasta que se vea en esta possession dichosa, dize Santo Thomas, que queda padeciendo una enfermedad de amor, semejante a la que los Médicos llaman Bolismum, que es hambre insaciable, porque assi la padece esta alma del sumo bien, y au­méntala mas la inclinación natural, que el alma desocupada, y suelta ya de sus im­pedimentos tiene de caminar a Dios, co­mo la piedra azia su centro, sino la impi­den, y descansar en él como en su ultima felicidad.

Y en otras muchas diferencias que ay entre estas ansias de amor a las que en otro lugar quedan referidas, es vina muy conocida, que el fuego de aquellas se apagava con algún rocio del cielo, que se concedía al alma desta manera ansiosa, como a este proposito declara San Buenaventura. Pero en estas, como el vacio del alma es mayor, y está llamada para la union con el sumo bien, donde están todos los bienes juntos, ninguno otro la satisface, ni contenta, como lo declaro un Autor muy experimentado por estas palabras: "De verdad, estos desta manera ansiosos son mas pobres y menesterosos, que quantos ay en esta vi­da, porque padecen una hambre y sed tan continua, que por mas que coman y beban de comunicaciones dulces, no pueden hartarse. Lo qual viene de no poder el vaso criado recoger en si el bien increado, por lo qual le queda desto un deseo perpetuo, codicioso, y muy ham­briento de alcançar del todo aquello que desea, y mientras no lo alcança, nin­gún otro bien le satisface. Porque aun­que le pongan delante todos los manja­res, y banquetes opulentos de que sue­len gozar las almas puras, conocidos de solos aquellos que los experimentan, si les falta el banquete principal de la har­tura cumplida, que es la Divina union, antes se encrudelece mas cada dia la ham­bre. Porque aunque concediesse Dios a esta alma todos los dones de los Santos; y quanto el puede dar, fuera de si, con todo esto junto no se hartarla la codi­cia y hambre insaciable de su espíri­tu. "

Esto dize este Autor de la hambre insaciable destas ansias, de las quales tra­ta el Venerable Padre Fray Juán de la Cruz en muchos lugares de sus libros, en uno de los quales dize assi: ”Esta gran hambre y sentimiento comunmente te acaece ázia los fines de la iluminación y purificación del alma, antes que lle­gue a union, adonde ya los senos de las potencias se satisfacen. Porque como el apetito espiritual está vacio y purgado de toda criatura y afición della, y perdi­do el temple natural, está templado à lo Divino, y tiene ya el vacio dispuesto, y sino se le comunica lo Divino en union de Dios, llega a penar deste vacio y sed, mas que a morir, mayormente quando por algunos visos o resquicios se le trasluce algún rayo Divino, y no se le co­munica. Y estos son los que penan con amor impaciente, que no pueden estar mucho sin recibir, o morir. Y quando ere mucho la inflamación de amor en el espíritu, son las ansias de Dios tan gran­des en el alma, que parece que se secan los hueltos en el cuerpo, y estraga su na­tural y fuerça por la viveza de la sed de amor, Y assi, guando desta manera pade­ce, se representa en su padecer una viva imagen de las penas del Purgatorio de la otra vida, por estar el alma en cierta dis­posición para recibir su lleno, y assi la privación del le es pena grandissima."

Esto dize este Venerable Padre de estas ansias, y de las mismas trata Santa Teresa en muchos lugares de sus libros. Y en uno dize assi : « En este tiempo flue creciendo en mi un amor tan grande de Dios, que no sabia quien me le ponia, porque era muy sobrenatural, ni yo le procurava. Veiame morir con deseo de ver a Dios, y no sabia adonde avia de bus­car esta vida, sino era con la muerte. Davanme unos impetus grandes deste amor; que no sabia que me hazer, por­que nada me satisfacía, ni sabia en mi, si­no que verdaderamente me parecía se me arrancava el alma. Quien no huviere probado estos impetus tan grandes, es impossible poderlo entender, que no es desasossiego del pecho (habla de los impetus de la parte sensible) ni unas devociones que suelen dar muchas vezes, que parece que ahogan el espíritu, que no caben en si. Essotros tiempos son diferentissimos, no ponemos nosotros la leña, sino parece que ya hecho el fuego, nos echan de presto dentro, para que nos quémenos. No procura el alma, que duela esta llaga de la aufencia del Señor, sino hincan una saeta en lo mas vivo de las entrañas y coraçon, a las vezes que no sabe el alma que ha, ni que quiere. Bien entiende que quiere a Dios, y que la saeta parece traia y erva para aborre­cerse a si por amor del Señor, y perderla de buena gana la vida por él, no se pue­de encarecer, ni dezir el modo con que llaga Dios al alma, y la grandissima pe­na que dá, que la haze no saber de si. Mas esta pena es tan sabrosa, que no ay contento en la vida, que mas contento dè. Siempre querría el alma estar murien­do deste mal. Esta pena y gloria junta­mente me traia desatinada, que no po­día yo entender como podia ser aque­llo. O, que es ver una alma herida, que digo, que se entiende de manera, que se puede dezir herida por tan excelente causa, y vè claro, que no movio ella por donde le viniesse este amor, sino que del muy grande que el Señor le tiene, pare­ce cayo de presto aquella centella en ella, que la haze toda arder. O quantas vezes me acuerdo, quando assi estoy, de aquel verso de David: Como desea el cierbo la fuente de las aguas, assi desea mi alma a ti mi Dios; que me parece lo veo al pie de la letra."

Desta manera significa nuestra San­ta lo que experimentava destas prime­ras heridas del amor agudo. Del qual dize Santo Thomas, que penetra, hiere, y traspasas las entrañas, y en nuestra Maes­tra se verifica, y dize que le causava pe­na, y gloria todo junto, para que en las heridas de amor de la Jerarquía Supre­ma, qual era este, juntamente con el do­lor comunican gloria. Y las noticias que en este tiempo da al alma el don de en­tendimiento del Sumo bien, y de sus Di­vinas perfecciones, regalan a la poten­cia intelectiva; y como no se las dan a gustar a la afectiva, según ya queda de­clarado, queda el deseo en acto, y el deleyte en la memoria, y causa tanto ma­yor sed, quanto fueron mas vivas estas noticias. Avio paseado ya nuestra Santa por los tres grados de amor de la Ierarquia Suprema, que refiere San Dionisio, conviene a saber, movible, incessable, y calido, y aqui la metieron en la fragua del quarto, que es el agudo. Aquellos van disponiendo al alma para la union Divina, y este la acaba de desnudar de to­das las desemejanças del hombre vie­jo, para configurar con los resplando­res de Christo, como dixo el Apóstol. Y desta manera configurada, la introduce en el Talamo del Esposo, para que goze alli de sus dulçuras y purissimos abraços, como declaro el Venerable Hugo de S. Victore sobre este lugar de S. Dionisio. Para lo qual, no una vez sola, sino muchas, meten al alma en la fragua de los Serafines, para acrisolarla en ella con mas intenso fuego de amor, para mas alta disposición de union, y transformación en Dios, como adelante veremos; porque como dize Ricardo de S. Vict. para passar el alma contemplativa de la forma humana a la Divina, y de la vida de hombre a la de Angel, es menester me­ter muchas vezes el oro del espíritu en la fragua del amor; y caldearle por un lado y otro, para dexarle mas acendra­do.

Y como en los grados de perfec­ción lo supremo del grado inferior toca los términos del superior inmediato, y participa del, aunque imperfectamente te assi como los contemplativos, que en el modo de su contemplación están en el orden de los Tronos, participan algunas vezes de las ilustraciones del or­den de los Cherubines; assi también los que están en este orden de los Cherubi­nes, participan del calor amoroso de los Serafines en union començada, y aun no perfecta. Lo qual sucedía también a nuestra gloriosa Madre, como ella lo refiere en estas palabras: Aora pues sucede muchas vezes esta manera de union (que quiero dezir) en especial me haze Dios esta mer­ced, que recoge el Señor la voluntad, y aun el entendimiento, a mi parecer, porque no discu­rre, sino está ocupado gozando de Dios, como quien está mirando, y vé tanto, que no sabe adonde mirar, uno por otro se le pierde de vista, que no dará señas de cosa. La memoria queda libre, junto con la imaginación debe de ser, y ella como se vé sola, es para alabar a Dios lag erra que dà, y procura desassosegarlo todo. En todas estas maneras desta postrer agua de fuente, que he dicho, es tan grande la gloria y descanso del alma, que muy conoci­damente participa el cuerpo de aquel gozo y deleyte, y quedan tan crecidas las virtudes co­mo he dicho. En estas palabras de tan gra­ve experiencia se verifica la diferencia que Santo Thomas pone entre la ilumi­nación passada del don de entendimien­to, y esta del don de Sabiduría; que aque­lla penetra y no satisface; y esta ilumina, y da saber pacifico de lo iluminado. Por esta va caminando el alma con el amor calido ázia el agudo, y por la union im­perfecta ázia la perfecta.

CAPITULO XXIX. De los toques Divinos de conocimiento y amor de Dios en el alma contemplativa, co­mo disposiciones ultimas para la Divina union.

Ya vimos en otra parte de la doctrina de San Dionisio, que las almas que han de ser lebantadas a estado de perfec­ción y union Divina, avian de ser purga­das, no solo de todas las imperfecciones, mas también de todas las dessemejanças, que tiene con la blancura de la luz eterna, con quien ha de ser unida por amor y semejança. Y para esta estre­cha purificación nos dixo assimismo S. Buenaventura que usava Dios unas vezes de crisol de los trabajos, y otras del fuego, y que este segundo era mas eficaz que el primero. Pues quando su Magestad quiere hazer esta purificación de lo que impide al alma la union Divina, usa de los cauterios de fuego, como an­tes uso de las lexias de agua en las seque­dades y trabajos interiores y exteriores. Entre estos cauterios de fuego ponen los Autores mysticos por muy eficaces los efectos Divinos, que llaman toques de Dios en el alma, de los quales dize un Autor muy experimentado estas palabras : Esta hambre, y deseo tan vivo haze el contacto espiritual de Dios en nosotros, inci­tando, y despertando el espíritu Divino al nues­tro. Y quanto el toque es mas vehemente, tan­to la hambre y ansia que dexa Dios en el al­ma es mayor.

Esto dize este Autor; y hablando de este mismo tiempo, y a este mismo pro­posito nuestro Venerable Padre Fray Juán de la Cruz, dize assi: "Esta infla­mación, y ansia de amor, no siempre la anda el alma sintiendo, porque a los prin­cipios que comienga esta purgación es­piritual, toda se và a este Divino fuego, mas en enjugar, y disponer la madera del del alma, que en calentarla; pero ya quan do este fuego va calentando el alma, muy de ordinario siente esya inflamación, y calor de amor. Aqui, como se và purgan­do el entendimiento, por medio desta influencia, acaeze, que algunas vezes, juntamente con inflamar la voluntad, hiere en el entendimiento, con alguna noticia, y luz Divina, tan sabrosa y del­gadamente, que ayudada della la volun­tad, en gran manera ardiendo en ella es­te Divino fuego de amor en vivas lla­mas, de manera, que ya al alma le parece fuego vivo, por causa de la viva inteli­gencia que se le dà. Y este entendimien­to de amor, con union destas dos po­tencias, entendimiento y voluntad, (que aqui se unen) es cosa de gran riqueza, y deleyte para el alma, porque es cierto toque divino, y principios ya de la per­fecta union de amor, que espera. Al qual toque de tan subido sentir, y amor de Dios no se llega, sino aviendo passado grandes trabajos, que preceden a esto,”

Destos efectos y toques Divinos en las almas contemplativas aprovecha­das, de que nos dan noticia estos Auto­res experimentados: y nos la dan tam­bién las Divinas letras en el libro de los Cantares, donde dize la Esposa; que la toco con su mano el Esposo Divino, y con su contacto se estremeció toda. Y des­pués dize: Mi alma se derritió en hablan­do mi Esposo. En estas palabras significo co dos maneras de toques Divinos: El uno, que se siente mas en la voluntad, aun­que también viene con iluminación Di­vina, el qual dio a entender en aquellas palabras: Et venter meus intremuit ad ta­ctura ejus. Y en este estremecimiento sig­nifico la intima penetración de la vir­tud Divina en el alma, que es propria de el amor agudo. El otro toque se siente mas en la ilustración del entendimien­to, aunque también causa ternura en el afecto, lo qual declaro en aquellas pala­bras: Anima mea liquefacta est, ut loqutus est, porque el oyodo del alma es el enten­dimiento.

De entrambos estos efectos nos dá noticia N. V. Padre F. Juán de la Cruz, hablando del estado del alma, en que aora estamos, por estas palabras: "Por este modo de inflamación podemos en­tender algunos de los efectos sabios, que va obrando yá en el alma esta influencia obscura. Porque algunas veces en me­dio destas obscuridades es ilustrada el al­ma, y luce la luz en las tinieblas, deriván­dose derechamente esta influencia mystica al entendimiento, y participando algo de la voluntad con una srernidad, y sencillez del­gada y deleytable al sentido del alma, que no sele puede poner nombre, unas vezes en una manera de sentir de Dios, y otras en otra. Algunas vezes también hiere jun­tamente en la voluntad, y prende en ella el amor subida tierna y fuertemente: Porque ya dezimos, que se unen algu­nas vezes estas dos potencias entendi­miento, y voluntad. Y quanto se vá pur­gando mas el entendimiento, tentó mas perfecta y delicadamente se van sintien­do estos efectos en estas potencias. Pero antes de llegar aqui, mas común es sen­tirse en la voluntad al toque de la infla­mación, que en el entendimiento el to­que de la perfecta inteligencia. Y la sed de amor que este toque causa, se siente en la parte superior de la alma, conocien­do en lo muy interior la falta de un gran bien, que con ningún otro se puede su­plir. La qual sed es muy diferente de la otra, que en la purgación de la parte sen­sitiva diximos, porque esta es sin com­paración mayor que aquella."

Esto dize este gran Maestro, y de los unos y otros toques nos dio también no­ticia nuestra Santa Madre en muchos lu­gares, y en uno declarando los muy pe­netrativos toques del don de entendimien­to dize assi: Vezes ay, que andándose el al­ma abrasando en si misma con ansias de Dios, acaece que por un pensamiento muy ligero, o por una palabra que oyo de que se tarda el mo­rir, viene de otra parte (no se entiende de donde, ni como) un golpe, o como si viniesse una saeta de fuego; que agudamente hiere, y no es a donde se sientendo a las penas a mi parecer, si no en lo muy hondo, è intimo del alma, a donde este rayo que de presto passa dexe hecho polvos todo quanto halla de la tierra de nuestro natural, que por el tiempo que dura es impossible tener me­moria de cosa de nuestro ser. El entendimiento está tan vivo para sentir la ausencia de Dios, y ayuda su Magestad con una tan viva noticia de si en aquel tiempo, que acrecienta mucho la pena. En estas palabras declaro con mu­cha propriedad nuestra Madre, la substan­cia y efectos del toque Divino, procedi­do del don del entendimiento, y del amor agudo, que le acompaña, y dejan en el alma hambre insaciable del sumo bien. Y se verifica lo que dize Santo Tho­mas, que los dones lebantan al alma à actos mas altos, è intensos, que las vir­tudes.

En otra parte trato la misma Santa de los sentimientos, que proceden del don de Sabiduría, y del amor suave que le acompaña y los llama una inflamación deleytosa, que viene de presto de la re­gión muy interior del alma, y se estiende por toda ella con un sabroso deseo de goçar el alma del Esposo Divino, pe­ro no deseo penoso, sino quieto, y que inclina el alma à alabanças de Dios. Y estos sentimientos dize que son mas or­dinarios en alma, que los primeros. En lo qual concuerda con lo que se ha refe­rido de su Venerable Compañero, que mas común es sentirse en la voluntad el toque de la inflamación, que en el en­tendimiento el de la perfecta inteligencia. Y en dezir estos Autores que estos toques Divinos se sienten algunas vezes de repente: y quando menos adver­tida está el alma significaron la calidad de ellos, y que son movimientos de Dios en ella, no tanto para introducir nueva calidad en ellos, quanto para perficionarla ya introducida, y para el movimiento to suelto no es menester tanta disposi­ción del alma, como para introducir en ella habito.

De otros toques divinos, en estado mas perfecto, quando ya el alma contem­plativa está transformada en Dios, haze mención nuestro Venerable Padre, de su esperiencia, en estas palabras: ''Estos sen­timientos espirituales distintos, pueden ser en dos maneras. La primera, son sen­timientos en el afecto de la voluntad. La segunda, aunque son también en la vo­luntad; pero por ser sentimientos intensissimos, subidissaraos, profundiasimos, y secretissimos parece que tocan en ella dentro la substancia del alma: los unos y los otros son de muchas mineras. Yaunque los primeros son muy subidos lo son mas los segundos: los qualos ni el alma, ni quien la trata pueden saber, ni entender la causa de donde proceden, ni porque obras le haze Dios estas mer­cedes, porque las haze su Magestad a quien quiere, y como quieren. Para es­to es necessario que esté el alma actualmentente empleada con cosas espirituales, aunque estarlos es mucho mejor, por­que sin estarlo la vista Dios con estos to ques y recuerdos Divinos, de los quales resultan en el alma sentimientos también Divinos, porque las mas vezes está harto descuidada dellos, y vienen quando ella menos piensa y menos lo pretende. Unas vezes se causan súbitamente en ella, solo con acordarse de algunas co­sas, y a vezes harto minimas. Y son tan sensibles estos toques, que algunas ve­zes no solo el alma, mas también el cuer­po hazen estremecer. Pero otras vezes acaecen en el espíritu muy sosegado, sin estremecimiento alguno con subido sen­timiento del deleyte y refrigerio en el espíritu. Otras vezes acaecen con una palabra, que dizen, o oyen decir, aora sea de la Escritura, aora de otra qualquier co­sa, mas no siempre de una misma efica­cia y sentimiento. Destes toques unos son distintos, y pasean de presto, y otros no son tan distintos, y duran mas.”

De esta manera nos dà este gran Maestro noticia experimental destos movimientos tan subidos de Dios en el alma unida con él (porque deste tiem­po habla). Aque haze también diferen­cia entre los toques que proceden del don del entendimiento a los que proce­den del don de Sabiduría, y quan grande la ay también entre los que se reciben en las potencias, estando ellas sueltas, o quando en estado de union transforma­da están assistentes a Dios, dentro de la misma substancia del alma en el Parayso interior, de que se ha de tratar muy de pro­posito adelante, porque según la doctri­na de San Dionisio, referida de Santo Thomas, qualquiera de las virtudes y dones infusos (que son como resplando­res criados, que salen de la luz increada y la rodean como vestiduras de su gran­deza) tanto mas iluminativa es, quanto mas cercana está desta Divina luz prima­ria. Y como en este tan lebantado estado reciben las potencias estos afectos de estos dones Divinos tan junto n la fuen­te de la luz, de donde ellos proceden, por los son tan penetrativos y suaves.

CAPITULO XXX. Como entendieron los Santos este modo de tocar Dios a las almas puras para desper­tarlas a su conocimiento y amor, unirlas consigo.

Question ay controvertida entre los Maestros mysticos, escolásticos, sobre el entendimiento destos toques Divinos, con que mueve Dios à las al­mas contemplativas aprovechadas, a su conocimiento y amor. Porque unos quieren que sea con tacto inmediato de Dios en el alma, y otros lo niegan: y assi toca a nuestro intento declararlo. Haze por la parte afirmativa el modo de hablar de la Escritura, y de los San­tos. Porque aquellas palabras del Psal mista que dize: Toca los montes y humea­rán, las entienden la Glossa, y los Santos de la gracia y de los aumentos della: que dá Dios a las almas, y las despierta a su conocimiento y amor. Y en el lugar de los Cantares referido en el capitulo passado dize la Esposa, que al contacto del Esposo Divino se estremeció. Y en San Gregorio, Santo Thomas, San Buena­ventura, y otros Santos hallamos mu­chas vezes este modo de hablar, que toca Dios al alma, moviéndola, y que el alma toca a Dios, conociéndole y amándole. Favorece también esto, que quando se da la gracia al hombre, no se le dá el don de gracia solamente, sino también la mis­ma persona del Espíritu Santo, para que habite en el alma, como en Templo suyo, y en esta habitación parece que ha de aver contacto del Espíritu Santo en la misma alma: pues se la da como dize San­to Thomas, pura que pueda comunicarle y goçarle.

Por la parte negativa haze lo que dize San Dionisio, que no ay tocamien­to de ninguna criatura en Dios, porque assi como no puede ser comprehendido de ningún conocimiento y sabiduría, as si no puede ser abraçado con ningún con­tacto de criatura por estar su inefable ex­celencia colocada con infinita distancia sobre todas las substancias criados. Desta autoridad de San Dionisio se aprove­cha Santo Thomas, y conformándose con él, dize: Dios no es tocado, porque ninguna virtud natural de criatura puede llegar a èl mismo; y assi lo entendió San Dionisio, conviene a saber que no ay tocamiento de Dios en que èl sea tocado. Esto dize el Angélico Doctor; y al mismo proposito haze lo que San Dionisio dize en otra parte: Si alguno mirando a Dios entendiólo que via, no vio al mismo, sino algunas de las cosas que son de Dios, y pueden conocer se, porque el, colocado está sobre el enten­dimiento, y sobre toda substancia; y lo que dize del conocimiento, entiende del contacto.

Estas dos opiniones, al parecer en­contradas, concordo Santo Thomas, diziendo; Según el contacto virtual toca Dios a las criaturas moviendilas, pero él mismo no es tocado. Este contacto virtual declaro el mismo Santo en otra parte con el contacto virtual de los cielos, con el qual tocan a los cuerpos elementares alterándolos, imprimien­do en ellos sus movimientos. Declaro assimismo muy a nuestro proposito la diferencia que ay entre el contacto de quantidad de unas cosas corporales con otras, y el contacto virtual proprio de las substancias espirituales, y que en aquel solo ay contacto superficial, que no se penetran las cosas tocadas, pero en esse se penetran intimamente las mis­mas substancias. Aplicando pues esta doctrina a nuestro proposito, con la au­toridad destos dos grandissimos Teólo­gos, que ajustan en todas las materias la Teología mystica, y Escolástica a la re­gla derecha de la verdad, assi como el Sol por el contacto virtual imprime sus resplandores en las piedras preciosas dentro de las entrañas de la tierra, y la Luna sus mudanças de crecientes y men­guantes en la mar, y en muchos cuer­pos de la tierra, y los mueve con su vir­tud, como con unas riendas a operacio­nes diversas; assi también por este mis­mo contacto mueve Dios a las almas con la influencia de sus dones a sus repa­raciones. Y por esso declarando San­to Thomas a este proposito los efe­ctos, que la gracia por medio de las vir­tudes que salen dolía haza en las poten­cias del alma, la compara al Cavallero, que con las riendas en la mano va governando el caballo.

Con estos Santos concuerda tam­bién el Venerable Hugo de S. Victor en estas palabras: E1 espíritu humano puesto en carne mortal, y constituido dentro de los sentidos, no puede llegar a tocar inmediatamente la naturaleza incomprehensible. Con todo esto, aun­que este contacto de Dios en las almas sea virtual, por medio de sus dones se salva convenientemente el modo de ha­blar de la Escritura, y de los Santos. Por que como dize Santo Thomas, la ilumi­nación de los dones del Espíritu Santo se llama luz inmediata de Dios, respeto de la iluminación que se haze por mi­nisterio de los Angeles. Y assi, como di­riamos que avia uno tocado al Rey, si huviesse tocado sus vestiduras Reales; y como se dize, que el Rey ordena lo que ordenan con su autoridad los Ministros suyos, assi también se dize, que toca Dios al alma, quando la mueve con sus dones criados, y que toca el alma a Dios, quando por el contacto dellos, como de las vestiduras Reales, y resplandores criados, de que está rodeada, como de vestiduras Reales su grandeza, se leban ta a amarle y conocerle.

Esto que nos dize la Teología de­clarada por los dos Principes dalla, nos declara prácticamente la fiel experien­cia de nuestra Madre Santa Teresa, y de su Venerable compañero, la qual tratan­do destos toques Divinos tan penetrativos, con que Dios hiere al alma para ena­morarla mas de si, dize estas palabras: Deshaziendome estoy hermanas por daros y entender esta operación de amor, y no sé como, porque a entender el amado claramente, que esta en el alma, y parece que la llama con una seña tan cierta, que no se puede dudar, y un silvo tan penetrativo para entenderle el alma, que no le puede dexar de oir. Porque no parece sino que en hablando el Esposo, que está en la séptima morada, por esta manera que no es habla formada, toda la gente que está en las otras no se ossan bullir, ni sentidos, ni imagi­nación, ni potencias. En las quales palabras nos declaro, que estos toques Divinos que se perciben en las potencias proce­den de la essencia del alma (que entien­de aqui por séptima morada) donde Dios reside en la criatura racional, y au­mentándose alli la gracia (por la qual recibe el alma nueva facultad de gozar de Dios por conocimiento y amor) re­ciben también aumento la caridad, y los demas dones sobrenaturales, que están en las potencias, como en otra parte vi­mos, por medio de los quales movidas las potencias, percibe el alma los llama­mientos de Dios a nuevo conocimiento y amor.

Assimismo tratando nuestro Vene­rable Padre destos mesmos toques Divi­nos en lo muy subido y delicado dallos, los llama sombras de Dios, que impri­men en el alma su imagen. Y poco antee los avia llamado en el mismo lugar res­plandores de comunicaciones Divinas, recibidos en las potencias espirituales. Pues en dezir que estos resplandores los recibe el alma, como sombras de Dios, que imprimen en ella su imagen, decla­ro, como estos Divinos toques los haze Dios en el alma, no inmediatamente, si­no por medio de dones suyos criados; que como declaro Santo Thomas, son imágenes de Dios, y semejanzas partici­padas del, y la semejança de Dios mis­ma imprimen en el alma. En este senti­do dixo el mismo Doctor Angélico: La Profecía es inspiración, y un cierto to­que, con el qual se dize, que el Espíritu Santo toca el coraçon del Profeta. De manera que a la inspiración, è iluminacion, que el Espíritu Santo hase por medio de sus dones, llama tocar al es­píritu humano. Al mismo proposito habla San Gregorio, quando tratando de la comunicación destos dones rivl nos dize, que por ellos somos toca­dos con el aliento del espíri­tu Divino.





Libro secundo de la entrada del Alma al Parayso Espiritual

CAPITULO I. De los primeros actos de union Divina, que son como prendas del Desposorio Espiri­tual del Alma con Dios.

Prosiguiendo la declaración de los ordenes de la tercera Ierarquia del alma, por donde ella ca­mina a unirse con Dios, avernos llegadoya al orden Supremo, que co­rresponde al de los Serafines, según la proporción y semejanza, que pone San Dionisio entre estas Ierarquias, y las de los Angeles. Y declarando San Buenaventura este grado Seráfico en el alma contemplativa, dise estos palabras: « El orden, o grado noveno, que es el supe­rior de la Suprema Ierarquia del alma, contiene intelectuales extensiones y recibos, resplandores fervorosos, y fervo­res resplandecientes, a cuyos excessos sublimes no se llega tanto por el conoci­miento, quanto por el afecto, que es el que principalmente se une con Dios.

En este orden se ofrecen al Señor castissimas oraciones, con que nos assemejamos a él. Este es el grado que abraça el Esposo, el que percibe la parte de Ma­ria, que no le será quitada. En este grado fue puesta el alma contemplativa, quando dixo en el libro de los Cantares, que la avia introducido el Esposo en la bode­ga de los vinos mysticos, y ordenado en ella la caridad, porque aqui todas las fuerças del alma quedan ordenadas a Dios, y reducidas a su amor. »

Esto dize San Buenaventura deste orden supremo; y como en el grado pasea­do de los Cberubines abundo tanto el alma en el conocimiento, que la puso en ansias tan intensas de llegar a unirse con el amado, y con esto se disponía para la misma union, como dise Santo Tho­mas; assi an este da los Serafines abunda al fuego dal amor, que desta manara los distingua San Dionisio. Paro en esta vi da mas privilegiado es al amor, que el conocimiento, como lo declaro Santo Thomas en estas palabras: La voluntad en su operación no tiene an nosotros la imper­fección que el entendimiento, que no se une con las cosas que entiende, sino por medio de algu­na semejança; pero la voluntad en cierta ma­nera se une con las casas mismas que ama. Y de aquí viene, que aun según el estado desta vi­da amamos a Dios según su essencia, pero no le conocemos desta manera. Esto dise el An­gélico Doctor. Y en este mismo sentido dixo también el Venerable Hugo de S. Víctor que el conocimiento llega hasta el aposento del Esposo, pero el amor passa delante, y entra hasta el Tálamo del mismo Esposo, quedándose a la puer­ta el conocimiento, como menos privi­legiado en estas bodas Celestiales, mien­tras vive en estado de destierro.

A este grado del orden de los Sera­fines llama nuestra Madre Santa Teresa la quarta agua del cielo, cuya experien­cia ilustradissima, y concorde con los Santos, avemos de seguir en estos grados ten lebantados, que se pierden de vista al conocimiento humano. Y en es­ta quarts agua (que se estiende a muchos grados) se celebran los desposorios espi­rituales del alma con Dios, que el mis­mo Señor significo por el Profeta Oseas, quando dixó: Desposarére conmigo en Fè, y experimentaros que soy Dios. Los quales desposorios son tan estrechos, y laços tan favorables de amor y comunicácio, que dixo dallos el Apóstol San Pablo: El que se une a Dios, se haze un mismo es­píritu con él. Porque como esta Divina, è intima comunicación del alma con­templativa con Dios es tan alta, tan es­piritual, tan pura, y tan sencilla, que se lebanta incomparablemente sobre to­do lo que el entendimiento puede alançar; y dar a entender. Y por esto era necessarlo usar de algún exemplo mate­rial y sensible, acomodado a nuestro mo­do de entender grosero, por el qual pudiesse nuestra rudeza conocer algo des­te inefable favor. No parece que se hallo otro mas proprio que el matrimonio corporal, y la union amorosa, que en él interviene para declarar la espiritual a que es lebantada el alma contemplativa ya divinizada con el Hijo de Dios, Sabiduria Eterna.

Siguiendo pues este exemplo de la Escritura y de los Santos, y la doctrina experimental de nuestra gloriosa Ma­dre, y de su llustradissimo compañero, assi como en el matrimonio humano ay otorgamiento y desposorios, y la cele­bración del matrimonio, as si en este ma­trimonio espiritual y Divino ay también todos estos grados. El otorgamiento (dexando los demás grados para sus lu­gares) es quando van a vistas los desposados, y contentos ya el uno del otro, dan el si para los desposorios. Lo qual sucede en este matrimonio espiri­tual, quando el alma contemplativa, purgada ya de todas las aficiones y amo­res peregrinos, sin tener en la parte supe­rior, ni inferior otro amor, ni apetito, sino el de Dios, anda el alma oon ansias inflamadas, y como herida de amor, por que el Esposo Celestial la admita entre sus Esposas, y una consigo su voluntad. Y como en el otorgamiento para el ma­trimonio humano suele aver vistas de las partes que han de contraer, para que se contente la una de la otra, assi tam­bién en el otorgamiento para el matri­monio espiritual, suele Dios hazer algu­na merced y comunicación muy parti­cular al alma, llegándola muy cerca de si con alguno de los primeros actos de union, como nuestra ilustrada Maestra lo dize por estas palabras: En estos desposo­rios todo es espiritual, porque todo es amor con amor y sus operaciones son limpissimas, y tan delicadiasimas y suaves, que no ay como dezirse, mas sabe el Señor darlas a sentir. Pareceme­, que la union aun no llega a desposorio espiritual, sino como acá, quando se han de desposar dos se trata, que el uno al otro se vean, para que mas se satisfagan. Assi aqui, supuesto que ya el alma esta bien informada del bien que desea, y determinada a hazer en todo la voluntad de su esposo, le haze su Ma­gestad esta misericordia, que quiere que lo en­tienda mas, y que como dizen, vengan a vis­tas, y juntar la consigo.

Esto dize nuestra Maestra. Y decla­rando en otra parte estas vistas en los primeros actos de union, las describe desta manera: "Estando assi el alma bus­cando a Dios, siente con un deleyte gran­dis simo y suave, casi desfallecerse toda con una manara da desmayo, que le và faltando al huelgo, y todas las fuerças corporales, de manara que sino es con mucha pena, no puede aun menear las manos ; los ojos se le cierran, sin querer­los cerrar, y si los tiene abiertos, no vé casi nada; ni si lee, acierta a desir letra ni casi atina a conocerla bien: vè ay letra, mas como el entendimiento no ayuda, no sabe leer, aunque quiera; oye, mas no entiende lo que oye. Assi que de los sen­tidos no se aprovecha nada, sino es para no acabar de dexarla a su placer; y assi antes la dañan. Hablar es por demás, que no atina a formar palabra, ni ay fuerça ya que se atinasse para poderla pro­nunciar, porque toda la fuerça exterior se pierde, y se aumentan las del alma, pa­ra mejor poder gozar de su gloria. El deleyte exterior que se siente es gran­de, y muy conocido; y aunque el tiempo fue muy breve, bien se entendían en la so­bra de las mercedes, que ha sido la clari­dad del Sol que ha estado allí grande, pues assi ha derretido al alma."

Desta manera describe nuestra Maes­tra estos principios de union, que son como las vistas, o otorgamiento para el desposorio espiritual. Y parece que le sucedio aquí lo que en el libro de los Cantares refiere de si la Esposa, que en dán­dole el Raposo Divino del vino suavissimo de su celestial comunicación hasta embriagarla, dize que se quedo dormi­da, para que su coraçon velasse. Porque recogido el espíritu dentro de la bode­ga destos vinos en la intima comunicacion de su amado, fue tal la suavidad que allí sintió, que por gozar della se olvido del concurso de los actos exte­riores, dexando como dormido al cuer­po en sus operaciones. Y en aquel breve tiempo que el Esposo acerco assi el al­ma, gozo de tan alta participación de su suavidad, bondad y hermosura, que agradada de nuevo del, dize la misma Santa: Allí no ay dar, ni tomar mas, sino ver el alma por una manera secreta quien as el Esposo, que ha de tomar, porque por los senti­dos y potencias en ninguna manera podrá entender en mil anos, lo que aquí entiende en brevisalmo espacio ; mas como es tal el Raposo, de aquella vista la dexa mas digna de que se vengan a dar las manos, porque queda el alma tan enamorada, que hase de au parte lo que puede, para que no ae desconcierte este Divino desposorio. Todo esto es de nuestra Madre.

CAPITULO II. De algunas calidades desta union Divina, y quan rara es la verdadera disposición para ella.

Esta union divina a que se llega por disposición también Divina del alma ma contemplativa, es un estado muy alto, y a que llegan pocos, aun de los que tratan de perfección. Porque pide des­nudez del alma de todos los hábitos im­perfectos, assi de la parte sensible, como de la espiritual, que la hazian deseme­jarse a Dios, y una reformación como universal de todas las imperfecciones naturales, y que esté ya vestida de la gra­cia, y hábitos sobrenaturales de virtu­des, y dones infusos, que proceden dalla, que hazen al alma semejante a Dios, assi quanto a la essencia, como quanto à las potenoias, según se declaro en otra par­te: y que esta vestidura Divina no sea co­mo quiera, sino en grado muy intenso, que penetren estos hábitos toda el alma, y sa apoderan della. Porque para esta union no basta, que estén ya infundídos en ella, sino están muy arraygados por apartamiento de sus contrarios, co­mo lo significo Santo Thomas en estas palabras: El acto perfecto, qual es el en que nos unimos con el Espíritu Santo, ha de pro­ceder de potencia perfecta con su habito, por­que entonces mas se fortifica la forma en el sugeto del alma, según la mayor radicación en ella, y alcança mayor vitoria sobre el suge­to. Al mismo proposito disse en otra par­te, que para operación tan perfecta de la voluntad, como es aquella en que se une con el Espiritu Santo, ha de estar perfecta con hábito, que la haga seme­jante al mismo Espíritu Santo, de la qual semejança la viste la caridad inten­samente arraygada en ella. Pues quando los hábitos infusos, que introducen en el alma esta semejança Divina, están desta manera arraygados y apoderados da­lla, entonces está dispuesta para unirse con Dios por perfección de amor, y se­mejança con él.

Porque union, según Santo Tho­mas, no es otra cosa, que una junta de cosas diferentes, que convienen en uno, y esta conveniencia haze la semejança. De manera, que para que con propriedad se pueda llamar union, han de con­currir estas dos cosas. La primera, que sean diferentes, porque sino lo fueran, no se llama union la junta dallas, sino unidad. La segunda, que aya en ellas semejança, por razón de la qual se incli­nan las cosas entre si semejantes por cier­to amor natural, y fuerça secreta a unir se una cosa a otra. Porque la semejanza las haze participantes de una misma for­ma, y que se han en ella como una mesma cosa. Y assi esta union de que aquí tratamos es union, no de substancias, si­no de afectos, porque el amor es uno co­mo laço, que junta en uno los afectos de dos cosas diferentes, que concuerdan en una misma calidad, y permaneciendo la union por la semejança de cali­dad, permanece también la diferencia, porque el diamante vestido de luz, y unido con ella, conserva la naturaleza de piedra, y el yerro también la suya, y unido con el fuego. Y assi también el espíritu humano unido al Divino, y participando del como de une misma forma, por amor y semejança, su natura­leza conserva entre las propriedades Di­vinas, de que está vestido, como el yerro de las del fuego.

Quan estrecha sea esta union, lo pon­dero Santo Thomas por estas palabras: nEl amor no es union de las mismas substancias, sino de los afectos; pero con todo esso no es menos estrecha, porque no es cosa nueva, que lo que es menos allegado según la naturaleza, lo sea mas según el afecto, pues vemos, que mu­chas unidas en lo natural, di a cor­dan mucho en el afecto, pero el amor re­duce quanto es possible las cosas a union; y por esso el amor Divino haze que el hombre no viva ya su vida, sino en cier­ta manera vida de Dios, como de si lo dezia el Apóstol. Esto dize Santo Tho­mas del alma desta manera unida, y par­ticipando por razón desta union de las propriedades de Dios.

Estos primeros actos de union son muy breves, y nunca la union actual du­ra mucho tiempo, aunque sus efectos son muy durables. La razón desta brevedad dà Santo Thomas, disiendo: Ninguna operacion puede durar mucho en lo supremo de su esfera, y como lo sumo de lá contempla­ción sea llegar a la uniformidad de la contem­placion Divina, como dise San Dionisio: De aqui viene, que quanto a este acto, no puede durar mucho nuestra contemplacion, aunque puede durar quanto a los demás actos dalla.

Esta uniformidad es si acto de la union con Dios, donde como dixo el Apóstol, el espíritu humano se hase por entonces una misma cosa con el Divino por semejança y amor. La experiencia desto declaro nuestra Madre Santa Teresa resa desta manera: Verdades, que a los prin­cipios passa esta union en tan breve tiempo (a lo menos a mi as si me acaecía) que en estas seña­les exteriores, ni en la falta de los sentidos, no se da tanto a entender, quando passa con brevedad. Y nótese esto, que a mi parecer, por largo que sea el espacio de estar el alma en esta suspensión de todas las potencias, es muy bre­ve, quando estuvlesse media hora es muy mucho. Yo nunca, a mi parecer, estuve tanto. Verdad es, que se puede mal conocer lo que está, pues no se siente; mas digo que de una ves es muy poco espacio, sin tornar alguna potencia en si. Esto dise nuestra Santa. Y este espacio de media hora pone también el Venera­ble Hugo de S. Vict. en que se hase en el cielo del alma el silencio de la union, con enajenación de los sentidos. Y en otra parte declararémos, porqué la union de rapto suele durar mas tiem­po.

Este primer acto de union, y la bre­vedad del, declaro también San Buena­ventura, concordando en todo con nuestra Madre y Maestra, y de quan des­pierto está el espíritu en este dulce sue­no, dize la misma Santa estas palabras: "Estando el alma, aunque no sea en oracion, tocada con alguna palabra, que se acordo, o ovo dezir de Dios, parace que su Magestad desde lo interior del alma haze crecer la centella, que ya dixirnos, y abrasada toda ella, como una Ave Fé­nix, queda renovada, y assi limpia, la jun­ta consigo, sin entenderlo nadie, sino ellos dos, ni la misma alma no lo entien­de de manera que lo pueda después de­zir, aunque no está sin sentido interior. Porque no es como a quien toma un desmayo, o parasisino, que ninguna cosa interior, ni exterior entiende. Lo que yo entiendo en este caso es, que el alma nunca estuvo tan despierta para las co­sas de Dios, ni con tan gran luz y conocimiento de su Magestad. " Todo esto es de nuestra Maestra.

Desta disposición Divina tan rara y dificultosa, que ha de preceder a la union con Dios para tan alto estado, como po­nen con ella al alma contemplativa, se puede conocer la ignorancia de algu­nas personas devotas, que a qualquier sentimiento dulce que en la oración tie­nen, que alguna vez no será mas que un recogimiento sensible, lo califican con nombre de union Divina. Lo qual pon­dero San Lorenço Iustiniano desta ma­nera: Esta union del alma con el Hijo de Dios para ser Esposa suya, no es cosa de mediana gracia, porque raras son las al­mas, que por merecimiento de vida, por privilegio de gracia, por inmensi­dad de amor, puedan llamarse Esposas del Verbo Eterno. Al mismo proposito dize San Buenaventura: Para que dos cosas desemejantes puedan unirse en­tre si, es necessario que se reduzgan a se­mejança. Por lo qual, como de la Sabi­duría increada dizen las Sagradas le­tras; que es blancura de ln luz eterna, y espejo sin mancha de la Magestad de Dios, conviene, para que el espíritu humano se una por verdadera union da amor oon asta blancura de la lus eterna, que primero esté apartada de toda obscuridad de mancha, para que desta manera ; quedando como espejo limpio, y con esto dispuesto para recibir luego los resplandores de la Divina luz, se con­forme, y assemeje desta suerte con la Sa­biduría eterna, para unirse con ella, y se junte la imagen con el original. Y esta disposición bien se echa de ver quan di­ficultosa es una naturaleza procedi­da de la masa de Adan, después que la desordeno por el pecado.

CAPITULO III. De quan mejorada queda el alma con esta Divina union, y de algunos de sus efectos.

Los bienes y riquezas que se siguen al alma desta union Divina son tan grandes, que no se pueden declarar con palabras, ni aun la misma alma puede conocerlas. Porque como de la natura­leza de la union se requiere, según San­to Thomas declara, que aya participacion entre las cosas unidas, y en ella se desnuda el alma en cierta manera de si, para vestirse de Dios, como el diamante de la forma grosera de piedra tosca, pa­ra vestirse de los resplandores del Sol, queda tan hermoseada y enriquecida con las propriedades y perfecciones del Sol Divino, de quien tan felizmente participa, que está como divinizada al mo­do de la vidriera limpia bañada del Sol, y penetrada de sus rayos. Aqui sue toca­da el alma a la Divina piedra iman, que es comunicándole sus calidades (como esta piedra las comunica al hierro) y la dexo tan inclinada a Dios, como a su norte Divino, que ya no le pierda de vis­ta, ni se aparte del su memoria agrade­cida, porque entro en la fragua de la caridad (cuyo efecto es esta Divina union) donde el fuego del amor Divino le pego sus propriedades, con las quales la está lebantando siempre a Dios como a su centro y esfera deste fuego. Porque la caridad en apoderándose del espíri­tu, como se apodera en este estado, no le permite quietarse en cosa alguna fuera de Dios, donde solo ha de hallar descan­so; y el calor deste mismo fuego es el que aparta las cosas, que son desemejantes al espíritu, quales son las tempora­les y corruptibles: y junta a él las seme­jantes, quales son las espirituales y Divi­nas, haziendo una admirable division entre el cuerpo y espíritu, para unirlo con su proprio bien, desnudo ya de los demás bienes, que le son improprios, co­mo Santo Thomas lo vá describiendo a este proposito,

Y aunque esta felicidad es propria del espíritu, también al cuerpo, según su capacidad, se alcança parte, como lo pondero un Autor docto y experimen­tado. Porque vestido el espíritu de tan alta semejança de Dios, califica con su redundancia también al cuerpo, que in­forma, y en cierta manera le espirituali­za, vistiéndole de ciertas propriedades del mismo espíritu, con que olvidado de las proprias, suspenda a lo menos por entonces sus actos. Y assi el espíritu lle­vado de Dios, lleva en pos de si también al cuerpo, y haziendose union del espiritu en Dios, se haze también del cuer­po en el espíritu; porque en esta union se haze el hombre tan semejante a Dios, que dize Santo Thomas, que trasciende la dignidad de hombre terreno, y se haze en cierta manera hombre celestial y Divino, y por la abundancia de la cari­dad, que en ella recibió, es ya su conver­sa cion en los cielos, y conviene con Dios, y con los Angeles, según que se estiende a cosas semejantes que ellos. Y aunque el modo de obrar de Dios en el alma unida con él desta manera, es secretissimo, y que la misma alma lo ignora; pero por la mejoría que en ella queda de aver llegado tan cerca de la fuente de todos los bienes, conoce que fueron gran­des los efectos que en ella hizo en tan breve tiempo.

Desto nos dá noticia nuestra ilustradissima Maestra en muchos lugares de sus libros, en uno de los quales dize assi : "Aora vengamos a lo interior, de que el alma en esta union siente, digalo quien lo sabe, que no se puede entender, quanto mas dezir. Estava yo pensando quando quise escrivir esto, que haria el alma en aquel tiempo, y dixome el Señor es­tas palabras: Deshazese toda hija, para ponerse mas en mi, ya no es la que vive, sino yo. Como no puede comprehender lo que entiende, es no entender enten­diendo. Quien lo huviere probado en­tenderá algo desto, porque no se puede dezir mas claro, por ser tan obscuro lo que alli passa. Solo podre dezir, que se representa estar junto con Dios, y queda da una certidumbre, que de ninguna ma­nera puede dexar de creerlo. Aqui fal­tan todas las potencias, y se suspenden de fuerte, que en ninguna manera se en­tiende que obran: a la mariposilla im­portuna de la memoria se le queman aqui las alas, y no puede mas bullir. La voluntad debe de estar bien ocupada en amar, mas no entiende como ama: el en­tendimiento no se entiende como en­tiende, alómenos no puede comprehender nada de lo que entiende.

Queda el alma desta union con grandissima ternura, de manera, que se queria deshaber, no de pena, sino de unas lagrimas gozosas: hallase bañada dellas sin sentirlo, ni saber como, ni quando las lloro, mas dale gran deleyte ver aplacado aquel impetu del fuego con agua, que le haze mas crecer, queda el alma tan animosa, que si en aquel punto la hizieran pedaços por Dios, le seria gran consuelo: alli son las promesas, y determinaciones heroicas, la viveza de los deseos, el començar a aborrecer el mun­do, el ver vlara su vanidad, esta muy mas aprovachada y altamente, que en las oraciones pasadas, y la humildad mas crecida, porque vé claro, que para aque­lla grandiosa y excessive merced, no huvo diligencia suya, ni fue parte para traerla, ni para tenerla. Vé clara su in­dignidad y miseria, porque empieça donde entra mucho Sol, no ay telaraña escondida. Va tan fuera la vanagloria, que no me parece la podría tener, por­que ve ya por vista de ojos lo poco o na­da que puede: Su vida passada se le representa, y la gran misericordia de Dios con gran verdad, y sin aver menester el entendimiento andar a caça, que alli vé guisado lo que ha de comer y entender: vé que merece el infierno, y que le casti gan con gloria, y deshazese en alabanças de Dios."

Todas estas son palabras de la Santa Madre, y entre las demas son muy no­tables aquellas que nuestro Señor la dixo: Que se deshazia el alma para ponerse mas en Dios. Porque aqui, como a este proposito declara Santo Thomas, se enternece la voluntad, y se le quita la du­reza, para que corra azia Dios, y salien­do de sus términos se transforme en èl, y por esto se llama este amor liquido, la qual ternura encarece aqui nuestra San­ta. Y en lo que dize que faltan aqui las potencias, no se ha de entender que que­dan ociosas, y sin ejercicios de sus proprios actos, sino que quedan tan eleva­das en Dios en comunicación infusa so­bre su modo humano, que de ninguna manera atienden a cosa de las que entran por los sentidos. Y assi, como declara Hugo de S. Victore, la parte inferior del alma queda como huérfana del concur­so de la superior, que está lebantada a comunicación de gloria. Y esto mismo sucede en todas las grandes comunica­ciones Divinas, en que el alma padece excesso y enagenacion de sentidos, por­que entonces queda del todo abstrahida el alma de todo su conocimiento natu­ral, para contemplar mejor las sobrena­turales. Y si el entendimiento no está ocupado desta manera a lo sobrenatu­ral, no sera elevación de espíritu, sino embobamiento, porque aunque por es­tar entonces tan cerca de la luz inaccessible, queda deslumbrado con la inmen­sidad de la luz, como dize San Grego­rio, para ver cosa en particular, pero vó esta inmensidad incomprehensible de luz, que le lebanta a un altissimo cono­cimiento de Dios, en el qual dize este Santo. Vé que no puede ver aquello, que ardientemente ama, pero no le ama­rla desta manera, si de alguna suerte no le viere. Y por esto dize aqui nuestra Santa, que entiende sin entender; y este dize San Dionisio, que es el perfecto co­nocimiento de Dios en esta vida, pues as conocerle sobre lo que puede alcançar el entendimiento. Assimismo lo que di­ze aqui nuestra Santa, que a la mariposa inquieta de la memoria se le queman en esta elevación las alas, se ha de entender de la memoria sensitiva, o imaginación, que también entonces se quieta con to­da la parte inferior, porque en estos le bantamientos tan favorecidos de espíri­tu, dize Hugo de S. Victor, que la parte inferior del alma se compone en suma paz y tranquilidad, y la superior en glo­ria y gozo; y con esta parte superior vá la memoria intelectiva, y siempre que el entendimiento se quieta, se quieta también ella.

CAPITULO IV. De una union de nuestra voluntad con la de Dios, a que pueden llegar activos y contemplativos.

Para consuelo y aprovechamiento de las almas, que despues de averse dispuesto, como dizen los Santos, para recibir estas mercedes y dulces senti­mientos de Dios a lo sobrenatural, con deseo de unirse con él, no se las comuni­ca su Magestad, pone nuestra Santa una union muy provechosa y muy merito­ria, que todos pueden procurar, assi los que se exercitan en la vida activa, como los que caminan a Dios por la contem­plativa, la qual refiere desta manera:

"La verdadera union se puede muy bien alcançar con el favor de nuestro Señor, si nos esforçamos a procurarla, con no tener voluntad, sino atada con la de Dios. Y quando huvieremos alcançado esta merced del Señor, ninguna se os dé de essotra union regalada, que lo que ay de mayor precio en ella, es proceder de esta, que aora digo. O que union esta para desearla; venturosa el alma que la ha alcançado, que vivirá en esta vida con descanso. Pues para esta manera de union no es menester lo que queda dicho de suspension de potencias; que poderoso es el Señor para enriquecer las almas por muchos caminos, y llegarlas a las postreras moradas; y no por el atajo que queda dicho. Mas advertid mucho hi­jas que es necessario que muera el gusa­no del hombre viejo, y mas a vuestra cos­ta; porque en la union que queda dicha, ayuda mucho para morir el verse en vi­da nueva. Acá es menester, que vivien­do en esta le matemos nosotros. Yo consiesso que será a mucho trabajo, mas su precio se tiene, y assi será mayor el galar­dón, si salis con vitoria. Mas de ser possi­ble no ay quedudar, como lo sea el unir­se verdaderamente con la voluntad de Dios. Esta es la union que toda mi vida he deseado, esta la que pido siempre a nuestro Señor, y la que está mas clara y segura."

Esto dize nuestra Santa, no para con solar a los floxos en la floxedad y tibieça con que caminan a Dios por los exercicios espirituales, sino por animar en los suyos a los cuidadosos. Porque una de las cosas en que mas resplandece la Divina Sabiduria en las almas que desean servirle y agradarle por la vida espiri­tual, es el modo de guiarlas y governarlas por tan diferentes caminos, y a cada una por el que mas le conviene para su salvación y perfección, aunque nosotros no lo entendamos, porque a unas lleva por suavidad, a otras por amargura: a unas por lo baxo, a otras por lo alto: a unas probandolas, a otras regalándolas: a unas por mercedes conocidas, a otras por aprovechamientos encubiertos. Y todo esto tiene particular razón y con­veniencia en la profundidad de la Sabi­duria Divina. Y aunque aya tan diferen­tes modos en esta dirección de Dios en las almas virtuosas, como en particular los va describiendo San Gregorio, en una cosa dize que ay siempre firmeza invariable, conviene a saber, que al ma­yor cuidado y trabajo, que las almas po­nen en servir y agradar a Dios en el ca­mino en que su Magestad las pone, se si­gue mayor premio y aumento de perfeccion. Y que esta union que aqui dize nuestra Maestra de nuestra voluntad con la de Dios, sea excelentissima y muy pa­ra deseada, no ay que dudar, y con ella se podría el contemplativo dar por con­tento, aunque le faltasse la de amor sua­ve y transformativo, porque como dize Santo Thomas, la virtud y rectitud de la voluntad humana en esto consiste, prin­cipalmente en que se conforme con la voluntad de Dios, y siga en todo su im­perio y ordenación; y quanto mas se lle­gare a esta rectitud, tanto mas se vá llegando a su perfección, y tanto mas se une con Dios, a la qual union, como a su fin se ordena toda la vida espiritual. Pero para que la voluntad del hombre se una a la de Dios, y siga en su operación el imperio de la voluntad Divina, es necessario que esté perficionada con algún habito, que sea principio desta operación perfecta, porque el acto se proporciona con la potencia operativa, como el efe­cto con su causa propria. Por lo qual dixo tanto Thomas a nuestro proposito, como en otra parte vimos, que no se pue­de dar que aya operación perfecta de la voluntad, con la qual se una al Espíritu Santo, sino ay en ella algún habito infu­so, que la perficione y haga semejante al mismo Espíritu Santo.

Segun lo qual, para que nuestra vo­luntad se una y ajuste a la de Dios, y siga siempre su imperio, es necessario que esté en la voluntad el habito de la cari­dad, no solo infundido, sino perfectamen­te arraygado, la qual es semejança del Espíritu Santo, y una forma y regla Di­vina, par cuyo medio obre siempre a lo Divino; y quanto esta Divina forma ya infusa en el alma con la gracia se fuere arraigando en la voluntad, y el sugeto de la misma voluntad, participando mas perfectamente de su forma (que en esto consiste la intensión y aumento des­tos hábitos) tanto irá obrando mas per­fectamente, y ajustándose mas a la vo­luntad de Dios; y mientras la voluntad no estuviere desta manera perfecta cor forma sobrenatural, aunque alguna vez por particular auxilio de la gracia obre perfectamente, pero de ordinario, y por el camino ordinario obrará imperfecta­mente. Pongamos un exemplo desto, con que se entiende mejor: quando nuestras potencias no están perfectas con sus há­bitos infusos de virtudes, aunque haga­mos buenas obras, van mezcladas con fines imperfectos, o de nuestro interés, o de otros respectos humanos. Y como las potencias se van perficionando mas con estos hábitos de las virtudes, se van perficionando también en sus actos, de manera, que ya nonos mueven tanto los fines y respetos segundos, sino el fin prin­cipal, que es Dios. Y quando las poten­cias están ya del todo perfectas por estos hábitos intensamente arraygados en ellas, ya entonces no miran en sus obras mas que un solo fin, que es Dios ; y un acto exercltado desta manera, vale mas que ciento de essotros imperfectos. Y lo que se verifica en este caso: sucede tam­bién en las demas operaciones de la vo­luntad, y de las otras potencias.

Aplicando, pues esta doctrina à nues­tro proposito, si para que la voluntad se ajuste, y una perfectamente à la de Dios por esto camino, que dize nuestra Maestra, es necessario, que esté la virtud de la caridad intensamente arraygada en ella; y assi la intensión y aumento della, como la nueva infusion, no pende de nuestros actos movidos de la virtud na­tural, sino de la operación Divina en no­sotros, parece que tam poco podemos ser parte para esta union, que aqui nuestra Santa nos persuade, como para la otra mas rara de transformación gozosa.

Con todo esso con mucha razón nos la encarga y facilita en las palabras poco ha referidas. La verdadera union se puede mui bien alcançar con el favor de N. S. si nos esforçamos a procurarla con tener la voluntad atada a la de Dios, porque con la gracia ordinaria (que vá llevando al hombre de la vida imperfe­cta a la perfecta) podemos procurar esta union, y los aumentos de la caridad, con que ella se perficiona, y esto por muchos caminos: y el principal es el que aqui to­co nuestra Santa de atar nuestra volun­tad con la de Dios, que es ajustándose a la voluntad Divina por medio de las obras de la obediencia, y exercitandose continuamente en cumplir los manda­mientos y ordenaciones de Dios, y de los que están en su lugar. Y en qualquier parte que se nos manifestare la volun­tad Divina, obedecerla y tenor la volundad Divina, obedecerla y tener la propria prompta para esto: porque como en otra parte vimos, esta promptitud es la devoción substantial, y la que de nuestra parte sirve a los aumentos de la caridad

Por lo qual San Dionisio entre los medios con que la caridad se va aumentando en nosotros, y con ella la union de nuestra voluntad con la de Dios, pu­so por el principal esta obediencia fiel al cumplimiento de sus mandamientos, y ordenaciones: Y el camino mas breve para llegar a unirnos con él por amor y semejança, en que consiste nuestra per­fección, y que por solo este medio, y no por otro, avemos de alcançarla; y pruébalo con aquellas palabras del Salvador: Si alguno me ama, guardará mi palabra, y mi Padre le amará, y vendrémos à él, y harémos en él nuestra morada. Y quanto estos actos de obediencia se hizieren con mayor esfuerço y aliento de la voluntad, tanto mas se alimentará con ellos la caridad, como en otra parte vi­mos. Ycomo el buen uso de los auxilios comunes es disposición para recibir los particulares, porque como dixo San Agustín, la caridad començada merece ser aumentada, y lo trae a este proposi­to Santo Thomas. Con esta cuidadosa obediencia ordinaria mereceré, sumentos extraordinarios de las virtudes y dones infusos.

CAPITULO V. De las joyas Divinas con que en el estado de union hermosea Dios al alma para los desposorios espirituales.

Tratando Santo Thomas del grado de amor inmediato al de la union Divina, dize que se ha Dios en él con el alma, que vá disponiendo para su Espo­sa muy amorosamente, acabados ya los rigores de las purgaciones penosas, y lo declara con el exemplo del Patriarca Ioseph, quando en Egipto, después de todas aquellas muestras de rigor y eno­jo que tuvo con sus hermanos, se les des­cubrió amorosamente, y los abraço, y junto consigo. Con lo qual perdiendo ellos el temor y aprehensiones tristes con que estavan como temblando del, se atrevieron a hablarle y allegarse a él, a lo qual no se avian atrevido antes. Y otro tanto dize que le sucede al alma en este estado, con que resucita su alegria y confiança, que antes estava como muerta entre los temores y aprehensiones peno­sas de la noche purgativa. Los quales favores y regalos son mucho mayores en el tiempo que ay desde los primeros actos de union, donde huve las prime­ras vistas, hasta que los desposorios se celebran. Porque assi como acá en los desposorios corporales dá el desposado joyas a su Esposa, y la muestra afición de mil maneras, assi también favorece este Esposo Divino a las almas puras, que con tan particular providencia han llegado a este estado dichoso.

Deste mismo tiempo dize la expe­riencia ilustrada de nuestro Venerable Padre Fr. Juán de la Cruz: En este estado de desposorio del alma con el Verbo Divino le haze el Esposo grandes mercedes, y la visita muchas vezes amorosissimamente, en que ella recibe grandes favores y deleytes. Fue esto fi­gurado en aquellas doncellas recogidas para Esposas del Rey Assuero; que aunque las avian ya sacado de sus tierras, y de las casas de sus padres, las tenían encerradas en Palacio por algún tiempo, disponiéndolas con ciertos un­güentos y especies aromáticas para entrar en el aposento del Rey. Siguiendo pues a este exemplo de nuestro Maestro tan experi­mentado en estas elevaciones de espíri­tu favorables con otras uniones mas preciosas hermosea el Esposo Divino al al­ma que ha de entrar en el puriasimo Tá­lamo, reduciéndola a una muy alta se­mejanza suya, como vistiéndola de su riquissima librea, con los medios que nos declaro Santo Thomas en otra parte, cenviene a saber, divinizando con nuevos resplandores de su gracia la essencia del alma, porque la naturaleza humana tenga en grado favorable semejanza con la Divina, enriqueciendo las potencias proporcionablemente con las virtudes y dones, que proceden de la mesma gra­cia, para que toda el alma quede renova­da a lo Divino, y parecida a su Esposo.

Y como acá en los desposorios hu­manos suele el Esposo entre las demás joyas embiar a su Esposa un retrato su­yo, que la sirva de alimentarle el amor, y renovarla su memoria; assi también el Esposo Divino favorece en este tiempo a la Esposa, para lebanterla a una contem­plación muy alta de semejanzas intele­ctuales muy lebantadas de sus Divinas perfecciones, a las quales llama S. Dio­nisio por excelencia Vision Divina, ca­da una de las quales es como un retrato, que la Divina Sabiduría imprimió en el entendimiento de la hermosura y exce­lencia deste Divino Esposo; y como di­se este Santo, tiene particular fuerça pa­ra reducir a Dios el alma a quien se communica, y dexar en ella nueva perfec­ción y santidad. Pues con estos, y otros semejantes favores y dones Divinos vá en este tiempo el Esposo celestial her­moseando y enriqueciendo el alma en este estado, y enamorándole, mas para la engrandecida dignidad a que ha de ser lebantada.

Destas joyas Divinas hizo el Profeta Isaias mencion, hablando en la persona de la misma Esposa, quando dixo: Gozareme en el Señor, y alegrarse ha mi alma en mi Dios, porque me vistió con ropas de salud, y me rodeo con vestidura de justicia, como a Esposa hermoseada con corona, y como a Esposa ador­nada con sus joyas. En lo qual significo la hermosura de la gracia, y virtudes infu­sas, y alegría, y gozo que se sigue al alma desta manera hermoseada en el exercicio de los actos de sus potencias, lebantadas a Dios por la perfección de sus hábi­tos, en lo qual se hallan, no solo mejora­das las unciones de las donzellas del

Rey Assuero, mas también su recogimien­to. Porque con esta elevación de poten­cias, y con estos retratos Divinos, que le comunican al alma en este tiempo, para reducirla mas a Dios, anda tan recogida interiormente, que se le pega poco del polvo de las cosas exteriores: porque co­mo dise a este proposito San Buenaven­tura, el entendimiento esta como anega­do en el conocimiento que le dan de la suma verdad, la voluntad en el amor de la suma bondad, y la memoria en la pos­session de la suma felicidad, que es Dios, según se puede tener en esta vida. Y en estas joyas Divinas se avantaja el alma con riqueza nueva de las potencias, quando se aumenta la gracia en la essencia, y mas intensamente la penetra.

Y para que este recogimiento del alma enamorada sea mayor, la pone al­gunas vezes el Esposo Divino en aque­lla gran soledad, que nos declaro en otra parte la experiencia de nuestro Venera­ble Padre, retirando las potencias ázia las puertas escondidas del Parayso Espi­ritual, donde Dios mora en el alma, y alli quedan alejadissimas, y remotissimas de toda criatura, y en una profunda y anchiasima soledad, como un inmenso desierto, que por ninguna parte tieno fin, tanto mas deleyboso y sabroso, quanto mas profundo y solo, gozando con fe­licidad de las dulces venas de la ciencia del amor. Desta manera describe nuestro Maestro esta soledad deleytosa, en que pone el Esposo Celestial al alma en este estado para mas perficionarla y enamo­rarla de si. Porque como dize a este pro­posito el Venerable Hugo de S. Victore, por la contemplación intima se trans­forma el alma en la imagen de Dios, se­gún dixo el Apóstol. Y quanto mas se estiende a lo que es eterno, tanto mas se forma en ella la imagen de Dios, como mas cercana a su original, de quien con mayor intensión participan sus actos, como Santo Thomas declara.

Estas dulces venas de la ciencia de amor, que la experiencia de nuestro Ve­nerable Padre dize, que recrean al alma contemplativa en esta deleytosa sole­dad, declaran los Maestros espirituales, muy experimentados, comparándola a tres arroyos, que salen de la fuente del Espíritu Santo a fertilizar, y a enrique­cer las tres potencias del alma. El primero dizen que corro por la memoria, vis­tiéndola de lina serenidad y claridad es­piritual, sencilla, uniforma alegre, y quieta, al modo del ayre, quando esta se­reno y sossegado de todos los vientos, puro de todos los nublados, y claro con los rayos del Sol. Con lo qual queda la memoria quieta en si misma, clara y se­rena en la vista y possession de las cosas Divinas, y pura de todas figuras y espe­cies peregrinas. Porque con la influen­cia deste arroyo Divino es lebantada so­bre todas las semejanças sensibles y dis­tintas, que podían impedirla, y queda firme y estable en unidad de espíritu, go­zando de la paz, que sobrepuja todo sentido.

El segundo arroyo de la Puente Di­vina, dizen estos Autores, que corre por el entendimiento, vistiéndole de una claridad espiritual, y de una inteligen­cia muy ilustrada, que se infunde en él para poder penetrar las cosas espiritua­les, y hazer acertado juyzio dellas, y lebantado concepto de las perfecciones Divinas. Esta hermosissima luz no solo ilustra el entendimiento, pero también pone la capacidad interior abierta, y muy atenta a Dios, para recibir sus ilus­traciones, y prompto para la execucion dellas, y con esto es lebantado muchas vezes a conocimiento muy ilustrado de las Divinas perfecciones.

El tercer arroyo dizen que corre por por la voluntad y fuerça amativa, pene­trándola con una infusion de fuego espi­ritual y amor tranquillo, callado, y muy puro, que lleva las fuerças superiores ázia su origen. Desta manera declaran estos Autores estas joyas Divinas, con que en este estado adorna Dios al alma que va hermoseando para su Esposa.

CAPITULO VI. De la fragua intensa de los Serafines, donde acendran mas el amor del alma contem­plativa para los Divinos des­posorios.

Quando Dios ordeno, que huvíesse en la tierra una Congregación de Angeles humanados, que en vida y exercicios imitassen a los del cielo, hizo en la Religión de Elias una Escuela de con­templación Divina, donde como en una oficina celestial se labrassen tan innume­rable multitud de piedras preciosas pa­ra hermosear la Ierusalem Triunfante, como huvo en ella de Santos Doctores de la Iglesia, por todas las Provincias Orientales donde estuvo estendida. Y assi la llamavan los Apostóles de Christo, como refiere San Dionisio, orden de contemplativos, inseparablemente uni­dos a Dios con cadenas de amor. Que­riendo pues su Magestad, después de tan­tos siglos, renovar en el nuestro la hermo­sura primaria del Carmelo antiguo, fa­brico en esta mesma oficina dos colunas fortissimas y hermosissimas de vida con­templativa, para asientar en ellas el nue­vo edificio Angélico, que fueron nues­tra Madre Santa Teresa, y su Venerable compañero Fray luán de la Cruz; y co­mo a Maestros escogidos desta Sabidu­ría escondida (que enseña a esclarar el cielo en vida mortal, para participar en la tierra de las riquezas eternas, que en él abundan) los ilustro con tan iluminosos resplandores della, que paseando por todos los grados de la escala, quedassen a modo de Angeles superiores, Ilumina­dos de esciencia, y experiencia, para iluminar a sus hijos, y guiarlos con seguri­dad y acierto por estos grados. Para lo qual los comunico su Magestad tan abun­dantes riquezas mysticas, mezcladas con grandes favores suyos, que dio con ellas nueva luz practica a su Iglesia del amor que tiene a las almas puras, y del camino espiritual de sendas secretas, por donde las và lebantando a la perfec­ción Christiana, hasta unirlas consigo. Y assien estos grados místicos tan raros de comunicación Divina, avemos de lle­var siempre a la vista las experiencias ilustradas de nuestros dos Maestros, para declarar con ellas la doctrina mystica, y Escolástica, que destos grados nos dexa ron los Santos grandes contemplativos, porque entrambos en sus libros declara­ron lo que la Sabiduría Divina avia es­crito primero en sus espíritus, como en tablas animadas, como se vé en los li­bros de nuestra S. Madre, y en los que se hallan de nuestro Venerable Padre escritos a las personas que le avian importunado que escriviesse los suyos.

Continuando pues la noticia pra­ctica, que nuestros dos Maestros nos dan de los medios favorables por donde la Sabiduría Divina và disponiendo, y co­mo divinizando las almas contemplati­vas para unirlas consigo en desposorio espiritual, que en la tierra son raras, nos declaran como por ultima disposición para tan sublime forma, las meten en la fragua acendrada de los Serafines, para que alia se apure el oro del espíritu, a modo de Ierarquia superior con una pro­porción muy lebantada con la blancura de la luz eterna, con quien en grado eminente ha de ser unido. Para lo qual se ha de advertir lo que dize S. Thomas destas elevaciones sobrenaturales, pro­cedidas de la Ierarquia superior, que co­mo no se llama propriamente ilumina­ción del orden de Cherubines, sino la que es tan copiosa y sobrenatural, que cause excesso de espíritu, assi tampoco se llama fuego de amor de Serafines, sÍ no el que causa excesso de amor desta mystica esfera, y tales el que precede a estos Divinos desposorios.

Para lo qual nos debemos acordar de lo que se toco en la otra parte de la doctrina de San Dionisio, que por muy purgados y acendrados que estén los es­píritus, si han de ser lebantados a nueva semejança de Dios, han de ser do nuevo purificados tanto mas apretadamente, quanto este grado de semejança Divina ha de ser mas alto. Para lo qual, assi co­mo antes de los primeros actos de unió, que son como vistas de los desposados para las bodas venideras, disponen al alma con las ansias del amor hambrien­to, de que ya tratamos: assi para la union mas intima, en que se celebran los despo­sorios espirituales, la disponen con otras ansias mas subidas de herida y enferme­dad de amor, con que la llagan en la fra­gua de los Serafines. De la qual dize el Venerable Ricardo de S. Victore: Por ventura no parece que hieren al coraçon, quando la saeta aguda deste amor penetra hasta lo mas interior del espíri­tu del hombre, y traspassa de tal manera el afecto, que apenas puede encubrir la llama de su deseo, ni dissimular sus efe­ctos. Arde el deseo, hierve el afecto y está siempre aspirando, y echando lla­maradas, gime y suspira profundamen­te. Los quales gemidos y suspiros son se­ñales de alma llagada.

Desta doctrina de Ricardo nos da­rán fiel noticia experimental nuestros dos Serafines terrenos, que ardieron en esta fragua, y fueron heridos destas saetas de amor violento, que assi le llaman los Autores mysticos. Del qual dize nuestro Venerable Fray Juán de la Cruz estas palabras: "Pero otra manera de cauterizar al alma suele aver tam­bién muy subida, y es desta fuerte: Acaecera, que estando el alma inflamada en este amor, sienta embestir en ella un Serafín con una llama, a manera de dar­do enarbolado de amor encendidissimo, y traspassando al alma cauterizarla súbi­tamente, y entonces en este cauterio y penetración apresurarse la llama del fuego, que en el alma ardia, y sube de punto con vehemencia, al modo que un horno encendido, quando movimiendo el fuego, se aviva mas, y lebanta mayor lla­ma, y entonces siente el alma esta, llaga en deleyte sobre todo encarecimiento. Porque demas de ser removida con la mocion impetuosa de su fuego (en que es grande el ardor y derretimiento de amor, la herida fina, y eficaz la yerva, con que vivamente iba templado el hier­ro) siente la substancia del espíritu traspassada, y de aquel punto de la herida, donde está la eficacia de la yerva, difun­dirse el ardor sutilmente por todas las venas del alma, según su potencia y fuerça, y siente crecer, esforçarse, y afirmarse tanto el amor, que parece en ella mares de fuego, que llegan a lo alto y baxo de todos sus senos, llemandolo todo de amor. Pocas almas llegan a esto, mas al­gunas han llegado, mayormente las de aquellos, cuya virtud y espíritu se aula de difundir en la succession de sus hijos, dando Dios la virtud y el valor a la çabeça, según avia de ser la sucession de la casa en las primicias del espíritu.

Bolviendo pues a la obra, que aquel Serafín haze, alguna vez se da licencia para que salga algún efecto desta herida interior afuera al sentido corporal, y al modo que dentro fue herida el alma. Se muestra en lo de afuera la herida y lla­ga, como acaeció quando el Serafin lla­go San Francisco, que llagándole de amor en el alma, en aquella manera sa­lió el efecto de las llagas de afuera; por­que Dios ninguna merced haze al cuer­po, que principalmente no la haga pri­mero en el alma; y entonces, quanto ma­yor es el deleyte, y fuerqa de amor, que causa la llaga de dentro, tanto mayor es el dolor de la llaga de afuera; y crecien­do lo uno, crece lo otro; porque lo que es dulce al espíritu fuerte y sano, causa dolor y tormento a la carne flaca y cor­ruptible, Y quando el llagar es en el al­ma, sin que se comunique al cuerpo, pue­de ser mucho mas intenso y mas subido el efecto, como quiera que la carne sea para los bienes freno del espíritu, y le detiene su buelo."

Desta manera nos significa nuestro Serafín humano la llaga que haze la in­fluencia del Serafín Celestial en las al­mas tan altamente ilustradas, y según las nuevas, que como experimentado nos da desta herida, parece que vemos re­presentada su eficacissima virtud en la eficacia natural, que tiene la uña del ala­cran, que por ligeramente que pique con ella, aunque sea metido en el dedo del pie, comunica luego a todo el cuerpo un calor ponçonoso tan eficaz, que le parece al picado, que está ardiendo en llamas de fuego, que es cosa que admi­ra, que de una picadura menos que de una una punta de alfiler, pueda comunicar tan violento efecto a todo el cuerpo. Y otro efecto semejante, según esta ilustra­da experiencia haze a lo espiritual es­ta herida del amor de los Serafines en el alma, que siendo tocada como con una saeta de fuego de la primera Ierar quia, la voluntad, que es el coraçon espi­ritual, se estiende en un punto por to­dos los senos del alma este fuego Ce­lestial, y la dexa abrasada en él.

Destos efectos nos da también lar­ga noticia la experiencia de nuestra Ma­dre Santa Teresa en diversos lugares de sus libros, en uno de los quales, después de vaer referido los efectos que hazia en su alma este fuego Celestial, dize, como le descubrió el Señor quien se le pegava. Y a este proposito dize estas pala­bras: "Quiso el Señor, que viesse aqui algunas vezes esta vision. Vela un An­gel cabe mi ázia el lado izquierdo en forma corporal, lo qual no suelo ver por maravilla aunque muchas vezes se me representan Angeles sin verlos, si­no como la vision intelectual passada: en esta vision quiso el Señor le viesse assi, no era grande, sino pequeño, hermo­so mucho: el rostro tan encendido, que pareeia de los Angeles mui subidos, que parece todos se abrasan; deben ser los que llaman Serafines, que los nombres no me los dizen, mas veo que en el cie­lo ay tanta diferencia de unos Angeles a otros, y de otros a otros, que no la sabria dezir. Veiale en las menos un dar­do de oro largo, y al fin de hierro me parecia tener un poco de fuego. Este me parecia meter por el coraçon algunas vezes y me llegava a las entrañas; al sa­carle me parecia las llevava consigo, y me dexava toda abrasada en amor gran­de de Dios. Era tan grande el dolor, que me hazia dar aquellos quexidos, y tan excessiva la suavidad, que me pone este grandissimo dolor, que no ay desear que se quite, ni se contenta el alma con me­nos que Dios. No es dolor corporal, si­no espiritual, aunque no dexa de parti­cipar el cuerpo algo, y aun harto. Es un requiebro tan suave, que passa entre el alma y Dios, que suplico yo a su bondad lo dé a gustar a quien piensa que mien­to.

Los días que durava esto andava embobada, no quisiera ver, ni hablar, si­no abraqarme con mi pena, que para mi era mayor gloria, que quantas ay en lo criado." Todo esto es de nuestra San­ta: y en el capitulo siguiente dirémos algo de la nobleza deste amor, a que aqui la lebantaron.

CAPITULO VII. De la nobleza deste fuego, en que cauterizan al alma los Serafines, y quan inclinada la dexan a Dios en el olvido de si mesma.

Como para mas excelente forma ha de aver mas noble disposición, y el deseo haze al que desea, apto, y dispues­to para recibir el bien deseado, assi con las ansias de amor hambrientas, procedi­das de la influencia de los Serafines, que San Dionisio llamo amor agudo, dispu­sieron el alma contemplativa, como ya se toco, para los primeros actos de unió, que son como vistas de los desposados, para otorgamiento de las bodas espiri­tuales: assi aora con las ansias de amor llagado, y como impaciente, procedi­das de la influencia de los mismos Sera­fines, que el mismo Santo llamo amor superferuido, que es grado superior al passado, la dispone para otra union mas elevada, donde se han de celebrar los desposorios que allí se concertaron. La naturaleza y eficacia deste amor declara el Venerable Hugo de S. Victore sobre este lugar, diziendo, que assi como el agua puesta a la lumbre, si es penetrada de un calor muy intenso, lebanta herbor, y dexando el peso de su naturaleza, aspira a lebantarse azia la esfera del fuego saliendo de si, y de su propria forma para caminar al centro del fuego de que está informada, assi también quando em­biste al alma el calor intenso deste grado superior de amor, tan eficazmente la haze arder en amor de Dios, que no solo la desnuda de todo el amor de las criaturas, que es efecto proprio del amor agudo, mas también la desnuda en cierta manera de si misma, con que se ama para caminar a lo que fuera de si ama, que es Dios, el qual es efecto proprio deste grado de amor superfervido: lo qual, como pondera este Autor, no lo puede hazer sino un amor muy intenso y singulariasimo. En lo qual sucede por modo maravilloso, que lebantandose el alma sobre si con la fuerça deste amor, para unirse con lo que ama, por la mis­ma fuerça de amor es compelida a salir también de si.

Y por esto en este grado de amor su­ceden los raptos, éxtasis, y excessos gran­des de espíritu, como lo significo nues­tra Santa, tratando destas mismas ansias, donde dizeí Esto tenia algunas vezes, quando quiso el Señor que me viníessen estos arro­bamientos, tan grandes, que aun estando entre gentes no los podia sufrir. Para estos exces­sos de espíritu ayuda esta influencia de los Serafines por dos caminos, que toco Santo Thomas. El vino lebantando el es­píritu con fervor muy intenso. Y el otro, purgándole, y sutilizandole de todo lo que le podia hazer peso ázia la tierra, y ázia si mismo. Y assi dize Hugo en la de­claración deste lugar de S. Dionisio, que assi como el agua que hierve, aunque no vemos la violencia del incendio, y calor que la lebanta, lo conocemos por el efe­cto que se vé, assi también estos excessos de espíritu por el conocimiento y hue­lo como violento, podemos conocer la virtud robusta, y fuerte violencia secre­ta del amor, que assi haze que salga el espíritu de si, para volar a lo que ama.

Y aunque no carece de dificultad lo que dizen nuestros Santos, que el An­gel de quien reciben estas heridas de amor, era del orden de los Serafines, pues como dize San Dionisio, y esfuerça San­to Thomas, los Angeles de la primera Ierarquia, que contiene las tres orde­nes, no son Administratores, sino As­sistantes, conviene a saber, que ellos re­ciben de Dios inmediatamente, como assistentes siempre a su grandeza, las ilu­minaciones, y las comunican a los infe­riores, para que ellos los executen, se quita esta dificultad con lo que en otra parte dizen los mismos Santos, que el atribuir la Escritura Sagrada a los Ange­les la Ierarquia superior, que exercitan sus operaciones en nosotros, no es por­que ellos salgan a exercitarlos de la con­tinua assistencia que hazen a Dios, sino porque los Angeles de la Ierarquia in­ferior, como subdelegados, hazen este oficio, exercitando en nosotros la vir­tud, que de los Superiores recibieron inmediatamente de Dios; y desta mane­ra entienden estos Santos el lugar del Profeta Isaias, donde dize, que un Sera­fín le purifico los labios, y lo mismo en­tendemos que sucedio en nuestro caso.

Pero aora sea por los unos, adra por los otros, el efecto procedía de Dios, porque como prueba Santo Thomas, la gracia y virtud que pertenece al efecto destas iluminaciones, la reciben todos inmediatamente de Dios. Porque quan to a las voluntades, no ay entre ellos or­den que pueda uno imprimir en otro. Y por esto la iluminación que se haze por ministerio de los Angeles, se llama no solo iluminación Angélica, sino Di­vina, porque la eficacia delle de solo Dios procede. Y por esto dize S. Grego­rio, que el Angel que dize la Escritura, que hablava de parte de Dios a Moysen, unas vezes le llama Angel, y otras Dios. Angel en quanto le iluminava, y Dios, porque Dios interiormente dava la efi­cacia de la iluminación.

CAPITULO VIII. De la union que causa rapto, donde lebantan al alma al sublime estado de Esposa del Verbo Divino.

Estas ansias de amor, en que dexaron al alma contemplativa las heridas de los Serafinas, se rematan en la union que arrebata el espíritu para trasladarle a Dios, donde la ponen ya como en pos­session quieta del Verbo Eterno: del qual estado, y de su excelencia nos da­rán noticia experimental nuestros dos Serafines terrenos, que passaron feliz­mente por todos estos grados, a que lle­gan pocas almas, aun de las muy lebantadas en la perfección. A cuyo proposi­to dize nuestro Venerable Padre Fray luán de la Cruz desta manera; ”En los grandes deseos y fervores, que en las canciones passadas ha mostrado el al­ma, suele el Señor visitar a su Esposa de­licada, y amorosamente, y con gran fuerça de amor. Porque ordinariamente, se­gún los grandes fervores y ansias de amor, que han procedido en el alma, suelen ser también grandes las merce­des y visitas que Dios haze a la misma alma. Andando pues ella con estas an­sias, la descubrió el Señor algunos ra­yos de su grandeza y Divinidad, según que él la deseava. Los quales fueron de tanta alteza, y con tanta fuerça comuni­cados, que la hizo salir deste por arrobamiento y éxtasis, donde entra el feliz estado, que llaman desposorio espiri­tual, con el Verbo Divino Hijo de Dios.

La primera vez que sucedo esto, co­munica Dios al alma grandes cosas de si, hermoseándola de grandeza y Magestad, y adornándola de dones y virtu­des, y vistiéndola de conocimiento y honra de Dios, bien assi, como a despo­sada en el dia del desposorio. Y en este dichoso dia no solo se le acaban al alma sus ansias vehementes, y querellas de amor, que antes tenia, mas quedando adornada de los bienes que digo, comiença a gozar de un estado de paz y deleyte, y de suavidad de amor. Y cono­ciendo estas grandezas de su amado, de que goza por la union del desposorio, ya no dize cosas de ansias y penas como antes, sino comunicación de dulce y sua­ve amor, en exercieio pacifico deste amor, porque ya en este estado todo a quello fenece. Pero no a todas las almas que llegan a él se le comunican estas mercedes de una manera, sino a uñas mas, y a otras menos, y a unas de una ma­nera, y a otras de otra.

Pues como esta palomita del alma nada bolando por los ayres del amor so­bre las aguas del diluvio de las fatigas y ansias de amor, sin hallar donde sus pies descansassen, bien assi, como la paloma que bolava fuera del Arca de Noe. A este ultimo buelo, que avemos dicho estiendo el piadoso Padre Noe la mano de su misericordia, y la recogió, metién­dola en el arca de su caridad y amor. Y es de notar, que assi como en el Arca de Noe dize la Divina Escritura, que avia muchas mansiones para todas las dife­rencias de animales, y de todos los man­jares que se podian comer, assi el alma en este buelo que haze a esta Arca Divi­na del pecho de Dios, no solo echa de ver en ella las muchas mansiones que su Magestad dixo por San Juán, que avia en la casa de su Padre, mas también vee y conoce alli aver todos los manjares, esto es todas las grandezas que puede gozar y gustar el alma. Porque en esta Divina union vè y gusta abundancia de riquezas inestimables, y halla todo des­canso y recreación, que ella puede de­sear, y entiende secretos è intelingencias de Dios estrañas, que es otro manjar de los que mejor le saben. Siente en Dios terrible poder y fuerça, que todo otro poder y fuerça priva. Gusta alli admira­ble suavidad y doleyte de espíritu, halla verdadero sossiego y luz divina, y gusta altamente de la Sabiduría de Dios, que en el armonía de las criaturas y obras de Dios reluce; y sientese llena de dones, y vazia, y agenta de males; y sobre todo entiende y goza de una inestimable re­fección amorosa, que la confirma en amor.” Todo esto dize la e:xperiencia ilustra­da de nuestro Venerable Padre. Y al mismo proposito, y declarando la suya, dize nuestra Madre Santa Teresa desta manera: "Pareceme que la union aun no ha llegado a desposorio espiritual, sino como por acá quando se han de desposardos, se trata si son conformes, y que el uno y otro quieran, y se vean, pa­ra que mas se satisfagan. El desposorio entiendo yo que debe ser quando dá el Señor arrobamiento, que la saca de sus sentidos, porque si estando en ellos se viesse tan cerca desta tan gran Magestad, no era possible por ventura quedar con vida. Entiéndese arrobamientos que lo sean, y no flaquezas de mugeres, como por aca tenemos, que todo nos parece arrobamientos y éxtasis. Quiero poner aquí algunas maneras de arrobamientos, que yo he entendido.

Una manera ay, que estando el al­ma, aunque no sea en oración, tocada con algunas palabras que se acordo, o que ojo de Dios, parece que su Magestad desde lo interior del alma haze cre­cer la centelle, que ya diximos (habla del amor llagado) como movido de pie­dad de averla visto padecer tanto por su deseo, por la qual abradada, queda re­novada toda ella como una Ave Fénix; y assi limpia, la junta consigo, y como a cosa propria, y Esposa suya le quiere mostrar alguna parte del Reyno que ha ganado, y no quiere estorbo de nadie, ni de potencias, ni sentidos, sino de presto manda cerrar las puertas destas mora­das todas y solo en la que él esta, queda abierta para entrarnos: En queriendo arrebatar a esta alma se le quita el huel­go de manera, que aunque algunas vezes duren un poquito mas los otros sen­tidos, en ninguna manera puede hablar, aunque otras vezes todo se quita de presto, y se enfrian las manos, y el cuer­po de manera, que no parece tiene al­ma, ni se entiende algunas vezes, si se echa el huelgo. Esto dura poco espacio, (digo para estar en un ser) porque qui­tándose esta gran suspension un poco, parece que el cuerpo torna algo en si, y se alienta para tornarse a dormir, y dar mayor vida al alma. Y con todo esto no dura mucho esta gran éxtasis, mas acae­ce, que aunque se quita, se queda la vo­luntad tan embebida, y el entendimien­to tan enagenado, y dura assi dia, y aun dias, que parece no es capaz para enten­der en cosa que no sea para despertar la voluntad amar. Y ella se está harto des­pierta para esto, y dormida para arros­trar a assirse a alguna criatura; O quan­do el alma buelve en si del todo, que es la confusion que le queda, y los deseos grandissimos de emplearse en Dios de todas quantas maneras se quiera servir dell a.”

Desta manera nos declara la expe­riencia ilustrada de nuestra Maestra, y su Venerable compañero, la union que cau­sa rapto, y llamarla también éxtasis, aun crue no es una misma causa, sino porque en el común hablar de la Escritura Sa­grada, y de los Santos, a estas elevaciones del alma, que causan enagenacion de sentidos, las llaman unas vezes rapto, otras éxtasis, otras excesso de espíritu, Pero tomando cada cosa en su propriedad, éxtasis es trasladarse el alma fuera de si, a lo que ama, y es lo mismo que ex­cesso de espíritu. Y el rapto añade sobre esto cierta violencia con que el alma es arrebatada de repente sobre su modo connatural a conocimientos sobrena­turales. Otra diferencia ponen los Au­tores mysticos entre el rapto, y el éx­tasis, conviene a saber, que el éxtasis siempre se haze en la parte superior del Alma racional. Porque como es union y transformación del alma en Dios, ha de ser acto del apetito intelectivo; pero el rapto, como se toco en otra parte, puede ser de la parte inferior, y también de la superior, porque como declara Santo Thomas, ay rapto de los sentidos a la imaginación en estado imperfecto, o de union menos perfecta, y rapto de los sentidos imaginario a vision inte­lectual proprio del estado de union, don­de Dios comunica sus secretos a las almas muy purgadas y fundadas en su amor, y deste segundo tratamos en esta lugar. Y antes que passemos en tratar de algunas propriedades destos raptos, co­viene satisfacer a lo que en otra parte se dixo de la doctrina de los Santos, que el acto de union, como el supremo de la vida contemplativa, no podrá ser muy durable, interviniendo union del alma con Dios. En estos raptos vemos, que en algunas personas contemplativas du­ran muchas horas. Para declaración de esta dificultad se ha de advertir, que en el rapto o vision intelectual ay dos co­sas. La primera y principal es la union del alma con Dios. Y la segunda, una fa­vorable manifestación de muchos y ma­ravillosos secretos, que en el rapto des­cubre Dios al alma su Esposa. Y quanto a la primera parte, no puede ser mui du­rable el rapto, pero quanto a la segunda si, como también en los demás actos de la contemplación, según Santo Thomas declara. Y si el rapto es muy durable, y en él no se manifiestan a la alma algunos secretos Divinos, bien se puede enten­der, que no es excesso de espíritu de union del alma con Dios, ni rapto a vision intelectual, sino quando mucho rapto de los sentidos a la imaginación, donde le re­presentan eficazmente a modo sensible algún objeto amable, o le comunican alguna gran suavidad sensible en el ape­tito inferior, y por corta capacidad es­piritual, o alguna cooperación del De­monio, quedo el sugeto enagenado por este tiempo.

Destas dos partes que concurren al rapto, nos da noticia nuestra gloriosa Madre en estas palabras: "Lo que yo entiendo en este acto es, que el alma nun­ca estuvo tan despierta para las cosas de Dios, ni con tan gran luz y conocimien­to de su Magestad, parecerá impossible, porque si las potencias están absortas, y los sentidos como muertos, como se puede entender que se entiende? Este se­creto yo no lo sé, ni quizá ninguna criatura, sino el mismo Criador, y otras lauchas cosas, que passan en este estado. Quando el Señor tiene por bien, estando el alma en esta suspension, de mostrarle algunos secretos, como cosas del cielo, y visiones imaginarias; esto sábelo des­pués dezir, y de tal manera queda im­primido en la memoria, que nunca jamás se olvida. Mas quando son visiones inte­lectuales, no las sabe dezir, porque debe aver algunas en estos tiempos tan subi­das, que no conviene entenderlas los que viven en la tierra, para poderlo dezir. Estando el alma hecha, una cosa con Dios metida en este aposento del cielo Empíreo, que debemos tener en lo in­terior de nuestras almas, aunque quando está assi arrebatada, no debe el Señor querer, que vea estos secretos, porque está tan embebida en gozarle, que basta tan gran bien. Algunas vezes gusta que se desembeba, y de presto gusta lo que está en aquel cielo. Y assi queda después que queda en si con aquel representarle las grandezas que vio, mas no puede dezir ninguna, ni llega su naturaleza a maní que sobrenaturalmente ha que­rido Dios que vea. Yo tengo para mi, que si algunas vezes no entiende estos secretos en los arrobamientos el alma, a quien los habado Dios, que no son arro­bamientos, sino alguna flaqueza natu­ral, que puede ser a personas de tan fla­ca complexión, como mugares, sobre pujar con algúna fuerça el espíritu à su natural, y quedar assi embebidas.” To

do es to es de nuestra Maestra. Y llama al acto de union esta embebida en gozar a Dios, y el desembeberse, salir deste acto supremo a la comunicación destos se­cretos dentro del mismo rapto. En aquello muchas vezes dize que nunca estuvo media hora, pero en este otro so­lia durar en el arrobamiento algunas ho­ras, y en particular haze memoria, que una vez la duro dos horas el arrobamien­to.

CAPITULO IX. Donde se declaran algunas dificultades destos raptos, y dos maneras de comunicaciones que ay en ellas.

También hazen dificultad aquellas palabras de nuestra Maestra, referi­das en el capitulo passado, que las cosas del cielo, en que estos raptos le enseñavan en vision imaginaria, las sabia des­pues dezir, pero las que le eomunicavan en vision intelectual, no las sabia dezir. Porque como esta elevación de espíritu sea rapto de la imaginación a vision in­telectual, como ya vimos, parece que no puede aver en èl vision imaginaria, ni representación ninguna sensible, que sirva a esta vision. Pues como prueba Santo Thomas, en este rapto es lebantado el hombre por la virtud Divina de lo que es connatural, a lo que es sobre su naturaleza; y como para esto se requie­re abstracción de las cosas que entran por los sentidos, se suspende por enton­ces en el alma la actual conversion del entendimiento a las representaciones de la imaginación, porque no sea impe­dido en su elevación de las cosas sensi­bles, para que dexo de entender sin estor­bos a las que son superiores a ellas. Y à este proposito pondero gravemente el Venerable Hugo de S. Victore aquella maravillosa division, que en estos rap­tos ay entre el alma y espíritu, según la doctrina del Aposto!, donde queda el alma con lo que es animal en lo baxo, y el espíritu con lo que es espiritual buela a lo alto. Pues aviendo esta division en­tonces entre la parte sensible y la intele­ctual, no puede aver en el espíritu vision imaginaria.

Para declaración desta dificultad, y de la fiel experiencia de miestra Santa, se ha de advertir la diferencia que ay entre la iluminación de los Angeles, y la nuestra. Porque los Angeles no reciben nueva iluminación del objeto principal de la Bienaventurança, que es la Divina Essencia, la qual ven los Bienaventura­dos, mas o menos, según sus merecimien­tos, y todos con vista clara. Y en esto tan poco como en la Bienaventurança sub­stancial no pueden aprovechar mas, pero pueden aprovechar en los misterios escondidos, que ay en Dios, y en las razo­nes y secretos que en ellos están encerra­dos. Porque aunque ven la causa, y no ven todos los efectos que pueden proceder della, y destos misterios; son iluminados los Angeles inferiores de los superio­res. Pero los hombres no solo son ilumi­nados de los efectos, sino también de la causa, porque no pueden ver a Dios en el destierro, sino es por medio de alguna semejança. Diferencianse assimismo estas dos maneras de iluminación en el modo, porque las semejanças con que los Angeles superiores iluminan los in­feriores destos misterios escondidos, no son al modo de nuestro conocimiento, sino proporcionados al modo de cono­cer de la Patria. Pero quando los Angeles nos Iluminan a nosotros, proporcio­nan la iluminación a nuestro modo con­natural de conocer, proponiéndonos la verdad intelectual a modo sensible, por formas semejantes a las que el entendimiento recibe de la imaginación.

Pues quando en los raptos ilumi­nan a la alma contemplativa de secretos y misterios del Criador, y de sus Divi­nas perfecciones, como esta iluminación se haze, según declara S. Dionisio, por medio de unas semejanças intelectuales altissimas, a modo de Angeles, propor­cionados con las grandezas destos miste­rios, y que lebanta el entendimiento so­bre su modo humano de conocer, y so­bre todo lo que la razón puede alcançar, aunque después del rapto se acuer­da el alma destos misterios, como en confuso y en general, no puede comprehenderlos, ni declararlos. Y a este propo­sito dize S. Dionisio: Si alguno contem­plando a Dios entendió en particular algo de lo que vio, esso que vio no es Dios, sino alguna de las cosas criadas que están en Dios, y se pueden conocer, porque él está colocado sobre todo en­tendimiento y substancia, y no puede ser conocido de nosotros, sino en uni­versal. Pero quando son secretos acerca de escrituras, como os conocimiento distinto, aunque aea intelectual, acuerda se el alma despues dellos, y puede darlos à entender.

Aplicando pues esta doctrina a las palabras referidas de nuestra Maestra, llama visiones imaginarias en el rapto, aunque también eran intelectuales las que en él conocio de cosas criadas, y que por semejanças distintas veia acomoda­das a nuestro modo connatural de cono­cimiento, como Angeles y almas, y sucessos venideros; porque como dize S. Thomas, no podemos ver en la vista las substancias incorpóreas, sino por com­paración a las corporales, y assi en el mo­do de hablar de nuestra Santa en estas vi­siones intelectuales de cosas, que distin­tamente se le comunicaron, es lo mismo dezir imaginarias, que distintas, como lo verémos adelante en otras destas vi­siones. Pero como a las cosas que por semejanças muy altas se le representavan acerca del Criador, y de sus Divinas per­fecciones llama visión intelectual; y de estas dize, que no se acordava después para poderlas dar a entender, porque assi la substancia dallas, como el modo de la representación era sobre la razón, y sobre nuestro modo humano.

Pero aunque en el rapto, o visión in­telectual no se compadece visión imagi­naria, como queda verificado, bien se compadece, que después del rapto se acuerden a modo imaginario de las co­sas que en él vieron a modo intelectual, según el exemplo que pone Santo Tho­mas de algunos muertos, que después re­sucitaron. Los quales después de resuci­tados eontavan aver visto algunas co­sas materiales, de las quales representan a la imaginacion, como casas, campos, rios, y otras semejantes. Las quales co­sas no pudieron ver assi materialmente, porque el alma apartada del cuerpo no lleva consigo la imaginación y memoria sensitiva, ni tiene el mismo modo de co­nocer, que quando estava en el cuerpo, sino de las cosas que aprendieron enton­ces, según el modo de conocer, que les era proprio, sin figura, ni semejanças sensibles conservavan el conocimiento en la memoria intelectiva, y quando bolvieron se acordavan dellas, al modo que entonces les era connatural, por con­version a las semejanças de la fantasia, y lo que avian visto intelectualmente, lo conservavan a modo imaginario. Y otro tanto en su manera le podia suceder a nuestra Santa en las visiones de cosas criadas, que a modo intelectual avia te­nido en el rapto, pues lo mismo le suce­día al Ápostol S. Pablo en las cosas que avia visto en el suyo.

Destas dos maneras de visiones den­tro del rapto, nos dio tambien noticia nuestro Venerable Padre Fray Juán de la Cruz, y a nuestro proposito dize assi: "Estas noticias Divinas, que son acerca de Dios, nunca son de cosas particula­res, por quanto son acerca del sumo prin­cipio, y por esso no se pueden dezir en particular, sino fuesse, que este conoci­miento se estendiesse a alguna otra ver­dad, que fuesse menos que Dios, que en alguna manera se podra dar a entender, mas aquellas generales no. Y estas altas noticias amorosas no las puede tener si­no el alma, que llega a union de Dios, porque ellas mismas pertenecen a union, por consistir el tenerlas en cierto toque, que se haze del alma con la Divina ver­dad: y assi el mismo Dios es allí el senti­do y el gustado. Y ay algunas noticias destas, que de tal manera enriquecen el alma, que no solo basta una dellas para quitarse de una vez algunas imperfec­ciones que ella no avia podido quitar en toda la vida, mas también la dexa lle­na de virtudes y bienes de Dios, y queda tan animada y con tanto brio para pade­cer muchas cosas por él, que le es parti­cular passion ver, que no padece mu­cho.” Todo esto es de nuestro Maestro. Y estos mismos efectos dize San Dioni­sio que dexan en el alma estas visiones, imprimiendo en ella perfección y san­tidad, y dexandola toda reducida a Dios.

Destas utilidades dize también nuestra Maestra: ”Direisme, si después no ha de aver acuerdo destas mercedes tan subidas, que alli haze el Señor al al­ma, que provecho traen. O hijas! Es tan grande, que no se puede encarecer, por­que aunque no las sabe dezir, en lo muy interior del alma, que dan bien escritas, de manera que jamás se olvidan. Pues sino tienen imagen, ni las entienden las potencias, como se pueden acordar? Tampoco entiende esto. Mas entiendo, que quedan unas verdades en esta alma tan fixas de la grandeza de Dios, que quanda no tuviera Fé, que le dize quien es, y que esta obligada a creerle por Dios, le adorara por tal desde aquel punto, co­mo hizo Iacob quando vio la escala, que con ella debió de ver otros secretos, que no supo dezir.” Todo esto es de nues­tra Santa.

En estas noticias tan ilustradamente experimentadas, que nos dan nuestros dos Maestros destas comunicacio­nes Divinas, hechas al alma en el rapto, concuerdan los dos grandes Teologos mysticos. Y assi dize a este proposito el Venerable Hugo de S. Victor estas pala­bras, tratando de los exercicios del espí­ritu:  « Mas quando bolvemos en noso­tros de aquel sublime estado, no pode­mos del todo traer a la memoria las co­sas que entonces sobre nosotros vimos en aquella verdad y claridad, que alli se nos descubrieron. Y aunque alguna cosa dellas nos quedo en la memoria, y lo veamos como por medio de un velo, y como en medio de una niebla, no pode­mos comprehender, ni acordarnos del modo de ver estas cosas, ni do la calidad desta vision. Y por un modo maravillo­so no acordándonos, y viendo no lo per­cibimos, y atendiendo a ello, no lo pene­tramos, hasta que el Señor nos buelve a lebantar esta contemplación, y enagenacion de nosotros mismos.”

Esto dise este grandissime Autor, y casi lo mismo dize su discípulo Ricar­do de S. Victor; y a nuestro proposito di­ze estas palabras: ”Las cosas que vemos en el rapto, o se nos comunican por re­velación Divina, si son conforme a nues­tra razón, nos acordamos despúes dellas, como en la revelación las vimos. Mas las que exceden nuestra razón, por que después de bueltos en nosotros de aquel estado de tan gran alteza, no po­demos comprehender, ni declararla ran­zón dellas con ninguna estimación hu­mana, retenemos solamente una como memoria confusa dellas, como quien las ve por un velo, o en medio de una nie­bla. ” Con estos Doctores concuerda también S. Bernardo en la noticia que nos dá destas comunicaciones Divinas tan favorables

CAPITULO X. De otro rapto mas elevado, y nuevas joyas, que en él conceden al alma con­templativa.

Si antes de celebrar los desposorios espirituales del alma con Dios, la en­riquece y hermosea el Divino Esposo con tan preciosas joyas como ya vimos, como disponendola para ellos, quien bastara a declarar las que le da como a Esposa ya suya, por disposición mas ri­ca y excelente para celebrar con ella el matrimonio espiritual en total transfor­mación de amor, para tan alta comuni­cación Divina, como ha de aver entre los dos, siendo los bienes que en este ra­ro estado se reciben, no solo superiores a la razón, mas también al estado común del destierro, y una participación felicissima de los que se gozan en la patria. Estas comunicaciones tan altas no las puede percibir el alma, como declara Santo Thomas, estando oprimida en el peso del cuerpo mortal, y ofuscada en la obscuridad de las semejanças de las cosas materiales. Y assi es necessario, que entre la palabra de Dios mas penetrati­va, que todo cuchillo de dos filos, como dize el Apóstol, y por medio de sus do­nes haga aquella maravillosa division, que se toco en otra parte, donde el al­ma, con lo que es animal se quede en lo baso, y el espíritu con lo que es espiri­tual buele lo alto, para unirse a Dios, y ser un espíritu con él; la parte inferior reducida a paz, y la superior lebantada a gloria. Deste feliz lebuntamiento dize S. Agustin: Arrebata el espíritu de los senti­dos, è imaginaciones aquella regio inte­lectual de las cosas espirituales sin ningu­na semejança corporal se vé alli la ver­dad no escurecida, ni ofuscada con las tinieblas de falsas opiniones: alli las vir­tudes del alma no están afanadas ni tra­bajadas, porque no le hagan guerra sus contrarios. Toda la fuerça del alma está allí empleada en amar lo que vo, y la Su­ma felicidad en posseer lo que ama. Alli se vive la bienaventurada vida, y della se comunica y esparce algún rozio a la vida humana, para que en las tentaciones deste siglo viva con justicia, templança y fortaleza, caminando a alcançar aquel "bien, donde avra quietud segura, y vision bienaventurada.

Destas palabras de S. Agustín saca­mos, que en este rapto es lebantada el alma como a la vista de la Patria, y se re­parten unas como migajas de aquel ban­quete Real, que base Dios a los nobles ciudadanos della. Y aunque este rapto es tan calificado, como avemos visto, de otro del mismo genero, y de mayor efi­cacia nos de noticia nuestra Maestra desta manera. "Otro arrobamiento ay, o buelo de espíritu le llamo yo, que aun­que es todo uno en la substancia, pero no en lo interior, se siente muy diferen­te. Porque muy de presto se siente algu­nas veses un movimiento tan acelerado del alma, que parece es arrebatado el es­píritu con una violencia que pone har­to temor a los principios. Porque no es poca turbación estar una persona muy en su sentido, y verse arrebatar el alma, sin saber donde va, o quien la lleva, o co­mo sin poderlo resistir. Porque con la facilidad que un gigante puede arreba­tar una paja, con essa misma este gran Gigante poderoso arrebata al espíritu. Este apresurado arrebatar del espíritu es de manera, quo verdaderamente salo dal cuerpo; y por otra parte claro está, que no queda esta persona muerta, alomenos ella no puede dezir si está en el cuerpo, o sino por algunos instantes. Pá­reosle, que toda junta ha estado en otra Región muy diferente desta que vivimos, adonde se muestra otra luz tan diferente de la de acá, que si toda su vida ella la estuviera fabricando junto con otras co­sas, fuera impossible alcançarlas, y acá en un instaste le enseñan tantas cosas juntas, que en muchos anos que traba­jara en ordenarlas en su imaginación y pensamiento, no pudiera de mil partes la una.

Esto no es vision intelectual, sino imaginaria, que se vé con los ojos del alma muy mejor, que acá con los del cuerpo, y sin palabras se dan a entender algunas cosas. Dige, que si vé algunos Santos los conoce, como si los huviera tratado mucho. Otras vezes junto con las cosas que vé con los ojos del alma, se le representan otras en vision intele­ctual, en especial multitud de Angeles con el Señor dellos, y sin ver nada por los ojos del cuerpo por un conocimiento admirable, que yo no lo sabré dezir, se le representa lo que digo, y otras muchas cosas, que no son para dezir. Si esto passa estando en el cuerpo, o no, yo no lo sabré dezir alómenos, ni jurarla que está en el cuerpo, ni tampoco que esta el cuerpo sin alma. Las cosas que aquí se muestran son tan grandes, que parece que le ha querido el Señor mostrar algo de la tierra adonde ha de ir, como las señas que llevaron de la tierra de pro mission los del pueblo de Israel; que embiaron a descubrirla, para que passe los trabajos deáte comino sabiendo donde ha de ir a descancar. Estas son las joyas que comiença el Esposo a dar a su Espo­sa, y son de tanto valor, que no las pon­drá a mal recado, y assi que dan tan es­culpidas en la memoria estas vistas, que creo es impossible olvidarlas hasta que las goze para siempre. »

Desta manera declara nuestra Maes­tra la excelencia deste rapto, y esta dife­rencia que pone la visión imaginaria, o intelectual, ya queda declarado, que es lo mismo que visión distinta, o indistin­ta. Porque la una y la otra son inteletuales, con esta diferencia, que la distinta es acerca de cosas criadas, como An­geles, y almas representadas a nuestro modo, pues como ya se toco de la do­ctrina de Santo Thomas, en el estado desta vida, y por el camino ordinario, no podemos conocer las substancias in­corpóreas, sino por comparación a las corporales. Y las que llama de vision in­telectual eran acerca del Criador, y re­presentadas a modo de Angeles, de cu­ya excelencia dize Santo Thomas, ha­blando deste rapto, estas palabras: Quando el espiritu es arrebatado a vision intele­ctual, puede ser de dos maneras. Una según que el entendimiento contempla a Dios por medio de algunas inmissiones intelectuales, que es proprio de Angeles; y desta manera fue el éx­tasis de Adan en el sueño, como dize la Glossa en el capit. 2 del Génesis, donde el espiritu de Adan fue desta manera elevado, para que he­cho participante de la Corte de los Angeles, en­trasse en el Santuario de Dios a conocer sus secretos. El otro modo de rapto es, quando el entendimiento es lebantado a ver la Divina Essencia, como lo vio San Pablo en el suyo.

Esto dize Santo Thomas. Y dexando esta segunda manera de rapto, que no toca a nuestro intento, declararemos un poco mas la primera, de la qual hablo nuestra Maestra en las palabras re­feridas, donde nos dá noticia experimental desta entrada al Santuario de Dios a conocer sus secretos, y ser participan­tes de la Corte de los Angeles. Y lo pri­mero conviene que sepamos, que son inmissiones intelectuales a modo de An­geles, y a que personas se comunican.

Lo uno y lo otro nos declaro S. Dioni­sio, hablando de las comunicaciones Di­vinas muy lebantadas, que concede Dios a las almas en esta vida, con que las haze participantes de la felicidad de los Angeles. Y a este proposito dize: Si quie­ra llaméis a estas comunicaciones Divinas in­missiones, porque se infunden en los espíri­tus, si quiera suscepciones, porque son recibi­das dellos; inefables son, y desconocidas de los hombres, y solo aquellos se comunicaron, que son compañeros de los Angeles en la contem­plación, y en la pureza. Destas palabras deste sumo Teologo podemos sacar quan altas, y quan raras son estas comu­nicaciones por semejanças infusas, a mo­do de Angeles, y quan pocas las perso­nas que llegan a esta felicidad en el des­tierro, pues han de tener para ellas una pureza semejante a la de los Angeles, y un espíritu tan ilustrado, que sea capaz de recibir la luz Divina tan a lo espiri­tual y sencillo, y a modo de Angeles viadores.

CAPITULO XI. Como en estos raptos tan elevados llega el alma contemplativa en el destierro a par­ticipar la vida de la Patria.

De la doctrina de los Santos, referi­da en el capitulo passado, parece que puede un alma entre las miserias de la vida moral, y en el estado del destie­rro, llegar por medio de la contempla­ción Divina, y una gran pureza, a tan fa­vorecida comunicación de Dios, que desde la tierra dé una vista al cielo, y par­ticipe alli de los resplandores de la luz de gloria, y vida bienaventurada, con sus nobles ciudadanos, sin perder nuestro norte, que es la luz de la Fé, por donde govemamos acá la navegación de nues­tra vida. Porque todos los lugares de San­tos, con la experiencia de nuestra Maes­tra, que en el capitulo passado quedan referidos, y se referirán en este, se han de entender dentro del Acto de la Fé, por­que sola la contemplación clara de la Divina Essencia, de que gozan los Bien­aventurados, excluye el conocimiento de Fé. Desta comunicación Divina a vis­ta de la Patria, suficientes señas nos dio nuestra ilustradlasima Maestra en el lu­gar referido en el capitulo passado, quando dize, que estuvo el alma toda junta en otra Región muy diferente desta que vivimos, donde se muestra otra luz, no como la de acá, que en un instante le en­señaron muchas cosas juntas, unas a mo­do distinto, y otras indistinto.

Pero en otra parte tratando destas entradas suyas al Santuario de Dios, y a la participación de la Corte de los An­geles, dize assi: ''Estando una vez reco­gida en un Oratorio, vinome un arroba­miento de espíritu con tanto impetu, que ne huvo poder resisitr. Parecíame estar metida en el cielo; y las primeras personas que alli visueron mi Padre, y mi Madre, y tan grandes cosas en tan breve espacio, como se podrá dezir una Ave Maria, que yo quedó bien fuera de mi. Esto de tan breve tiempo, ya puede ser fuesse mas, sino que se haze muy po­co. Andando mas el tiempo me acaeció y acaece esto, algunas vezes me iba el Señor mostrando mayores secretos. Por­que querer ver el alma mas de lo que se representa, no ay ningún remedio, ni es possible, y assi no via mas de lo que cada vez quería el Señor mostrarme. Quisie­ra yo poder dar a entender algo de lo me­nos que entendía, y pensando como pue­da ser, hallo que es impossible. Porque en sola la diferencia que ay desta luz que vemos, a la que allá la representaron, siendo toda luz, no ay comparación, por­que la claridad del Sol es cosa muy obs­cura, cosa muy disgustada. En fin no alcança la imaginación, por muy sutil que sea, a pintar, ni tragar como sea esta luz, ni ninguna de las cosas que el Señor me dava a entender, con un deleyte tan so­berano, que no se puede dezir, y assi es mejor no dezir nada.

Avia una vez estado assi mas de una hora, mostrándome el Señor cosas admirables, que no me parece se quitava de cabe mi. Después quisierase estar el alma allí siempre, y no tornar a vivir, porque fue grande el desprecio que me quedo de todo lo de acá, pareceme vasura, y veo quan baxamente nos ocupa­mos los que nos detenemos en ello. Este llevar Dios el espíritu, y mostrarle cosas tan excelentes en estos arrobamientos, pareceme a mi conforma mucho a quando sale un alma del cuerpo, que en un instante se vé en todo este bien. Hizome mucho provecho para conocer nuestra verdadera tierra, y ver que somos acá peregrinos, y es gran cosa ver lo que ay allá, y saber donde avemos de vivir. Acaeceme algunas vezes ser los de allá los que me acompañan, y con los que me consuelo los que sé que allá viven. Y parecenme aquellos verdaderamente los vivos; y los que acá viven los muertos: Todo me parece sueño; y que es burla lo que veo con los ojos del cuerpo; lo que ya he visto con los del alma, es lo que ella desea, y como se vè lexos, este es el morir.”

Todo esto es de nuestra Santa. Y aunque ay muchas cosas que notar en ellas, como de tan fiel experiencia, en solas dos nos detendremos. La primera, como se compadece estar en la tierra con el cuerpo, y en el cielo con el espíritu, sin deshazerlela union natural que ay entre estas dos partes, corporal y espiri­tual? A esta dificultad responde Santo Thomas diziendo que aunque el alma está essencialmente donde está el cuer­po, al qual tiene essencial relación, pero que según sus actos se une con las cosas que conoce y ama; y si estos son celestia­les y eternas, se conforma por entonces con ellas, y en cierta manera dexa de estar en el mundo, según su mas noble ser, ordenado a su ultima perfección; y en este sentido declara lo que dezia el Apóstol, que su conversación era en los cielos. Nuestra Maestra pone para esto una comparación harto conveniente, diziendo que assi como estando el cuer­po del Sol en el cielo llega a la tierra por medio de sus rayos, assi el alma estando en la tierra unida al cuerpo, alcança has­ta el cielo con sus potencias, y exercita allá sus actos. La propriedad desta com­paración, y la facilidad de la elevación de las potencias a las cosas Celestiales, quedará mas verificada con otros dos lugares del Angélico Doctor. En uno de los quales prueba que las potencias es­pirituales no proceden de la essencia del alma, según aquella parte con que está unida al cuerpo: sino según la que queda libre, y suelta del. En el otro prueba que esta parte que está suelta del cuerpo tie­ne un genero de infinidad, respeto de la que estava unida a él. Según lo qual, bien se compadece, que quedando la essencia del alma informando al cuerpo en la tie­rra, lleguen sus potencias hasta el cielo, y teniendo tan poderoso motor, como el Criador dellas, y de los cielos, las introduzga en su Divino Santuario, como introduxo las de nuestra Santa.

La segunda cosa, digna de ponderacion en estos raptos, es lo que tanto encarece nuestra gloriosa Doctora de la her­mosura de la luz, en que se ven estas co­sas celestiales, pero nunca vio al descubierto la luz increada, que en el cielo alumbra. El Profeta David haziendo mención de un excesso de espiritu, don­de fue lebantado a una altissima comuni­cación con Dios, llama al conocimien­to de que allí gozo, luz del Alva, diziendo: Hablóme el fuerte de Israel. Y luego declarando la excelencia de la luz, en que hizo esta habla, añade: Como la luz clara, quando quiere amanecer el Sol. A esta mesma luz llama Santo Thomas Reverberación de la claridad de Dios, refiriendo la opinion de los que dixeron, que S. Pablo en su rapto no avia vis­to la Divina Essencla, sino esta reverbe­ración de su claridad, y en ella se le avian descubierto aquellas tan grandes cosas, que él dezia después, que no era licito al hombre manifestarlas. Porque assi co­mo en una mañana clara, quando ya el Alva se descubre antes de ver al Sol, ve­mos con la reverberación de su claridad las cosas que en la obscuridad de la no­che velamos, assi también sin ver al descubierto la claridad de la luz increa­da, vén los desta manera arrebatados al Santuario de Dios las cosas Celestiales, que Dios las concede ver con la reverbe­ración desta misma claridad Divina; de manera, que aunque no gozan del dia de la eternidad, por no compadecerse con su estado, participa del Alva deste dia, y en ella de las vislumbres de sus hermosos resplandores, que a nuestra Maestra tanto admiravan.

Y como su ilustradissimo compa­ñero gozo en este estado desta hermosissima luz, la llama también en una de sus Canciones Luz del Alma, como el Profeta David para declarar quan altamen­te es ilustrada el alma con iluminacio­nes Divinas en este estado de union; y a nuestro proposito dize desta manera:

"En este sueno espiritual, que el alma duerme en el pecho de su amado, possee y gusta todo el sossiego descanso, y quie­tud de la pacifica noche, y recibe junta­mente en Dios una abismal y obscura in­teligencia Divina. Pero esta noche sossegada dize, que no es ya de manera que sea como noche obscura, sino como la noche junto ya a los lebantes del Alva. Pero que este sossiego y quietud en Dios no le es al alma deste estado, escuro co­mo noche, sino sossiego y quietud en luz Divina, y nuevo conocimiento de Dios, en que el espíritu suavissimamen­te quieto es lebantado a luz Divina; a la qual llama con propriedad lebantes del Alva, porque como el Alva de la maña­na despide la obscuridad de la noche, y descubre la claridad del dia, assi este es­píritu sossegado y quieto en Dios es le­bantado de la obscuridad del conocimien­to natural a la luz del conocimiento sobrenatural de Dios, no claro, sino en es­curo como noche, quando ni el Alva, ni del todo es noche, ni del todo dia, si­no como dizen, entre dos luzes. Y a este modo esta soledad y sossiego Divino, ni goça de toda la claridad de la luz Divi­na, ni dexa de participar algo della. En este sossiego se vé el entendimiento lebantado con estraña novedad sobre to­do natural entender a la Divina luz, bien assi, como quien después de un gran sue­ño abre los ojos a la luz, que no esperava. " Todo esto es de nuestro Venerable Maestro, donde muestra su admira­ción y novedad, como la que esta Divi­na luz hazia a su ilustradlasima compa­ñera, y lo que ella compara a la salida del alma de la obscuridad del cuerpo a la claridad de la Bienaventurança, com­para su compañero al que despierta de un pesado sueño, y abre los ojos a la luz que no esperava.

Pues con esta luz del Alva del dia eterno vela nuestra Santa todas aquellas cosas Celestiales, que tanto pondera, y passa en silencio. Porque como dize San­to Thomas, las cosas que se manifiestan se han de proporcionar con la luz, en que se veen, como el efecto se proporciona con su causa, y como las cosas corpora­les se veen con la luz corporal, y las in­telectuales con la intelectual: assi las ce­lestiales se han de manifestar en la luz ce­lestial. Y en otra parte se vale el mismo Santo del exemplo que queda referido del Sol, diziendo: Como para ver las cosas corporales no es necessario ver la substancia del Sol, aunque se vea con la luz que procede del, assi para ver las: co­sas espirituales, no es menester ver la Di­vina Essencia, aunque se vean con la cla­ridad que resulta della. Con lo qual queda declarado, que luz era esta tan suave y alegre, en que nuestra Santa veia las cosas que se le manifestuavan en el cielo.

CAPITULO XII. De otro rapto al cielo Empíreo, en participacion de música Celestial.

De otro rapto muy lebantado del alma contemplativa en estado de union y de nuevas mercedes, que en él haze Dios como a su Esposa, nos dan no­ticia los Santos, que por hallarse tambien nuestros dos Maestros, haremos par­ticular memoria del. Deste rapto dize S. Agustín estas palabras: De tal manera son lebantados los espíritus de algunos, que no por medio de Angel, sino en el Supremo Alcaçar de las cosas ven las ra­zones in commutables dellas. Estas palabras declara Santo Thomas desta mane­ra: Esta autoridad de S. Agustin se ha de entender de la vision primera, donde se vè la Divina Essencia: De la vision del rap­to, y declarándola mas en otra parte, dize, que de dos maneras se conocen las razones de las cosas en este Supremo Alcaçar. La una es la Divina Essencia, y esta no es tanto contemplación de la criatura, quanto del Criador. Porque como dize S. Anselmo, la criatura en el Criador es la essencia criadora. La otra es conocer las criaturas en su propria naturaleza por algunas formas criadas, proporcionadas a las cosas que se han de conocer, aora estas semejanças sean las que se han de conocer, aora estas se mejanças sean las que de las razones eternas, que están en la mente Divina, proceden a los entendimientos de los Angeles, aora sean otras formas comu­nicadas por otro camino.

De estas dos maneras de conocer las cosas criadas, la primera, que es en las ideas priginales, y razones eternas, que están en la mente Divina, no toca a nuestro proposito, como sea proprio de los bienaventurados, sino la segunda, por semejanças criadas, proporciona­das a las cosas que el entendimiento ha de conocer; el qual es modo, que se com­padece con el acto de Fè, y semejante al conocimiento de los Angeles viadores en ellos por semejanças innatas de su creación, y en nosotros por semejanças de nuevo infusas. Porque lebantados al­gunos espíritus muy purgados, y favorecidos de Dios, son arrebatados en esta vida al Supremo Alcaçar de los cielos, que es el cielo Empíreo, y al Santuario de Dios, donde él se manifiesta a los ha­bitadores de aquellas dichosa Patria. Y alli, aunque no ven al Rey al descubier­to, por no compadecerse con la vida del destierro, sino debaxo de la cortina de alguna semejança muy inferior a su gran­deza, aunque mas excelente sea, ven a sus nobles Ciudadanos, y son admitidos a cierta participación de gloria, y a la comunicación de muchos inefables misterios a ellos manifiestos, y a nosotros escondidos.

Desta doctrina tan lebantada de tan grandes Maestros de la verdadera Teo­logía, nos dá exemplo la ilustrada expe­riencia de nuestra Madre Santa Teresa en estas palabras: "Estando con estas grandes ansias de comulgar, me dio un arrobamiento grande: Parecióme vi abrir los cielos, no a una entrada, como otras vezes he visto; represándoseme el Trono que dixe a v. m. he visto otras vezes, y otro encima del, adonde por una noticia que no sé dezir, aunque no lo vi, entendí estar la Divinidad. Parecía­me sostenerle unos animales, pensé si eran los Evangelistas; mas como estava el Trono, ni que estava en él, no lo vi, si­no muy gran multitud de Angeles. Pa­recíame sin comparación muy mayor hermosura, que los que en el cielo he visto: he pensado, si eran Cherubines, o Serafines, porque son muy diferentes en la gloria, que parecía tener inflamación. Es grande la diferencia, como he dicho; y la gloria que entonces sentien mi, no sa puede escrivlr, ni aun dezir, ni la podrá pensar quien no buviesse passado por esto. Entendí estar allí todo junto lo que se puede desear, y no vi nada. Dixerome, y no sé quien, que lo que allí podía hazer era entender, que no podía entender na­da, y mirar lo nada que era todo en com­paración de aquello. Es assi, que se afrentava después mi alma de ver que pueda parar en ninguna cosa criada, quanto mas aficionarse a ella, porque todo me parecia un hormiguero. Parecióme avia sido esto muy breve espacio, espan­tóme quando dio el relox, y vi que eran dos horas las que avia estado en aquel arrobamiento y gloria; espantavame después, como en llegando a este fuego, que vino de arriba de verdadero amor de Dios, parece que consume el hombre viejo de faltas, tibieça, y miseria, y a ma­nera de lo que dizen del Ave Fénix, que se quema, y de la misma ceniça sale otra: assi queda el alma hecha dos, pues que no parece que es la que antes, sino que comiença con nueva puridad el ca­lino del Señor. »

En estas palabras de nuestra Maes­tra vemos la experiencia de lo que dize San Dionisio, que la primera Ierarquia, que consta de Tronos, Cherubines, y Serafines, siempre están assistiendo a Dios, y como rodeando el Trono de su Divi­nidad. Y aunque nuestra Santa no la vio a lo descubierto, ni por semejança dis­tinta, altissimo conocimiento indistin­to le dieron della, pues tan eficaz con­cepto hizo de su grandeza y excelencia, que todo lo demás respeto de aquello le parecía basura, y hormiguero. En otra parte añade lo que aqui callo que le aviá descubierto, como se venen en Dios todas las cosas, y como las tiene todas en si. Y aunque ocupada de tanta gloria, como alli participava de los resplandores Divi­nos, que baxavan del Trono de Dios a estos Soberanos Espíritus, como dize S. Dionisio, no haze memoria de la música Celestial que alli se goza: de la concordan­cia sonora de las criaturas con su Cria­dor, nos dio noticia della su ilustrado compañero, que fue de los arrebatados a este Supremo Alcaçar, donde, impri­mieron en su entendimiento las semejanças infusas de las criaturas en si mismas, y desta emanación y concordancia que tienen en su Criador.

Tratando pues deste estado de union y de los favores que en èl recibe el alma de su Esposo, dize a nuestro proposito: "Celebra el alma la música callada en lo soledad sonora, porque en aquel silen­cio de la noche ya dicha, y en aquella no­ticia de la luz Divina echa de ver el al­ma una admirable conveniencia y dispo­sición de la Sabiduría de Dios en las dife­rencias de todas las criaturas, y obras de su Sabiduría y bondad, todas ellas, y ca­da una dellas dotadas de tina cierta correspodencia a Dios, en que cada una de su vez de lo que es Dios en ella, de suerte, que le parece una armonía de música sutillssima, que sobrepuja todos los faraos, y melodías del inundo. Y llama a esta mú­sica callada, porque es inteligencia sossegada y quieta, sin ruido de vozes, y assi se goza en ella la suavidad de la música, y la quietud del silencio. Y assi dize, que su amado, es esta música callada, porque en él se conoce esta armonía de música espi espiritual; y no solo esso, mas también es soledad sonora, que es casi lo mismo. Porque aunque aquella música es calla­da quanto a los sentidos y potencias sen­sibles, es soledad sonora para las potencías espirituales. Porque estando ellas solas y vacias de todas las formas y apre­hensiones naturales, pueden bien reci­bir el sonido espiritual sonorosissimamente en el espiritu de la excelencia de Dios en si, y en sus criaturas, según aque­llo de S. Juán de su Apocalypsi, que la voz que oyo en el cielo era como de mú­sicos, que tañían en sus Citaras.

Lo qual fue en espiritu, y no músi­ca de Citaras materiales, sino cierto co­nocimiento de las alabanças, que los Bienaventurados, cada uno en su mane­ra de gloria, dan a Dios continuamente, lo qual es como música. Porque assi co­mo cada uno possee diferentemente sus dones, assi cada uno canta su alabança diferentemente, y todos en una concor­dancia de amor, bien assi, como música: assi también a este modo echa de ver el alma en aquella sabiduría sossegada en todas las criaturas, no solo superiores, sino también inferiores, según lo que ca­da una tiene en si recibido de Dios, dar cada una su voz de testimonio de lo que es Dios, y ver que cada una en su manera engrandece a Dios, por lo que tiene del, según su capacidad. Y assi todas estas vozes hazen una voz de música de gran­deza de Dios, y sabiduría, y ciencia admirable. Y esto es lo que significo el Es­píritu Santo en el libro de la Sabiduría, quando dize: El espíritu del Señor lle­no la redondez, y este mundo, que con­tiene todas las cosas que el hizo; tiene ciencia de voz, que es el testimonio que todas ellas dan en si de Dios. Y porque el alma recibe esta sonora música, no sin soledad y enagenacion de todas las co­sas exteriores, la llama música callada, y soledad sonora.”

Desta manera nos declara nuestro Venerable Padre la música de que gozava en este estado de union, y con que en­grandecía la gloria de Dios en las criatu­ras, por semejanças impressas en su alma de la correspondencia que tenia con su Criador, al modo que la engrandecían los Angeles en el estado de viadores, y llamala música, porque assi como la musica corporal es variedad de vozes en unidad de consonancias, assi lo es tam­bién en su manera esta música espiritual. Y conformándose con la doctrina ya re­ferida de S. Thomas, nos advierte, que esta correspondancia de las criaturas a Dios, y el sentir el alma tan subidamen­te, no es vera Dios essencialmente, sino una fuerte y subida comunicación y vislumbre de lo que es en si, y en las co­sas que crio. Este conocimiento, que lla­man los Teologos vespertino, de Dios en las criaturas, demas de ser muy favo­rable para andar ocupada el alma desta manera ilustrada, con continuas alabanças Divinas, lo es también para el aumen­to del conocimiento de Dios en si mis­mo? Y a este proposito dixo S. Thomas, que los Angeles viadores aprovecha­ron por el conocimiento vespertino en el matutino, esto es, que del conocimien­to de las criaturas, que en este primer es­tado tuvieron, alcançaron mucho del conocimiento del Criador.

CAPITULO XIII. Como en el estado de union ordena la volun­tad con el amor de Dios todas las opera­ciones del alma.

El principal efecto, que el Espíritu Santo en el libro de los Cantares se­ñala, de aver entrado la voluntad en la bodega de los vinos mysticos del Espo­so, que es la union Divina, es, que se or­deno en ella la caridad. Del qual efecto nos da muy en particular noticia nues­tro Venerable Padre, de la manera que él lo experimentava. Acerca de lo qual dize, que en entrando en esta Divina oficina, que San Dionisio llama casa de la Sabiduria, al fin de la carta que escrivio a S. Tito, luego quedo el alma del todo ordenada en sus apetitos y deseos. Por­que hasta que llega a este estado, aunque mas espiritual sea, siempre le queda al­gún ganadillo que guardar de apetitos y gustillos, y otras imperfecciones, o naturales, o espirituales, en que desea apa­centarse. Porque acerca del entendimien­to suele quedar alguna inclinación de saber cosas; acerca de la voluntad, algún apetito, y assimiento a cosas temporales, y estimación propria, y escoger lo mejor en sus comodidades, y a desear gustos en la oración, y consuelos espiri­tuales: y acerca de la memoria, muchas variedades y cuidados, y advertencias impertinentes, que llevan al alma en pos de si. Pero en entrando la voluntad en esta bodega, y oficina de amor, todo esto queda ordenados a Dios, y assi so sien­te libre el alma de todas estas niñerías, è impertinencias tras que andava.

Declara también, como en esta bo­dega mystica se saborean todas las poten­cias con el vino celestial, que alli les dan; porque el entendimiento bebe sabidu­ría y (illis.) la voluntad amor suavissimo, y la memoria recreación y deleyte, en recordación y sentimiento de gloria. Porque aunque en este estado sola la vo­luntad entra en esta bodega mystica, y Talamo del Esposo, como en otra parte vimos, y las demás potencias se quedan a la puerta della, alli les alcança a todas abundante perfección, según la capaci­dad y saber de cada una. Declara assimismo, como esta bebida de Sabiduría altissima, que alli bebió el alma, le haze olvi­dar de todas las cosas del mundo; de ma­nera que le parece, que lo que antes sa­bia, y aun lo que todos los hombres sa­ben, en comparación de aquel saber, es pura ignorancia; ya que el endiosamien­to del espíritu anegado en Dios, con que queda como renovado, embebido todo en amor Divino, no le dexa advertir a otra alguna cosa del mundo. Y assi puede muy bien dezir que no sabe nada, por que no solo de todo lo demas, pero tam­bién de si misma queda el alma como enagenada y aniquilada, como resuelta en amor, que consiste en passar de si al amado.

Desto que aqui dise nuestro Maes­tro del alma en este estado, dize también Santo Thomas, que quando el espíritu está eficazmente ocupado en las cosas Divinas, de todas las demás se olvida, no quanto a la ciencia, sino quanto a la estimación de las cosas. Porque las que antes juzgava por mas grandes en las criaturas, considerada la alteza de las Di­vinas, las deconsideramos y desestima­mos, y tenemos en nada. Y en este senti­do añade luego nuestro Maestro.” Y no se ha de entender, que pierde alli el alma los hábitos de ciencia, y totalmente las noticias de las cosas, que antes sabia, aun­que quede en aquel no saber, sino que pier­de el acto y memoria de todas las cosas en aquel absorbimiento de amor, y esto por dos razones. La primera, como actualmente queda absorta, y embebida en aquella bebida de amor, ni puede es­tar actualmente en otra cosa. La se­gunda, porque la union con Dios de tal manera la transforma en su sencillez y pureza, que la dexa limpia, pura, y vazia de todas las formas, y figuras que an­tes tenia, sin saber mas que amar. Por­que por el vino que bebió en esta bode­ga del Esposo, no solo se aniquila todo su saber primero, pareciendole nada cer­ca de aquel Divino y sumo saber, mas tam­bién toda su vida passada imperfecciones del nes del hombre viejo, se aniquilan y re­nuevan. Todo esto es de nuestro Maes­tro, y conforma con lo que dize S. Dio­nisio, que es proprio de la influencia re­ducir al alma que la recibe a unidad, y sencillez. Y al mismo proposito dize S. Thomas, que como en la multiplicidad es dessemejante a Dios, quanto mas se acerca a la perfección, tanto mas se redu­ce a la unidad, y con esto mas se assemeja a Dios.

Continua a nuestro Maestro lo que experimentava en este estado, de quan or­denada estava toda el alma a Dios; y a este proposito dize: « que por la entre­gar que hizo a Dios de toda su alma y cuerpo, está ya todo su caudal empleado en su servicio, assi el de la parte racional, como el de la sensitiva. Porque el cuerpo en cierta manera está ya espiri­tualizado para servir a Dios. Los senti­dos interiores y exteriores los rige y govierna según Dios, y a él endereza las operaciones dellos, y las quatro passiones las tiene también todas ceñidas a Dios, porque no se goza sino de Dios, ni tiene esperanca sino en Dios, ni se duele sino según Dios, y también sus apetitos solo van van a Dios, y todos sus cuidados. Y to­do este caudal está ya de tal manera em­pleado en Dios, que aun sin advertencia del alma se inclinan a obrar en Dios, y por Dios en los primeros movimientos todas estas partes que avernos dicho. Porque el entendimiento, la voluntad, y la memoria suben luego a Dios, y los afe­ctos, los sentidos y apetitos, la esperan­za, el gozo, y todo el caudal luego de pri­mera instancia se inclinan a Dios: aunque como digo, no advierta el alma que obra por Dios, de donde esta tal alma mui frequentemente obra por Dios, y entien­de con él, y en sus cosas, sin pensar, ni acordarse que lo haze por él, porque el uso y habito, que en esta manera de pro­ceder tiene, ya la haze carecer de su advertencia y cuidado, y aun de los actos fervorosos, que a los principios de obrar solia tener.

De estar ya todo este caudal emplea­do en Dios, le viene al alma no andar ya tras sus gustos y apetitos, porque to­dos los tiene puestos en Dios, y toda la habilidad del cuerpo y del alma en to­das sus operaciones se mueve por amor, y padeciendo todo lo que padece por amor. Assimismo todo el exercicio de la parte sensible y espiritual, aora sea en obrar, aora en padecer: de qualquier ma­nera que sea, siempre le haze mas amor, y regalo en el amado. Y hasta el mismo exercicio de oración y trato con Dios, que antes solia ser en otras consideracio­nes y modos, ya todo es exercicio de amor; de manera que aora sea acerce de lo temporal, aora acerca de lo espíri­tu y trato con Dios, siempre puede dezir esta alma, que solo amar es su exerci­cio, y puede dezir con la Esposa aquel­las palabras de los Cantares: Amado mió, todas las mançanas nuevas y viejas guardé para ti, porque es como si dixera: Todo lo áspero y trabajoso quiero por ti; y to­do lo sabroso para ti; porque el alma en este estado ordinariamente anda en union de amor, que es comùn assistencia de la voluntad de Dios. »

Todo esto es de nuestro Venerable Padre, y como una declaración experi­mental de las palabras ya referidas del libro de los Cantares, que metieron la voluntad en la bodega de los vinos mis ticos, y ordenaron en ella la caridad. La razón desta perfección desta voluntad nos declaro en otra parte Santo Tho­mas, diziendo; que le viene de estar ya ella mas perfectamente informada del habito de la caridad, quando se une con el Espíritu Santo; y como es forma de amor, no es mucho que obre siempre por amor, como lo declara el mismo San­to resumiendo esta doctrina de nuestro Maestro, desta manera. El amor no es otra cosa, que transformación del afecto en la cosa amada, y por el amor se haze una cosa con el amado, que es como for­ma del que ama. Y por esto dixo el Apostol, que el que se unis a Dios se hazia un espíritu con él, y como cada cosa obra según lo que pide la forma de que está informada, la qual es principio del obrar, y regla de la obra; assi el que ama se inclina por el amor a obrar lo que pi­de el amado, y tal operación le es gran­demente deleytable, como conveniente a la forma de que está informado. Y de aquí viene, que al que ama, todo lo que haze, o padece por el amado, le es de­leytable, y se enciende mas en amor, por el gusto que tiene de obrar por él, y co­mo el fuego no puede ser reprimido en su movimiento natural, sino por violen­cia, assi tampoco el que ama para que dexe obrar, según lo que pide su amor; y le causa tristeza lo contrario, co­mo repugnante a la voluntad. Todo es de Santo Thomas, y con ello queda ve­rificada a lo Escolástico la experiencia ilustrada de nuestro Venerable Padre.

Entre los muchos favores, que en este estado recibe el alma de Dios, como ya Esposa suya, experimentava muy en particular el Venerable Padre tres de que nos dá noticia. El primero es la sua­vidad espiritual, con redundancia a la parte sensible, con que la haze caminar apriessa a la perfección. De la qual dize, que es como una huella y noticia amo­rosa, que Dios dexa de si en el alma, con que la aligera para correr en pos de si; de manera que entonces es muy poco o nada lo que el alma trabaja de su parte para andar este camino, antes es movi­da y atrahida desta suavissima noticia de Dios, no solo para que ande, mas tambienpara que corra en las cosas de su ser­vicio, como lo significo la Esposa en los Cantares. Porque esta suavidad es utilissima para el ejercicio de las virtudes y obras exteriores. Las otras dos merce­des la disponen grandemente para la perfección de los actos interiores, por­que la primera destas dos, es una visita­ción amorosa, y como centellas vivas de fuego de su amor, con que el Señor despierta, è inflamma al alma para alabar­le, estimarle, y renunciarle con sabor de amor. La tercera, una comunicación abundante del vino de caridad, con que la embriaga en su amor, con deseo encen­dido de obrar y padecer por èl cosas gran­des y dificultosas, y cada una destas mer­cedes alientan la voluntad para emplear se continuamente en sus Divinas alabanças y amor muy encendido: y del valor destas mercedes, y de sus grandes utili­dades haza una declaración larga, saca­da de su experiencia.

CAPITULO XIV. De las visiones intelectuales indistintas, en el estado de union suele hazer Dios al alma.

Entre las mercedes que nuestro Se­ñor haze en este estado de union al alma su Esposa, es una, manifestársele él mismo, según es permitido al estado de destierro en que se halla, no solo quanto a su Divinidad por semejanças intele­ctuales muy ilustradas, que imprimen en el entendimiento un altissimo con­cepto de su soberanía y grandeza, mas también de su Sagrada humanidad, unas vezes a lo intelectual indistinto mas fa­vorable; y de lo uno y de lo otro nos dá particular noticia la experiencia ilustra­da de nuestra Madre Santa Teresa, la qual hablando destá manifestación de la Sagrada humanidad a lo intelectual indis­tinto, dize desta manera: "Estando un dia del glorioso San Pedro en oración, vi cabe mi, o senti, por mejor dezir, que con los ojos del cuerpo, ni del alma no vi nada, mas parecióme estava cabe mi Christo, y veia ser ol que me hablava a mi parecer. Yo como estava ignorantissima de que podía aver semejante vision, dio me gran temor al principio, aunque en diziendome una palabra de assegurarme, que dava quieta, y con regalo, y sin temor. Parecíame andar siempre a mi lado Jesu Christo, y como no era vi­sion imaginaria, no vela en que forma, mas de estar a mi lado derecho; sentíalo muy claro, y que era testigo de todo lo que yo hazia, y que ninguna vez que yo me recogiesse un poco, o no estuviesse muy divertida, podía ignorar que esta­va cabe mi.

No ay comparación por donde dar a entender esto aca. Porque si digo, que ni con los ojos del cuerpo, ni del alma no lo veo, porque no es vision imagina­ria, como entendió, y me afirmo que es­tá cabe mi, con mas claridad que si lo viesse? Porque si digo que parece que es como una persona que esta a escuras, que no vè qué está cabe ella, alguna seme­jan ça tiene, mas no mucha, porque sien­te con los sentidos, o la oye hablar, o me near, o la toca; acá no ay nada de esso, mi se vè oscuridad, sino que se representa por una noticia al alma, mas clara que el Sol; no digo que ve el Sol, ni claridad, sino una luz, que sin ver luz alumbra al entendimiento, para que goze el alma tan gran bien. Trae consigo grandes bie­nes ; no es como una presencia do Dios, que se siente muchas vezes, que parece en queriendo començar a tener oración, hallamos con quien hablar, y parece en­tendemos nos oye por los efectos y sen­timientos espirituales de gran amor, y Fè, y otras determinaciones con ternu­ra. Acá vese claro, que esta Iesu Christo, Hijo de la Virgen. En estotra manera de oración representase unas influencias de la Divinidad aqui junto con estas se vé nos acompaña, y quiere hazer mer­cedes también la humanidad Sacratissima. Preguntóme el Confessor, quien me dixo que era Iese Christo? El me lo dixo muchas vezes, respondí yo: Mas antes que me lo dixesse se imprimió en mi en­tendimiento, que era él, y antes desto me lo dezia, y no le vela.”

Para entender la propriedad con que nuestra Doctora describe esta vision, nos acordemos de lo que en otra parte nos nos dixo Santo Thomas; que la vision intelectual no se hazia por semejanças corporales, con distinción individual de figura, color, traga, y otras propriedades materiales de la vision imagina­ria, sino por una especie y semejança in­teligible. Esta especie y semejança, y como por ella entendemos losque nos re­presenta, declaro el mismo Santo en otra parte, diziendo: Todas las vezes que el entendimiento por su forma inteligi­ble se assemeja a alguna cosa, entonces aquello que concibe, según aquella for­ma, se verifica de aquella cosa a que se haze semejante por aquella forma, por­que el concepto del entendimiento es semejança de la cosa que entiende. Pues a este modo imprimieron sobrenaturalmente en el entendimiento de nuestra Santa una forma, y semejança inteligi­ble de Christo nuestro Señor muy espi­ritual, y abstrahida de las condiciones materiales, con una ilustración, que con gran certeza la representavan su persona; de manera que aunque no le vela con distinción individual, no podía dudar que fuesse él, antes tener mayor certe­za.

Y esta gran certeza le venia de ser esta especie inteligible tan espiritual y sencilla. Porque como declara el mismo Santo, quanto una cosa se conoce por se­mejança mas espiritual y abstrahida, tan­to mas perfectamente se aprende. Venia también de ser mucha la Iluminación Di­vina, que acompañava a esta semejanza, porque la perfección y eficacia de las co­municaciones, se considera no solo se­gún las semejanças con que se represen­tan, mas también quanto a la luz Divi­na, de que van vestidas. Y como es proprio de la iluminación del don de Sabi­duría a vivar la fè, y poner a Dios como presente al entendimiento, aunque no con la claridad que la luz de gloria. Quanto esta iluminación fuesse mas copiosa, I tanto causarle mas certeza de la presen­cia de lo que iluminava. Y por esto, aun­que hallamos esta misma vision intele­ctual indistinta de Christo nuestro Se­ñor en otras almas contemplativas, no tan perfectas, no haze en ellas tan efica­ces efectos, porque no le acompañan con tanta perfección estas dos circuns­tancias, aunque siempre los haze muy fa­vorables.

Con esta vision intelectual de Christo nuestro Señor junta nuestra Maestra tam­bién el modo intelectual, con que nues­tro Señor le comunicava en este estado algunos misterios, acerca de lo qual di ze estas palabras: Enseña Dios al alma, y la habla sin hablarle, es un language del cielo, que acáse puede mal entender. Pone el Señor lo que quiere que el alma entienda muy en lo interior della, y alli le representa sin imagen, ni forma de palabras, sino a manera de vision intelectual. Y desta manera entiende el alma grandes verdades y misterios. Parece que quie­re el Señor que tenga el alma alguna noticia de lo qué passa en el cielo, y como allá sin ha­blar se entienden, assi acá se entienden Dios, y el alma con solo querer su Magestad que lo entienda sin otro artificio. Esto dise nuestra Santa. Y deste modo intelectual, intimo y secreto de hablar Dios al alma, fue muy favorecido nuestro Venerable Pa­dre su compañero, y assi nos da del noti­cia experimental, y le llama palabra substancial. Y entre otras excelencias di­se, que ayuda mucho para la union in­tima con Dios, después de aver dado en otros capítulos admirable doctrina de los engaños que suele hazer el Demonio por medio de otras hablas interiores, que no son desta manera.

Este modo de iluminar Dios al al­ma, compara aqui, no sin propriedad, nuestra Maestra al que tienen de hablar­se los Ángeles en el cielo, manifestándo­se unos a otros el concepto interior, por determinación de la voluntad de lo que cada uno quiere significar al otro. Por­que sin esta significación voluntaria no podían entenderse, por no conocer el Angel especial y secretamente los secre­tos del coraçon, como lo uno, y lo otro declara Santo Thomas. Y a semejança de los Angeles, aunque todos los deseos y conceptos interiores están a Dios tan presentes, dizen los Autores sabios (co­mo en otra parte vimos) que mientras el contemplativo discurre, ni tiene ora­ción, ni habla con Dios, sino consigo mis­mo, hasta que aplica la voluntad a ofre­cer a Dios su deseo, y significarle dere­chamente su concepto en esta vista quie­ta y derecha a él, guiada de la luz de la Fé, que se lo pone como presente, aun­que en escuridad, según nuestro estado.

Del qual dixo el Profeta, que puso Dios en las tinieblas acerca de nosotros su ha­bitación, como en escondrijo, lo qual es muy considerable para los entendimien­tos muy discursivos.

CAPITULO XV De otra vision intelectual distinta de Christo nuestro Señor, y de su gran excelencia, que toca a este lugar.

Entre los efectos que hazia en nues­tra Santa esta vision indistinta de Christo nuestro Señor, era uno el deseo de verle distintamente, para poder cer­tificar mas della a su Confessor, porque no pensasse que se le antojava: y davale este deseo quien quería cumplírsele; y de como le hizo esta merced nos dá delle noticia desta manera: "Estando un dia en oración quiso el Señor mostrar­me solas las manos, con tan grandissima hermosura, que no lo podia yo encarecer. Hizome gran temor, porque qualquiera novedad me le haze grande a los principios de qualquiera merced sobre­natural, que el Señor me haga. Desde allia pocos días vi también aquel Divi­no rostro, que del todo me parece me dexo absorta. No podía yo entender, porque el Señor se mostrava assi poco a poco, pues después me avia de hazer merced que yo le viesse del todo, hasta después que he entendido, que me iba el Señor llevando conforme a mi fla­queza natural; parecerleha a v. mer­ced, que no era menester mucho es­fuerzo para ver unas manos, y rostro tan hermoso. Sonlo tanto los cuerpos glorificados, que la gloria que traen consigo, desatina ver cosa tan sobrenatural y hermosa, y assi me hazia tanto temor, que toda me turbava y alborotava, aun­que después quedava con certidumbre y seguridad, y con tales efectos, que por esto se perdía el temor.

Un dia de S. Pablo estando en Missa se me represento toda esta humanidad Sacratissima, como se pinta resucitado, con tanta hermosura y Magestad, como particularmente escrivi a v. m. cuando mucho me lo mando; y haziaseme har­to de mal, porque no se puede dezir, que no sea deshazerse; solo digo, que quando no huviesse otra cosa para deleytar la vista en el cielo, sino la grande hermo­sura de los cuerpos glorificados, es grandissima gloria, en especial ver la huma­nidad de le su Christo Señor nuestro, aun acá, que se muestra su Magestad conforme a lo que puede sufrir nuestra mise­ria; que será adonde del todo se goza tal bien? Porque si estuviera muchos anos imaginando, como figurar cosa tan her­mosa, no pudiera, ni supiera, porque ex­cede a todo lo que acá se puede imagi­nar; aun sola la blancura y resplandor, no es resplandor que dessumbre, sino una blancura suave, y el resplandor in­fuso, que dà deleyte grandissimo a la vista, y no la cansa; ni la claridad que se vè para ver esta hermosura tan Divina, es una claridad tan diferente de la de acá, que parece una cosa tan deslustrada la claridad del Sol, que vemos, en com­paración de aquella claridad y luz que se representa a la vista, que no se que­rrían abrir los ojos. En fin es de suerte, que por grande entendimiento que una persona tuviesse, en todos los días de su vida podría imaginar como es; y ponela Dios delante tan presto, que aun no hu viera lugar para abrir los ojos, si fuera menester abrirlos; mas no haze mas es­tar abiertos, que cerrados, quando el Se­ñor quiere, que aunque no queramos se vè.

(ligne partiellement manquante) dezir es el modo como el Señor se muestra en estas visiones ; ni digo que declararé de que manera pueda ser poner esta luz tan fuerte en el sentido interior, y en el en­tendimiento imagen tan clara, que pa­rece verdaderamente estar allí, porque esto es de letrados. Digo pues lo que he visto por experiencia. Bien me parece en algunas cosas, que era imagen la que vela, mas en otras muchas no, sino que era el mismo Christo, conforme a la cla­ridad que era servido mostrárseme. Unas vezes era tan confuso, que parecía ima­gen, no como los dibuxos de acá; por muy perfectos que sean, que no tiene mas semejança lo uno con lo otro, que la que tiene una persona viva, a su retra­to, que por bien que esté sacado, al fin vé que es cosa muerta, y assi ay la mis­ma diferencia, que de lo vivo a lo pinta­do, no mas, ni menos. Porque si es ima­gen, es imagen viva, no hombre muer­to, sino Christo vivo, y dà a entender, que es Hombre y Dios, no como estava en el Sepulcro, sino como sasio del des­pués de resucitado, y viene a vezes con tan grande Magestad, que no ay quien pueda dudar, sino que es el mismo Christo, en especial en acabando do co­mulgar, que ya sabemos que está alli, que nos lo dize la Fè. Representase co­mo Señor de aquella posada, que toda desecha el alma se vé consumir en Chris­to; digo que tiene tan grandissima fuerça esta vision, quando el Señor quiere mostrar al alma parte de su grandeza y Magestad, que tengo por impossible, si muy sobrenaturalmente no la quisiesse el Señor ayudar con quedar puesta en arrobamiento y éxtasi, que pierde el ver la union de aquella Divina presencia con gozar; seria, como digo, impossible sufrir la ningún sugeto: es verdad que se olvida después? tan imprimada queda aquella magestad y hermosura, que no ay poderla olvidar. Queda el alma otra, siempre embebida; parece le comunica de otro amor nuevo de Dios, es muy mas alto grado a mi parecer; que aunque la vision passada dizen que es mas perfe­cta que esta, y mas subida, mas para du­rar la memoria, conforme a nuestra fla­queza, y traer bien ocupado el pensa­miento, es gran cosa el quedar represen­tada y puesta en la imaginación tan Di­vina presencia, y assi vienen juntas estas dos maneras de vision siempre. Porque con los ojos del alma se vé la excelen­cia, hermosura, y gloria de la Santissima humanidad; y por estotra manera que quedá dicha se dà a entender, como es Dios, y poderoso, y que todo lo puede, y todo lo manda, y todo lo govierna, y todo lo llena de su amor. No se puede encarecer la riqueza que dexa en el al­ma, y aun en el cuerpo dexa salud, y que daconortado.”

Desta manera nos dà noticia nues­tra Maestra desta vision distinta de Christo nuestro Señor; y aunque ella por los efectos que hazia en su alma echava de ver quan excelente era, se la deshazian con persuadirla, que era vision imagi­naria, y de las imperfectas. Y assi en fa­vor del concepto de la Santa nos deten­dremos un poco en descubrir con la doctrina de los Santos, que la distinción con que se le representava, no era pro­cedida de la imaginación, sino de la luz Divina, y que por esso era mas perfecta esta visión, que la passada, por ser tam­bién intelectual y distinta, según la re­gla general de Santo Thomas, que para el perfecto conocimiento de una cosa, es necessario conocer en ella muy por menudo las partes, virtudes, y propriedades dalla. Lo qual concurre en esta vision, y no en la passada. Y assi, verifican­do que también era intelectual, quedará también verificado, que esta distinta es mas perfecta. Lo qual no corría, si la dis­tinción fuera procedida de la imagina­ción, por ser mas perfecta la luz intele­ctual, aunque sea indistinta, que la ima­ginaria distinta, como de potencia mas espiritual y mas noble, y mas cercana a la fuente de todas las luz es.

Sacase, que no fue vision imagina­ria. Lo primero del fin, que en otra par­te nos dixo San Dionisio, que tiene Dios en comunicar estas aprehensiones ima­ginarias, que es para despertar en los nue­vos contemplativos algún efecto sensi­ble, con que a su modo imperfecto los lebante de las cosas visibles a las invisi­bles, y de las materiales a las intelectua­les. Y en orden a esto no hallamos que nuestra Santa tuviesse vision imagina­ria, sino la que ella refiere en el capitu­lo séptimo de su vida, con que Christo nuestro Señor representado a modo ri­guroso la puso en temor, para que dexadas algunas comunicaciones vanas, que entonces tenia, se abraçasse de veras de la de Dios. Y por el contrario, las visio­nes intelectuales dize el mismo Santo que las comunica Dios a gente apro­vechada, para reducir el alma mas inti­mamente a él, y perficionarla con nueva santidad. Y quando nuestra Santa reci­bió estas visiones distintas, estava ya en estado de union, y se las concedía el Se­ñor para enamorarla mas intensamente en su amor, con representarle su hermo­sura muy al proprio.

Sacase lo segundo evidentemente de la substancia de la misma vision, según la fiel descripción que della haze nuestra Santa, assi en la gloria con que se le re­presento, de la qual no es capaz la ima­ginación, como también de la humanidad Sagrada representada a lo distinto, y de la Divinidad representada a lo in­distinto, como ella claramente signifi­ca. Con lo qual se excluye la imagina­ción, pues como prueba Santo Thomas, las fuerças materiales no tienen opera­ción acerca del ultimo fin, que es Dios, ni le aprehenden. Y pues nuestra Santa lo aprehendía en esta vision, de la manera que podía aprehenderlo según su estado esta operación era intelectual, y no ima­ginaria. Confirmase esto mas con lo que con tan cierta experiencia afirma, que esta representación no era con imagen muerta y muda, como las de la imagina­ción sino viva, y representadora de la misma persona de Christo, obrando ac­ciones vivas, no de retrato, sino del original.

Para conocer la propriedad con que nuestra Santa hablo en estas visiones intelectuales distintas de la humanidad de Christo nuestro Señor, y quan exce­lentes son, se ha de advertir a que las recibia siempre después de aver comulga­do, quando tenia presente en su alma el original Divino y humano en las espe­cies Sacramentales. Y assi parece, que se representava a su entendimiento, como S. Dionisio dize, que representa a los en­tendimientos Angélicos los mysterios de su Encarnación, no por semejanças devotamente figuradas a lo material, sino por representación de ma mesma ver­dad, que en lesus tiene delante. Y que a este modo gozana nuestra Santa por aquel instante de la gloria accidental que gozan en el cielo los Angeles, y las almas con la vista desta Sagrada humani­dad. Y assi como las semejanzas que re­sultan a nuestros ojos de las personas que tenemos delante, por los quales se nos hazen presentes, no son de semejanzas muertas, sino vivas, que nos representan propria y vivamente las acciones de aquellas personas: assl esta representación de Christo nuestro Señor en el entendi­miento de nuestra Santa, no era repre­sentación muerta, sino viva, como ella dize de sus Divinas acciones.

Esto pues assi entendido, se podrá conocer con una distinción del Angéli­co Doctor, quanto mas perfecta es esta vision distinta, que la passada indistinta. Porque en el conocimiento connatural de las cosas corporales, que son inferiores al entendimiento, se dize, que es mas perfecto el conocimiento intelectual indistinto, y desnudo de las criaturas de las condiciones de figura, color, y las de­mas que el entendimiento le desnudo por abstracción de sus semejanzas, que essas mismas semejanzas vestidas de to­do esto en la imaginación: no es assi en el conocimiento sobrenatural de las cosas Divinas, que llaman de participación.

Porque como estas en si mismas son mas perfectas, que en nuestro entendimien­to, quanto menos tienen del, y mas en su propriedad, y distinción se representan en él, tanto la vision es mas perfe­cta. Y quanto es mas expressa la semejança dellas, tanto mas en su vigor recibe la luz Divina, que las ilustra. Y como to­do esto concurre en esta visión distinta de nuestra Santa, bien se dexa entender quan perfecta y excelente era, y ella lo conocía assi en los efectos que en su al­ma hazia.

CAPITULO XVI. De una participación de Bienaventurança en perfección de virtudes, de que goza el alma en estado de union.

Entre estos favores que haze el Es­poso Divino al alma unida con él, le suele conceder que comiençe a gozar en esta vida de las riquezas que tiene den­tro de si misma en la perfección de las virtudes, con Bienaventurança començada. Para lo qual se ha de advertir lo que dize Santo Thomas, que las bienaventuranças que el Señor predico en el monte, son actos de virtudes perfectas. Y aunque en esta vida sus actos tiran de­rechamente al mérito, y en el cielo al premio, acá a lo que perficiona, y allá a lo que deleyta. Con todo esto dize este Santo, que los Varones perfectos comiençan desde esta vida a gozar del premio destas bienaventurabas con los actos de las virtudes con felicidad començada. Esta doctrina verifica nuestro Vene­rable Padre Fray luán de la Cruz en el alma contemplativa, que ha llegado por trabajos y perfección de virtudes a este dichoso estado de union concediéndole entonces este Esposo Divino, que co­mience a goçar del buen olor, que las flores de su viña, que son estas virtudes, dan de si en su perfección de sus actos pa­ra recrearla y alentarla en la vida peno­sa del destierro.

Desta bienaventurança nos dá parti­cular noticia la experiencia de nuestro Venerable Padre en estas palabras: "En este estado de union sopla el viento del Espíritu Santo por esta viña florida, huerto regalado del Esposo, que es el alma unida con él: y tocando estas virtu­des y dones de que está adornada, las re­nueva y mueve de fuerte, que dan de si admirable fragrancia y suavidad, al mo­do de quando menean las especies aro­máticas. Pues al tiempo que se haze esta mocion, derraman las virtudes la abun­dancia de su olor, el qual antes no se sen­tía en tanto grado; porque las virtudes que tiene el alma como flores cerradas en cogollo, como especies aromáticas encubiertas, cuyo olor no se siente hasta que las descubren, y las mueven. Pero algunas vezes haze Dios tales mercedes al alma su Esposa en este estado, que aspi­rando con este Espíritu Divino por este huerto del alma, abre todos estos cogo­llos de virtudes, y descubre estas espe­cies aromáticas de perfecciones y rique­zas del alma; y abriendo el tesoro y cau­dal que ha encerrado en ella, descubre toda su hermosura; y entonces es cosa admirable de ver, y suave de sentir la ri­queza de los dones que se descubren al alma, y la hermosura de flores de virtu­des, ya abiertas todas, y de la manera que cada una dá de si el olor de suavidad, que le pertenece.

La qual es en tanta abundancia al­gunas vezes, que al alma le parece estar vestida de deleytes, y bañada de inesti­mable gloria, tanto que no solo ella lo siente dentro, pero aun suele redundar tanto en lo de afuera, que lo conocen los que saben advertir, y les parece estar la tal alma como un deleytoso jardin lle­no de deleytes y riquezas de Dios, y no solo quando están abiertas, se echa de ver esto en estas almas santas, como tam­bién ordinariamente traen en si un no se que de grandeza y dignidad, que causa acatamiento a los demás, por el respeto sobrenatural que se difunde en el suge to de la próxima y familiar conversa­ción y comunicación que en Dios tie­nen, al modo de lo que se escrive de Moisen, que no podían los hijos de Israel mi­rarle al rostro por la gloria y honra que en su persona quedava de vaer tratado cara a cara con Dios." Todo esto es de nuestro Venerable Padre. Y este efecto exterior de dignidad secrsta, que se co­munica al cuerpo de la intima y familiar comunicación, que el alma tiene con Dios, se experimentava bien en su per­sona, que siendo de suyo deslucida, y él la deslucía mas, por la pobreza y humil­dad con que la tratava, se descubría en ella uno se que de Dios, que vestía de respeto y veneración a quien la mirava, tan a lo conocido, que dezlan algunos, que los resplandores Divinos de que estava su alma vestida, vestían también de cierta dignidad al cuerpo, como en pre­mio de lo que con ella se conformava.

Prosiguiendo pues este favor de fe­licidad començada, que haze Dios al alma en este estado, anade: "En este as­pirar del Espíritu Santo, que es su Aposentador, para que le prepare la posada del alma su Esposa, llevándola en suavidad espiritual, y poniendo en perfección el huerto, abriendo sus flo­res, adornándola de la hermosura de gra­cias y riquezas, y dándole a gustar el sua vissimo exercicio de los actos perfectos de todas estas gracias y virtudes, en par­ticipación de gloria, la qual dura en el alma todo el tiempo que el amado as­siste alli desta manera, donde le está dan­do la Esposa suavidad en sus virtudes, como ella lo significo en los Cantares, diziendo: Dum esset rex in accubitu suo, nardus mea dedit odorem suavitatis, que es como si dixera: Mientras que el Rey estava reclinado en su reclinatorio, que es mi alma, mi arbolico oloroso dio olor de suavidad, entendiendo aqui por arbo­lico oloroso, que consta de muchas flo­res, el plantel, que consta de muchas vir­tudes que ay en el alma."

Desta manera nos dá noticia nues­tro Maestro desta recreación Celestial, que en este estado le dava el Señor con la hermosura y olor del jardin florido de su alma. Y deste lugar, y de otros de sus libros, y de los de nuestra Santa Ma­dre se saca conocidamente, que por par­ticular privilegio les concedió nuestro Señor algunas vezes lo que los Angeles viadores tenian de su naturaleza de po­der conocer su essencia, y lo que Dios obrava en ellos. Porque este conocimien­to privilegiado por semejanças infusas proporcionadas, dize Santo Thomas, que lo tuvo Adan en el primer estado, que aun después de la culpa le tienen al­gunos grandes contemplativos. Y esto significo aqui nuestro Maestro en aque­llas palabras referidas: y entonces es co­sa admiarble ver, y sentir las riquezas de los dones, que se descubren al alma, y la hermosura de flores de virtudes, ya abiertas todas, y de la manera que cada una da de si olor de suavidad, que le pertenece. Y en otra parte al mismo pro­posito dize, que ya en este estado le fia Dios que pueda ver en si la hermosura de sus dones y virtudes. El mismo privi­legio significa nuestra Madre Santa Teresa, quando dize, que después de salida el alma de la apretura de los trabajos in­teriores, quedava como el oro salido del crisol afinado, afinada y clarificada, para ver en si a Dios. Y quando vé ya con tanta distinción los efectos sobrenatu­rales, que la iluminación Divina hazia en su alma, y los senos interiores por donde se estendia. Assimismo quando dize, que de presto la recogió el Señor a su interior, y vio a su alma clara como un espejo, y a Christo nuestro Señor en el centro della.

CAPITULO XVII. De unas ansias de amor muy espirituales, è intensas, que disponen al alma para la union habitual.

Ya vimos en otra parte do la doctrina de San Dionisio, como la Sabidu­ría Divina và purificando las almas con­templativas para reducirlas a su Divina semejança, en que consiste su perfección. Y que quanto esta semejança avia de ser mayor, tanto esta purificación avia de ser mas apretada, como disposición pa­ra mas alta forma. Pues assi como para lebantar a nuestra Santa al grado de se­mejança Divina, que pide la union con Dios, que llaman afectiva, donde se ce­lebraron los Divinos desposorios, la me­tieron en la fragua de los Serafines, de donde le procedieron las grandes ansias de amor, que ya quedan declaradas: assi también aora para sublimarla en el gra­do altissimo de semejança con Dios, que pide la union real, que es no solo de afectos, sino también de la misma essencia del alma con su Criador, como des­pués se declara, en el qual grado se cele­bra el matrimonio espiritual del alma con Dios. Dispusieron para él a nuestra Santa en otro crisol mas apretado de la mesma fragua de los Serafines: en que la disponían para el Sacrificio divinissimo, que llama San Dionisio, donde la criatu­ra se dedica, y reduce toda a su Criador: y en este la acrisolan para holocausto del amor, donde el madero queda del todo hecho ascua, y el alma transformada to­da en amor de Dios. Y declarando el Ve­nerable Hugo de S. Victor este holocaus­to, que pone San Dionisio por el supre­mo grado de amor de los Serafines, dize, que purga al mismo fuego; esto es, lo que ya el fuego avia purificado, acendrando mas el amor, y lebantando mas de pun­to la semejança de Dios.

Porque si la pureza y blancura de los Angeles de la Ierarquia inferior tie­ne semejança con Eios, mayor la tienen los de las Ierarquias superiores, como mas llegados a él, de donde se toma esta perfección, y como ibas almas han de ser colocadas entre las ordenes de los An­geles, tanto cada una ha de ser mas puri­ficada, quanto para mas alto grado de perfección de gracia, correspondiente a la de gloria, la dispone. Y assi pure­za que basta para ser ya colocada en la orden de los Angeles, no basta para la de los Tronos, ni para la de los Serafi­nes. Y a nuestro proposito la que basta para un grado de union, y participación de la naturaleza Divina, no basta para esta union mas estrecha, y participación mas alta; y aunque toda es pureza y blan­cura, ay mucha diferencia de la tina a la otra. Porque como dize Santo Thomas, la semejança y desemejança no se consi­dera solamente, según una misma o di­versa calidad, sino también según un mis­mo o diverso modo de participación, porque no solo es desemejante lo negro de lo de lo blanco, sino también lo menos blan­co a lo mas blanco, como de un contrario rio a otro; pues entre la pureza y blancu­ra de las criaturas, aunque sean los mas altos Serafines, a la del Criador, ay distan cia infinita, siempre pueden irse mejo­rando en la pureza y perfección las al­mas contemplativas, si Dios las quiere lebantar a mas alto grado de su semejan ça; y en este ultimo crisol dispusieron a nuestra Santa para un grado altissimo desta semejança Divina.

Y porque digamos algo de la subs­tancia deste nuevo crisol, según la noti­cia que hallamos en los Santos, assi co­mo el passado disponía las potencias del alma para la union afectiva, assi este dis­pone principalmente la essencia de la misma alma para la union Real, subtiliçadóla, y acendrándola mas para arraygar en ella mas interiormente la gracia, por medio de la qual participa una seme jança de la naturaleza Divina tanto mas alta quanto esta renovación de gracia fuere mas intensa, y segundariamente dispone también las potencias para los aumentos de las virtudes y dones infu­sos, que con el de gracia se perficionan, como aumentadose la claridad del cuer­po luminoso, se aumenta también la de los rayos que del proceden, que es exem plo de Santo Tbomas a este proposito. Y como estos aumentos avian de ser en nuestra Santa grandes, y en qualquier otro contemplativo, que huviere de lle­gar a este eminente estado de perfección, as si fue el crisol en que acendraron toda el alma muy apretado.

Desto nos dá noticia experimental la misma Santa desta manera. Después des­tos arrobamientos viene una pena, que no la podemos traer a nosotros. Y hase de notar, que esto es aora muy a la postre, después de todas las visiones y revelaciones, y de la oración de muy grandes gustos. Porque aunque adelante diré de los grandes impetus que me davan, quando quiso el Señor darme los arrobamien­tos, no tienen mas que ver con estos a mi pare­cer, que una cosa muy corporal con otra muy espiritual; y creo no lo encarezco mucho. Por­que aquella pena parece, que aunque la siente el alma está en compañía del cuerpo, entrambos parece que participan della, y no es con el ex­tremo de desamparo, que en esta. Esto dize nuestra Maestra. Y tratando su mismo compañero del mismo crisol en que le pusieron para que passasse de una union a otra mas estrecha, dize: Este cauterio, y esta llaga de amor es a mi ver el mas alto gra­do, que en este estado puede ser. Mas ay otras muchas maneras de cauterizar, que ni llegan aqui, ni son como esta, porque esto es de toque de divinidad en el alma. Esto dize nuestro Venerable Maestro. Y luego refiere por cauterio dichoso inferior a este, el otro en que avia sido herido del Serafín con fuego de esfera, a modo de dardo, como también nuestra Santa. La razón desta mayor excelencia nos la da Santo Tho­mas en otra parte, diziendo; que qualquiera perfección procedida de Dios, tanto es mas Divina y mas iluminativa, quanto está mas cercana a la Fuente de la luz. Y este crisol es de la gracia, y de los dones Divinos, que proceden della; y todo es luz inmediata, respeto de la iluminación de los Angeles, y assi es de grado mas lebantado, y de mayor efica­cia, quando la virtud Divina se esfuerça mas en su influencia. Y lo que dize nues­tro Autor, que esta llaga evoque de la Divinidad en el alma, ya queda en otra parte declarado, que es por medio de la gracia, y de los dones Divinos, que proceden de Dios inmediatamente. Y por esto sus toques se llaman toques Di­vinos .

Continúa nuestra Santa la relación de su experiencia, diziendo : "Para estas ansias, como he dicho, no somos parte, sino muchas vezes a deshora viene un deseo, que no sé como se mueve; y deste deseo, que penetra toda el alma en un punto, se comiença tanto a fatigar, que sube muy sobre si, y sobre todo lo cria­do, y ponela Dios tan desierta de todas las cosas, que por mucho que ella traba­je, ninguna que la acompañe parece que ay en la tierra, ni ella la querría, sino mo­rir en aquella soledad. Que la hablen, y ella se quiera hazer toda la fuerça possi­ble para hablar, aprovecha poco, que su espíritu, aunque ella mas haga, no se quita de aquella soledad. Y con parecer rae que esta entonces lexissimo Dios, a vezes comunica su Magestad sus grande­zas por un modo el mas estraño, que se puede pensar. Porque no os la comunica­ción para consolar, sino para mostrarlo la razón que tiene para fatigarse de es­tar ausente de un bien, que en si tiene to­dos los bienes. Con esta comunicación crece el deseo, y el extremo de soledad, en que se vé, con una pena tan delgada y penetrativa, que aunque el alma estava puesta en aquel desierto, se remonta tan­to, que sil pie de la letra me parece se pue­de dezir lo que dixo el Profeta David: Vigilavi, & factus sum sicut passer solitarius in tecto. Y assi se me representa este verso entonces, que me parece lo veo en mi, y me parece que está el alma no en si, sino en el trejado o techo de si misma, y todo lo criado, porque aun muy encima de todo lo superior del alma me parece que está.”

En estas palabras describe con gran propriedad nuestra Maestra de su eleva­da experiencia el efecto violento del amor superfervido, que en esta elevación penetrativa acompaña la influencia del don de entendimiento, como en otra parte diximos, aunque aqui embiste el alma con intensa eficacia. Porque lo propriedad deste amor es no solo desnudar al alma del amor de las cosas criadas, pa­ra introducir en ella solo el amor de Dios, porque este es efecto del amor agu­do inferior a él, sino también desnudar­la del todo del amor de si misma, y arro­jarla como fuera de si, para que se trasla de al amado. Y as si sucede por modo ma­ravilloso, dize el Venerable Hugo de S. Victor, que lebantada el alma por la fuerça del amor à unirse con él, que está su­perior a elle, salga también de si como arrojada desta fuerça amorosa; de mane­ra, que ni con el pensamiento, ni con el deseo pueda hazer assiento en si, sino so­lamente en el que ama. Esto dize este Au­tor declarando a S. Dionisio. Y también la experiencia de nuestra Maestra desta manera arrojada de si en Dios por la fuer­ça deste amor.

Pues como el alma ha salido ya de si para trasladarse al amado, y el amado no la recoge para acabarla de unir con­sigo en este grado superior (el qual es efecto del don de entendimiento, que aquí la embiste con su penetrativa instan­cia) ni el amor le permite el bol verse a recoger en si para hazer assiento dentro de si misma, queda puesta como en una Cruz, y martirio de amor, según la mis­ma Santa lo dize luego, añadiendo a las palabras referidas las siguientes: "Pare­ce que el alma está crucificada, sin que le venga socorro de ninguna parte, por­que no le viene del cielo, ni le tiene de la tierra, padeciendo sin venirle socorro de ningún cabo. Porque el que le viene del cielo (que como hemos dicho es una noticia de Dios admirable, muy so­bre todo lo que podemos desear) es pa­ra mas tormento, porque acrecienta el deseo de manera, que a mi parecer la gran pena algunas vezes quita el sen­tido, sino que dura poco sin él. Parecen unos tránsitos de la muerte, salvo, que este padecer trae consigo un gran tor­mento, que nos sé yo a que lo comparar; ello es un razio martirio sabroso. Pues todo lo que se le puede representar al sima en la tierra, aunque sea lo que sue­le ser mas gustoso, ninguna cosa admite, luego parece que lo lança de si. Bien en­tiende que no quiere sino a su Dios, mas no ama cosa particular del, sino todo jun­to lo quiere, y no sabe lo que quiere. Di­go no sabe lo que quiere, porque no re­presenta nada la imaginación, ni aun a mi parecer ¡mucho tiempo del que está assi, no obran las potencias, como en la union y arrobamiento; assi aquí la pena las suspende."

Con estas ultimas palabras toca nuestra Madre y Maestra una calidad muy propria deste grado de amor, que no se contenta con la parte, sino le dan el todo, porque al alma embestida deste amor Supremo no podran acallarla con solo un atributo Divino, como en los demás grados inferiores, sino le dan to­da la Divina essencia junta. Y assi el Ve­nerable Ricardo de S. Victor, y S. Buena­ventura ponen este grado de amor por el tercero, y supremo de la caridad vio­lenta. Y declaran esta calidad suya desta manera. En esto tercero grado de cari­dad violenta, ninguna cosa puede satis­facer, sino una; assi como en ninguna ha­lla sabor, sino por el amor de una, una ama, una apetece, por una está sebienta, y por una pena. A esta aspita, por esta gime, por esta se abrasa, y en esta descansa. En esta sola se recrea, y en esta solo se satisface ; ninguna cosa le es dulce, nin­guna sabrosa, si con esta no vá guisada. Qualquiera cosa que se le ofrezca qualquiera que se le ponga delante, con faci­lidad la arroja, y con brevedad la atropolla, sino conviene a este afecto, o sirve a este deseo. Y quando el alma todo otro amor excluye, y no ama sino este uno, o por este u, o, entonces ha subido el amor a este grado tercero, en que padece cier­ta violencia. Todo esto es destos Autores; res; y por ser este supremo grado de amor Seráfico un genero de martirio, es mártir de amor el que lo padece.

La gran perfección a que llega el al­ma en este grado, y quan alta pureza, in­troduce en ella esta pena ansiosa tan in­tensa, lo significo luego la misma Santa, diziendo: nEste tormento es tan sabro­so, y vé el alma que es de tanto precio, que ya lo quiere mas que todos los rega­los que solia tener, y a mi parecer no trocaria esta merced que el Señor me haze, por todas las que después diré. Estando yo a los principios con te­mor, me dixo el Señor: Que no te miesse, y que tuviesse en mas esta merced, que todas las que me avia hecho, que en esta pena se purifica el alma, como el oro en el crisol, para poder me­jor poner los esmaltes de sus dones, que le purgava alli lo que avia de estar en el purgatorio. Bien entendía yo que era gran merced, mas quedé con mayor se­guridad. ” Todo esto es de nuestra Santa.

CAPITULO XVIII. Que algunas almas contemplativas llegan a ser felizmente informadas a semejanza de la Suprema Ierarquia del Cielo.

Declarando el Venerable Hugo de S. Victor aquellas palabras de San Dionisio, que a los que siguen las orde­naciones de Dios los va su Magestad re­formando a semejança de su hermosura, y haziendolos imagines Divinas, y espe­jos ciariasimos receptivos de la luz pri­maria, a modo de cherubines y Serafi­nes, que la reciben de su misma Puente, que estos son iluminados inmediatamen­te de Dios, para que sean como caberas de Ierarquia, y guias de otros, y transfun­dan ellos la luz Divina, que copiosamente recibieron, al modo que los Angeles Superiores iluminan a los inferiores. Esto dize este gravissimo Autor, y es co­mo una excepción de la regla general, que los Angeles Superiores iluminan a los inferiores, y estos a nosotros. Y San­to Thomas pone por opinion corrien­te que aunque este orden está assentado de la bondad Divina, por particulares causas se altera, como también en las co­sas naturales se muda alguna vez el cur­so común por disposición Divina.

Supuesto pues que favorezca desta manera nuestro Señor a estas personas tan ilustradas, que las lebante a la Supre­ma Ierarquia de los Angeles, proporcio­na sus entendimientos a modo de Ange­les Superiores, para que puedan recibir la luz primera. Porque como esta luz es sencillissima y universalissima, no son proporcionados los entendimientos de los Angeles inferiores para recibirla, sino mas estrechada, por estar informa­dos mas a lo particular, y limitado. Pe­ro los superiores como tienen entendi­mientos mas capaces y proporcionados para recibir el conocimiento por for mas universales, reciben la ilumina­ción inmediatamente de Dios, y la pro­porcionan después con los entendimien­tos inferiores. Pues a este modo dize Hu­go, declarando al mismo proposito a S. Dionisio, que perficiona Dios estas al­mas que han de ser guias y cabeças de otros, informándolos aun en esta vida i modo de Angeles Superiores los enten­dimientos, para que sean muy capaces y universales, de manera que pueden reci­bir la iluminación Divina en su mismo origen, sin otro medio, como poniéndo­las desde el destierro en cierta manera en la possession del lugar que han de o cupar en la Patria. Porque aun en este tiempo dize Santo Thomas, que son al­gunas almas lebantadas a los ordenes Su­periores del cielo.

Desta felicidad gozo nuestra Ma­dre Santa Teresa, como ella lo significo en estas palabras: "Estando una vez en oración se començo a inflamar mucho mi alma, y vinome un arrobamiento de espíritu, de fuerte que yo no lo sé dezir. Parecióme estar metida y llena de aque­lla Magestad, que otras vezes he entendido, en esta Magestad se me dio a enten­der una verdad, que es cumplimiento de todas las verdades; no sé yo dezir co­mo, porque no vi nada. Dixeronme, sin ver quien, mas bien entendi ser la minuta verdad: No es poco esto que hago por ti, que es una de las cosas en que mucho me debes. Quedóme una verdad desta Divina verdad, que se me represento, sin saber como, ni qué, esculpida, que me haze tener un nuevo acatamiento a Dios, porque da noticia de su Magestad y po­der de una manera, que no se puede de­zir: se entender que es una gran cosa.”

En esta descripción que nuestra Maestra haze de la eficacia con que le imprimie­ron esta verdad en el entendimiento, sin ver nada, significo las propriedades que S. Dionisio refiere de la iluminación que los espíritus superiores reciben inme­diatamente de Dios, conviene a saber, que siendo la luz que les comunica mas clara y mas resplandeciente, como mas llegada a su Puente original, parece mas oculta por su pureza, sencillez, y univer­salidad, y con todo esso obra tanto mas efi­cazmente, quanto se recibe de Dios mas sin medio.

Declaro luego la mesma Santa, co­mo con esta verdad quedo unformado su entendimiento, a modo de Angel su­perior, diziendo: Entendí grandissimes verdades sobre esta verdad, mas que si muchos Letrados me lo huvieran enseñado. Esta ver­dad (que digo se me dio a entender) es en si mis­ma verdad, y es sin principio, ni fin, y todas las demas verdades dependen doste verdad, co­mo todos los demás amores deste amor, y todas las demás grandezas desta grandeza. Aunque esto va dicho obscuro, por la claridad con que el Señor quiso que a mi se me diesse a entender. Todas estas palabras de nuestra Maestra parece que son como una practica de las de Santo Thomas, en que refiere las ca­lidades del entendimiento de los Ange­les de la lerarquia superior; y particu­larmente este, que por una forma supe­rior conocen las inferiores, y mas eficaz­mente que los Angeles de las otras Ie rarqulas. Y pone el exemplo en el Arqui­tecto superior, que por una forma uni­versal de su Arte, conoce y dispone las obras y oficios de los oficiales inferió­las con mayor señorío y acierto. Y esto mismo le Bucedia desde entonces a nues­tra Maestra, que por aquella verdad universal, con que a modo de Angel supe­rior informaron su entendimiento, co­nocía las demas verdades, y con esta mis­ma quedo su entendimiento ennobleci­do para poder recibir inmediatamente de Dios las iluminaciones Divinas, y co­mo de cosa tan grande le hizo el Señor tan estrecho cargo, porque fue como darle en un instante la dignidad de Ché­rubin del cielo, con abundancia de sabi­duría Divina, de que tan felizmente quedo ilustrada.

Aviendole concedido su Magestad antes desto el grado de Doctora de la sabiduria mystica, que cuentra el Apóstol entre las gracias gratis datas, que repar­te el Espíritu Santo entre los fieles, y consiste, como Santo Thomas declara, en conocer en la contemplación estos misterios Divinos, y poderlos declarar a otros, y dosée entonces pudo declarar a sus Confessores los recibos sobrenatu­rales, que tenia en la oración, porque antes desto no podia, ni sabia declarar­los. Y aora con esta merced le dio otro grado mas lebantado desta misma sabi­duría, al modo de la Ierarquia suprema, con mayor plenitud dalla. Pero no solo informo al entendimiento a modo do Chérubin, mas también en la voluntad a modo de Serafín, como lo vimos en el capitulo passado, y la memoria a mo­do de Trono Celestial: de todas las qua les joyas la adorno para la celebración del matrimonio espiritual ázia donde vamos caminando.

Desta dignidad misteriosa de su me­moria, con que fue hecha Trono Divi­no, nos dá ella noticia por estas pala­bras: "Estando una noche en oración fue tan arrebatado mi espíritu, que ca­si me pareció que estava del todo fuera del cuerpo, alómenos no se entiende que vivé en él. Vi a la humanidad Sacratissima con mas excessiva gloria, que jamás la avia visto. Representoseme por una noticia admirable y clara estar metida en los pechos del Padre, y esto no sabré yo dezir como es, porque sin ver, me pareció que me vi presente de aquella Divinidad. Quede tan espanta­da, y de tal manera, que me parece passaron algunos días; que no podia tor­nar en ml, y siempre parecía traia presente aquella Magestad del Hijo de Dios, que queda tan esculpida en la memoria, que no la ptiedo quitar de mi, que ec harto consuelo, y aprovechamiento. A mi parecer es asta vision la mas su­bida, que el Señor me ha hecho mer­ced que vea. Pareceme que purifica en gran manera el alma, y quita la fuer­za casi del todo a esta nuestra sensua­lidad» Y es una llama grande, que pa­rece que abrasa, y aniquila todos los deseos de la vida. Queda imprimido un acatamiento, que no sabre yo dezir como, mas es muy diferente do lo que acá podemos adquirir. Quando yo me llegava a comulgar, y me acor dava de aquella Magestad grandissima qué avia visto, y mirava que era el que estava en el Santissimo Sacramen­to, los cabellos se me espeluzavan, y to­da parecía, me aniquilava.|

Desta manera describe nuestra gran Doctora esta vision con que hizo el Señor a su memoria Trono de su gran­deza, a semejança de los Tronos Celes­tiales, y assi le assienta muy bien el nom­bre de Delfera, que San Dionisio le dà. porque lleva en si a Dios, y ele los aprovechamientos que con esto sentía, ge verifica bien lo que dize el mÍsmo Pan Dionisiodestas visiones intelectua­les acerca del Criador, de quan mejo­rada en esta perfección dexan al alma, y reducida a Dios, particularmente quando son tan subidas co­mo estas»






Libro tercero de la entrada en el Parayao Espiritual : donde se trata de la union habitual, y Espiritual matri­monio.

CAPITULO I. Del estado de union habitual, donde el alma es admitida al Parayso interior, que està dentro della.

De los capitulos passados, donde se trato del holocausto de amor, podemos aver entendido, como en el apuran al alma contemplativa intensamente, para que consumidas ya en ella todas 420 las dessemejanças adquiridas, y naturales, pueda entrar en la blancura y perfeccion habitual del alma con Dios, que llaman los mysticos estado de matrimonio espiritual, y la cumbre de la perfection de la vida de destierro, en participacion de la felicidad de la Patria. Y aora declararemos la substancia deste estado, y como entra el alma en la rica possession del. Para lo qual se ha de advertir lo que dize San Gregorio, que aviendo do criado Dios al hombre para que dentro de si mismo, como en un Parayso Espiritual buscasse siempre la presencia y hermosura de su Criador, en fee muy ilustrada, y habitasse en la suavidad y fortaleza de su amor, avia sido por la culpa echado deste Parayso Espiritual, como tambien del terreno, y condenado a andar por caminos tenebrosos mendigando por medio de los sentidos y potencias el conocimiento de Dios por el de las criaturas, apartado de la habitacion de la verdadera luz, y las potencias desterradas de la morada de su centra y essencia, donde Dios igualmento habita en los quo estàn en gracia, y donde en el estado de la primera innocencia gozavan los ojos intelectuales en sabor y alegria celestial deste Espiritual Parayso, como los corporales del terreno y material.

Para restauration deste patrimonio antiguo del Adan primero, vino al mundo el Adan segundo, que es Christo N. Señor, el qual nos merecio la gracia con que se và reparando, y con alla và des-nudando al alma de las imperfecciones y desemejanças procedidas del hombre viejo, para vestirla de la semejança, y de los resplandores del hombre nuevo a la qual reformacion llamo el Apostol Configuracion de nuestra humildad en esta claridad de Christo. Para lo quai, como ya vimos de la doctrina de Santo Thomas, dos efectos principales haze la gracia en el alma. El primero, perficionarla en si misma, quanto al ser espiritual, vis-tiendo la essencia y naturaleza della de la misma gracia, como forma Divina para hazer la semejante a Dios. El segundo efecto es perficionarla, quanto a las potencias, con las virtudes y dones infusos, que proceden de la gracia para la perfeccion de sus actos, particularmente del conocimiento y amor; por esta semejança Divina, que la gracia imprime en la essencla del alma, queda allí partici­pando de fea misma naturaleza de Dios, a modo de una nueva regeneración, por la qual muere a la imperfección del hombre viejo para vivir en Christo, se­gún la perfección de sus virtudes, y por la perfecta obediencia, y conformidad con su Divina voluntad, ser restituido en el patrimonio antiguo, de que fue excluido por su inobediencia el Adan terreno, y nos le mereció el Adan Celes­tial obedeciendo hasta la muerte.

Pues al passo que la gracia va despo­jando la essencla del alma de la forma antigua, è imperfecta, introduciendo en ella esta forma nueva y Divina; assi mismo va hazlendo lugar a Dios, para que mas estrechamente se una con ella,

Y como en los aumentos de gracia se vá caminando de los grados menos perfe­ctos a los mas perfectos, según queda declarado en otra parte, assl también en los grados de union con estos aumentos de gracia. Y como la essencla del alma se vá perflclonando mas con la forma Divina universal, que la gracia vá in­troduciendo en ella, como en sugeto 423 que recibe; assi se van perficionando tambien las potencias con las formas particulares de dones y virtudes, que de la gracia emanan a ellas, de la manera que aumentandose el resplandor del cuerpo luminoso, se aumenta tambien el de los rayos que del proceden.

Y aunque en todos los estados se và introduciendo esta blancura y semejança Divina en el alma, que sabe disponerse para los recibos de la gracia, mucho mas despues que entra en la fragua del amor Serafico, que por esso le llama San Dionisio Fuego Celestial, por dos semejanças que tiene con el fuego de la tierra. La una, que imprimiendo su semejança en la cosa que embiste, la inflama y transforma en si. Y la otra, que esta forma y semejança suya penetra toda la cosa que embiste, inflamando hasta lo mas intimo della. Y otro tanto haze este fuego Celestial en el alma que inflama, que la transforma en Dios, è imprime en ella su Divina semejança hasta lo mas intimo della. Embestida pues el alma deste fuego Celestial, và consumiendo en ella, ya a lo penoso, ya a lo ansioso, ya a lo gozoso todo el orin de sus imperfecciones 424, y las desemejanças de Dios, y vistiendola de una blancura de la luz eterna del Hijo de Dios por amor y semejança. Y para perficionar y ordenar este amor fue introducida la voluntad en esta bodega de los vinos misticos, que es el Parayso Espiritual, donde alla sola llego hasta el Talamo del Esposo Celestial, quedandose las demàs potencias a la puerta, como en su lugar declaramos, y alli la unio consigo para perficionarla en su amor.

Introducida pues el alma en el estado de union, y caminando por él entre tantos favores como en èl recibe del Esposo Divino, la va divinizando mas, y lebantandola a mayor blancura de su semejança, para unirla consigo mas estrechamente, como lo avemos visto en los raptos passados. Y porque para entrar en el estado de union habitual, que es una semejança del estado de la innocencia, de que gozo Adan antes del pecado, ha de tener el alma una blancura y pureza, que sea muy semejante a la gracia original, en que Adan fue criado, la meten en el ultimo crisol intenso y penetrativo, de que ya se trato, que llama San Dionisio 425 holocausto purgativo, no de las imperfecciones, sino del mismo fuego. Porque aunque el fuego material, que purga todas las rosas, no tiene otro fuego de su genero, que le purifique a èl, el fuego espiritual si. Porque como es influencia del fuego Divino increado de infinita virtud, una influencia del mas eficaz, purga lo que purifico otra menos eficaz, lebantandola a la mas subida blancura, de la manera que la iluminacion Divina purga a los Angeles del afecto del entendimiento, que llaman nesciencia, introduciendo en ellos mas perfecta ciencia.

Desde crisol y holocausto celestial sale el alma ya del todo renovada, y como reengendrada a lo Divino en una altissima participacion de la naturaleza Divina, por media de la gracia y virtudes infusas, intensamente arraygadas en ella, con que ya queda vestida de una subida blancura y Divina semejança, para ser introducidas no solo la voluntad, sino tambien las potencias espirituales en el Talamo del Esposo, y en el estado de union habitual, toda el alma donde se celebran las bodas dente Divino matri426monio, y en ella es revestida de la possession del Parayso interior, de que fue desterrado el primer hombre por la culpa para que de alli adelante dexe de andar por caminos tenebrosos, mendigando el conocimiento de su Criador, y habiten en la morada de la verdadera luz en el centro de su alma, donde Dios tiene su habitacion en ella, y alli gozen de la suavidad de su conocimiento y amor en comunicacion familiar y estrecha, y del Reyno de Dios, que està dentro de nosotros mismos, que es justicia, paz y gozo en el Eapiritu Santo.

CAPITULO II. Como entendieron los Santos y Maestros sabios esta union habitual del alma con Dios.

Desta union habitual del alma contemplativa con su Criador, donde se celebra el matrimonio espiritual, trata Santo Thomas en diferentes partes de sus libros. En uno de los quales la llamo union permaneciente, y no de passo, en que el alma queda uniad a Dios, no 427 como huesped que passa de camino, sino como morador de assiento. Y pruebalo con aquel luger de la Esposa en los Cantares, que despues de largos trabajos que avia passado en busvar a su Esposo, dize: Hallè al que ama mi alma, abraçaré me con èl, y no le soltarè. En otra parte pone dos uniones del que ama en el amado, uno afectiva, de que ya hemos tratado, que consiste en la conformidad y union de los afectos. Y otra real, que pide la presencia del amado, y esta es la que toca a este luger, y declara un Autor Escolastico muy docto desta manera: "Por la gracia y caridad se assienta entre Dios, y el hombre una perfecta amistad, y la amistad de suyo pide union entre los amigos, no solo por conformidad de los afectos, sino tambien en quanta es possible, por union y presencia inseparable.

De donde viene, que la amistad perfectissima, y principalmente la espiritua y Divina, de su naturaleza pide intima presencia de Dios en el hombre, que desta manera eligio por amigo, conviene a saber, por real assistencia dentro del mismo, en virtud de semejante amis 428tad; y porque este union no es del todo entre iguales, sino con debida proporcion, por esso por virtud della mora Dias en el hombre, como Protector y Governador suyo, del qual toma Dios el cuidado y govierno, no solo por el titulo de su providencia general, sino tambien por titulo particular de amistad. Finalmente, porque en esta amistad siempre se ha de tener consideracion a la Magestad Divina, aunque mora Dios en el hombre, como en amigo con quien està unido intimamente: « Pero esto para ser adorado, y servido con suma reverencia y veneracion como Señor, y juntamente amigo, y por esto reside en èl presencialmente, como en Templo suyo vivo y animado, al qual adorna y apareja con sus dones criados, para ser en èl desta manera venerado? » Y este modo de presencia y habitacion significan en muchos lugares las Divines letras." Todo esto es deste Autor, y entrambas estas dos uniones dize Santo Thomas, que son efectos del amor, aunque de diferente manera.

Porque la union reale en que el alma goza la presencia del amado, la haze el amer efectivamente, porque siempre 429 esta moviendo al que ama a desear y buscar la presencia del amado, y la union de afecto, la haze la union formalmente, porque el mismo amor es esta union, y el nudo y vinculo con que se unen y juntan los afectos de los que assi se aman. Pero no qualquiera amor, sino el que procede de habito perfecto de caridad, porque entonces el amor se apodera mas del alma, y alcança mayor vitoria della. Esto es de Santo Thomas.

Pues quando la gracia habitual està intensamente arraygada en la essencia del alma, del todo penetrada della, queda la misma alma como reengendrada a lo Divino en una semejança y participacion grande de la naturaleza Divina. Y como las cosas semejantes se inclinan a unirse entre si por participacion de una misma forma y ser, como una misma cosa en ella, en estando desta manera penetrada, y divinizada la naturaleza del alma, la une Dios habitualmente consigo, y le dà facultad para gozar, no solo de sus dones, mas tambien de la misma persona Divina, que se los concede, y tanto mas favorablemente, quanto la gracia mas apoderada està del alma. 4s0

Porque la gracia es la que dispone y perficiona para esta union, y para gozar de la persona Divina, con quien esta unida. Todo esto es de Santo Thomas. Y quando la essencia del alma està desta manera unida intimamente a Dios por medio de la gracia, esta siempre solicitando las potencias, para que actualmente se unan tambien con Dios, y entonces se junta la union actuel con la habitual, y la afectiva con la real.

Es tan alto el estado desta union habitual, y obra de la gracia tan remontada de todo el caudal de la naturaleza, que estando aun el alma en el destierro, và como tocando los fines de la Patria; porque como la naturaleza inferior con la suprema operacion toca lo infimo de la naturaleza superior, y participa della, gozava el alma en este dichoso estado unas como primicias de la vida de los bienaventurados, y una felicissima participacion de la contemplacion de los Angeles por lo qual San Buenaventura en el opusculo que hizo de los siete grados de contemplacion; y nuestra Santa Madre Teresa de Iesus por toda la septima de sus moradas, apartando 4s1 este estado de todos los demàs de la alma contemplativa, le dan grado aparte, que es de septimo y ultimo de la escala mistica. Pues con estas mercedes ya referidas, y con otras que haze Dios a las almas en este estado de union, como ya a esposas suyas las và transformando del todo en su amor, en la qual transformacion consiste la union habitual del alma con su Divino Esposo. Para cuya declaracion nos acordemos de lo que en otra parte diximos, que avia tres maneras de union, una actual, de que hasta aqui avemos tratado, y otra habitual, de que trataremos en este capit. y otra actual y habitual juntamente, de que tratarèmos despues desta. La union habitual es, quando despues del acto de union, donde de Dios viendo a esta Palomita del alma enamorada, que arida volando por los ayres del amor sobre todas las aguas del diluvio, de tantas fatigas y ansias como por el padecia, se apiado della, y estendiendo la mano de su misericordia la recogio y metio en el arca de su caridad y amor, para que alli descanse. Y despues de tantas mercedes y favores, como en el estado de desposorios espirituales (de que ave4s2mos hasta aqui tratado) le hizo con aquel adorno, y enriquecio como a Esposa suya; y aviendo ya dexado la pluma vieja de su natural imperfecto, la renovaron como a Aguila generosa con la pluma Divina de los habitos infusos, arraygados ya intensamente en toda el alma, y hechosa semejante a Dios, como vestida de una Divina forma altissima, con la qual ha entrado ya en estado de total transformacion, que es la disposicion ultima para celebrar con alla el matrimonio espiritual. Pues quando esta ya desta manera transformada, passa a estado de union habitual, adonde no vive ella ya en si, sino en Dios, y Dios vive en ella, y se hazen entrambos un mismo espiritu, por transformacion de amor.

Desta union habitual trata S. Dionisio, debaxo de nombre de extasis Divina, que es transformacion en Dios, y trae por exemplo della al Apostol S. Pablo, que por virtud del amor Divino (que tiene por oficio transformar en si las almas) estava tan unido y transformado en Christo, que dezia: Vivo yo, ya no yo, sino vive Christo en mi. Y assi, segun la doctrina deste Santo, no es otra cosa 4s5 union habitual, sino un extasis continuada del alma en Dios. Desta misma trata Santo Thomas en diferentes partes de sus obras. En una dize, que este no era union superficial, sino union de dos cosas una, como la union de forma del que axis. Todo esto es de Santo Thomas. Y siempre se ha de entender segun lo que dize en otra parte, que esta es union de afectos, y no de essencias. En otro lugar la llamo union de eleccion, donde venia Dios al alma no solo llamado como en la contemplacion ordinaria donde le llamamos, para que nos infunda la caridad con que nos avemos de unir con èl, sino tambien viene elegido, porque como ha recibido ya el alma esta caridad, viene ya Dios a ella, como a heredad propria de assiento, y sin contradicion, sino eligido por todos los deseos y fuerças del alma, porque como transformada ya en al, todas han concordado en esta eleccion. Y con esta concordia reposan todas dulcemente en al. En otra parte la llamo union transcendiente, porque unia al alma con Dios, a la criatura con su Criador, y lo finito con 4s4 lo infinito, transcendiendo toda la facultad del arte y de la naturaleza; y esto no poniendo solamente el pie en el grado de union, como en los primeras actos della, sino fixandolo de assiento, y quedandose el alma unida a Dios, no como huesped de passa, sino como morador de assiento, y perpetuo. En otra parte declaro esto mismo por la semejança de la luz del Sol, porque ya en esta union habitual no recibe solamente el alma en si esta luz divina, como los cuerpos disfanos y claros, que se unen con los rayos del Sol mientras estan presentes; como el alma con los del Sol Divino en la union actual, y apartandose el Sol, cessa la iluminacion, sino tambien recibe la luz, reteniendola habitualmente como el diamante, y las demàs piedras preciosas retienen en si la claridad que del Sol recibieron, aunque resplandecen mas quando de nuevo son ilustradas con claridad actual, como tambien sucede en la union habitual, como adelante declararemos. Por todos los quales caminos nos declara este gran Maestro de la Sabiduria mistica, y Escolastica esta union habitual en estado de transformacion. Desta unión 4s5 habitual trato nuestro Venerable Padre Fray Iuan de la Cruz en diferentes lugares de sus escritos, particularmente en aquellos dos tratados que hizo de doctrina mistica, tan alta y tan profunda de la union del alma con Dios, en el uno de los quales (aprovechandose del libro de los Cantares) declaro este estado de desposorios espirituales, y disposiciones transformativas del alma en Dios. Y en el otro que comiença, “O llama de amor viva”, trato desta transformacion en amor mas calificado de matrimonio espiritual, la qual diferencia declaro por una comparacion muy a este proposito, diziendo; que el estado primero de union es como la del fuego unido con el madero, que no le ha aun acabado de transformar en si, aunque le và convirtiendo en ascua; pero el estado de matrimonio espiritual es de union del todo transformada, como el madero ya hecho todo ascua, y transformado en fuego: que asi lo esta en este estado el alma en el fuego de amor Divino, hecha ya habitualmente una cosa con èl quanto al afecto, conservando su naturaleza, nunque ilustrada, como la del hierro se conserva en el 4s6 fuego, aun quando està hecha ascua. Y aunque las disposiciones para esta union y transformacion son las que avemos declarado en los capitulas passados; y como se va mas transformando el alma por media destas disposiciones, y de la mayor intension de los habitos infusos en ella se va mas uniendo con Dios. Con todo esso suele nuestro Señor perficionar esta union habitual en el alma, è introducirla en ella con alguna particular merced; porque como declaro Santo Thomas, ay algunas operaciones en las cosas espirituales, que aunque Dios es principal agente en ellas, piden que aya cierto concurso de quien las recibe, para que la comunicacion sea corresponsdiente. Y deste genero es la union actual, donde se celebran los desposorios Divinos, y la actual, y habitual juntamente, donde se celebra el matrimonio espiritual del alma con Dios, en que conviene que aya consentimiento, y concurrencia de entrambas partes, y tambien particular solemnidad y siesta. Por lo qual el Esposo Divino, como es el Señor desta solemnidad, haze en estos grados tan altos alguna gran merced al alma, que 4s7 sirva de despertarla de nuevo en su amor, y en el deseo de celebrar estas bodas, y juntamente de solemnidad y fiesta dellas. Y lo mismo hallamos, quando el alma es introducida en el dichoso estado de union habitual, donde este matrimonio se ha de celebrar, de lo qual nos darà clara noticia la fiel experiencia de nuestra Maestra en el capitulo siguiente.

CAPITULO III. Como en este estado de union habitual es introducida el alma en el parayso espiritual, donde Dios reside en ella.

Caminando pues de tan noble causa a su efecto, y resumiendo toda esta doctrina mistica y Escolastica de Santos quando ha Ilegado ya el alma con todos los cauterios Divinos, que es han tocado, a estar tocada y divinizada segun el grado de semejança Divina, que pide esta union estrecha y continuada, y alcançando tan alta blancura y pureza, que en cierta manera se parezca a la que dava a Adan la justicia original en el primer estado, con tan gran reformación de potencias y sentidos (que toda esta 4s8 republica interior se puede ya llamar ciudad fiel, y habitacion del justo, como a este proposito lo dixo Isaias en el lugar otras vezes referido) la admite el Esposo Divino al redo supremo de la perfeccion y felicidad desta vida por camino de contemplacion, que es de matrimonio espiritual, y le dà como en arrasdel, potestad de gozarle con union, familiaridad, y continuacion, no ya en el techo de la casa, como en las elevaciones passadas, sino en su Camara Real, que llamo S. Dionisio Casa de la Sabiduria; y los misticos, Talamo del Esposo; y nuestra gran Doctora septima morada, que es el centro del alma, donde Dios tiene su Trono Real en alla, y restituye la llave del Parayso Espiritual, de que Adan avia sido excluido por el pecado, para que no solo la voluntad, como en la union passada, mas tambien la memoria y entendimiento purgado ya de las lagañias, è imperfecciones (que como declaro San Dionisio, le tenian antes enfermo, y escurecido para poder mirar los resplandores Divinos sin pestañear, ni quedar deslumbrado) puedan ya entrar en este Divino Parayso, y habitacion de 4s9 la verdadora luz y gozar alli de Dios, y descansar en èl suavemente, como en el centro de su felicidad, segun puede gozar deste bien en esta vida. Con lo qual le abre la puerta de su comunicacion familiar, y se la dexa franca, para que pueda entrar a regalarse con èl en este jardin de sus deleytes a todas horas, donde esté siempre la mesa puesta de manjares Divinos, y combinando con ello la Divina Sabiduria, como ella misma lo dize.

Desde feliz estado trata muy de proposito la experiencia ilustrada de maestro Venerable Padre Fray Iuan de la Cruz, declarando la semejança que ay entre èl y el que tuvo Adan antes del pecado. Y como en èl toda la parte sensible està rendida al espiritu, sin impedirle como antes, sino acudiendo a su paz y suavidad en Dios para ser governado del en todas sus acciones. Y en esta entrada al parayso de los deleytes de Dios, vestido de tan feliz blancura, la compara a la Paloma que salio del Arca de Noe, y bolvio despues a ella con el raino de olives. Porque assi esta alma que salio de la Omnipotencia de Dios en su creacion, despues de vaer andado por las aguas del 440 diluvio de pecados y trabajos desta vida, buele al Arca del pecho de su Criador, con blancura semejante a la de su creacion, y con señales de misericordia, que ha usedo Dios con ella en darle victoria de sus imperfecciones. Pero mas en particular trata nuestre ilustradissima Maestra desta entrada al Parayso Espiritual, y de la vida que alli hazia, y assi lo declara mas con su experiencia, porque en esta septima morada nos dexo tan alta luz Divina, que deslumbra los entendimientos mas profundos, è ilustrados.

Dize pues a nuestro proposito estas palabras: "Quando nuestro Señor es servido de apiadarse de lo que padece, y ha padecido por su deseo esta alma, que ya espiritualmenta ha tomado por Esposa, primero que se consuma el matrimonio espiritual, metela en su morada, que es esta septima; porque assi como la tiene en el cielo, debe tener en el alma una estancia adonde solo su Magestad mora, digamos otro cielo: pues quando es servido de hazerle la merced dicha de su Divino matrimonio, primero la mete en su morada, y quiere su Magestad no sea como otras vezes, que la ha metido 441 en estos arrobamientos, que yo bien creo que la une consigo entonces, y en la oracion que queda dicha de union, aunque alli no parece al alma que es llamada de Dios para entrer en su centro, como aqui en esta morada, sino a la parte superior. Pero en esto và poco, sea de una manera o de otra; lo que haze al caso es, que alli el Senor la junta consigo mas, haziendola ciega y muda, como lo quedo San Pablo en su conversion, y quitandole el sentir, como, o de que manera es aquella merced que goza. Porque el gran deleyte que entonces siente el alma, es quando se vè acercar a Dios: mas quando la junta consigo, ninguna cosa entiende, que las potencias todas se pierden.

Aqui es de otra manera, que quiere ya nuestro buen Dios quitarle las escamas de los ojos, para que vea y entienda algo de la merced que le haza, aunque es por una manera estraña y metida en aquella morada por vision intelectual por cierta manera de representacion de la verdad, se le muestra la Santissima Trinidad todas tres Personas con una inflamacion que primero viene a su espiritu, a manera de una nube de gran442dissima claridad. Y estas tres Personas distintas, y por una noticia admirable que se dà al alma, entiende con gran verdad dad ser todas tres Personas una substancia, y un poder, y un saber, y un solo Dios. De manera, que lo que tenemos por Fè, alli lo entiende al alma, podemos decir como por vista, aunque no es con los ojos corporales esta vista, porque no es vision imaginaria. Aqui se le comunican todas tres Personas, y la hablan, y la dan a entender aquellas palabras que dize el Evangelio, que dixo el Señor que vendria El, y el Padre, y el Espiritu Santo a morar en el alma, que le ama y guarda sus mandamientos. O, val game Dios, quan diferente cosa es oir estas palabras, y creerlas, o entender por esta manera quan verdadaras son." Todas estas son palabras de nuestra Santa, y en ellas, como tan llenas de altissima Sabiduria mistica nos daclara a lo experimental, y como a vista de ojos, la entrada de todas las potencias al Parayso Espiritual, y casa de Sabiduria. Assimismo nos declara que no solo es la restitución en el patrimonio original, que perdió Adan, mas tambien en la contemplación 44s Divina, de que gozava dentro deste Parayso Espiritual, que como dize Santo Thomas, era une luz subidissima, y como semejança expressa de la luz increada. Porque a este modo le comunicaron a nuestra Santa el misterio de la Santissima Triuldad en esta vision por semejanças intelectuales, expressas y distintas de las tres Personas Divinas. Y deste genero dize el mismo Santo que era la contemplacion de los Angeles viadores antes de ser glorificados, los quales por le luz de su naturaleza, que es semejança expresse de la luz increada, contemplavan a Dios. A este conocimiento de semejanças expressas llaman los Autores misticos la iluminacion del tercero, y mas lebantado grado del don de Sabiduria, por el qual llega el alma contemplativa, aun en el destierro, a ser Secretaria y Consejera de Dios, como sabidora de sus secretos y altos consejos.

Para que este conocimiento tan lebantado, que aqui dieron a nuestra Santa, quede mas entendido; aeordemonos de lo que Santo Thomas nos dixo en otra parte, que lo que la Fé sencilla representava al entendimiento de los 444 misterios Divinos, como embuelto en escuridad, lo desembolvia en cierta manera la iluminacion del don de Sabiduria en la contemplacion endiosada. Porque esto mismo es lo que hizo aqui este nube clarissima, que venia delante, y juntamente iluminava al entendimiento, inflamava a la voluntad en esta vida, a modo de nube proporcionada con la Fè; y en la otra a modo de Sol, proporcionado con la vista clara de Dios. De manera, que lo que la Fè tenia en el entendimiento de nuestra Santa, como embuelto en ascuridad del misterio de la Trinidad Beatissima, lo desembolvio un poco, quanto se compadecia con el acto de Fè, representado solo por semejanças distintas, y expressadas de las tres Personas Divinas. Porque como declaro en otra parte el mismo Santo, es calidad de la semejança expressa, que expresse algo de lo particular del misterio que representa, lo qual es proprio de los Bienaventurados; Porque aunque nos dize la Fè, que Dios as hermosura infinita no podemos en particular saber como es essa hermosura, la qual von allà cara a cara los Bienaventurados. Pues quando nos la represanta la Fè ilustrada del don de Sabiduria, con alguna semejança expressa, aunque no nos la muestra al descubierto, nos imprime el conocimiento della con unos resplandores de Divinidad, que haze el entendimiento altissimo concepto della sobre el modo comun de entender. Los quales resplandores significa San Dionisio quando tratando destas semejanças tan Divinas dixo, que de tel manera se proporcionavan con el entendimiento del hombre, que conservavan la decencia que se les devia por representar a Dios. Y en otra parte los llama inefables, y que como a proprios de Angeles a solos aquellos se conceden, que en la contemplacion y en la pureza se assemejan a los Angeles.

Prosiguiendo nuestra Deifica Doctora esta vision Divina, declara la unión habitual que en ella le concedieron, a cuyo proposito dize assi: Cada dia se espanta mas esta alma en una cosa muy honda, que no sabe dezir como es, y siente en si esta Divina compañia, en faltando las ocupaciones se queda con ella agradablemente. Y si no falta el alma a Dios, el jamàs faltarà, a mi parecer, de darle a conocer tan notoriamente su presencia. En las quales palabras no solo declara esta union habitual del alma con Dios, mas tambien por virtud della, no solo le dan facultad para gozar de los dones Divinos, mas tambien del Autor dellos, pues tan a lo conocido de Fè ilustradissima gozava de la agradable compaña de las tres Personas Divinas en el hondo centro de su alma.

A nuestro Venerable Padre su compañero tambien le hizieron semejante merced en esta entrada del Parayso Espiritual, aunque de diferente misterio, porque le comunicaron el conocimiento distinto y endiosado de la essencia Divina, con muchas de las perfecciones de Dios por medio destas semejanças expressas, que San Dionisio llama instables y desconocidas de nosotros, y proprias de Angeles, de que èl mismo nos dà noticia experimental debaxo de nombres de lamperas de fuego, por el efecto que hazia en su alma el conocimiento ilustrado de las Divinas perfecciones; y a este proposito dite assi: "Grandemente te es menester en esta cancion el favor de Dios, para declarar a los que no tie 447nen experiencia, lo que en ella se trata de las grandes mercedes que en esta unión haze el Esposo al alma son tan subidas noticias, como le da de si mismo, con las quales son alumbradas y enamoradas las potencias, y suponiendo para su declaracion, que las lamperas tienen dos propriedades que son lucir y arder, se ha de saber, que Dios en su unico y simple ser es todas las virtudes y grandezas de sus atributos, porque es Omnipotente, Sabio, Bueno, Misericordioso, Iusto, Fuerte, Amoroso, y otros atributos y virtudes, que del no conocemos aca. Y siendo èl todas las cosas, estando unido con el alma, quando èl tiene por bien de descubrirsele, en muy particular noticia, echa ella de ver en èl estas virtudes y grandezas todas en unico y simple ser, perfecta y profundamente conocidas, segun se compadece con la Fè. Y como cada una dellas sea el mismo ser de Dios; y siendo Dios infinita luz, à infinito fuego Divino, de aqui es que en cada uno destos atributos luzga y arda como verdadero Dios. Y assi segun estas noticias que el alma alli tiene de Dios conocidas en unidad, le es el mismo 448 Dios muchas lamparas, pues de cada una tiene noticia, y le dan calor de amor, cada una en su manera, y todas ellas en un simple ser. Y assi Dios le es al alma en esta alta comunicacion, que a mi ver es de las mayores, que le puede hazer en esta vida, innumerables lamparas, que le dan luz, y amor. Estas lamparas lucieron a Moyses en el monte Sinai, donde pasando Dios delante del apresuradamente, se prostro en tierra, y dixo a vozes algunas grandezas de las que el vio, amandole segun aquellas cosas que avia visto. Desta manera declara nuestro Maestro esta comunicacion Divine tan subida. Y en materia de semejanças distintas se ha de advertir que las negamos en el conocimiento natural, porque figurando à nuestro modo humano las perfecciones Divinas, las humillamos y apocamos. Y en el conocimiento sobrenatural como lebantan el entendimiento sobre su modo humano y grosero, quanto mas distintas y expressas son las semejanças, tanto es mas alto el conocimiento.

CAPITULO IV. Quando concurren juntas la union actual, y la habitual, y la diferencia que ay entre assistir a Dios las potencias, o estar unidas con èl.

Quando nuestro Senor lebenta al alma a la possession del Parayso Espiritual, y al estado felicissimo de la union habitual, le haze merced de unirla estrechamente consigo, no solo según su essencia, mas tanbien segun sus potencias, quedando por entonces unida el alma con Dios actuel y habitualmente en altissima comunicacion y noticia del Esposo Divino, con quien ha de celebrar el matrimonio espiritual. Pero fuera de esta ocasion, y de otras que el mismo Se­ñor con particular iluminación une actualmente las potencias, aunque co­mo los Angeles superiores assiaten a Dios en aquel Sagrado Templo suyo del centro del alma, y casa de la Sabidu­ría, que él edificio para si, y la adorno tan a lo Divino, no siempre están unidas pero gozan de ordinario de favorable ilustracion, y elevación de espíritu; porque como están ya dentro de la bodega de los vinos místicos, aunque no se cobriagan, como quando actualmente están unidas, al fin beben deste vino celestial, y como dise nuestra ilustrad!ssima Do­ctora, siempre que las potencias se des­ocupan de las cosas exteriores, y aplican toda la intensión del animo & lo interior, para ocuparse todas en Dios, gozan allí de la favorable compañía que las tres Personas Divinas le hazen, de manera, que siente el alma su aliento y amparo, y los efectos suavlssirnos de su comunica­ción intima; porque como dise Santo Thomas, es proprio de la naturaleza de la union, que las cosas entre si unidas participen las unas de los bienes de las otras.

Esta diferencia de quando las po­tencias están unidas, o assistantes a Dios dentro del centro del alma, declaro nues­tra Maestra desta manera: nEl traer esta presencia de las tres Personas Divinas, entiéndese que no están enteramente, (digo con tanta claridad) como se le ma­nifiesta la primera vez, y otras algunas que quiere Dios hazerle este regaso. Porque si este fuesse, es impossible enten­der en otra cosa alguna, ni aun vivir en­tre la gente; mas aunque no es con tanta luz, siempre que advierte se halla con esta compañía. Digamos aora: Si una persona estuviesse con otras en una pla­ça muy clara, y cerraesen las ventanas, y se quedassen a escuras, no porque se qui­to la luz, para verlas, dexa de entender que están allí. Es de preguntar, si está en su mano el abrir la ventana para tornar­las a ver quando quisiere? Esso no, si­no quando nuestro Señor quiere abrir el entendimiento: harta misericordia le haza en nunca Irse de con ella, y querer lo entendía con tanta certeza." De las quales palabras queda conocido, que esta union habitual del alma con Dios, y la aseistencia que las potencias le hazen en el centro della, no causa enegenacion, como la union actual dellas, ni impide al alma para poder acudir a las cosas ex­teriores, como tampoco impedía al A postol San Pablo, antes la habilita mas para ellas. Y a este proposito dixo la mis­ma Santa poco antes: Pareceros ha según esto, que no anda en si el alma, sino tan embebi­da, que no puede entender en nada. Anda en si mucho mas que antes en todo lo que ee servido de Dios, y en faltando las ocupaciones se que­da oon aquella agradable compañía.

Destas dos maneras de union habi­tual y actual trata también nuestro Ve­nerable Padre Fray luán de la Cruz, en conformidad de su ilustrada compañera, porque entrambos bebían esta Sabi­duría en una misma Fuente; y a nuestro proposito dize assi: Aunque en este estado de matrimonio espiritual, después que Dios la puso en él, siempre está el alma unida con Dios según la sustancia della, no empero está siem­pre en actual union según sus potencias; pero en esta union de la sustancia del alma muy frequentemente se unen también sus poten­cias, y beben en esta bodega el entendimiento entendiendo, la voluntad amando, y la memo­ria ilustrándose con noticias, y sentimientos Divinos; pero estar en continua union de las potencias, no es según el estado desta vida. Esto dize nuestro Venerable Padre. Y la razón nos dio Santo Thomas en otra parte, diziendo; que como el amor es el que so­licita estas dos uniones, esta siempre mo­viendo al alma transformada en Dios al deseo del amado, y a buscar su presen­cia para unlree con él. Y como anda tambien dispuesta para esto, con facilidad prende el fuego actual» como en la vela reden muerta» que todavía esta humean­do» que es comparación de que uso San­to Thomas a este proposito.

Y es proprîeâad del amor, donde haze de veras assiento querer siempre recibir nuevas prendas, y experiencias amorosas de la persona amada, y andar­se saboreando en sus memorias. A cuyo proposito dize San Lorenço Iustiniano: El amor muy encendido siempre está meditando cosas nuevas, y componien­do las no acostumbradas; porque como abunda el deseo, no puede sufrir dexar de pensar como amara mas ardientemen­te, como posseera mas fuertemente, y como conversará mas fácilmente. Pon­dera también el mismo Santo la ossadía que en este estado dà el amor al alma pa­ra esta comunicación familiar con su Dios, diziendo: "Aunque el alma estu­viera mas pura y santa, no se atreviera a llegarse al Verbo Eterno Hijo de Dios, para comunicarle con tanta familiari­dad, y vencer al invencible con impor­tunos ruegos, si el amor no le diera esta licencia. Porque el amor vehemente, assi como no repugna à la indignidad, assi tampoco deroga a la Magestad, y haze igualas en unidad de espiritu a los que desiguala la naturaleza. Porque en la confederacion de amor, ni la baxeza se encoge de la Magestad, ni la Magestad se desdeña, ni estraña de la baxeza, la quel se lebanta por el amor, quando vo­luntariamente es elegida. » Desta mane­ra declara este Santo la igualdad que assienta el amor esforçado entre los que se aman, y de donde procede la ossadia confiada con que el alma transformada en Dios le comunica en este estado tan privilegiado y favorecido.

CAPITULO V. De la celebración misteriosa del matrimonio espiritual, con personal asistencía del Esposo Divino.

Pide tan alta disposición la celebración misteriosa del matrimonio espiritual proprio de la Bienaventurança y tan peregrino en el destierro, por ser rarissi­mes las personas, que en carne mortal han tenido la possession del, que con aver sido nuestra Madre Santa Teresa acrisolada tantas vezes en la fragua da los Serafinas, y con estos cauterios celes­tiales, y otros muy apretados de la operación Divina, an participación larga da los resplandores da Dios: alcanzado una blancura espiritual senejante a la de Adan en el primer astado, con que fue restituida al Parayso Interior, que él avia perdido, y allí enriquecida y hermo­seada de nuevo con innumerables favo­res del Esposo Celestial; con todo esso desde esta restitución, que ella cuenta en el capitulo primero de la séptima de sus moradas, hasta la celebración solemne destas bodas Divinas, que ella refiere en el capitulo segundo de la misma mora­da, passaron muchos anos, como lo ten­go verificado en la historia de su vida con el discurso della, y lugares de sus li­bros. Y por aquí se puede ver la excelen­cia deste sumo grado de perfección desta vida, en participación de la gloriosa que esperamos, pues para subir a él fueron menester tantos, y tan milagrosos preámbulos de perfección y santidad, y tan inmenso adorno de favores, y bene­ficios Divinos como precedieron.

En el quel misterio concurrio lo que dize Santo Thomas, que ay en las cosas espirituales algunas operaciones, que aunque Dios es el principal Autor dellas, piden que aya cierto concurso de quien las recibe, para que la comuni­cación sea correspondiente. Y deste ge­nero es esta celebración de bodas tan misteriosas, y por esto la introduce en el alma el Esposo Divino con alguna parti­cular merced, que sirva de despertar a su Esposa a nuevo amor y deseo de cele­brarlas, y juntamente de solemnidad, y fiesta dolías. Y porque la presencia del Esposo es la que mas luze en este solem­ne misterio, la representa con trago fes­tivo a la desposada, no solo según su Divinidad, como en el capitulo antes lo dexa referido, mas también según su hu­manidad, y por nueva manera, que otras vezas para mas favorecerla, y enamo­rarla.

Deste singulariasimo favor nos da noticia la misma Santa desta manera : "Pues vengamos aora a tratar del Divi­no matrimonio espiritual, aunque esta gran merced no debe de cumplirse con perfección en esta vida, pues si nos apartassemos de Dios se perderia este gran bien. La primera ves que Dios haze es­ta merced, quiere su Magestad mostrar­se al alma por vision imaginarla de su Santissima humanidad, para que lo en­tienda bien, y no esté ignorante de que recibe tan soberano don. A otras perso­nas será por otra forma. A esta de quien hablamos se le represento el Señor aca­bando de comulgar con forma de gran resplandor, hermosura, y magestad, co­mo después de resucitado, y le dixo: que ya era tiempo que ella tomasse sus cosas por proprias, y él temía cuidado de las suyas, y otras palabras que son mas para sentir, que para dezir. Parecerá que no era esto novedad, pues otras vezes se avia representado el Señor a esta alma desta manera: fue tan diferente, que la dexo bien desatinada y espantada. Lo uno, porque fue con gran fuerça esta vision. Lo otro, por las palabras que le dixo; y también porque en lo interior de su alma adonde se le represento, sino es la vision passada no avia visto otras. Porque entended, que ay grandissima diferencia de todas las passadas a las des­ta morada, y tan grande del desposorio espiritual al matrimonio espiritual co­mo le ay entre los desposados a los que ya no se pueden apartar. Ya he dicho, que aunque se pongan estas compara­ciones (porque no ay otras mas a propo­sito) se entendia, que aquí no ay memoria de cuerpo, mas que si él alma no estuviera en él, sino solo espíritu; y en el matrimo­nio espiritual muy menos, porque passa esta secreta union en el centro ipterior del alma, que debe de ser adonde està el mismo Dios.”

Desta manera pues nota nuestra Santa Madre esta visión tan gloriosa; y el llamarla imaginarla, fue lo mismo que declarar fue distinta, porque en el cen­tro del alma, donde estavan las poten­cias quando la recibió, no podía entrar representación imaginaria con distin­ción individual, y assi fue visión intele­ctual distinta, procedida de la presencia corporal de Christo nuestro Señor, aca­bando la Santa de comulgar, al modo que dise San Dionisio, que se represen­ta esta santa humanidad a los Angeles en el cielo, como en otra parte queda de­clarado, y la misma Santa lo declara lue­go, diciendo: "Porque esta union secreta passa on el centro interior del alma. Y a mi parecer no ha menester puerta por donde entras apareceae al Señor en esta centro sin vision imaginarla, sino intelectual, aunque mas delicada que otras vezes, como se apareció a los Apos­tóles, sin entrar por la puerta, quando les dixo, Paz vobis. » Esto dise la Santa, y pondera quanto mas excelentes son las visiones que se reciben estando las po­tencias dentro desta casa de la Sabiduría, y región de la verdadera luz, que las que le recibían fuera della, por la razón de Santo Thomas en otra parte referi­da, que qualquiera medio de nuestra ilu­minación, tanto es mas Divino, y mas iluminativo, quanto mas cerca se reci­be de la verdadera luz, y aquí están les potencias cercaníssimas a ella.

Hepresentosele en esta visión Chris­to nuestro Señor con tan subidos resplan­dores de Magestad y grandeza, que go­zo nuestra Santa por aquel tiempo mu­cho de la gloria accidental de que go­zan los Bienaventurados en el cielo con la presencia desta humanidad Sagrada, como ella lo significo luego, disziendo : Es un secreto tan grande, y una merced tan subida lo que comunica Dios allí a la alma en un instante, y el grandissimo deleyte que sien­te, que no a que lo comparar, sino que quiere el Señor manifestarle por aquel momento la gloria que ay en el cielo por mas subida ma­nera, que por ninguna visión, ni gusto espiri­tual : Esto dise de quan excessive fue esta gloria; y vá luego declarando su ilustra dissima experiencia, como en esta visita tan gloriosa la puso el Esposo Divino en la possession del matrimonio espiri­tual, concediéndole por don singularissimo entre las miserias del destierro, lo que en la Patria concede a las Esposas que le han sido fieles. Dize pues a este propo­sito estas palabras: "No se puede dezir mas de que a quanto se puede entender queda el espíritu desta alma hecho una cosa con Dios, que como es también es­píritu, ha querido su Magestad mostrar el amor que nos tiene en dar a entender a algunas personas hasta donde llega, pa­ra que alabemos su grandeza. Porque de tal manera ha tenido por bien juntarse con la criatura, que assi como los que ya no se pueden apartar, no se quiere apartar èl della. El desposorio espiritual es diferente, que muchas vezes se apartan, y la union tambien lo es; Porque aun­que union es juntarse dos cosas en una, en fin se pueden dividir, y quedar cada cosa por si, como vemos ordinariamen­te, que passa esta merced de Dios de presto, y después se queda el alma sin aquella compañía, digo de manera que lo entiendan. En estotra merced del Señor no es as si, porque siempre queda el alma con su Dios en aquel centro; qui­zás será esto lo que dise San Pablo: El que se llega a Dios se haze un espíritu con él, tocando este Soberano matrimo­nio, que presupone averse llegado su Magestad a el alma por union."

Todo esto es de nuestra Santa Ma­dre, y de tan gran dignación del Hijo de Dios, en que muestra el gran amor que tiene a las almas puras, parece que estava como absorto en una admiración pro­funda el mismo Apóstol, quando deste matrimonio espiritual, figurado en el corporal, exclama disiendo: Que en di está encerrado un grandissimo misterio. Del mismo dise el Venerable Padre Pr. Juán de la Cruz : "Al deleyte, y gloria del matrimonio espiritual no se viene sin passar primero por el desposorio, y por el amor leal, y común dé desposa­dos. Porque después de aver sido el al­ma por algún tiempo Esposa en perfe­cto y suave amor con el Hijo de Dios, después la llama Dios, y mete en este huerto suyo florido, a celebrar consigo este misterio fellicissimo de matrimonio espiritual, en que se hase tal junta de las dos naturalezas, y tal comunicación de la Divina a la humana, que no mudan­do alguna dallas su ser, aun la humana parece Divina. Y aunque en esta vida no se haze esta comunión perfectamente, con todo esso es sobre todo lo que se puede dezir, ni pensar. A este estado la combida el Esposo en los Cantares, quando dize: Ven a mi huerto Hermana mía, Es­posa mía, que ya he segado mi Myrra con mis especies aromaticas, donde la combida a los deleytes y grandezas, que en este es­tado le comunica de si, o por mejor dezir, le communica a si mismo. Y llamala hermana, para declarar la igualdad que haze el amor en este estado.” Todo esto dize este Maestro experimentado.

CAPITULO VI Quan lebantada, è intima comunicación da Divinas influencias recibe al alma da Dios en el estado de union ha­bitual.

Segun al grado de union y carcania, que tiene con Dios qualquier espíri­tu assi dize San Dionisio que es la comu­nicación que con él tiene, y lo que reci­be de sus Divinos dones, y virtudes. Y co­mo en esta estado da union habitual está al espíritu dal contemplativo muy lle­gado a Dios, y hecho una cosa con él, y por razón desta union, que haze partici­par entre si los unidos, ha alcanzado una feliz potestad de gozar da las Personas Divinas, con quien está unido. Da aquí viene ser tan estrecha y continua asta comu­nicación de Dios con el alma desta manara unida con él; y aunque esta comunica­ción era ya grande en al estado de union, que precedió a esta, como ya de desposo­rios espirituales, en que Dios trata con regalo al alma su Esposa, lo as mucho mas en la union habitual, assi por ser mas estrecha, como por habitar las po­tencias dentro de la casa de la Sabiduría, donde dize la misma Sabiduría, que tie­ne puesta la mesa con manjares Divinos, y está combinando con ellos. Y a este estado se ha de reducir lo que dize San Dio­nisio, que los Varones Santos son mu­chas vezas hechos participantes por Di­vinas iluminaciones del opulentissimo combite de inefable gozo y alegría, que Dios hazeva los Bienaventurados en el cielo.

Desto nos dà acreditada noticia la experiencia ilustrada de nuestra Madre Santa Teresa en muchos lugares de sus libros, en uno de los quales tratando de los admirables efectos desta union de matrimonio espiritual, dize assi: "Esto de ser ya Christ o la vida de ata alma, se entiende mejor andando el tiempo por los efectos; porque vé claro por unas se­cretas aspiraciones ser Dios el que dá vi­da a nuestra alma muy muchas vezas tan vivas, que en ninguna manera se puede dudar, porque laa siente muy bien el al­ma, aunque no se saben dezir. Mas es tan­to este sentimiento, que producen algu­nas vezes unas palabras muy regaladas, que parece no se pueden escusar de de­sir, como, O vida de mi vida, y sustento que me sustentas, y otras semejantes. Porque de aquellos pechos Divinos, adonde parece está Dios siempre susten­tando al alma, salen unos rayos de le­che, que a toda la gente del castillo con­fortan; esto es potencias superiores, è inferiores, que parece quiere el Señor que gozen de alguna manera de lo mu­cho que goza el alma, y que de aquel rio caudaloso adonde se consumió aque­lla pequeña fuentecilla, salga algunas vezes un golpe de aquello agua para sustentar los que en lo corporal han de servir a estos desposados. Y se entiende claro, que ay en lo interior quien arroje estas saetas, y de vida a esta vida, y que ay Sol de donde procede una gran luz, que embla a las potencias desde lo inte­rior del alma. »

Estos mismos efectos que aquí significa nuestra Maestra, experimentava también su ilustrado compañero en este estado, y por términos diferentes signi­fica la misma substancia, disiendo : Esta llama de amor, que dize el alma, que la hiere tiernamente, es el espíritu de su Esposo, que es el Espíritu Santo, al qual siente y adama en si, no solo como fuego, que la tiene consumida y transformada en suave amor, sino también co­mo fuego, que ardiendo en ella le hecha llama, y aquella llama baña al alma en gloria, y la refresca con temple de vida eterna, Y esta os la operación del Espíri­tu Santo en el alma transformada en su amor, que los actos interiores que haze son arder, y llamear, que son inflamaciones nes de amor, con que unida la voluntad, ama subidamente hecha una cosa por amor con aquella llama; y assi estos actos de amor del alma son preciosissimos, merece mas en uno, que otros mu­chos que aya hecho sin esta transforma­ción. Y la diferencia que ay entre el ha­bito, y el acto, ay entre la transformación de amor, y la llama de amor, que es la que ay entre el madero inflamado, y su llama; que la llama es efecto del fuego que allí esta, y cada vez que llama esta llama, haciendo amar al alma con sabor, y temple Divino, le están dando vida eterna, que la lebanta a operación Divi­na en Dios."

Todo esto es de nuestro Maestro; ,y estos terminos que aquí usa, di alendo, que entre la transformación de amor, y la llama de amor, ay la diferencia que entre el acto y el habito; uso también Santo Thomas en diferentes lugares, porque en uno llama al habito de caridad, calor; y al acto que sale della, fervor. Y en otro compara la gracia que esta en la essencla del alma, y las virtudes que sa­len della a las potencias, al cuerpo lu­minoso, y a los rayos que del proceden. Y esto mismo significa aquí, que de la gracia con que está la sustancia del al­ma transformada en Dios, salen a modo de llamas de fuego las virtudes y dones infusos a entender y enamorar mas las potencias y comunicarles sabor de vida eterna. Y en sustancia significo lo mis­mo nuestra Maestra en las palabras refe­ridas: Que de los pechos Divinos donde está Dios siempre sustentando rl alma, salen unos rayos de leche, y confortan toda la gente del castillo, que son las potencias y sentidos: por­que en este estado de perfección, donde nuestro destierro imita la de la Patria, ay en las comunicaciones Divinas re­dundancia de la parte superior a la infe­rior, como en premio de que se eonforma con alla para las cosas de virtud. Y esto significo aquí nuestra Maestra en désir, que esta comunicación Divina sustenta también a los que en lo corpo­ral han de servir a los desposados.

También en este estado son muy fre­quentes los recuerdos de Dios al alma por medio de los dones del entendimien­to y Sabiduría, que llama toques Divi­nos, de que ya se trato en otra parte, y son aquí de avantajada excelencia, co­mo lo significo nuestro Venerable Pa­dre en sus libros por estas palabras: "Estos sentimientos espirituales pueden ser ser de dos maneras. La primera son sen­timientos en el afecto de la voluntad. La segunda son sentimientos, que aun­que son también en la voluntad, por ser intensissimos, subidissimos, y secretissimos, no parece que tocan en ella, sino que se obran en la sustancia del alma. Los unos y los otros son de muchas ma­neras; y aunque los primeros quando son de Dios son muy subidos, mas los se­gundos son altissimos, y de gran bien, y provecho." Esto dise nuestro Maestro destos sentimientos, y llama a los segun­dos de la sustancia del alma, porque los recibe la voluntad estando dentro da la bodega da los vinos místicos, y da la ca­sa da la Sabiduría, donde Dios resida en la essencia del alma. Y quanto mas cerca­na está a la Fuente deata Divina suavi­dad, tanto mas participa de sus efectos.

Por lo qual las ilustraciones, è influen­cias suaves, que en este estado se reciben, son mas espirituales y mas eficaces, co­mo mas llegadas a su principio. Y en dezir, que aunque son sentimientos de la voluntad tocan en la essencia del al­ma, significo lo que dise Santo Thomas; que queriendo el Artifice Divino re­ducir al alma de la potencia al acto mas subido de su semejanza, aumenta la eficacia de su virtud Divina en la gra­cia que está en la essencia del alma, la qual qual aumentada, se aumenta también la caridda, y los demás dones Divinos, que proceden de la gracia a las potencias, y hazen en ellas estos subidos, y dul­cías irnos sentimientos.

CAPITULO VII. Como on este estado es el alma movida de Dios, especialmente en todas sus ope­raciones.

Si la perfecta purgación reduce las co­sas a la perfección y pureza en que fu fueron criadas, como dize Santo Thomas, no es maravilla, que aviando pasea­do el alma porrtan apretadas purgacio­nes, ya de agua de trabajos, ya de fuego de cauterios Divinos aya llegado a te­ner una feliz semejanza con la pureza de Adan en el primer estado, la qual semejança significo el Señor por remate destos cauterios de su influencia; y co­mo en la pureza alcanço esta felicidad también en algunos grandes privile­gios, que el primer hombre tuvo antes del pecado. Uno, y grandissimo fue, que era movido de Dios en sus operaciones, assi quanto a la vida contemplativa, co­mo quanto a la activa, según Santo Thomas declara, porque como habitavan sus potencias en la región de la verda­dera luz dentro del Parayso interior, segun queda referido en otra parte de la doctrina de San Gregorio, alli le davan lui sobrenatural para la contemplaeion Divina, sin tener necessidad del conoci­miento natural por semejanzas de las criaturas, aunque lo tenia perfectissimo para subir al conocimiento de su Cria­dor por ellas; porque por ilustración del don de Sabiduría, y semejanzas espiri­tuales impressas sobrenaturalmente en su entendimiento contemplava a Dios en lo interior de su alma, a modo de An­geles viadores.

Tampoco para el exercicio de la vida activa tenia necessidad de valerse de las semejanzas del conocimiento na­tural, quanto a alcanzar ciencia por me­dio de su discurso, como nosotros, por­que también alli le davan luz graciosa de lo que a cada operación convenía, aunque avia menester estas semejanzas para exercitar en la parte inferior la luz que en la superior le davan. Pues todo esto se halla en los espíritus transforma­dos en Dios, cuyas potencias le están as­sistiendo en este Parayso interior, y casa de la Sabiduría, porque alli reciben luz sobrenatural, assi para la contemplación, como para la oración, y por medio da­lla son movidos en todas sus operacio­nes, porque no salgan de la assistencia que allí hazen a Dios a buscar esta luz por medio de su discurso ; y no solo por esto, sino también por razón de la trans­formación en Dios son desta manera mo­vidos a lo Divino, y según la forma de que están felizmente informados, la qual, como vimos en otra parte, es re­gla de la obra y principio del obrar». Y S. Dionisio hablando destas almas trans­formadas en Dios, prueba este modo de obrar a lo Divino con el exemplo de S. Pablo transformado desta manera en Dios, quando dezia, que él no vivía en si, sino Chrlsto en él, cuyo instrumento era ».

Esta mocion Divina por medio de la gracia y caridad, y los demás dones infusos en los que están unidos, y trans­formados en Dios, comparo Santo Tho­mas al Cavallero, que con las riendas que lleva en la mano govierna al cavallo ». Porque assi parece, que está Dios desde la essencla del alma, que tiene uni­da consigo moviendo con sus dones, co­mo con unas riendas Divinas, las potencias del alma transformada en él a sus debidas operaciones, con providencia especial para que obren acertadamente. Lo qual experimenta va la gloriosa San­ta Teresa, quando dezia: Tengo para mi, que alma que ha llevado a este estado, que ya ella no habla, ni haze cosa por si, sino que de todo lo que hazde hazer tiene cuidado este Soberano Señor, y Rey. con lo qual vemos como trocado aquel admirable trueco, que tan gravemente pondero S. Dionisio en el lugar que se acabo de citar; que como el hombre por la fuerça del amor Divino sale de si a transformarse en Dios para ser enriquecido de sus bienes: assi Dios por la abundancia de su bondad amativa sale en cierta manera también de si, para comunicar al hombre los efectos desta Divina bondad con paternal y amorosa providencai, hasta vestirle de la hermosura de su semejança, assi en la pureza, como en la vida, quando el amor Divino llega a poner al hombre en este sublime estado, que no viva ya tanto su vida, quando la de Dios, dlze Santo Thomas, que sus operaciones desta manera ejercitadas no se han de lla­mar tanto acciones humanas, quanto Divinas; porque aunque por ser de hom­bres son humanas, son mas que de hom­bre, por exercitarse sobre el modo hu­mano, y a modo Divino. Y a esta mocion especial llama el Apóstol govierno de hijos de Dios, movidos de su espíritu.

Esto pues assi entendido de los Padres de la Theologla, nos dirán los ex­perimentados el modo de obrar de los assi governados y movidos de Dios. Un Autor docto, y muy practico lo declara desta manera : "Estos tales tratan, y co­munican con los demás hombres sin im­pression de imagen, amanlos sin afición, ni assimiento desordenado, y sin cuida­do, ni solicitud inquieta se compadecen dellos. En las fuerças superiores se les infunde una cierta lux, con la qual son enseñados, porque Dios es en ellos essencia, vida y operación, y ellos solamente son adoradores de Dios; de manera, que qualesquiera cosas proceden dellos sin ellos. " Todas estas son palabras muy sustanciales para declarar la manera de obrar de los assi governados de Dios. Y en esta misma sustancia hablan otros Au­tores místicos muy prácticos. Pero mas de rals declara esta sustancia Santo To­mas disiendo ; que como esta union, y transformación del alma en Dios, es ofició del don de Sabiduría, acompañado de la caridad, le dà el Señor este don Divino al alma assi transformada, para que como un Ayo celestial la govierne en to­das sus acciones, assi interiores, como exteriores, y moderación de las passiones. Por lo qual, como la está moviendo de lo intimo de si misma, salen sus ope­raciones ajustadas a las Reglas Divinas, sin violencia, ni fatiga cuidadosa, sino como a modo connatural, y descansa­do.

Y porque a algunos Escolásticos les haze gran disonancia lo que disen Autores místicos experimentados, que los movidos de Dios deata manera co­munican con los hombres sin impression de imagen, y sus operaciones no son por medio de formas y figuras distintas, fun­dándose para estranar esto, en que el co­nocimiento universal, que el entendi­miento tiene de las obras que se han de hazer, no se puede aplicar a actos exte­riores, sino por medio de alguna poten­cia sensible, que aprehenda lo singular, les quita esta disonancia Santo Thomas, diciendo; que quando el conocimiento no sube de las oosas al alma, sino que baxa del alma a las cosas, no camina enton­ces por la fantasía, donde se forman las figuras individuales y distintas, sino que se aplica el conocimiento de la parte superior al acto exterior por medio de la razón particular, que por otro nom­bre se llama cogitativa; y entonces corre el conocimiento de lo universal a lo par­ticular, sin representación de figuras in­dividueles y distintas. Porque como la cogitativa es la potencia superior, y mas espiritual de todas las sensibles, è inme­diatas al entendimiento, participa de su espiritualidad, y obra en la materia par­ticular, al modo que el entendimiento en lo universal, aunque por semejanças; pero sin distinción individual de las con­diciones materiales. Y por esto Aristó­teles llama a la cogitativa, entendimien­to passivo.

Pues desta manera obran estas almas transformadas en Dios, y governedas por el tan a lo espiritual, que en lo supe­rior del alma reciben el conocimiento de lo que han de hazer, y lo aplican a las obras exteriores por medio de la razón particular, sin la individuación de la fan­tasia, en lo qual queda satisfecha esta dificultad. Y el Venerable Padre Fr. Juán de la Cruz declara, como experimentava esto en estado tan sublime, diziendo: "Ya que el alma ha llegado a tener ha­bito de union, que es un sumo bien, tie­ne en las operaciones convenientes y ne­cessarias mucho mayor recuerdo, y per­fección que antes, aunque estas no las obra ya por formas y noticias de la me­moria; porque en haciendo habito de union, que es estado sobrenatural, desfa­llece la memoria, y las demas potencias en las operaciones naturales, y passan de su termino al de Dios; y as si estando la memoria transformada en el, no se le pueden imprimir formas, y noticias de cosas. Por lo qual las operaciones de la memoria, y de las demás potencias en este estado son todas Divinas; porque posseyendo ya Dios todas las potencias, co­mo señoreado dellas por la transforma­ción dellas en el; el mismo es el que las manda y mueve divinamente, según su Divino espiritu y voluntad. Y entonces es de manera, que las operaciones no son distintas, sino que las obra el alma como de Dios, y assi son operaciones Di­vinas; porque como dise el Apóstolt El que se une con Dios, se haza una cosa con él. Y de aquí es, que las operaciones del alma unida desta manera son del Es­píritu Divino. Por lo qual, las obras de las tales almas solamente son las que convienen, porque el espíritu de Dios les hase saber lo que han de hazer, è Ignorar lo que conviene Ignorar, y acuerdanse de lo que se han de acordar, y olvidan lo que han de olvidar, y aman lo que han de amar, y aborrecen lo que no es Dios, o para llevarlas a Dios.”

Todo esto es del Autor referido, y casi la misma doctrina escrive S. Ansel­mo, declarando aquellas palabras del Apostol. Los que han llegado a la digni­dad de Hijos de Dios son movidos da su Divino espíritu. Y en esta experiencia ilustrada del V. P. Fray Juán de la Cruz se vé puesta fielmente en practica lo que se ha referido de Santo Thomas, que por esta transformación une el al­ma el don de Sabiduría a las causas altissimas, y se viste de sue semejanzas para obrar las operaciones humanas sobre su modo humano, y según reglas Divinas, de este modo de obrar nuestro tan a lo sobrenatural, movido da Dios por ilus­tración de los dones de Sabiduría, y entendimiento (en que como Angel, y so­bre su modo humano aprehendía las oo­sas, entrando a pie llano a la sustanola dallas, sin la consideración da los acci­dentes de que estava rodeada, por los quales, como por puertas entra a ella al discurso humano, como Santo Thomas declara) se le originaron al Venerable Padre Fr. Juán de la Cruz grandes mor­tificaciones, llevadas con invencible pa­ciencia y mansedumbre en los Capítulos los y Difinitorios en que se hallava; por­que como obrava según esta luz inte­rior, que le descubría a la primera vista claramente la verdad, y lo que Dios que­ría se hiziesse en lo que se proponía, con­tra lo qual él no podía ir, le juzgavan algunas vezes por singular en los pare­ceres, y por muy assido al suyo. Y prime­ro que los ingenios prudenciales llegavan con profundos discursos, y largas experiencias a tocar esta verdad, pade­cía el que desde el principio la avia de­fendido, y entonces alabavan, lo que an­tes avian condenado.

CAPITULO VIII. Como las almas transformadas en Dios pue­den exercitar en un mismo tiempo las dos vias activas y contemplativas, sin que la una impida a la otra.

De otra gran excelencia goza este estado de los habitualmente uni­dos con Dios, que es no ser su contem­placion impedida de la acción; de mañera, que anda tan empleada en Dios la parte superior del alma, que ningunas ocupaciones exteriores le impiden la atención a Dios, y assi andan juntas Mar­ta y Maria. Y aunque esta no carece de dificultad, por no poder el entendimien­to entender muchas cosas juntas por es­pecies diversas, como se toco en otra parte; con todo esso se halla possible en la experiencia de los desta fuerte uni­dos y transformados en Dios, como nuestra Madre Santa Teresa lo dise de si por estas palabras: "Parecíale a esta persona, que por trabajos y negocios que tuviesse, lo essencial de su anima ja­más se movía de aquel aposento, donde estava con aquella admirable compa­ñía; de manera que le parecia avia divísio entre si, y su alma, y andando con hartos trabajos, que tuvo poco después que Dios le hizo esta merced, se quexava della a manera de Maria, quando se quexava de María, que se estava ella siempre go­zando de aquella quietud a su placer, y la dexava a ella en tantos trabajos, y ocupaciones, sin tenerle compañía. De ma­nera, que se entiende ay diferencia muy conocida del alma al espíritu; y aunque mas sea todo uno, conócese una division tan delicada, que algunas vezas parece que obra de diferente manera lo uno, que lo otro. »

Esto dize nuestra Maestra : y de lo mismo nos dá también noticia experi­mental un Autor muy docto y espiritu­al desta manera. "Los espejos, o po­tencias espirituales tienendos cosas, particularmente los que no usan de los ór­ganos corporales, de los quales espejos puede ser tanta la virtud, tal el vigor, y tal la union, que puedan en un mismo tiempo recibir igualmente sus luzes de la parte inferior y superior, y retener las recibidas sin detrimento de ninguna. Esto es cosa manifiesta en los Angeles y otros Bienaventurados, que juntamen­te conocen las cosas temporalea, y las Divinas y eternas, de las quales gozan alguna semejança, è imitación algunos contemplativos en esta vida, por gracia especial, y vehemente habituación. » Destas palabras sacamos, que esta felici­dad se halla en algunas almas por espe­cial privilegio, y assi conviene inquirir en que consiste.

Para esto nos acordarémos de lo que se toco en el capitulo passado del conocimiento de Adan en el estado de la innocencia, que no le adquiría por medio de la representación de la fanta­sia, como aora nosotros, sino por influen­cia de luz Divina, como calidad que se­guía a la rectitud, con que Dios avia criado la naturaleza, aunque avia me­nester para excitarle en las cosas exte­riores el concurso de las potencias infe­riores: y de aquí le venia, que podía atender a la contemplación Divina en lo su­perior de su alma, y juntamente exercitar las obras de la vida activa, como San­to Thomas lo dise por estas palabras: "Hizo Dios al hombre recto, como lo dize la Escritura; y esta rectitud sobreñatural dada al hombre en el primer estado, fue, que la parte inferior del estuviesse sugeta a la superior, y las potencias superiores no fuessen impedidas de las inferiores. De donde venia, que el pri­mer hombre no era impidido de las co­sas exteriores de la contemplación fir­me, è ilustrada de la luz Divina que por iluminación de la primera verdad reci­bía en la parte superior del alma."

Esto dize Santo Thomas, y aplicán­dolo a nuestro intento, como este estado de union habitual, y total transforma­ción del alma en Dios, sea una semejan­za del que tuvo Adan antes del pecado, y los que han sido lebantados a di, assi como en la perfección imitan aquella primera innocencia, assi también gozan en cierta manera de su felicidad, quanto alguno de sus privilegios. Uno dallos es, que en este estado no tenga el alma necessidad de mendigar el conocimien­to por medio de los sentidos, y semejan­zas de la fantasia, sino que lo recibe por Divina iluminación, como Adan, assi para la Divina iluminación, como para las operaciones humanas, y que por este

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camino sea movido a ellas, por ser cosa tan propria de la criatura racional esta mocion por conocimiento, como tam­bién da los Angeles, de cuya contempla­ción nos dixo Gerson, que es una semejanza, è imitacion, la que imi­tan los desta manera transformados en Dios, y quedará esta semejança mas en­tendida con lo que dise Santo Thomas en estas palabras: La contemplación de los Angeles mas se exerclta a modo de recibir, que de obrar. Y por esto, assi como la Luna jun­tamente recibe luz del Sol, è ilumina los cuer­pos inferiores, assi también el Angel juntamen­te es iluminado en la Divina contemplación, è ilumina a los inferiores, o administra acerca de nosotros. En estas palabras nos declara el Angélico Doctor la sustancia, y funda­mento de la contemplación ilustrada de loa habitualmente unidos a Dios.

Lo mismo dise Alberto Magno su Maestro, y brevemente toca todas las dificultades, y da salida a ellas desta ma­nera: "Algunos dizen, que el entendi­miento en la Patria puede estar junta­mente en dos actos, aunque aquí no pue­de. Otros dizen, que también es esta vi­da presente puede nuestro entendimiento juntamente entender dos cosas; pero ni lo uno, ni lo otro parece verdadero, porque por experiencia se vé lo contra­rio. Y también repugna a la razón poder entender muchas cosas juntamente, en quanto muchas, y según quo se ordenan a una; as si como ni una linea se termina a dos puntos de parto della. Con todo esto dezimos, que los Angeles mirando a Dios juntamente son iluminados, è ilu­minan a otros; pero esto no es con acto proprio, sino por virtud de la luz Divi­na recibida, assi como la Luna, quando es iluminada del Sol por virtud de la luz recibida (que es de virtud difusiva) ilu­mina la tierra, pero no con acción propria, y lo mismo es también de la ilumi­nación espiritual. De manera, que aun­que el entendimiento quando atiende a un acto se abstrae de otro, quanto a su propria virtud, pero con la virtud de otra cosa que se le añade puede ejerci­tar otro acto juntamente." Todo esto es deste Autor doctissimo.

De todo lo qual parece, que a seme­janza de aquellas nobilissimas sustan­cias de la primera Ierarquia de los An­geles (que estando siempre assistiendo a Dios intimamente en altissima contemplacion, sin salir a los ministerios exterio­res, que es proprio de los Angeles de la Ierarquia Inferior) reciben de Dios la luz con que han de ser iluminados los Angeles inferiores, y con que han de sa­lir a exercitar los ministerios, que Dios les tiene encomendados: as si las poten­cias superiores destas almas transformadas están assistiendo a Dios en contem­plación muy intima en el centro, y eesen­cia del alma, que habitualmente está uni­da con él. Y porque el entendimiento no se distraya desta contemplación, y assistencia a Dios, para salir a buscar el co­nocimiento necessario para la vida hu­mana, en las potencias inferiores, se le comunica Dios por Divina iluminación, como se lo comunicava a Adan en el pri­mer acto. Y derivándose del entendimien­to a las potencias sensitivas este conoci­miento, se viste allí de las semejanzas particulares, que para la operación exterior son necessarias, como queda ya tocado.

CAPITULO IX. Como en este estado de union habitual cessan los arrobamientos y éxtasis, que enagenan.

Entre los grados de amor pone San­to Thomas por el Supremo de to­dos arder suavemente en total semejança de Dios, el qual toca al holocausto ce­lestial, que San Dionisio rediere por lo mas acendrado del amor de loa Serafi­nes, donde todo el fuego está converti­do, y penetrado deste fuego Divino. Y este es el estado del alma contemplativa transformada toda en Dios, después de tantos cauterios intensos deste fuego ce­lestial, y excessos de espíritu, que le causavan. Y assl, como la holla puesta al fue­go, que con el calor ha lebantado her­vor hasta transvertirse, quando está ya cocida y façonada dexa de hervir y se quieta; y el madero que embestido del fuego lebanta llama, quando está todo hecho ascua dexa de llamear, aunque está entonces mas fogoso. Assl también en loa grados de amor Seráfico, en su principio y aumento hazia llamas y her­vores , de donde venían los éxtasis, las ansias, y los arrobamientos. Pero llega­da ya el alma despues de todo esto a la transformación, y total semejança de Dios, que es la perfección del amor, han ceesado ya todas estas disposiciones en Dios suavemente, como holla ya saçona­da, y madero convertido en fuego. Y siendo el amor mas abrasado, es mas se­reno, porque es mas perfecto : y como esta ya la forma Divina introducida, cessa la inquietud de las disposiciones, con que ya se iba introduciendo.

Desta serenidad con que el alma transformada exercita el amor en este estado, dize N.M. S. Teresa: "Espantada estoy de ver, que en llegando aquí el al­ma todos los arrobamientos se le quitan, digo que se le quitan, quando a estos efe­ctos exteriores de perderse el sentido, y calor del cuerpo; dizenme que esto no es sino accidente dallos, y que no se qui­ta lo sustancial, pues lo interior antes se acrecienta. Assi que los arrobamientos, en la manera que digo cessan, y no está con aquellos arrebatamientos, ni buelo de espirita, ni le hasen al caso grandes ocasiones de devoción, que vea como solia, que si veia una imagen devota, o ola un sermón, o música, como pobre mariposilla andava tan ansiosa, todo la espantava, y hazia volar. Aora, o es que hallo su reposo, o que el alma ha visto tanto en esta séptima morada, que de nada se espanta, o que no se halla con aque­lla soledad, pues goza de tal compañía. En fin hermanas, yo no sé que sea la cau­sa, que en començando el Señor a mos­trar lo que ay en esta morada séptima, y metiendo el alma en ella, se le quita esta gran flaqueza, que le era harto gran tra­bajo, y antes no se le quito quizá es, que la ha fortalecido el Señor, y ensanchado, y habilitado. »

En ellas palabras refirió nuestra Maestra, no solo su ilustrada experien­cia, mas también las principales razones della, Y la que pone en el ultimo lugar, que es aver Dios fortalecido, y habilita­do su alma refieren San Antonino, y San Alberto Magno, por la causa principal desto, diziendo; que la enagenaclon de los sentidos en el rapto, o éxtasis su­cede por la excelencia del objeto de tan­ta luz sobrenatural, no propordonada con la potencia del entendimiento po­co acostumbrado a estas ilustraciones, y no confortado para recibirlas. Pero quan­do el entendimiento está ya ennobleci­do con los resplandores Divinos, y con esto hecho mas semejante a Dios, y mas proporcionado con aquella luz, ya no padece estas enagenaciones, como lo ve­mos en los ojos enfermos, que ven im­perfectamente una misma luz, que los ojos firmes claros, y sanos ven con vista firme, y sin pestañear como antes. Y por esto no se lee de la Virgen nuestra Seño­ra, que tuviesse rapto, ni enagenacion, aunque tuvo contemplación mas alta que todos ios del destierro, y muy seme­jante a los de los Bienaventurados. Lo qual le venia de la nobleza de su entendi­miento, muy semejante a Dios, y pro­porcionada con la luz Divina. Y destas palabras de nuestra Santa se puede cono­cer quanto ennobleció el Señor su en­tendimiento, para meterle en la habita­ción de la luz, y casa de la Sabiduría, por que sin pestañear, ni deslumbrarse, pudiesse ver tan inmensos resplandores criados, como allí se descubrían de luz increada.

Eh estas enajenaciones vamos ha­blando de la verdadera extasia y rapto qual es el que lebanta al espíritu de la imaginación a vision intelectual, que es proprio de los que están ya en estado de union, y van caminando por el con nue­vas mercedes de Dios a la total transformacion de amor, como ya queda decla­rado; porque otras enajenaciones de gente imperfecta son de los sentidos a la imaginación, y augetas a engaños, como ya vimos. Y estos, como la mayor parte acaecen a personas, cuya capacidad espi­ritual está aun muy limitada, con peque­ños recibos de suavidad sensible, suelen transportarse. Y quando estos recibos son de Dios, saçonan presto el apetito sensible, y moderan las passiones que es tàn en él, para que no impidan el buelo de la contemplación, y caminen apriessa a la reformación de sus imperfeccio­nes, como ya lo vimos de la doctrina de San Dionisio.

En esta materia suele aver dos ex­tremos de juyzlos, que se hasen destos efectos, y entrambos proceden de no te­ner muy conocidas las cosas de espíritu, assi quanto a las comunicaciones Divinas, como quanto a la façon de los sugetos que la reciben. Uno es de los que to­do lo condenan, y tienen por mas santos los que carecen destos recibos, y comu­nicaciones sobrenaturales, que los que los tienen con semejantes accidentes. Y otro de los que todo lo aprueban, y no tienen por santos, sino a los que tienen arrobamientos. Entre estos estremos ay un medio de los que conocen por el esta­do en que están estas almas de mayor, o menor perfección ( según la doctrina de los Santos) el peligro que tienen para apartarlas del, y no desacrediran la vir­tud con desestima de los efectos que Dios haze en las almas que tratan de ser­virle; que aunque el enagenarse sea im­perfección de la naturaleza, por la im proporcion que tiene con las cosas so­brenaturales, es indicio de mayores re­cibos de espíritu, que los ordinarios; y sin hazer grandes aprecios desta cosas, ponen la verdadera estima en las virtu­des, a las quales se camina con passo mas alentado con estos recibos, y se los con­ceden para esso.

Y aunque en duda es siempre mas seguro humillar estas cosas, que lebantarlas particularmente, quando se ven en gente imperfecte no por esso se ha de condenar todo por malo, mirándolo desde laxos, sin probar los espíritus, co­mo dize el Apóstol San Juán, que as muy proprlo de gente tibia menospre­ciar la fervorosa, consolándose con esto on suntibieça, y juzgándose por mas segu­ros, como sea cierto, que no son grandes las avenidas que no sacan los ríos de sus madres, ni copiosos los recibos de Dios, que no sacan de su passo al alma contemplativa; y sino recibimos, es por nuestra indisposición; y lo poco que tra­bajamos, por remover loa estorbos, que son nuestras imperfecciones; que la su­ma bondad siempre nos está combidando con sus bienes, como dize San Dioni­sio. Quien quisiere acertar en estos juyzios, goviemese por la doctrina que di la Madre Santa Teresa. Y para no espan­tarse destos recibos sobrenaturales, lea lo que la misma Santa dize en el cap. 4 de sus fundaciones, que para lo pri­mero hallará buenos avisos; y para lo se­gundo harta ocasión de conocer, y llo­rar nuestra tibíeça.

Otra razón dà la Santa de no ena­genarse el alma en este estado, diziendo: Que como se halla ya con su reposo, go­zando de la compañía de lo que ama, cesso la ansiosa, soledad con que la buscava, y era causa de suspenderla y enagenarla; porque como declara Santo Tho­mas, quando lo que se ama mucho, se percibe como ausente, es causa que hier­va mas el amor, y que apriete mas el de­seo del amado, aunque quando le tiene presente no sea menor el amor, porque es menos percebido, quando no se apre­hende el carecer de lo que se ama. Y co­mo entonces el deleyte de la cosa ama­da esta mas en la memoria, que en la ex­periencia actual del, causa sed, y ansias do amor al que le busca desta manera. Pues como quando Dios disponia al al­ma con tantos medios, como en su lugar vimos, para unirla consigo se lo comunicava a modo de ausente, y le dava mu­cha luz del incomparable bien, que era gozarle, con que la inflamava en su amor: Penava de verse ausente del, y cre­ciendo mas el amor, se hazia el deseo mas impaciente, y apretavan tanto al alma enamorada las ansias amorosas, que la dexavan muchas vezas transportada, y enajenada da los sentidos.

Pero como an la union habitual, y entrada de las potencias an la casa de la Sabiduría, la puso ya au Magestad en la possession deste bien, según la podía posseer en esta vida, donde nunca mas se a perto del, como lo vimos de la experien­cia de nuestra Santa, y se le comunica como presente: Ceasaron ya estas ansias, y se han convertido en gozo y amor pa­cifico, que no enagena, aunque es ma­yor, que el ansioso; y mas perfecto mu­cho, que él; porque como declara a este proposito Santo Thomas, el amor pro­piciamente es de lo que ya se possee, y la ansia, y el deseo es de lo que se pretende posseer, y vá caminando a ser possession. Pero como la raiz del amor es la semejança que ay entre el que ama, y el ama­do: ya esta ansia y deseo con que el alma contemplativa busca a Dios, es señal co­nocida, que la semejanza del amado está ya impresas en ella. Para lo qual la despo­jaron con tantos medios de su tosca for­ma, y ropa del hombre viejo.

Desto mismo nos da noticia el Ve­nerable Padre Fray Juán de la Cruz, en conformidad de su ilustrada companera, diziendo: "En este buelo del espiritu, â que lebanta la visitación del espiritu Divino, es arrebatado con fuerça grande, y destituyendo el cuerpo dexa de sentir, y exercitar en el sus actos, por que los tiene en Dios, aunque conserva el cuerpo en la vida natural. Y esta es la causa porque en estos raptos y buelos se queda el cuerpo sin sentidos: y aunque le hafan cosas de grandissimo dolor, no siente, porque no es como en otros tras­passos, y desmayos naturales, que con el dolor buelven en si los que los padecen. Estos sentimientos tienen en estas visi­tas los que aun no han llegado a estado de perfección, sino que van caminando á él en estado de aprovechados; por­que los que han llegado a él tienen ye la comunicación hecha en paz, y amor suave, y ceasan estos arrobamientos, que eran comunicaciones que disponían para la total transformacion." Esto dise este gran Maestro.

CAPITULO X. Que en este estado dá Dios al alma transfor­mada altissimas noticias de los misterios de su Encarnación, con dulces sentimien­tos dallos.

Entre los grandes, y continuos favo­res que el Esposo Celestial haza al­ma transformada en él, y sublimada a este feliz estado, que nota nuestro Vene­rable Padre, el que recibía su alma es de lebantadas noticias y tiernos sentimien­tos del misterio de su Encarnación, a cu­yo proposito dize assi : « En este estado de matrimonio espiritual, con gran fa­cilidad y frequencia descubre el Esposo al alma sus maravillas y secretosr y le dá parte de sus obras; porque el verdadero y perfecto amor no sabe tañer cosa encu­bierta, y particularmente le comunica dulces misterios de su Encarnación, y las obras de la Redención humana, que son de las mas altas de Dios, y mas sabrosas para el alma. Y por esso en el libro de los Cantares dá noticia a la Esposa, como la reparo en el Arbol de la Cruz, muríando por ellas y a este modo vá dascubrien­do al alma unida con él, las disposiciones de su Divina Sabiduría, y con quan­ta hermosura y convenienola sabe sacar de los males, bienes »."

En otra parte buelve a tratar de la misma comunicación, diziendo : "En los Tesoros de la Sabiduría Divina, que San Pablo dize que están escondidos en Christo, no puede el alma entrar, sin pas ser primero por muchos trabajos exte­riores, è interiores: y después de averle Dios hecho otras muchas mercedes in­telectuales, y sensibles; y aviando precedido en ella mucho exercicio espíritual, porque todas estas cosas son mas baxas, y disposiciones para venir al conocimien­to de los misterios de Christo, que es la mas alta Sabiduría, que en esta vida se puede alcanzar, a la qual combida el Es­poso a la Esposa en los Cantares, quan­do dize: Lebantate, y date prisa amiga mía, hermosa mia, y ven a los agujeros de la piedra, para transformarla en el amor destos misterios con nuevas noti­cias, y nuevos actos y comunicaciones de amor, porque aunque es verdad, que el alma quando dize esto está ya transformada, no quita por esso, que no pue­de en este estado de union transformada tener nuevas ilustraciones y transforma­ciones de nuevas noticias y luzes Divi­nas, antes son muy frequentes las ilumi­naciones de nuevos misterios, que al al­ma concede Dios en la estrecha comuni­cación, que en este tiempo ay entre él, y ella, con los quales le ama de nuevo, y se transforma estrechissimamente en èl, según aquellas nuevas noticias: y el sa­bor y deleyte que entonces recibe de nuevo, totalmente es inefable.” Todo esto es de nuestro Maestro: y las mismas comunicaciones significo por junto San­ta Teresa, quando dixo; que en entran­do el alma en la séptima morada era muy continuo andar con Chrlsto nues­tro Señor Divino y humano, todo jun­to, por una manera admirable. Y aun­que entrambos fueron siempre grande­mente enamorados destos sagrados mis­terios de nuestra Redención, mucho mas después que el Serafín crucifico sus espíritus con su Señor Crucificado, por que como los Serafines son entre todos los Angeles los mas transformados en Dios, no solo según su Divinidad, sino también según su humanidad; el mismo efecto haz en los espíritus humanos, que embisten para transformarlos con Díos, como lo vemos en la transformación corporal que hizieron en San Francisco, la qual hizieron también espiritualmente en estos dos Serafines, como lo refie­re el Venerable Padre Fray Juán de la Cruz de su ilustrada experiencia, se­gún queda tocado en otra parte. Y coniciasele esto bien en los últimos anos de su vida; porque en viendo alguna imagen de Christo nuestro Señor, donde de se le representava alguno destos mis­terios de nuestra Redención, renovavansele las llagas en su espíritu, y co­raçon traía de las del Salvador, y se con movía todo, y se le ponía el rostro muy encendido, experimentándose en él lo que dise S. Thomas, que quando el que ama con excesso aprehende la persona ama­da, se conmueve todo, y se le enciende el cuerpo, que esto mismo le sucedía en este tiempo a este Venerable Padre con las memorias vivas destos misterios de nuestra Redención.

Y como este Divino Señor dize que se apacienta entre las azucenas de las almas puras, y que sus deleytss son estar con los hijos de los hombres, se les comunica a estas almas transformadas en el con ordinarios favores, que por esso llama San Dionisio al amor Divino, que procede de la fragua de los Serafi­nes, recalificativo, que a los espíritus abrasados con él los está abrasando de nuevo para mas intima transformación en Dios en amor mas acendrado. Entre estos favores de que haze memoria el Venerable Padre, que en este tiempo sen­tía en su alma del Esposo Divino: El pri­mero es sentirle en lo intimo de su al­ma, a modo de un niño dormido, que esteva abraçado della, y en este sentirle, recibía el alma increible gozo y consue­lo. El segundo favor en grado mas lebantado, es quando sentía, que este Niño Dios, que esteva dormido, recordara pa­ra regalar, y enriquecer de nuevo el al­ma. Desta manera de recordar el Niño, y de su inefable excelencia, dise el Ve­nerable Padre estas palabras: "Los re­cuerdos que hase Dios al alma en este estado son tantos, que si los huviessemos de contar, nunca acabaríamos. Pero este que el Hijo de Dios hase aquí es a mi ver de los mas lebantados, y que mayo­res bienes causan al alma; porque este re­cuerdo es un movimiento que hase Verbo Divino en lo profundo del alma, de tanta grandeza, señorío, y gloria, y de tan intima suavidad, que le parece que todos los bálsamos, y especies odo­ríferas, y flores del mundo, se menean para dar de si suavidad. Dale también aquí altissimo conocimiento del Cria­dor, y de las criaturas, assl como quien abriéndole un Palacio vè en acto la eminencia de la persona, que está den­tro, y juntamente lo que está haziendo. Y assi lo que yo entiendo, como se haga este recuerdo, y vista del alma, es, que le quita Dios algunos de los muchos ve­los, que ella tiene antepuestos para po­der ver lo que èl es, y entonces se traslu­ce y se divisa ( aunque algo oscuramen­te, porque no se quitan todos los velos, pues queda el de la Fé) aquel rostro Di­vino lleno de gracias. Y este es el recuer­do del alma, que hase en ella el Niño dormido algunas vezes, porque si estu­vieses en ella siempre como recordado, comunicándole estas noticias, y dulces sentimientos, ya seria estar en gloria; porque si una vez que recuerda, abrien­do tan solamente el ojo, pone tal el al­ma, que seria si de ordinario estuviesse en ella bien despierto?"

Esto dize este Santo Padre: y para este tan alto conocimiento, que aquí le dieron de Dios, nos acordemos de lo que dixo en otra parte Santo Thomas, que lo que la luz sencilla de la Fé repre­sentaba de los misterios Divinos, como embuelto en oscuridad lo ilustrara, y en alguna manera desembolvia el don de Sabiduría en la contemplación endio­sada, para dar al entendimiento mas par­ticular conocimiento dallos. Y también lo que se dixo de la doctrina del mismo Santo, y de San Dionisio, de las semejanças expressas con que a modo de Ange­les viadores comunica Dios a los gran­des contemplativos sus misterios, por­que a este modo era el conocimiento que aqui dieron dallos a nuestro Vene­rable Padre, particularmente de la Divi­na hermosura.

Por tercero grado destos favores, que el alma en este tiempo recibia del Esposo Celestial, pone el respirar del Ni­ño ya despierto, de la quel respiración dize assi : "En aquel respirar de Dios yo no quiero hablar, porque veo claro, que no lo tengo de saber desir, y parecería menos si lo dixesse, porque es una as­piración que Dios haza al alma ; por la qual en aquel recuerdo de tan alto conocimiento de la Deidad le aspira el Espí­ritu Santo con la misma proporción, que es la noticia y la absorve profundissidamente, enamorándola delicadissimamente, según aquello que vio; por­que siendo la aspiración llena de bian, y gloria, la lleno de bondad y gloria el Es­píritu Santo, en que la enamora sobre toda gloria, y sentido, y por esso lo dexo.” Aqui le faltaron a este Venerable Padre las palabras para significar la ine­fable excelencia desta aspiración Divi­na, y los gloriosos efectos que hazia en su alma. Con que parece que le comunicava una fellcissima participación de la Divina comunicación, que las tres Divi­nas personas tienen entre si con infinita gloria, donde el Padre conociendo a si perfectamente engendra al Verbo, y el Verbo instamente con el Padre aspira al Espíritu Santo, que es amor de entram­bos. De manera, que assi como en la perfecta contemplación dise Santo Tho­mas según queda ya tocado, que ay se­mejanza de conformidad con la comu­nicación eterna, que entre si tienen las tres Divinas Personas; assi en esta union transformada ay otra mas favorable en­tre las tres Personas , y el alma desta mañera unida a Dios, adonde el Padre le co­munica al Hijo en aquel recuerdo con un alto conocimiento de su Divinidad: y el Hijo aspirando en ella le comunica al Espíritu Santo con amor proporcio­nado a este conocimiento, con que la enamora de si, y la llena de gloria.

CAPITULO XI. Que en el estado de transformación de amor Divino goza el alma desde el destierro una feliz participación de la vida de la Patria.

Ya vimos en otra parte de la doctri­na de San Dionisio, que en las cosas de perfección lo supremo del grado in­ferior llega a tocar lo infimo del grado superior Inmediato, y participa del, aun­que imperfectamente. Pues como el estado de union habitual, y transformacion del aima en Dios, es el grado supre­mo de la perfección desta vida por ca­mino de contemplación, llega a partici­par de la rectitud y felicidad de la vida de la Patria, aunque imperfectamente, y se cumple en ella, como nos es possible lo que dixo el Salvador: Sed perfectos, como lo es vuestro Padre Celestial. Para cuyo conocimiento se ha de advertir, que nuestra vida toma su perfección de la imitación de Dios, y de sus altissimas vir­tudes, y perfecciones, las quales por esao se llaman virtudes ejemplares; porque es Dios para nosotros exemplar Divi­no, a quien avemos de imitar, y por cu­ya perfección avemos de regular nues­tras acciones, en quanto el Criador pue­de ser imitado de sus criaturas. Para esto se hallan en el hombre tres maneras de virtudes, que refiere y declara Santo Thomas, conviene a saber, políticas, purgatorias, y de animo purgado. Y de­jando los dos primeros, que no tocan a nuestro intento, haremos memoria de las terceras, que son las que tocan a nuestro estado.

Las virtudes de ánimos purgados son las que han alcançado ya una feliz semejanza Divina. Quando la pruden­cia solo mira a las cosas de Dios; la tem­plança ignora los deseos terrenos; la for­taleza no siente las passiones; y la justi­cia ha hecho ya confederación y aliança perpetua con la rectitud Divina, imi­tándola. Esto dise Santo Thomas destas virtudes; y remata sus excelencias con estas palabras: Estas virtudes son de los Bien­aventurados en la Patria, y de algunos perfectissimos en esta vida. Estos tales han llega­do ya a aquella perfección que persua­de el Apóstol, quando dize: Renovad vuestros espíritus, y vestios del Hombre nue­vo, que fue criado según Dios en justicia, y verdadera santidad. Dexando ya la anti­gua conversación del hombre viejo, co­mo experimentava esta renovación N. V. P. en este estado, lo dize èl por estas palabras: "Pues quando esta vida nueva ha llegado a perfección de union con Dios, todos los afectos del alma, sus potencias, y operaciones de suyo imperfectas y ba­xas, se buelven como Divinas: y como por la transformación en Dios, es Dios el que le govierna, vive ya en cierta mane­ra vida de Dios, y se ha trocado su muerte en vida ; porque el entendimiento que antea deata union entendía cortamen­te, ya es movido, è informado de otro principio, y lumbre mas superior de Dios. La voluntad que antea amava ti­biamente, aora ya se ha trocado en vida de amor Divino; porque movida del Espiritu Santo, en quien ya vive, ama al­tamente con afecto de Divino amor. La memoria que de suyo percebia solo laa formas y figuras de criaturas, está ocupa­da de memorias de Dios, y recordación de los años eternos. El apetito, que an­tes estava inclinado al manjar de criatu­ras, aora tiene gusto, y sabor de manjar Divino, que es el gusto de Dios. Y final­mente todos los movimientos y opera­ciones, que el alma antea tenia del prin­cipio de su vida natural imperfecta, ya en esta visión están trocados en movi­mientos de Dios; porque el alma, co­mo ya verdadera hija de Dios, según di­ze el Apóstol, es movida del espíritu de Dios, y la sustancia dalla, aunque no es sustancia de Dios, porque no puede con­vertirse en él; pero estando unida y trans­formada en él, es Dios por participación, porque este estado de vida espiritual perfecta goza de cierta semejança de la gloria que esperamos. Y assi puede de­sir el alma lo que San Pablo, que ya ella no vive en si, sino Christo en ella, y desta manera se trueca lo muerto y frío desta alma en viad de Dios, enagenada de to­do lo secular y temporal: y libre de to­do lo natural desordenado, es introdu­cida en las celdas del Rey, donde se ale­gra y goza en su amado. »

Toda esta experiencia deste Vene­rable Padre es conforme a la que queda referida de Santo Thomas, que el alma transformada en Dios obra según la for­ma Divina, de que está informada; y el amor Divino perfectamente arraygado en ella, haze que no viva ya tanto vida de hombre, quanto vida de Dios. Al mismo mo proposito llama San Dionisio al amor que procede de la Ierarquia supe­rior de los Serafines, reductivo y activo. Los quales efectos declara Rugo de S. Victore diziendo: Es reductlvo, porque a los espíritus que embiste, los redice, y lebanta a las cosas Divinas; y es activo porque les compone en las inferiores; reductlvo, llevándolos a Dios; y activo, ordenándolos para que vivan según Dios. Pues como estas almas están feliz­mente apoderadas deste amor Divino, de aquí les viene ser tan ordenadas sus operaciones, assi las que se encaminen a Dios en la vida contemplativa, como las que se exercitan en la vida humana. Participan también estas almas, aunque en modo desigual, é imperfecto, de aquellas tres nobilissimas propriedades, que dize San Dionisio que reciben de Dios los Bienaventurados; conviene a saber: La primera, firmeza en el bien, por estar arrimados a Dios los transfor­mados en él. La segunda, que en cierta manera imitan los perpetuos movimien­tos de los Angeles, con que sus entendi­mientos contemplan siempre a Dios, que assi también los habitualmente uni­dos a él, exercitan la vida contemplativa va entre las ocupaciones activas, quanto se permite en este estado, como ya vi­mos. La tercera los imitan en la conti­nuación alentada de los actos de la vo­luntad; porque como han salido ya de si, y trasladadose en Dios, en quien están transformados; todo lo que aman y de­sean es según esta transformación, que los lleva a Dios suavemente.

CAPITULO XII. Del Reyno de Dios, que el alma transformado en èl goza dentro de si misma con gozo y paz de Bienaventurança co­mençada.

El Reyno de Dios, dixo el Salvador a sus discípulos, dentro de voso­tros está: y declarándonos el Apostol en que consistía, dixo; que era justicia, paz, y gozo en el Espíritu Santo. La justicia que es la perfección de la vida, introdu­ce al alma en este Reyno, y la paz, y el go­zo son los frutos del. Pues deste Reyno de Dios con Bienaventuranza comença­da, comiença a gozar el alma contem­plativa transformada en Dios, desde que el Esposo Divino dio entrada a las po­tencias en la casa de la Sabiduría, y Tála­mo de las bodas Celestiales, quanto el primer fruto deste felicissimo Reyno, que es la paz. Como la nobleza de la for­ma ennoblece al sugeto que la recibe, y le viste de sus propriedades; después que la forma Divina se apodero del alma pa­ra transformarla en èl, la vistió de las propriedades de Dios, y como èl conser­va en si una paz, y tranquilidad eterna, è inefable, como describe San Dionisio, estas mismas propriedades imprime en el alma que une consigo.

Y como en esta union habitual está el alma tan llena de Dios, como tan es­trechamente unida con èl, y satisfecha su gran capacidad con esta possession del sumo bien, está su apetito ya tan quieto, que ni ama otra cosa mas de lo que tiene, y tiene todo lo que ama, según se puede tener en esta vida; con lo qual alcança una paz tan feliz, que goza ya en cierta manera del amor pacifico de los Bienaventurados, y de su tranquili­dad gozosa, y desta manera aman, y go­zan; porque ninguno puede ser lastima­do, ni afligido, sino en aquello que ama; y si ama solo aquello que nadie le puede quitar, no ay sobre que cayga esta aflic­ción. Y desta manera ama el alma trans­formada en Dios, y como en si tiene fir­meza lo que ama, que es la hermosura Divina, también la tiene su amor, y tan sin mixtura de otra cosa alguna, que no puede padecer aflicción de parte de las cosas exteriores, porque no se estiende su juridicion à quitarle lo que ama, y como no ama sino una cosa sola, no está dividida, sino unida, y assi quieta. Por­que como dize el Venerable Hugo de S. Victo en la mesa de Dios no se sirve mas que un plato; pero este tal, que so­lo di puede dar hartura: todas las demas cosas embarazamos pueden, pero no sa­tisfacer; que nuestra hartura esta libra­da, no en la multiplicidad, sino en la unidad.

Pues como la Bienaventuranza, se­gún Santo Thomas declara, consista en la perfecta quietación, y firmeça del alma en el sumo bien, assi quanto al entendi­miento, como en quanto a la voluntad, quando cessa ya la curiosa inquisición de la potencia intelectiva, y se quiete en el conocimiento de la primera causa, y cessa también la mutabilidad de la po­tencia afectiva unida firmemente, ya con el sumo bien, sin dificultad se conoce quanta semejança tiene con esta felici­dad cumplida la comentada de los ha­bitualmente unidos con Dios, cuyo en­tendimiento esta ya quieto con el cono­cimiento de feo ilustrada, que tienen de la suma grandeza, y la voluntad en su amor, sin desear, ni apetecer otra co­sa, que la pueda dividir, ni apartar del sumo bien, de que ya felizmente parti­cipa. Esta paz gozola y satisfecha en Dios, es bien tan grande, que dise della San Buenaventura, que solos aquellos pueden conocer su felicissima excelen­cia, que con tan familiar comunicación de la Divina bondad la gosan, y la pone en el grado superior de la perfección desta vida inmediata a la de gloria, que se goza en el cielo.

Desta dichosa paz nos dà noticia experimental el Venerable Padre Fray Juán de la Cruz, y declarando della el dulce sueno de la Esposa, dise assi : "A todas las quatro passiones principales del alma, y como fuentes de sus pertur­baciones que son gozo, tristeza, esperança y temor, conjura también el ama­do, haziendolas cessar, y sossegarse, por quanto el dá ya a la Esposa caudal en es­te estado, para que no solo no reyne su desorden en ella, pero ni aun algún tan­to la puedan dar sin sabor; porque la grandeza y estabilidad desta alma es tan­ta ea este estado, que nada la inquieta, y aun los pecados suyos, y agenos (que es lo que mas suelen sentir los espirituales) aunque los pondera, y haze peso dellos, no le causan ya dolor inquieto, ni tiene aflicción compassiva, aunque tiene las obras, y la perfección de la compássion; porque aquí le falta al alma lo flaco que tenia en las virtudes, y le queda lo fuer­te, lo constante, y lo perfecto dellas, al modo de los Angeles, que perfectamen­te estiman las cosas que son de dolor, sin sentir dolor, y exercitan las obras de mi­sericordia y compassion sin sentir com­passion penosa; y otro tanto acaece al alma en esta transformación de amor, aunque algunas vezes, y en algunas co­sas abren la puerta al sentimiento, de­mandóla Dios padecer, porque merezca mas, como hizo con la Virgen su Madre; pero el estado de suyo no lo lleva. Del alma puesta en este estado se entiende aquello que dise el Sabio: El alma segura, es como un combite perpetuo, en el qual ay de todos manjares sabrosos al paladar, y de todas músicas suaves al oido; porque assi el alma en este perpe­tuo combite, que ya goza en el pecho de su amado, es recreada con todos los deleytes, y saboreada con toda sua­vidad. »

Desta manera declara este Venera­ble Padre la felicidad de la paz, como habitual que goza el alma en este esta­do.Y quanto a lo que dize, que algunas vezes dexa Dios padecer a estas almas, aunque el estado de union habitual de suyo no lo lleva, se ha de entender según la declaración de Santo Thomas; que aunque el alma estando unida a cuerpo mortal, siempre es passible, y tiene ap­titud de padecer, la qual aptitud no solo quita por la reformación de gracia, sino solamente por la de gloria; con todo esso quedando esta aptitud de padecer en la naturaleza, se reforma por la gra­cia, quanto a los actos personales. Y co­mo está habitualmente unida con el Au­tor de la paz y suavidad, y transformada en él, y cada uno obra según la forma de que está informado; y esta forma es Di­vina, pacifica, y suavissima, aunque al­gunas vezes con la aprehensión de algún objeto nocivo, o doloroso, sea impedi­da por algún rato en el uso desta paz y suavidad, toma con facilidad a gozar della, conforme a su habito, que esta inclinando siempre al sugeto a sus actos, que son de paz y suavidad.

Deata felicidad pacifica nos dà tam­bién noticia nuestra Madre Santa Tere­sa diziendo: "En metiendo el Señor al alma en esta morada suya, que es el cen­tro dalla, la pone en una paz, que nunca la pierde; porque alli, como dizen que el cielo Empíreo, donde Dios está, no se mueve, como los demás cielos, assi pa­rece no aver en esta alna, entrando aquí los movimientos que suele aver en las potencias, è imaginación, de manera que la perjudiquen, y la quiten de su paz. Pero no se entienda, que las poten­cias, y sentidos, y passiones están siempre en esta paz, el alma si; mas en estotras moradas no dexa de aver tiempo de gue­rra, y de trabajos y fatigas, mas son de manera, que no se quita de su paz, y esto es ordinario. » En estas palabras signifi­co esta Maestra aquella maravillosa divi­sión entre alma y espíritu, que se decla­ro en otra parte, y es como ordinaria en este estado, donde el espíritu con las po­tencias superiores assiste a Dios en paz dichosa en el centro del alma, y la parte inferior della atienda a los actos de la vida humana, Y por esso San Dionisio lla­mo éxtasis a esta transformación de amor, donde el alma está dividida desta manera, y trasladada a Dios lo mas prin­cipal della.

El segundo efecto del Reyno de Dios, que en este Parayso Interior se go­za (dise el Apóstol) que es el gozo en el Espíritu Santo, y el mismo Señor lo sig­nifico, quando dixo : Que en esta casa de la Sabiduría, que él avia edificado, y adornado en el alma para morar en ella, la tenia siempre puesta la mesa con man­jares Divinos, y la combidava con ellos, como nuestra ilustrada Madre lo experi­menta va en este estado, del qual dezia : "Quando el alma se descuida, el mis­mo Señor la despierta de tal manera, que se vé claro, que proceda de aquel impulso de lo interior del alma, y con gran suavidad, que assi como un fuego no echa llama àzia lobaxo, sino àzia arri­ba; assi se entiende acá, que este movi­miento interior procede del centro del alma, y despierta las potencias. En esta morada casi nunca ay sequedad; aquí se debe de cumplir el favor del osculo que pedia la Esposa: aquí se dan las aguas en abundancia a esta cierva que và herida. Aquí la Paloma que embio Noe a ver si era acabada la tormenta, hallo la oliva, por señal que ha hallado tierra firme dentro de las aguas, y tempestades del mundo. » Todo esto es de nuestra Ma­dre, y dise, que en esta morada séptima no ay sequedades, porque la parte supe­rior abunda en gozo: y como este supre­mo estado de la vida del destierro, parti­cipada de la vida de la patria, donde los gozos de la parte superior del alma re­dundaron a la inferior, participa ya aquí desta calidad gozosa.

Deste mismo gozo en este estado de vida tan perfecta, donde el alma re­cibe tan preciosas joyas de las tres Divi­nas Personas, y se le manifiestan tan a lo sobrenatural con gozo y alegría, anda siempre como de fiesta, y trae en su pala­dar un jubilo grande de Dios: y como un cantar siempre nuevo, embuelto en amor alegre, y en conocimiento de su al­to estado, lo anda repitiendo en su alma, dando alabanzas a Dios con versos de la Escritura, que con este gozo referian los Santos grandes amadores de Dios, y muy favorecidos del, en conformidad de lo qual dise nuestro Venerable Pa­dre Fray Juán de la Cruz las palabras si­guientes: Porque el alma siente a Dios aquí tan solicito en regalarla, y hazezerla mercedes, como sino tuviesse otra cosa en este mundo en que emplearse, sino que parece es por ella sola; y assi lo confiessa ella en los Cantares, dicien­do: Yo toda para mi amado, y mi amado para mi. Desta manera describe este Maestro el gozo del alma en este estado.

CAPITULO XIII. De una eminentissima contemplación, que los transformados en Dios exercitan en participación de vida celestial.

Tratando muy en particular S. Dio­nisio de los efectos que la luz Divi­na vá haziendo en el alma contemplati­va, que sabe disponerse para recibirla sin estorbos después de aver declarado, como vá purificando al entendimien­to, encendiendo la voluntad, renovan­do todas las fuergas espirituales y acer­cando mas cada dia el alma a la perfec­ción, viene a rematar todos estos efe­ctos en assentar al que desta manara es ilustrado y renovado (aunque aya reci­bido muchas visiones, y revelaciones) en el exercicio de una contemplacion verdadera, pura, uniforme, reducida de las operaciones a la verdad, y de varias vistas a una sola de aquel uno, en quien está todo junto, y de las demas luzes a una sencilissima y unitiva; porque co­mo prueba Santo Thomas, quanto se va acertando mas el alma a la perfección, y verdadera santidad, tanto mas se vá apartando de la multiplicidad, y redu­ciéndose a la Unidad de un acto puro, en que se assemeja a Dios, y en esta unidad de un acto solo, como en grado superior están incluidos todos los actos de los grados inferiores, y con mayor excelen­cia, de la manera que en solo el Serafín están incluidas mas excelentemente to­das las perfecciones de los Angeles in­feriores.

De lo qual parece quan ennobleci­do está ya el entendimiento del contem­plativo en este sublime estado, pues le ilumina Dios al modo que ilumina los Angeles de la primera Ierarqula; con­viene a saber, a modo mas universal que a los demás Angeles; porque como

queda tocado en otra parte, los Angeles superiores tienen el conocimiento de las cosas en formas mas universales, y como van baxando en la dignidad, van también teniendo este conocimien­to mas estrecho, y menos universal, Y assimesmo quanto cada Angel es en si mas noble, tanto tiene mas de acto, y me­nos de potencia, y mas reducido esta a unidad, y tanto su virtud cognoscitiva sera mas eficaz. Pues assi como a los An­geles inferiores les dan la iluminación, no como la reciben de Dios los Ange­les Superiores en formas universales, si­no dividida, y estrechada la luz, confor­me a la capacidad de sus entendimientos; y quanto mas se van acercando a laIerarquia superior, tanto van recibien­do la iluminación Divina, en formas mas unidas y universales. Assi parece que se ha Dios con las almas contemplativas, que como antes les dava el conoci­miento de las cosas Divinas, como abo­cados, conforme a la capacidad estre­cha de su entendimiento, primero por medio de semejangas imaginarlas, y des­pués estendiendolo mas un poco àzia la Ierarquia media del alma, se lo dá por medio de conceptos intelectuales, y trae esto en cónocimiento sencillo, è indis­tinto de luz de Fè, que dà vista ya a la Ierarquia superior, aunque en oscuridad. Y aora finalmente, después de muchas ilustraciones les dà este conocimiento en una noticia de luz Divina universallisima, única y unitiva; que como declara Santo Thomas, no solo pone al entendimiento en la lumbre de la ver­dad, mas también le llena de la misma verdad, que siendo en si una, es unitiva, y congregativa de todas las demás ver­dades.

Este modo de repartir Dios la luz a los contemplativos, según la capacidad y nobleza de sus entendimientos, declaro San Dionisio en otra parte, diziendo; que a los Varones Divinos se les dava la iluminación de las cosas sagradas a lo sencillo, y por si misma, como a los que tenían ya parentesco con la misma luz Divina; pero a los imperfectos, como a groseros especuladores dé las cosas es­pirituales, se la davan por medio de se­mejanças escuras y materiales.

Desta manera de iluminar los en­tendimientos ya ennoblecidos, a modo de Ierarquia superior, fue aquella mer­ced tan grande, que Christo nuestro Se­ñor hizo a Santa Teresa, y se la encare­ció tanto como en otra parte queda to­cado, quand o arrebatándole el espíritu se le anegaron en una grandeza inmen­sa, y le ensancharon, para que conociesse una verdad, en quien estavan inclui­das todas las verdades, que fue ilumi­narla de la suma verdad, a modo de Ché­rubin: y deste favor participan en su ma­nera las almas transformadas en Dios, y admitidas al Parayso espiritual, y casa de la Sabiduría, adonde como en la habi­tación de la verdadera luz está el entendi­miento tan enriquecido della, como es­ta gran Maestra lo significa en estas pala­bras: En este Templo de Dios (que es esta mora suya, donde èl, y el alma se gozan con grandissimo silencio) no ay para que bullir, ni bus­car nada con entendimiento, que el Señor que le crio le quiere sossegar aquí, y qua por una resquicia pequeña mire lo que passa; por­que aunque a tiempos se pierde esta vista, y no le dexan mirar, es poquissimo intervalo, por­que a mi p.areoer, no se pierden aquellas poten­cias, mas no obran, sino están como espantadas. Esto dise esta gran Maestra desta iluminacion casi continuada del entendimiento en la casa da la Sabiduría, y del mismo estado, y al mismo proposito dize su ilustrado compañero: "Aquí van a en­trar los Ríos del Mar en el Océano del amor, y están allí tan anchos y reposa­dos, que parecen ya mares, juntándose allí el principio, y el fin. Lo primero y lo postrero para acompañar al alma que parte a su Reyno pura y rica: y quanto se compadece con la Fè y estado desta vida , le fia Dios sus dones, y virtudes, y dexala que pueda ver su hermosura, porque en este estado todo se le buelve en amor y alabanças Divinas, no aviendo ya levadura que corrompa la masa, como vè que no le falta mas que romper la te­la flaca desta humana condición de la vi­da mortal, para gozar de la verdadera vida, desea verse desatada para vivir con Christo; y llama la tela, porque assi co­mo la tela no es tan condensa, que no se puede traslucir lo claro por ella, assi en este estado parece esta travaçon tan delgada tela, por estar ya muy espiritualiza­da, è ilustrada, y adelgaçada, que no se dexa de traslucir la Divinidad en ella: y como siente el alma la fortaleza de la otra vida, y echa da ver la flaquesa desta, párecele muy delgada tela." Todo esto que dizen estos dos Cherubines de los resplandores Divinos, que percibían sus entendimientos dentro de la habita­ción de la luz, particularmente aquel ver como por resquicio lo que passava en ella, y traslucirse como por entre una tela delgada la Divinidad, y la glo­ria de la otra vida, se ha de reducir a lo que en otra parte nos dixo Santo Tho­mas; que lo que la Fé representa de los misterios Divinos embuelto en oscuri­dad, lo ilustra, y en cierta manera lo desembuelve el don de Sabiduría en la con­templación muy endiosada, para dar mas alto concoimiento dellos, descu­briendo algo de lo particular, quanto se compadece con el acto de Fè.

Desta contemplación tan alta y com­pendiosa en una sola vista, hablan con gran ponderación los Autores experi­mentados, y uno dellos la llamas Vida contemplativa supereminente, y dà la razon deste nombre, diciendo; que entre les Divinas iluminaciones tiene esta el gra­do altissimo, y supereminente; y que assi se ha de llamar, con nombre de supereminencia, la qual describa desta manara: "Ay cierto modo superemi­nente da vida contemplativa, muy se­mejante a la da los Bienaventurados, que aunque en ella no se muestra al entendimiento la essencia de Dios con vista clara, pero en ella le assisten los contemplativos en pureza sencilla de espíritu, y son lebantados a Dios con una reverencia amorosa, è inteligencia muy ilustrada, y perseveran en la presen­cia de la Magestad Divina, sin nubes, ni velos de formas, ni figuras, con devoto y familiar coloquio y confianza: y en­tonces el Padre Celestial, que a todos dà 1iberamente, no se dedigna de embiar de su rostro Divino una luz resplan­deciente al centro intimo de la desnuda da y sencilla inteligencia del contem­plativo, lebantada sobre los sentidos y razón en la pureza elevada del espíritu. Y aunque esta no es la luz increada, sino una luz intelectual, que vá delante, que ni el sentido, ni la razón, ni considera­ción alguna pueden comprehenderla, es un esclarecido medio entre Dios, y nosotros, mas noble, y mas alto que to­dos los que Dios crio en la naturaleza, y una habla del espíritu Divino en nuestra inteligencia, con que felizmente la lebanta a la contemplación de la Divini­dad en una vista sencilla sobre la razón y consideración, mas no como en su ine­fable gloria, sino fuera de la vista intui­tiva, y como le agrado mostrarse a cada tino, según el modo de la luz infusa; mas a esto llegan muy pocos por su indisposición; porque no trabajan para dis­ponerse, y hazer lo que pueden de su par parte. » Todo esto es deste Autor, con que damos remate a nuestro largo assumpto.

LAUS DEO OPTIMO MAXIMO, ET PURISSIMAE VIRGINI, ET MATRI SINE PECCATO CONCEPTAE.



Don que tuvo san Juan de la Cruz para guiar las almas a Dios

Source

Deux opuscules de Quiroga furent publiés dans le tome III des œuvres de Jean de la Croix (TOMO TERCERO TOLEDO 1914) : “Obras del Místico Doctor San Juan de la Cruz”, Edicion critica […] Padre Gerardo de San Juan de la Cruz. J’utilise :



Apendice III, Don que tuvo San Juan de la Cruz para guiar las almas a Dios, Por el Padre Fray José de Jesús María (Quiroga), Carmelita Descalzo, Primer Historiador General de la Reforma.

A guisa de Prologo [Présentation de l’éditeur]

505 DEL autor del presente Tratado se diô una breve noticia en el tomo I de la ediciôn de estas Obras (pâg. LIX) (1). Tambien se hizo alli menciôn de los escritos que escribiô para defender e trar la doctrina de San Juan de la Cruz.

No teniendo entonces intenciôn de publicar este Tratado, me parecieron suficientes aquellas noticias para que se tuviera una ligera idea del saber del incansable apologista del Mistico Doctor; ma vez determinado a darle a luz, he juzgado conveniente poner aquí la lista de todos sus libros, para corregir con esto varios errores y suplir algunas omisiones que se hallal en los Catàlogos de escritores carmelitanos, no exceptuados los mas recientes, y con el fin tambien que esta noticia sirva para hacer mayor aprecio del Tratado presente, como parto de un ingenio tan excelente y fecundo.

La lista es como sigue:

1.° Excelencias de la castidad. Cuatro tomos en folio. El primero se imprimiô en Alcalà, en casa de la Viuda de Juan Gracian,

(1) Es deber mio corregir dos inexactitudes que escribi en dicha reseña. La primera es, que dije haber tomado el hàbito et Padre José en nuestro convento de Pastrana. Aunque asi lo afirrna el Padre Marcial de San Juan Bautista, tengo mas fe en las autoridades del Padre Francisco de Santa Maria y José de Santa Teresa quienes aseguran lo vistiô en Madrid (véase la Historia de la Reforma de Nuestra Señora del Carmen, tomo 2.°, libro VII, cap. X, y tomo 4°, libro XVII, cap. XXVI. La segunda es, que, siguiendo al referido Marcial (Biblioteca scriptorum Carmelitarum, pag. 265), puse el año de su muerte en 1626, siendo asi que los dos historiadores citados la ponen en 1629. Y esta es la verdadera fecha, porque no cabe duda que rnuriô el Venerable Padre después de haberse publicado su Historia de nuestro Fundador, y ésta viô la luz en 1628. El yerro del Padre Marcial provino de que el Padre José de Santa Teresa, terminada la fundaciôn del convento de Cuenca llevada a cabo en 1626, puso a continuaciôn la biografia del Padre José, aunque no era aquel el lugar cronolôgico que la correspondia. Hizolo asi por razôn de dar cuenta del precioso depôsito que tenia con sus reliquias el susodicho convento de Cuenca. Mas, ya dice claramente en la biografia que su feliz trânsito sucediô en 1629. Advertiré también aqui de paso, que tampoco està en lo cierto el Padre Martial, y quien le ha seguido, al afirmar que muriô en el convento de Segovia.

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año 1601. En el Catálogo último se dice que esta obra constaba sólo de tres tomos, y que el primero se imprimió en Toledo, el año 1684.

2.° Vida de Santa Catalina, Virgen y Mártir. Un tomo en 8.° En la imprenta de Pedro Rodríguez, 1608. En los Catálogos no se dice dónde ni cuándo se imprimió. Se afirma, sin embargo, en el del Padre Angelo, que fué escrita en latín, cosa que no es así; lo único que contiene en latin es una brevísima Dedicatoria del autor a la Santa, en versos latinos exámetros y pentámetros.

Historia del Venerable Padre Fray Juan de la Cruz. Un tomo en 8.°, bastante voluminoso. Se imprimió en Bruselas en 1628, en la imprenta de Juan Meerbeeck. En los Catálogos se dice que se imprimió en París, poniéndose en el último la fecha referida, de 1628, lo cual es inexacto.

4.° Relación de los milagros obrados por Dios en una reliquia de carne del Venerable Padre Fray Juan de la Cruz. Un tomo en 4.°, Madrid, 16 15.

5.° Historia del Venerable Hermano Fray Francisco del Niño Jesús, Carmelita Descalzo. Valencia, 1624. Este libro, según corre impreso, no es propiamente del Padre José, conforme él lo confiesa por estas palabras: «Y así con sola esta merced supo nuestro Hermano (Francisco del Niño Jesús) dar al Patriarca Arzobispo de Valencia, su amigo, tan particular y alta noticia de este misterio, que le dejase admirado, sin que le hayan de conceder luego una cosa tan negada en las divinas letras, como es la vista clara de la divina esencia. La cual le concedió tan a lo llano y poco advertido el que arrebujó el libro de su Vida, de que a mí me dan por autor por haber dado para ella unos apuntamientos historiales y verdaderos, sacados de sus Informaciones. De los cuales dejó de poner lo más sustancial y las grandes mercedes que Nuestro Señor le hizo después que fué Religioso por el camino ordinario de fe ilustrada, que pudieran causar, no sólo edifi¬cación, mas también algunas de ellas consuelo a todos estos Reinos. Y en lugar de todo esto puso sus propios sentimientos menos acertadamente, y entre ellos esto de la Divina esencia, con tan flaco fundamento como una palabra encarecida de un gran devoto suyo. A la cual yo satisfacía suficientemente en estos apuntamientos, dándole lo que San Dionisio da a los Santos más ilustrados, aunque sean de los que hace mención la Sagrada Escritura, y Io que tengo por verdadero, por haber tratado mucho al Santo Hermano.» (Historia del Venerable Padre Fray Juan de la Cruz, libro III, capítulo 4.' al fin.)

6.° Historia de la Virgen María. Un tomo en folio. Amberes, 1652.

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7.° Subida del alma a Dios y entrada en el Paraíso. Dos tomos erg 8.° Publicáronse en Madrid en casa de Diego de la Carrera, el primero en 1656 y el segundo en 1659.

8.° Concordancia de la doctrina de Nuestra Madre Santa Teresa de Jesús con la de la Sagrada Escritura, Santos Padres, etc. Un tomo en 8.°, bastante voluminoso. Esta obra la sacó a luz el año de 1667 Fray Bernardino Planes, Monje de la Cartuja de Monte Alegre en Cataluña. Aunque no la vende por obra propia (pues confiesa clara¬mente en la Dedicatoria que era labor ajena, y que el manuscrito de ella hacía unos treinta había venido a aquel monasterio), no dice, sin embargo, de quién es. Quizás no Io diría en el Códice. Mas ya pudo comprender el editor que era de un Carmelita Descalzo, tanto por ser defensa de la Santa Reformadora, como por darla el título de Nuestra Santa Madre (1). Es muy extraño que los que hancitado esta obra le hayan hecho a Planes autor de ella, confesando él que no es parto de su entendimiento.

9.° Declaración del capítulo XXII de la Vida de Nuestra Madre Santa Teresa, acerca de cómo se ha de ejercitar en la contemplación la memoria de la vida y pasión de Nuestro Señor. Esta obra es corta, y no sé que haya salido a luz. En nuestro Archivo de Toledo se con¬serva una copia, la cual comprende ocho números o capítulos. Ignoro si está completa la obra.

10.° Historia general de la Reforma del Carmen. Tres tomos en folio. No se lia impreso, e ignórase su paradero. En tiempo del Padre Fray Andrés de la Encarnacion aún se conservaba en nuestro archivo. Sería un hallazgo feliz el encontrarla.

11.° Tratado de la Oración y contemplación, sacado de la doctrina de la bienaventurada Madre Teresa de Jesús y del Venerable Padre Fray Juan de la Cruz. Debía de constar de dos o tres tomos. Una parte de él fué impresa por un extraño. (Véase la página XIL del torno 1.)

12.° Escala Mística. De esta obra nos da noticia el Padre Fray Andrés de la Encarnación, quien la manejó bastante. El mismo Padre José también la cita como suya por estas palabras: «Daremos mayor

(note 1) Debo advertir que en el impreso no se cita a la Santa de este modo; Alas es por haber en esto retocado Planes el manuscrito, no sabemos con qué fin. En su día probaré, coi, datos fehacientes, que es verdaderamente obra de nuestro Fray José, como afirman nuestros historiadores y Fray Andrés de la Encarnación, y como consta por su autógrafo que se conservaba en el siglo XVIII en nuestro Archivo general,

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noticia en los tratados de nuestra Escala Mística, y donde con el favor divino se declararán más de propósito las materias que en éste toca¬dnos tan de paso, y otras que pasamos en silencio, etc., etc.» (Subida del alma a Dios y entrada en el Paraíso, libro I I I, capítulo 22.) El Padre Fray Andrés cita el capítulo s6 del libro I de la segunda parte de dicha obra, y el 28 del libro II de la misma parte. Por donde se ve que tenía que ser de muy abultado volumen.

13° Apología mistica en defensa de la contemplación divina contra algunos místicos escolásticos que se oponen a ella. Se conserva su autógrafo en la Biblioteca Nacional. Manuscrito 4.478.

14.° Don que tuvo San Juan de la Cruz para guiar las almas. Un tomo.

15.° Intercesión milagrosa de la Santísima Virgen. Un tomo en 8." Su autógrafo (el cual perteneció a las Carmelitas de Toledo) se halla en la Biblioteca Nacional. Manuscrito 8.410.

16.° Una defensa brevísima de la doctrina de Santa Teresa de Jesús y de San Juan de la Cruz. Hállase en el Manuscrito 8.27s de la Biblioteca Nacional.

17.1 Brevísimo comentario a las liras «Aquella niebla oscura.” y «Oh dulce noche oscura”. Su original en el Manuscrito Pp. 79 (1).

Fuera de estas obras (y quizá de otras que ignoro) nos han quedado del Padre Fray José varias cartas y papeles y el Resumen que hizo de las Informaciones hechas hasta su tiempo para la bea¬tificación de San Juan de la Cruz, del cual se valió para escribir su Vida (2).

Tales son los méritos literarios del autor de la obra que ahora por vez primera se publica. Escribióla el Padre José después que salieron a luz los escritos del Santo; por eso las citas que de ellos hace son conforme al texto impreso. El motivo de escribirla ya le indica, y fué haberse suscitado varias dudas sobre la doctrina del Místico Doctor, dudas que él desvanece por completo ion autoridades de los grandes místicos y del príncipe de la Escolástica, Santo Tomás de Aquino. Podemos dividir este Tratado en dos partes. En la primera (desde el capítulo primero al décimo inclusive), se expone el método de ora

(note1) Estas siete obras últimas no han sido incluídas en ningún Catálogo de escritores Carmelitas.

(note2) Debe notarse en alabanza de la laboriosidad de nuestro escritor que todo lo que escribió fué ordinariamente de su propio puño, así los originales como las copias en limpio.

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ción que San Juan de la Cruz enseñaba de viva voz a sus discípulos desde los primeros actos de este santo ejercicio hasta el acto de la contemplación. Con esto refuta a los que le acusan de pretender introducir a las almas en la contemplación, sin pasar antes por los ejercicios de la meditación, que son ordinariamente los escalones por donde a ella se sube. No nos dice el autor dónde halló las noti¬cias relativas al método de oración del Santo; pero es indudable que las tuvo. Habiendo vestido el hábito carmelitano en 1595, casi a raiz de la muerte de San Juan de la Cruz, recibió en sus primeros años las mismas instrucciones acerca del modo de orar que el Reformador del Carmelo diera a los primeros noviciados de la Orden. Y no sólo esto, sino que también de la práctica que observó en aquellos reli¬giosos y religiosas primitivos, coligió, sin peligro de errar, cuál era la doctrina que había enseñado el Santo, pues la mayor parte de ellos habían sido hijos de su dirección. Además, habiendo sido nombrado historiador general en 1597, recorrió las Provincias y conventos, con lo que adquirió todavía más completa noticia de las reglas que acerca de la oración se habían observado desde un principio en la Reforma. Finalmente, como quiera que para escribir la vida del Santo investi¬gara, ya valiéndose de las Informaciones hechas para su beatificación, ya de las relaciones particulares que a él le dirigieron, todo lo que se refiere a sus acciones públicas y privadas, no cabe la menor duda que supo de ciencia cierta todo lo que aqui escribe acerca del punto de que venimos hablando.

En la segunda parte de su obra, que comprende los capítulos res¬tantes, exceptuado el último que le podernos considerar también como histórico, defiende tres pasajes del Venerable Padre acerca de la contemplación. La apología que hace de su doctrina no puede ser más completa.

Los puntos que toca, tanto en. la una parte como en la otra, son sumamente prácticos y de transcendental importancia para sacar fruto de la oración y contemplación. Por esto ruego encarecidamente a las personas que se dedican a estos santos ejercicios que no dejen de leer este Tratado, pues hallarán en él expuestas con gran copia de razones y autoridades, doctrinas que apenas encontrarán en otros libros.

Los manuscritos de que me valgo para editarle son tres, a saber: el 11.990 y 8.27s de la Biblioteca Nacional, y otro que se guarda en este Archivo de Carmelitas Descalzos de Toledo, en cuyo convento escribo. Este último sólo comprende la segunda parte, es decir, desde

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el capitulo 11 al 21 inclusive (1). Me he permitido hacer una ligera enmienda en esta obra. Dividióla el Padre fosé en veintidós números, a los que no puso titulo alguno. En gracia de la claridad a los núme¬ros los lie denominado capítulos, poniendo un breve epígrafe a cada uno, el cual manifiesta el asunto principal de que trata el autor.

Si se me pregunta ahora la razón de haber insertado esta obra en la colección de escritos del Místico Doctor, responderé que lea sido el ponerlos con ella más a cubierto de los ataques de la igno¬rancia (pues de ella ha procedido ordinariamente lo que contra ellos se ha dicho), y también el sacar a luz los tesoros de ciencia del más entusiasta admirador y valiente apologista de la doctrina de San Juan de la Cruz. ¡Ojalá que hubiera sido posible dar cabida también en este volumen a la otra Apologia que escribió en defensa de los libros del Santo!

(1) En la página L1X del torno I cometí un yerro, poniendo el escrito que se contiene en este códice como obra distinta de las arriba numeradas. Mas al leer el Tratado del Don que tuvo el Santo para guiar las almas, advertí que era una parte de él, como dicho está.



DON QUE TUVO SAN JUAN DE LA CRUZ PARA GUIAR LAS ALMAS A DiOS

Capítulo primero. Dios ilustró a San Juan de la Cruz con sabiduría celestial para que fuese guía de las almas. Propósito del autor en esta obra.

Cuando Dios Nuestro Señor quiso en nuestros siglos sacar a luz en Frailes y en Monjas la renovación milagrosa del antiguo Carmelo, dibujándola con tan hermosos colorea, y engrandeciéndola con pregones tan gloriosos en las profecías antiguas y modernas, que referimos al principio del segundo tomo de nuestra Historia gene ral; así como dió a las Religiosas guía y maestra en nuestra Madre Santa Teresa de Jesús, tan ilustrada en dones divinos y sabiduría celestial cual convino que estuviese para representar la Virgen María Nuestra Señora, Madre primitiva nuestra, cuya sustituta fué en la fábrica de este nuevo edificio, para guiar en perfección y alegría por las veredas de la pureza y santidad las esposas del Rey al tálamo de su Esposo; así dió también a los Religiosos su varón heroico, dotado de otros semejantes dones, que como otro Elías (de cuyo espíritu está vestido) guiase a los Religiosos de esta Reforma por los medios antiguos de su Instituto, renovados en nuestra Era. El cual fué nuestro Venerable Padre Fray Juan de la Cruz, primer Descalzo y maestro de esta Congregación, cuyo oficio ejercitó por muchos años en las dos Castillas, vieja y nueva, y en Andalucía, con tan grande utilidad como adelante veremos.

Pues en estos dos Querubines terrenos y espírituales, archivos de la sabiduría celestial que nos había de ser comunicada, recogió Dios tan copiosa luz divina, que como espíritus superiores pudiesen iluminar a los inferiores de los Religiosos y Religiosas de esta Congregación. Para lo cual, así como nuestra gloriosa Madre fué ilustradísima en la sabiduría mística, muy sobrenatural y elevada (de la cual nos dejó en sus Libros altísima noticia) entre los mayores Santos, así también nuestro Padre Fray Juan de la Cruz recibió de esta sabiduría escondida tan copiosa luz divina, que por singular don le fué concedido aquel tan subido grado de ella, de que dice Santo Tomás que no sólo se extiende al conocimiento y contemplación de altísimos misterios, mas también a la sabia enseñanza de ellos, para poderlos enseñar a otros y comunicarles la misma luz, segun la disposición de cada uno. Porque tuvo esta gracia con tan gran excelencia, que con sus palabras, no sólo iluminaba los entendimientos, mas también movía y enamoraba la voluntad a Io mismo que enseñaba. Y como sabía esta sabiduría celestial, no sólo por experiencia en la oración, mas también por la frecuente lección de las letras Sagradas y escritos de los Santos, particularmente de San Dionisio (a quien entendió y declaró altísimamente por ilustración superior), no sólo tuvo este dón para conocer los grados muy altos de la contemplación a que no se puede llegar sino por particular iluminación divina, y para hacer acertada diferencia de la luz entre las tinieblas, mas también para enseñar provechosamente los grados comunes de la contemplacicn que podemos alcanzar a nuestro ¡nodo humano por medio de la luz de la fe y auxilios ordinarios de la gracia, la cual es la que propiamente nos toca, y en la que habernos de fundar prin 512 47 cipalmente nuestro ejercicio de oración mental como medio y disposición proporcionado para los demás grados más elevados. Y por eso nos la aconsejara y persuaden tanto los santos.

El mismo don tuvo también nuestro Santo Padre para facilitar y declarar lo muy dificultoso de esta divina sabiduría escondida, y los medios por donde se camina a ella. De manera que lo que San Dionisio y otros Santos dijeron de esta contemplación por términos muy oscuros y doctrina menos tratable para todos, que aun los hombres doctos muchas veces no la entienden, nos la dió él tan fácil y tratada por términos tan llanos y palabras tan claras y comunes48 que la pueda entender hasta la gente sencilla e ignorante.

Pero como esta ilustradísima doctrina purga los entendimientos que la admiten de muchas ignorancias y engaños que el poco uso de lo que enseñaron los santos había introducido en ellos acerca de este ejercicio de la oración, y los ilustra con la verdad y desengaño, el cual es oficio propio de la luz, como a nuestro propósito declaró San Dionisio; y por esto, pues, pelean las tinieblas contra la luz, alegando su prescripción, y la desechan algunos maestros espirituales por ser contraria a lo que ellos habían antes enseñado; con los cuales parece que habla el mismo San Dionisio, cuando después de haber dado noticia de la contemplación (que nuestro maestro persuade) dice a su discípulo San Timoteo: «Pues esta doctrina celestial la esconde de los que no sabiendo buscar a Dios sobre sí mismos, y en negación de su propio conocimiento, quieren vestir de figuras conocidas al que no puede ser conocido por ninguna. Por lo cual será necesario quitar a esta clarísima luz los nublados de algunas razones, con que se oponen a ella los que se deslumbran con sus resplandores, pretendiendo guiar a su perfección por este camino tan llano y breve, no sea estorbada en su dirección con estas sombras. Para lo cual responderemos brevemente a las principales razones con que han querido desacreditar la utilidad de los libros, que con tan subida luz escribió de la sabiduría Mística, ajustándola a la de San Dionisio (1), y a la de los demás Santos, que fueron arcaduces del Espíritu Santo, y como a tales los tiene la Iglesia de Cristo por Maestros de ella, de los cuales nunca discuerda, aunque no los nombra; para que la verdad quede descubierta; y el ilustradísimo espíritu de nuestro maestro, conocido, particúlarmente de sus hijos a quien él tan suavemente va guiando por las sendas antiguas y derechas de nuestro instituto al paradero de su .perfección. Para los cuales principalmente escribió estos libros, aunque también su utilidad se extiende a todos los contemplativos que quieren y desean lograr bien los frutos de su ejercicio.

(1) El Padre José siguió la opinión corriente en su siglo acerca del autor de los libros que circulan a nombre de este Santo. Ya advertí en otro lugar que hoy día está probado no ser suyos; y así ha podido escribir el más eminente de nuestros críticos: « Nadie, dice, cree hoy en la autenticidad de las obras atribuidas en otras edades a San Dionisio Areopagita; pero el valor propio y la importancia histórica que estas obras tienen en los anales de la Teología y de la Filosofía, han ido creciendo, lejos de menguar, con el trascurso de los siglos.” (Menéndez y Pelayo, Historia de las ideas estéticas en España, tomo I, página 236 de la 3°edición.)

Mas aunque no sean genuinos, la fuerza de su autoridad es casi igual que si lo fueran para el intento que los aduce el Padre José de Jesús María; pues al fin se tiene que convenir en que ya en los primeros siglos de la Iglesia se exponían las mismas ideas (aunque obscuramente) que expuso cl Místico Doctor acerca de la conten)placíón.

Capitulo II Respóndese por qué no trató el Santo en sus Libros de la meditación ordinaria, y se dice cómo señala tres cualidades que ha de tener el alma para poder llegar a la contemplación.

Lo primero que suelen decir y era que reparan en estos libros de doctrina mística, es que nuestro Santo Padre no trató por su orden esta doctrina, pues sin enseñar la meditación imaginaria por semejanzas sensibles, trató de contemplación divina intelectual, abstraída de todo lo sensible, cuyo preámbulo y escalón es la meditación imaginaria por semejanzas sensibles.

A lo cual se responde, que el intento de nuestro Santo Padre no fué tratar y dar a luz de propósito de todos los grados de la escala mística que pusieron los maestros de esta sabiduría, sino solamente tratar y dar luz de los medios principales con que próximamente se dispone el alma para la unión divina, que es el paradero de la vida contemplativa y última perfección del hombre, comenzada en el destierro y perfeccionada en la patria, donde el alma racional se une a su principio y descansa en su centro.

Y en orden a esto trató de la desnudez de los impedimentos que el alma tiene para ser ilustrada y enriquecida de las virtudes y dones divinos que la disponen para esta unión. (S. Dion c. 3, § l.° De Div. nom.) Y en esta desnudez tan necesaria imitó a San Dionisio, el cual, tratando cómo por la oración nos acercamos a Dios para participar de sus divinos dones, pone las cualidades que ha de tener el alma para esto, diciendo, según declara Santo Tomás: « Dios por su inmensidad a todos está presente para comunicarles sus bienes, porque todos estamos rodeados de su Divinidad, como la esponja metida en el agua está rodeada y penetrada de ella; pero no todos están presentes a Dios para esta divina comunicación.» (Comment. in libr. de Divin. Nom.)

Pone luego tres cualidades que ha de tener el alma contemplativa en la oración para esta comunicación. (Santo Tomás, Ibid.)

La primera, que la parte sensible esté limpia de las aficiones carnales y mundanas, porque por la vehemencia de las pasiones es apartada la intelección del alma de la contemplación intelectual donde Dios se comunica al alma, y abatida a las cosas sensibles que ama. Y para esto son necesarias las virtudes morales que enfrenan estas pasiones. (Id quaest. 180, art. 2.)

La segunda cualidad es, que esté el alma en la oración revelata facie.

Lo cual declara Santo Tomás de esta manera: Secundo ut intellectus noster non obumbretur calígine phantasmatum, quod accidii illis qui spiritualia non supra corporalia capere volunt, et qui posuerunt Deum figuratum figura humani cor 514poris. Propter quod etiam impedimur ab ascenso in Deum. Et quantum ad hoc dicifur revelata mente. (S. Tom. Sup. cap. 3, de Divin. Nom. § 1), que fué decir: la segunda calidad, que nuestro entendimiento no sea oscurecido con las tinieblas de las semejanzas Procedidas de la imaginación, lo cual sucede a aquellos que no quieren recibir las cosas espirituales sobre las corporales, y los que figuran a Dios a su modo conocido. Por lo cual también son impedidos en la subida a Dios: y por eso dice San Dionisio que lea de estar el entendimiento descubierto de todos estos velos de semejanzas sensibles.

La tercera cualidad es, que nuestra voluntad esté en la oración ordenada a Dios por amor y devoción.

Estas son las tres cualidades que este sumo teólogo pide en el alma contemplativa para que en la oración esté presente a Dios, y dispuesta para recibir su Divina iluminación e influencia, que la ha de vestir a lo divino para unirla con él.

Pues a estas tres cualidades se ordenan todos los libros de doctrina mística que nuestro Santo Padre dejó escritos. Porque de la primera trata en el libro primero de la Subida del Monte Carmelo, y a ella ordenó todo aquel libro, donde declara, con admirable doctrina, los daños de estas pasiones en el alma, y pone medios prácticos y eficaces para mortificarlas. Pero adviértase, que cuando dice que ha de carecer el alma de todos los apetitos, cuyo desorden, ahora sea pecado, ahora imperfección, es impedimento para llegar a la unión divina, no se ha de entender lo mismo para pasar a la contemplación intelectual sencilla (como algunos piensan), porque en la unión hay total transformación del alma en Dios, en la cual, como dice San Dionisio (Cap IV, § X, De Div. Nom.), deja el alma de ser suya para ser toda de Dios; y así es necesario que carezca de todo apetito para que no viva en sí, sino en Cristo, como dijo el Apóstol, puesto en este estado de amor perfecto.

Pero para pasar del discurso o meditación discursiva a la contemplación sencilla, no se pide esta total mortificación de apetitos y pasiones, pues antes para llegar a ella es necesario pasar a la contemplación; porque ella es la que abre la puerta a la iluminación divina, que es la que purga al alma de todas sus imperfecciones, y la renueva a lo sobrenatural para esta divina unión, como en particular lo dice San Dionisio a nuestro propósito (id. ut supra § 4), que es desnudar al entendimiento de todas las semejanzas de las cosas criadas, para que sea vestida de la luz sencilla de la fe, que como forma sobrenatural le proporciona con Dios para unirse con él.

De la segunda cualidad trata en todo el libro segundo del mismo Tratado, donde enseña (como maestro muy experimentado) sustancialísitnamente y por camino sencillo y llano, la contemplación que San Dionisio en el cap. I, § 2, de Mist. Theol., donde siguiendo la traslación del doctísimo Juan Sarraceno, que siguió fielmente el texto griego, dice que ha de quedar el entendimiento desnudo de toda semejanza de cosa criada y puesto en un éxtasis puro de fe.

Lo cual declara Santo Tomás (Super cap. 7, § 2, de Divin. Nom. (1), es admirable este lugar, comienza el párrafo: Ratio autem), a nuestro propósito diciendo: Ipse est per veram fidem extasim pasus, veritati super naturali conjuntos. Esto es, que estar el entendimiento en éxtasis de fe reducido a la verdad no es otra cosa, que quedar desnudo de todo conocimiento que tuvo origen de los sentidos, y totalmente

(l) Es admirable este lugar. Comienza el párrafo: Ratio autem. (Nota del autor.)

515 unido a la verdad sobrenatural dada por Dios. Pues esta misma doctrina es la que enseña nuestro Santo Padre en todo el segundo libro de la Subida del Monte Carmelo, para introducir en el entendimiento del verdadero contemplativo esta segunda cualidad que pone San Dionisio para la oración y comunicación divinas. (Véase a este propósito S. Tho. 22, quaest. 180, art. 6 ad 2).

De la tercera cualidad, que es ordenar a Dios la voluntad par amor y devoción, trató nuestro maestro con gran claridad y distinción en el libro tercero del mismo Tratado, desde el capítulo 16 hasta el fin del mismo libro.

Así que por ser el intento de nuestro Santo Padre en estos libros que escribió, desnudar al alma de las cosas que le estorban para la unión y comunicación con Dios, y disponerla para ella, trató de ellas en particular, y no de la meditación, porque la presuponía ya para pasar ordenadamente a la contemplación, como él en muchos lugares dice, y en particular cuando pone las señales del que ha de pasar de meditación a contemplación de fe.

Capítulo III. Enseñaba el Santo prácticamente a sus discípulos las tres partes da la oración, a saber: la representación de los misterios, la ponderación y la aleación amorosa a Dios, Inculcándoles se detuviesen más en esta última.

[Chapitre III chez Marie du SaintSacrement : Les trois parties de l’oraison]

Aunque nuestro Santo Padre no trata de propósito en sus escritos de la meditación, sitio que la supone para pasar ordenadamente a la contemplación, la practicaba a sus discípulos con toda utilidad y acierto. No así a bulto, como muchos maestros hacen, sino dividiéndola, como San Dionisio (cap. 1, § 2 de Divin. Nom.) en tres partes, que van mejorando así el ejercicio como los ejercitados.

La primera es, representación de los misterios sobre que se ha de meditar por semejanzas materiales en la imaginación. La segunda, ponderación intelectual sobre los misterios representados. La tercera, quietud atenta y amorosa a Dios, donde se coge el fruto de las otras dos primeras, y se abre la puerta del entendimiento a la iluminación divina para los efectos sobrenaturales que en la oración se pretenden para la perfección del alma. San Dionisio aconseja que se pase presto de la primera (que es la más imperfecta, y que a la cabeza se hace daño si se continúa mucho) a la segunda, la cual perfecciona el conocimiento natural, como a nuestro propósito declara Santo Tomás 22, quæt. 17s, art. 2), y de éste se pasa al sobrenatural, cuando se pone en esta quietud pacífica, amorosa y sosegada de fe. Estas mismas tres partes pone en la consideración provechosa San Bernardo, (libro V, de Consideratione, capítulo 2); y después de haberlas referido con gran distinción las gradúa entre sí, diciendo: que la tercera, que es la atención sencilla a Dios, es fruto de la representación y ponderación; y que si éstas no se ordenan caminando a aquélla, parecerá que son algo, y no son nada; porque la primera sola, si no viene a pararen esta 516 vista sencilla, siembra mucho, y coge nada. Y la segunda, si no se ordena a la tercera, camina y no llega al paradero, y no alcanza su fin. Y concluye luego esta graduación, diciendo, que la primera desea, la segunda huele, y gusta la tercera. Esto es de este Santo.

En las dos primeras partes dispónese el alma para orar y para hablar con Dios, pero si no pasa a la tercera, ni ora ni habla con Dios, sino consigo misma, como afirman los maestros de la Teología Mística y Escolástica. Y por eso dice San Bernardo (Ibid. cap. 2), que la tercera es fruto de las dos primeras, porque en ella sólo se negocia con Dios; y así no llama oración a la meditación discursiva, sino a la consideración atenta a Dios, después dcl discurso, donde el alma recibe el caudal sobrenatural que en la meditación se pretende. Y él mismo dice en otra parte a nuestro propósito: (San Bernardo, de Scala. claus., cap. 7, post medium) Quid prodest homini, si per meditationem, quae agenda sunt videat, nisi orationis auxilio et Dei gratia ad ea obtinenda convalescat. Que le aprovecha al hombre reconocer por el discurso de la meditación lo que le conviene hacer, si en la oración quieta no le dan el auxilio sobrenatural y la gracia de Dios para ponerlo por obra. Porque como dice Santo Tomás (Sup. cap. 11, § 2 de Divin. Nom.) Nullum efectum haberet investigatio rationis, nisi ad unitatem intellectualis, seu simplicitatis perduceret. Esto es, el discurso de la razón ningún efecto haría, si no viniese a parar en la verdad y sencillez de la pureza intelectual.

Esta misma meditación nos enseña por más útil manera nuestra Madre Santa Teresa por estas palabras: (Sta Ter., cap. 13 de su vida). « Pues tornando a lo que decía de pensar en Cristo en la columna, es bueno discurrir un rato y pensar las penas que allí tuvo, y por qué las tuvo, y quién es el que las tuvo, y el amor con que las pasó; mas no se canse siempre en andar a buscar esto, sino que se esté allí con él, acallado el entendimiento. Si pudiere, ocúpele en que mire que le mira, y le acompañe y pida; humíllese y regálese con él, y acuérdese que no merecía estar allí. Cuando pudiere hacer esto, aunque sea al principio de comenzar la oración, hallará grande provecho, y hace muchos provechos esta manera de oración: al menos hallóle mi alma. » Todas estas son palabras de nuestra Madre. Y este provecho, que dice halló su alma en esta manera de oración, lo refiere ella, no del discurso y ponderación, como es manifiesto, sino de aquél quedarse el alma acallado el entendimiento, mirando a Dios y regalándose con él. En lo cual nos aconseja lo mismo que San Dionisio en el lugar poco há referido (cap. 1, § 2, de Divin. Nom.), cuando habiendo tratado del discurso imaginario y ponderación intelectual sobre él, añade: Et post omnem secundum nos Deiformem unitionem, sedantes postras intelectuales operationes, ad supersubstantialem radium, secundum quod fas est, nos immitimus. Esto es: después de toda la ponderación, que con nuestra diligencia podemos hacer sobre los misterios representados, habemos de quietar las operaciones intelectuales de nuestra virtud activa, y dejando al alma patente a la iluminación divina, engolfarse en Dios, según que nos es posible en esta vida, que es por medio de la luz sencilla de la fe.

Pues esta manera provechosa de meditación aconsejada de los Santos era la que enseñaba y predicaba nuestro Padre San Juan de la Cruz a sus discípulos, con la cual los llevaba presto a la contemplación y los sazonaba para ella. Enseñábales primero que gastasen poco tiempo en la representación de figuras formadas en la imaginación, y que no se pusiese demasiada fuerza en formarlas o retener las ya formadas con representar muchas particularidades, por los daños que esto causa, 517 según la experiencia y doctrina de los maestros y experimentados y la filosofía enseñan; por razón de que la potencia o virtud de que pende, como usa de los órganos corporales, padece fatiga en su operación, y algunas veces, si se continúa mucho, también desfallecimiento. Y cuando algún pensamiento se forma profunda y eficazmente en la virtud imaginativa o estimativa, causa lesión al que así imagina. Y por eso aconsejaba mucho que esta primera parte de la meditación se ejercitase moderadamente y cuanto bastase para dar materia a la ponderación, con algún misterio de la vida y Pasión de Cristo u otro provechoso, brevemente representado, y que procurasen salir presto de las cosas corporales y particulares a las espirituales y universales, sirviéndose de aquéllas como de escala para éstas, como lo aconseja San Dionisio en el cap. 1 de la Celestial Jerarquía. Procuraba también destetar presto a sus discípulos de esta parte de meditación figurativa, porque con la continuación no se cansasen tanto con ella y se inhabilitasen para otra más espiritual, peligro de que avisan también los autores místicos, y se halla muy de ordinario en muchas almas que no son gobernadas en este camino por Maestro experimentado.

En la segunda parte de la meditación, que es la ponderación activa sobre lo representado, les enseñaba detenerse más, ponderando con la luz intelectual el misterio de las figuras que les había dado noticia, como si era de la Pasión de Cristo Nuestro Señor, considerar la grandeza de la misericordia del hijo de Dios, que quiso padecer cosas tan indignas por el mismo que le había ofendido, con las demás circunstancias que se aconsejan: de quién padece; el amor con que lo padece; cómo padece, etc.; como lo explica Nuestra Santa Madre Teresa en los últimos renglones del ya citado capítulo 13 de su vida; la abominable malicia del pecado, por cuyo aborrecimiento y satisfacción vino a padecer tantas afrentas y dolores; y acompañándole con agradecida compasión, se duelan de los pecados contra él cometidos, y adviertan a las lecciones que desde la cátedra de la cruz les está leyendo para imitar las virtudes que allí heroicamente replandecen.

Enseñábales también cómo de esta ponderación activa habían de pasar a otra más iluminada, movida de Dios, levantándose el alma de los actos de la razón a la luz sencilla de la fe, y cómo esto se hacía cuando quietaban la operación intelectual movida de su propia industria y quedaba el alma atendiendo a Dios devotamente en acto de amor, el cual, según declara Santo Tomás (Sup. cap. 4, § 5 de Div. Nom.), no es otra cosa que la aplicacion de la voluntad a Dios como a su bien. Y cuanto este acto es más continuado, tanto es más eficaz su efecto, como lo prueba el mismo Santo (íd. 12, quaest. s2, art. 2 in corpore) con el ejemplo del que se pone al sol o al fuego para calentarse que con la continuación recibe mayor calor.

En esta tercera parte de quietud atenta a Dios, con que se perfecciona la meditación provechosa y se logran los frutos de ella, enseñaba a sus discípulos a detenerse más que en las dos primeras, donde se abre la puerta a la iluminación divina y se dispone el alma para ser movida de Dios a lo sobrenatural, para efectos también sobrenaturales. Porque como dice San Dionisio (Cap. 7, § 1, de Divi. Nom.) y Santo Tomás declarándole, mientras estribamos en nuestra operación, movida de la razón natural, somos de nosotros mismos. Y cuando la quietamos para trasladarnos a la quietud de la fe y unirnos con ella a las cosas divinas, sobre todo lo que es entendimiento y la razón puede alcanzar, entonces (dicen estos Santos), que nos endiosamos, y dejando de ser nuestros, quedamos hechos de Dios; y que allí nos dan los aumentos de los dones infusos para desasirnos de veras de nosotros y unirnos con Dios. 518

Capítulo IV. Enseñaba a sus discípulos que para llegar a la contemplación era necesario adquirir las virtudes y desarraigar los afectos desordenados.

[Chapitre IV. Nécessité des vertus pour parvenir à la contemplation]

Con estos medios va guiando Nuestro Santo Padre a sus discípulos por los pasos sensibles hacia los espirituales y sazonándolos para pasar de la meditación a la contemplación, y del manjar de niños, que dijo el Apóstol, al manjar y sustento sólido de los hombres fuertes en la vida espiritual. Y como iban aprovechando, los iba mejorando en la misma meditación, haciéndolos caminar más de paso por lo más imperfecto de ella, y detenerse más en lo más perfecto y de esta manera, aun sin haber dejado los medios sensibles, eran ya contemplativos; porque acababa su meditación en contemplación, y antes de entrar de propósito en ella, tenían ya vencida la mayor dificultad que hay en la vida contemplativa, y por cuyo defecto dicen los maestros de la sabiduría mística, que hay pocos contemplativos, por no saber quietar el alma en Dios, para ser iluminada y movida de él. Porque como están tan habituados a obrar a lo activo de su propia industria, y movidos de razón, en quitándoles de los actos de ellas, luego les parece que están perdiendo tiempo, aunque pasivamente estén recibiendo la iluminación e influencia divina, si no se les comunica tan a lo eficaz que les haga suspender su propia operación. Así, pues, que en esta quietud atenta les enseñaba a hablar con Dios, no con discursos del entendimiento, sino con voces del afecto, qué son las que en los oídos de Dios más suaves suenan y más negocian, como dice San Gregorio (Libr. 2, Moral, cap. 4).

Enseñábales también a aplicar la voluntad y oración a la mortificación de las pasiones y afectos desordenados, y a adquirir las virtudes necesarias para ésto. Y en orden a ésto les practicaba con dos medios, que pone Santo Tomás (22, q. 161, art. 6, ad 2), para este ejercicio. El principal en la oración, y el menos principal fuera de ella, y en todo otro tiempo. Aquél, de los auxilios de la gracia disponiéndose para recibirlos; y éste, de la diligencia humana ayudada de los mismos auxilios. Para el primero aconsejaba que en la quietud atenta de la oración, en la luz sencilla de fe, donde está el alma descubierta a las iluminaciones e influencias divinas, y recibiendo los aumentos de las virtudes infusas, como dice San Dionisio (De Div. nom. cap. 7, § 1), aplícasen eficazmente los deseos a que Nuestro Señor les concediese las virtudes de que se conocían más necesitados, y curasen el alma de los vicios contrarios que la hacían mayor guerra; porque según la doctrina de Santo Tomás (De Verit q. 12, art. 6, ad 4), las influencias divinas se comunican en la oración al modo del que las recibe, o a lo particular o a lo universal: por razón de este deseo así particularmente aplicado se recibe la influencia divina, según aquella aplicación.Y para persuadirles ésto, solía referir muy de ordinario esta doctrina ele Santo Tomás (Sup. cap. 4, de Div. nom. § 2), que el Espíritu Santo favorecería al alma recogida según el modo de su recogimiento. Erale también muy familiar lo que dice el Santo a este propósito en otra parte: que efectus divinae gratiae multiplicantur secundum multiplicationen desiderii; que los efectos de la divina gracia se multiplican según la medida de los deseos. Y que para todo esto el propio ejercicio de granjear virtudes en la oración, era granjearlas con Dios por medio de esforzados deseos, aplicados a la mayor necesidad, que en sí conocían de ellas. Y reprendía los largos discursos en la oración, aunque fuera para pensar en la utilidad de las virtudes, que es más propio ejercicio de otro tiempo, pues con estos discursos impiden la influencia divina, de donde las virtudes infusas reciben su aumento y perfección, como veremos adelante.

El segundo medio, que es mortificar y negar todos los apetitos desordenados e imperfectos, y reprimir los movimientos impetuosos que salen de las pasiones imperfectas, para que no prorrumpan en actos exteriores desconcertados (lo cual es efecto de nuestra diligencia ayudada de la gracia), aconsejaba, en todo el demás tiempo del día, y que a este ejercicio ordenasen los recibos de la oración. Para facilitar esta reforma de apetitos, les daba muchos medios, no menos eficaces que breves, algunos de los cuales nos dejó escritos en el cap. 13 del libro 1.° de la Subida del Monte Carmelo. Y para dechado de todas las virtudes, les persuadía la frecuente memoria de Nuestro Señor Cristo Jesús. Ejemplar divino de nuestra perfección, acerca de lo cual dice estas palabras: « Lo primero traiga un ordinario afecto de imitar a Cristo en todas las cosas, conformándase con su vida, la cual debe considerar para saberla imitar, y haberse en todas las cosas como se hubiera él.” Este ejercicio de la meditación de la vida y pasión de Cristo Nuestro Señor, enseñaba primero a lo sensible (con la moderación, que ya queda tocada), diciéndoles cómo habían de representar en la imaginación brevemente el paso o misterio sobre que habían de meditar, y pasar después a las demás partes de la meditación. Pero cuando ya estaban aprovechados en ésto y habían adquirido noticias, que son la puerta para subir a la contemplación, hacía que, como los niños, que se enseñan a andar arrimados al carretón, que se le quitan, para que se acostumbren a andar ya sin arrimo. Así también en que se acostumbrasen a dejar el arrimo de lo corporal de Cristo, para entrar de la puerta, que es la humanidad, al aposento y paradero, que es la Divinidad, en que, como dice Santo Tomás (22, q. 82, art. s ad 2), la principal devoción consiste. Para lo cual les practicaba la doctrina magistral que San Buenaventura (de Myst. Theol., 3° p., cap. 3) nos dá a este propósito, diciendo: « Aunque la consideración de la carne de Cristo es puerta para entrar a la Divinidad, que secretamente en ella reside, con todo eso, la refección y sustento de esta sagrada humanidad no harta a la dignidad de nuestra alma, sino sólo aquel que debajo del velo de la carne se esconde a los ojos humanos; y así habernos de correr este velo en la oración, cuanto nos es permitido, escondiéndonos de lo corporal y humano, y engolfándonos en la inteligencia pura y sencilla en lo espiritual y divino de este mismo Señor. Todo es de este Santo.

Con esta misma doctrina, iba nuestro maestro levantando el entendimiento de sus discípulos de lo visible de Cristo Nuestro Señor a lo invisible, para que hiciesen de su grandeza. y excelencia un altísimo concepto, fundado más en la fe que en el sentido, y escondiéndose el entendimiento de lo que podía por discurso alcanzar de esta grandeza, se engolfase con otra luz en su inmensidad incomprensible, en lo cual imitaba a San Dionisio, que de esta manera persuade a nuestros mayores, en una carta que escribe a uno de sus maestros, a hacer de Cristo Nues¬tro Señor concepto más levantado de lo que puede alcanzar a conocer en esta vida nuestro entendimiento. 520

Capítulo V. Decláranse dos cosas que el Místico Doctor proponía para subir a la contemplación, a saber: recoger todas las fuarzas del alma para ser ilustradas de Dios, y no hacer pie en revelaciones.

[Chapitre V. La contemplation de Dieu par une notion de foi simple et amoureuse, but de la méditation]

Como cada artífice enseña a sus discípulos, no sólo los principios de su arte para que están ya dispuestos, mas también les practica los medios más perfectos de ella, para que desde luego tengan más noticia de ellos, y los ejerciten cuando el tiempo y la razón lo persuadieren; así también lo usaba Nuestro Padre con los hijos, dándoles particular noticia del fin y paradero a que los guiaban estos principios de meditación, que era a la contemplación sencilla de Dios en noticia general, amorosa y pura de fe; y como habían de entrar de la puerta, que es la humanidad de Cristo Señor Nuestro, al aposento de su Divinidad, donde el alma descansa como en su centro. Declarábales las señales que habían de ver en sí para entrar por esta puerta a este descanso, y hacer este venturoso tránsito de meditación a contemplación, como él las pone en los capítulos 13 y 14 del segundo libro de la Subida del Monte Carmelo; para que de esta manera supiesen desde luego hacia dónde habían de dirigir la proa de su navegación, y antes que saliesen de la disciplina del maestro, tuviesen ya conocidos los medios y fin de su instituto y estado, que son los de la vida contemplativa, para hacer asiento en ellos. Con lo cual los preservaba da un grande daño y estorbo que suele haber en este camino, que es abrazar de propósito los medios menos provechosos, por ignorancia de los más útiles, de los cuales es cosa dificultosa apartarlos después de haber hecho hábito en ellos, como sucedió a aquel solitario antiguo acostumbrado toda su vida a orar por figuras materiales, que procurándole reducir a que orase más a lo espiritual, se quejaba de que le habían quitado su Dios, porque le habían quitado estas figuras. El cual daño conocía también el Apóstol en algunos de sus discípulos, y los reprende de ello.

En esto imitaba nuestro Padre a los maestros de nuestros noviciados antiguos (cuyo magisterio él había de restituir en nuestro siglo), en los cuales, como en escuela propia, se enseñaban los fundamentos de la contemplación por el orden dicho, practicándoles desde luego, aun sin salir de la meditación, como habían de caminar después de ella al blanco de la contemplación y de su instituto. Para que de los noviciados saliesen enseñados de esto y no tuviesen después necesidad de nuevos maestros que se le enseñasen. De lo cual podríamos traer muchos ejemplos referidos en las historias antiguas. (Apud Surium Majo). Pero baste por ahora, a causa de la brevedad, ponderar solamente uno muy acreditado que el Patriarca de Jerusalén escribió en la vida de San Juan Damasceno (Apud Surium die Maji).

Dice, pues, que habiendo este Santo tomado el hábito de monje en el Monasterio fundado en otro tiempo por el Santo Sabas junto a Jerusalén, e instruyéndole un Santo viejo, que allí era su maestro, en el modo de tener oración, entre las pri 521meras instituciones le intimó dos cosas, a que nuestro Santo Padre ordenó la mayor parte de sus escritos. La primera, que todo su cuidado había de poner en que su espíritu fuese ilustrado de Dios, y para esto se dispusiese, procurando recoger a lo interior todas las fuerzas sensibles y espirituales. De manera que el cuerpo y la parte inferior del alma se apliquen y recojan a su modo a la parte superior del espíritu, para que, trasladándose en cierta manera lo sensible a lo espiritual, por moderación de su operación inquieta en negación de sus figuras y representaciones, y hecha una unión de todas estas tres partes, cuerpo, alma y espíritu, se pueda el espíritu unir sin estorbo a la Beatísima Trinidad simplicísima, y el contemplativo pasar del estado carnal y sensible al de espiritual. Todo esto es de este autor. Donde nos verifica que en este noviciado de nuestros monjes antiguos se practicaba a los novicios la doctrina de contemplación que enseña San Dionisio (Cap. 2 de Div. Nom. § 7) en el movimiento circular (que es el acto propio de ella) para el cual se ha de recoger el alma de todas las cosas exteriores a su interior y allí unir entre sí todas sus fuerzas para unirse después con Dios. La cual disposición, dice Santo Tomás, declarando este lugar de San Dionisio (quaest 180, art. 6), que ha de ser purgándose el entendimiento de dos desemejanzas que tiene de la luz divina, que son la representación imaginaria de las cosas sensibles y el discurso de la razón sobre ellas, y reduciéndose todas las operaciones del alma a contemplación sencilla de la suma verdad. Y esta misma es la doctrina que nuestro Santo Padre enseñaba a sus discípulos, y la dejó estampada en sus escritos, a imitación de los maestros de nuestros noviciados antiguos.

La segunda cosa que el Patriarca Juan dice que intimaron a San Juan Damasceno en su noviciado fué: que no admitiese deseo alguno de visiones sobrenaturales ni revelaciones de cosas ocultas, cerrando coco esto la puerta (que con semejantes deseos se abre) a muchos engaños que el demonio puede hacer a los contemplativos. En esto también trabajaba mucho nuestro Padre con sus discípulos, asentándolos en la estimación de las virtudes, y desterrando de ellos la de las visiones y revelaciones. Y en el libro segundo de la Subida del Monte Carmelo dió de esto tan segura y admirable doctrina, que no se halla en otro autor místico tan acabada y exactamente con tan distinta y clara noticia de todas las aprehensiones sobrenaturales que suelen recibir en la oración los contemplativos, ni con tan particulares avisos de las que, como peligrosas, se han de desechar, y cuales, como seguras, se han de admitir. Y con ser éste su sentimiento y espíritu, cuando sus discípulos le comunicaban algunas de estas aprehensiones sobrenaturales que habían tenido, no se espantaba, como hacen algunos maestros poco advertidos con que quitan la libertad a los que se las manifiestan y cierran la puerta a la comunicación necesaria entre discípulos y maestros, sino escuchándolos benignamente; y después procuraba reducirlos de estas aprehensiones conocidas y distintas a las comunicaciones sencillas e indistintas, conocidas sólo por fe, y hacer en estas solas su asiento; pues cuando son de Dios, a esto las ordena, como declaró San Dionisio (de Coeles. Hierarch., cap. 1). Y para que aquéllas sirvan como de escalera para éstas. Y con esto trataba de la seguridad de las almas, desaficionándolas de estas aprehensiones, y juntamente, cuando eran de Dios, les procuraba eI provecho para que Dios las comunica. Del cual magisterio también usaba San Buenaventura (Part. 2.a, Stimulum amoris, cap. 8) y nos lo aconsejó, no sólo en las aprehensiones, mas también en los gozos y consolaciones sobrenaturales, para no admitir entre las de Dios las procuradas por el demonio, y no malograr aquéllas por el temor de éstas. 522

Capítulo VI. Sentía mucho el Santo que algunos maestros espirituales, por no entender !as vías del espíritu, atasen las almas contemplativas a lo sensible, impidiendo con esto la obra del Espíritu Santo en ellas.

[Chapitre VI. Des maîtres spirituels qui entravent la marche des âmes contemplatives]

Sentía nuestro Santo Padre que entre tantos como se precian de maestros espirituales, hubiese tan pocos que guiasen a las almas contemplativas por el verdadero camino del espíritu; y que en lugar de irlas acercando más a Dios, cada día las apartaban de él, guiándolas, no por el camino que él las llevaba, sino por otros que ellos intentaban. Y así en un discurso que hace de los daños que con esto causaban a las almas, digno de tenerse muy en la memoria, le comienza con estas palabras (Llama de amor viva, can. 3, ver. 5, § 4): «Mas es tanta la mancilla y lástima que hay en mi corazón de ver volver algunas almas atrás, no solamente no dejándose ungir de manera que pase la unción adelante, sino aun perdiendo los efectos de ella.» Y poco después prosigue: «Este impedimento le puede venir si se deja guiar de otro ciego. Y los ciegos que la podían sacar del camino son tres, conviene saber: el maestro espiritual, el demonio y la misma alma. Cuanto a lo primero, conviénele, pues, grandemente al alma que quiere aprovechar y no volver atrás, mirar en cuyas manos se pone; porque cual fuere el maestro tal será el discípulo; y cual el padre tal el hijo. Y para este camino, a lo menos para lo más subido de él, y aun para lo mediano, apenas hallará una guía cabal, según todas las partes que há menester. Porque há menester ser sabio, discreto y experimentado. Que para guiar el espíritu, aunque el fundamento es el saber y la discreción, si no hay experiencia de lo más subido, no atinarán a encaminar al alma en ello cuando Dios se lo da. Y podríanla hacer otro daño; porque no entendiendo ellos los caminos del espíritu, muchas veces hacen perder a las almas la unión de estos delicados ungüentos con que el Espíritu Santo los va disponiendo para sí, gobernándolos por otros modos rateros, que ellos han leído, que no sirven sino para principiantes: que no sabiendo ellos más que para principiantes (y aun eso plegue a Dios) no quieren dejar las almas pasar (aunque Dios las quiera llevar a más) de aquellos principios y modos discursivos é imaginarios, con que ellos pueden hacer muy poca hacienda.» Cuán gran daño sea éste y cuánto le lastimaban estas pérdidas, lo significó bien en todo este discurso; y el ejemplo de la mayor parte de él podemos ver en nuestra gloriosa Santa Madre Santa Teresa de Jesús, y en lo mucho que padeció con la poca experiencia de los que la guiaban; pues según ella dice en el capítulo 4.° de su Vida y en otros muchos lugares de sus Libros, en veinte años no halló maestro que entendiese su espíritu ni la supiese guiar. Y atormentáronla tanto con sus modos de gobierno espiritual poco acertados, que solía ella decir: que más temía a estos maestros que a los demonios; porque de éstos se podía librar, y no del tormento de los maestros: cuando Dios llamaba hacia una parte, y los maestros a otra: Dios a lo puro, sencillo y quieto del espíritu; y ellos, por lo contrario, hacia lo sensible e inquieto de la imaginación y 523 discurso de la razón, con que el alma se pone desemejante a la purísima comunicación de Dios, como Santo Tomás prueba a este propósito (22 q. 80, art. 6, ad 2). Y esta contradicción entre la ínfluencia divina y el gobierno de los maestros le duró a la Santa muchos años.

Este mismo sentimiento tenía el Apóstol San Pablo lastimándose del mucho tiempo que perdían los que trataban de oración, deteniéndose más de lo necesario en los primeros medios de ella. Y así hablando con los contemplativos (como afirma San Dionisio, su discípulo (S. Dio. Epist. ad Titum post med.) que oyó de su boca estas materias), dice una epístola estas palabras (Haebr. 5, 1214): Etenim cum deberetis magistri esse propter tempus, rursum indigetis ut vos doceamini que sunt elernenta exordii sermonum Dei; et facti estis quibus lacte opus sit, non solido cibo. Ornais enim qui lactis est particeps, expers est sermonis justifie, parvulus enim est; perfectorum autem est solidus cibus: eorum, qui pro consuetadine exercitatos habent sensus ad discretionem boni et mali. Porque habiendo de ser ya maestros espirituales según el tiempo que tratáis de ello, todavía os parece que tenéis necesidad que os enseñen los primeros fundamentos de las materias de Dios, y con ésto os hacéis necesitados de la leche de los niños, y no pasáis a comer el manjar sólido y substancial. Pues persuadíos que mientras estuviéreis percibiendo esta leche, estaréis vacíos de la doctrina de la perfección, y pequeñuelos en la virtud; porque el manjar sólido es el que hace perfectos; y para pasar a él, basta que estén las potencias ejercitadas en hacer diferencias del bien y del mal. Todo esto es doctrina del Apóstol, poco ponderada de estos maestros, de quien, en el lugar citado poco há, habló Nuestro Santo Padre y de quien se queja Nuestra Santa Madre.

Y declarando San Dionisio este lugar en la carta que escribió a Tito, su condiscípulo, dice que llama leche y manjar líquido y poco substancial al que se recibe en la meditación de las cosas sensibles y distintas; y manjar sólido y fuerte al que se comunica en la contemplación intelectual sencilla de las cosas divinas. Y en el remate de estas palabras nos declara el Apóstol cómo teniendo hábito de meditación, está sazonada el alma para dejar esta leche de niños, y pasar al ejercicio del sustento sólido; y juntamente declara la poca substancia que saca el alma de esta leche de niños, y que mientras no dejare de gustarla, siempre estará pequeñuela e imperfecta, lo cual se experimenta bien en muchos, que al cabo de diez y veinte años que tratan de oración imaginaria y discursiva, no parece que han dado un paso en la virtud.

Estos mismos sentimientos tienen los grandes maestros de sabiduría mística, lastimándose mucho de que por falta de guía sabia y experimentada trabajen con buenos deseos y poco fruto la mayor parte de los contemplativos. Y asi uno de estos maestros, docto y de grande experiencia en estas materias de espíritu, que es el Reverendo Padre Fray Juan Taulero, tratando de la contemplación intelectual de fe, que es medio próximo para la divina unión, lastimándose de esta pérdida, dice estas palabras: «Esta contemplación es un camino breve de toda santidad, por el cual se llega fácilmente a alcanzar el supremo blanco de la verdadera perfección, a la cual, entre mil que tratan de oración, apenas hay uno que de veras aspire, gastando cada uno el tiempo y las fuerzas en los medios poco útiles; y la mayor parte de éstos pasan desaprovechadísimamente muchos años sin aprovechar nada 'el espíritu, menospreciando miserablemente este bien incomparable.» (Instituciones Divinas. Todo esto es de este sabio y experimentado maestro. 524

Pero quien más impacientemente sentia esta pérdida por la gran pena que le daba ver que por la falta de maestros experimentados, se quebraba la cabeza con poco provecho tanta gente de buenos deseos tantos años, era Santo Tomás. El cual sentimiento le apretaba tanto, que con ser de su natural tan modesto, aun cuando hablaba contra gentiles y herejes, parece que se olvidaba de esta modestia cuando trataba de esta pérdida de los contemplativos, más lastimosa que conocida. Y en uno de los lugares donde trata de ésto, dice a nuestro propósito estas palabras: (Opus. 6s de Beati. cap. 3, núm. 60 in ultimis verbis Cap. inter litteras J. et K.) Magna cecitas et nimia stultitia est in multis, qui semper Deum quaerunt, continue ad Deum suspirant, frequenter Deum desiderant, quotidie in oratione ad Deum clamant et pulsant; cura ipsi, secundum verbum Apostoli, sint templum Dei viví, et Deus veraciter habitet in eis; cum anima ipsorum sit sedes Dei in qua continue requiescit. Quis unquam nisi stultus quorit instrumenturn finis, scienter quod habet reclusum? ¿Aut quis utiliter uti potest instrumento quod quaerit? ¿Aut quis confortatur cibo, quem apetit sed non gustat? Sic vita cujuslibet justi Deum semper qucerentis, sed nunquam fruentis; et omnia opera ejus minus perfecta sunt. Grandísima ceguedad y grandísima necedad es la de muchos que siempre buscan a Dios, continuamente supiran por él, frecuentemente le desean, de ordinario le dan voces en la oración, como sea verdad que, según la doctrina del Apóstol, ellos mismos son templo de Dios vivo; y Dios habita verdaderamente en ellos, por ser sus almas asiento de Dios, en cualquiera de las cuales reposa. Pues siendo esto así, ¿quién, no siendo algún necio, busca fuera de su casa la joya que sabe tiene guardada en ella? ¿O quién podrá útilmente usar de lo que anda buscando? ¿O quién será confortado del manjar que apetece, pero no lo gusta? Pues de esta manera es la vida de cualquier justo que siempre anda buscando a Dios con los discursos de la meditación y nunca le goza en la quietud de la contemplación. Y por esto todos sus ejercicios son sin provecho.» De esta manera habla Santo Tomás de esta pérdida, y así no es mucho que sintiese lo mismo, y se lastimase tanto Nuestro Santo Padre Fray Juan de la Cruz, gobernado por el mismo espíritu.

Capítulo VII. Explica el autor con doctrina del Santo cómo se adquiere el hábito de la meditación y dice que las almas que han llegado a contemplación no deben ejercitarse en actos discursivos como los principiantes.

[Chapitre VII. Du moment où les âmes doivent laisser de côté les actes discursifs des commençants]

Pues nos dijo el Apóstol en el capítulo pasado, que en teniendo hábito de meditación para hacer diferencia entre el bien y el cual (que suele siempre ser de la Vida y Pasión de Cristo Nuestro señor y de nuestras postrimerías), estaba dispuesta el alma para pasar a la contemplación, conviene que digamos algo más de la substancia de este hábito para mayor conocimiento de la doctrina de Nuestro Santo Padre. De esto, pues, nos da él mismo noticia en el capítulo 12 del libro II de la Subida del Monte Carmelo, diciendo: «que cuando hay en el alma estas señales, ya tiene el espíritu de meditación en substancia y hábito; porque el fin de la meditación y dis525curso en las cosas de Dios es sacar alguna noticia y amor de Dios; y cada vez que el alma saca es un acto; y así como muchos actos en cualquier cosa vienen a engendrar hábito en el alma, así muchos actos de estas noticias amorosas, que el alma ha ido sacando en veces, vienen con el uso a continuarse tanto, que se hace hábito en ella. Lo cual Dios suele hacer también sin medio de estos actos de meditación (a lo menos sin haber precedido muchos) poniéndolas luego en contemplación.” En estas palabras nos declaró con mucha propiedad la substancia del hábito de meditación. Del cual dice San Buenaventura que es fundamento primero de las cosas que de nuestro conocimiento pueden ayudarnos, para levantarse ya el alma a la contemplación sin el arrimo de las cosas criadas, sino por luz de fe e iluminación divina. (Quaes. unica post Myslic. Theol. ad med) Y en decir Nuestro Santo Padre en este lugar, que la substancia del hábito consiste en la noticia amorosa toca a las dos partes principales en que consiste este hábito, que son noticia y amor sensible; aquélla para el conocimiento y ésta para el efecto. Para adquirir hábito de estas noticias pocos actos de meditación bastan; porque cuando el conocimiento de una verdad tiene de suyo firmeza y certeza indubitable (como son las cosas de fe y las que hacen demostración) pocos actos bastan para hacer hábito de ellas, como dice Santo Tomás (1 Sent., dist. 17, q. 1, art. s, ad 2). Y como sean de esta calidad las cosas por donde nuestra meditación camina de la vida y pasión de Nuestro Señor Jesucristo, de la muerte, juicio, pena y gloria, no es necesario mucho tiempo para adquirir hábito de ellas el que la ejercita frecuentemente. Y así cuanto al conocimiento muy presto se sazona el alma en la meditacion para pasar a la contemplación.

De parte del afecto hay más dificultad; porque para esta sazón es necesario que el apetito sensitivo, que corresponde a la imaginación, se vaya disponiendo con la suavidad de la meditación, para seguir, como dice San Dionisio (Epist. ad Tit. ante med.) el movimiento de la voluntad a las cosas divinas, y proporcionarse con ellas a su modo. Lo cual también tocó nuestro Maestro (Llama de amor, canc. 3, v. 3) cuando dice: «En este estado de principiantes necesario le es al alma que se le dé materia para que discurra de suyo y haga actos interiores, y se aproveche del fuego y fervor espiritual sensible, porque así le conviene para habituar los sentidos y apetitos a cosas buenas, y cebándolos con este sabor se desarraiguen del siglo.» Esto dice Nuestro Santo Maestro. Y para esta sazón del apetito sensible dice San Buenaventura que hasta un mes o dos de ejercicio de meditación y movimiento aspirativo a Dios que en ella se frecuenta. (San Buenaventura, in Prólogo ad Myst. Theol.)

Y cuando Nuestro Señor favorece a los nuevos contemplativos con recogimientos infusos y sabrosos, que proceden de la influencia que llama San Dionisio difusiva (San Dionisio, ubi supra), porque se difunde de la parte superior a la inferior por cierta redundancia, entonces mucho menos tiempo basta, como ya lo tocó Nuestro Santo Padre en las palabras poco há referidas; porque estos recogimientos suaves sazonan más apriesa el apetito, y son (dice el mismo San Dionisio) unos llamamientos de Dios hacia lo interior del alma, donde su Majestad tiene con ella sus amorosos coloquios y retornos de amor, que es como tomarla de la mano y sacarla de la multiplicidad y división de los actos de la imaginación y de la razón, al conocimiento intelectual puro y sencillo, a la luz de la fe. Y cuando ya el alma tiene lo que há menester de los medios sensibles a que la meditación se ordena, ya no gusta de meditar y discurrir, y es señal muy cierta que está ya sazonada para pasar a la contemplación Y a este propósito explicó el Venerable Hugo de san Víctor aquellas palabras de David: Ascensiones in corde sao desposuit in valle lacrymurum, in 526 loco quema posuit, etc. (Ps. LXXXIII, 6). Que dispuso en su corazón en este valle de lágrimas unas subidas para caminar por ellas de virtud en virtud hasta llegar a ver a Dios en Sión. Y en disfrutando el alma lo que le hace provecho en cada una de estas subidas, ya no halla gusto en ella, como dispuesta ya para subir a otra.

Esta misma doctrina nos enseña Nuestro Santo Padre en el capítulo 14, del libro de la Subida del Monte Carmelo (libro II, cap. 14 in principio), muy clara y distintamente diciendo: «Que el no gustar ya el alma de la vía imaginativa es señal que está ya sazonada para dejarla, porque en cierta manera se le ha dado el bien espiritual que había de hallar en las cosas de Dios por vía de meditación y discurso, cuyo indicio es no poder ya meditar ni discurrir como solía, y no hallar en ello gusto ni jugo de nuevo como antes; porque de ordinario todas las veces que el alma recibe algún bien espiritual de nuevo lo recibe, a lo menos gustando en el espíritu en aquel modo por donde lo recibe y se hace provecho; y si no por maravilla le aprovecha. Y esta es la causa de no poder considerar como antes, el poco sabor y provecho que halla el espíritu en ello.» Con esta doctrina de Nuestro Maestro concuerda la de Nuestra Madre Santa Teresa de Jesús su compañera; la cual, hablando de las almas ya sazonadas para pasar de la oración de discurso a la de vista sencilla, dice a nuestro propósito estas palabras (Morad. VI, cap. 7, antes del medio): «Hay algunas almas (y son hartas las que lo han tratado conmigo), que como Nuestro Señor las llega a dar contemplación perfecta, querríanse siempre estar allí, y no puede ser; mas quedan con esta merced del Señor de manera, que después no pueden discurrir en los misterios de la pasión y vida de Cristo, como antes. Y no sé qué es la causa, mas esto muyordinario, que queda el entendimiento más inhabilitado para la meditación. Creo debe ser la causa, que como en la meditación es todo buscar a Dios, como una vez se halla y queda el alma acostumbrada por obra de la voluntad a tornarle a buscar, no quiere cansarse con el entendimiento.» En estas palabras nos declaró la sazón del apetito en los recibos sobrenaturales para entrarse en la contemplación. Y poco más adelante declaró la sazón del entendimiento con las noticias ya adquiridas, diciendo, que sabe ya el alma los misterios de la meditación por otra manera más perfecta, porque como están ya estampados en la memoria, los representa al entendimiento. Y aconseja luego el conocimiento de vista sencilla, arrimados a los misterios de la Sagrada Humanidad, porque de la contemplación de la Divinidad del todo ejercitada con la luz de la fe y auxilios comunes de la gracia, que es por espejo, en enigma, como dice el Apóstol, no halló quien le diese noticia hasta que comunicó a Nuestro Santo Padre y a su compañero. Y así todas las veces que en su libro nombra contemplación, habla de la del todo infusa

Sabido ya lo que es hábito de meditación, y que con él está sazonada el alma para pasar a la contemplación, y que no es menester para adquirirle tanto tiempo como de ordinario se gasta en ésto, quedará también sabido con cuánto fundamento se lastimaba Nuestro Santo Padre de lo poco que cuidaban los maestros espirituales de reparar este daño en sus discípulos.

Tuvo particularísimo don para gobernar almas contemplativas y sacarlas presto de la edad de niños en la virtud a la de gente ya crecida en ella, y con facilidad penetraba dos cosas, sin las cuales ningún maestro espiritual puede guiar acertadamente a los que gobierna. La una era conocer ciné sazón tenía cada alma; y la otra por dónde la llamaba Dios para guiarla por allí razonada y acertadamente. Y así abominaba mucho (como lo muestra en el discurso de que ya se hizo mención arriba) de maestros, que sin examinar estos llamamientos de Dios (que en ninguna 527 alma desasida dejan de manifestarse), quisiesen acomodarlas todas a sus modos rateros y llevarlas todas por un rasero por saber ellos no más que un camino, y ese poco espiritual y menos provechoso. Y hablando con éstos, dice en el mismo lugar una doctrina admirable por estas palabras (Llama de amar, canc. 3, v. 3, § 8): Cuántas veces está Dios ungiendo al alma con alguna unción muy delgada de noticia amorosa, serena, pacífica, solitaria y muy ajena del sentido, y de lo que se puede pensar, y la tiene sin poder gustar, ni meditar cosa de arriba, ni de abajo; porque la trae Dios ocupada con aquella unción solitaria, inclinada a soledad y ocio, y vendrá uno que no sabe sino martillar y macear como herrero, y porque él no enseña más que aquéllo, dirá: «Andad dejáos de eso, que es perder tiempo y ociosidad; sino tomad, y meditad y haced actos, que es menester que hagáis de nuestra parte actos y diligencias; que esotros son alumbramientos y cosas de bausanes. Y así, no entendiendo éstos los grados de oración, ni vías del espíritu, no echan de ver que aquellos actos, que ellos dicen que haga el alma, y aquel caminar con discurso está ya hecho, pues ya aquella alma ha llegado a la negación sensitiva; y cuando ya se ha llegado al término y está andado el camino, ya no hay caminar; porque sería volver a alejarse del término; y así, no entendiendo que aquel alma está ya en la vía del espíritu, en la cual no hay ya discurso, y el sentido cesa, y es Dios con particularidad el agente y el que habla secretamente al alma solitaria, sobreponen otros ungüentos en el alma de groseras noticias y jugos en que la imponen, y quitan la soledad y recogimiento, y, por consiguiente, la subida obra que en ella Dios pintaba. Y así, el alma ni hace lo uno, ni por lo tanto tampoco aprovechan lo otro.» Esta misma queja tenía San Gregorio Nacianceno de éstos, que sin saber las veredas del espíritu por donde Dios lleva las almas contemplativas a unirlas consigo, se hacen maestros de ellas, y lamentándose, dice el Santo a nuestro propósito: «Si el honor de médico ni de pintor no se dá sino a aquel que ha aprendido a conocer las enfermedades y mezclar los colores y hacer figuras, ¿cómo tomarán nombre y oficio de maestros y gobernadores de almas quienes no han aprendido cómo han de enderezar este gobierno?» Muy ignorantes están estos tales de aquella doctrina de Santo Tomás (22, q. 27, art. s, ad 2), que dice: Cognitio Dei acquiritur quidem per alía; sed post quam jam cognoscitur, non per alía cognoscitur, sed per seipsum. El conocimiento de Dios, primero se adquiere por las cosas creadas, pero después que ya se conoce de esta manera, se ha de caminar a su conocimiento, no por medio de estas cosas49, sino por sí mismo y por la luz que el nos da para ser conocido de nosotros más propiamente. En otra parte, aplicando esta doctrina a nuestra contemplación, la declara más en particular, diciendo (Santo Tomás 1 Senten. prol., art. F): «Que hay dos maneras de contemplación, una de filosofía por discurso, al modo que la tenían los Filósofos naturales, y otra de fe por revelación divina, que es propia de los cristianos.» Y después de haber declarado cuán insuficiente e imperfecta es la primera, dice de la segunda estas palabras: «Hay otra contemplación de los que ven a Dios en su esencia, y ésta es perfecta y propia de los bienaventurados en la patria. La participación de la cual es posible al hombre en esta vida por medio de la luz y de la fe. Y por eso conviene que las cosas que se ordenan al fin se proporcionen con el mismo fin, y que el hombre en el estado da esta vida sea guiado como de la mano a esta contemplación por conocimiento no tomado de las criaturas, sino inspirado inmediatamente por iluminación divina.» Todo esto es de Santo Tomás, en que prueba cuán semejante es nuestra contemplación de luz de fe, en esta vida a la de los bienaventurados en la patria; porque como él declaró en 528 otra parte, hay tanta semejanza entre nuestra luz de fe y la luz de gloria de los bienaventurados, que lo nnismti que ellos ven es lo que nosotros creemos; y lo mismo que nosotros creernos es lo que ellos ven.

Capítulo VIII. Pruébase que la Orden Carmelitana siempre ha tenido por fin principal la contemplación, y que a éste encaminaba San Juan de la Cruz a sus discípulos.

[De la nécessité pour les contemplatifs de purifier leur entendement des images sensibles]

A todos guiaba nuestro Santo Padre acertadísimamente a esta contemplación, y a todos procuraba sacar presto de la edad de niños en la virtud a la de varones robustos. Pero mucho más se descubrió éste su singular don en los aprovechamientos de espíritus de personas religiosas, a las cuales, como más dispuestas, acortaba los términos de la meditación. De las cuales almas dice maravillosamente en un lugar: «En estando habituados los sentidos y apetitos a cosas buenas, luego les comienza Dios a poner en estado de contemplación.» Y va prosiguiendo maravillosamente a este propósito (Llama de amor, canc. 3, v. 3, § 5). Cuya doctrina es muy conforme a la del Apóstol en la carta a los hebreos (Cap. 5, cerca del fin). Pero a los religiosos de nuestra sagrada Religión, aún abreviaba más los términos, porque sabía que los había llamado Dios a la Religión de contemplación, y que así había de concurrir con ellos en los medios de vocación. De donde nació tanto fruto y provecho como en su tiempo se vió en nuestra sagrada Religión. Y porque conviene para nuestra dirección tener alguna noticia de nuestra vocación primaria, se ha de suponer lo que dice San Dionisio (de Celest. Hiera., cap. 3, § 2 et 3). Que a cada orden pone Dios un blanco y dirección de su vida por donde ha de caminar a su imitación; y mientras por aquí caminare a este blanco, tiene a Dios por guía así en la luz como en la operación Deum habens sanctœ et scientiœ omnis, et operationis divinae. Y estos tales no pueden dejar de ser enriquecidos de bienes espirituales y divinos, porque son en sus acciones cooperadores de Dios y muestran en sí la operación divina. Dei cooperatores fieri et ostendere divinam in se ipsis actionem. Y este es el principal oficio de cada religioso, y de aquí se les sigue lo que añade luego el mismo Santo: que como van por esta dirección imitando a Dios y recibiendo en sí las influencias divinas que van gobernando a estos cooperadores suyos, los van labrando y reformando a semejanza de la divina hermosura, y haciéndoles imágenes divinas y espejos puros y clarísimos para recibir en sí los rayos de la divina luz y comunicarlos a otros.

Todo esto es de San Dionisio, y cifrólo el Apóstol San Pablo, su maestro (ad Philip. 3, 20), en pocas palabras, cuando dijo: que aguardaba a Cristo, para que por la cooperación que sujeta a sí todas las cosas, le refrenase a semejanza de su claridad, haciéndole como imagen suya. No podemos negar que este blanco en nuestra Religión sea la contemplación divina, dado con tan gran solemnidad a nuestro Padre original, el gran Profeta Elías, como dice la Escritura Sagrada (3.° Reg., 19, 1), y se verifica en el Tomo primero de nuestra Historia General (1),

(1) Se refiere a la obra que escribió cl mismo autor de este Tratado, en cuyo primer tomo se trataba de la historia antigua de la Orden; en los dos siguientes de la Descalcez.

529 inspirándole que sobre este mayorazgo fundase su religión. haciéndola como orden de Serafines que desde la tierra imitasen cuanto les fuese posible a los del cielo.

De esta ocupación celestial se preciaron tanto sus discípulos, que de ella se denominaron después del tránsito de su Maestro. Porque Esenos (que así se llamaron nuestros mayores antes de la venida de Cristo, como en el mismo tomo se prueba con toda la antigüedad acreditada), es lo mismo que contemplativos, como afirman Autores graves, y los Anales eclesiásticos (Baron. Tom. 1, anno Domini 62, núm. 1 1).

Después los Apóstoles, a cuyo cargo estaba dar en la ley de gracia forma debida a todos los estados de la Iglesia, en la institución solemnísima con que confirmaron y engrandecieron nuestro instituto, de que hace mención San Dionisio (De Coelesti Hierarchia, cap. 6) le llaman «Ordo contemplativus». Y los dos renombres que allí les dieron suenan esto mismo. El primero es Terapeutas, que, como declara Filon, quiere decir, singularmente dedicados a Dios. El segundo nombre fué Monjes, derivado de este nombre Monas, que quiere decir unidad, por andar siempre unidos sus espíritus con Dios por medio de la contemplación. Este título que dieron los Apóstoles a nuestra Religión, llamándola orden de contemplativos, también se díó en las primeras licencias que los Prelados Superiores de nuestro siglo dieron para fundar los dos monasterios de Duruelo y Pastrana, en las cuales se llaman monasterios de contemplativos. Esto mismo dice nuestra Regla primitiva, que hoy guardamos, emanada desde Elías, como en nuestra Historia general se prueba, pues nos manda estar en las celdas de día y de noche meditando en la ley del Señor y velando en oración. Y esto fué lo que de nuestro instituto se extendió en todas las congregaciones reformadas del instituto de Elías, que había todos los siglos tan claras experiencias de sus efectos, que se cumplía muy al descubierto en ellas, lo que San Dionisio en el lugar poco há referido dice: Que ninguna orden puede permanecer en la imitación de Dios reformada a su imagen y claridad sino es caminando según el blanco y leyes divinas, las cuales puso por fundamento de su vida; porque al paso que se conservaba en la contemplación, a ese también se conservaba en la perfección debida; y en ella, como en oficina celestial, se labraban y reformaban estas imágenes divinas, y clarísimos espejos de los resplandores de Dios, y no en otra ocupación por piadosa ynleritoria que fuese. Porque que los había puesto Dios en su Iglesia como por ángeles asistentes y no administrantes lo significaron los Apóstoles en la confirmación y nueva institución de nuestro instituto, y en las bendiciones con que le ilustraron. El sentido místico de las cuales palabras declara San Dionisio, diciendo: (De Eccles. Hierar. cap. 6, circo medium) Quia monachorum ordinis non est alios deducere, sed in se ac per se perstare in singulari sanctoque statu: Que en estas bendiciones significaban los Apóstoles que no era propio del estado de los monjes guiar a otros, sino permanecer dentro de sí firmemente en un singular y santo estado; y así lo hacían nuestros monjes de la primitiva Iglesia, como en nuestra Historia se verifica, los cuales, aunque por la falta que había entonces de la heredad de Cristo, salían con los Apóstoles a las Provincias a ayudarles en la predicación del Evangelio; luego se recogían a los desiertos a edificar monasterios y hacer vida solitaria, compañera de la contemplación a que sabían que Dios los llamaba.

Pues en este blanco y fundamento de este nuestro instituto, tenía siempre puestos los ojos Nuestro Santo Padre, y a él encaminaba sus discípulos con su doctrina, y mucho más con su ejemplo. 530

Capítulo IX. Demuestra el autor que los medios porque el Santo conducía a sus dirigidos a la contemplación los sacaba de los fundamentos de la Orden Carmelitana.

[Chapitre IX. Comment les âmes arrivées à la contemplation doivent éviter les actes particuliers]

Estos medios por donde Nuestro Santo Padre guiaba a sus discípulos al blanco principal de su instituto, los sacaba de los fundamentos originales de él, de los cuales será bien hacer mención, como de cosa muy importante, para conocer cuán a provecho nos enseñaba estas materias Nuestro Santo Padre, como maestro dado por Dios para instruirnos en ellas, levantándonos del ejercicio pueril de la meditación hasta hacer asiento en la contemplación a que se ordenan todos los demás ejercicios.

En la primera, pues, de estas fuentes originales de nuestro instituto y donde nos dió nuestro Santo la forma de él, que es la Sagrada Escritura, se dice (3, Reg. XIX, 9): Que habiendo llevado Dios a Nuestro Padre Elías a la cueva ciel Monte Horeb para darle esta divina forma con una solemnidad muy semejante a la que precedió cuando dió la ley a Moisés, habiendo pasado el viento grande, y el terremoto, y el fuego (en que no venía Dios, y a que no se movía Nuestro Padre, como advierte el texto), en las cuales tres cosas, como advierten San Gregorio, Hugo Cardenal y la Glosa, son significados los preámbulos y grados inferiores de la contemplación, que son la meditación imaginaria, y la ponderación sobre ella, y el fervor sensible que de estos dos actos resalta. Y dice el texto Sagrado, que en ninguna cosa de éstas venía Dios. Mas después de todo esto vino en el silbo suave de la marea delicada, que es, como declara san Gregorio, la contemplación intelectual, sencilla; y conoció cl Profeta que allí venía Dios. Y enseñándonos a sus hijos como nos habernos de haber en este recibo de la contemplación de Dios, se cubrió cl rostro con la capa, estorbando que no entrasen de los sentidos representaciones de las criaturas que le impidiesen aquella atención sencilla y pura a Dios. Y puesto así, se le comunicó Dios y le ordenó lo que había de hacer en su servicio. Y aquí (como se prueba en nuestra Historia con testimonios acreditados y antiquísimos) le mandó fundar su Religión y le dió la forma de ella.

La razón porque Dios no vino hasta que los preámbulos de la meditación habían cesado, da San Dionisio, diciendo: Que Dios, aunque a todos está sobrepuesto y como rodeándolos, a ninguno se comunica de veras y sin velos en la oración sino a los que, dejando todas las cosas creadas y sus semejanzas, se levantan sobre todas ellas y se entran en la sencillez y obscuridad de la fe, donde se halla Dios, y donde, según las letras sagradas, se halla todo bien. (S. Dion., cap. 1 de Mystic. Theol ) Entonces se pone el entendimiento sobre sí mismo, esto es, sobre todo lo que él puede alcanzar, por su propio conocimiento; y en su acto supremo, que llamó Santo Tomás (Quodlibetum, 5, art. 9) inteligencia de lo indivisible, y el que se supone inmediatamente a Dios, como dice Hugo de San Víctor, recibido de todos 531 los místicos (2 De anima, cap. 6). Y así en él, y no en los actos imaginarios y de la razón, ha de recibir el alma contemplativa a Dios, si quiere gozar sin velos ni nublados de su comunicación familiar y de la divina iluminación e influencia.

En la segunda fuente de nuestro instítuto, que fué la institución de los Apóstoles, hallamos estos medios aún más expresados, porque refiriendo San Dionisio la forma del que había de profesar en esta orden de contemplativos, dice: (S. Dionisio, capítulo 6, de Hierarchia Ecclesiastica.) Que al fin de la profesión le daban la comunión ciel Santísimo sacramento, Significans quod non contemplatur solummodo erit sacrorum symbolorum secumdum se, sed cum divina a se participatorum sacrorum scientia altero modo supra sacram plebem in assumptionem veniet divina comunicationis. En estas palabras nos leyó este sumo teólogo y fidelísimo archivo de la doctrina Apostólica, la doctrina de nuestro instituto, y nos particularizó los medios por donde habíamos de caminar a su perfecto cumplimiento en que consiste nuestra perfección. Dice, pues, que el dar la comunión al que profesaba, era significación que como era ya Religioso contemplativo en la profesión, lo fuese también en la vida y en el ejercicio, no contentándose con que su contemplación fuese por los medios de figura y semejanzas sensibles, por donde caminaba el discurso de la razón, como acostumbraban orar los seglares devotos, sino por medio más alto, y en ciencia divina, que es la luz de la fe ilustrada del don de la sabiduría, en particular de las perfecciones divinas en sí mismas, con que es levantada el alma a estrecha comunicación de Dios.

Esta, pues, fué la forma que a nuestra contemplación dieron los Apóstoles, y si la comparamos con la primera que a Dios había dado a nuestro Padre en el Monte Horeb, hallaremos que es la misma, pues en la una y en la otra se significa, cómo desasiéndonos de toda semejanza y representaciones de toda criatura, nos hemos de levantar a Dios sin piguelas, y mirar el sol en sí mismo, sin estos nublados sensibles, sino en el espejo sencillísimo de la fe. Lo cuál declaró Santo Tomás muy ilustremente (3 Sent. 35 q. 1, art. 2, quaest. 3). Y el silbo de aquella aura es el arrimo con que nos mandan orar en ésta los Apóstoles, en que se significó el acto quieto y sencillo en que Dios se comunica; porque pone el alma inmediata a él, como ya tocamos, que es la influencia de la sabiduría divina que nos pone en participación de Dios.

Esta participación tan propia nuestra declaró San Dionisio en otra parte. De Divi. nom. cap. 2, § 4). Misticis alitent, dice, secumdum divinam traditionem super intelectualem operationem uniri. Omnia enim divina et quæcumque nobis sunt manifestata, solis participationibas cognoscuntur; ipso autem qualiacumque sunt secumdum proprium principium et colocationem super mentem sunt et super omnem substantiam et cognitionem. Deo autem secundum absolutionem ab omnibus intellectualibus operationibus nos immitimus, nullam videntes deificationem aut substantiam quce aliqua proportione comparabilis sit causæ ab omnibus segregatcœ secumdum omnem excesum. En estas substancialísimas palabras declaró el Santo, no sólo el lugar que nos toca de la institución de los Apóstoles ya referido, sino también la substancia acendrada de la verdadera y provechosa contemplación. Dice, pues: «A las cosas místicas y secretas de Dios nos unimos según la luz que él nos dió de sí en la te, sobre la operación intelectual que procede de nuestro propio conocimiento; porque todas las coas divinas en esta vida las conocemos por sola participación; que ellas en sí mismas no podemos saber de qué manera son, según su propio principio y colocación, por ser sobre lo que puede 532 alcanzar nuestro entendimiento y sobre toda substancia y conocimiento. Y así en la oración, para participar de Dios, nos engolfamos en él, desnudándonos de todas las operaciones intelectuales de nuestro propio conocimiento, por no haber entre todas las substancias creadas por donde él camina, ninguna, que después de diligente inquisición, pueda ser comparable con la primera causa apartada de las demás con infinito exceso.» Todo esto es de San Dionisio.

Este lugar, en que consiste nuestra contemplación y la forma de orar que a nosotros particularmente dieron los Apóstoles, declara Santo Tomás, diciendo: (Santo Tomás Super, 1. Diony. ubi supra). Para lo que aquí dice San Dionisio, que lo que a nosotros puede ser manifestado de las cosas divinas en esta vida, lo conocemos sólo por participación, se ha de advertir, que de las cosas que podemos conocer unas son inferiores a nuestro entendimiento, cuales son las criadas y visibles de que él ahora tiene noticia por medio de los sentidos; y esto se llama conocimiento por abstracción, por las semejanzas de ellas que abstrae y recoge para conocerlas. Y en este conocimiento participa el alma de Dios en las criaturas, y nunca en él puede estar el entendimiento sobre sí, sino inferior a sí. De otra manera participa el alma de Dios, no en las criaturas, sino en sí rnismo (de que aquí habló San Dionisio) cuando el entendimiento, levantándose sobre sí mismo y sobre todas las operaciones de su propio conocimiento, se engolfa en Dios con sola la luz de la fe, sobre que cae la iluminación del don de sabiduría, que da saber al alma de las cosas que la fe le representa sencillamente de Dios. Secundum quod divina in ipso intellectu participatur; prout scilicet intellectus noster participat intellectualem virtutem et divinae sapientiae lumem. Que las cosas divinas se participan en nuestro entendimiento en sí mismas cuando él se queda desnudo de estos sus propios conocimientos, y vestido de sola la luz de la fe, que a lo sencillo representa los misterios y perfecciones divinas, y entonces, embistiendo al entendimiento la iluminación del don de sabiduría, le da virtud sobrenatural para participar de ellas por conocimiento ilustrado; y pasando a la voluntad, la saborea a lo divino en las mismas cosas; porque esta influencia a entrambas potencias abraza, para purificarlas y perfeccionarlas por participación de las perfecciones divinas, como en otra parte declaró San Dionisio. (Cap. 4, § 4 de Divi. Nom.)

Y esta es la oración que los Apóstoles nos dieron por fundamento de nuestro instituto, en que nuestro Santo Padre tanto trabajó por asentarnos firmemente como en edificio firme de nuestra perfección.

Capítulo X. Que para la contemplación es necesario purificar el entendimiento de las imágenes y semejanzas de las cosas corpóreas. Dice también el autor que hay dos especies de contemplación.

[Chapitre X. Des actes produits sous la motion divine qui accompagnent l’attention générale et simple]

Esto, pues, fué lo que nuestro Santo Padre y maestro enseñaba, y lo que dejó escrito, y particularmente lo trata en el segundo libro de la Subida al Monte Carmelo en que tan de veras procura destetar las almas de las meditaciones sensibles, en que el entendimiento está abatido a lo que es inferior a su nobleza, gustando del sabor de las criaturas, de las cuales, aunque sea para ordenarse a Dios, le quiere Su Majestad apartado, para comunicarle sus divinas ilustraciones. Por el Profeta Isaías dijo: «, A quién enseñaré la ciencia?» (Cap. 28, 9). Y responde: A los destetados de la leche y a los apartados de los pechos. Esto es, de las cosas sensibles y de sus semejanzas, que son la leche de los niños (como arriba queda dicho) del Apóstol, según la declaración de su Santo discípulo.

A los de esta manera destetados les da sabor de las divinas perfecciones de sí mismas el don de sabiduría (como ya vimos poco há) la cual anda siempre acompañada, según declara Santo Tomás de esta luz sencilla de fe, porque ninguna de estas luces sobrenaturales es discursiva ni se ha de alcanzar ni ejercitar por razones ni discursos como la ciencia humana; sino participándola de Dios en quietud atenta y operación superintelectual. Por lo que dijo el mismo Santo que la parte superior de la razón, donde no se divide ni compone, sirve a la sabiduría adquirida.

A esta doctrina, que es común entre los Santos, aplica San Buenaventura aquellas palabras del cap. 2 de los Cantares, donde hablando el Esposo celestial con el alma contemplativa, sazonada ya para esta sencilla y quieta operación, le dice: «Levántate y date prisa, amiga mía, que ya ha venido el tiempo de la poda.» Porque así como a la vid le cortan los sarmientos para que dé mayor fruto, así en la contemplación le quitan los discursos con que se camina al conocimiento de Dios por las semejanzas de las criaturas, para que el entendimiento sea más altamente iluminado.

Dice, pues, el Santo, siguiendo esta aplicación: Quoties ergo supernaturaliter exercemur ad divinum ordinem, toties opus est resecemus intellectuales operaciones, ut docet Dionisius Cap. 4 de Mystica Theologia; et simillter creaturarum similitudines, quia intellectuales operationes et formae in superintellectuali exercicio reputantur umbrae et offendiculum. Cuantas veces quisiere el alma levantarse superintelectualmente a participar la luz divina en sí misma, tantas es necesario que pode y corte las operaciones intelectuales de su propio conocimiento, como lo enseña San Dionisio, y también todas las semejanzas de las criaturas; porque las intelectuales operaciones movidas de la razón, y las formas y semejanzas de las cosas por donde ella camina, se juzgan por sombras e impedimentos en el ejercicio superintelectual. Todo esto es de este Santo. Y lo mismo significó el Apóstol cuando dijo: que contemplaba a Dios reveleta facie o revelata mente, como dijo su discípulo y declaró Santo Tomás (Sup. Cap. s, § 1 de Divin. Nom.) diciendo: Contemplar a Dios con la vista intelectual descubierta de velos es, que nuestro entendimiento no sea asombreado con la obscuridad de las semejanzas de la imaginación, lo cual sucede a quellos que no quieren recibir las cosas espirituales sobre las corporales, por lo cual son impedidos en la subida a Diosa De esta manera declara estas palabras Santo Tomás. Pues estas sombras e impedimentos trabajaba nuestro Santo Padre por quitar, para que libre el entendimiento de las prisiones de las semejanzas sensibles, pudiese volar a Dios y ser ilustrado de sus divinos resplandores. V para que tengamos mayor conocimiento de la íntima comunicación divina que enseñaba, fundado en la buena teología mística y escolástica y original de nuestro instituto, se ha de advertir de la doctrina de Santo Tomás (3 Sent., dist. 35, q. 1, art. 2) y del Venerable Ricardo de San Víctor (Liber. 4 de Contemplatione, cap. 23), que hay dos maneras de contemplación sobrenatural: una concedida a nuestro modo humano por medio de la luz sencilla de la fe y de los auxilios Comunes de la gracia; y ésta la podemos ejercitar siempre que quisiéremos como hacer otro cualquier acto de fe con estos mismos auxilios; y la ilustra el don de sabiduría a lo sobrenatural, y también a nuestro modo. La cual ilustración dice Santo Tomás (22. q. 45, art. 5) que no se niega a ninguno de los que están en gracia, si saben disponerse para recibirla. La otra contemplación es más elevada y precedida de auxilios particulares y más eficaces y de mayor iluminación que el don de sabiduría, que levanta al alma a conocimiento y amor de Dios sobre nuestro modo humano, al cual no puede llegar el hombre sino cuando Dios se lo concede: y fuera acto de soberbia aspirar a ella por diligencia suya, la cual pretensión reprende muchas veces nuestra Gloriosa Madre Santa Teresa. Y de esto se ha de entender cuando dice: «que no se suban a la contemplación divina, si Dios no las subiere.» Pues así como en esta segunda contemplación más elevada y feliz hizo Nuestro Señor maestra ilustrada a nuestra Gloriosa Madre, y le comunicó tantos y tan elevados misterios como se ve en sus libros; así también de esotra que se ejercita a nuestro modo humano por espejo enigmal, esto es, por concepto superintelectual, formado a nuestro modo y en su obscuridad de fe (la cual no se niega a nadie), hizo Dios tan gran maestro a Nuestro Santo Padre Fray Juan de la Cruz, como muestran sus escritos y la experiencia de sus discípulos.

Esta es la que enseña y persuade tanto San Dionisio, y de ella particularmente da forma en el capítulo primero de la Mística Teología; y así lo entendió Santo Tomás y los demás sus expositores; porque la otra no está en nuestra mano, y como, no se puede pretender, tampoco persuadir. Y ésta es de la que habernos tratado hasta aquí, dada de los Apóstoles, por fundamento de nuestro Instituto.

Capítulo XI. Defiéndese con autoridad de gravísimos autores lo que enseña el Santo, de que las almas entradas ya en la contemplación deben cesar en actos particulares y quedarse en una advertencia general amorosa y sencilla.

[Chapitre XI. Pureté et simplicité où l’âme doit se trouver pour recevoir la lumière divine]

Algunos menos experimentados de la doctrina verdadera de la Teología Mística acusan algunos lugares de Nuestro Santo Padre; tres solamente referiré, y lo que los Santos sintieron de lo mismo, para que la luz no se tenga por tinieblas.

El primero es este en que Nuestro Santo Padre dice (Libr. II, cap. 12 de la Subida del Monte Carmelo): Cuando el alma se pone en espíritu, tanto más cesa de la obra de sus potencias en objetos particulares, porque se pone ella en acto solo general y puro; y así, cesando de obrar las potencias del modo que caminaban, para en aquello donde el alma llegó. Así como cesan y paran los pies acabando su jornada. A esos tales se les ha de decir que aprendan a estarse con atención y advertencia amorosa en Dios en aquella quietud, y que no se les dé nada por la imaginación, ni por la obra de ella; pues aquí, como decimos, descansan las potencias y no obran, sino en aquella simple y suave advertencia amorosa. Y si alguna vez obran mas no es por fuerza, ni muy procurado discurso, sino en suavidad de amor, más movido de Dios que de la misma habilidad del alma, como adelante se declarará más a propósito.»

Aquí cifró nuestro maestro lo que los Apóstoles y Santos nos han dicho. Y cuanto a las primeras palabras que «cuando el alma se pone muy en espíritu se desnudan las potencias de los objetos particulares y quedan en un acto universal y puro», ninguno puede negarlo, ni tampoco, que éste sea el acto de la contemplación divina en que el alma participa de Dios en sí mismo. Porque como afirman el Venerable Hugo de San Víctor, San Buenaventura y todos los grandes maestros místicos (Hug. liber II de Arrha., cap. 6; S. Buenav. ltinerarium 3, dist. 4, art. 2): el acto de contemplación, donde el entendimiento se pone inmediato a Dios para recibir de él como en su fuente la iluminación e influencia divina, es la inteligencia pura, que es el acto supremo del entendimiento. En el cual, como Santo Tomás enseña (Quodlibeto, 5.°, art. 9) no hay composición ni división de cosas distintas ni particulares por donde el discurso de la razón camina, sino conceptos universales e indistintos. Y así en él se ha de representar a Dios, no en semejanza distinta y conocida, sino a lo inmenso y no conocido, según San Dionisio (S. Dionisio, capítulo 1, § 1, de Divin. Nom.), y de excelencia superior a todo cuanto puede conocer el entendimiento, como sol, o como cielo, o como otra cosa grande de las que puede conocer se desproporciona de la luz divina y deja su operación superintelectual en la luz de la fe, que le conforma con ella, y el acto de la inteligencia pura donde estaba participando inmediatamente de Dios y recibiendo su divina ilustración e influencia de los dones infusos, y se baja al acto inferior del entendimiento que sirve al discurso de la razón y al ejercicio de la luz natural; porque en habiendo comparación de una cosa a otra, hay discursos, y con sus objetos pone medios entre su operación y la luz divina.

Y si en este acto supremo de la inteligencia se ha de mezclar alguna noticia de lo que se ha meditado en los actos inferiores, como en los misterios de la hurnanidad de Cristo Nuestro Señor, para poner al alma en motivo de amor y agradecimiento, se ha de representar también allí a lo universal, como proposiciones sueltas y substancia sumaria de los discursos pasados. Porque como afirman los autores, todas las memorias que se mezclaren en esta contemplación, han de ser proporcionadas con ellas, y ejercitadas a lo universal y sencillo, como, Dios muerto, Dios azotado, Dios escupido, y otros conceptos de esta manera, sin nuevos discursos y composición más distinta. Y como estos conceptos sueltos proceden del hábito ya adquirido de meditación, está incluída en ellos toda la substancia de las meditaciones pasadas, y más acendrada y espiritualizada, como quinta esencia, pasada por muchas alquitaras, y por eso más eficaz para mover; como lo significó Santo Tomás (12, q. 35, art. 7 ad 2), cuando dijo que tanto más perfectamente se aprendía alguna cosa por alguna semejanza, cuanto la semejanza era más espiritual y abstraída. Res tanto perfectius aprehenditur per aliquant similitudinem, quanto similitudo est mugis immaterialis et abstracta. Y de esta manera ejercitaban los Santos en la contemplación estas memorias de Cristo Nuestro Señor, en aquel ramillete de mirra todo junto, y no cada flor de por.sí como en el discurso.

También es muy cierto lo que dice Nuestro santo Padre que en este acto universal descansan las potencias. Lo cual prueba Santo Tomas (1 p., q. 105, art. 4) eficazmente. Y añade, que en ningún otro acto particular, por excelente que sea, pueden descansar ni hallar su lleno, porque el propio objeto del entendimiento es la esencia divina universal, y el de la voluntad el bien universal que es Dios. Y mientras no se le representa de esta manera, no la pueden mover con toda la eficacia que puede ser movida, aunque le representen un atributo divino sólo. Por lo cual, si están entonces las potencias como en su centro, según el estado de esta vida, donde no pueden ver lo particular y distinto de Dios, no es mucho que descansen en él.

Asimismo, el decir nuestro maestro que a las almas contemplativas les han de persuadir a estarse con atención y advertencia amorosa en Dios, con quietud, sin dárseles nada de la imaginación, fué enseñarles a modo llano y sencillo cómo se han de poner en acto de contemplación superintelectual y participación de Dios, y el modo de orar que los Apóstoles nos enseñaron. Porque los autores místicos y escolásticos concuerdan que el acto de contemplación es simplex intuitus veritatis sine discurso (Apud. Suárez, ut sup. Cap. 10, núm. I et sequent.) Una simple y sencilla vista de la suma verdad sin discurso actual, aunque se supone haberlo habido. Al cual acto llama San Dionisio movimiento circular del alma. (Cap. 4, § 7 de Divinis nominibus et Santo Thom.) Porque así como la figura circular es la más perfecta, sin principio ni fin, así el acto de la perfecta contemplación de esta vida, representa a Dios de esta manera sin forma particular ni distinta, sino a lo inmenso e inefable de la luz sencilla de fe, como en otra parte lo declara el mismo Santo de esta manera: «Con un concepto superintelectual (superior a cuanto el entendimiento puede alcanzar), asiste rendido a los pies de aquella suma grandeza incomprensible.» El gran rendimiento es un grande conocimiento de Dios; y como enseña Santo Tomás (3 Sent., dist. 35, q. 2, art. 2, quanst. 1), el más perfecto de esta vida. Y declarando el mismo Santo este movimiento circular, pone en él tres circunstancias necesarias, en las cuales se encierra la oración, que los Apóstoles no dejaron por blanco de nuestro instituto, perfectamente ejercitada. La primera, que se desnude el entendimiento de todas las semejanzas de cosas materiales procedidas de la imaginación. La segunda, que ha de cesar el discurso de la razón, y con esto reducirse todas las potencias del alma a la contemplación sencilla de la suma verdad. La tercera, que cese también otro cualquier movimiento e inquietud y reducirse toda el alma a una serenidad quietísima; Quia immovilitas pertinet ad motum circularem. (Santo Thom. ubi sup. ad s.)

La práctica de esto puso San Dionisio en estas palabras (San Dion. Cap. 1, § 1 de Mystic. Theolog.): «En esta contemplación se han de juntar todas las operaciones intelectuales movidas de la razón y propio conocimiento y todas las semejanzas distintas, no sólo sensibles, sino también intelectuales, para unirse con Dios en luz de fe sobre todas las sustancias criadas, y conocimiento de ellas, hasta quedar el entendimiento en una pura éxtasis de fe, suelto de todo lo criado, y unido a la luz divina.» Esto todo es de San Dionisio, según la traslación del doctísimo Juan Sarraceno, recibida de los Santos y autores graves antiguos, como la más conforme a la propiedad del texto griego. Esta éxtasis de fe, declara Santo Tomás (Super. cap. 7, § 5 de Div. Nom.) en otra parte, donde dice: Per veram fidem est pasus extasim veritatis, quasi extra omnem sensum positus et veritati supernaturali conjuntos. Este éxtasis de verdadera fe para abrazarse con la verdad, es salir el conocimiento de todos los demás conocimientos, y hacer su asiento en la verdad sobrenatural para unirse con ella. Y de esta manera dice San Dionisio, que ha de quedar el entendimiento en la verdadera contemplación cumple lo que dijo el Divino Salvador: Bienaventurados los limpios de corazón, porque ellos verán a Dios. Lo cual declara de la contemplación de esta vida, diciendo: «En la vicia de este destierro más contemplamos a Dios conociendo lo que no es, que aprendiendo lo que él es. Y por esto, cuanto al estado de esta vida se pone la limpieza de corazón, no sólo de los alhagos de las pasiones, sino también de las semejanzas de la imaginación y de las formas espirituales, de todas las cuales enseña San Dionisio en el Cap. 1 de su Mística Teología, que se han de desnudar los que caminan a la contemplación divina. Esto es de Santo Tomás. Todo lo cual significó Nuestro Padre en el lugar citado arriba, donde dice que se quede el alma en atención sencilla y advertencia amorosa en Dios, en quietud de actos particulares y distintos. En las cuales palabras abrevió las dos cosas que pide San Dionisio para presentarse el alma a Dios y recibir su divina influencia. La primera que esté el entendimiento atendiendo a él, desnudo de todas las semejanzas y cosas distintas. La segunda, que la voluntad esté ordenada a él por amor y devoción. A estas dos cosas dijo Nuestro Padre en aquellas palabras: advertencia amorosa. En decir advertencia, dice acto de entendimiento; y en decir amorosa, dice acto de voluntad.

Dice también en este lugar, que los actos que el alma hiciere en la contemplación, sean más movidos de Dios que de su discurso y propia habilidad movida de la razón. Lo cual es muy necesario por muchas razones. Basten por ahora estas dos: La primera es, porque con estos actos hechos así se aumentan las virtudes infusas, procedidas de la virtud divina en el alma, el cual aumento no puede proceder de la virtud activa del alma, por exceder su caudal natural: pero sí de la pasiva cuando es movida de fundamento sobrenatural, como lo declaró Santo Tomás con este hermoso ejemplo, muy a nuestro propósito: (Santo Thom. 22, q. 1s0, art. 1 ad 1). «Aunque la virtud activa del aire no se puede extender a hacer movimiento de fuego, tiene virtud pasiva para ser trasmutado en fuego; y hecha ya esta trasmutación, puede ya hacer movimiento de fuego, que excede de su potencia activa. Así también, aunque la potencia activa del alma no puede extenderse a efectos sobrenaturales y al aumento de las virtudes infusas, tiene potencia pasiva el alma para ser trasmutada en fuego de caridad; y entonces sus actos obran estos efectos propios de la caridad de que va vestida, la cual transformación se hace en la contemplación divina de que vamos hablando, cuando el contemplativo deja la luz de la razón y se viste de la de la fe, a quien ilustra el don de la sabiduría; y entonces dice San Dionisio que queda el alma endiosada (cap. 7, de Div. Nom. § 1) como salida de sí, y transformada en Dios, y recibe el aumento de los dones divinos.» Y esto es lo que dice Nuestro Maestro en las palabras referidas.

La razón porque esto conviene así, es para que así la misma alma esté en oración y hablando con Dios, porque en el discurso no habla con él, sino consigo misma; y no se puede decir con propiedad que está en oración hasta que, dejado el discurso, atienda a Dios quieta y amorosamente, como a nuestro propósito declaró un doctor grave (Suárez, libr. 1, Cap. 4, núm. 1 de Relig.), escolástico, fundado en doctrina de Santo Tomás. Y la razón es clara: Porque la oración propiamente, como la define San Juan Damasceno, es elevado mentis in Deum; que es decir, que de dos vistas que tiene el entendimiento, una que mira al cuerpo para recibir de él las semejanzas del conocimiento natural, y otra que mira a Dios para recibir la iluminación del conocimiento sobrenatural, ha de tener en la oración cerrada la vista, que mira al cuerpo, por negación de las representaciones de la imaginación y discurso de la razón, y abierta la que mira a Dios. Y de aquí se entenderá la propiedad con que San Dionisio habló cuando en el primer paso de su Mística Teología, dijo (San Dioni. Cap. 1 in princip. de Myst. Theolog.): que llenaba Dios de divinos resplandores los entendimientos sin ojos, esto es, que tienen cerrados los que miran hacia el cuerpo, y abiertos los que miran hacia Dios para ser iluminados de él. y los actos que proceden de esta iluminación aumentan las virtudes infusas, y no los que proceden de la razón; y por eso los persuade aquí Nuestro Maestro, y por lo mismo suele nuestro Señor al principio de la oración poner en esta quietud al alma para que ella reciba el caudal sobrenatural; y después de recibido la suelta y alienta para emplear este caudal en actos particulares de afecto, como lo enseña un maestro muy experimentado (Ruisbrochio de Perfeccione filiorum Dei, cap. 10).

Capítulo XII. Defiende otro pasaje del Místico Doctor, y prueba con su doctrina que para la contemplación debe el alma estar en gran puraza y sencillez, y vestida de la luz de la fe.

[Chapitre XII. Comment Dieu communique à l’âme la divine lumière]

El segundo lugar de Nuestro Santo Padre que disuena a algunos místicos, dice así: «Para recibir más sencilla y abundantemente esta luz divina, que se le comunica pasivamente sin pretensión suya, más que dejarse llevar de Dios (así como al que tiene los ojos abiertos se le comunica la luz del sol), es necesario que no cuide de interponer otras luces más palpables de otras noticias o formas o figuras del discurso, etc. (libr. 2, cap. 1s de la Subida del Monte), hasta aquellas palabras. «Luego el alma ya sencilla y pura se transforma en la sencilla y pura sabiduría divina», en que cifró utilísimamente la sabiduría mística de San Dionisio, poco conocida de muchos que se precian de maestros de espíritu. Para cuyo entendimiento se ha de advertir que (como dicho es), toda la pretensión de nuestro Padre en este libro 2 de la Subida del Monte Carmelo, es desnudar de todas las semejanzas criadas al alma ya sazonada con hábito de meditación, y dejarla vestida solamente de la luz sencilla de la fe, para recibir con esta disposición sobrenatural la iluminación del don de sabiduría con que se curan todas las dolencias del alma, como dijo el Espíritu Santo (Sap 9, 19). Y la va disponiendo y divinizando para unirla con Dios, porque esta iluminación anda siempre acompañada con la luz sencilla de la fe; y todo lo que el don de sabiduría ilumina son las cosas que la fe representa así a lo sencillo, como declara Santo Tomás (3 Sent., dist. 35, q. 2, art. I).

Con esta misma pretensión de Nuestro Santo Padre comenzó San Dionisio el libro de los Nombres divinos, en el cual, según la declaración del mismo Santo Tomás, dice así: «Por medio de la luz de la fe, nos unimos a las cosas inefables y no conocidas, cuales son las divinas inefables y no conocidamente, según otra mejor unión que la virtud de nuestra razón y la operación de nuestro entendimiento; porque por esta luz de fe nos unimos a la virtud divina, que excede todo conocimiento humano y a cosas mayores que las que la razón natural alcanza; y con tanta mayor certeza, cuanto es más cierta la revelación divina que el conocimiento.

Y entonces dice Santo Tomás (3 Sent., dist. 34, q. 1, art. 4 in corpore), que se humano.» Todo esto es de estos dos Santos, a los cuales imitó nuestro maestro; y por esto dice en este lugar ya referido que las noticias y formas y figuras que proceden del conocimiento natural no tienen semejanza con la luz pura y sencilla que Dios comunica al alma en la contemplación por medio del don de la sabiduría. Y así se ha de desnudar de todas el entendimiento y quedar vestido de sola la luz sencilla de la fe, que como también es divina, es disposición próxima y proporcionada al entendimiento para recibir la iluminación de este don divino que ilustra e ilumina al alma.

Es tan necesaria esta disposición proporcionada para recibir la iluminación divina, que por falta de ella trabajan mucho en la oración y aprovechan poco los más de los contemplativos (1), porque cosa cierta y sabida es, que ha de haber debida proporción entre el movible y su motor para que la moción se siga, como lo dijo Santo Tomás (Santo Thom. 12, q. 68, art. I j: Manifestum est autem quod omne quod movetur, necesse est proportionaturn esse motori; et haec est perfectio mobilis, inquantum est mobile: dispositio, qua disponitur ad hoc quod bene moveatur a suo motore. Y como todo el aprovechamiento del alma contemplativa consista en ser movida de Dios, es necesario que se proporcione con él para esta moción. Y pues lo que ha de recibir ha de ser sobrenatural, como lo dijo Santo Tomás por estas palabras (Santo Thom., 1, p. q. XII, art. 5): «Todo lo que ha de ser levantado a alguna cosa que exceda su naturaleza, conviene que se disponga con alguna disposición también sobrenatural.»

Esta doctrina tan cierta que dice aquí en general, aplica con palabras muy eficaces a nuestra contemplación, donde, como arriba vimos, diferencia la contemplación de los filósofos naturales, de la de los cristianos en esta proporción sobrenatural, y por esto lo persuade tanto Nuestro Santo Padre en este y otros muchos lugares del mismo libro.

Y no sólo proporciona al entendimiento esta luz sencilla de la fe para que reciba la iluminación de Dios, sino también como luz divina, dice San Dionisio que la diviniza y hace por entonces una imagen suya, no según la semejanza natural que el alma tiene con Dios (que esa es común a buenos y a malos) sino según la semejanza de conformidad, que es la que levanta al alma contemplativa a la comunicación estrecha con Dios y a la participación sobrenatural de sus divinas perfecciones. Y copio por el conocimiento de la razón se hace el hombre propio suyo, así por el conocimiento puro y sencillo de la fe, dice el Santo Padre, deja de ser suya y se hace de Dios.

Esta conformidad de semejanza, que tanto procuró nuestro Santo Maestro asentar en los corazones de sus discípulos, levantó Santo Tomás tanto de punto, que la comunicación y contemplación divina que con ella ae ejercita la hace como imitadora, y en cierta madera participante de la comunicación inefable y eterna que hay entre las personas divinas, como lo significó en estas palabras (Santo Tomás, De Verit., q. 10, art. 7): «En el conocimiento con que el espíritu humano conoce las cosas temporales no se halla expresa semejanza de Dios por conformidad, porque estas cosas son más desemejantes a Dios que la misma alma; pero en el conocimiento en que conoce a Dios (habla del conocimiento de la fe) hay una representación de

(I) Porque aplican sus trabajos más a estorbarse que a ayudarse.

la Trinidad divina, según la conformidad del alma con ella, en cuanto conociendo el entendimiento de esta manera a Dios, engendra su palabra, que es concepto suyo; y del entendimiento y su concepto procede el amor. Y así también, conociendo el Padre Eterno a sí mismo, engendra eternamente su palabra, que es su Hijo, y de entrambos procede el Espíritu Santo. Por lo cual, cuando el alma conoce a Dios en sí mismo, es propiamente imagen de la Beatísirna Trinidad.» De esta manera nos declaró este gran Santo la semejanza de conformidad con que en la contemplación queda el alma tan parecida a Dios, y participando de sus divinas perfecciones.

Dicen también mucho y son muy notables las palabras que siguen en el lugar citado de Nuestro Santo Padre, a que tan dial se persuaden los contemplativos que no acaban de soltarse de su operación propia, para entregarse del todo a la de Dios a que la contemplación se ordena; cuya dolencia procura sanar Nuestro Maestro, diciendo: «Esta luz divina, cuando no se interponen otras luces, se le comunica pasivamente al alma, sin pretensión suya más que dejarse llevar de Dios; así como el que tiene los ojos abiertos se le comunica la luz del sol.» De este mismo ejemplo usó a este propósito San Buenaventura (San Buenav. de Mystic. Theolog., cap. 12). «Así como la luz del sol, dice este Santo, no há menester que le den empellones para que entre en la casa a ilustrarla y calentarla, sino solo, que le abran la puerta y le quiten los impedimentos; así tampoco la luz divina, que es más activa y eficaz que la del sol, há menester que la apremien para entrar a ilustrar y a perfeccionar el alma cuando se quitan los estorbos.»

Esta semejanza es muy a propósito para persuadir a nuestra rudeza estos efectos de la luz divina en nuestra alma, si no le estorbamos. Y por eso dice San Dionisio (San Dionisio, cap. 4, § s, de Divin. Nom.) que el sol es expresa semejanza de la bondad divina, y particularmente por la comunicación tan favorable de su virtud para tantos y diversos efectos que hace en todas las cosas con sólo querer recibir su influencia. Y pasando luego el mismo Santo inmediatamente a declarar los efectos que la iluminación divina (de que es semejanza a la del sol) hace en las almas que la reciben sin estorbos, va muy en particular describiendo, como en dándole entrada desocupada y patente, ilustra y purifica el entendimiento, y pasando a la voluntad la enciende y saborea en las cosas divinas, y de allí pasa a todas las demás fuerzas del alma, a renovarlas y divinizarlas hasta unirlas con Dios. De todos los cuales efectos se privan los contemplativos que no se disponen para recibir esta luz, como Nuestro Maestro enseña, antes le ponen estorbos con los discursos de la razón y con las semejanzas distintas de cosas criadas, por donde ella camina, a las cuales llama Nuestro Maestro, con gran propiedad en este lugar, nubes que impiden esta divina luz, poniéndose entre ella y el entendimiento para que no le ilumine. Porque de esta manera las llama también San Dionisio y Santo Tomás. Y esto significó el mismo San Dionisio (cap. 2 de Mystic. Theolog.) cuando dijo «que la luz divina, que por el exceso que hace a nuestro entendimiento, parece oscuridad e ignorancia, está después de todos los conocimientos nuestros. Y para llegar a ella es necesario quitarlos todos. Porque cada semejanza de cosas que conocemos es como un velo que cubre esta luz, y se pone delante para que no nos alumbre.

Toda esta doctrina es de San Dionisio en este lugar y en otros muchos, y enseñada de todos los demás Santos, a que pocos contemplativos se persuaden.

Capítulo XIII. Pruébase cómo al punto que el alma está dispuesta, sin hacer nada de suyo Dios la comunica la luz divina de la contemplación.

[Chapitre XIII. De certains contemplatifs qui ne savent pas se dégager enrièrement de la raison]

Prosigue nuestro Maestro en el lugar citado, y dice otra doctrina no menos importante que la pasada, por estas palabras (lib. Il, cap. 13 de la Subida del Monte): «De aquí se sigue claro, que como el alma se acabe bien de purificar y vaciar de todas las formas e imágenes aprehensibles, se quedará en esta pura y sencilla luz, la cual se impide con estas nubes, que se ponen en medio. En muchos lugares dió San Dionisio esta misma doctrina; mas particularmente en una carta que escribió a un Religioso nuestro llamado Cayo (San Dion. Epist. ad Cayum), que le preguntó, si se había de desnudar el entendimiento de todos los conocimientos de la luz natural para recibir en la oración la iluminación divina sobrenatural. A lo cual en substancia le responde estas palabras: «La luz divina, que por el infinito exceso que hace a nuestro entendimiento, le parece oscuridad y tinieblas, se oculta y encubre con la luz de nuestra razón como con velo, y mucho más si los velos de las semejanzas criadas por donde ella camina son muchos. Y a la sabiduría divina escondida (que por su profundidad incomprehensible nos parece ignorancia) la ocultan nuestros conocimientos groseros y limitados; y mucho más si estos conocimientos son muchos. «Y luego van declarando cómo esta divina luz y sabiduría, escondida a toda otra luz, se encubre, y a todo otro conocimiento se esconde. La razón escolástica de esto da Santo Tomás diciendo (1 p., q 85, art. 4.): Imposible es que un mismo sujeto sea perficionado en un mismo tiempo con muchas formas juntas de un mismo género y de diversas especies; así como es imposible que un mismo cuerpo sea juntamente figurado con diversas figuras. Pues como todas las semejanzas intelectuales sean de un mismo género, copio perfecciones de una misma potencia intelectiva, aunque las cosas de que son semejanza sean de diversos géneros, imposible es que un mismo entendimiento sea perficionado a un mismo tiempo con dos formas intelectuales de esta manera diferentes. Todo esto es de Santo Tomás, con lo cual queda verificado lo que en este lugar y en otros muchos dice Nuestro Santo Maestro, que mientras el entendimiento no se desnudare de las semejanzas del conocimiento natural por donde camina la razón en sus discursos, no podrá recibir la iluminación sobrenatural, que es a lo que la oración se encamina, por ser formas entrambas de un mismo género, como intelectuales, y de tan diferentes especies, como declara el mismo Santo en otra parte (Santo Tomás, Sup. cap. 2 de Divin. Nom.). Pues la una es sacada de las criaturas por abstracción del entendimiento, y la otra por participación de Dios en si mismo par medio del don de la sabiduría.

Y de aquí se verá con cuánta razón nos persuade San Dionisio que para la contemplación divina se ha de desnudar el entendimiento, no sólo de las semejanzas materiales, mas también de las formas intelectuales distintas (San Dionisio, cap. 1, § 1 de Myst. Theolog.), porque todas proceden de conocimiento natural, y quedarse en solo el concepto superintelectual e indistinto que la fe nos da de la grandeza incomprehensible de Dios, que Nuestro Maestro llamó sencilla y amorosa de Dios. Porque éste es el que dispone, como tantas veces queda repetido, para la iluminación divina.

Esto mismo que aquí nos dicen estas clarísimas lumbreras de la Iglesia, afirma también Sara Gregorio por estas palabras: Neque enint cum corporearum rerum imaginibus illa infussio incorporece lucis capit, quia dum visibilia cogitantur, lumen invisibile ad mentem non admittitur (libr. l homilia super Ezechiel ad finem.)

La influencia de la luz divina no se compadece en el entendimiento con la semejanza de las cosas corporales, porque no se admite en ella luz invisible mientras se ocupa en el entendimiento de las cosas visibles. Y de aquí se ve también haber hablado propísimamente el doctísimo Ruperto Liconiense, célebre expositor de San Dionisio, cuando declarando el lugar poco há referido, dijo (Rup. Sup., cap. 2, § 1 de Mystic. Theolog.): «Que la disposición próxima para recibir la iluminación divina era la privación del conocimiento actual de todas las cosas criadas.» Dice, finalmente, Nuestro Maestro en el lugar citado de esta manera (libr. 2, cap. 15 Subida del Monte): «Porque esta divina luz siempre está aparejada a comunicarse al alma; pero por las formas y velos de las criaturas con que el alma está cubierta, no se le infunde; que si quitase del todo éstos, quedándose en desnudez de espíritu, luego el alma, ya sencilla y pura, se transformaría en la sencilla y pura sabiduría divina; porque faltando lo natural al alma, luego se le infunde lo divino sobrenaturalmente.»

Esta misma doctrina enseñó San Dionisio en muchos lugares. En uno de los cuales dice asi: «La luz divina siempre está patente a los ojos del entendimiento para comunicársele benignamente, y así la puede recibir por estar presente, y siempre aparejada para comunicársele» (San Dionisio cap. 2 de Coelest. Hier. post medium). Y en otro lugar, enseñando el mismo Santo la disposición que ha de tener el entendimiento para recibir esta luz divina, dice (como vimos arriba) «que Dios a todos está sobrepuesto, y como rodeándoles, y que a solos aquellos se comunica de verdad, que trascendiendo todas las cosas criadas, así materiales como espirituales, se entran en la oscuridad de la fe, donde la Escritura Sagrada dice que se halla Dios (cap. 2 de Mystic. Theolog.) En otra parte dice el Santo (San Dionisio, cap. 4, § 9 de Divin. Nom.) a nuestro propósito unas palabras muy conformes a las referidas de Nuestro Maestro, en las cuales, declaradas y ponderadas de Santo Tomás (S. Thom ibidem) dice así: «Intelegibiles virtutes nostrae naturalis rationis superflunt, quando anima nostra Deo conformata immittit se rebus divinis, non immisione oculorum corporalium, sed immisione fidei, scilicet per hoc quod divinum lumen ignotum et ignaccesibile se ipsum nobis unit et comunicat. Que fué decir: «Las operaciones intelectuales de nuestra razón natural son superfluas, cuando el alma conformada con Dios por medio de la luz de la fe, se engolfa en la contemplación de las cosas divinas, no por medio de semejanzas procedidas de la imaginación, sino por medio de la misma fe. Porque entonces la luz divina, no conocida e invisible, ella misma se une con nosotros y se nos comunica.» Esto dicen estos dos Santos y grandes Maestros de la Teología Mística y Escolástica; y aunque todas estas palabras son sustancialísimas a nuestro propósito, dos cosas debernos notar particularmente en ellas. La primera, que con luz sencilla de fe, dejados nuestros conocimientos, se conforma el entendimiento con Dios para que le comunique su iluminación. La segunda, que al mismo punto que se conforma y proporciona de esta manera, la misma luz divina, sin otro ministerio ni ayuda, se une con el entendimiento y se le comunica. Y para persuadirnos San Buenaventura (S. Buenaventura, de Mystic. Theolog. cap. 2, § 1), esto mismo lo declara con la semejanza del sol que rodea nuestra casa, y en abriéndole la ventana entra luego. Y este abrir la ventana es descubrir el entendimiento, desnudándole de todas las semejanzas del conocimiento natural, como queda declarado.

Esta, pues, es la doctrina que Nuestro Maestro nos enseña, para que en la oración, no seamos como animales terrestres, que no se hallan fuera de su región material e impura, sino que como verdaderos contemplativos imitemos al Aguila, que es símbolo de la contemplación, no sólo porque mira al sol de hito en hito sin pestañear, mas también porque cuando hay niebla en la región inferior del aire, vecina a la sierra, penetra por toda la oscuridad anublada a la región superior del aire, hasta descubrir los rayos del sol en su pureza; y así se queda gozándolos y renovando sus plumas con el calor de ellos. Lo mismo debemos hacer nosotros, como nos lo aconsejan los Santos, a quien sigue Nuestro Maestro, que dejando el entendimiento la región inferior del alma, que son las representaciones de la imaginación y los discursos de la razón, como actos nublados, y donde los rayos del sol divino no se alcanzan en su pureza y claridad, y penetrando, suelto de todo esto, hasta la región superior del espíritu, que es la inteligencia pura y el acto del entendimiento inmediato a Dios, como ya vimos, descanse allí a los rayos de este divino sol, donde el espíritu se renueva. Aunque no siempre conocerá el espíritu su renovación, mien¬tras no estuviere purgado el espíritu de las cosas que hacen resistencia a la operación divina. Porque al espíritu purgado luego le penetra la luz divina, como el rayo del sol al cristal limpio, y no así al manchado; y el fuego se prende luego en el madero seco, y no así en el que todavía es verde, que son comparaciones de que usó San Dionisio (cap. 1s de Coelest. Hier.) para declarar cuán diferente efecto hace la iluminación divina en el entendimiento y voluntad del espíritu purgado, que en el no purgado. Pero con la continuación de la oración no estorbada, va haciendo esta purgación la misma iluminación divina, como en particular lo declaró en otra parte el mismo Santo (ídem cap. 4, § 4, de Divin. Nom.)

Capítulo XIV. Explicase en qué consiste la ADVERTENCIA AMOROSA que enseña San Juan de la Cruz, y se deshacen varios engaños de los que no han comprendido esta doctrina.

[Chapitre XIV. Des affections simples et enflammées]

Pero porque algunos Maestros contemplativos que no tienen tan penetrada la sustancia de la sabiduría mística como Nuestro Santo Padre, condenan el acto de contemplación que él enseña a sus discípulos en aquella advertencia amorosa, conviene que exclarezcamos un poco más la propiedad y utilidad de aquel acto. Para lo cual se ha de advertir, que dos efectos se hallan comunmente en los que tienen oración mental con que se estorban para ser movidos e iluminados de Dios en ella. El primero es de las semejanzas distintas y particulares procedidas de la imaginación por donde la razón camina en sus discursos. Del cual impedimento habemos tratado ya. El segundo y menos conocido aún de los que se tienen por muy contemplativos, y a cuyo desengaño se ordena este capítulo, es no acabar de desarrimar de la razón el concepto universal de Dios, con que asisten a su grandeza en la contemplación, no acomodándose a mirar a Dios con vista derecha como objeto presente, en obscuridad de fe, sino en concepto formado, y distintamente conocido. De manera que ya que no pueden comprehender a Dios, quieren comprehender eI concepto en que le contemplan. Lo cual es contra lo que enseña San Dionisio (cap. 1, § 1, de Divin. Nom.) cuando dice, como ya vimos arriba, que a las cosas inefables y no conocidas de nosotros, cuales son las divinas, nos habernos de unir a lo inefable y no conocido. Y no las contempla de esta manera quien quiere limitar y comprehender a lo conocido el concepto que hace de Dios; y entonces no estará en operación superintelectual, donde la iluminación divina se recibe sin estorbos, ni participando de Dios en sí mismo, para que le dispone y proporciona la luz sencilla de la fe, de la cual no está vestido el entendimiento por entonces, sino mezclado con la de su razón; ni él está trasladado a esta divina luz (lo cual pone el mismo San Dionisio (ídem cap 7, de Divin. Nom.) por cosa esencial de la contemplación) sino antes está trasladando la misma luz de la fe a su razón, y limitándola y apocándola a su modo; y con esto se estorban para recibir la iluminación divina, la cual se comunica al modo que cada uno se dispone. Lo mismo dice San Lorenzo Justiniano: Solius Dei est rationis prestare gustum, et devotionis afectum, sed hominis est orandi adinveniri modum (De perfecti. monast. capítulo 8 ante medium). Que de solo Dios es el dar el gusto y devoción al que ora; pero del que ora, es buscar el medio conveniente de orar; y según la medida con que cada uno entra en la oración, así saca los efectos de ella; como sea verdad que las influencias divinas se comunican al modo del que las recibe, como lo dijo Santo Tomás en muchos lugares, particularmente en las Disputas (S. Thom , de Verit., q. 12, art. 6 ad 4). Forma recepta sequitur modum recipientes, quantum ad aliquid, prout habet in obiecto; est enim in eo materialiter, vel immaterialiter, multipliciter vel uriformiter, secundum exigentiam subiecti recipientes.

Para mayor declaración de esta verdad, en que consiste el buen logro de la provechosa contemplación se ha de advertir que la contemplación intelectual tiene los grados que ponen Ricardo de San Víctor (Ricard. lib. I, cap. 6, contemp.), Santo Tomás tS. Thom. 22, q. 180, art. 4 ad 3), San Laurencio Justiniano (S. Laurent. Just. de Ligno vitae, cap. 40 de Orat.) y san Buenaventura (S. Bonav. Itiner., 3 dist., 4 ad 2), con otros muchos. El primero imperfecto, que llaman supra rationem, sed non preter rationem, esto es, que aunque es sobre la razón, todavía queda arrimado a ella formando algún concepto de Dios a su modo cuanto más alto puede, como del sol o del cielo u otra cosa grande conocida, presuponiendo que será Dios una cosa grandísima y altísima, semejante a alguna de lás que conoce. Este modo de contemplar a Dios, aunque se permite a los menos contemplativos, que salen de la meditación imaginaria y aun no se pueden soltar del todo a la contemplación intelectual sencilla, si van todavía arrimados al carrillo de la razón, como niños que se enseñan andar a lo espiritual; con todo eso, es modo imperfectísimo de contemplar a Dios, y en que el entendimiento se estorba mucho para la iluminación divina, y para los demás efectos de la contemplación, por muchas razones, que si las hubiera de tocar, fuera alargarme mucho. Basta saber que (como se ha dicho tantas veces) no está con este acto el entendimiento en operación intelectual, donde la iluminación divina se recibe en su pureza, ni en participación de Dios en sí mismo, si no de aquel concepto que forma a su modo, tomado de las cosas criadas que conoce, y no de la luz pura y sencilla.

El segundo grado, y propio y perfecto acto de la contemplación, llaman todos estos autores supra rationen et praeter rationem, esto es, que no sólo ha de estar el entendimiento sobre la razón, mas también del todo desarrimado de ella, sin querer medir a Dios con ninguna comparación, sino considerarle inefable y no conocido, como dice San Dionisio, sin formar concepto distinto de él según su modo conocido, sino según la fe, que nos dice que es incomprehensible, inefable e incomparable. Y presuponiendo el entendimiento que es así, y que por su inmensidad está en todas las cosas, como causa en sus efectos, y en el alma del justo por otro modo más favorable, mírale con vista derecha, como presente, y no con vista refleja, como se suelen mirar interiormente las cosas ausentes.

Pues este segundo modo de contemplación es el que nos persuade Nuestro Santo Padre en aquella advertencia amorosa (lib. 2, cap. 1s de la Subida del Monte), en que nos enseña a contemplar a Dios; y con esto excluye comparaciones y conceptos formados de Dios a nuestro modo corto y limitado. Y en otra parte declara, con admirable doctrina, cuán baja y apocadamente siente el alma de Dios mientras no sale de estas semejanzas y conceptos formados a su modo, y no se suelta del todo en la luz sencilla de la fe, que nos representa a Dios inefable e incomprehensible. Ni hace contra esto lo que dice San Dionisio (Cap. 1, de Celes. Hierar.), que no se nos puede comunicar este rayo de luz divina sino es cubierto de alguna semejanza de cosa sensible y conocida: Etenim neque possibile est aliter nobis lacere divinum radium, nisi varietate sacrorum velaminum anagogice circumvalatum, et iis que secundum nos sunt providentia paterna connaturaliter, et proprie preparatum. Esto, pues, digo que no obsta; porque esto ha lugar, como dice Santo Tomás (Sent. dist. s5, q. 2, art. 2, q. v. 2 ad 2) declarando este lugar, cuando a los nuevos contemplativos se les proponen las cosas espirituales y divinas por comparación a las sensibles, para levantarlos a sus modos de las visibles a las invisibles, y de las materiales a las espirituales. Pero no habló en estas palabras de las cosas que propone la fe e ilustran los dones de la sabiduría en los contemplativos aprovechados, de los cuales trata el mismo San Dionisio en otra parte, y declara cómo se comunicaban por medio de semejanzas espirituales, ilustradas de la luz divina, que carecen de forma corporal.

De esta imperfección de querer medir la inmensidad de Dios con nuestro entendimiento y corto conocimiento, y no engolfarnos en lo inefable con sola la luz de la fe, que de esta manera nos le representa, trabaja por apartarnos San Dionisio en estas sustanciales palabras: Ab oratione incipere est utile, non sicut trahentes ubique presentem, et nusquam virtutem, sed sicut divinis memorationibus et invocationibus nos ipsos ipsi tradentes et unientes. (De Div. Nom., cap. s, § 1). Esto es, que en la oración nos habemos de haber, no como quien quisiere atraer a sí a Dios, que en todas partes está presente (y más favorablemente en el alma del justo), sino entregándonos y urgiéndonos a él, con memorias e invocaciones divinas. En las cuales palabras bien entendidas, consiste la perfección de nuestra contemplación y la doctrina que nuestro Santo Padre enseñaba a sus discípulos. Este no traer a Dios a nosotros, sino entregarnos nosotros a él como de presente, declara más de propósito san Dionisio en otra parte de esta manera: (idem cap. 7, § 1, de Div. Nom. Santo Tomás, ibid.) «De querer nosotros en la contemplación de las cosas divinas (que son sobre todo lo que podemos conocer) entenderlas a nuestro modo y estribar en nuestra razón, comparándolas a las cosas que conocemos, viene el padecer engaños; y para evitarlos conviene advertir, que nuestro entendimiento tiene dos maneras de luz para conocer las cosas intelectuales: una de su razón, con que puede entender las cosas que le son proporcionadas, y otra de la fe para conocer las que exceden su conocimiento; y por esta segunda conviene que contemplemos las cosas divinas, y no por la de nuestra razón; y esto, no trayéndolas a nosotros, sino trasladándonos nosotros a ellas, para ser con ellas deificados. Porque mejor es ser de Dios, que de nosotros mismos. Y cuando de esta manera nos unimos a Dios, entonces se nos comunican sus divinos dones.»

Todas estas son palabras de este sumo Teólogo, y es muy notable a nuestro propósito lo que en ellas dice que cuando estarnos en luz de fe somos de Dios, y se nos dan los dones divinos, por la operación de Dios, que entonces obra en nosotros; y que cuando estamos en conocimiento de nuestra razón, somos de nosotros mismos, y obra el alma, no como movida de Dios, sino de sí misma, y con esta manera de obrar no se causarán en el alma efectos sobrenaturales, sino proporcionados con su razón de quien es movida. Y la experiencia nos enseña esto en muchos de esta manera contemplativos, que después de largos ejercicios de oración, continuados por muchos años, no se conoce en ellos el aprovechamiento de virtudes que este ejercicio continuado prometía. Y en otra parte, enseñando el mismo Santo (San Dionisio, cap. 1, § s de Div. Nom. in fine) esta manera de contemplar a Dios, sobre nuestros conocimientos, la refiere por doctrina de los Apóstoles, sus maestros, que así la enseñaron a sus discípulos.

Capítulo XV. En la contemplación se debe ocupar el alma en sencillos y encendidos afectos.

[Chapitre XV. Difficulté qu’éprouvent les nouveaux contemplatifs à persévérer dans l’acte pur de la contemplation.]

Son tan substanciales las palabras de San Dionisio poco há referidas, en que nos enseña cómo nos habemos de entregar a Dios en la oración como presentes, y unirnos a él con memorias e invocaciones, que no podemos dejar de detenernos un poco más en ellas. Cuanto a las memorias dijo en el mismo lugar, pocos renglones antes, qué cualidades habían de tener, y qué se habían de ejercitar revelata mente, et ad divinam unitionem aptitudine (San Dionisio de Div. Nom. cap. 3 in principio). Y las declaró nuestro Santo Padre cuando dijo, que habernos de asistir a Dios en la contemplación con una advertencia sencilla, amorosa, que significa lo mismo que ya habemos tratado. Y porque estas materias son muy provechosas a los ya contemplativos, nos persuaden mucho los Maestros de esta sabiduría escondida, que estribe más nuestra oración en el afecto que en el conocimiento, porque en esta vida no podemos conocer perfectamente a Dios, pero amarle sí: ad perfectionem sufficit prout in se aprehenditur, ametur: ob hoc ergo consistit quod aliquid plus ametur, quam cognoscatur, quia potest perfecte amari, etiam si non perfecte cognoscatur. Y lo que habernos de alcanzar de Dios en la oración no ha de ser por los discursos, sino por los afectos y deseos. Porque dice Santo Tomás (Sup. cap. 4, § 4, de Div. Nom.), y vimos ya arriba: Effectus divinae gratiae multiplicantur secundum mulliplicationem desiderii et dilectionis: que los efectos de la gracia divina se multiplican, según la medida del deseo y del amor. Y al mismo propósito dice San Gregorio (San Gregorio, lib. 2, cap 4, Moral): Magnus quippe earum (hoc est animarum) clamor magnus est desiderium: tanto enim quisque minus clamat, quantum minus desiderata et tanto maiorem voceen in aures circunscripti spiritus exprimit, quanto se in ejus desiderium plenius fundit. Las voces que Dios oye son las del deseo, y si el deseo es grande, grande es también el clamor que suena en los oídos divinos. Y añade: Animarum igitur verba ipsa sunt desideria. Nam si desiderium sermo non esset, Propheta non diceret: Desiderium cordis eorum audivit auris tua. Si el deseo no fuera palabra que de esta manera suena en los oídos de Dios, no dijera el Profeta: El deseo del corazón de ellos oyó el Señor.

En lo que dice San Dionisio que nos habemos de venir a Dios en la oración, no sólo con memorias, mas también con invocaciones, tocó la utilidad de las palabras interiores, tan aconsejadas de los grandes Maestros de esta mística sabiduría, el cual es un medio muy propio de la contemplación quieta y sencilla. De estas palabras, no pronunciadas en su boca, sino formadas en el espíritu, dice el Ven. Hugo de San Víctor (después de haber contado algunas diferencias que hay de modos de orar) que hay tres géneros de suplicaciones: Tria sunt genera suplicationum: captio, exactio, pura oratio (tom. 2, liber. de modo orandi, cap. 2 in princip). Y después de haber dicho lo que toca a cada una, dice de la pura oración, que es de lo que tratamos, o lo mismo que estas palabras, no pronunciadas con la boca, sino formadas en el espíritu. Y dice que es muy provechoso modo para ayudar en la oración pura y sin formas ni semejanzas. Ita ut pura oratio magis in jubilum convertatur, et apropinquet Deo; perveniat citius, et eficatius obtineat. Esto es, que este modo de palabras interiores ayuda para que la oración sencilla se convierta más en gozo espiritual; se acerque más a Dios; llegue más presto a él, y con mayor eficacia alcance lo que pretende. Y añade: «que, cuanto más breves, tanto son más a propósito para hacer estos efectos.»

También San Buenaventura aconseja este modo de palabras en la oración, y las llamó el modo de orar más eficaz; y añade que: Requirit oportunitatem silentii, loci et quielis, quo pierdas, et securius se in Deum effundat afectos. (S. Bonaventura de Procesu, 7 Relig., cap. s.) Que es casi lo mismo que poco há dijo Hugo, pues nos enseña en estas palabras, que este ejercicio es muy propio de la oración sencilla, serena y quieta, para que con mayor abundancia y seguridad se arroje el afecto en Dios envuelto en estas interiores palabras.

El mismo ejercicio aconseja también Santo Tomás en muchos lugares de sus obras, y llama actos interiores, actos intelectuales, porque los forma el entendimiento para significar interiormente su afecto a Dios. Y a nuestro propósito dice de ellas una gran excelencia por estas palabras: «A la palabra corresponde el amor íntimo; y por esto digo, que el Verbo divino, palabra del Padre, es según la generación eterna semejante a la palabra mental. Porque como del Verbo eterno, juntamente con el Padre, procede el Espíritu Santo, así de la palabra interior procede el amor.» Esto dice Santo Tomás, de lo cual queda sabido a nuestro propósito, que estas palabras interiores ejercitadas en la oración, engendran amor, y no como quiera, sino amor íntimo, y son muy propias de la contemplación sencilla, donde el entendimiento mira a Dios con vista derecha como presente, y no en conceptos formados y reflejos. Porque como prueba sabiamente un autor escolástico muy docto y espiritual, el conocimiento derecho en la oración es el que arroja a Dios el afecto; porque el reflejo antes distrae la voluntad que la une y junta con Dios.

Pero háse de advertir en estas palabras lo que en todos los demás actos particulares, que no han de ser muy frecuentes; porque con ellos se fatiga más el natural que con las universales, la cual es advertencia de San Buenaventura (De procesu, 7 Relig., cap. 3, in fine), y que asimismo sea su ejercicio breve, porque si no se ejercitan con este límite, en lugar de aumentar la devoción la quitarían. También se advierte, que cuando el alma repugna de salir a estos actos y siente desgana de decir estas palabras, y apetece más estar en quietud y advertencia amorosa en Dios, es señal que se le está comunicando la influencia divina, y obrando en ella efectos sobrenaturales, que con cualquiera movimiento particular se inquieta y estorba. Háse de conformar con lo que la operación divina le pide, y no salir de su quietud devota a actos particulares. De no percibir los nuevos contemplativos la iluminación divina cuando se quedan en este acto puro y sencillo de contemplación, les viene el no acabar de quietarse en ella. Y la razón de no percibirla nos dió Santo Tomás en estas magistrales palabras: Divina scientia non est discursiva, vel raciocinativa, sed absoluta et simplex, cui similis est scientia quae ponitur donurn Spiritus Sancti, cura sit quœdam participala similitudo ipsius (22, q. IX, artículo 1, ad 1.um ). No es discursiva la ciencia divina como la de nuestra razón, sino suelta y sencilla; y de esta manera es la sabiduría que se pone por don del Espíritu Santo, por ser una semejanza participada del mismo divino espíritu. Esto dice este Santo. Pues como esta iluminación no se comunica al entendimiento por medio de semejanzas y formas conocidas, sino a lo puro y sencillo, y la certeza del conocimiento del hombre es por discurso de razón, ejercitado por medio de estas semejanzas; de aquí viene, que aunque el contemplativo reciba esta iluminación, no la percibe sino cuando embiste al alma tan a lo eficaz que no puede dejar de percibir sus efectos, o está el espíritu ya purgado y el paladar espiritual templado a lo divino, que percibe luego el sabor de la influencia e iluminación divina.

De esto nos dá admirable doctrina nuestro Santo Padre, y muy necesaria, para que los nuevos contemplativos no piensen que están ociosos y perdiendo tiempo cuando los está ilustrando y renovando a lo divino. Como se puede ver en sus escritos (Lib. 2, cap. XIII, Subida del Monte).

Para esto nos puede ayudar lo que Santo Tomás, como en confirmación de la doctrina de Nuestro Santo Maestro, nos dice en estas palabras: «El entendimiento siempre tiene acerca de sí iluminación sin formas; porque no siempre la iluminación se forma. Y llámase no formada por el conocimiento indistinto y confuso que comunica. Pero el hombre no percibe que el entendimiento tenga acerca de sí siempre esta iluminación no formada. Lo primero, por la extrañeza que causa de sí al entendimiento; lo segundo, por su profundidad; lo tercero, por su sutilidad; y esto cuando es de parte del alma. Asimismo, de parte del cuerpo, es impedido el entendimiento para no recibir esta iluminación: lo primero, por estar el alma oprimida con el peso del cuerpo; lo segundo, porque está obscurecida con las tinieblas de las cosas materiales y de sus semejanzas.» Todo esto es de Santo Tomás, y la misma doctrina enseña San Dionisio en las cartas primera y quinta que escribió a un monje de nuestros mayores, llamado Cayo; y particularmente, cuanto a lo que Nuestro Santo Padre dice en el lugar poco há citado, que esta iluminación divina universal, y no formada, no sólo no la percibe el entendimiento, mas antes le pone en oscuridad, por faltarle entonces las formas y semejanzas conocidas que con esta iluminación se compadecen, como ya vimos.

Lastimábale mucho a Nuestro Santo Padre ver estas verdades tan mal entendidas, aun de aquellos que tienen por oficio enseñarlas, y que habiendo puesto Dios en el alma del que está en su gracia un paraíso de deleites, donde el Reino de Dios, que dijo el mismo Señor que estaba dentro de nosotros (Lucae, 27-21), se comienza a gozar en esta vida en paz y gozo en el Espíritu Santo (Ad Rom. 14-17), y que teniéndole el Señor puesta allí mesa con manjares del cielo, para que, como dice San Dionisio (S. Dion., cap. 15, § penul. de Celest. Hierarch), pueda, desde las miserias de esta tierra, participar del convite divino que hace Dios a los bienaventurados en la patria, no quiera gozar de él en quietud y descanso, por andar guisando con sus discursos la comida espiritual, que nunca goza, trabajando sólo por estorbarse. Y por eso en todos sus escritos y en los que enseñaba a sus discípulos de palabra, procuraba tanto quietar y serenar las almas, para que sin estorbo de su operación inquieta gozasen del manjar del cielo, que la de Dios le comunicaba sin trabajo.

Este mismo sentimiento tenían los Santos y varones muy ilustrados, lastimándose de estos contemplativos inquietos, y por esto escribieron tantos tratados para desengañarlos. Y el glorioso Santo Tomás se veía en esto apretado, y sentía tanto este engaño, tan común y no conocido, que parece que se olvidaba de su natural y gran modestia, que siempre tuvo, aun con los herejes y gentiles Y cuando llegaba a tratar de ésto, trataba a los tales contemplativos con palabras tan ásperas, como vimos en el lugar arriba referido, llamándoles ciegos y necios, que teniendo a Dios dentro de sí y pudiéndole gozar descansada y alegremente, lo andan buscando fuera de sí con afán perpetuo, guisando el manjar siempre que no gustan, y no queriendo gustar el que Dios les tiene ya guisado (Opusc. 6s, cap. s infine). Todo lo cual es como declaración de las palabras de San Dionisio que ya leímos arriba, que no tenemos que trabajar en traer a Dios a nosotros, teniéndole presente en el alma, sino entregarnos y unirnos a él para gozarle (Cap. s, § I, de Div. Nom).

También impiden el percibir la iluminación divina y sus efectos, aun a los contemplativos y aprovechados, los pecados veniales, y más si son voluntarios. De lo cual nos avisó Santo Tomás, refiriendo los daños que causan en el alma, así en la parte intelectiva como en la afectiva, de los cuales basta ahora poner estos dos, que hacen a nuestro propósito. Del primero dice estas palabras (Santo Tomás Opusc. 61, cap. 25, lit. k.): «La oscuridad de la culpa, por mínima que sea, impide la contemplación, porque vuelve al entendimiento desproporcionado a la luz divina; y por eso dijo San Agustín que el sumo bien no se miraba sino con ojos purgadísimos.» Esto dice cuanto al entendimiento; cuanto al afecto, dice del segundo de esta manera (ídem ubi sup, cap. 26): «impide también a la contemplación la mancha de la culpa, que dejó en el afecto una calidad como contraria, con la cual se inficciona el paladar espiritual para no ser apacentado en Dios deleitablemente, a cuyo propósito dice San Agustín: «Al paladar enfermo le es penoso y desabrido el pan que al sano le es suave.» Y concluye Santo Tomás esta materia con estas notables palabras: «Ex his patet similiter conferenti, quare delectatione gratuita, magis delectetur in Deo actualiter ninimus comprehensor, quam maximus viator; mugis actualiter imperfectos liber, et sine venialibus, quam perfectus ocupatus et contra habens venialia.» Y de las razones dichas queda claro que en la deleitación sobrenatural más se deleitará en Dios actualmente el contemplativo imperfecto, si está desocupado y sin pecados veniales, que el perfecto ocupado y teniendo pecados veniales Y en otra parte, tratando de la infelicidad de esta vida, donde tan fácilmente se pierde la disposición íntima con Dios, dice a este propósito (Santo Tomás, Opusc. 61, cap. 4): «In mundo vero a familiaritate Dei peccatis venialibus anima elongatur». Que mientras estamos en este valle de lágrimas tan sujetos a caídas, bastan los pecados veniales para apartar al alma de la familiaridad de Dios. Del cual daño procuró tan de veras preservarnos Nuestro Santo Padre y Maestro Fr. Juan de la Cruz en todo el libro primero de la Subida del Monte Carmelo, donde trató tan menudamente de los pecados veniales e imperfecciones y de lo mucho que impiden a los contemplativos.

Capítulo XVI. Se explica y defiende lo que dice el Santo que para ser movida el alma alta y divinamente han de quedar antes adormidos sus movimientos naturales.

[Chapitre XVI. Comment, pour être mûe hautement et divinement l’âme doit réduire au repos ses opérations naturelles]

El tercer lugar que algunos maestros poco esperimentados impugnan y extrañan de la doctrinan de Nuestro Santo Padre, es en el que más mostró cuán sabio y experimentado Maestro era de verdaderos contemplativos, en el cual dice de esta manera: «Conviene saber aquí, que para que los actos y movimientos interiores del alma puedan venir o ser movidos de Dios alta y divinamente, primero han de ser adormidos y oscurecidos y sosegados en lo natural, acerca de toda su habilidad y operación hasta que desfallezca.» Estas son sus palabras. Y para conocer la propiedad con que habla en ellas es necesario presuponer coro San Dionisio lo que en otra parte tocamos de su doctrina de las dos operaciones que tiene nuestra ánima, procedidas de dos conocimientos. (San Dionisio, cap. 7, § 1, de Divin. Nom.) Una propia suya, movida de la razón natural, y otra movida de Dios, cuando ella se levanta sobre su razón en luz de fe, para ser movida de la iluminación e influencia divina. Y rematando el mismo Santo esta materia, dice: «que en la primera operación es el hombre suyo propio, movido de su razón; y que en la segunda es de Dios, como movido de su iluminación e influencia; y que en esta segunda se dan al alma los aumentos de las virtudes y dones infusos». Todo esto es de San Dionisio.

De estas dos tan diferentes operaciones hace mención Santo Tomás en muchas partes, como arriba vimos. En una dice casi lo mismo, conviene saber: (12, q. 6s, art. 2) «que con la operación que procede de la razón (que es principio natural) se pueden adquirir las virtudes que ordenan al hombre a algún fin humano; y por eso se llaman virtudes adquiridas, y se hallan en los Filósofos naturales y divinos de nuestra bienaventuranza. A la primera de estas operaciones llaman los místicos activa, porque en ella se mueve el alma a sí misma; y a la segunda pasiva, porque ella es movida de Dios.

Esto, pues, así entendido, dice Nuestro Maestro, que para llegar el alma a ser movida de Díos a lo divino y sobrenatural, se ha de sosegar y oscurecer en lo natural acerca de su habilidad y operación propia. (En la Llama de amor, can. 3a v. 3, § 16.) Y en otra parte, donde trata esto mismo más de propósito, pone el ejemplo del pintor, que está perficionando la pintura de una imagen, para cuya obra es necesario que ella esté muy quieta; y si se moviese, estorbaría la obra que en ella se hace. (Llama de amor viva, canc. 3.a, v. 3, § 16).

Esta doctrina de Nuestro Maestro en que consiste el buen logro de nuestra contemplación está fundada en muchas razones, así místicas como escolásticas, que hemos ya tantas veces tocado. De las cuales, sólo referiré en sustancia una de Santo Tomás que tocamos arriba (1-2. q. 68) conviene a saber: que el movido se ha de proporcionar con su motor, si quiere que la moción se siga. Y como la contemplación se ordena a ser el alma movida de Dios a lo sobrenatural y recibir en sí los efectos de su divina operación que, como dice el Apóstol (Ad. Phil. 3-20), reforma nuestra humildad a semejanza de su claridad, y esta operación divina es sencillísima y quietísima, como declara San Dionisio, conviene que también el alma se ponga sencilla y quieta, si quiere que Dios haga asiento en ella y la mueva para hacerla participante de su divino espíritu (cap. 11, § 1 et 2, de Div. Nom.); porque, como dice Santo Tomás declarando este lugar de San Dionisio, la operación divina anda acompañada de silencio y quietud, y cualquiera ruido e inquietud del alma, es señal de paz perturbada, y así contrario a la tranquilidad y silencio pacífico y quietísimo de Dios y a la disposición que ha de tener el alma para recibir en sí la operación divina.

Esta proporción quietísima del alma con Dios en la oración, pide su Majestad al contemplativo en muchos lugares de las Divinas letras, particularmente cuando dice por el Eclesiástico: (Ecles. 38, 25.) Sapientiam scribe in tempore vacuitatis, et qui minoratur actu, sapientiam percipit. Que en ocio y quietud de actos aprendemos la divina sabiduría, asegurándonos que aquel la recibirá, y será lleno de ella que menos inquietare el alma, con el ruido de actos particulares; porque en el acto universal quietísimo comunica Dios al alma esta sabiduría, como dice San Dionisio (S. Dion. c 7, § 4, de Div. Nom.) Este lugar del Eclesiástico declara San Gregorio de nuestra contemplación, y en otro dice estas palabras a nuestro propósito: Quod contra bene per Prophetam dicitur super quem requiescet Spiritus meus nisi super humilen et quietum, et trementem sermones meos? A terrenis autem mentibus, tanto longius Spiritus fugit, quanto apud hos quietem non invenit. (S. Greg. lib. 18, c. 25. Moral) Y poco más abajo: Nullus quippe eum plene recipit, nisi qui ab omni re abstrahere rationum carnalium fluctuatione contendit: unde, et alias dicitur: Sapientiam scribe in tempore otii, et qui minoratur acto, ipse percipiet eam. Et rursum: Vacate, et videte, quoniam ego sum Deus. (Eccls. 38, 25.) (Psalm. 45, 29.) Por el Profeta Isaías dijo Dios: ¿Sobre quién descansará mi espíritu si no sobre el humilde y quieto? Porque tanto más lejos huye de los espíritus humanos, cuanto más de inquietud halla en ellos; y ninguno recibe perfectamente la sabiduría sino aquel que trabaja por apartarse del movimbnto inquieto de las operaciones sensibles. Por lo cual dice el mismo Señor: En el tiempo del ocio escribe la sabiduría; y el que menos actos ejercitase, ese recibirá y será lleno de ella; y para que el alma experimentase que era Dios le manda por el salmista, que vaque a todo bullicio y se ponga en quietud. Todo esto es de San Gregorio.

Es el alma del justo asiento de Dios (como dice el Espíritu Santo) y así le ha de recibir en sí con las calidades que San Dionisio y sus expositores dicen que le reciben aquellas sustancias altísimas angélicas, que llaman tronos, donde Dios reposa, como asientos suyos; particularmente en éstas, que refiere Alberto Magno, tomadas de San Dionisio (Alb. Mag. sup cap. 7), conviene a saber: «Con suma tranquilidad, agradable serenidad y paz quietísima»; y por lo mismo dijo el Profeta, que el lugar de su habitación era hecho en paz.

Capítulo XVII. Pruébase que la paz y serenidad con que el contemplativo ha de recibir las influencias divinas es perturbada por la representación de las imágenes del discurso y por el movimiento activo y solícito del alma.

[Chapitre XVII. Où l’on insiste sur la paix et la sérénité indispensables à la réception des influences divines.]

Esta paz y serenidad, con que el contemplativo ha de recibir a Dios en su alma, a modo de trono celestial, pues es asiento suyo, se impide por dos caminos: el primero, por la representación de las semejanzas distintas del conocimiento natural por donde el discurso de la razón camina; y el segundo, por la eficacia del movimiento del alma activo con que está acostumbrada a moverse a sí misma, según el conocimiento de la razón para aquellas cosas que ella representa, o el alma apetece; y ambas cosas son impedimento de la divina contemplación, y de los recibos sobrenaturales de la iluminación e influencia divina, con que el alma ha de ser movida de Dios en quietud de su propia operación movida de la razón, y de su impulso natural de la misma alma. Por lo cual los Santos, grandes contemplativos, persuaden que en la verdadera y utilísima contemplación ha de cesar el alma de entrambas estas operaciones y quistarse en ellas. A los cuales imitó nuestro Santo Padre en las palabras referidas al principio del capítulo pasado.

Para prueba de esto, referiré sólo dos lugares: uno de San Gregorio y otro de San Dionisio, que nos intiman lo mismo que nuestro Maestro, y de camino quedaremos en la sustancia de la verdadera contemplación, y más conocida la raíz del desmedro de nuestros contemplativos, que trabajando tanto en la oración les luce tan poco su trabajo. Comenzando, pues, por el lugar de San Gregorio dice así. (Libro 3, c. 33 Moral.) Numquam vero commotioni contemplatio jungitur; neque prevalet mens conturbata conspicere ad quod vix tranquilla valet inhiare; quia nec solis radius cernitur cum commotae nubes coeli faciem obducunt nec turbatus fons inspicientis imaginem redit, quam tranquillas proprio ostendit, quia quo ejus anda pulpitat, eo in se speciem simiIitudinis obscurat. Esto es: «nunca la contemplación se junta con el inquieto movimiento, ni el entendimiento no quieto puede contemplar aquello que apenas puede percibir aun estando muy sosegado. Porque ni el rayo del sol se puede ver cuando el cielo no está sereno, sino alterado el aire con nubes inquietas. Ni la fuente movida representa fácilmente la imagen del que en ella se mira; la cual muestra con propiedad cuando está quieta, porque cualquiera movimiento que en sí tenga, oscurece la representación de la semejanza».

En estas palabras tocó este ilustrísimo Santo estos dos defectos de nuestra contemplación, conviene a saber: en el aire oscurecido y impedido con nubes, que impiden los resplandores de los rayos del sol, significó el primero de las semejanzas distintas que anublan la iluminación divina; y en la fuente movida, que no representa la semejanza del que se mira en ella, significó el movimiento natural del alma con que activamente se mueve a la eficacia de los actos de la razón. De todo lo cual, quiere este Santo que el alma quede quieta. Y en otras muchas partes de este libro de los Morales, nos predica esta misma doctrina como substancialísima en materia de contemplación.

El segundo lugar es del Príncipe de la sabiduría mística y Archivo fiel de la doctrina de los Apóstoles (cap. 7, § 4, de Div. Nom.), sus maestros, San Dionisio (a quien es razón demos crédito, si queremos aprovechar en este camino que nos guía a Dios y a nuestra perfección). Dice, pues, este Santo, que hay dos maneras por donde ordinariamente se camina al conocimiento y amor de Dios, uno más perfecto que otro: el primero es por afirmación, subiendo por el conocimiento de estas perfecciones que conocemos de las criaturas, a las de Dios, que no conocemos, imaginando que tendrán con ellas alguna semejanza. Y este es el más bajo modo de conocer a Dios y el más apartado del verdadero conocimiento de lo que Dios es, cuya perfección y excelencia dista infinitamente de la mayor de las criaturas. El segundo camino es por conocimiento de negación, negando que sea Dios semejante a cosa alguna de las que conocemos, sino una esencia superior y más excelente que todas ellas. Y este es conocimiento más perfecto que el pasado; porque en esta vida más altamente conocemos a Dios, y mayor concepto haremos de su incomparable excelencia, conociendo lo que no es, que conociendo lo que es, como lo dijo Santo Tomás: Sed in statu viae spiritualia, et precipue Deum, magis videmus cognoscendo quid non est, quam aprehendendo quid est (3 Sent., dist. 34, q 1, art. 4, ant. medium). Como se puede conocer lo particular de su incomprehensible esencia en esta vida, y por eso las afirmaciones de Dios per lo que conocemos da las criaturas, son impropias, y las negaciones propias y verdaderas. Después de estos dos conocimientos comunes a filósofos cristianos y naturales, nos dá el mismo Santo, en breves palabras, profunda noticia de la contemplación y sabiduría mística, propia de los cristianos, por donde caminamos más a lo sobrenatural y a lo divino al conocimiento verdadero y amor de Dios, por medio de la luz de la fe, ilustrado del don de sabiduría, la cual noticia referiremos aquí por sus propias palabras, y en ellas se verá de camino cómo ha de quitar el contemplativo los dos impedimentos de que ya tratamos en el número pasado, y quedará bien declarada y verificada la doctrina allí referida de Nuestro Maestro. Dice, pues, así: Et est rursus divinissima Dei cognitio, quœ est per ignorantiam cognita, secundum unitatem super mentem, quando mens ab aliis omnibus recedens, postea et in se ipsam dimittens, unita est super splendentibus radiis, inde et investigabili sapientia profundo illustratur. En estas palabras está cifrada la profundidad de la sabiduría mística de San Dionisio, que él en sus libros dice haber aprendido de los Apóstoles sus Maestros. En ellas dice así, según nuestro romance: «De más de estos dos conocimientos, afirmativo y negativo, hay otro conocimiento divinísimo de Dios, el cual es conocido por ignorancia, según la unión de la luz divina sobre el entendimiento de todas las cosas, y después, dejándose asimismo, se une a estos resplandecientes rayos de la luz divina, porque entonces es allí iluminado de la profundidad de la sabiduría divina que no podemos escudriñarla. Esto todo es de San Dionisió. Y lo primero que en esta divinísima contemplación pide, es que sea en ignorancia de todo lo conocido, quedando el entendimiento unido a la luz de la fe sobre sí mismo, y sobre todo cuando conoce, y para esta disposición dice que son necesarias tres cosas, que ahora hacen a nuestro propósito. La primera, que se desnude el entendimiento de todas las semejanzas distintas de las cosas criadas. La segunda, que se deje de sí misma. Y declarando en otra parte que es éste dejarse a sí mismo, dice: Sedantes intelectuales operationes. Quietando las operaciones del ánimo (cap. 2, § 2, de Div. Nom.). Otra versión traslada: Cum mentis nostrœ actiones cohibemus. Esto es: que habernos de reprimir las operaciones del espíritu y aquel impulso activo con que el ánimo naturalmente se mueve a sí mismo, para que, quieto éste, sea movido de Dios a lo sobrenatural, que es lo mismo que dijo Nuestro Santo Maestro en las palabras ya referidas. La tercera cosa que en este lugar pide San Dionisio es, que el entendimiento quede en operación superintelectual, vestido de sola luz sencilla de la fe. Y declarando en otra parte lo que es quedar en operación superintelectual, dice que es quedarse el entendimiento en conocimiento de Dios por sola la luz de la fe, apartado de todas las cosas que conoce y de sus semejanzas, y en inquietud de todas las operaciones intelectuales, mirando a Dios a lo incomparable y no por comparación de alguna cosa criada. Pues cuando el entendimiento queda en la oración con estas calidades, entonces dice que es ilustrado de la profundidad de la sabiduría divina, que no se puede conocer ni percibir por nuestro propio discurso (ídem cap. 7, § 4, ut supra).

Esta misma doctrina nos enseña Santo Tomás en muchos lugares de sus libros, en uno de los cuales dice: Sola auten imnobilitas, quam ponit (loquitur de Divo Dionysio) pertinet ad motum circularem (Santo Thom. 22, q. 180, art. 6 ad 3), que al acto de contemplación que San Dionisio llama movimiento circular, pertenece la inmovilidad, esto es, total quietud del alma. En esto dice que el movimiento es acto de lo imperfecto, y que por esto las operaciones que están mezcladas con movimiento en tanto se alejan de la suavidad de su ejercicio, en cuanto más se allegan al movimiento (ídem 4, Sent, dist. 49, q. 3, art. 5, q. 1a) En otra parte explica a nuestro propósito esta doctrina de esta suerte: «Por esto, dice, se llama ocio la contemplación, porque en ésta queda quieta el alma, no sólo de los movimientos exteriores del cuerpo, mas también de los interiores del ánimo » Y añade: Sunt enim actus perfecti, et ideo magis asimilantur quieti, quam motui; et propter hoc qui operatur secundum intellectum, vacare dicitur ab exteriorum actione (ídem 3, Sent., dist. 35, q. 1, art. 2, q. 1 ad 2). Por eso es perfecto el acto de contemplación, porque es quieto y apartado del movimiento. Al mismo propósito dice el Venerable Ricardo de Santo Víctor, piloto sabio de esta navegación celestial, estas palabras: «A esto se debe persuadir el contemplativo, que cuanto más del todo y más perfectamente acabase consigo poner las fuerzas del alma en silencio y las encaminase a la paz y tranquilidad íntima, donde Dios reposa, tanto más firme e íntimamente se unirá en la contemplación con la suma luz, que es Dios (lib. 5, de Contemp. cap. 1 1).

Esto dice este gran Doctor, y la razón fundamental de esto es clara. Porque si el alma del justo es asiento de Dios (como dice la Escritura), y en la contemplación se dispone para recibir a Dios en si, no es buena disposición, de asiento para la suma tranquilidad el estar inquieto. Por lo cual, declarando San Dionisio las propiedades con que los tronos angelicales se disponen para recibir a Dios (a los cuales como poco há vimos, dicen los autores sabios que debe imitar el verdadero contemplativo), dice así: Totis viribus in eo, qui vere Summus est immobiliter, firmiter que hoeret, divinumque adventum, sine ulla motione, atque materia, recipit (Cap. 7, Eccles. Hierar. post prin.) Fué decir: que para recibir en sí a Dios, como trono divino, ora sea Angélico, ora humano, se ha de unir a él quieta y firmemente, y recibirle sobre todo lo material y sin algún movimiento ni inquietud.

La una de estas dos calidades, que es unirse a Dios con la luz de la fe sobre todos los conocimientos distintos, y desnudo el entendimiento de todo lo material y sensible, muchos contemplativos lo tienen. Pero la segunda, que es en total quietud de la operación natural del alma con que se está moviendo activamente, rarísimos son los que en la oración la guardan; y por falta de este saberse quietar en Dios, dicen los autores místicos que hay pocos contemplativos que reciban en sí la operación divina sin estorbos. Y para persuadirnos a ésto, basta saber lo que dicen los Santos, que en la contemplación se ha de haber el alma como instrumento animado de Dios para ser movido de él. Y para esto dice Santo Tomás, que ha de haber alguna unión entre Dios y el alma (22, q. 68, art. 4 ad s). Ninguno es movido por el Espíritu Santo si no es estando unido a él en alguna manera; porque ningún instrumento sería movido de su artífice si no lo hubiese unido consigo; y esta unión se hace por motivo de la unión de la fe. Pues así como si el pincel no se dejara gobernar de la mano del pintor y la pluma de la mano del escribano, ni la una ni la otra obra saldría perfecta; así también sucede en las mociones divinas impedidas del alma en la oración. Por esto comparó Santo Tomás las influencias de la gracia en orden a la voluntad, como el que mueve al movido, y como el que va en un caballo gobernándole: Gratia comparatur ad voluntatem ut movens ad motum, quae est comparatio sessoris ad quum (Santo Thom. 12, q. 22, artículo 4 ad 2). Y de la manera que fuera gran desorden querer el caballo gobernar las acciones del caballero, así lo es también querer el alma en la oración gobernar la influencia divina y no querer dejarse gobernar de ella. El cual desorden reprehende San Laurencio Justiniano, como tan experimentado Maestro en estas sustancialísimas palabras (San Laur. de Perfect. monast. cap. 18, núm. s0): «Debe, pues, el espíritu humano sujetarse a la divina influencia y aplicarse siempre souci¬tamente a ella, y a donde, y de la manera que el espíritu del que ora enderezase el alma, ha de consentir a ello. Porque el que según el beneplácito de su voluntad quisiere torcer la inspiración sobrenatural y visitación de Dios, sacará de la oración no provecho, sino perjuicio. Porque el hombre se ha de sujetar en ella a Dios, y no Dios al hombre; y quien otra cosa hiciese, nunca será enriquecido de dones divinos; porque se digna Dios de visitar al espíritu sencillo y que habite con él amigablemente; y la sencillez dei camino muestra que está el hombre devoto.” Todas estas son palabras de este Santo y excelentísimas a este propósito.

Capítulo XVIII. Explícase cómo en la contemplación no está ociosa el alma y cómo en ella se imprimen las virtudes.

[Chapitre XVIII. De trois connaissances de Dieu.]

Y porque los que de esta manera quedan sencillos y quietos en la oración les parece que están ociosos y perdiendo tiempo, les consuela y satisface Nuestro Maestro con una admirable, clara y evidente doctrina en estas palabras: «Ha de advertir el alma, que aunque entonces ella no se siente caminar, mucho más camina que por sus pies, porque la lleva Dios en sus brazos, y así ella no siente el paso; y aunque a ella parece que no hace nada, mucho más se hace que si ella lo hiciera, porque Dios es el obrero, y si ella no lo echa de ver, no es maravilla, porque lo que Dios obra en el alma, no lo alcanza el sentido. Déjese en las manos de Dios, y fíese de él, que cori esto segura irá, que no haya peligro sino cuando ella quiere de suyo o por su trabajo obrar con las potencias.” (En la llama de amor. Canc. 3, v. 3, § 16). Esto es de Nuestro Maestro, y lo que en estas palabras nos persuade es, que tanto más se aventaja el alma en su reformación y perfección, cuanto en la oración quieta su operación natural y activa, para ser movida de la de Dios a lo pasivo (como dice San Dionisio (Cap. 2, § 4, de. Div. Nom.), que lo hacía el divino Hiodoroteo, nuestro español), que así la experimentara; y asimismo, que cuando el alma queda de esta manera quieta, entregada a la operación divina, no queda ociosa, ni perdiendo tiempo, sino utilísimamente ocupada.

Para prueba de esta verdad (tan poco penetrada de la mayor parte de los contemplativos), bastará lo que dice San Dionisio, ya referido en otra parte (ídem, Cap. 7, de Div. Nom.), que cuando el alma está en ejercicio y operación de la luz natural, es el hombre de sí mismo, y cuando se traslada a la luz de la fe, entonces se deifica y es de Dios, y se le comunican los divinos dones. Pues la diferencia que hay entre la operación de Dios a la propia del hombre, esa hay también en su manera de los aprovechamientos que recibe en la tina, a los que recibe en la otra. Porque en la operación propia. como natural, son los efectos también naturales y cortísimos, pues como prueba Santo Tomás (q. ùnica, De Virtutibus in communi, art. 10), ni el conocimiento ni la operación que proceden de la virtud natural del hombre, pueden exceder en sus efectos su facultad natural; pero en operación movida de Dios, se obran en el alma efectos sobrenaturales y divinos, y se aumentan las virtudes y dones infusos, como aquí lo dice San Dionisio y lo prueba Santo Tomás en muchos lugares de sus libros (12, q. 63, art. 2). Y de esta operación divina (cuando el alma deja la suya propia en la contemplación para tener su conversación en el cielo), dijo el Apóstol (Ad Philip. 3, 20), que reforma nuestra humildad a semejanza de la claridad del espíritu (como ya al principio vimos): Qui reformabit corpus humilitatis nostrae configuratum corpori claritatis suae. Y añade a nuestro propósito: Secundum operationem, qua etiam possit subjicere sibi omnia; que esta operación sujeta a sí todas las cosas; y así ella es la que reforma al alma. Y lo que la operación propia no pudo reformar del desorden de apetitos y pasiones en muchos años, lo reforma esta operación en poco tiempo en los que no le hacen resistencia, y que con los auxilios comunes de la gracia se saben disponer para recibir otros mayores: Quando vero (dice el Santo) tan vehementer Deus animam mover, ut statim quamdam perfectionem justitice asequatur.

Prueba también Santo Tomás a nuestro propósito esta doctrina con que para las virtudes adquiridas, que ordenan al hombre a los bienes humanos, que la razón alcanza, hay en la naturaleza humana principio suficiente, no solamente pasivo, sino también activo; y así las puede el hombre adquirir por sus propios actos; pero para las virtudes infusas que ordenan al hombre a los bienes sobrenaturales y divinos, solamente tiene principio pasivo y no activo, y así no las puede adquirir por su operación natural, sino por la divina, y no moviéndose el alma a sí misma, sino disponiéndose para ser movida de Dios. Y así como el aire recibe la iluminación del sol y no de él mismo, así el hombre ha de recibir este caudal sobrenatural de la operación de Dios y no de la suya propia. Y de aquí se verá cuánto más se aventaja el alma cuando, como dice Nuestro Maestro, quieta su operación activa para ser movida a lo pasivo de la operación de Dios, que si estuviese toda la oración insistiendo en sus actos humanos, con los cuales estorba la comunicación de la influencia divina que se ha de recibir en total quietud del alma, y dejando ella su moción natural con que está acostumbrada a caminar a los ejercicios de los actos de la razón. Y de aquí también sacaremos cuán desproporcionadamente proceden en el ejercicio de las virtudes los que gastan mucha parte de la oración en especular las subtilídadcs de las virtudes con grandes discursos de la razón, repitiendo allí lo que ha visto ya muchas veces en los libros, y lo tienen ya sabido, sin dar nunca lugar a la operación divina que haga su efecto en el alma, para introducirlas en ella. Y sucede, no pocas veces, que moviendo el demonio estos discursos y especulaciones para estorbar estos efectos de la iluminación e influencia divina en la oración quieta, quedarse los que la han ejercitado tanto más pagados de que han tenido oración provechosa, cuanto los discursos han sido más sutiles, habiendo quedado vacía el alma de la verdadera utilidad de la oración. Véase lo que al principio dijimos del modo con que Nuestro Maestro y Santo Padre enseñaba a sus discípulos para adquirir las virtudes que es muy a este propósito, y al mismo tiempo utilísimo lo que Santo Tomás enseña diciendo: «De dos maneras llega el hombre a alcanzar las virtudes: la primera y principal por don de gracia, recibiendo de Dios el caudal de ellas en lo interior, y ejercitándolo después en los actos exteriores; y la segunda por estudio humano, cuando el hombre reprime los actos exteriores desordenados (que es lo que llamamos mortificarlos) y con esto va caminando a la reformación de la raíz viciosa, que estaba en lo interior, de donde estos actos procedían.” Lo primero es propio de la oración, donde el hombre se dispone con el auxilio común de la gracia y con la luz sencilla de la fe para recibir en sí la operación de Dios en total quietud de la operación propia, activamente ejercitada, aplicando el deseo, cuan eficazmente pudiere, a que Dios le conceda aquellas virtudes de que se siente más necesitado; pues como vimos arriba de la doctrina de San Gregorio (lib. 2, cap. 4, Moral.), los deseos son las voces del alma, que se oyen en los oídos de Dios; y de la de Santo Tomás, que según la medida de los deseos, se reparten los efectos de la divina gracia. Y por este camino, y no por discursos, se han de negociar los aumentos de las virtudes en la oración (S. Thom. Super. cap. 4, de Div. Nom.)

La segunda manera de ejercitar las virtudes, que es por estudio humano, es propio de la vida activa en todas las demás horas del día, aprovechándose para esto del discurso de la razón y de la operación natural del alma, con la memoria de los ejemplos de Cristo Nuestro Señor, procurando con todas sus fuerzas reprimir y mortificar todos los actos desordenados con las virtudes contrarias, con lo cual caminara a la perfección de ellas; y tanto con mayor facilidad podrá hacer esto, cuanto mayor caudal sobrenatural hubiere recibido pie Dios para vencerse.

Capítulo XIX. Pruébase que los términos ACTIVO y PASIVO que usa el Santo Padre son admitidos, no sólo en la Teología Mística, sino también en la Escolástica.

[Chapitre XIX. Comment dans la contemplation l’âme n’est point oisive.]

Y porque algun os escolásticos, poco versados y leídos en la doctrina espiritual de los Santos, extrañan mucho en la ele Nuestro Santo Padre estos términos activo y pasivo, de que usan los autores místicos para declarar la disposición del alma, que en la contemplación abre la puerta a los recibos sobrenaturales de Dios, conviene que adviertan que no sólo en rigor místico, nias también escolástico, habla con propiedad de esta manera; y que entonces no queda el alma sin operación propia (como ellos piensan) sino que Antes la tiene más perfecta. Porque según doctrina de Aristoteles (Arist libro V, de anim., cap. 12), referida muchas veces de Santo Tomás, así como se llaman pasivas las potencias que son movidas de otras, así también esta misma moción se llama pasiva, y el recibir en ella conocimiento o amor se llama en este sentido padecer, así en la moción natural como en la sobrenatural Sicut enim (dice Santo Tomás) cognitione nattirali intellectus posibilis patitur ex lumine lntelectus agentis; ita et in cognitione supernaturali intellectus humanus patitur ex illustratione divini luminis. Y en el mismo sentido dijo San Dionisio del divino Hyeroteo, que era: Non solum discens, sed etiam patiens divina ex quadam doctus divina inspiratione. Esto es, como declara Santo Tomás (cap. 2, § 4, de Div. Nom.) que por divina ilustración e inspiración era, no sólo enseñado de las cosas divinas en el entendimiento, mas también recibía en la voluntad el sabor y amor de ellas a lo sobrenatural. Pues si de este término usaron los tres Príncipes de la Filosofía y Teología mística y escolástica, no tenemos para qué le extrañemos.

Ni porque se diga que en la divina contemplación ejercitada sobre la rayón humana recibe el alma en disposición pasiva la divina iluminación como instrumento vivo movido de Dios, se ha de entender que en esta moción e iluminación no tiene operación propia el alma, siendo instrumento animad', pues aun los instrumentos muertos e inanimados la tienen, de que nos dará suficiente luz a nuestro propósito un ejemplo que refiere Santo Tomás diciendo: (De Verit. q. 27, art. 4 ad medium.) “De la razón y naturaleza del instrumento es que obra movido; y con todo eso tiene su propia operación, como la sierra que divide al madero; y de su propia forma le compete esta operación, que es dividir, y otra tiene que no le compete de suyo sino en cuanto es movida por el artífice, que es hacer la división del madero bien hecha y conforme a arte. Y así tiene el instrumento dos operaciones: una que le compete según su propia forma; y otra según que es movido de su artífice: y ésta, como superior, trasciende la virtud de su propia forma.» Todo esto es de Santo Tomás. Pues aplicándolo a nuestro propósito, todo el aprovechamiento del alma en la oración, le viene de ser movida de Dios, como instrumento suyo (Suárez, tomo II, lib. I, de Reli. cap. 12, n. 19), y con este nombre la llama el mismo Santo en muchos lugares, tratando de estas mociones divinas, en las cuales ejercita dos operaciones de su artífice, que es Dios; en actos útiles del entendimiento y de la volutad, como instrumentos vivos y animados; y concurre con el Espíritu Santo en esta moción, con su concurso, no sólo físico, mas también moral (S. Thom. De unione Verbi, 4 ad med.) Y por eso la llama en otra parte el mismo Santo Tomás acción, y juntamente pasión, por estas palabras: Considerandum tamen, quod si virtus, quœ est activais principium, ab alía superiore virtute moveatur, operatio ab ipso procedens, non solara est actio, sed etiam passio, in quantum scilicet procedit a virtute quœ a superiore movetur. Y de aquí sacamos que llaman operación pasiva la que el alma ejercita en la contemplación de luz de fe sobre su razón natural; es decir, que esta operación es movida de Dios, y que trasciende todo el caudal de la naturaleza, para obrar en el alma efectos sobrenaturales y divinos; y aunque en esta moción divina hay acción y pasión del alma, con mayor propiedad la llaman los místicos pasión que acción, porque como Santo Tomás declara, más se juzga una cosa por la forma que por la materia; y más por el que se obra que por el que recibe la operación. Y aquí es Dios el principal agente, y el alma la materia que recibe la forma divina: y por el consiguiente es su operación más propiamente pasión que acción.

Capítulo XX. La mejor disposición para conseguir la devoción y gustar la dulzura y suavidad que Dios comunica en la contemplación es la sencillez y paz del alma.

[Chapitre XX. Comment l’âme dans la contemplation exerce une opération plus parfaite.]

A classer : Chapitre XXI. De la meilleure disposition pour goûter Dieu dans la contemplation.

Chapitre XXII. De quelle manière l’entendement et la volonté se comportent durant la contemplation.

Chapitre XXIII. Erreur des nouveaux contemplatifs qui se figurent rester oisifs.

Chapitre XXIV. Eloges donnés par les saints à la contemplation simple. Conseils aux nouveaux contemplatifs.

Chapitre XXV. Réponse à ceux qui se plaignent que notr ebienheureux Père semble condamner la méditation discursive.

Chapitre XXVI. Réponse à ceux qui avancent que la contemplation simple est contraire à la saine philosophie.

Chapitre XXVII (annot. : le dernier) Réponse à deux autres objections contre la contemplation exercée en négation des formes sensibles et intellectuelles.]

Y si para los recibos de Dios y aumento de las virtudes está el alma más dispuesta cuando en la oración queda sencilla cuanto al conocimiento, y quieta cuanto a la operación activa que cuando ejercita el discurso y movimiento de la razón, también para alcanzar la devoción y sentir la suavidad de ella, es la mejor disposición la sencillez quieta; porque, como dice San Laurencio Justiniano, grande Maestro de estas sabidurías escondidas: (De casto conn. cap. 16.) “La prudencia humana y el discurso de la razón» Adversatur simplicifati, quae mater est internae dulcedinis. Esto es: que como es contraria a la sencillez, lo es también a la devoción, porque la sencillez es madre de la interior suavidad. Esto mismo declara admirablemente un autor grave y muy experimentado, en estas breves y sustancialísimas palabras: (Gilbert. apud. divum. Bern Serm. 45, in Cant.) Simplex ventas gignit fervorem amoris: Cum ablatum fuerit velamen imaginationum, tunc rutilat veritas; tunc scintillat et succendit amorem; imaginatione quasi velamine tenetur intellectus ne sincerara contempletur veritatem. Fué decir: La verdad sencilla engendra el fervor del amor cuando se quitan los velos de las semejanzas distintas de las cosas que administra la imaginación. Entonces resplandece la verdad y echa centellas de fuego espiritual, con que enciende el amor. Y lo contrario sucede cuando se admiten estas semejanzas de la imaginación; porque con ellas está como atado y oscurecido el entendimiento para no poder contemplar la verdad divina en su sencillez, y pureza. Esto es de este autor.

La razón fundamental de esta doctrina nos da San Dionisio, declarando muy en particular cómo la iluminación divina es la que introduce la devoción y amor de Dios en el alma, que le da libre entrada a ella; cómo purifica primero los ojos intelectuales de las heces de los errores e ignorancias, y los abre para conocer y contemplar la verdad divina; y de allí pasa a la voluntad a darle sabor de ella y a despertarla con la devoción y amor; y creciendo esta devoción y amor, crece la iluminación divina para hacer de él nuevos aumentos, y pasa después a remover todas las fuerzas del alma, disponiéndolas para la unión divina. Todo esto es de San Dionisio, como ya vimos arriba tratando de los efectos que esta divina influencia causa; y aunque todas estas palabras son magistrales, éstas que se siguen son muy notables a nuestro propósito presente. Dice, pues, así: Et semper extendit animas ad anteriora secundum ipsarum ad respectum proportionum Esto es: que la luz divina siempre va adelantando las almas hacia su perfección, y según que en la vista intelectual se proporcionan con la misma luz: la cual proporción ya vimos en otra parte con su doctrina, y con la de Santo Tomás, que era quedarse cl entendimiento vestido de sola la luz sencilla de la fe, desnudo de todos los demás conocimientos y de las semejanzas de ellos. Pues si como aquí dice San Dionisio, lo primero que esta iluminación divina hace en el alma, que le abre la puerta, quitándole los estorbos (que tantas veces babuinos dicho) es purificar el entendimiento de las cosas que le oscurecen, y desde allí pasa a encender la voluntad en amor de Dios, y a renovar a lo divino las demás fuerzas del alma; claro está que estos efectos y purificación no se pueden hacer y ver tan presto como algunos quieren. Y el ejemplo tenemos manifiesto en el sol, el cual vemos que cuando una mañana de invierno nace en nuestro horizonte, primero que purifique el aire de los vapores que suben de la tierra, y pase sin estorbo a calentarla y a producir con su virtud los frutos de ella, se pasa algunas veces gran parte de la mañana; y otras la mayor parte del día. Así sucede a los contemplativos, que en la oración quitan los estorbos a la iluminación divina; que en los espíritus no purgados suben del apetito sensitivo al intelectivo vapores gruesos de las potencias aún no ordenadas, que oscurecen el entendimiento de manera que no luego que entra la luz divina en el alma se sienten los efectos que hace en el afecto; porque se ocupa en purificar el entendimiento; y cuanto en mayor quietud y pureza de conocimientos distintos atendiere a Dios, con aquella advertencia amorosa que Nuestro Maestro dice (que es el acto de contemplación) tanto más presto pasará la luz divina del entendimiento a encender la voluntad. Y por faltas de esta quietud atenta gastan muchos toda la hora y tiempo de oración sin sentir estos efectos de la Iuz divina en la parte afectiva.

Declara esto un autor grave, docto y muy espiritual con un ejemplo común y muy propio. Que así congo para el sueño natural es menester arrullarse un poco en quietud desnuda de pensamientos, así también para este sueño espiritual de la contemplación de que dijo la esposa: «Yo duermo y mi corazón vela» (P.Fr. Luis de Granada en el lib. 1 de la Exhorta. a la virtud).

De todo lo cual se entenderá qué desertados andan los que no quieren sosegar el alma en sus conocimientos para dormir este dulce sueño en los brazos del esposo divino, y con cuánta razón nos persuade nuestra gloriosa Madre Santa Teresa, esta quietud atenta y devota desde el principio de la oración como ya vimos. Este arrullarse el alma en la oración para dormir el sueño vital de la contemplación sabrosa en brazos del esposo celestial, y en participación de su Divinidad, nos enseña San Dionisio, en una profunda doctrina mística que él refiere por enviada de los Apóstoles sus Maestros (S. Dion. cap. 1, § oportunum de Mist. Theol.), y en particular del glorioso Apóstol San Bartolomé, a quien él cita en este lugar, donde (como ya hemos visto) dice que aunque Dios está sobrepuesto y como rodeando a todos por su inmensidad; pero que a solos aquellos se comunica de veras y sin velos ni estorbos: qui et immunda omnia et pura trascendunt, et omnium sanctarurn extremitatum ascensionem super ascendant, et in caliginem introeunt ubi vere est, ut eloquia ajunt, qui est ultra omnia. Las cuales palabras declara Ruperto Liconiense, célebre expositor de San Dionisio, diciendo: «que a solos aquellos se le comunica Dios de veras y sin estorbos en la oración y contemplación, que transcediendo todas las cosas, no sólo las sensibles, sino también las espirituales criadas y sus semejanzas, se levantan santamente sobre los actos más levantados de toda virtud aprehensiva activa por más intensa que sea, y entran en oscuridad de fe con actual ignorancia de todo lo criado; en la cual oscuridad está Dios (como dice la Escritura) sobre todas las cosas.» Todo esto es de este autor gravísimo, de cuyas palabras lo que pide nueva ponderación sobre todo lo que se ha dicho en los números pasados, y con que estará más razonada y entendida aquella doc¬trina, es este haberse de levantar el alma contemplativa en la contemplación verda¬dera (donde Dios es participado en sí mismo), no sólo sobre las cosas criadas y sus semejanzas (como tantas veces se ha dicho) sino también sobre todos los actos de la virtud aprehensiva activa. Que es decir, que no sólo se ha de desnudar por entonces el alma de todas las representaciones de las cosas distintas, mas también de la eficacia del alma, que comunmente se aplica al conocimiento de lo que entiende. Y por ser esto cosa tan sustancial para los que están ya en estado de contemplación, y tan mal entendida, y en que Nuestro Santo Maestro trabaja con sus discípulos (como se ve en sus escritos) (Llama de amor, canc. 3, v. 3, § 16), nos detendremos un poco en declararlo.

Capítulo XXI. Declárase más la doctrina del capítulo anterior.

Con ninguna cosa quedará esto más bien entendido que con algunos lugares de Santo Tomás (que es regla derecha de la buena doctrina mística y escolástica), que declaran esto bien. En uno dice: “Porque todas las potencias del alma se arraigan en una esencia, necesaria cosa es, que cuando la intención del alma es traída con vehemencia a la operación de una potencia, sea traída de la operación de la otra, porque en una alma no puede haber más que una intención.» (San Thom. 1-2, q. 37, art. 1). En otro lugar dice, aplicando más esta doctrina a nuestro propósito (ídem 12, q. 33, art. 3 ad 2): “La fuerza afectiva y la aprehensiva son partes diversas entre sí, aunque de una misma alma, y de aquí viene, que cuando la intención del alma se aplica con vehemencia al acto de una de estas potencias, se impida para el acto de la otra.» Esto dice el Santo, y entendernos aquí por intención, lo que él mismo en otro lugar, donde dice (ídem 1-2, a. 1, q. 12): “La intención es acto de la voluntad, que se ordena a una cosa, como al fin que pretende; y como la voluntad mueve todas las fuerzas del alma hacia el fin que mira, de aquí es, que donde la intención se arrima, allí lleva toda la eficacia del alma.» Pues esta intención tan eficaz y poderosa en los actos del alma, dice San Dionisio (según la declaración ya referida poco há) que se ha de quitar y serenar cuanto al conocimiento, y aplicarla al efecto para gustar lo que no puede conocer. Y por esto se ha de ordenar el alma más al amor que al conocimiento en esta vida. Porque aunque la esencia de la contemplación (como dice Santo Tomás) pertenece en primer lugar al conocimiento, por ser contemplación de la suma verdad; pero en cuanto al fin que en ella se pretende, que es encender el alma en amor de Dios, pertenece a la voluntad. Vita contemplativa (dice el Santo) quantum ad ipsam essentiam actionis pertinet ad intelectum; quantum autem ad id quod movet ad exercendam talem operationem, pertinet ad voluntatem (22, q. 180, art. 1) (1). Y a este encender el alma en amor, afirma Santo Tomás, que se ha de enderezar la intención del alma, y lo prueba con la autoridad de San Gregorio (2). Y cuanto a la esencia de la contemplación, que pertenece al conocimiento, ya se cumple en aquella vista sencilla y universal con que el entendimiento está atendiendo a Dios: pues con esto está empleado en su propio

(1) Videatur hic locus in ipso Sancto.

(2) Vease el lugar, que es admirable.

objeto, que es la esencia universal de Dios, como prueba Santo Tomás (1 p , q. 105, art. 4); y pone también a la voluntad en el suyo, que es el bien universal, a la cual, y a su ejercicio, se ha de aplicar toda la eficacia del alma que va con la intención de ella; y así tiene ambas potencias empleadas.

Este ejercicio y cuidado de dar rienda a la voluntad y detener el entendimiento, en la contemplación (en que consiste el buen logro de ella), nos enseña también un autor místico y muy docto, diciendo: «Que ha de procurar el contemplativo no hacer su asiento en el conocimiento, sino quedándose con sola una vista sencilla y suave a Dios cuanto al entendimiento; aspire a él con la voluntad, como con la boca del corazón, sediento de gustar la sabiduría y bondad divina y saborearse en ella.» (Gerson. de Myst. Theol. industri. 12 in princ.) Y en otra parte nos persuade (ídem Gers. Eluc. Myst. Theolog., Cons. 9, § Et quatiter autem, lit. B. et C.), que habernos de atender a Dios en la oración, no curiosamente, queriendo especular lo que es, pues no puede en esta vida conocerlo, sino rendido allí el entendimiento a los pies de su grandeza, y con humildad reconociendo su propia ignorancia y corta capacidad para penetrar esta sabiduría inmensa. Y acerca de esto dice estas experimentales palabras: Dicebat unus: Ego per quadraginta annos et amplias versavi, et reversavi multa audiendo, legendo, orando, meditando, in ocio temporis multo, et nihil inveni compendiosius efficaciusve ad consecutionem Theologiae mvsticae, quam ut fiat spiritus et anima sub Deo tan quam parvulus, et parvula, juxta metaphoram ante dictam, ubi mendicitas spiritualis locum habet precipuum cum fide simplici: Quod Deus puer natos est nobis, et parvulus datus est nobis (ídem Gers. de Elucid. myst. Theo., cons. 9 § Et qualiter autem, lit. B. et C.) «Por más de cuarenta años (dice este autor), trabajé y sudé estil diando mucho, leyendo, orando, meditando, en muchas y quietas horas de oración; y con todo esto, ninguna cosa hallé más provechosa y eficaz para alcanzar la sabiduría mística, que haberse el entendimiento a los pies de Dios como un niño pobre e ignorante que a las puertas de la divina misericordia y sabiduría está pidiendo; porque la necesidad espiritual tiene el principal lugar en la sencillez de la fe.»

Pero porque esto suele causar congoja y tristeza en los menos contemplativos, pareciéndoles que esta quietud atenta y devota a Dios es sin hacer nada, y pierden tiempo, les traeremos a la memoria lo que arriba queda dicho de lo mucho que entonces hacen y reciben, como Nuestro Maestro afirma en muchos lugares, de los cuales se han referido y citado ya algunos, y ahora traeremos aquél donde dice: (lib.11, cap. 13 de la Subida del Monte.) «Aprenda el espiritual a estarse con advertencia amorosa en Dios, con sosiego del entendimiento cuando no puede meditar, aulique le parezca que no hace nada; porque así poco a poco y muy presto se infundirá en su alma el divino sosiego y paz, con admirables y subidas noticias de Dios envueltas en divino amor; y no se entrometa en formas, imaginaciones, meditaciones o algún discurso, porque no desasosiegue el alma, y la saque de su contento y paz a aquello en que el alma recibe desabrimiento. Y si, como hemos dicho, le diese escrúpulo de que no hace nada, advierta que no hace poco en pacificar el alma y ponerla erg sosiego, sin alguna obra y apetito, que es lo que nuestro Salvador nos pide por David diciendo: Vacate, et videte quoniam ego sum Deus. Aprended a escaros vacíos de todas las cosas, es a saber, interiormente, y sabrosamente veréis cómo yo soy Dios.”

Todas estas son palabras suyas, y habla con los que tienen adquirido ya hábito de meditación, y están en él sazonados ya para pasar a la contemplación, según las señales que allí pone; y la más común es, cuando ya el alma no puede meditar, y no halla gusto en la meditación, sino antes disgusto y sinsabor, y siente trabajo eu el discurso.

Para persuadirse el contemplativo a lo que dice en este lugar Nuestro Santo Maestro, bástale saber que en ella tiene las cualidades que pide San Dionisio en el alma contemplativa, para recibir sin estorbos la iluminación e influencia divina. (Cap. 1, § 1 de Div. Nom.) De las cuales, la primera que este Santo pide es, que esté el alma resignada y humilde y no pretenda con presunción y soberbia subir a cosas mayores de las que la iluminación divina le concede. La segunda, que vestido el entendiimiento de la luz de la fe, permanezca firmemente en la operación super intelectual, donde la iluminación divina se recibe, y no se abajo al conocimiento distinto de la razón; y cuando sin su voluntad se bajase, se vuelva otra vez al indistinto de la fe. La tercera, que a este conocimiento acompaña amor proporcionado, que es el acto de la voluntad; y como asista el alma en esta disposición a Dios en la oración, dice este Sumo Teólogo que siempre está en la oración recibiendo semejanza c iluminación divina, aunque ella no lo percibe, que es lo mismo que dice Nuestro Maestro.

Ayudará también a persuadirse a que no pierden tiempo en esta quietud devota, saber que en estando la voluntad inclinada a Dios está en acto de amor suyo. Porque como declara Santo Tomás (Sup. cap. 4, § 4 de Div. Nom.), el acto de amor de Dios no es otra cosa que la aplicación e inclinación del apetito a él como a su bien. Y en otra parte pone dos maneras de quietud del alma en Dios; una que llama de término, que es propia de los bienaventurados; y otra de deseo, que es propia de los contemplativos en esta vida. Y así, estando el alma en esta quietud de la oración con deseo de venir a Dios, no puede estar ociosa, pues tiene empleada en él la voluntad, cuyo acto es el deseo, y está bien dispuesta para recibir los efectos de la divina gracia, que se reparten según la intensión de este deseo, como en otra parte vimos de la doctrina del mismo Santo (Sup. cap. 4, § 9). ,

Y aunque para que el contemplativo se persuada a esta verdad de que no pierde tiempo en este modo de quietud atenta, sino que antes obra en su perfección, bastaba el enseñarlo tantos y tan grandes Santos tan expresamente y tan graves autores doctos y experimentados, los cuales nos declaran esto con tan manifiestos ejemplos materiales y conocidos, y que no nos dejan dudar en los efectos espirituales no conocidos, y por importar tanto que el contemplativo se persuada a esto y asiente esta verdad en su corazón, la aconseja y repite tantas veces Nuestro Santo Padre. Y aquí, además de lo dicho, pondremos ahora dos ejemplos solamente, de otros muchos que San Dionisio nos propone (C. 5, § 2, de Div. Nom.).

El primero es del sol, que es semejanza expresa de la bondad de Dios y de sus efectos, del cual dice a nuestro propósito de esta manera: «Si nuestro sol visible, extiende sus rayos por todas las substancias materiales, renovándolas, perfecionándolas y aumentándolas, haciendo aquí florecer las unas y allí sazonar sus frutos a otras, ¿ cuánto mejor hará esto en las almas el sol divino con su virtud infinita, si reciben sin estorbo sus influencias?»

El segundo ejemplo es del fuego, de quien dice el mismo Santo que es imagen de la operación divina (ídem c. 15, § de Coelest. Hierar.); porque si el fuego es tan activa en su operación y tan comunicativo de si mismo, que a cualquiera cosa que se llega, le comunica sus calidades y la transforma en sí. ¿Cómo dejará de hacer esto mismo aquel fuego divino (cuya operación él representa), en los que en la contemplación se llegan a él y reciben su influencia sin estorbos? De lo cual queda clarísimamente conocido que el alma no puede decir que está ociosa en esta contemplación; pues si ella no se estorbare a sí misma y abriere la puerta a la influencia divina, que en el entendimiento es resplandor y en la voluntad fuego, nunca dejará de recibir sus efectos, los cuales se impiden muy de ordinario por no saber serenar, quietar y disponer el alma para recibirlos, como nuestro Maestro nos enseña.

Aún más, y por otro camino, nos persuaden los Santos esta utilidad de la contemplación sencilla en quietud devota; porque de esta quietud dice San Dionisio estas palabras: «Por la paz divina (esto es, por la quietud en luz divina), llegan las almas, según su propiedad, como por camino Real y orden proporcionado por el conocimiento sencillo, desnudo de todo lo material, a la unión divina que se hace sobre el entendimiento» (Cap. 11, § 2, de Div. Nom.). Todo esto es de este ilustradísimo Santo, y prueba grande de la excelencia de la sencillez y quietud, que es la cosa que más dispone y proporciona para los aumentos de caridad y unión con Dios, que es el fin y paradero de la vida espiritual del hombre, como lo prueba Santo Tomás, diciendo: Finis autem spiritualis vitae est, ut homo uniatur Deo, quod fit per Charitatem; et ad hoc ordinantur, sicut ad finem, omnia que pertinent ad spiritualem vitam (22, q. 44, art. 1). Unde, et Apostolus dicit: finis precepti est charitas de corde puro, et conscientia bona, et fide nom ficta (1 ad Timot. 15).

Cómo sea proporción para la unión ya se ha visto en este lugar de San Dionisio; y que lo sea también para los aumentos de la caridad (en cuya perfección esta unión se hace) pruébalo Santo Tomás en estas magistrales palabras (S. Thom. 1, Sent., dist. 17, q. 2, art. 2): «De parte de Dios se aumenta la caridad en nosotros, cuando se aumenta la eficacia de su virtud; pero de parte de nuestra disposición, viene este aumento de reducirse el alma de multiplicidad a la unidad; y por esto San Dionisio siempre señala la perfección de la santidad en esto de levantarse el alma de la vida esparcida a la única.» Esto dice este Santo, y se verifica con lo que dijo Cristo Nuestro señor a Santa Marta: Marta, Marta, solicito es, et turbans erga plurima: porro unum est necessarium. Maria optimam partem elegir, quae non auferetur ab ea. (Lucae 10, 41.) Que andaba esparcida en muchas cosas, siendo sola una necesaria, la cual había abrazado su hermana María en la contemplación, por lo cual había escogido la mejor parte. Lo cual dice casi por las mismas palabras nuestro Santo Maestro, persuadiéndonos esta negación y sencilla pureza del acto de contemplación de que vamos tratando. Sus palabras son éstas: «Y así quería yo persuadir a los espirituales, como este camino de Dios no consiste en multiplicidad de consideraciones, ni modos, ni gustos (aunque esto en su manera sea necesario a los principiantes) sino en una cosa sola necesaria, que es saberse negar de veras según lo interior y exterior, dándose al padecer por Cristo y asimilarse en todo. Porque ejercitándose en esto, todo esotro, y más que ello, se obra y se halla aquí. Y si de este ejercicio hay falta, que es el total y la raíz de las virtudes, todas esotras maneras es andar por las ramas, y no aprovechar, aunque tengan muy altas consideraciones y comunicaciones, porque el aprovechar no se halla sino imitando a Cristo, que es el camino». (Lib. 2, cap. 6, post. medium de la Subida del Monte). Aquí cifró nuestro Santo Padre toda la doctrina de los Santos y declaró cuán grandes provechos viene de esta desnuda y pura sencillez.

Mire, pues, el contemplativo si estar en semejante quietud, que es raíz de todo aprovechamiento espiritual, es estar ocioso y sin hacer nada que sea de provecho. Si tiene tal disposición el alma en este acto sencillo y quietísimo, claro es que no está perdiendo tiempo, sino antes ganando mucho; porque si está con aumento de caridad, también lo está en el de las demás virtudes, de las cuales es forma la caridad, y con su acto mueve y endereza los actos de ellas a su fin, como enseña Santo Tomás. (Thom. 2, Sent, dist. 26, q. 1, art. 4, ad. 5.)

Fuera de las razones que en otras partes se han dicho de por qué a lo nuevos contemplativos les parece que pierden tiempo en esta oración quieta y desnuda de todo lo criado, hay otra no menor, y es, por no conocer el acto propio de la voluntad, el cual es un movimiento sencillo de ella en cuanto es potencia espiritual, a diferencia del acto del apetito sensitivo que está en el corazón, que como se hace con trasmutación corporal, es inquieto y bullicioso, y así más perceptible: Hoc interest (dice Santo Tomás) inter delectationem utriusque appetitus, quod delectatio appetitus sensibilis est cum aliqua transmutatione corporali; delectatio autem appetitus intellectivi nihil aliud est quam simplex motus voluntatis (1-2, q. 31, art. 4, per totum). Pero es tanto más excelente el sencillo y quieto de la voluntad, que es semejante al con que Dios y los Ángeles aman y se deleitan, que (como declara Santo Tomás) es de esta manera sencillo y quietísimo; y a este acto nos persuadió Cristo Nuestro Señor cuando dijo: Spiritus est Deus, et eos qui adorant eum in spiritu et veritate, oportet adorare: (Lucae, 4, 24.) Dios es espíritu, y en espíritu quiere ser adorado; porque (como prueba Santo Tomás) Dios no puede ser objeto del apetito sensitivo, ni ejercitarse en él el acto de caridad, que lo uno y lo otro pertenece al apetito intelectivo que es la voluntad. Pues como en la contemplación se ejercita más este acto sencillo de la voluntad en quietud de espíritu, que en el apetito sensitivo con tramutación inquieta, en faltándoles a los tales contemplativos el sabor sensible de la razón, aunque la voluntad esté bien empleada en Dios, les parece que están sin devoción y perdiendo tiempo; como sea verdad que estando eI alma en este ejercicio de caridad tiene a Dios ordenada la voluntad, que es el asiento de ella; y si la voluntad está ordenada a Dios, lo están asimismo todas las demás potencias; porque entre todas las fuerzas del alma, la voluntad es la que tiene el lugar de primer motor, y en el movimiento de su acto arrebata los actos de todas las demás potencias a su último fin, como cielo superior a los inieriores. ¿Pues por qué se ha de tener por ociosa el alma que está en un acto donde se ejercitan todas las virtudes y están ordenadas a Dios todas las potencias, sino antes persuadirse que está entonces en acto de amor de Dios, muy propio de la criatura racional, que es este movimiento sencillo y quieto de la voluntad, al cual nos persuade Nuestro Santo Padre cuando dice asistamos a Dios con una advertencia sencilla y amorosa? Para socorrerse en esta imperfección los que no tienen aún templado el paladar espiritual a lo divino para saborearse en la influencia celestial que en este acto sencillo y quieto se les comunica, se pueden algunas veces de cuando en cuando valer de algunos actos particulares que se compadezcan con el acto de la contemplación en inteligencia pura e inmediata a Dios en que entonces está el alma, de manera que no la dividan de su objeto, sirvo que la ayuden a entregarse más a él, como son algunas palabras interiores (de cuya excelencia tratamos ya arriba en otra parte) (Hugo de San Víctor, lib. Il, De anim., cap. 6.) y algunas memorias de Cristo Nuestro Señor, por modo universal como lo es, Dios muerto por mi; Dios humillado; Dios abatido, que sean como conclusiones de las meditaciones pasadas, cuanto baste para mover el alma en movimiento de amor y de agradecimiento, los cuales son tanto más provechosos que los del discurso, que pudo decir con verdad aquel autor docto y espiritual, que valía más un acto de estas memorias de Cristo Nuestro Señor por modo de conocimiento sustancial, que ciento por modo de discurso. (Taul. cap. 22, Instit. ad medium). Pero nunca se han de hacer estos actos particulares cuando el alma repugna de salir a ellos, que es señal que va en esto contra lo que pide la influencia divina por entonces, y se ha de guardar asimismo en ellas la moderación que admite San Buenaventura (De progressu 7, Relig. cap. 3 in fine), conviene a saber: que sean breves y poco frecuentes; y también lo que en otra parte queda advertido de la doctrina de Nuestro Santo Padre, que se han de ejercitar estos actos movidos más de la influencia divina que de la propia habilidad del alma. Lo cual sucede después de haber estado el alma en oración quieta y sencilla, donde se reciben los efectos de la divina influencia, y se siente ya como alentada para experimentar el caudal sobrenatural que en el acto universal recibió para granjear con él en los actos particulares.

Capítulo XXII. Se refiere cómo San Juan de la Cruz hizo gran fruto en la Descalzez con su doctrina sobre la contemplación. Tráense a este propósito dos pasajes de Nuestra Madre Santa Teresa.

Esta es la doctrina mística con que Nuestro Santo Padre ha encaminado a sus discípulos y nuevos primitivos a la contemplación y comunicación de Dios (que es hacia donde encaminó Su Majestad, por blanco de su instituto a sus antiguos profesores), y así se hallaba en su boca aquella célebre doctrina que San Gregorio Nacianceno (que fué uno de ellos) nos intimó, diciendo: Nihil mihi tam optantis cuiquam esse videbatur, quam ut oculis sensibus, atque extra carnem mundumque posilus, et in se ipso colectus, nec nisi quantum necessitatis exigit, quidquam humanarum rerum attigens, atque secum ipse, et cum Deo colloquens, superiorem ils rebus goce in aspectu codant, vitam agat, divinasque species puras semper, nec terrenis ullis errantibus formis admixtas in se ipso cicunferat, Deique ac rerum divinarurn purum omnino speculunt sit, in diesque efficiatur, ac lucem per lumen assumat, clariorem videlicet per obscuriorem, jamque futuri diei bonum spe percipiat, et cum angelis versetur, et licet adhuc in terris sit, terrain desserat, adque ab spiritu in coelo colocetur (in Apologia, oratione 12 in princ.). «Ninguna cosa hay más para desear que cerrando las puertas a los sentidos, y puesto fuera de la carne y del mundo, recogido el espíritu dentro de sí mismo, tener con Dios sus coloquios y hacer otra vida superior a estas cosas que miramos; traer dentro de sí las memorias de Dios, comunicadas de su influencia, siempre puras, sin mezcla de cosas criadas, y hacerse cada día espejo más puro de Dios y de las cosas divinas, para recibir la luz por medio de la luz, la más ilustrada de la ilustración divina, por la más oscura de la fe sencilla, y percibir ya con la esperanza el bien del siglo venidero, en compañía de los Angeles, conversando ya con ellos, y aunque esté todavía eu la tierra, desampare la tierra, y le coloque con el espíritu en el cielo. Todo esto es de este Santo, con que nos da la forma de cómo los Maestros mayores enseñan a sus discípulos a trasladarse de lo temporal a lo eterno, y de lo terreno a lo celestial, por conformidad del espíritu con su objeto, que es Dios y centro eterno de su bienaventuranza, como se hace en la contemplación quieta y sencilla, para participar afín en esta vida de sus divinas perfecciones, según el modo de orar emanado desde Nuestro Padre Santo Elías en su escuela, que es. nuestra religión, y renovado por los Apóstoles.

Pues como Nuestro Maestro enseñaba a los religiosos a los principios de esta reformación lo mismo que con tan gran solicitud se había practicado en todas las reformaciones antiguas del instituto de Elías acerca de la contemplación y fundamento de él, dado por Dios a sus Padres originales, seguíanse en esta nueva congregación los mismos efectos de este ejercicio celestial, que se habían experimentado por tantos siglos en las congregaciones antiguas; y como abundaron tanto de tantos y tan altos contemplativos de varones heroicos y de grandes Santos, de que nos dan a cada paso grande noticia las historias de la Iglesia, lo mismo se experimentaba en esta reformación mientras los frailes y monjas de ella se gobernaban por el espíritu de Nuestro Santo Padre Fray Juan de la Cruz. Y como Nuestra Gloriosa Madre Santa Teresa conocía tan bien esto, y cuán alta luz de sabiduría divina había Dios dado a Nuestro Santo Padre y compañero suyo para gobernar almas espirituales, tenía grandísima ansia porque él comunicase y enseñase a sus hijas; y así mientras vivió las comunicó mucho en Castilla y Andalucía, con tan gran aprove¬chamiento de ellas, que los recibos interiores de la iluminación e influencia divina se conocían exteriormente en muchas (1).

De esto nos da noticia Nuestra Gloriosa Madre Santa Teresa hablando del aprovechamiento de sus hijas en este tiempo, en algunos lugares de sus libros, de los cuales ponderaré sólo dos a este propósito; en el uno, pues, dice así: “Lo que veo ahora, y con verdad lo puedo decir, en estos palomaricos de la Virgen Nuestra Señora, es que muestra la Divina Majestad su grandeza en estas mujercitas flacas, aunque fuertes en los deseos. Teman los que están por venir, y esto leyeren, y si no vieren lo que agora hay, no lo echen a los tiempos, que para hacer Dios grandes mercedes a quien de veras le sirve, siempre es tiempo; y procuren mirar si hay quiebra en esto, y enmiéndenla. Pues lo que ahora se ve es, que son tantas las mercedes que el Senior hace en estas casas, que algunas hermanas llegan a arrobamientos, y a otras hace otras mercedes junto con esto, y no hay ahora casa donde no haya una, o dos, o tres de éstas. Bien entiendo que no está en esto la santidad,

(I) Acerca de la estima en que la Santa tuvo al Místico Doctor y del provecho que éste hizo en los religiosos, tenernos autorizados testimonios, algunos de los cuales quiero reproducir aquí. La Madre Mariana de Jesus, declaró lo que sigue: «La veces que podía le llevaba (la Santa) a sus fundaciones, para que sus religiosas tuviesen ocasión de tratar y comunicar y confesarse con él, por los acrecentamientos espirituales que echaba de ver sacaban de su trato, y se holgaba se detuviese en las fundaciones algón tiempo, porque le parecía quedaba su convento bien fundado con esto.. (Memorias historiales, tomo I, letra D, núm. 17.) Otro testigo dice: «Habia entendido Nuestra Santa Madre del Señor que este Santo varón, no sólo quería Su Majestad fuese luz y guía a los religiosos, sino también a las religiosas de su Orden, para imprimir en ellas el espíritu de reformación y penitencia que Dios había estampado en él. Y así, sabiendo esto la Santa y viendo los acrecentamientos espirituales que en sus almas sacaban las Monjas con este trato, procuraba se hallase en sus fundaciones, y que ellas le comunicasen, con lo Cual le parecía quedaban bien fundados los conventos.” (Ibid. n,° 91.) Nota del editor.

ni es mi intención loarlas solamente de ello, sino para que se entienda que no es sin propósito los avisos que aquí quiero dar.» Todo esto es de Nuestra Gloriosa Madre Santa Teresa. (Fund. cap. 4 ad medium.)

El otro lugar es el capítulo primero de la quinta de sus moradas, que es del estado de unión; y para ponderarlo a nuestro intento, se ha de advertir que toda la pretensión de Nuestro Santo Padre en el gobierno de las almas de oración, que guiaba, era quitarles los estorbos de los recibos sobrenaturales de Dios, y encaminarlas a su unión, como al paradero de su felicidad, por el camino de espíritu, y en quietud y pureza de las potencias, según la doctrina magistral de San Dionisio, que dice: Propter divinam pacem animae largissimas collatorum raciones unientes, et ad vitam intelectualem congregantes puritatem, perveniunt justa proprietatem suam, via, el ordine per immaterialem, et simplicem intelectum, ad eam quae est super intelectum unionem (Cap. 11, § 2 de Div. Nom.) En las cuales palabras pide este Santo Teólogo, que para ir camino derecho y orden proporcionado a esta divina unión, ha de estar el espíritu quieto en los actos de la razón y reducido a la sencillez y pureza intelectual, en desnudez de todas las semejanzas materiales y conocidas, levantando el entendimiente sobre sí a lo no conocido de Dios, mediante la fe, donde esta unión se hace. Y esto mismo era lo que Nuestro Santo Padre procu¬raba introducir en las almas que guiaba, y lo que en todos sus escritos enseña.

Pues el buen logro de todas sus diligencias, y los buenos efectos que procedían de ella al tiempo que guiaba a las monjas descalzas a los pastos celestiales, le podremos echar de ver en lo que dice Nuestra Gloriosa Madre Santa Teresa en este lugar, hablando del estado de unión, por estas palabras: (Morad. 5, cap. I al prin.) «Enviad, Señor mío, del cielo luz, para que yo pueda dar alguna a estas vuestras siervas, pues sois servido de que gocen algunas de ellas tan ordinariamente de estos gozos, porque no sean engañadas, transfigurándose el demonio en Angel de luz, pues todos sus deseos se emplean en desear contentaros. Y aunque dije algunas, bien pocas hay que no entren en esta morada que ahora diré; hay más y menos, y a esta causa digo, que son las más las que entran en ella.» Esto dice Nuestra Madre Santa Teresa de su tiempo, y véase el lugar que va declarando, y comparando lo que de presente había en sus hijas con lo que las historias de la Iglesia nos dicen de nuestros mayores y de su alta contemplación a que nosotros somos llamados, hallarnos que entre ellas (cuando abundaba más el espíritu primitivo) se conocían estos excesos de espíritu que nuestra Santa refiere de sus hijas; porque aunque (como ella dice) no en esto sólo está la perfección, sino en las virtudes, pero es señal que abundan los espíritus en las ayudas de costas sobrenaturales, para llegar por esto a estas virtudes; y que hay grandes avenidas del cielo que sacan a los ríos de sus madres, y a los espíritus de su curso ordinario, propio de los tibios. Y esto que aquí dice Nuestra Santa Madre del aprovechamiento de sus hijas, corría también en este tiempo de los Religiosos, y por esto hubo tantos espíritus, y tan aventajados, como se verá en el segundo y tercero torno de la Historia general de nuestra Orden, los cuales tan abundantes frutos daba la doctrina y singular ejemplo de Nuestro Santo Padre Fray Juan de la Cruz, a cuyo cargo estaba el cultivar esta viña del Señor, a quien Su Majestad escogió para renovar en nuestra Reforma el espíritu antiguo y primitivo de nuestros mayores.

De estos excesos de espíritu de nuestros antiguos Padres, acabados de salir de las ruanos de los Apóstoles por nueva instrucción de ellos, nos da noticia Philon como testigo de vista (Philon, De vita contemp.), el cual engrandeciendo su contemplación, y los grandes recibos de Dios en ella, dice que eran movidos con furor divino (así llama a este exceso de espíritu) hasta llegar a aquella contemplación deseadísima, esto es, a la unión divina, que es el paradero de la contemplación

De esto mismo nos da también noticia San Gregorio Nacianceno hablando de nuestros Monjes de su tiempo (de los cuales él fué uno), y entre sus alabanzas dice: (Oratione 12 in prirrcip.) Que en la oración se engolfaba tanto su espíritu en Dios, que hacía del cuerpo largas peregrinaciones, esto es, por raptos de espíritu y enajenación de sentidos por estas palabras: Mentis ad Deum peregrinatio.

Del tiempo de San Antonio hallamos esto mismo en sus discípulos, y en particular refiere Paladio de San Macario, uno de ellos, que padecía arrobamientos a menudo (Hist. Lausia. Lectione. 17.) De San Juanicio, Gran Padre de nuestros Monjes en tiempo del Emperador Teófilo, escribe San Simeón Metafraste, que desde el rincón de su celda paseaba muchas veces con el espíritu los cielos, y con tan gran vehemencia era arrebatado, que lo hallaban los Monjes muchas veces, no sólo enajenado de los sentidos, mas también levantado de tierra. (Apud. Surium, die 4 Novent.) También Juan Casiano escribe del Abad Juan, Monje de su tiempo, que padecía tan a menudo enajenaciones de espíritu, y andaba el suyo tan desterrado de las cosas materiales por iluminación divina, que se olvidaba de dar al cuerpo su sustento. (Collat. 19, cap. 4.) Y finalmente, fuera alargarnos mucho, si hubiéramos de referir todo lo que hallarnos en los autores graves de estas tan grandes elevationes de nuestros Monjes antiguos en las congregacíones muy reformadas, para confusión de los tibios, que se consuelan en sus tibiezas con decir que no está la perfección en estos excesos tan elevados, siendo verdad, que a los que se disponen para los recibos divinos y usan cuidadosamente de los auxilios de Dios, les hace Su Majestad mercedes, según su disposición, para que vayan caminando de lo imperfecto a lo perfecto, como dice Santo Tomás.

Cuanto pues valga para aventajarse las almas contemplativas la guía de Maestro espiritual experimentado, lo ha enseriado la misma experiencia en esta Congregación; porque en faltando en ella la influencia y magisterio de Nuestro Santo Padre Fray Juan de la Cruz, entraron otros Maestros, que favoreciendo más el discurso de la razón y a la operación inquieta del alma, que los actos sencillos espirituales, donde se recibe la operación divina y los efectos de la influencia sobrenatural que obran nuestra perfección, hacían en sus discípulos tan diferente labor, que saliendo de ellas muchas veces con las cabezas lisiadas, se conocían pocos espíritus elevados. Y como en los noviciados no les enseñaban cómo habían de caminar a la contemplación, cuando estuviesen sazonados para ella, salían de la escuela sin saber lo principal de su vocación, y después se quedaban lo demás de su vida sin saberlo (l), trabajando en la oración con su operación natural, sin dar lugar a la divina que introduce la perfección en el alma, de la cual procuraba preservar a sus discípulos

(i) No estoy muy conforme con lo que dice aquí el autor. Creo que después de la muerte del Santo se enseñó en los noviciados carmelitanos el mismo método de oración que él habia enseñado a sus discípulos, lo que se puede demostrar por las obras de Mística que han publicado los Carmelitas Descalzos, las cuales, como puede verse, se han inspirado en el espiritu y doctrina de San Juan de la Cruz. Quizás en algo tenga razón el Padre José; mas esto tiene su natural explicación; no comunicándose Dios tan ahundantemente a los profesores de la Descalcez en los tiempos a que alude el referido autor (pues siempre derrama mas su espiritu en los fundadores y piedras fundamentales de las Ordenes religiosas) nada tiene de extraño que se diera alguna mayor importancia a la oracion de discurso. [NDE, 1914].

Nuestro Santo Padre cuando tantas veces les decía (como ya vimos), que el Espíritu Santo ayuda al alma recogida según el modo de su recogimiento, significando que si recojen el discurso de la razón, les ayudará en su ejercicio con efectos proporcionados a sus actos humanos y sobrenaturales. (S. Thomas 12, q. 6s, art. 2 ad. 3). Pero si se recoje en luz de fe y quietud del alma, ayudará obrando en ellos efectos sobrenaturales proporcionados a su causa, que es la operación divina que en esta disposición reciben. La cual doctrina tantas veces enseñada de Nuestro Santo Maestro por el bien de las almas y tantas veces por el mismo intento tocada en este tratado, nos enseñó también Santo Tomás, como en otra parte vimos, cuando dice: Forma recepti sequitur modem recipientis quantum ad aliquid prout habet esse in subjecto, etc. (De Verit. q. 12, art. 6 ad. 4). La iluminación divina se comunica al modo del que la recibe, o a lo material, o a lo espiritual, o a lo unido, o a lo divino. Y así cada uno coje de este mar inmenso de la divina influencia, según la medida que lleva, cumpliéndose en los contemplativos lo que dice el Apóstol: Qui parcé seminat, parcé et metet; que el que siembra poco, poco cojerá. (2. Corint. IX, s6).

Pues si estos frutos se experimentaban del magisterio de Nuestro Padre, y su doctrina es tan conforme a la de los Santos que el Espíritu Santo nos dió por guías en la Iglesia, y tan ajustada a la forma divina dada por Dios para fundamento de Nuestro Instituto; y en esta Reforma nos proveyó de este Maestro para nuestro gobierno espiritual, justo es, que así los Maestros de ella, como sus discípulos, caminen a su vocación y perfección por las verdades que él enseñó, si quieren los unos hacer provechos, y los otros recibirlos. Y entonces se volverán a ver en esta oficina celestial las imágenes divinas, y espejos clarísimos donde se recibe la luz superior para reformación de los que siguen el blanco que Dios les puso a que mirasen, según la doctrina de San Dionisio, referida al principio de este discurso.

FIN

TITRES DE CHAPITRES ADAPTES PAR MERE MARIE DU SAINT SACREMENT50:

Les chapitres ont été indiqués en parallèle aux titres espagnols précédemment jusqu’au chapitre XX.

En frappe machine :

Préface p.1

Données biographiques sur le P. de Quiroga p.6

L’oraison selon Saint Jean de la Croix, saint Thomas d’Aquin et saint Denys p.7

Lettre d’Avon de 19s8

Chapitre II. Trois dispositions nécessaires pour arriver à la contemplation… p.9

[Chapitre III chez Marie du SaintSacrement : Les trois parties de l’oraison] p.11

[Chapitre IV. Nécessité des vertus pour parvenir à la contemplation] p.14

[Chapitre V. La contemplation de Dieu par une notion de foi simple et amoureuse, but de la méditation]

[Chapitre VI. Des maîtres spirituels qui entravent la marche des âmes contemplatives] p.19

[Chapitre VII. Du moment où les âmes doivent laisser de côté les actes discursifs des commençants] p.21 pages 20 et 21 floues !

[Chapitre VIII. De la nécessité pour les contemplatifs de purifier leur entendement des images sensibles] p.26

[Chapitre IX. Comment les âmes arrivées à la contemplation doivent éviter les actes particuliers]

[Chapitre X. Des actes produits sous la motion divine qui accompagnent l’attention générale et simple]

[Chapitre XI. Pureté et simplicité où l’âme doit se trouver pour recevoir la lumière divine]

[Chapitre XII. Comment Dieu communique à l’âme la divine lumière]

[Chapitre XIII. De certains contemplatifs qui ne savent pas se dégager enrièrement de la raison]

Chapitre XVI. Comment, pour ètre mûe hautement et divinement l’âme doit réduire au repos ses opérations naturelles On retrouve ce chapitre frappe machine plus bas !

Chapitre XVIII. De trois connaissances de Dieu. On retrouve ce chapitre frappe machine plus bas !

Chapitre XX. Comment l’âme dans la contemplation exerce une opération plus parfaite On retrouve ce chapitre frappe machine plus bas !

Fin des chapitres frappés à la machine.


Suivent en manuscrit

des doubles corrigés postérieurement à la frappe donc à prendre en compte:

II. Trois dispositions…

III. Les Trois parties de l’oraison.

IV. Nécessité des (corr. :d’acquérir) les vertus pour parvenir à la contemplation.

V. La contemplation de Dieu….

VII. Du moment où les âmes doivent laisser de côté les actes discursifs…

VIII.De la nécessité… (paginée 71)

Large saut dans les photos !

XX. Comment l’âme… (paginée 182)


Suivi de frappe machine

de chapitres omis précédemment puis déjà photographiés :

Chapitre XIV. Des affections simples et enflammées.

Chapitre XV. Difficulté qu’éprouvent les nouveaux contemplatifs à persévérer dans l’acte pur de la contemplation.

Chapitre XVI. Comment, pour ètre mûe hautement et divinement l’âme doit réduire au repos ses opérations naturelles

Chapitre XVII. Où l’on insiste sur la paix et la sérénité indispensables à la réception des influences divines.

Chapitre XVIII. De trois connaissances de Dieu.

Chapitre XIX. Comment dans la contemplation l’âme n’est point oisive.

Chapitre XX. Comment l’âme dans la contemplation exerce une opération plus parfaite.


Suivi de pages manuscrites 185 sv. :

Chapitre XXI. De la meilleure disposition pour goûter Dieu dans la contemplation.

Chapitre XXII. De quelle manière l’entendement et la volonté se comportent durant la contemplation.

Chapitre XXIII. Erreur des nouveaux contemplatifs qui se figurent rester oisifs.

Chapitre XXIV. Eloges donnés par les saints à la contemplation simple. Conseils aux nouveaux contemplatifs.

Chapitre XXV. Réponse à ceux qui se plaignent que notr ebienheureux Père semble condamner la méditation discursive.

Chapitre XXVI. Réponse à ceux qui avancent que la contemplation simple est contraire à la saine philosophie.

Chapitre XXVII (annot. : le dernier) Réponse à deux autres objections contre la contemplation exercée en négation des formes sensibles et intellectuelles.


Repuesta a algunas razones contrarias a la contemplacion afectiva y oscura que Nuestro Santo Padre Fray Juande la Cruz, guiado de Dios, de la Escritura y de los Santos, enseña en sus escritos, por eI Padre Fray José de Jesús María (Quiroga). Historiador General de la Reforma del Carmen). (1)


(1) Este Tratadillo es como complemento del anterior, y por eso le insertamos aqui. Hállase copia en los manuscritos 8.278 y 11.990 de la Biblioteca Nacional.


Para dar principio a este breve y sustancial intento, son a propósito estas palabras de nuestra gloriosa Madre Santa Teresa: «Hay almas tan enfermas y mostradas a estarse en cosas exteriores, que no hay remedio que entren dentro de sí; porque ya la costumbre las tiene tales, de haber siempre tratado con las sabandijas y bestias que están en el cerco del castillo, que ya casi están hechas como ellas. Y con ser de natural tan ricas y poder tener su conversación no menos que con Dios, no hay remedio. Y si estas almas no procuran entender y remediar su gran miseria, quedarse han hechas estatuas de sal, por no volver la cabeza hacia sí, como lo quedó la mujer de Lot, por volverla.” (Moradas primeras, cap. l.°). En estas palabras habla Nuestra Santa con los que teniendo el reino de los cielos dentro de sí mismos, y pudiendo gozar de él aun en este destierro, y mezclarse con la luz de la fe entre las cosas divinas y eternas, para participar de ellas, y beber, como dicen, el agua en su fuente, la andan mendigando en los charquillos sucios y turbios de las criaturas. Muchos de los cuales, no contentándose con lo que pierden, quieren hacer a otros participantes de su pérdida, oponiéndose a la contemplación que enseñaran los Santos, como hemos visto, y que enserió Nuestro Venerable Maestro, siguiendo la luz de Dios y la doctrina de ellos, y publican que es contraria a la buena filosofía, formando contra ella sus razones y argumentos. Por lo cual, después de haber brevemente tratado de esta contemplación y sabiduría mística escondida, es necesario, para que los menos avisados no se turben, satisfacer algunos de los argumentos que hacen a los contrarios más fuerza, para que de esta manera se vea más claro cómo esta contemplación no es contraria a la filosofía humana (y bastaba para prueba de esta verdad haberla enseñado Santo Tomás tan expresamente, siguiendo a San Dionisio, a quien los demás autores acreditados y Maestros Místicos han imitado) sino superior a ella, como filosofía divina, que la sabiduría eterna vinó a enseñarnos al mundo, para aún hacernos en este destierro de terrenos, celestiales, de hombres, Angeles.

La primera, pues, de estas razones opuestas, es fundada en aquellas palabras del Filosofo, que dicen: Oportet inteligentem phantasmata speculari. Y si éstas no se dan en la contemplación, parece que el entendimiento podrá vial entender, faltándole

los medios de su conocimiento. A esto se responde, que Aristóteles habla del conocimiento afirmativo, para el cual es necesario este recurso del entendimiento a las semejanzas de la filosofía, y aquí hablamos del conocimiento negativo, para el cual es necesario desnudar el entendimiento de todas estas semejanzas, para entrar sin ellas en la oscuridad de la fe, que nos persuade que Dios no es semejante a cosa alguna que conocernos, sino otra cosa infinitamente distante de todas ellas; y por eso San Dionisio, Santo Tomás, con los demás Santos y autores graves y experimentados, trabajan tanto por desnudar el entendimiento en la contemplación divina de toda semejanza de cosa criada, para que no se prenda de ninguna. ln statu viae (dice Santo Tomás) spiritualia, et precipue Deum, magis videmus cognoscendo quid non est, quam aprehendendo quid est &.; sed etiam ab erroribus, et phantasmatibus et specialibus formis, a quibus omnibus docet abscedere Dionyssius in Libro de Mystica Theologia, tendentes in divinam contemplationem. (3. Sent., dist. 34, q. 1, art. 4.) Lugar que ya vimos arriba en el Defensorio, número 17, para que sobre todas ellas forme el entendimiento un concepto superior a todo lo criado y a todo lo que él puede alcanzar, como después se declarará. Habla asimismo el Filósofo de el conocimiento natural, que como tiene su principio de los sentidos, há menester recurrir para el entendimiento a la fantasía por las semejanzas de las cosas sensibles con que ha de ejercitarle. Pero aquí hablarnos de conocimiento sobrenatural, para el cual tenemos otra luz superior a la de la razón y entendimiento, como lo uno y lo otro declararon a nuestro propósito los mismos Santos. (San Dionisio, de Div. Nom., cap. 7, § 1).

Contra esta hacen el segundo argumento, tomándolo de las palabras de San Dionisio, que tratando de este conocimiento sobrenatural, dice que no puede nuestro entendimiento levantarse al conocimiento de las cosas divinas, desconocidas de nosotros, si no es por medio de algunas semejanzas de las cosas que conocemos, que nos lleven a ellas como guiados de la mano. (San Dion. de Coelest. Hierar., cap. 1, § Etenim.) Etenim neque possibile est aliter nobis lacere divinum radium nisi varietate sacrorum velaminum anagogice circumvelatum: et iis quae secundunt nos sunt providentia paterna connaturaliter et proprie praeparatum (como también lo referimos arriba.) Luego no habemos de desnudar al entendimiento de estas semejanzas, sino antes vestirle de ellas, para subir de las cosas conocidas a las desconocidas, haciendo comparación de las unas a las otras

A este argumento responde Santo Tomás diciendo (como también vimos arriba al mismo propósito): Ad secundum dicendum, quod Dionyssius loquitur in quantum ad principium revelationis divinorum, in qua, quasi per sermoneen quemdam nobis in signis et figuris divina proponuntur: sed ulterius de auditis per fidem, sic per donum intellectus mens illustratur. (S. Tom. 2, Sent., dist. 33, q. 2, art. 2, q. 2, ad. 2.) Esto es, que en estas palabras habla San Dionisio de las comunicaciones sobrenaturales, que a modo sensible concede Dios a los nuevos contemplativos para levantarlos por ellas de su modo grosero al conocimiento de las espiritualés y divinas, por no estar aún capaces de comunicaciones más sutiles y sencillas. Lo cual consta claramente de las palabras del mismo San Dionisio que se siguen a éstas, porque luego las va verificando en particular de todas las comunicaciones sensibles con que suele Dios alentar y enseñar a algunos, aunque poco espirituales: como visiones imaginarias, deleites sensibles, ilustraciones materiales y otras semejantes, ut nos reduceret per sensibilia ad intellectualia, et ex sacrefiguratis simbolis in símplices celestium summitales. Pero no habla del conocimiento con que el entendimiento se levanta a la contemplación divina por medio de la luz sencilla de la fe, o ilustración de los dones del Espíritu Santo que se ejercita sin estas comunicaciones (como luego veremos). Mas cuando el mismo Santo trata de las ilustradones intelectuales que se hacen a personas más perfectas, dice que se reciben por medio de semejanzas espirituales, y no de las que entran por los sentidos, quasi in forma informium similitudinum; esto es (como declara Santo Tomás trayendo el mismo lugar de San Dionisio) per similitudinum rerum forma corporali carentium. (S. Tom. 22, q 173, art. 1.)

El tercero argumento es, que para esta vía afectiva o unitiva no menos necesario es el discurso de la razón que para los demás grados inferiores, porque, como dice Santo Tomás, todos los actos de la voluntad proceden de alguna consideración por ser el objeto de la voluntad cl bien representado por el entendimiento: omnis autem actos voluntatis ex aliqua consideratione procedit, eo quod bonum intellectum est obiectum voluntatis. (S. Tom. 22, q. 82, art. 3.) Y si se quita el discurso y consideración, parece que se quita también esta representación, sin la cual cesará el acto de la voluntad. Respóndese, que para esta consideración y representación no es necesario nuevo discurso de la razón, porque la consideración es acto del entendimiento que mira la verdad de lo que entiende para juzgar rectamente de ella, como dice el mismo Santo: Consideratio importat actum intellectus veritatem rei intuentis (22, q. 53, art. 4.) Y este juicio pertenece al entendimiento, como la inquisición y discurso a la razón: sicut autem inquisitio pertinet ad rationem, ita juditium pertinet ad intellectum. Por lo cual, sin este discurso actual puede el entendimiento con las especies habituales tener consideración sobre lo que le representan. Y mucho mejor en nuestro caso, porque aquí se trata de conocimiento y amor sobrenatural, para lo que es necesaria luz sobrenatural que exceda la de la razón. Requiritur quoddam lumen intellectuale excedens lumen naturales rationis (22, q. 171, art. 2) (dice Santo Tomás), para que el conocimiento se proporcione con el amor, y el amor con el conocimiento, como el efecto con su causa. Y este conocimiento de luz sobrenatural se ha de recibir en el entendimiento cuando él se desnuda de todas las semejanzas de la fantasía. En el cual sentido dice San Gregorio que habló (S. Gregorio, lib. 18 Moral, c. 25) el Eclesiástico, cuando dijo (como ya vimos arriba): Escribe la sabiduría en el tiempo del ocio. Y el que menos actos ejercitare, éste recibirá esta sabiduría. Unde et alias dicitur: Sapientiam scribe in tempore otij, et qui minoratur acto ipse percipiet eam. Y al mismo propósito, dice San Dionisio, que para llegar el entendimiento a participar de la luz divina, que por su inaccesibilidad se nos hace tinieblas, lea de ir apartando de sí todas las semejanzas de las cosas criadas con que ella se está encubierta: porque cada semejanza de éstas es como una nube que se pone entre esta luz divina y el entendimiento para privarle de ella. (De Mystic. Theol., cap. 2.) Y por eso dice que los verdaderos contemplativos quitan delante todas estas semejanzas para contemplar la hermosura divina en sí misma. Tollunt ea quae obscurant et impediunt formae latentis aspectum, ipsamque in se pulchritudinem, quae, abstrussa est, explicant sola detractione, ut sine teguntentis cernant caliginem ilium esentiam superiorem, quae ab omni Luce, quae in rebus est, occulitur: que es lo mismo que occultatur. Pues de este conocimiento y de la consideración que de él procede, viene el amor sobrenatural y la devoción que aumenta la caridad. V por eso dicen los Santos en otra parte referidos, que la sencillez es madre de la devoción, y que Dios visita a los espíritus sencillos.

Pero no queda aún contenta con esto la bachillería del entendimiento hermano, sino que añade nuevas dificultades contra esta contemplación, trayendo lo que dice Santo Tomás, que así como nuestro entendimiento en esta vida no entra en la esencia de lo que conoce, sino por los accidentes, así tampoco a las cosas espirituales, sino por las semejanzas de las cosas sensibles. Sicut autem mens humana in essentiam rei non ingreditur nisi per accidentia: ita etiam in spiritualia non ingreditur, nisi per corporalia, et sensibilium similitudines, ut Dionissyus dicit & (Sup. cap. 2 de Div Nom. § Sed harum). Para lo cual, forzosamente há menester algún discurso de la razón.

A esto se responde con la doctrina del mismo Santo Tomás, que esto há lugar cuando caminamos al conocimiento de las cosas espirituales y divinas por abstracción de las cosas criadas, para hacer comparación de ellas a las increadas y divinas. Pero no en esta divina contemplación, donde se camina al conocimiento de Dios y de sus divinas perfecciones por participación de ellas, recibiendo nuestro entendimiento las noticias sobrenaturales de las cosas divinas en su espiritualidad y pureza por medio de la luz sencilla de la fe y de la ilustración del don de la Sabiduría. Y si el conocimiento natural recibe el entendimiento con el hábito de los primeros principios, sin el discurso de la razón, las verdades manifiestas y evidentes, cuánto mejor podrá hacer esto el conocimiento sobrenatural con la luz de la fe, que es hábito de principios sobrenaturales? Fides est cognitio simplex articulorum, quae sunt principia totius christianae sapientiae (Santus Thom. 3, Sent. dis. 35, q. 2, art. 2, q. 1, ad 1). Cuyas verdades tienen mayor firmeza que todas las que aprende por evidentes el conocimiento natural. Por lo cual, así como éstas las prueba luego el entendimiento con los primeros principios, que son una semejanza de la verdad increada:

Prima principia sunt quaedam similitudines increatce veritatis; así también con el hábito de la fe, aprueba luego las verdades sobrenaturaies que le propone, sin más discurso que recibirlas como cosas reveladas por Dios a sus Iglesia y que tienen indubitable certeza. Y como con estos naturales principios anda abrazada la sabiduría, que es virtud intelectual, y con ellos negocia acerca de las cosas altísimas y dificultosas que son proporcionadas con el entendimiento, así con los principios de la fe anda abrazada la sabiduría, que es don del Espíritu Santo, para ilustrar el entendimiento de las cosas sobrenaturales que son superiores a él, y levantarle a la contemplación divina endiosada, como a nuestro propósito lo declara el mismo Santo Tomás (ubi supra).

Dicen, finalmente, que el caminar a Dios por negación y apartamiento de todas las semejanzas de cosas criadas que entran por los sentidos, es quedar el entendimiento sin acto, y así no ocupado en Dios, porque el entendimiento no puede entender sin que alguna semejanza de la cosa que ha de conocer le informe actualmente: intellectus non potest inteligere, nisi secundum quod fit actu per aliquam similitudinem rei intellectae, per quam informatur intellectus ad inteligendum (Sto. Thomas. Opusc 5s, princ ). Pues si entonces no le informa alguna semejanza de las cosas que conocemos, parque de todas le despoja el conocimiento negativo, luego ninguna cosa aprehende, y por el consiguiente, no tiene acto de contemplación, para el cual es necesario esta aprehensión. A esta dificultad responde San Dionisio, diciendo, que así como de dos maneras se puede formar una imagen, una añadiéndole, como en la pintura, y otra quitándole, como en la escultura (S. Diori. De Myst. Theol., cap. 2); así también en nuestra contemplación de dos maneras pode¬mos formar concepto de Dios: una por conocimiento afirmativo, aplicándole las perfecciones de las criaturas en superior grado como a Criador de ellas, que no le puede faltar la perfección que les dió; y otra por conocimiento negativo, apartando de Dios toda perfección criada, como desproporcionada a la alteza de su divina e incomparable perfección, y considerando en él otra perfección y excelencia infininitamente distante de todas las demás exce:encías y perfecciones. Según lo cual, cuendo el entendimiento camina a Dios por negación, para entrar con ella en la oscuridad de la fe, desnudo de todas las semejanzas de cosas criadas, según lo hace en esta contemplación, como se va desnudando de todas estas semejanzas, se va vistiendo de otro concepto de Dios mayor y más excelente que todas ellas, y formando una hermosa imagen de la perfección divina sobre todo lo que él puede alcanzar. Quemadmodum per se naturale ab alma faciens, et ipsum in se ipsa, ablatione sola, ocultam manifestantes pulchritudinem. Como si una imagen muy herniosa estuviese cubierta de muchos velos, y los fuesen corriendo para descubrir la hermosura que dentro de ellos estaba escondida. La cual hermosura (después de corridos estos velos por la negación) descubre la luz de la fe, ilustrada con los dones del Espíritu. Y esta es la aprehensión que Santo Tomás, respondiendo a este argumento, dice que ha menester el entendimiento en esta contemplación y no la de la razón. In contemplatione est necessaria aprehensio, quœ est per donsrm Sapientice (3 Sent., dist. 35, q. 1 ad 3). De esta sabiduría escondida nos dió Nuestra Madre Santa Teresa admirable noticia por muchos caminos y en muchos lugares de sus libros, como quien la experimentaba tan de cerca. Y en uno, declarando la diferencia de esta hermosura de la imagen de Dios participada en su pureza, a todas las abstraídas de las criaturas, dice: También acaece muy de presto, y de manera que no se puede decir, que muestra Dios en sí mismo una verdad que parece deja oscurecidas todas las que hay en las criaturas.» Las cuales palabras son como declaración experimental de las que poco há se refieren de San Dionisio. Y en otra parte, declarando estas participaciones divinas recibidas en su pureza y espiritualidad, las llama inflamaciones de la Divinidad.

Removidos, pues, ya los principales contrarios de esta contemplación con la doctrina de estas dos lumbreras clarísimas de la Iglesia, queda ya asentado lo que los mismos Santos dicen, que por esta contemplación secreta y no conocida habemos de caminar por toda la vía afectiva sobre la razón, en luz sencilla de fe, desnuda de toda semejanza conocida, si queremos llegar por camino derecho y orden proporcionada, a la unión con Dios, para ser hechos un espíritu con él. Divinae mentes ad ignota ascendant super mentem collatorum conjuntionem, et ita proveniunt justa proprietatem suam, via, et ordine, per immaterialem et simplicem intellectum ad eam quae est super intellectum unitionem. (S. Dionisio de Div. Nom., cap.1 1 et ibi S. Tomás.) Y en otra parte, tratando de lo mismo, y de la excelencia con que camina el entendimiento a Dios, vestido de sola la luz de la fe, desnudo de todos los demás conocimientos, y de las semejanzas de las cosas criadas, dicen los mismos Santos que cuando ya queda de esta manera desnudo de todos ellos, entonces llega con su vuelo a Dios, aunque con oscuridad, conforme a nuestro estado, y allí se une con él, y dejando las criaturas, hace asiento en el Criador.In ultimis autem totorum ipsi Deo conjungentes, in quantum nobis illi iungi est possibili.(Idem ibi cap. final.) Esto es como declara Santo Tomás, que cuando el entendimiento ha pasado por los fines supremos de las criaturas más universales y más excelentes, negando que Dios tenga cosa coniiín con ellas, sino que es una pertección y excelencia infinitamente más universal y más esclarecida que ellas, entonces se une con esta suma excelencia, y hace su asiento en ella, no teniendo ya más que inquirir, por no poder pasar de aquí su conocimiento en esta vida. Y sí por haber hecho algunas veces este discurso negativo y concepto superior está ya el entendimiento ilustrado prácticamente y persuadida de esta magnificencia y superioridad de Dios sobre todo ser criado, no tiene necesidad de hacer de nuevo este discurso y levantado aprecio, sino entrarse con la luz sencilla de la fe en el que tiene ya hecho, y dar a la eficacia de la voluntad lo que había de dar al nuevo ejercicio del entendimiento.

Por remate, toda esta doctrina la califica el mismo San Dionisio con decir, que este modo de subir a Dios por negación de todas las cosas conocidas y de todas sus semejanzas, llevando por guías las noticias divinas que de él nos da la fe, y por motivos los recibos sobrenaturales de los dones del Espíritu Santo, fué indroducido por los Apóstoles y antepuesto a todos los demás modos de subir al conocimiento y amor de Dios, y por el más excelente y provechoso de todos. Theologi nostri ascensum qui per negaciones fit, anteposuerunt, ut qui animum a ibi cognitis familiaribusque rebus abducat, et per divinas ommes notitias, atque perceptiones ambulat.




Respuesta a una duda de la doctrina

Je reprend le texte établi par le P. Max de Longchamp : sa présentation et sa traduction française figurent dans le dossier de Quiroga en français.

§

Respuesta a una duda de la doctrina de N'ro. Santo P.e fr. Juan de la Cruz en materia de Oracion.

1. Las palabras de n'ro. S.to P.e que V. R.a propone para que se las declare51 (conviene a saver que el Espiritu Santo ilumina al entendimiento recogido al modo de su recogimiento) contienen el buen logro de los recivos sobre naturales en la oracion. Y quanto a lo primero esta proposicion es certissima en la doctrina mistica y escolastica de los principios de ella. Por que como prueba S.to Tomas52, la iluminacion divina como qualquiera otra forma espiritual se comunica al alma al modo del que la recive, o a lo sensible, o a lo espiritual, o a lo particular, o a lo universal : y asi toca al que la recive disponerse para que se le comunique, o con la medida chica (como dicen) a lo sensible, o con la grande a lo intelectual. Al mismo proposito dice San Dionisio53 : la desemejança de los ojos y vistas intelectuales hace que la donacion de la luz que viene de la plenitud de la bondad paterna, o del todo no sea participada, o que la[s] participaciones sean diferentes : conviene a saber o pequeñas o grandes, o escuras o claras, siendo uno mismo y sencillissimo el rayo que sale de la fuente de la luz, y se estiende igualmente sobre todos los entendim.tos racionales.

2. Con esto queda verificada la proposicion de n'ro. S.to Padre, a la qual añade luego qual es el recogimiento mas proporcionado con la iluminacion divina diciendo : porque como el entendim.to no puede hallar otro recogim.to mayor que en fe, no le (f° 254) alunbrara mas el Espiritu S.to en otra cosa que en fe : Esto dice aqui y lo repite en otras partes. Porque como prueba Santo Thomas54 lo que ilustra la iluminacion divina en la contemplacion endiosada es lo que la fe representa sencillamente al entendimiento [;] la utilidad deste recogim.to en luz sencilla de fe, y como en el se transforma el alma contemplativa en Dios por medio desta divina luz, y se dispone para ser movida del como instrumento suyo, lo significa el Apostol quando dixo hablando de nuestra contemplacion55, como afirman muchos santos : nosotros con faz descubierta de velos contemplando como en espejo la gloria del Señor nos transformamos en la misma imagen subiendo de claridad en claridad como movidos del espiritu del Señor. Esto dice el Apostol. Y declarando con S. Buenavent.a 56 este espejo en que recogido a su interior contemplava la gloria de Dios, se a de advertir que segun la luz de que esta vestido el entendim.to, asi sera el espejo de su contemplacion, si de la luz natural sera espejo humano, y si de la luz de fe, sera espejo divino. Pues para significar que su recogim.to era en luz de fe dice, que desnudaba al entendim.to de todos los velos de las semejanças de las cosas criadas, que le podia hacer espejo humano, y vestido de la luz de la fe contemplava como en espejo divino la gloria del Señor a lo inmenso y no limitado. Y como esta divina luz, segun declara S. Dionisio57, traslada al entendimi.to en Dios y le adiviniça y hace instrumento suyo para que sea movido del, por eso dice el Apostol que en este espejo divino se transformava su entendim.to en la gloria del Señor que contemplava, y como movida del iba subiendo de una iluminacion a otra.

(f° 255) 3. Desta manera declara San Buenavent.a estas palabras del Apostol, y dellas hace tambien memoria S.to Thomas58 para persuadirnos que la semejanza sobrenatural de Dios no la alcança el entendim.to en la oracion con su operacion propia movida de la luz natural, sino disponiendose para recevir en si como en espejo la operacion de Dios y su divina semejança. Para lo qual dice que se a de disponer imitando las propiedades del espejo material, particularmente las tres que el mismo Santo señala. La primera que este determinado a lo que se a de representar en el : lo qual se hace en n'ro caso con la atencion a Dios en luz de fe que le proporciona con el. Porque como prueba en otra parte el mismo S.to 59 para que uno se lebante a lo que excede su naturaleza se a de preparar con alguna disposicion tanbien sobrenatural : y desta manera se dispone n'ro entendim.to con la luz de la fe para los recivos sobrenaturales de Dios. Y como en el espejo ponen acero en la parte inferior para que asi recogido retenga y represente la imagen de lo que se le pone delante, y de la parte superior queda descubierto de todas las cosas que le podian estorbar esta representaciô. : Lo mesmo a de hacer el entendim.to para ser espejo divino, que a de tener muy cerrada la vista que mira acia el cuerpo de donde recive las semejanças de las cosas que entran por los sentidos, y muy abierta la vista superior que mira acia Dios para recevir en si su divina imagen como la fe se la representa, y transformarse en ella. y con este quedara dispuesto para ser ilustrado y movido de la iluminacion y influencia divina : la qual en esta disposicion le va lebantando de una claridad y conocimiento (f° 256) experimental de Dios en otro mayor, como a n'ro. proposito lo declara muy en particular S. Dionisio60.

4. La segunda calidad del espejo material es que este fixo y quieto y de ninguna manera mobible ni inquieto : esta misma a de tener el entendim.to en la contemplacion provechosa. La raçon desto da S.to Thomas61 diciendo, que el movim.to en la oracion es acto imperfecto, y que por eso es acto perfecto el de la contèplacion, porque se asemeja mas a la quietud que al movimiento : y que por lo mismo se llama ocio la contemplacion, porque en ella queda quieta el alma no solo de los movimientos exteriores, mas tanbien de los interiores del entendim.to. Y en otra parte dice a este proposito el mismo santo62, que a la perfecta contemplacion, qual es la que llaman circular, que contempla a Dios a lo inmenso de fe sin principio ni fin, anda anexa la inmovilidad quietissima. Tanbien S. Gregorio63 dice al mismo proposito estas palabras : nunca la contemplacion se junta con la inquietud : porque el entendimiento inquieto no puede contemplar lo que aun estando quieto se le va de vuelo. Cuyo exemplo vemos en el rayo del sol, que no se nos discubra bien quando las nubes inquietas turban el ayre, ni en el agua de una fuente si esta movida se representa bien la imagen del q'. se mira en ella, como quando esta quieta. y en otra parte añade el mismo Santo64, que esta quietud en la contemplacion no es sin probecho : porque en ella se hermosea el alma con la virtudes que agradan al esposo, y tanto mas, quanto esta quietud atenta a Dios es mayor.

5. La tercera calidad del espejo material, que a de imitar (f° 257) en la contemplacion el espiritu del contemplativo es, que este puro y limpio para que pueda representar perfectamente la imagen de lo que tiene delante. y a este proposito dixo el Salvador65 : bienaventurados los limpios de coraçon porque ellos veran a Dios. Las quales palabras declara Sto. Thomas66 de la contemplacion desta vida diciendo : en el estado desta vida conocemos a Dios antes conociendo lo que no es, que aprehendiendo lo q'. es, y por eso quanto al estado del destierro se pone la pureza del coraçon para contemplar a Dios no solo de los aligos de las pasiones, sino tanbien de las semejanzas que proceden de la fantasia ; y de las formas espirituales, que el alma forma dentro de si, de todas las quales enseña S. Dionisio que se an de desnudar los que caminan a la contemplacion divina : todo esso es de S.to Thomas. Y S. Agustin67 declarando estas mismas palabras dice, que en el sentido dellas, lo mismo es coraçon limpio, q'. coraçon sencillo. Esto mismo confirma S. Bernardo68, y declara los efectos de la divina iluminacion en el espiritu desta manera limpio diciendo : en estando limpio el espejo del animo no solo de peccados, mas tanbien de pensamientos, le comiença a entrelucir el resplandor de la luz divina, y a aparecerse a los ojos esprituales el inmenso rayo de la iluminacion no acostumbrada, con la qual inflamado el animo, comiença a contemplar con la vista purificada las cosas divinas, y a amar a Dios y a unirse con el, y a menospreciar con el afecto todas las cosas, que son como sino fueran y solo insiste en el amor, sabiendo q'. solo aquel es bien aventurado q'. ama a Dios.

(f° 258) 6. Todo esto es de S. Bernardo, y estos aprobechamientos de perfeccion le vienen al alma del modo de su recogimiento proporcionado con la luz divina. Por lo qual declarando S. Dionisio69 estos efectos de la divina iluminacion, particularmente como va purificando al entendimiento, inflamando la voluntad y renovando a lo divino todas las fuerças espirituales, los remata diciendo, que siempre va aventajando al alma segun la proporcion de su vista con la luz divina. La qual proporcion califico la Sabiduria eterna humanada70 quando dixo que como Dios es espiritu en espiritu y verdad (que es la luz de la fe) queria ser adorado de sus verdaderos adoradores. De todo lo qual quedara mas conocido con quanto raçon dixo S. Lorenço Justiniano71 que de solo Dios era dar el gusto de la oracion y el afecto de la devocion, pero del hombre es hallar el modo probechoso de orar. Conocerase tanbien quan verdadero es la proposicion ya referida de n'ro S.to Padre : que el Espiritu Santo ilumina al alma recogida al modo de su recogimiento, y que el recogim.to mas util para ser iluminada de Dios es en la luz de fe con la qual el entendim.to se hace espejo divino para representar en si a Dios a modo sobre natural y ser iluminado del.

7. Despues que S.to Thomas uvo declarado como se ha de disponer el entendimiento en la contemplacion para recevir en si desta manera a modo de espejo divino la imagen sobrenatural de Dios, declara72 como se ha de disponer la voluntad para recevir en si la misma imagen a modo de cera blanda y bien dispuesta para la impresion del sello divino. Este sello es la gracia, que, (f° 259) como dice el mesmo Santo73, es una semejanza de la Divinidad participada en el hombre, y imprime en la voluntad la caridad que procede della, quando ella se dispone para recevir esta feliz impresion. y asi la semejanza de Dios que este sello divino imprime en la voluntad es la mesma caridad, por medio de la qual quando esta perfectamente arraygada en el alma y apoderada della, se une con Dios. Pues desta diferècia que ay entre los actos destas dos potencias para recevir en si la semejança y participacion de Dios, se reconocera la disposicion que en la contemplacion an de tener para esso. Porque a la perfeccion del espejo pertenece la quietud y fermeça como ya vimos, y por eso nos persuade S. Dionisio74 que para recevir el entendimiento la iluminacion divina, no solo se ha de desnudar de todas las semejanças de las cosas criadas, mas tanbien se ha de dexar a si mesmo, esto es toda operacion activa movida de su luz natural y propia habilidad porque con ella se indispone para recevir en si como en espejo limpio y quieto la semejanza divina que la fe le repres[en]ta.

8. Pero la voluntad como ha de recevir en si esta divina imagen como cera bien dispuesta para la impresion del sello divino, y es cera animada [,] puede ayudar con su esfuerço para esto : porque quanto mas intensamente se une la cera con el sello, tant mas perfectamente queda señalada en ella la imagen del mismo sello, y a este proposito declara Santo Thomas75, que de tal manera mueve el Espiritu S.to la voluntad al acto de amor, que quiere que tanbien ella sea motora (f° 260) del. y por eso el aliento de la voluntad asi en la contemplacion como en las demas obras ordenadas a Dios es de tan gran importancia para la perfeccion dellas, que dice el mesmo Santo76 que a la medida deste esfuerço se da el aumento de la caridad. Y en otra parte77 declara como con este aliente y esfuerço de la voluntad dispone el Espiritu Santo al alma para los aumentos de gracia y perfeccion que quiere introducir en ella mas o menos segun su divina Voluntad. De todo lo qual parece que toda la profundidad de los libros de San Dionisio en orden a nuestra contemplacion se ordina a que el entendimiento este en ella sencillo con atencion de fe, y la voluntad alentada y estendida a Dios para transformarse en el por amor y semejança. Y para que la contemplacion sea mas afectiva que especulativa y asi mas probechosa, se a de aplicar la intencion del animo mas al afecto que al conocimiento. Porque como declara Santo Thomas78, donde la intencion se aplica, alli arroja el alma su eficacia, y si se aplica al conocimiento, dexa ineficaz a la voluntad, aviendose de ordenar la oracion principalmente a encenderla en el amor de Dios y unirla con el.

9. Por remata desta materia advierte el mismo Santo79 al contemplativo, que para la utilidad de la contemplacion y recevir el entendimiento en si como en espejo divino la imagen de Dios, conviene que le represente muy cerca. Porque asi como en el espejo material en la mayor distancia de lo que se le pone delante se representa menor semejança, y en la menor distancia se representa esta semejanza con mayor lleno y (f° 261) perfeccion : lo mesmo sucede en lo que se representa en el entendimiento, entendiendolo quanto a la representacion [de] Dios, no de la distancia local, ni de la cantidad material, sino de la distancia de aptitud, y de la cantidad virtual. y trae a este proposito lo que dice San Dionisio80, que las cosas cercanas a Dios tanto estan mas ilustradas y adiviniçadas quanto de mas cerca participan de su comunicacion y virtud.






Apología mística en defensa de la Contemplación divina

(f° I) APOLOGíA MíSTICA EN DEFENSA DE LA CONTEMPLACIóN DIVINA CONTRA ALGUNOS MAESTROS ESCOLáSTICOS QUE SE OPONEN A ELLA

PRUÉBASE CON LA AUTORIDAD DE LAS DIVINAS LETRAS Y DOCTRINA CONCORDE DE LOS SANTOS QUE ESTA CONTEMPLACIóN FUE DADA POR DIOS, DESDE EL PRINCIPIO DEL MUNDO A SUS GRANDES SIERVOS, ENSEÑADA POR CRISTO A SUS APóSTOLES Y PREDICADA POR ELLOS COMO SABIDURíA DEL CIELO, A SUS DISCíPULOS PARA QUE LA COMUNICASEN A TODA LA IGLESIA

(f° II) IHS MARíA

Prólogo al lector

Uno de los mayores daños que padece la virtud en estos tiempos es el estar tan desusada la verdadera contemplación que Dios por singularísimo beneficio concedió a los hombres para tener en la tierra su familiar comunicación con ellos y hacerlos participantes de su divinidad y de las riquezas del cielo, que no sólo las personas ignorantes, mas también muchos de los que se tienen por maestros en la teología escolástica, alcanzan tan poca noticia de la mística, que hacen poca diferencia entre la verdadera contemplación enseñada por Dios a sus fieles, y la falsa y engañosa que ha introducido el demonio en gente vana y soberbia, con notable daño de la gente sencilla y devota. Y como nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz ilustró tanto nuestro siglo con las verdaderas noticias de la contemplación de Dios, enseñándola en su pureza y cerrando con ella la puerta a los engaños del demonio, ha procurado este enemigo por diversos caminos oscurecer esta purísima luz, y uno es despertar a algunos maestros escolásticos pocos versados en materias de espíritu, para que la contradigan pareciéndoles que es contraria a la buena filosofía y teología escolástica, siendo en todo tan conforme a ellas. Y habiendo yo trabajado algo para sacar de este engaño a uno de estos maestros con lugares de las divinas letras (f° III) y doctrina concorde de los santos, deshaciendo con ella los argumentos con que se oponían a esta sabiduría apostólica, ha parecido a algunas personas doctas que conviene comunicar este trabajo a la gente sencilla, para que en el hallen reparo de las malas doctrinas que en materia de contemplación intelectual corren en nuestra era. Y así obedeciéndolos, he acomodado esta respuesta no a modo de disputa, ni refiriendo en forma los argumentos contrarios para impugnarlos, sino a modo de declaración llana y cierta de la verdad apurada, como lo ha menester la gente sencilla ; y de camino se apuntarán las dudas contrarias y se satisfará a ellas, cuanto baste para dar fundamento a la doctrina de desengaño, y ocasión y materia a los hombres doctos que a modo de disputa quisieren defenderla. Porque mi intención no es de disputar estas materias, sino de ayudar con la verdad de ellas a las almas devotas, para que por temores vanos no dejen de aprovecharse de tan alta luz de oración y espíritu, como nuestro venerable Padre les dio en todos sus tratados. 

(f° VII) TABLA DE LOS CAPíTULOS DE LA APOLOGíA MíSTICA

Capítulo 1 Que los autores modernos a quien algunos escolásticos se oponen, no enseñaron doctrina nueva de contemplación divina, sino a ejercitar bien la que Dios había enseñado a sus verdaderos amadores f° 1

Capítulo 2 Cómo hay dos maneras de contemplación divina, una más elevada que otra, y cual de ellas nos persuadieron los santos f° 9

Capítulo 3 De la falsa contemplación de los Alumbrados, y de los grandes desatinos y errores que el demonio les persuadía en ella f° 17

Capítulo 4 Donde se declara el acto propio de la verdadera contemplación, y algunos de las excelencias con que los santos la engrandecen f° 25

Capítulo 5 Que a este acto de contemplación hace inseparable compañía la quietud sencilla y veladora donde Dios se comunica a los verdaderos contemplativos f° s8

Capítulo 6 Donde se declara más esta quietud de la contemplación y cuán pocos son los contemplativos que la guardan como los santos la aconsejan f°49

Capítulo 7 Que el esfuerzo de la voluntad en quietud del entendimiento ayuda a los efectos de la contemplación y cómo se ha de procurar en ella f° 58

(f° VIIIa) Capítulo 8 En qué tiempo y con qué circunstancias se ha de ayudar al esfuerzo de la voluntad en la oración para que sea provechoso f° 69

Capítulo 9 Que en el acto universal y sencillo de la contemplación está el alma toda empleada en Dios y en ejercicio de todas las virtudes f° 79

Capítulo 10 Donde se responde a algunas objeciones opuestas a esta contemplación deshaciéndolas con la doctrina de San Dionisio emanada de los Apóstoles, y se trata de las visiones sensibles f° 87

Capítulo 11 De la seguridad y excelencia de las visiones intelectuales que levantan al hombre a verdadero conocimiento de Dios y participación de su santidad f° 95

Capítulo 12 Del concepto supersustancial con que ha de caminar el entendimiento a Dios en la contemplación para participar el alma de sus divinas perfecciones f° 107

Capítulo 1s Que en la contemplación quieta que llaman los místicos "pasiva" tiene el alma propia operación así en el entendimiento como en la voluntad f° 114

Capítulo 14 Cuán aconsejada fu de los santos la continuación no interrumpida del acto sencillo de la contemplación para recibir los efectos de ella f° 121

Capítulo 15 Cómo se ha de variar la oración con provecho y sin impedir los principales efectos de la iluminación divina f° 127

Capítulo 16 Cómo se han de ejercitar las memorias de la (f° VIIIb) humanidad de Cristo Nuestro Señor dentro de la contemplación sin estorbar los principales efectos de ella f° 1s8

Capítulo 17 Que en criando Dios al hombre le comunicó la contemplación intelectual sencilla para que a modo de ángel viador lo contemplase y venerase f° 149

Capítulo 18 Que la misma contemplación concedió el Señor en la Ley de Naturaleza a otros santos Padres con particulares favores f° 158

Capítulo 19 Que cuando dio el Señor a Moisés la Ley Escrita y a Elías la forma de vida perfecta, les comunicó también esta contemplación divina f° 16s

Capítulo 20 Cómo en otros tiempos de la Ley Escrita nos dio el Señor noticias acreditadas por sus profetas de esta contemplación donde él se nos comunica f° 175

Capítulo 21 Que llegado el tiempo de la Ley de Gracia, enseñó Dios por su boca esta contemplación que antes había enseñado por boca de sus profetas f° 181

Capítulo 22 Cómo enseñaban los Apóstoles a sus discípulos la contemplación que habían recibido de Cristo Nuestro Señor para que la comunicasen a toda la Iglesia f° 188

Capítulo 2s De los efectos de la contemplación divina y cómo en ella se recibe la operación de Dios para los bienes sobrenaturales que hacen semejante a él al hombre f° 198

Capítulo 24 De dos maneras de mover Dios al alma en la oración, una común y otra extraordinaria, y cómo se han de haber en la común para no estorbarla f° 207

(f° IX) Capítulo 25 De las mociones de auxilios particulares que hace Dios al alma contemplativa, unas veces a lo suave y otras a lo penoso para purificarla f° 216

Capítulo 26 Que en la fragua de la tribulación va Dios despojando al alma de sus imperfecciones, y primero de los hábitos viciosos adquiridos en la parte espiritual f° 225

Capítulo 27 Cómo en esta fragua purgativa despoja Dios al alma de las imperfecciones naturales del hombre viejo para vestirla de sus resplandores f° 2s6

Capítulo 28 Que después de purificada el alma de las imperfecciones adquiridas y naturales la visten a lo divino para unirla con Dios f° 245

Capítulo 29 De la unión transformada en Dios donde restituyen al alma en el paraíso interior de que fu desterrado Adán por el pecado [f° 252]



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(f° 1) COMIENZA LA APOLOGíA MíSTICA EN DEFENSA DE LA CONTEMPLACIóN

Capítulo 1 Que los autores modernos a quien algunos escolásticos se oponen, no enseñaron doctrina nueva de contemplación divina, sino a ejercitar bien la que Dios había enseñado a sus verdaderos amadores

Para satisfacer convenientemente a lo que Vuestra Paternidad me dice en su carta, que lo que nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz escribió de oración mental en el libro segundo del tratado que intituló La Subida del Monte Carmelo, donde quita a los ya contemplativos el discurso de la razón, y les aconseja que asistan a Dios en una advertencia sencilla y amorosa de fe (f° 2), sabe a la doctrina de los Alumbrados, es necesario detenerme más de lo que permite carta misiva. Porque de tomar estas materias místicas a poco más o menos, viene lo que vemos en muchos hombres doctos en las escolásticas, que revolviendo para ellas tan de ordinario los libros de Santo Tomás, reparan tan poco en lo que escribió en ellos de la teología mística, que hablan de ella con gran desalumbramiento y notable desacierto, con lo cual hacen grandísimo daño a la Iglesia de Dios, estorbando a las almas devotas los medios por donde caminaban a la perfección de la vida cristiana, que es la unión del alma con Dios, ad quam sicut ad finem ordinantur omnia quae pertinent ad spiritualem vitam.

A la cual unión ha de caminar el alma contemplativa como por camino real y disposición proporcionada por conocimiento espiritual y sencillo en quietud de los actos de la razón, como enseñan San Dionisio y todos los demás santos : propter divinam pacem animae largissimas collocatorum rationes unientes, et ad vitam intellectualem congregantes puritatem, proveniunt juxta proprietatem suam via et ordine per immaterialem et simplicem intellectum ad eam, quae est super intellectum unitionem . Pues como las almas sencillas que van bien guiadas por este camino vean de contrario parecer a hombres tenidos por doctos, turbanse ; y estando (f° s) muchas veces bebiendo esta sabiduría del cielo en su misma fuente, los hacen volver a los arroyos turbios con el temor que los ponen, de lo cual se desagrada mucho Nuestro Señor, porque desea comunicarse a las almas sin estorbos, y ellos se los ponen.

Y que nuestro venerable Padre ni en este libro ni en otro ninguno de los suyos no haya enseñado doctrina nueva, sino la que la sabiduría divina vestida de nuestra carne buscó con su venida al mundo, y de él la aprendieron sus Apóstoles y la comunicaron a su Iglesia, consta de los escritos de los santos que de ellos la recibieron. Y si para esto consultamos a San Dionisio, archivo fidelísimo de esta doctrina apostólica, nos dirá cuán concorde está con ella la de nuestro venerable Padre. El cual, después de haber declarado la contemplación divina de los buenaventurados en el cielo, nos declara la que habemos de ejercitar en esta vida para que sea provechosa diciendo : Nunc autem, sicut nobis est possibile, prius quidem ad divina signis utimur, et ex ipsis rursus ad simplicem et unitam intelligibilium miraculorum veritatem proportionaliter extendimur, et post omnem secundum nos deiformium unitionem, sedantes nostras intellectuales operationes, ad supersubstantialem radium, secundum quod fas est, nos immittimus.

En las cuales palabras nos declaró (f° 4) el principio, medio y fin de nuestra contemplación para caminar a ella proporcionadamente y hacerla provechosa. De la cual ha de ser el primer paso valernos de figuras y semejanzas conocidas de que se vale el discurso de la razón, para levantarse el entendimiento a su modo por ellos al conocimiento de los misterios divinos. Este escalón dice este santo que ha de dejar luego, desasiéndose el entendimiento de aquellas figuras y semejanzas materiales, y con las noticias que ellas le dieron, entrarse dentro de sí mismos a ponderar en quietud sencilla con su luz natural (ilustrada de la fe) el misterio de que estas semejanzas le dieron conocimiento . Y porque todo esto es imperfecto y de poco provecho si en ello parase nuestra oración (Nullum enim effectum haberet investigatio rationis nisi ad intelligibilem veritatem perduceret. ), añade luego este doctísimo intérprete de los apóstoles, que después de toda la ponderación de nuestra razón y luz natural, si quiere el alma hacer provechosa su contemplación y recibir el caudal sobrenatural a que ella se ordena, ha de quietar el entendimiento en todas sus operaciones movidas de esta luz natural, y vestido solamente de la luz de la fe que le proporciona para la iluminación divina, se engolfe a lo inmenso e incomprensible en el conocimiento oscuro de la divina grandeza ; y en esta disposición, se anega en el rayo supersustancial de la luz divina sobre todas las sustancias (f° 5) criadas para ser iluminado de ella.

Ésta es la doctrina de nuestra contemplación que nos enseña San Dionisio, y la misma nos enseñan los demás santos como veremos adelante. Y porque aunque nos dice los preámbulos de ella no nos declaró el tiempo que nos habíamos de detener en ellos, añadió nuestro venerable Padre a esta misma doctrina (en el lugar que Vuestra Paternidad acusa) la sustancia de estos preámbulos que ha de tener el alma para pasar sazonadamente al fin de ellos (que es la contemplación sencilla en luz de fe). La cual disposición es haber ya adquirido hábito de meditación de las cosas que ayudan a la contemplación ; y pone admirables señales prácticas para conocer esta sazón y que tiene ya adquirido este hábito. Y así no sólo no enseña doctrina nueva, sino antes pone medios convenientes y proporcionados para ejercitar convenientemente la que enseñaron los apóstoles y los santos.

Asimismo el acto de contemplación (que según los autores doctos así místicos como escolásticos es : simplex intuitus increatae veritatis , conviene a saber, vista sencilla de Dios en luz de fe sobre los actos de nuestra imaginación y razón), lo practicó nuestro venerable Padre sustancialisimamente, muy acomodado a la gente sencilla, llamándola "advertencia sencilla y amorosa a Dios" en luz de fe ; en las cuales palabras (f° 6) incluyó la disposición que pide San Dionisio para estar el alma en la oración presente a Dios y descubierta a su iluminación e influencia, conviene a saber, revelata mente et ad divinam unitionem aptitudine , esto es que el entendimiento esté desnudo y descubierto de todas las semejanzas de las cosas sensibles que entraron por los sentidos y son velos que se oponen entre Dios y el alma para poder recibir su divina iluminación, y que la voluntad esté inclinada a Dios por amor o deseo de agradarle y unirse con él. Y entrambos estos dos actos incluyó nuestro venerable Padre en las palabras ya referidas ; porque en la advertencia sencilla a Dios señaló el acto del entendimiento como este santo le pide, y en decir que sea amorosa, señaló el acto de la voluntad y acomodólo a nuestro modo práctico que todos puedan entender y ejercitar.

Y hase de advertir que no desechamos en la contemplación divina los actos de la razón humana porque sean malos, pues es luz dada de Dios para su gobierno natural y caminar en sus operaciones virtuosamente ; y así cuando en las cosas humanas y naturales consultamos la razón, a Dios consultamos que nos la dio para nuestra dirección acertada en ellas ; sino desechámosla por no suficiente para el fin sobrenatural que en la contemplación divina pretendemos, que es el conocimiento y (f° 7) amor con que nos habemos de unir con Dios, y la reformación y renovación de los defectos del hombre viejo que el Apóstol nos pide por esta unión . Porque el movimiento de la razón, aunque esté informada por las virtudes teologales, no basta para esta reformación e iluminación si de arriba no viene el instinto y moción del Espíritu Santo por medio de sus dones , según aquello del Apóstol : "los que son movidos de Dios esos son sus hijos " ; y lo que dice el Profeta : "tu espíritu bueno me llevará a la tierra escogida ". Porque a esta heredad celestial de los bienaventurados, ninguno puede llegar sino fuere movido y guiado del Espíritu Santo. Y esta moción y guía es la que en la contemplación se pretende, y la que no se puede alcanzar por los actos de la razón, ni cuanto al conocimiento, ni cuanto a la reformación del embotamiento y dureza con que el espíritu humano quedó después del pecado , con todos los demás defectos de la naturaleza contra los cuales se dan al alma los dones del Espíritu Santo, como prueba Santo Tomás ; cuyos actos y efectos se ejercitan y reciben en la contemplación no impedida, y en la divina iluminación que de ellos procede para renovar todas las fuerzas del alma, como muy en particular lo va describiendo San Dionisio : Omnem mentem ex plenitudine ipsius illuminans, et intellectuales totas virtutes renovans.

Y no sólo es insuficiente para todo esto el (f° 8) movimiento de la razón, mas también impeditivo, porque cosa manifiesta es que cualquiera cosa que haya de ser movida, es necesario que se proporcione con su motor si quiere ser movido de él ; y como la iluminación e influencia de los dones del Espíritu no es discursiva ni raciocinativa, sino sencillísima y quietísima como semejanza participada del Divino Espíritu , con estas mismas cualidades conviene que se ponga el alma si quiere recibirla y ser movida de ella ; y como la perfección del movido en cuanto tal sea la mayor disposición para ser bien movido de su motor , cuanto más sencilla y quieta estuviere el alma en la oración, tanto más perfecta disposición tiene para ser movida e iluminada del Espíritu Santo por medio de sus dones. La cual disposición le quitan los actos de la razón discursiva en aquel tiempo ; y por eso dijo San Dionisio que esta divina iluminación está después de todos nuestros conocimientos, y que cuando los hayamos quitado todos, llegará el entendimiento a ella, porque cada semejanza de este conocimiento es como un velo o nublado que se pone entre Dios y el alma para no recibir su iluminación. Pues como nuestro venerable Padre siguió en sus tratados místicos la doctrina de esta clarísima lumbrera de la Iglesia, aconseja lo mismo que él enseñó en éste y en otros innumerables lugares de sus libros, donde llama a esta contemplación "sabiduría irracional" , esto es, superior a la razón. (f° 9) La cual ha de recibir el entendimiento vestido de sola la luz sencilla de la fe, que le proporciona para esta divina sabiduría por aquella regla general de Santo Tomás, que para levantarse el hombre a lo que excede su naturaleza, se ha de disponer a lo sobrenatural. Y según esta proporción, dice San Dionisio que va la luz divina adelantando en la perfección a las almas que la reciben.

De todo lo cual se puede conocer que, cuando los santos excluyen de la contemplación divina los actos de la razón, lo entienden aunque esté ilustrada con la fe, como claramente lo significó el mismo San Dionisio y Santo Tomás explicándole. Porque, aunque los filósofos cristianos hacen nos ventaja en el discurso de la razón a los filósofos naturales en tener fundamentos fijos de los misterios por donde ella camina, como de la inmortalidad de la ánima, de las cuatro postrimerías del hombre, de la creación del mundo, de la particular asistencia de Dios en las almas que están en gracia, de la encarnación del Hijo de Dios para reparar al hombre en todos los cuales y otros misterios que señala la fe no había cosa firme entre los gentiles pero, en el modo de caminar por ellos, la razón humana discurriendo por comparación de las cosas conocidas al conocimiento de las no conocidas y por la humanas a las divinas, tiene semejanza nuestro discurso con él de los filósofos naturales, y oscurece con sus objetos materiales y distintos al entendimiento para la contemplación sencilla de la fe, con que camina al conocimiento y amor sobrenatural de Dios a modo de ángeles viadores.

Capítulo 2 Cómo hay dos maneras de contemplación divina, una más elevada que otra, y cual de ellas nos persuadieron los santos

Siempre ha procurado el demonio oscurecer las obras de Dios y contrahacer para nuestro daño las que Su Majestad hace para nuestro provecho ; y como en tiempo del rey Faraón procuraba esto por medio de sus ministros contrahaciendo por su camino de engaño las maravillas que por virtud de Dios hacía Moisés, así ha procurado lo mismo en diversos tiempos de la ley de gracia ; y como por la contemplación sencilla en luz de fe se desnuda en cierta manera por entonces el contemplativo de la (f° 10) condición de hombre, y se viste de la dignidad de ángel que el demonio perdió por su soberbia para esta comunicación (Homo in quantum est contemplativus est aliquid supra hominem : quia intellectus simplici visione continuatur homo superioribus substantiis, quae intelligentiae vel Angeli dicuntur. ), no puede sufrir este enemigo ver al hombre tan levantado a la comunicación inmediata de Dios, y así procura estorbarla por mil caminos. Y aunque el ordinario es (como declaró nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz en sus libros místicos y lo experimentamos cada día) sacar al contemplativo del recogimiento intelectual y sencillo donde está bebiendo la sabiduría divina en su propia fuente, como dice San Dionisio (Quando anima ab aliis omnibus recedens postea et seipsam dimittens unita est supersplendentibus radiis, inde et ibi non scrutabili profundo sapientia illuminata... ), y traerle con alguna representación al parecer útil, a los actos de la imaginación y discurso de la razón donde pierde la inmediata comunicación divina y los recibos sobrenaturales de la iluminación e influencia de Dios, no se contenta aún con esto, sino añadiendo a unos engaños otros mayores, procura desacreditar esta contemplación del todo, por medio de los que comunmente llamamos "Alumbrados". Y para distinguir la luz de las tinieblas y la verdad de Dios de la mentira (f°11) y engaño del demonio, es necesario declarar primero la sustancia de esta verdad que toca a nuestro intento.

Esta sabiduría mística, que San Dionisio llama propia de los cristianos , se ejercita de dos maneras, y entrambas en luz sobrenatural, una más ilustrada que otra. Y Santo Tomás las diferencia llamando a la una "contemplación de fe ejercitada a nuestro modo humano ", porque esta luz, aunque cuanto a su hábito es sobrenatural, se nos concede su ejercicio a nuestro modo ; y a la otra llama "contemplación sobre nuestro modo humano", porque ilustrando los dones del Espíritu Santo la oscuridad de la fe, levantan el entendimiento a conocimientos más altos de las verdades divinas que el pudiera alcanzar por sí en la luz oscura de la fe. Estas dos maneras de contemplación diferenció también el venerable Ricardo de San Víctor , diciendo que la primera se ejercita por propia industria ayudada de la gracia, y la segunda solamente cuando la misma gracia llama ; y que por esto aquella se posee ya como en propiedad, y esta es como aventurera, que no se puede usar de ella sino cuando llama. La primera dice que fue significada en Aarón que entraba cuando quería a hablar con Dios dentro del Sancta Sanctorum , y la segunda en Moisés que subió a hablar con Dios en la cumbre del monte cuando Dios le llamó ; que así lo alto del monte como lo íntimo del santuario significa la contemplación divina donde Dios en el acto (f° 12) supremo del entendimiento y en lo íntimo del afecto que a este acto corresponde, se comunica al alma. Y en otra parte, declarando este grandísimo autor la felicidad de la una contemplación y la utilidad de la otra, dice : "aunque la contemplación más elevada es más feliz, pero, cuanto al mérito, mayor me parece que la tiene la que favorecida de la gracia se levanta de la intención e intension propia, que aquella que procede de sola iluminación o inspiración divina. " Estas dos maneras de contemplación declara también nuestra Madre Santa Teresa en el capítulo veinticinco del Camino de Perfección, y llama a la primera "oración mental" y a la segunda "contemplación perfecta ".

En la contemplación que con la luz de la fe se ejercita a nuestro modo humano, somos ayudados del auxilio común de la gracia ; y como ésta no se niega a nadie, la podemos ejercitar siempre como aquí dijó Ricardo. Pero la que se ejercita sobre nuestro modo es movida de auxilios singulares que Santo Tomás pone a cuenta de milagrosos, y así no la podemos ejercitar sino cuando Dios para particular moción la concede . Y aunque entrambas estas maneras de contemplación son ilustradas de los dones del Espíritu Santo, particularmente del don de sabiduría, pero de muy diferente modo. Porque la primera es iluminada con iluminación proporcionada con el auxilio común de la gracia a que corresponde, para que con ella vaya caminando el hombre a su modo a alcanzar su salvación y perfección, y esta iluminación a ninguno de los que están en gracia se niega, como dice el mismo santo (et hoc nulli deest sine peccato mortali existenti : quia (f°1s) si natura non deficit in necessariis, multo minus gratia ! ) ; y así no tienen ninguna disculpa los que dejan de ejercitarse en esta contemplación diciendo que no tienen natural acomodado para ser contemplativos, pues esta gracia común de contemplación con que la naturaleza se puede ir reformando no se niega a ninguno de los que están en gracia. La otra iluminación del don de sabiduría corresponde a los auxilios singulares de la gracia y no se concede a todos, sino a solos aquellos que Dios quiere levantar a conocimiento más ilustrado de misterios más levantados, y así la contó el Apóstol entre las gracias gratis datas .

Asimismo para descubrir después mejor los engaños que ha procurado introducir el demonio por este camino de contrahacer la verdadera contemplación, conviene advertir que, como para estas dos maneras de contemplación que ya quedan declaradas hay dos maneras de auxilios y de iluminaciones, así también hay dos maneras de éxtasis o suspensiones : una a nuestro modo y otra sobre nuestro modo. A la una llama Santo Tomás "intencional ", cuando el contemplativo sin estar enajenado de los sentidos, deja todas las semejanzas de las cosas que entran por ellos y pone toda su intención en vacar con la luz de la fe al conocimiento y amor de las cosas divinas. Lo cual dice que ha de hacer cualquiera contemplativo y amador de Dios si quiere hacer provechosa su contemplación : et sic (f° 14) in excessu mentis sive in extasi est quilibet divinorum contemplator et amator. A esta misma suspensión intencional llama San Dionisio "éxtasis de fe" , y declarándola el mismo Santo Tomás en la exposición de este lugar, dice : ipse per veram fidem est passus extasim veritati, qui extra omnem sensum est positus et veritati supernaturali conjunctus. Conviene a saber que el estar de esta manera en éxtasis de fe arrimado a la verdad, no es otra cosa que estar desnudo el entendimiento de todos los demás conocimientos, y unido a la verdad sobrenatural que representa la fe ; y todo esto es propio de la contemplación que podemos ejercitar a nuestro modo humano. Otra suspensión o éxtasis es sobre nuestro modo, cuando el entendimiento es levantado sobrenaturalmente a la contemplación muy elevada de las cosas divinas con enajenación de los sentidos, como en el rapto, y ésta se llama más propiamente "éxtasis" y "exceso" de espíritu.

La primera suspensión intencional ejercitada a nuestro modo está tan lejos de ser viciosa, que antes es muy loable y necesaria para hacer provechosa la oración mental, porque el hombre tiene obligación de levantarse al conocimiento de su criador y de sus divinas perfecciones por el camino que le es lícito y posible (Ea autem quae supra rationem sunt quaerere non est vituperabile sed laudabile : quia homo debet se erigere ad (f°15) divina quantumcumque potest. ) ; y mientras el entendimiento no se levanta sobre todos los actos y semejanzas de su conocimiento natural, no puede recibir la iluminación divina sobrenatural. Pero, querer aspirar por sus fuerzas e industria a la otra suspensión, con enajenación de sentidos y sobre nuestro modo humano, en que pone Dios a las almas contemplativas en el rapto y otros excesos de espíritu, es presunción soberbia condenada de los santos. Porque como la operación se ha de conmensurar con la virtud y posibilidad de el que lo obra, y ningún agente natural pretende hacer lo que excede de su facultad , es cosa viciosa y contra el orden natural que Dios puso en las cosas aspirar por su caudal a la contemplación infusa que excede su facultad y modo humano, y se condena por pecado de presunción soberbia : contra la cual escribió nuestra Madre Santa Teresa en muchos lugares de sus libros.

Estas dos maneras de contemplación tocó también San Dionisio, declarando la utilidad de la primera y condenando como cosa presuntuosa y soberbia querer para sí aspirar a la segunda . Había dicho poco antes que a las cosas inefables y no conocidas de nosotros, cuales son las divinas, nos habemos de unir a lo inefable y no conocido, en luz de fe, sobre la razón y operación intelectual de su propio conocimiento ; y después de haber dado la razón de esto añade a nuestro propósito diciendo : non tamen incommunicabile est summum bonum, sed in seipso singulariter supersubstantiale collocans radium uniuscujusque existentium proportionabilibus illuminationibus benigne superapparet, et ad possibilem ipsius contemplationem et communionem, (f° 16) et assimilationem extendit sanctas mentes quae ipsi, sicut est fas, et ut decet sanctos, se immittunt, et ne ad superius quam convenienter data Dei apparitione superbe praesumunt, sed cum reverentia sancta altius elevantur. En las cuales palabras, dice de la primera contemplación que los que la ejercitan como conviene por medio de la luz de la fe en disposición humilde y reverencia santa, les comunica Dios proporcionadas iluminaciones con que extiende las almas de esta manera dispuestas a su contemplación, como es posible en esta vida, y a su comunicación y semejanza por medio de ella ; y de la segunda dice que los que aspiran a levantarse por sus fuerzas a excesos de espíritu superior a ellas y a lo que la iluminación divina les concede, son presuntuosos y soberbios. Al mismo tiempo, dice San Lorenzo Justiniano : "Lo que por abundancia de caridad y visitación particular de la gracia experimenta el alma, presumir después llegar a ello no visitada ni llamada de Dios es cosa peligrosa y género de atrevimiento. " Pero, subir a esto por medios proporcionados, por donde se camina de lo imperfecto a lo perfecto, según la doctrina dada por los santos, esto no es presunción ni vicio ; y de esta manera dice el Apóstol que se extendía a las cosas superiores , conviene a saber, por continuo aprovechamiento . Pues esta contemplación que nosotros podemos ejercitar por medio de la luz de la fe y los auxilios comunes de la gracia a nuestro modo humano, es la que aconsejó y declaró San Dionisio en el capítulo primero de su Mística Teología y en otros muchos lugares de sus libros, y la que tanto persuadieron con espíritu de Dios los demás santos, y la que habemos de abrazar y ejercitar ; que la otra concedida sobre nuestro modo humano no es persuadible, y fuera acto vicioso aconsejarla, como lo vimos en el lugar poco ha referido de San Dionisio, sino disponernos para ella con esta otra, y cuando Dios la diere recibirla con humildad agradecida.

Capítulo 3 De la falsa contemplación de los Alumbrados y de los grandes desatinos y errores que el demonio les persuadía en ella

Sabida ya la sustancia de nuestra contemplación y cual es la que habemos de abrazar en nuestro ejercicio según la doctrina de los que tuvieron luz de Dios para enseñárnosla, conoceremos ahora mejor los engaños que en diferentes tiempos ha hecho el demonio con éstos que llaman Alumbrados para contrahacerla y desacreditarla, y poner en temor a los verdaderos contemplativos de quedar en espíritu sencillo y quieto huyendo de estos engaños ; y siendo éste el (f° 18) camino por donde habían de huir de ellos (pues el demonio no puede imprimir en el entendimiento humano, sino por medio de algún objeto sensible ; y en estando el alma en atención sencilla de fe, está como en lugar sagrado y cerrada la puerta a este enemigo), se vuelven a la consideración de cosas distintas donde el demonio puede tener mano.

Pues, lo primero que hace el demonio para introducir sus engaños es sembrar pensamientos y deseos poco humildes en los que pretende engañar, para hacerse con esto señor de la posada. Porque, así como la humildad dispone en el alma morada a Dios y abre la puerta para tener libre entrada a los bienes espirituales y divinos (Humilitas est quasi quaedam dispositio ad liberum accessum hominis in spiritualia et divina bona. ), así la soberbia es aposentadora del demonio y la que da entrada en el alma a sus engaños, y por eso dijo San Agustín que la soberbia merece ser engañada.

Persuádeles a éstos que consiste su aprovechamiento en tener en la oración grandes gustos e ilustraciones, y que pueden llegar a alcanzarlos por sus fuerzas y diligencias, quedando en quietud ociosa así de los actos del entendimiento como de los de la voluntad aunque sean los deseos, y aplicándolos a este propósito aquellas palabras que dice el Eclesiástico al verdadero contemplativo : "En el tiempo del (f° 19) vacío del alma escribe la sabiduría y aquel la recibirá y será lleno de ella que tuviere menos actos ". Con esto los ponía en la disposición que refiere nuestra Madre Santa Teresa en uno de los muchos lugares donde reprende esta ociosidad soberbia diciendo : "Las obras interiores son todas suaves y pacíficas, y hacer cosa penosa antes daña que aprovecha, y llamo penosa cualquiera fuerza que nos queremos hacer, como detener el huelgo. ¿ Cómo está olvidado de sí el que con mucho cuidado no se osa bullir ni deja a su entendimiento y deseos que se bullan a desear la mayor gloria de Dios, ni que se huelgue de que la tiene ? " En estas palabras, tocó nuestra Santa las principales calidades de los contemplativos ociosos que había en su tiempo, semejantes a los de los siglos antiguos, y que eran quedarse tan del todo ociosos en el entendimiento y voluntad, que aun los deseos se persuadían que los estorbaban ; y tras eso hacían algunas frívolas diligencias para ser levantados a éxtasis y arrobamiento con enajenación de sentidos, como ésta que aquí toca de detener el huelgo, que sólo eran eficaces para mostrar su pretensión soberbia y dar más jurisdicción al demonio en sus almas para engañarlas.

Devotos semejantes a éstos hace mención un autor espiritual más antiguo contra quien escribe, de los cuales dice que se quedaban en la oración ociosos de todos los actos de las fuerzas sensibles y espirituales, (f° 20) sin aplicación ni consideración amorosa a Dios, vueltos con la intención hacia sí mismos y hacia su descanso y deleite, llevados de su amor y del deseo de su comodidad, y dados al cumplimiento de su voluntad propia con capa de espiritualidad, engañados de su ignorancia y amor propio ; y se ponen en oración como quien para dormirse se arrulla con esta quietud natural en ociosidad de toda operación superior e inferior, y de esta manera aspiran a que Dios sin diligencia ni disposición suya los levante a éxtasis y excesos de espíritu. Éste es el primer género de estos contemplativos ociosos que este autor refiere, a los cuales no tiene el demonio licencia de hacer mayores engaños que tenerlos de esta manera embelesados y perdiendo tiempo, cebados de algún deleite sensible contrahecho que en esta quietud natural les procura. Porque, como dice San Agustín, no todo lo que el demonio puede hacer según su naturaleza le es permitido, sino sólo aquello que de sus obras injustas le da Dios justamente licencia para premio de los buenos o castigo de los malos.

Después que el demonio tenía muy desvanecidos algunos de estos falsos contemplativos, y hallado entrada en sus almas por medio de la soberbia, contrahacía los raptos de los verdaderos contemplativos, representándoles en la imaginación algún objeto deleitable y asentándole tan fijamente en el afecto sensible (f° 21) que los sentidos exteriores quedaban impedidos en sus actos, de manera que aunque les ponían delante sus objetos, no atendían a ellos. Lo cual es propio de estas intensas aprehensiones, como declaran los autores doctos y experimentados . Y en estas enajenaciones les hacía entender sus engaños y quedar tan persuadidos de ellos, que como tenían esta suspensión por verdaderos raptos, tenían también por revelaciones de Dios las cosas que en ella entendían, como los gentiles las que el demonio les decía en las Pitonisas de esta manera absortas y suspensas. De esta suerte, les hacía entender grandísimos desatinos con tanta persuasión que era espíritu de Dios, que siendo tan contrarios a toda buena doctrina, no había quien pudiese convencerlos de su engaño. De los cuales hubo muchas sectas, y las principales fueron los Begardos y Turelupinos contra quienes escribieron algunos autores píos de aquel tiempo, y nos dan noticia de sus errores de los cuales haremos aquí buena memoria, para que se vea que como su falsa contemplación dista de la verdadera no menos que la verdad dista de la mentira, así también distan sus efectos como de la luz las tinieblas .

Dicen pues estos autores que, fomentada esta falsa contemplación por los demonios, hacen entender a los de esta manera ociosos que, como unidos a Dios en una paz semejante a la que dice el Apóstol que sobrepuja todo sentido , quedan libres ya de todo gobierno (f° 22) y levantados sobre todos los ejercicios y culto de la Iglesia, sobre los preceptos de Dios, sobre su ley, y sobre todos los actos de las virtudes que por cualquiera modo puedan ejercitar. Porque están persuadidos que este ocio inútil en que están es de tan grande excelencia, que no se ha de perturbar por ningunos actos por levantados y meritorios que sean, por ser paz divina que excede a todo sentido y más aventajada que todas las virtudes, y que obrando Dios aquella paz y ocio en ellos, van contra la obra de Dios en impedirlo ; y están de esta manera tan ociosos de todo ejercicio y acto de virtudes, que ni dan alabanzas ni gracias a Dios, ni conocerle ni amarle, ni rogarle ni desearle quieren, porque piensan que han alcanzado ya todo lo que pueden pedir o desear, y que están ya tan pobres de espíritu como los que ya no tienen voluntad, y han dejado todas las cosas y viven sin propia elección y operación.

Piensan que de tal manera están sueltos y desocupados, que han trascendido ya todas las cosas, y que han alcanzado aquellas por cuya causa se han instituido los ejercicios y el culto de la Iglesia ; y de aquí les viene querer gozar de libertad y de ninguna manera querer obedecer a nadie, aunque sean los mayores prelados de la Iglesia. Y aunque en lo de fuera con una disimulación fingida hacen muestra de obedencia, en lo interior a ninguno se tienen por sujetos, ni en la operación (f° 2s) ni en la voluntad, y quieren estar libres y exentos de todas las observancias de la Iglesia. Tienen muy asentado en su parecer que, mientras uno trabaja por adquirir las virtudes y se ejercita en hacer la voluntad de Dios, no está aún perfecto ni ha llegado a experimentar la pobreza de espíritu y ocio superior a todo sentido de que ellos gozan. Y juzgan que están levantados sobre los coros de los ángeles y santos, y sobre todo el premio que se puede merecer, y que así no pueden ya adquirir más mérito, ni aprovechar más en las virtudes, ni caer de allí adelante en pecado alguno, porque están ya sin voluntad y entregaron a Dios su espíritu en quietud y ocio, de tal manera que ya están hechos una cosa con él y ajenos de sí mismos, interpretando a su modo lo que dijo el Apóstol del alma transformada en Dios que ya ella no vivía en sí sino Cristo en ella .

Cualquiera cosa que al cuerpo le agrada afirman que les es lícito ; porque como están ya reducidos al estado de la inocencia, ninguna ley les está impuesta ; y que de tal manera son ya instrumentos de Dios, que ya ellos no tienen operación propia, sino que todo lo que ellos hacen es operación de Dios y no suya ; y que por ser movidos de esta manera de Dios, no pueden estar sujetos a ningún gobierno humano ; e interpretando a su modo aquello de San Agustín : dilige, et fac quod vis , tened caridad y haced lo que quisiéredes, se entregaban a mil suciedades y torpezas, diciendo que para todo tenían licencia como perfectos en la caridad, y seguían sus afectos y (f° 24) antojos sin regla ni orden de la ley de Cristo. Afirmaban que no se había de orar vocalmente, sino sólo en quietud mental y cierta libertad de espíritu, que dicen no está sujeta a los preceptos divinos.

Éstos y otros desatinos hacía el demonio creer a estos miserables y falsos contemplativos en su modo de orar haragán y ocioso, procurando contrahacer falsa y viciosamente la contemplación divina de los verdaderos contemplativos y las mociones sobrenaturales que Dios hace en ellos para perfeccionarlos en la vida espiritual y divina. Con lo cual pretendía este enemigo desacreditar de tal manera con sus errores la verdadera contemplación sencilla y pura donde Dios se comunica a sus amadores, que temiendo caer en estos engaños, ninguno se atreviese a ejercitarla. Y aunque todos estos errores y desatinos están condenados por decretos de la Iglesia , no ha dejado este enemigo en nuestro siglo de mezclar entre la luz algunas de estas tinieblas en diferentes ciudades, de cuya cizaña purgó la era del Señor el santísimo tribunal de la Inquisición. Pues, si por estos engaños del demonio tuviésemos de dejar la contemplación divina que Dios concedió a los hombres para su perfección y recibir en ella las virtudes y dones sobrenaturales con que han de ser reformados a semejanza de Dios, ya el demonio había conseguido su fin. Por la cual, apartando la luz (f° 25) de las tinieblas y la verdad de la mentira, y verificando la excelencia de la doctrina mística de nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz que Vuestra Paternidad acusa, trabajaremos en averiguar cuatro cosas. La primera, si en la contemplación que él enseñó y enseñaron también los santos, quedan el entendimiento y la voluntad empleados en Dios con sus propios actos, y más perfectos y provechosos. La segunda, si esta contemplación la enseñó Dios en las Divinas Letras, así en el viejo como en el nuevo testamento. La tercera, como la ejercitaron y declararon los santos que tuvieron verdadera luz divina. Y la cuarta, si los efectos que salen de ella hacen al hombre virtuoso y verdadero imitador de Cristo según la perfección que él vino a enseñar al mundo.

Capítulo 4 Donde se declara el acto propio de la verdadera contemplación y algunas de las excelencias con que los santos lo engrandecen

Para declaración de la primera cosa que propusimos, se ha de saber que, de concorde parecer de santos y autores graves así místicos como escolásticos, la contemplación divina que Dios enseñó (f° 26) a sus amadores para caminar a la perfección con los influjos sobrenaturales que en ella se reciben, se ejercita en el acto perfectísimo del entendimiento que llamó San Dionisio "movimento circular ", así por su perfección significada en la figura circular, como por ser un acto universalísimo donde se mira a Dios sin principio ni fin sino como inmenso, como incomprensible, como infinito, según que nos le representa la luz de la fe sacada de las Divinas Letras, que nos significa a Dios con estos y otros nombres que llamó San Dionisio "privativos" , porque por modo de privación confesamos la soberanía inefable de Dios y la pequeñez nuestra para conocer su grandeza y hablar de él convenientemente ; y con esta privación se excluyen todos los conocimientos distintos y semejanzas particulares tomadas de nuestro conocimiento natural, por no haber ninguna que tenga proporción ni semejanza con la excelencia y majestad del criador, y así en lugar de guiar el entendimiento para conocerle, le apartará de su conocimiento.

Este movimiento circular y acto propio de nuestra contemplación declara Santo Tomás muy de propósito, y pone por calidad esencial del que se ha de ejercitar sobre los actos de la imaginación y de la razón, secundum quod omnes operationes animae reducuntur ad simplicem contemplationem intelligibilis veritatis , esto es, quedando reducidas todas las operaciones del alma a una contemplación sencilla de la verdad eterna en un acto (f° 27) universal, como la fe nos lo representa a lo inefable e incomprensible. Y para que este acto de la fe en que la verdadera contemplación se ejercita quede más entendido, se ha de advertir que así como hay dos actos del entendimiento, uno que llaman inteligencia de lo indivisible, donde no se divide ni compone y consiste en la aprehensión de la sustancia sencilla, y otro que podemos llamar compuesto, que consiste en la composición y división de las proposiciones , así también en el conocimiento de la fe hay otros dos actos : uno es la aprehensión sencilla de los objetos de la fe que es la primera verdad ; y otro es el conocimiento compuesto acerca de los misterios de la fe ordenados a esta verdad, o cuando la razón humana sirviendo a la fe divina hace razones al entendimiento para persuadirle a que con mayor facilidad y firmeza abrace esta divina luz . El primer acto de la fe en orden a nuestra contemplación se ejercita sin inquisición ni discurso en la que los autores místicos llaman "inteligencia pura" : specialiter tamen et proprie contemplatio dicitur quae de sublimibus habetur, ubi animus pura intelligentia utitur , porque aunque esta luz está en el entendimiento a modo compuesto, esta composición no es más que recibirla como verdad de Dios revelada a su Iglesia , y hecha una vez esta breve composición, no tienen necesidad de hacerla más los habituados en el ejercicio de la oración , porque (f° 28) la virtud de ella dura para que en los actos de contemplación se reciba esta verdad divina con suma veneración en su sencillez y pureza, sin ser necesaria para esto nueva composición.

Y entonces se cumple lo que dice Santo Tomás, quod quamvis fides sit de complexo quantum ad id quod in nobis est, tamen quantum ad id in quod per fidem ducimur sicut in obiectum, est de simplici veritate . Y por eso siempre que San Dionisio trata de la luz de la fe aplicada a nuestra contemplación, la llama unitionem super mentem , esto es, unión del entendimiento a las cosas divinas sobre sí mismo ; y da luego la razón de llamarla así diciendo que por ella se una a los resplandecientes rayos de la iluminación divina. Y al mismo propósito, dice Santo Tomás que la luz de la fe que interviene en la contemplación endiosada, est cognitio simplex articulorum quae sunt principia totius christianae sapientiae . Todo lo cual confirma lo que de Ricardo queda referido, que la verdadera contemplación se ejercita en la inteligencia pura, estando el entendimiento levantado sobre sí mismo en luz divina, como lo significó San Dionisio en estas palabras : mysticis autem secundum divinam traditionem super intellectualem operationem sumus uniti . De manera que para recibir el entendimiento sin estorbos la iluminación divina en la contemplación, ha de estar levantado en conocimiento de fe sobre los actos de su luz natural, de la cual disposición como de cosa tan esencial habemos de tratar adelante de propósito.

(f° 29) De este acto de inteligencia pura en que se ejercita la verdadera contemplación, nos refieren los santos y autores graves muchas y grandes excelencias. La primera y que hace mucho a nuestro propósito refiere San Dionisio, diciendo que el movimiento circular de nuestra contemplación preserva al entendimiento de falsedad y engaño . Y dando Santo Tomás la razón de esto en muchos lugares de sus libros, dice que en la primera operación del entendimiento donde aprehende la sustancia sencilla de las cosas, no puede haber error ni falsedad , y esto ahora esté en la luz natural de los primeros principios, ahora en la sobrenatural de la fe ; porque entrambas son luces dadas por Dios, la una para el acertado gobierno de la vida natural, y la otra para el ejercicio de la vida sobrenatural y caminar el hombre a su última perfección. Y así cuando el entendimiento toma estas luces en su sencillez y pureza como las recibe en la inteligencia indivisible, esta preservado de error y falsedad, como dice San Dionisio. Pero, en discurriendo la razón con esta luz, o componiendo, o dividiendo o raciocinando, puede errar por la aplicación de unas cosas a otras (quia rationem inducendo contingit errare per applicationem unius ad aliud). De donde conoceremos que si estos miserables alumbrados ejercitaran la verdadera contemplación en su propio acto donde está ocupado todo el espíritu en Dios, tuvieran tan cerrada la puerta del alma a las sugestiones del demonio, (f° s0) que no pudieran ser de él engañados ; pero como los hallaba ociosos sin aplicación del entendimiento a Dios, ocupábalos con lo que quería. Por lo cual San Buenaventura socorre a los contemplativos en los engaños que pueden padecer de parte de este enemigo cuando en la oración se les transfigura en ángel de luz, persuadiéndolos con una grave y docta exortación a que huyan de los aposentos sensibles del alma donde este enemigo puede armar sus lazos , y se entren en esta cámara real de la inteligencia pura, cerrada la puerta a la comunicación de los sentidos y a las representaciones de la imaginación, como nos lo aconsejó Cristo Nuestro Señor , para que allí estén seguros de sus asechanzas.

La segunda excelencia de la inteligencia pura en luz sencilla de fe refiere también San Dionisio, diciendo que así como por la luz de la razón hacemos asiento en nosotros mismos y somos nosotros, así por la luz sencilla de la fe salimos de nuestros términos y nos trasladamos en Dios, quedando por aquel tiempo deificados y hechos de Dios para ser de él movidos . Lo cual esfuerza Santo Tomás con el ejemplo del artífice, que para mover el instrumento de su arte lo une primero con la mano ; y otro tanto hace la luz de la fe con el espíritu del contemplativo, que le proporciona y une con Dios para que le mueva a su voluntad en la oración como a instrumento suyo . Y remata San Dionisio esta excelencia diciendo : (f° s1) Melius enim est esse Dei et non nostri ipsorum. Ita enim erunt divina data cum Deo futuris19 bis . En estas breves palabras cifró todo lo que se puede decir de las excelencias de la contemplación. Conviene a saber que mejor es ser en la oración de Dios por medio de la luz de la fe, que de nosotros mismos por la luz de la razón, porque cuando nos hacemos de esta manera de Dios, se nos conceden los dones divinos que nos han de unir y transformar en Dios.

La tercera excelencia de este nobilísimo acto refiere el venerable Hugo de San Víctor, recibido de los autores graves místicos y escolásticos, diciendo : intelligentia ea vis animae est, quae immediate supponitur Deo : cernit siquidem ipsum summum, verum, et vere incommutabilem . Esto es que el acto de la inteligencia pura es el que inmediatamente se supone a Dios, de manera que con el llega el entendimiento a recibir en la misma fuente divina las iluminaciones e influencias de Dios, y le mira no en semejanza ninguna de cosa criada, sino en sí mismo como lo representa la fe, como una Deidad suma, inefable e incomprensible. Esta excelencia y su incomparable utilidad quedará más conocida con un lugar de Santo Tomás, donde dice que el entendimiento humano tiene dos vistas : una a Dios y a las cosas superiores al mismo entendimiento de las cuales es ilustrado ; y otra al cuerpo que rige y del cual recibe las noticias de las cosas visibles . Pues cuando el entendimiento está en este acto suyo supremo, tiene cerrada la puerta de esta vista que mira al cuerpo, por donde entran al alma las noticias de las cosas que estorban la contemplación de Dios y su iluminación e influencia, y también las sugestiones y engaños con que el demonio puede combatir al alma, y está descubierto a los rayos resplandecientes del sol divino para participar de sus efectos. Y de aquí se entenderá un lugar dificultoso de San Dionisio, donde dice que los misterios de Dios místicos y sencillos están escondidos secundum superlucidam occulte docentis silentii caliginem superpulchris claritatibus superimplentem inoculatos intellectus . Esto es que están escondidos en una oscuridad luminosísima de un silencio que secretamente enseña, la cual llena de hermosísimos y clarísimos resplandores a los entendimientos sin ojos ; conviene a saber que tienen cerrada la vista que mira al cuerpo para que la que mira a Dios quede descubierta y no impedida en las divinas iluminaciones ; y dice que el silencio y quietud con que el entendimiento asiste en esta contemplación no es ocioso, sino que secretamente y a lo divino está enseñando al alma con la iluminación que allí recibe.

Otra gran excelencia refiere Santo Tomás de este acto del entendimiento, que en la contemplación representa a Dios a lo sencillo y universal, como esencia (f° ss) divina en quien están encerrados todos los bienes y todas las excelencias y perfecciones ; conviene a saber que sólo en este acto puede la voluntad ser movida eficazmente, y recibir su lleno los extendidos senos de su inmensa capacidad, y cualquier otro acto le viene angosto, lo cual prueba de esta manera : ninguna cosa puede mover eficazmente a otra si la virtud activa de la que mueve no excede, o por lo menos iguala, la virtud pasiva de la cosa que ha de ser movida. Pues como la voluntad del hombre tiene virtud pasiva para extenderse al bien universal que es Dios y unirse con él, sólo él puede llenar sus extendidos senos ; y el acto del entendimiento que hubiere de proporcionarse con ella para moverla eficazmente se le ha de proponer de esta manera, porque éste es su propio objeto y sólo él puede llenar su vacío.

Siguiendo este argumento de Santo Tomás a nuestro propósito, un autor escolástico muy docto dice que para dar en la contemplación su lleno al alma, le ha de representar el entendimiento a Dios non sub ratione alicujus particulari attributi, sed quatenus in se infinite amabilis est, sub quadam eminentissima et simplicissima ratione, quae omnes possibiles et cogitabiles particulares rationes amandi comprehendat , conviene a saber, no debajo de razón de un atributo sólo, sino en un concepto universalísimo, eminentísimo y sencillísimo que encierre en sí todas las (f° s4) razones de amar a Dios que sea posible imaginarse, y en una perfección universal que comprenda todas las perfecciones particulares. El cual concepto sencillo y universalísimo sacado de la luz de la fe es el más alto y más provechoso modo de representar y contemplar a Dios, y con que la voluntad puede ser más eficazmente movida. Y de esta manera se le representa el entendimiento en este movimiento circular de conocimiento sencillo e indistinto, como esencia divina inefable e incomprensible que encierra en sí todas las perfecciones y atributos de Dios.

Esta universalidad del acto de nuestra contemplación para recibir la iluminación e influencia divina en su fuente, y tanto más copiosamente cuanto el acto del entendimiento fuere más universal, nos la persuade San Dionisio con la semejanza de las iluminaciones de los ángeles, que cuanto son de orden más superior, tanto las reciben en actos más universales y sencillos ; y cuanto más universales y sencillos, tanto las influencias divinas se les comunican en mayor resplendor y con más eficaces efectos ; y como se van derivando y transfundiendo a los órdenes inferiores, van siendo más particulares y menos sencillas y de menor resplandor, proporcionadas con sus actos. Pues para persuadirnos este santo a que recibamos las iluminaciones divinas en actos universalísimos y así más en su fuente y con más (f° s5) eficaces efectos, nos dice que unusquisque animus humanus speciales habet et primas et medias et ultimas ordinationes et virtutes addictas, per quas unumquodque in participatione fit (sicut id ipsum et fas est et possibile) plenissimi luminis . Esto es, que cualquier ánimo humano tiene dentro de sí tres órdenes de jerarquía, ínfimas, medias y supremas, para que a semejanza de los celestiales, cada uno se ponga como le es posible en luz de fe en participación de la iluminación divina, también con el orden de los ángeles, que cuanto en acto más universal y más sencillo recibiere la iluminación, tanto la recibirá más en su fuente y con mayor resplandor y más eficaces efectos. De estas jerarquías que hay en el ánimo humano, la ínfima es la de los actos de la imaginación, la media es la de los actos de la razón, y la suprema e inmediata a Dios, como la de los querubines y serafines, es la de los actos de la inteligencia pura ; y como, in his quae ad perfectionem pertinent, attenditur intensio per accessum ad unum primum principium, cui quanto est aliquid propinquius tanto est magis intensum , cuanto nuestros actos fueren más universales y sencillos, tanto más de cerca y con mayor intensión y con más eficaces efectos serán penetrados e ilustrados de la luz divina, y más participarán de su virtud y perfecciones ; y así por la mayor arcanía al primer (f° s6) principio y fuente de la luz y perfección que es Dios, como también porque la causa más universal produce mayor efecto que la particular (Universalior causa effectum maiorem producit .). Y para que lo hagan en el alma, se ha de recibir a lo universal.

Con este lugar de San Dionisio, parece que se ha hecho asiento a otras excelencias que refiere el venerable Ricardo de San Víctor de este acto de la inteligencia pura en la contemplación, diciendo : per intelligentiam sinus mentis in immensum expanditur, et contemplantis animi acies acuitur, ut capax sit ad multa comprehendenda, et perspicax ad subtilia penetranda . Las cuales palabras celebra mucho San Buenaventura a este propósito, que fue decir que por este acto de la inteligencia pura con que el contemplativo asiste a Dios, se extienden inmensamente los senos del espíritu para los recibos de Dios, y la vista del ánimo se adelgaza y subtiliza así para ser más capaz de comprender muchas cosas, como para ser más aguda en la penetración de las muy sutiles, cualidades todas muy necesarias para la perfecta contemplación.

Y al mismo propósito dijo Ruperto Linconiense, célebre expositor de San Dionisio, que cuando nos aplicamos a las cosas sensibles por amor o conocimiento, sumus distracti, corrrugati et minorati , esto es que nuestro ánimo se distrae, se arruga y apoca ; y cuando nos ponemos en (f° s7) conocimiento sencillo donde se recibe la luz divina, como se vuelve el ánimo a su origen, nos saca de esta distracción, arrugación y poquedad, y nos ensancha, dilata y engrandece. Todo esto es de este gravísimo autor. Y a este propósito, dice San Dionisio que lo que Dios pretende en las mercedes que por modo sensible hace a los nuevos contemplativos es ut nos perduceret per sensibilia in intellectualia, et ex sacris figuratis symbolis in simplices caelestium hierarchiarum summitates , esto es, para llevarnos a nuestro modo grosero e imperfecto por las cosas sensibles a las intelectuales, y por las semejanzas de las materiales de la tierra a las sencillas y levantadas del cielo. Asimismo que como en la contemplación se van proporcionando con la luz divina para recibirla sin estorbos, los va la misma luz espiritualizando y reduciendo más a unidad y sencillez, y asemejándolos a Dios y a su unidad sencillísima : et in se, quantum fas est, respicientes, proportionaliter se eis extendit et unificat secundum simplicem unitatem .

Y finalmente, todo el trabajo de los libros de este santo, dice él al fin de uno de ellos que se ordenó ad non humiliter nos remanendum in figurativis fantasiis , esto es, para que nuestro ánimo no se apocase y estrechase en las semejanzas figurativas de Dios y de sus divinas perfecciones, sino que por modo más alto subiese a lo figurado por la contemplación divina espritual y sencilla. (f° s8)

Capítulo 5 Que a este acto de contemplación hace inseparable compañía la quietud sencilla y veladora donde Dios se comunica a los verdaderos contemplativos

Declarando Santo Tomás las cualidades del movimiento circular en que dice San Dionisio que se ejercita la verdadera contemplación divina, dice : Sola autem immobilitas quam ponit Dionisius pertinet ad motum circularem . Esto es que según la doctrina enseñada por San Dionisio, anda aneja a este acto de la verdadera contemplación la inmobilidad, que es una quietud tranquilísima y serenísima de todas las fuerzas del alma. Porque si hubiera en ella algún movimiento inquieto, no fuera un acto perfecto de contemplación, como el mismo santo dice en otra parte por estas palabras : Motus autem est actus imperfecti, ut ait Philosophus. Unde operationes admixtae motui in tantum deficiunt a perfectione delectationis in quantum motui adjunguntur ; que fue decir : el movimiento es acto de lo imperfecto, y de aquí viene que las operaciones que están mezcladas con movimiento, en tanto se alejan de la perfección y suavidad de su ejercicio en cuanto más se llegan al movimiento. Esta doctrina aplica en otra parte a nuestro (f° s9) intento, diciendo que por eso se llama ocio la contemplación divina, porque en ella queda quieta el alma no sólo de los movimientos exteriores, mas también de los interiores del entendimiento , y añade que por eso es perfecto el acto de la contemplación porque es quieto : Sunt enim actus perfecti et ideo magis assimilantur quieti quam motui.

En esta quietud de todas nuestras potencias y en el ocio vigilante del alma cuanto a la operación activa de ella, es donde el alma se llega más intimamente a Dios para ser movida sin estorbo de esta operación, como lo dijo el venerable Ricardo de San Víctor, gran piloto de esta navegación tan desusada, en estas notables palabras : Illud autem omnino constare debet, quia quanto plenius atque perfectius ad intimam animus pacem et tranquilitatem componere se praevaluerit, tanto firmius tantoque tenacius in hac sublevatione summae luci per contemplationem inhaerebit . Ésta es regla general (dice este autor) y muy cierta, que cuanto el alma contemplativa más perfectamente y más del todo pudiere componer las fuerzas del alma para encaminarlas a la íntima paz y tranquilitad donde ella reposa en Dios, tanto más firme y perfectamente se unirá en la contemplación con la suma luz que es Dios. La razón principal de esta doctrina nos dio el Espíritu Santo por el Profeta, cuando dijo que la morada de Dios era hecha en paz y quietud ; y así cuando el alma se pone de esta manera pacífica, se proporciona con él (f°40) para esta unión, porque las cosas semejantes fácilmente se unen y las desemejantes naturalmente se apartan ; y por eso dijo San Gregorio que tanto más lejos huye el Espíritu Divino de los espíritus humanos en la contemplación, cuanto menos quietos los halla : a terrenis autem mentibus tanto longius Spiritus fugit quanto apud has quietem non invenit . Y por esto mismo nos da voces San Dionisio, que a esta altísima y simplicísima sustancia, príncipe y criadora de las demás sustancias, que con tan eterna paz une entre sí todas las cosas, hagamos oración pacífica y quieta con dignas alabanzas (Age igitur divinam et principem congregationis pacem hymnis pacificis laudemus ), que fue decirnos que si queremos unirnos con Dios príncipe de la paz y ser movido de su operación divina, que nos habemos de proporcionar con él en contemplación quietísima.

Hasta aquí doctrina común es en los santos y autores graves, porque todos afirman que nuestra contemplación para ser provechosa ha de ser quieta. Pero, porque a Vuestra Paternidad le ha dado muy en rostro aquel decir nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz que ha de quedar el alma en la contemplación divina como una imagen que el pintor está pintando, que con cualquier movimiento que ella hiciera le estorbaría , y los maestros sabios y experimentados dicen que por no saber quietar el alma (f° 41) en la contemplación hay pocos verdaderos contemplativos , conviene examinar un poco más esta quietud que el movimiento circular pide ; y si acertáramos a declararlo como el punto más importante de la vida contemplativa y en que hay de ordinario más estorbos para los recibos divinos sobrenaturales, haríamos a los verdaderos contemplativos algún servicio ; porque muchos que se tienen por tales piensan que tienen en la oración mental esta quietud y que están descubiertos a la divina influencia, y ni tienen lo uno ni lo otro. Y porque dificultosamente hallaremos la verdad de esta doctrina sino en aquellos a quien Dios se la comunicó en la práctica y en la teórica, y entre éstos tiene el primer lugar San Dionisio, a él conviene que consultemos primero.

El cual, en uno de los muchos lugares donde trata de estos nos da por regla general y muy asentada en la teología mística, que todas las veces que quisiéremos recibir en la oración la iluminación divina, nos habemos de disponer para ella quietando el entendimiento acerca de todas las operaciones de su conocimiento natural, sedantes nostras intellectuales operationes, ad supersubstantialem radium, secundum quod fas est, nos imittimus , caminando a este divino rayo con sola la luz de la fe, a la cual hace siempre salva cuando no la nombra, con este secundum quod fas est o secundum quod possibile est. En otro lugar, tratando más en particular de esta contemplación que él llama (f° 42) por excelencia "divinísima", nos declaró un poco más en que consistía esta quietud en que el entendimiento ha de quedar levantado sobre sí mismo y sobre todos sus actos movidos de la luz natural en la contemplación para recibir en ella la iluminación divina, diciendo que entonces tendrá esta disposición, cuando mens ab omnibus recedens, postea et seipsam dimittens, unita est supersplendentibus radiis , conviene a saber, cuando el entendimiento se ha desnudado de todas las semejanzas de las cosas criadas, y después se deja a sí mismo.

Lo primero, que es dejar el entendimiento a todas las cosas, muchos contemplativos lo tienen en la oración, pero lo segundo, que es dejarse a sí mismo, rarísimos son los que lo tienen ; y como esto es necesario, como él luego añade en este mismo lugar, para recibir la iluminación de la divina sabiduría, por eso hay pocos que la reciban sin estorbos ; y así habemos menester dar otro paso más adelante para descubrir este defecto y su reparo. El cual nos da el mismo santo en otra parte, diciendo que esta luz divina supersustancial a todos nos está rodeando por su inmensidad, pero que a solos aquellos se comunica de veras y sin velos que trascienden todas las cosas sensibles e intelectuales et omnium sanctarum extremitatum ascensionem superascendunt . Las cuales palabras declara Ruperto Linconiense, su comentador, de esta manera : hoc est, qui ascendunt super (f° 4s) summos actus omnis virtutis apprehensivae agentis quantum possibile est intensae. Y remata San Dionisio esta disposición, diciendo que habiendo dejado el entendimiento todo esto, se ha de entrar en la oscuridad de la fe donde dicen las Divinas Letras que puso Dios su morada para comunicársenos en esta vida.

De todo lo cual sacamos que para la verdadera contemplación, ha de dejar el entendimiento no solamente todas las semejanzas de las cosas criadas, ahora sean altas ahora bajas, ahora sensibles ahora intelectuales, mas también toda su operación activa por levantada que sea, y aquel movimiento y conato con que está como bracejeando en la oración para hacer de su parte alguna operación activa con reflexiones del entendimiento para reconocer su acto aunque sea en concepto universal, porque con esto se ase a sí mismo el espíritu para no ser movido de Dios libremente, ni cuanto al entendimiento ni cuanto a la voluntad ; y esto es dejarse a sí mismo para ser movido de Dios en que su felicidad y todo el aprovechamiento de la oración consiste. Y según dijimos en otra parte, como la perfección del movido en cuanto tal es la disposición que tiene para ser bien movido de su motor , esta perfección y disposición pierde el alma con este conato y movimiento natural para ser bien movida de Dios a lo sobrenatural.

Para que este punto tan importante (que es como sustancia de la verdadera contemplación y buen logro de los frutos de ella) quede más entendido, y la doctrina (f° 44) apostólica de nuestro venerable Padre tomada de San Dionisio, más verificada, se ha de advertir con la autoridad de Ricardo de San Víctor y muchos santos que le siguen, como Santo Tomás, San Buenaventura, San Lorenzo Justiniano y otros , que en la contemplación a que nosotros podemos llegar con la luz de la fe y los auxilios comunes de la gracia, hay dos grados que en el orden de la escala mística ponen los autores por quinto y sexto ; y diferencianlos diciendo que el primero es supra rationem sed non praeter rationem, y el segundo, supra rationem et praeter rationem ; conviene a saber que el primero es sobre la razón, pero no desarrimado todavía de la razón, porque aunque el entendimiento deja todas las semejanzas particulares e individuales de la imaginación, todavía para formar concepto de Dios a modo universal se vale de algunas comparaciones de cosas conocidas y muy levantadas, para rastrear por ellas la grandeza, hermosura y bondad divina, como representando a Dios a manera de cielo superior a los que vemos, o de sol, o de una subidísima blancura y cosas semejantes.

Esta manera de representar a Dios a modo conocido, aunque más universal sea el concepto, se permite a los nuevos contemplativos para comenzarlos a destetar de las semejanzas materiales y groseras de la imaginación, por donde en la meditación caminaban al (f° 45) conocimiento de Dios ; y como a niños que no pueden aún andar sin arrimo y carretoncillo, les dan este arrimo de la razón en este concepto formado a su modo imperfecto, para que con él suban como Moisés un poco más arriba por el monte hacia la cumbre de él rodeada de nube y oscuridad, donde Dios había de comunicarle a solas, y así le representan en él quasi opus lapidis saphirini, et quasi caelum cum serenum est , conviene a saber, como un hermosísimo safiro o como cielo sereno. Pero, aunque esto se permite como digo a los nuevos contemplativos, es modo imperfectísimo de contemplar a Dios, por muchas razones que tocaremos brevemente.

Lo primero, porque no es contemplación de fe sobre los actos de la razón, como la enseñó San Dionisio cuando dijo : secundum fidem et ineffabilibus et ignotis, ineffabiliter et ignote conjungimur, secundum meliorem nostrae rationabilis et intellectualis virtutis et operationis unitionem , que fue decir que a las cosas inefables y no conocidas de nosotros, cuales son las divinas, nos habemos de unir a lo inefable y no conocido solamente con la luz de la fe sobre los actos de la razón y conocimiento natural, como unión mejor y proporcionada con las mismas cosas que contemplamos, lo cual no se hace en este concepto formado y conocido arrimado a la razón.

(f° 46) Lo segundo, porque en este concepto no se ejercita el movimiento circular, donde los santos y autores graves dicen que se ha de ejercitar la verdadera contemplación divina. La esencia del cual movimiento declarado por San Dionisio es que se contemple a Dios super omnia existentia sine principio et interminabile , esto es, sobre todas las cosas y sin distinción de principio ni fin. Todo lo cual falta en esta contemplación formada, donde el entendimiento no contempla a Dios sobre todas las cosas, sino asentado en ellas de donde toma este concepto conocido, ni a lo inmenso e incomprensible sin principio ni fin, porque aunque no puede comprender a Dios, comprende el concepto con que le representa.

Lo tercero, porque mientras el entendimiento está de esta manera en acto reflejo, no puede ejercitar la verdadera contemplación que se ha de hacer en vista derecha a Dios. Porque la vista derecha mira a su objeto en sí mismo, y la refleja lo mira en su propio acto formado con alguna semejanza de cosa criada y conocida, y en esto distingue Santo Tomás la contemplación de la especulación diciendo : Unde et nomen contemplationis signat illum actum principalem quo quis Deum in se ipso contemplatur, sed speculatio magis nominat illum actum quo quis divina in rebus creatis quasi in speculo inspicit . De manera que la contemplación mira a Dios (f° 47) en sí mismo con vista derecha como presente, según que se lo representa la fe a lo inmenso e incomprensible, y la especulación le mira en alguna semejanza tomada de las criaturas, como en este concepto formado de que dijo aquel autor docto escolástico que haec cogitatio rei creatae par se non conducit ad amorem Dei , conviene a saber, que como consideración de cosa criada aprovecha poco al amor de Dios. Porque, como dijo el venerable Hugo de San Víctor, por levantada y excelente que sea la criatura por donde se sube a Dios, la hermosura y excelencia criada no beatifica al hombre, sino la hermosura criadora . Y así, aunque de entrambas maneras se emplea el alma en Dios, pero con muy diferente aprovechamiento : porque en la contemplación es movida de la operación divina, y en la especulación de la suya misma, como declara San Dionisio.

Finalmente, como el alma del justo es asiento de Dios, dicen los santos y autores graves que en la contemplación donde ella se dispone para recibirle en sí, ha de tener las tres principales cualidades con que aquellas altísimas sustancias celestiales llamadas "Tronos" y asientos de Dios se disponen para recibirle, e ninguna de ellas tiene el contemplativo en esta vista refleja y concepto formado a su modo conocido. La primera es, quod ad superiora fertur, neque in infimis ullis rebus habitat, sed totis viribus in eo qui vere summus est, immobiliter firmiterque haeret ; esto es, que está levantado a lo superior, inclinado firmemente a unirse con Dios, causa suprema. La cual cualidad no tiene el entendimiento en esta semejanza conocida, en que está inferior (f° 48) a sí y no en inteligencia pura sobre sí mismo ; pues todo lo que él puede conocer en esta vida es inferior a su propia excelencia, y sólo la luz de la fe le levanta sobre sí . La segunda cualidad es que, para recibir a Dios, esté sine ulla motione atque materia, esto es en una gran quietud (porque ningún asiento inquieto es descansado y conveniente) ; y como asiento del supremo Espíritu, ha de estar espiritualizado y puro de todas las cosas materiales, como lo significó el Salvador cuando dijo que como Dios era Espíritu, en espíritu quería ser adorado . Todo lo cual le falta en este conocimiento donde está en semejanza procedida de lo material, y en reflexión del entendimiento que tiene aneja a sí inquietud. La tercera es que esté familiariter in divinas susceptiones apertus. Esto es que esté cerrado a todas las cosas inferiores y abierto hacia la parte superior para recibir las iluminaciones e influencias divinas. La cual disposición tampoco tiene en este modo reflejo de mirar a Dios en la oración, porque en él está el entendimiento vuelto hacia sí, con la vista del que mira hacia el cuerpo de donde recibe las noticias de las cosas visibles, y cerrada la que mira a Dios de quien había de recibir la iluminación divina ; y con aquella semejanza formada a su modo, tiene como cerrada la puerta para no recibirla.

Todos los cuales y otros muchos defectos tiene esta contemplación imperfecta así formada y refleja.

(f° 49)

Capítulo 6 Donde se declara más esta quietud de la contemplación, y cuan pocos son los contemplativos que la guardan como los santos la aconsejan

Prosiguiendo lo que comenzamos en el capítulo pasado de la declaración que hacen los santos de las dos maneras de contemplación que se ejercitan en la luz de la fe, una imperfecta y otra perfecta, ya vimos allí que esta segunda es no sólo sobre la razón, mas también sin ningún arrimo de la razón ; y declarándola más en particular dicen : supra rationem et praeter rationem est, quando animus illa ex divini luminis irradiatione cognoscit quibus omnis humana ratio declinat, et intelligibilium intelligentia rationem amittit, et omnem humanam ratiocinationem et intentionem transcendit . Todas las cuales son palabras de admirable sustancia mística, y con la una purgan al entendimiento de un vicio tan encubierto, que hallándose en la mayor parte de los contemplativos, son muy raros los que lo conocen. Dicen el venerable Ricardo y los santos que de concorde parecer le siguen, que entonces es la contemplación perfecta y se ejercita no sólo sobre la razón, mas también sin arrimo de ella, cuando el entendimiento conoce por luz divina las cosas que ninguna razón (f° 50) humana alcanza ; y de tal manera queda la inteligencia abstraída de las cosas visibles y de todas sus semejanzas y engolfada en las espirituales e invisibles, que pierde del todo de vista a la razón, y apartada de cualquier arrimo de ella, y trasciende todo humano discurso e intención.

Todo esto es de estos autores y maestros sabios de esta sabiduría del cielo dada a los cristianos por incomparable beneficio, para adivinizar y endiosarlos, y hacerlos, aun en vida mortal, participantes de aquel convite perpetuo y opulentísimo con que Dios regala en el cielo a los bienaventurados, de que dice San Dionisio que gozan cierta participación los varones contemplativos que saben disponerse para recibir sin estorbo las iluminaciones divinas ; y por falta de esta disposición que nos enseñaron los santos para recibir este beneficio, nos estamos en la oración secos e indevotos, sin participar por nuestra culpa de la magnificencia divina. En la cual disposición pone al alma contemplativa nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz con aquella advertencia sencilla y amorosa a Dios en luz de fe y total quietud del alma, que nos aconseja en el lugar que Vuestra Paternidad acusa. En las cuales palabras, cifró a nuestro modo toda esta doctrina poco ha referida de los santos y pilotos sabios de esta navegación del cielo, de tan pocos bien sabida.

(f° 51) Y aunque son muy sustanciales todas las palabras ya referidas de estos autores, tienen particular misterio a nuestro propósito las últimas donde dicen que no sólo ha de transcender el contemplativo en la perfecta y provechosa contemplación todos los actos de la razón y luz natural, mas también toda intención humana. Porque lo primero, de dejar todos los actos de la razón y desnudarse de todas las semejanzas del conocimiento natural y entrarse sin todo esto en la oscuridad de la fe como Moisés en la nube que cubría la cumbre del monte, muchos contemplativos lo hacen ; pero reposar allí como él con total quietud del ánimo, rarísimos son los que lo ejercitan sino que en aquella oscuridad está aplicada la intención del ánimo al conocimiento, trabajando en estar reconociendo siempre el entendimiento su acto, aunque sea en aquella oscuridad de fe ; y este hipo y movimiento de querer siempre reconocer su acto, inclinada allí la intención del ánimo, es contra lo que de otra parte vimos de la doctrina de San Dionisio, que no sólo ha de dejar el entendimiento todas las cosas criadas y sus semejanzas, sino también a sí mismo, quietándose en toda su operación activa por levantada que sea, para ser movido de Dios sin asimiento ni resistencia suya. Y a este propósito ponderó mucho Santo Tomás las cualidades que San Dionisio pone en la quietud con que nos habemos de proporcionar con Dios para recibir sin estorbo su operación divina, (f° 52) juntando con la quietud el silencio e inmobilidad (Adjungit autem silentium paci : quia signum perturbatae pacis solet esse strepitus et clamor. Adjungit etiam paci immobilitatem. ) ; y de aquí tomará Vuestra Paternidad otro argumento para no acusar lo que nuestro venerable Padre dice cuando comparó la quietud del alma en la oración a la de la imagen cuando el artífice la está pintado, pues cualquier movimiento e inquietud del entendimiento le perturba la paz con que, a modo de trono celestial, ha de recibir a Dios no sólo sine materia, sino también sine ulla motione, como ya lo vimos de San Dionisio, esto es, no sólo sin representación ni arrimo de cosa material, mas también sin ningún movimiento ; y en este modo de orar en luz de fe a lo reconocido de sus actos tiene lo primero, pero no lo segundo.

Y porque éste es daño muy universal y poco conocido aun de los que se tienen por muy contemplativos, conviene que nos detengamos un poco más en conocer este defecto, que sin echarlo de ver, impide los efectos de la contemplación.

Del impedimento que con esto hace a la moción divina ya hablamos en otra parte, pues cuanto el entendimiento más asido está a su operación del movimiento natural, tanto más se indispone para ser movido libremente de Dios a lo sobrenatural, a lo cual como a su fin se ordena la contemplación ; y por eso dice San Gregorio que todo nuestro cuidado en la oración ha de ser (f° 5s) procurar que el ánimo no haga asiento en sí mismo, para que pueda ser fácilmente movido de Dios : ne enim jaceamus in nobis ut ita dicam contemplationis penna nos sublevat ; y San Dionisio lo puso por cualidad necesaria de la contemplación de fe para recibir en ella los dones divinos, diciendo que habíamos de quedar no asidos a nosotros mismos, sino trasladados del todo a Dios, para que dejemos de ser nuestros y seamos suyos, y que cuando quedamos de esta manera, sueltos de nosotros y trasladados en él, entonces se nos conceden los divinos dones (Non secundum nos, sed nos ipsos extra nos ipsos statutos et totos deificatos. Melius enim est esse Dei, et non nostri ipsorum. Ita enim erunt divina data. ). Y así ha de quedar el entendimiento como muerto a su operación activa, y muy dispuesto con la atención sencilla y amorosa para ser movido de Dios a lo pasivo. Y a este propósito declara la Glosa aquello de Job : "En mi nido moriré ", conviene a saber que en la quietud tranquila de la luz de la fe morirá el entendimiento a todas las cosas y memorias de ella.

Esto quedará aún más claro si consideramos la operación del entendimiento en este intento de querer reconocer su acto, aunque sea en luz de fe, que es apartar la vista que tenía derecha a Dios y volverla con cierta reflexión hacia sí mismo ; lo cual cuan gran impedimento sea para los recibos de Dios, ya queda (f° 54) declarado ; y para los no escolásticos, se ha de advertir que conocer el entendimiento una cosa en sí misma es vista derecha, y conocer que la conoce es vista refleja. Y así, cuando mira a Dios en sí mismo según la noticia de inmensidad e incomprensibilidad que le da la fe, le mira en vista derecha y está levantado sobre sí en acto superintelectual proporcionado con la iluminación divina. Pero, cuando reconoce su acto para conocer que le conoce, se pone en vista refleja inferior a sí y desproporcionada por esta iluminación ; no subió aún con Moisés a la cumbre del monte, ni topó con Dios dentro de la nube (In his non cum Deo quidem versatur. ), ni está el entendimiento transformado en Dios ; antes, quiere transformar a Dios en sí contra la doctrina poco ha referida de San Dionisio, que en todo aquel lugar pretende persuadirnos que en la contemplación de las cosas divinas, no se ha de haber el entendimiento como en los demás conocimientos , que traslada a sí las cosas y las transforma en cierta manera en sí para conocerlas, sino trasladándose él a ellas como se las representa la fe al modo de la voluntad que se transforma en las cosas que ama ; y de querer los hombres recibir a su modo grosero esta divina luz, dice que vienen sus yerros y engaños.

También se ha de advertir que, así como la luz de la fe entró en el entendimiento con cierta (f° 55) composición y está en él a modo de compuesto, la ejercitamos en la contemplación a modo sencillo sin nueva composición, como en otra parte lo vimos de la doctrina de Santo Tomás , así también el concepto que con esa luz hizo el entendimiento de la grandeza e incomprensibilidad de Dios (el cual concepto es proporcionado con esta grandeza y soberanía cuanto nos es posible, y semejante al que hacen de ella los bienaventurados en el cielo, con sólo esta diferencia que ellos ven lo que nosotros creemos ), aunque está en el entendimiento a modo compuesto, no ha menester compornerle de nuevo, pues la virtud de él dura para mirar a Dios en vista sencilla con suma reverencia y acatamiento ; y como esto aprovecha para recibir sin estorbos y como a puerta abierta la iluminación divina, así el querer hacer de nuevo este concepto o reconocer el que otras veces hizo con reflexiones del entendimiento, estorba esta iluminación. Y por eso dijeron aquellos gravísimos autores al principio de este capítulo referidos, que para la perfecta y provechosa contemplación, no sólo había de perder de vista el entendimiento todos los actos de la razón y conocimiento natural, mas también había de trascender toda intención humana ; esto es que de ninguna manera se había de aplicar la intención del ánimo al conocimiento, sino al afecto, como después declaramos.

Esta misma disposición de sencillez y quietud del entendimiento en la contemplación verdadera (f° 56) y provechosa, nos pide San Gregorio con unas palabras y ejemplos muy convenientes, diciendo : Numquam vero commotioni contemplatio jungitur, nec praevalet mens perturbata conspicere id quod vix tranquilla valet inhiare : quia nec solis radius cernitur cum commotae nubes caeli faciem obducunt, nec turbatus fons inspicientis imaginem reddit, quam tranquillus proprie ostendit : quia quo ejus unda palpitat, eo in se speciem similitudinis obscurat . Nunca, dice, se junta la contemplación con el movimiento, ni el entendimiento inquieto puede mirar el objeto de la contemplación al cual apenas puede aspirar aun quieto. Porque ni el rayo del sol puede mirarse cuando las nubes inquietas cubren la vista del cielo, ni la fuente movida representa la imagen de el que se mira en ella, la cual muestra con propiedad cuando está quieta ; porque por poco que el agua se mueva, oscurece la figura de la semejanza. Esto dice este santo ; de lo cual y de todo lo que se ha dicho en este capítulo y en los pasados, se verá con cuanta razón dijo aquel autor sabio y experimentado que por no saber aquietar el alma en la oración, había pocos verdaderos contemplativos , y que no tiene Vuestra Paternidad hecho de esto verdadero aprecio, pues tanto le da en rostro la sencillez y quietud que nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz aconseja en la contemplación, pues sin esto no puede ninguno ser verdadero contemplativo.

(f° 57) Y a lo que Vuestra Paternidad dice que es necesario en la contemplación que el entendimiento solicite con sus actos aprensivos la iluminación divina, suficientemente queda respondido, pues de concorde doctrina de los santos habemos visto cuanto con estos actos la estorba, y que el acto sencillo universal y quietísimo le dispone para recibirla. Y llenos están los libros de los santos de reprensiones acérrimas contra los que como a fuerza de brazos y a empellones quieren introducir en el alma la iluminación divina. Porque si el sol, por ser semejanza expresa (expressa similitudo divinae bonitatis) de la bondad divina , no a menester que le impelan cuando rodea nuestra casa para que entre a comunicarle su luz y calor, sino solamente que le abran la puerta y le quiten los estorbos, que el mismo se está convidando con sus rayos y buscando cualquier resquicio para entrarse, cuanto menos lo habrá menester el sol divino (cuyos rayos están siempre rodeando nuestras almas para comunicárselas), sino solamente abrirle la puerta del entendimiento y quitarle los estorbos que son los conocimientos aprensivos y distintos ; el cual argumento hace San Buenaventura contra estos contemplativos inquietos . Y después que haya entrado en el alma, menos habra menester nuestra diligencia bulliciosa, sino nuestra sencillez quieta, para hacer sus efectos (como los fue describiendo San Dionisio muy en particular ), primero con el entendimiento purificándole e ilustrándole, (f° 58) y después en la voluntad encendiéndola y enamorando, y pasando después a renovar todas las fuerzas del alma hasta unirla con Dios, que es el fin de la perfección cristiana. Y para todos estos efectos, no pide más diligencia nuestra que la proporción de la vista del entendimiento para recibir la luz (secundum mentis ad respectum proportionem), que ha de ser en sencillez quietísima, como ya queda probado ; que de esta suerte se ha de proporcionar con ella, desnudándose de todas las cosas distintas y vistiéndose del concepto supersustancial de fe que le pone inmediato a Dios para recibir su operación divina.

Capítulo 7 Que el esfuerzo de la voluntad en quietud del entendimiento ayuda a los efectos de la contemplación, y cómo se ha de procurar en ella

Mas para que todo lo que se ha dicho quede más entendido, y sepamos adonde habemos de aplicar la eficacia del ánimo en la contemplación para lograr mejor su fruto, es muy notable la explicación que Ruperto Linconiense da a las palabras en otra parte referidas de San Dionisio, que a aquellos se comunica Dios vere et incircumvelate, esto es a lo de veras y a puerta abierta, (f° 59) sin cortinas ni velos de representaciones conocidas, que se desnudan de todas las cosas, así sensibles como intelectuales criadas, y de sus semejanzas, y trascienden todos los actos de la virtud activa del entendimiento por levantados que sean. Donde se ha de advertir que no quita San Dionisio la virtud activa de la voluntad en la contemplación, sino la inquieta del entendimiento ; antes la persuade en otros lugares. En unos de los cuales , enseñándonos como habemos de asistir a Dios en la oración para estar presentes a él y descubierto el espíritu a su iluminación y divina influencia, no dice del entendimiento más de que este revelata mente, esto es, como declara Santo Tomás, descubierto de todas las semejanzas de las cosas que entran por los sentidos , que son velos y nublados que oscurecen al entendimiento y le impiden la subida a Dios ; todo esto es de Santo Tomás explicando este revelata mente. Pero de la voluntad dice : et ad divinam unitionem aptitudine, y declara Santo Tomás : ut voluntas nostra per charitatem et devotionem sit ordinata in Deum, esto es, que la voluntad esté ordenada en Dios por amor y devoción. En otro lugar, declarando más en particular las condiciones de los contemplativos para recibir en la oración los efectos de la iluminación e influencia divina, pone por una de los más principales que estén commensurato amore convenientium illuminationum ; y (f° 60) declara Santo Tomás : quod affectum amoris divinis manifestatis exhibeant, scilicet quod affectus eorum circa ea insistat, per quae elevantur in divina alis spiritualibus ; esto es, que por la inclinación de la voluntad ejerciten el afecto de amor en las cosas de que son iluminados por la luz de la fe ; conviene a saber, que el afecto de los contemplativos insista en aquellas cosas por medio de las cuales son levantados como con alas espirituales a la contemplación de las cosas divinas.

De todo lo cual se podrá entender que, cuando los autores místicos persuaden tanto que para ser movida el alma a lo pasivo y divino de la oración, ha de quietar del todo su operación activa, no hablan de la voluntad, sino del entendimiento. Porque como en esta vida no puede el entendimiento conocer a Dios con su operación activa, sino por medio de alguna semejanza de cosa sensible a las que entran por los sentidos en el conocimiento natural , es necesario dejarlas todas y entrar por oscuridad de ellas en el conocimiento sobrenatural de la fe para ser iluminado a lo divino, de la cual iluminación Dios se encarga quedando el entendimiento en esta oscuridad y total quietud de su operación activa ; y por esto dijo el mismo Señor por su profeta que había puesto su escondrijo en las tinieblas , porque en la oscuridad de todos nuestros conocimientos aprensivos de la (f° 61) operación activa libró su familiar comunicación en los verdaderos contemplativos ; y cuanto es de parte de su entendimiento, no les pide más de que este revelata facie , como dijo el Apóstol, o revelata mente, como dijo al mismo propósito su discípulo San Dionisio, esto es : descubierto el entendimiento de todas las semejanzas y velos del conocimiento natural, y quieto en toda su operación activa procedida del movimiento de la razón.

Pero en los actos de la voluntad corren muy diferentes razones : porque con el conocimiento de la operación activa del entendimiento en que le representa a Dios, no se une con el mismo Dios, sino con una semejanza groserísima con que a su modo tosco le representa, con la cual antes le aparta del verdadero concepto de su grandeza y soberanía que le levanta a él. Y por eso dice San Gregorio que procuraba en la oración huir de estas semejanzas porque le engañaban, representándole a Dios como él no era y abatiendo el entendimiento a lo que era inferior a él . Pero en el acto de la voluntad, se une ella al mismo Dios y no a semejanza suya (sed amor facit quod ipsa res quae amatur amanti aliquo modo uniatur. ). Porque aun en el estado de esta vida amamos a Dios según su misma esencia, aunque no le podemos conocer de esta manera (unde in statu viae Deum per essentiam amamus, non autem videmus. ). Y así por esto como por consistir en el acto de la voluntad la razón de ser una obra meritoria, ordenó Dios, dice Santo Tomás, que de tal manera sea movida del Espíritu Santo a amarle, que también ella misma sea motora de este acto (sed oportet (f° 62) quod sic voluntas moveatur a Spiritu Sancto ad diligendum, quod etiam ipsa sit efficiens hunc actum ) ; y de aquí viene que, estorbando el entendimiento con su operación activa el fin de la contemplación que es unirse el alma a Dios como a su centro y principio, en que consiste su felicidad y a que toda la vida espiritual se ordena , por el contrario, el movimiento activo de la voluntad ayuda así para esta unión como para recibir las virtudes y dones infusos que disponen el alma para ella, para el cual recibo vale mucho el asiento de la voluntad, como Santo Tomás declara en un lugar . Y en otro, añade que con este asiento y esfuerzo previene el Espíritu Santo al espíritu del hombre para el recibo de sus dones, más o menos según su divina voluntad para mayores o menores recibos . Y a este propósito y de este esfuerzo declara aquellas palabras del Salvador, que repartiendo el padre de familia sus dones a sus siervos, dio a cada uno según su propia virtud , esto es según la preparación y aliento con que se dispone para recibir sus dones.

Este esfuerzo o intensión del acto de la voluntad en la contemplación se puede ayudar con algunos medios de nuestra diligencia. El primero, que nuestro entendimiento se ponga en su acto supremo que es la inteligencia pura, levantado sobre sí mismo en luz de fe sobre todos los demás conocimientos, como ya queda declarado. Porque en las cosas de perfección, se toma la intensión (f° 6s) de nuestros actos por la cercanía al único y primer principio (cui quanto est aliquid propinquius, tanto est magis intensum ), y cuanto nuestros actos más cerca de este principio se ejercitaren, tanto serán más intensos. Pues, como la inteligencia pura es el acto del entendimiento que se supone inmediatamente a Dios, como ya queda probado, y le corresponde el acto supremo del afecto, entonces será más intenso como más llegado a Dios. Y por eso persuaden tanto los santos esta disposición del entendimiento reducido a la unidad de este único primer principio ; con lo cual se prepara según que le es posible para los aumentos de caridad, como Santo Tomás declara ; y a nuestro intento declara también San Dionisio muy de propósito, que es cosa muy asentada por Dios poner la cátedra y asiento de sus divinos rayos primero en aquellos que están más cercanos a él y más parecidos a la sencillez de su divinidad, para que de ellos se deriven a otros ; y cuanto más de cerca se recibe la luz, tanto es mayor la eficacia de sus efectos y más intenso el acto de la voluntad. Y como entonces está ya Moisés en la cumbre del monte conversando con Dios dentro de la nube, ya el concepto que tenía de él, que antes era en el entendimiento como cielo sereno, se ha vuelto como fuego en lo supremo del afecto, quasi ignis ardens super verticem mentis .

El segundo medio es las aspiraciones del corazón a Dios, donde está el apetito sensible y las pasiones con que el acto de la voluntad se ayuda ; no porque la voluntad penda de ellos, que antes ella es la motora de las demás potencias , sino porque mientras esta en naturaleza pasible, se ayuda de las pasiones del (f° 64) corazón para la perfección y facilidad de su acto. Por lo cual San Buenaventura y otros autores experimentados persuaden mucho a los contemplativos que a semejanza de la respiración natural, ad instar aspirantis et respirantis consurgant, se levanten a Dios por el afecto en la oración . El cual ejercicio, además de lo que ayuda a la intensión del acto de la voluntad, preservala de un gran impedimento de esta intensión, porque por la vehemencia de las pasiones que están en el corazón, es llevada la intención del ánimo de las cosas intelectuales y divinas a las sensibles y materiales ; y con aquella aspiración y levantamiento del corazón ayuda a que la eficacia del ánimo no se abata a lo sensible, sino que permanezca en su esfera y ayude a la intensión de la voluntad.

El tercer medio (y él que es como llave de la vida contemplativa) es que, pues el alma es más llevada a Dios por los actos de la voluntad que por los del entendimiento , se aplique la intención del ánimo al afecto, y no al conocimiento. Porque del entendimiento basta a los ya habituados sólo la vista derecha que va siempre acompañando los actos de la voluntad y guiándolos a su fin, quia ubi amor, ibi oculus . Es la intención acto de voluntad que mira a su fin, y adonde la intención se arrima, allí arroja el alma toda su eficacia, como lo significó el Salvador en el capítulo sexto de San Mateo, cuando dijo que "si el ojo estaba sencillo, todo el (f° 65) cuerpo estaría luminoso ", lo cual entienden San Agustín y Santo Tomás de la intención , y comúnmente los demás santos. Esto pues así entendido, cosa cierta es que cuando la intención se aplica fuertemente a una cosa, se enflaquece o del todo se agota para acudir a las demás. De lo cual toma Santo Tomás ocasión para hacer un argumento en favor de la contemplación diciendo : la fuerza aprensiva y la afectiva son potencias diferentes auque de una misma alma ; así cuando la intención de ella se aplica con vehemencia al acto de la una, es impedida para el acto de la otra . Pues si la virtud y eficacia del alma se desagua por aquella parte por donde la intención se aplica y la contemplación se ordena a los afectos de la voluntad y a unirla con Dios, clara cosa es que se ha de aplicar en la oración a la voluntad y no al entendimiento para hacerla provechosa.

Y de aquí se entenderá con cuanto fundamento dijo aquel autor escolástico doctísimo : immo contingit ut cum anima fertur in Deum per amorem, si occupatur circa se ipsam et circa suos actus quasi reflectendo supra illos, et cogitando quid agat, distrahatur et tepescat in amore Dei. At vero altera cogitatio quae directe tendit in Deum non distrahit voluntatem ab amore ipsius Dei, sed potius quantum est de se illam secum rapit et conjungit Deo . Palabras llenas todas de sabiduría mística y muy a nuestro propósito, donde declara admirablemente (f° 66) este sabio doctor el efecto de la vista refleja donde la intención del ánimo se aplica al conocimiento, y el de la vista derecha donde la intención se aplica al afecto. Dice pues en nuestro vulgar : "Antes sucede que cuando el alma es llevada a Dios por amor, si se ocupa acerca de sí misma y de sus actos haciendo reflexiones del entendimiento sobre ellos para reconocer lo que hace, se distrae y entibia en el amor de Dios. Pero, la otra contemplación que con vista derecha camina a Dios, no distrae la voluntad del amor del mismo Dios, sino antes cuanto es de su parte la arrebata consigo y la junta con Dios." Esto dice este autor, según lo cual no es menor la diferencia que hay en la aplicación de la intención del ánimo al conocimiento para hacer acto reflejo y reconocer el sencillo, o al afecto para caminar con ella derechamente a Dios, que apartar a la voluntad y entibiarla, o unirla a Dios y encenderla en su amor.

En esto diferencian también los autores sabios la contemplación especulativa, donde se aplica la intención del ánimo al conocimiento, de la mística teología, donde se aplica la intención al afecto. De donde se saca que esta contemplación afectiva, y no la especulativa, es la que enseñó San Dionisio, y por eso la llama "mística teología " ; la sustancia de la cual declara Ruperto Linconiense su comentador de esta manera : mystica theologia est secretissima et non iam per speculum et imagines creaturarum (f° 67) cum Deo locutio : cum videlicet mens transcendit omnes creaturas et seipsam, et ociatur ab actibus omnium virium apprehensivarum cujuscumque creati, in desiderio videndi et tenendi ipsum qui est super omnia, expectans in caligine privationis actualis comprehensionis donec manifestet se desideratus quantum novit convenire desiderantis dignitati et susceptibilitati . Ésta es la contemplación que enseñó San Dionisio, archivio de la doctrina de los apóstoles, y la que en este capítulo se persuade ; la cual declara este sabio expositor diciendo que es un habla secretísima de Dios con el alma, no en espejo y semejanzas de las criaturas, sino cuando el entendimiento trascendiéndolas todas y a sí mismo, se queda en total quietud de los actos de todas las fuerzas aprensivas acerca de todo lo criado, con deseo de gustar y abrazar con el afecto aquel Señor que es sobre todas las cosas, hasta que se digne de manifestarse al alma deseosa cuanto ve que le conviene. Esta misma contemplación enseña San Gregorio cuando tantas veces nos persuade que en ella subamos a Dios per inhiantem voluntatem, esto es con el afecto sediento por su amor. Y la misma nos persuaden todos los maestros místicos sabios y experimentados cuando dicen que en ella nequaquam sistat homo in cognitione, sed aspiret per viam affectivam quasi cordis ore inhiante in divinam sapientiam et bonitatem saporandam (f° 68) et gustandam . Esto es que en esta contemplación no ha de hacer el hombre asiento en el conocimiento, sino aspirar por la fuerza afectiva como con la boca del corazón, sediento a gustar el sabor de la divina sabiduría y bondad.

Dice también Ruperto Linconiense que en esta contemplación no sólo queda el entendimiento en oscuridad y quietud de todos sus actos aprensivos cuanto es de su parte, mas también de parte de la influencia divina que de ninguna manera le mueve a ellos . Lo cual se experimenta en las almas contemplativas, y algunas veces tan a lo conocido, que procurando ellas ponerse en ellos se lo impide, y esto no sólo en este grado superior mas también en los inferiores. Porque cuando tienen ya adquirido hábito de meditación por los discursos pasados, les esteriliza el discurso para que suban del conocimiento sensible al intelectual sencillo, y cuando [éstas le ] ejercitan en concepto formado a su modo connatural y están ya sazonadas para contemplar a Dios en vista derecha, se hallan como impedidas de la influencia divina en la formación de este concepto ; y cuando dejan la vista derecha para reconocer con reflexión su acto y con esto se estorban, se suelen también hallar impedidas en esta reflexión. De las cuales experiencias he hallado muchas almas y no poco afligidas, pareciéndoles que les había quitado a su Dios con este no poder formar concepto de él a su modo, ni reconocer su acto de vista sencilla. Y de una vez que Dios a lo (f° 69) sobrenatural proporciona de esta manera al alma consigo para comunicársele, habíamos de tomar doctrina para hacer lo mismo cuando el alma no es de esta manera movida, pues a la operación divina ha de imitar la nuestra y no lo contrario : cum ea quae sunt secundum naturam sint ordinata ratione divina, eam humana ratio debet imitari . Y así como es propio de la razón inclinar el alma en la oración mental hacia los actos aprensivos distintos y particulares, así es propio de Dios moverla al acto universal e indistinto, donde se proporciona con él en semejanza de conformidad : inclinare autem in bonum universale est primi moventis cui proportionatur ultimus finis . Y ya vimos de la doctrina de San Dionisio que el intento de Dios en las mercedes sobrenaturales que hace a los imperfectos a modo sensible, es llevarlos a su modo imperfecto de lo sensible a lo intelectual, y de lo material a lo sencillo.

Capítulo 8 En qué tiempo y con qué circunstancias se ha de ayudar al esfuerzo de la voluntad en la oración para que sea provechoso

De estos tres medios que en el capítulo pasado referimos para ayudar al buen logro de la contemplación con los (f° 70) actos de la voluntad, el uno tiene siempre sazón y los dos a sus tiempos. El que tiene siempre sazón es la intención del ánimo aplicada al afecto y no al conocimiento : porque con esto se quitan las reflexiones del entendimiento sobre sus actos que estorban tanto la perfecta contemplación, como ya vimos, y obligan al entendimiento que con vista derecha ilustrada de la fe, vaya acompañando y guiando los actos de la voluntad hacia su fin que es Dios ; la cual vista arrebata consigo la voluntad y la arroja en Dios para unirla con él (cogitatio quae directe tendit in Deum rapit secum voluntatem et conjugit Deo. ). Asimismo como la intención lleva consigo toda la eficacia del alma y la contemplación se ordena a los afectos de la voluntad (pues, como prueba Santo Tomás, toda la vida espiritual se encamina como a su fin a unir la voluntad a Dios con la caridad ), a esto principalmente se ha de aplicar la eficacia y virtud del alma ; y por eso, ahora sienta el contemplativo la moción divina, ahora no la sienta, siempre es provechosa esta aplicación hacia el afecto.

Los otros dos medios del esfuerzo activo de la voluntad y las aspiraciones del corazón a Dios tienen sus tiempos de mayor o menor sazón, y así piden declaración particular.

Para la cual nos servirá de arrimo la declaración en otra parte referida que hace Santo Tomás a aquellas palabras del Salvador, (f° 71) que en el repartimiento de sus dones dio a cada uno secundum propriam virtutem , esto es (declara el santo), según el aliento y esfuerzo con que cada uno se prepara para recibir la gracia y los dones divinos, y para esta disposición mueve el Espíritu Santo el espíritu del hombre más o menos para mayor o menor recibo . De manera que la medida de estos recibos divinos es según la disposición con este aliento y esfuerzo (dicendum est igitur quod mensura secundum quam datur charitas est dispositio per conatum operum ). Para cuya aplicación a nuestro propósito se han de considerar tres tiempos en este repartimiento de los dones : el primero, cuando se disponen para recibirlos ; el segundo, cuando los reciben, y el tercero, cuando después de recibidos negocian con ellos ; de todos los cuales tiempos tocaremos el conveniente ejercicio para estos dos medios con que la voluntad es ayudada en sus actos.

Para el primer tiempo, son muy convenientes así el aliento activo de la voluntad como las aspiraciones del corazón, porque como de tal manera mueve el Espíritu Santo la voluntad, que también quiere que ella tenga parte en esta moción, como ya vimos, se hace con este esfuerzo cooperadora del Espíritu Santo para ser más fácilmente movida de él . Y así mientras el contemplativo no siente recogido el espíritu ni el afecto fervoroso en la oración mental, son muy provechosos estos (f° 72) dos medios, y por eso los aconsejan tanto los santos. Pero cuando se siente ya muy recogida el alma y tan quieta que cualquier bullicio y cuidado la desazona, es señal que entonces está el Espíritu Santo repartiéndole ya sus dones, y que quiere que se vaya en este recibo sólo por modo de disposición y que cese su operación inquieta con que procura moverse a sí misma, pues sin esta moción suya la esta moviendo Dios. Porque, como dijo sabiamente aquel autor docto, cum anima in altissima contemplatione a Spiritu Sancto movetur, non debet aliquid propriae actionis miscere, sed Spiritus Sancti ductum sequi, quamvis id non faciat sine vera efficientia et cooperatione ; que fue decir que cuando en la perfecta contemplación es movida el alma del Espíritu Santo a lo conocido, no ha de mezclar nada de propia operación activa, sino según la guía y moción del Espíritu Santo, cooperando con él según la operación pasiva y habiéndose solamente a modo de recibir. Pues entonces ha de dejar el alma el cuidado de las aspiraciones del corazón y del esfuerzo activo de afecto, y contentarse con quedar amando a Dios y recibiendo sus dones con el acto propio de la voluntad que es simplex motus voluntatis, una operación sencilla de la voluntad inclinada a lo que ama ; y entonces estará más parecida a Dios y a sus ángeles que de esta manera aman y se gozan .

Para saber acomodar bien estos dos tiempos, es muy necesario ajustarse siempre el alma en su operación a la (f° 7s) influencia divina por cuyo medio la gobierna Dios en la oración, como lo persuaden los santos y nos lo intimó San Lorenzo Justiniano en estas palabras : debet anima humilis et devotioni contemplationis vacans semper divini se subjicere radio luminis, quatenus trahenti et vocanti spiritui continue se accomodet : nam spirat quando vult et de quo vult . Debe el contemplador humilde (dice este santo), si quiere sacar devoción de su ejercicio, sujetarse siempre al rayo de la luz divina, de manera que se acomode continuamente a la moción y llamamiento del Espíritu Santo, que aspira cuando quiere y a lo que quiere. Y porque estos llamamientos en los auxilios comunes de la gracia son muy sutiles y los poco experimentados no los perciben, danos el mismo santo en otra parte una señal muy conocida de ellos para que los obedezcamos diciendo : debet autem humana mens spirituali se substernere immissioni, et semper illi sollicite coaptare se. Ubi vel qualiter impetus Spiritus orantis animum dirigere voluerit consentiendum est .

Para declarar con propiedad estas palabras en que está encerrada excelente sustancia a nuestro propósito, se ha de advertir con la doctrina de Santo Tomás que esta palabra de que aquí usa este santo significa en nuestra alma lo supremo de las tres potencias espirituales (aunque algunas veces se toma por el entendimiento sólo) . Y el Apóstol llamó a esta parte superior "espíritu" , a diferencia de la parte inferior que llamó "alma", pues en esta "mente" o "espíritu" está la semejanza natural que el alma tiene con Dios. Y cuando contempla a Dios en luz sencilla de fe en sí mismo y no en semejanza de cosas criadas, entonces se pone en otra semejanza de Dios más perfecta que es la de conformidad, de la cual (como afirman los autores sabios) habló el Apóstol cuando dijo que en la contemplación de la divina gloria se transforma el alma en la misma imagen ; y añade el venerable Hugo de San Víctor aquellas palabras de San Agustín, que cuanto más el alma se extiende con esta parte superior a lo que es eterno, tanto más se reforma a imagen de Dios, pues como está entonces el alma conformada con él, está muy dispuesta para ser movida de su influencia ; y en esta parte superior, sólo el Senõr que la crió puede moverla derechamente y como señor de la posada, aunque la pueda mover por representación de algún objeto amable el espíritu criado . Y así el "espíritu" o "mente" es el instrumento que Dios toca para que haga el alma suave música en sus divinos oídos, dejándose mover de su influencia y obedeciendo prontamente a sus llamamientos.

Esto pues así entendido, dice ahora San Lorenzo Justiniano, gran maestro del ejercicio práctico de la contemplación, que lo primero que ha de hacer el contemplativo es ponerse en esta semejanza de conformidad con Dios, y sujetar y aplicar el espíritu a su divina (f° 75) influencia, y luego seguir su moción y llamamiento de la manera que lo sintiere en el mismo espíritu tocado de ella ; y adonde el Espíritu enderezare el ánimo, hacia allí le ha de guiar, particularmente si le guia hacia lo universal e indistinto y no conocido sino por fe, que esto es llevarlo hacia lo eterno donde se reforma a la imagen de Dios, porque éstas son mociones conocidas de la influencia divina reduciéndola a unidad sencillez y quietud con que la proporciona consigo ; y no obedecer esta moción es resistir al Espíritu Santo, y se seguirá de esta inobediencia lo que el mismo Santo dice por estas palabras : qui autem conditoris gratiam repellit, nunquam spiritualibus ditabitur donis. Repugnare enim et vocanti Deo nolle humiliter acquiescere, nihil aliud est, quam fluenta gratiae desicare et ad suum praejudicium aditum internarum devotionum obtrudere ac Dei iram contra se fortiter advocare. Propterea dicebat : terribilis est ei, qui aufert spiritum, et Paulus : Spiritum nolite extinguere. Alibi quoque dicitur : cum spiritus potestatem habens irruerit super te, da ei locum . Despídase (dice este santo) de ser enriquecido de bienes espirituales el contemplativo que desecha la gracia de su criador. Porque repugnar a Dios cuando llama, y no querer ajustarse humildemente a sus llamamientos no es otra cosa que secar las fuentes de la (f° 76) gracia y cerrar para su daño la puerta de la interior devoción, y llamar contra sí fuertemente la ira de Dios. Y como si no bastara para que le diésemos crédito, su autoridad y experiencia lo prueba con muchos lugares de la Escritura Sagrada.

Pues cuando el contemplativo sintiere que la influencia divina pone el ánimo en quietud y oscuridad de todo lo conocido y que siente sinsabor con cualquier movimiento, asista a Dios con una atención sencilla y quietísima en descuido de toda operación activa suya, aunque sea de la voluntad, porque así la quiere entonces el Señor para poner en ella sus dones ; y esto mismo significó nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz en las palabras que a Vuestra Paternidad tanto le disonaron, cuando hablando de esta contemplación dijo que en ella había de quedar el alma con una advertencia amorosa a Dios, ajena de toda pretensión y cuidado. Y para conocer el contemplativo las mociones de Dios y percibir los afectos de su influencia, tenga por regla general la que da Santo Tomás que, quando anima abstrahitur a corporalibus, aptior redditur ad percipiendum influxum spiritualium substantiarum . Conviene a saber que cuanto más abstraida estuviese el alma de todo lo sensible, tanto más dispuesta quedará para percibir la influencia divina, así la inmediata que hace Dios por sus dones como la que hace por medio de los ángeles.

(f° 72) Pues habemos dicho ya de los dos tiempos, el uno de la disposición para los recibos divinos y el otro cuando los recibe en la oración, digamos algo del tercero en que ha de negociar con ellos. Para lo cual es muy a propósito lo que dice el texto sagrado, que en habiendo el Señor repartido los talentos a sus siervos se partió, y entonces ellos negociaron con el caudal recibido . En lo cual está cifrado lo que habemos de hacer en estos recibos, porque después que en la quietud atenta y amorosa donde tiene al alma como presa con cadenas de amor, le ha dado el caudal sobrenatural, la suelta para que la ejercite, de manera que parece que se ha ido ; y entonces es excelente sazón para hacer actos particulares afectivos como de agradecimiento, de alabanzas divinas, de obrar y padecer por su amor, y cosas semejantes, porque esto es negociar a lo sobrenatural para aumentos también sobrenaturales, el cual aumento no se siguiera si los actos se hicieran antes de recibir en la oración este caudal.

Para cuya declaración, se ha de advertir con la doctrina de Santo Tomás que para el ejercicio de los aumentos sobrenaturales no hay en nuestra naturaleza aptitud, nisi secundum principium passivum tantum , esto es que no tenemos disposición más que como principio pasivo sólo. Y así no podemos caminar a este aumento con acto propio nuestro movido de nuestro caudal natural, sino movido de la influencia sobrenatural de Dios. Pero (f° 78) después que en esta moción ha recibido caudal sobrenatural para obrar con él, le puede ejercitar ayudándose a esto de su propia operación activa y ejercitando lo que recibió en la potencia pasiva, a semejanza del aire que, aunque no puede hacer movimiento de fuego, tiene disposición pasiva para transmudarse en fuego, y de esta manera transformado, hacer movimiento de fuego que exceda la potencia activa del aire. Y así también aunque nuestra voluntad movida de su caudal natural no puede ejercitar operaciones activas de caridad, tiene disposición pasiva para ser transformada en fuego de caridad, y de esta manera transformada, ejercitar actos de ella que excedan su potencia activa. Según lo cual queda claro cuanto más provechosos son los actos afectivos particulares en la oración, después que en la quietud devota se afervorizó la voluntad con los recibos divinos, que cuando ella antes de recibirlos estaba fría.

Pero, el salir a estos actos ha de ser conformándose con la influencia divina y no haciéndole resistencia ; de lo cual será señal si el alma se alienta a salir a ellos, porque si ella siente sinsabor en salir de su quietud sabrosa, es indicio conocido que todavía le está Dios comunicando el caudal sobrenatural, y por eso la proporciona consigo en aquella quietud y silencio eterno con que dice San Dionisio que mueve todas las cosas sin moverse (f° 79), y de ninguna manera la han de inquietar entonces. También se ha de advertir que después que negociaron con los talentos los que los habían recibido, volvieron al Señor a presentarle las ganancias que habían hecho con ellos, y el Señor agradado con ellas les aumentó los talentos . Porque otro tanto habemos de hacer con las ganancias que en la oración hacemos con nuestros actos, que despues de haberlos ejercitado, se ha de volver a quietar al alma en su atención sencilla y serenísima para recibir en ella de Dios nuevo caudal, el cual recibo siempre se hace en esta quietud. Y de esta manera anda el alma que sabe negociar a lo divino en aquella rueda de merecimientos y aumentos de gracia y virtudes, que declaró Santo Tomás a esto propósito : sic enim quaedam circulatio attenditur dum ex lumine crescit luminis desiderium ; et ex desiderio aucto crescit lumen .

Capítulo 9 Que en el acto universal y sencillo de la contemplación está el alma toda empleada en Dios y en ejercicio de todas las virtudes

Antes que pasemos a tratar de la continuación que piden los santos en el acto de contemplación, será necesario dejar (f° 80) descubierto el engaño en que Vuestra Paternidad está, pues dice que en esta contemplación sencilla y quieta, pierde el alma tiempo y no se ejercita en las virtudes, siendo lo contrario la verdad, pues tiene en esta contemplación eficazmente ocupadas en Dios todas las potencias y ejercitando todas las virtudes.

Cuanto a lo primero, cosa cierta es, que en esta contemplación está la voluntad inclinada a Dios y empleada en él, pues toda la doctrina que los santos nos dieron en los capítulos pasados se ordena a unir la voluntad con Dios y despertar en ella el fuego de la caridad, lo cual es el fin de la vida espiritual, como prueba Santo Tomás . Y si la voluntad está empleada en Dios, por el consiguiente lo están asimismo todas las demás potencias, porque en todas las fuerzas del alma la voluntad es la que tiene el lugar de primer motor, y con el movimiento de su acto arrebata los actos de todas las demás potencias a su último fin, como cielo superior a los inferiores : cum ergo in viribus animae voluntas habeat locum primi motoris, actus eius imperat actus aliarum virium secundum intentionem finis ultimi et utitur eis in consecutione ejusdem .

Y no sólo imprime la voluntad en las demás potencias su propia forma (que es la libertad de su acto para que sea meritorio), mas también una participación de la forma que a ella la perfecciona, que es la caridad (f° 81) y la raíz y principio del merecimiento (con la gracia). De manera que así como el acto superior contiene en sí más perfectamente a lo universal todo lo que los inferiores en particular e imperfectamente (superius perfecte et totaliter habet quod ab inferiori imperfecte et particulariter habetur ), así en sólo este acto sencillo de lo superior del espíritu y supremo de las tres potencias que está empleado con Dios, como ya vimos, están incluidos los actos de las demás potencias con mayor perfección que si cada una de ellas los ejercitara sin otra dependencia ; y si el amor no es otra cosa que aplicación de la voluntad a alguna cosa como a su bien (ipsa igitur habitudo vel coaptatio appetitus ad aliquid velut ad suum bonum amor vocatur ), el amor de Dios está ejercitando la voluntad del contemplativo en este acto, pues en él está aplicada a Dios de está manera.

También es cosa cierta que en esta contemplación camina el alma no sólo al ejercicio de las virtudes, mas también como por camino derecho al aumento de ellas. Porque si preguntamos a Santo Tomás cuál es el camino propio para llegar a estos aumentos, nos dirá que de parte de Dios se aumenta la gracia y caridad en nosostros cuando se aumenta la eficacia de su virtud. Pero de parte de nuestra disposición, viene este aumento de reducirse el alma de la multiplicidad a la unidad, y alega a San Dionisio (f° 82) que siempre señala lo perfecto de la santidad de reducirse el alma de la vida esparcida a la única : Ex parte ipsius materiae intensio charitatis contingit ex hoc quod natura recipiens magis ac magis preparatur ad susceptionem gratiae secundum quod ex multitudine in unum colligitur. Et ideo Dionisius perfectum sanctitatis semper designat per hoc quod exparsa vita in unicam consurgit. Pues si todo esto se halla en esta contemplación, no está el alma ociosa en ella, sino en utilísimo ejercicio de virtudes y en el más proporcionado para el aumento de la caridad. Y si está en acto de caridad, lo está así mismo de todas las virtudes de las cuales ella es forma, y las mueve y endereza sus actos a su fin que es Dios : charitas enim est forma virtutum, et omnes actus earum in suum finem convocat, eo quod eius objectum est finis ultimus .

Cosa es también muy asentada en la teología, que no podemos llegar a las virtudes y dones infusos con que el hombre se reforma a semejanza de la claridad de Dios, como dijo el Apóstol , por nuestros propios actos movidos de la razón, sino por la operación divina : Virtus vero ordinans hominem ad bonum secundum quod modificatur per legem divinam et non per rationem humanam, non potest causari per actus humanos, quorum principium est ratio, sed causatur (f° 8s) solum in nobis per operationem divinam . Y si preguntamos a San Dionisio cuál es el acto en que el alma se dispone para recibir esta operación divina y en ella estas virtudes y dones infusos, nos dirá que cuando el entendimiento en la contemplación de las cosas divinas deja la luz de la razón y se translada a la luz de la fe, entonces deja de ser suyo y se hace de Dios y recibe el aumento de estos dones (ita enim erunt divina nobis dona data y habla San Dionisio de la razón ilustrada de la fe, cuando queremos con ella comparar las cosas divinas a las nuestras, y así lo declara también Santo Tomás), pues si en esta contemplación se dispone de esta manera el alma para recibir en sí esta operación divina y los aumentos de la caridad y de las demás virtudes y dones que con ella andan, no está en ella sin ejercicio de virtudes. Y si de la caridad se toma la perfección de la vida cristiana , y aquella se llama verdadera santidad por la cual el espíritu del hombre aplica a Dios todos sus actos, y a sí mismo (sic ergo sanctitas dicitur per quam mens hominis, se ipsam et suos actus applicat Deo ), y de esta manera está empleado el espíritu en esta contemplación, ejercitando está la perfección y verdadera santidad y por estos actos camina proporcionadamente a ella.

Pues si compara Vuestra Paternidad todo esto con lo que echa menos en la contemplación de nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz, y a lo que parece que nos quiere de camino persuadir que es el discurso y los demás actos de la razón, conocerá más claramente que no (f° 84) ha hecho verdadero concepto de la provechosa comunicación del alma con Dios en la oración mental. Porque declarando Santo Tomás aquellas palabras de San Dionisio (que por el conocimiento intelectual sencillo camina el alma derechamente y por modo proporcionado con su naturaleza espiritual a la unión de Dios, que se hace estando el entendimiento levantado sobre sí mismo en la luz de fe), dice de esta manera : Nullum enim effectum haberet investigatio rationis, nisi ad intelligibilem veritatem et simplicem puritatem perduceret . Esto es que de ningún fruto sería el discurso de la razón, si no llegase a quietarse en el conocimiento intelectual puro y sencillo.

Confirma esto mismo San Bernardo hablando con el Papa Eugenio por estas palabras : "Pienso que con vigilancia adviertas que en la oración la atención sencilla es el fruto del discurso y ponderación que le ha precedido, y que las dos primeras si no se refieren a ésta parecen que son algo y no son nada. Porque la primera (que es el discurso), si no viene a parar en esta vista sencilla, siembra mucho y no coge nada (multa serit, et nihil metit) ; y la segunda (que es la ponderación), si no se ordena a ésta, camina y no llega al paradero ni alcanza su fin ; luego, lo que la primera desea y la segunda huele, la tercera lo gusta (ergo quod prima optat, secunda (f° 85) orat, tertia gustat.) ". En otra parte, trata de esto mismo este santo más a lo largo, lastimándose de que pudiendo los contemplativos por medio de la luz de la fe ilustrada de los dones del Espíritu, gozar aun entre las miserias de esta vida de unas como arras y principios de la buenaventuranza venidera, lo pierden por no saber quietar el alma en la oración ; y a nuestro propósito añade estas palabras : Qui vero contemplationi veritatis vult vacare, necesse est ut discat quiescere non solum ab operibus, sed etiam a cogitationibus. Multi siquidem, etsi sciant vacare corpore, minime tamen valent vacare corde, nescientes facere sabbatum ex sabbato . Que fue decir : él que quisiere vacar a la contemplación donde se gustan estas celestiales arras de la buenaventuranza venidera, tenga por cosa precisamente necesaria aprender a quietarse no sólo de las obras exteriores, mas también de las meditaciones interiores ; porque hay muchos que, aunque saben quietarse en el cuerpo, de ninguna manera saben quietarse en el ánimo, ni hacer descanso del descanso. Y declarando en otra parte este "hacer descanso del descanso", dice que no se ha de contentar el contemplativo con quietarse de las cosas del mundo y de sí mismo, sino también olvidado del todo de sí, quietarse en Dios ; que esto es hacer descanso del descanso : sacar del descanso natural en la cesación de las operaciones activas interiores y exteriores, el descanso sobrenatural que en la contemplación sencilla se recibe. Este punto aprieta aún más Santo Tomás, y considerando que podían los contemplativos, disponiéndose con la quietud ilustrada de la fe y dones divinos, gozar de un principio de bienaventuranza aún en esta vida, lo (f° 86) pierdan por su inquietud con que procuran buscar a Dios pudiéndole gozar como presente, le lastimaba tanto que sacándole de su paso ordinario y como olvidado de su natural modestia, comenzó aquella eficaz exclamación : Magna caecitas et nimia stultitia, etc., donde reprende acérrimamente este desorden.

Pero no tiene este solo daño este modo de orar que Vuestra Paternidad apoya, sino también otros muchos ; y bástele para persuadirse que dijo verdad San Bernardo en las palabras que quedan referidas, que el discurso y ponderación de luz natural, si no para en la quietud sencilla de la fe, siembran y no cogen, saber que ni en lo uno ni en lo otro no habla el alma con Dios sino consigo misma, ni tiene oración, como se puede sacar de estas palabras de Santo Tomás : Per voluntatem conceptus mentis ordinatur ad alterum ; nam quando mens convertit se ad actu considerandum quod habet in habitu, loquitur aliquis sibi ipsi : nam ipse conceptus mentis interius verbum vocatur . Las cuales palabras declara muy a nuestro propósito un autor muy docto de esta manera : "Muy bien dice Santo Tomás que cuando uno considera actualmente alguna cosa, habla consigo mismo, y para eso, este tal concepto actual se llama ‘palabra del entendimiento’. Y todo el tiempo que se detiene en él y no se ordena a otro, aún no habla con él. Según lo cual, el que desea alcanzar alguna cosa de Dios, (f° 87) aunque conozca este deseo por el acto del entendimiento, por sólo esto no habla aún con Dios sino consigo, y por el consiguiente aún no ora. Pero, cuando quiere presentar en la presencia de Dios este su deseo acompañado con el conocimiento de su necesidad y de la dependencia que tiene de Dios, para que con esto se mueva su Majestad a concederle esto que desea, ya entonces ordena su deseo y concepto a Dios." Todo esto es de este autor, y la misma doctrina enseña San Buenaventura a este propósito. Pues ¿ qué cosa más desordenada puede ser que enseñar un modo de orar por una parte tan desaprovechado, si no llega a su fin, y por otra tan desproporcionado, que ni es oración, ni habla con Dios, sino consigo mismo, el orador ?

Capítulo 10 Donde se responde a algunas objeciones opuestas a esta contemplación deshaciéndolas con la doctrina de San Dionisio emanada de los Apóstoles, y se trata de las visiones sensibles

De esta manera son todos los demás argumentos con que Vuestra Paternidad contradice la contemplación apostólica de nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz, pues es la misma que enseñaron (f° 88) los apóstoles , como él dice y adelante veremos ; y así no tienen más dificultad que la que les da el ingenio de donde salen, poco experimentado en materias místicas ; y aunque con lo que ya queda dicho tienen perdida su fuerza, con todo eso diremos algo en particular de cada uno de los principales de ellos porque no tropiece Vuestra Paternidad otra vez en camino tan llano, y descamine con su doctrina alguna alma que vaya bien guiada.

Trae Vuestra Paternidad contra esta contemplación el lugar de San Dionisio que dice : Et enim neque possibile est aliter lucere nobis divinum radium nisi varietate sacrorum velaminum anagogice circumvelatum, et his quae secundum nos sunt providentia paterna connaturaliter et proprie praeparatum . Y de aquí saca Vuestra Paternidad que la contemplación sencilla que nuestro venerable Padre enseña, apartada de todas las semejanzas conocidas de nosotros, queda sin fundamento ni arrimo, pues aquí dice San Dionisio que no podemos recibir el conocimiento de la luz divina e increada que es Dios sino vestida de algunas de estas semejanzas conocidas.

Esta autoridad de San Dionisio declara Santo Tomás en diversos lugares de sus libros. En uno de los cuales, dice que habló del conocimiento natural según el cual no podemos subir al conocimiento de Dios, sino por alguna semejanza de las cosas visibles que entran al alma por los sentidos ; y lo mismo consta de las palabras de San Dionisio, (f° 89) así las referidas como las que se le siguen. En otra parte declarando el Doctor Angélico este mismo lugar, dice estas palabras : Loquitur Dionisius quantum ad principium revelationis divinorum, in qua quasi per sermonem quemdam nobis in signis et figuris proponuntur ; sed ulterius de auditis per fidem et per donum intellectus mens illustratur . En estas palabras comprendió Santo Tomás el intento de San Dionisio en este lugar, que fue declarar que las mercedes que nuestro Señor hace a los contemplativos imperfectos y principiantes, las proporciona con su imperfección comunicándoselas, aunque sean sobrenaturales, a su modo natural y sensible, para que de esta manera nos perducerent per sensibilia in intellectualia, et ex sacris figuratis symbolis in simplices caelestium hierarchiarum summitates ; esto es que como a niños que no saben aún andar sino arrimados al carretón de las cosas sensibles, los guía a su modo imperfecto por lo sensible a lo intelectual, y por las semejanzas y figuras conocidas al conocimiento de las cosas sencillas y celestiales.

Y añade Santo Tomás en las palabras referidas, que en este lugar no habla San Dionisio del conocimiento sobrenatural de la fe y dones del Espíritu Santo en que se ejercita la verdadera contemplación, en la cual se ha de desnudar el entendimiento de todas estas semejanzas, como ya vimos, para que no le engañen, dice San Gregorio, representándole a Dios como él no es y abatiéndole (f° 90) a lo que es inferior al mismo entendimiento.

Y así no tiene esta objeción que ver en nuestro caso, ni cuanto a esto, ni cuanto a lo que Vuestra Paternidad dice que está el alma en ella como en el aire y sin fundamento, pues está (dice Santo Tomás) el entendimiento extra omnem sensum positus et veritati supernaturali conjunctus , esto es, apartado de todos los demás conocimientos, y unido firmemente a la verdad divina, que, como dijo San Dionisio a este propósito, es mejor unión que la de la razón y luz natural del entendimiento. Y hay tanta distancia del uno al otro fundamento, que en esto diferencia Santo Tomás la contemplación de los filósofos cristianos en participación de la que ejercitan en el cielo los bienaventurados (que los unos y los otros son movidos de la luz divina emanada de Dios inmediatamente, aunque en diferente claridad), y la de los filósofos naturales ejercitada por discursos de la razón en el espejo de las criaturas.

El otro argumento que Vuestra Paternidad hace contra la contemplación de nuestro venerable Padre, es en lo que dice que no sólo se han de dejar en la contemplación las semejanzas sensibles y distintas que en el conocimiento natural entraron por los sentidos, sino también los que entraron en el alma por modo sobrenatural, como en las visiones y aprehensiones comunicadas sobrenaturalmente a modo sensible proporcionado con nuestro conocimiento natural ; lo cual le parece a Vuestra Paternidad que es cosa desacertada, pues estas comunicaciones (f° 91) las hace Dios para bien del alma y así no se le han de quitar sus memorias. Esta objeción tampoco nos obsta, pues con las palabras poco ha referidas de San Dionisio queda respondido a ella suficientemente, y acreditada la doctrina de nuestro autor. Porque si el intento de Dios en estas comunicaciones sobrenaturales es levantar a las almas que las reciben del conocimiento material y sensible en que están groseras y como apocadas, al intelectual sencillo donde se espiritualizan y engrandecen, y esto no se puede hacer sino desnudándose el entendimiento de estas semejanzas, cosa clara es que no quiere que en la contemplación sencilla se embarace con ellas.

Y las mismas palabras de San Dionisio nos están enseñando como nos habemos de haber en estas comunicaciones para sacar de ellas el fruto que Dios pretende, diciendo : visibiles quidem formas invisibilis pulchritudinis imagines arbitrans, sensibiles suavitates figuras invisibilis distributionis, et immaterialis luculentiae imaginem materialia lumina . Esto es que el que recibe estas comunicaciones sensibles ha de subir por ellas a las intelectuales sencillas como por imágenes de ellas, conviene a saber, la hermosura visible de la invisible, la suavidad sensible de la celestial y los resplandores de la luz material de la luz espiritual, y así de las demás comunicaciones sensibles. Y tratando el mismo San Dionisio de estas comunicaciones y de sus semejanzas en nuestro caso y dentro del acto de la contemplación, (f° 92) dice que si el contemplativo quiere que la iluminación divina se le comunique a lo de veras y sin velos, que no sólo ha de dejar el entendimiento todas las semejanzas de las cosas sensibles y espirituales y toda su operación activa, mas también omnia divina lumina et sonos et sermones caelestes , esto es, las memorias de todas estas comunicaciones que han recibido de Dios por modo sobrenatural ; y desnudo el entendimiento de todo esto, se entre en la oscuridad como Moisés en la nube donde Dios se halla. Y refiérelo por doctrina del apóstol San Bartolomé, y adelante veremos intimada esta misma doctrina por San Agustín más distintamente. Y como los santos y varones muy ilustrados de Dios bebieron esta sabiduría en una misma fuente, lo mismo aconseja nuestro venerable Padre, porque por un poquito de sabor sensible que reciben estas almas con estas memorias repetidas, estorban en la contemplación los efectos de la iluminación divina que en ella se comunica. Y aunque estas comunicaciones sobrenaturales por modo sensible, cuando son de Dios, hacen de camino algún efecto también sobrenatural en el apetito sensitivo para moderar y ordenar las pasiones que en él residen, como aquella visión que tuvo nuestra Madre Santa Teresa de la humanidad de Cristo nuestro Señor, que le quitó todas las aficiones vanas que tanto la fatigaban, este efecto no pende de admitir o desechar estas representaciones, porque en el instante que se representan le hacen en el alma, como muy bien declaró nuestro venerable Padre .

Y cuando no se desechara la propiedad y estima de estas memorias (que si son de Dios no podrá perderla) (f° 9s) por lo que estorban los efectos principales de la contemplación si se embaraza y ofusca el entendimiento con ellas, se había de desechar por los engaños que el demonio puede hacer por este camino en las almas poco recatadas y muy llevadas de estas comunicaciones sensibles, aunque sean de sentimientos dulces. En lo cual dio nuestro venerable Padre admirable doctrina por todo el libro segundo del tratado que intituló "Subida del Monte Carmelo", que Vuestra Paternidad injustamente acusa, en el cual cierra al demonio sabia y experimentalmente todas las entradas que puede tener en las almas contemplativas, guiándolas a lo seguro y provechoso a la contemplación intelectual, desnudas de todas estas aprehensiones sensibles. Lo cual le parece a San Buenaventura que es necesario no sólo en las representaciones sensibles comunicadas por modo sobrenatural, mas también en los sentimientos dulces del apetito sensitivo ; y a este propósito dice de esta manera : "Pero, porque esta abundancia de consuelo y alegría consiste en cierta dulzura admirable del corazón, siempre es más seguro estar con recelo ; porque el demonio acostumbra transfigurarse en ángel de luz y procurar algunas veces al hombre cosas semejantes, no para consolarle, sino para mancharle ocultamente, envaneciéndole para que se ensoberbezca y piense que ya es algo. Por lo cual, con suma diligencia se ha de advertir que todas las veces que tuvieres estos recogimientos, (f° 94) endereces a Dios la vista de la inteligencia pura, para que tu voluntad guiada de esta manera del entendimiento, de ninguna manera se aparte de él ; y con esto, si te conviniere deleitarte, te deleites en sólo Dios ; y de esta suerte, si esta suavidad fuere de Dios, se hará más intensa, y si del demonio, se quitará o por lo menos se disminuirá."

De esta manera nos enseña este santo a poner el alma en el alcazar de su seguridad contra las asechanzas del demonio en estas comunicaciones sensibles, y lo mismo procura persuadirnos nuestro venerable Padre por todo este libro segundo a que Vuestra Paternidad se opone . Y añade San Dionisio, que cuando esta suavidad del corazón es de Dios, como se da para sazonar el apetito sensitivo porque con la vehemencia de las pasiones no abate la intención del ánimo a lo sensible, sino antes a su modo ayuda al vuelo del entendimiento hacia lo espiritual, la misma suavidad como procedida de causa superior inclina a lo intelectual y sencillo como a su esfera, y lleva al alma como guiada de la mano, de la multiplicidad de la meditación a la unidad de la contemplación : affluentiae manu ducentis a multis et divisibilibus ad simplicem et non tremulam Dei cognitionem ; como lo experimentaba nuestra Madre Santa Teresa en una de estas comunicaciones, y así dice que el entendimiento sola una cosa quería entender y la memoria no ocuparse en más.

(f° 95)

Capítulo 11 De la seguridad y excelencia de las visiones intelectuales que levantan al alma a verdadero conocimiento de Dios y participación de su santidad

Para que quede más conocida la pureza de la doctrina de nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz, y cuan concorde camina siempre con la de San Dionisio para los ojos claros que pueden mirarla sin deslumbrarse con su claridad como deslumbra la del sol a la lechuza, se ha de advertir lo que dice este santo, que las comunicaciones sobrenaturales que hace Dios a los contemplativos aprovechados, como no son para levantarlos de lo sensible a lo intelectual, como las pasadas, sino para perfeccionarlos a lo divino, no se las comunica a modo sensible e imperfecto, sino a modo intelectual y sencillo, pero de tal manera formadas que puedan percibirlas quasi in forma informium similitudinem , esto es, a semejanza de forma sin formas, que Santo Tomás declaró : per similitudinem rerum forma corporali carentium ; conviene a saber que no se hacen por ninguna semejanza de cosa corporal de las que conocemos, sed per aliquas intelligibiles immissiones, quod est proprie angelorum , sino por semejanzas intelectuales infusas más proporcionadas al conocimiento de la patria que al del destierro ; y a éstas llama San Dionisio por excelencia "visiones divinas", (f° 96) y no a las pasadas, y da la razón diciendo ex videntium in divinum reductione. Y declara Hugo de San Víctor : quia per eam visionem reducuntur videntes in divina cognoscenda , esto es que, como estas semejanzas intelectuales proceden de la Sabiduría divina, llevan al entendimiento con propiedad al conocimiento de Dios y de sus divinas perfecciones por que se las representan con grandeza y excelencia, lo cual no hacen las otras sensibles y proporcionadas con nuestro conocimiento natural ; antes, mientras el entendimiento no se desnuda de ellas para subir a lo intelectual de fe, no puede hacer gran concepto de las perfecciones divinas, si bien causaran suavidad y ternura en el apetito sensible.

Pues estas visiones intelectuales no dice nuestro venerable Padre que las deseche el entendimiento, antes aconseja que se ejercite en ellas, porque como las otras estorban para la unión de Dios si el entendimiento no se desnuda de ellas, éstas ayudan a la misma unión e introducen perfección en el alma, como lo significó el mismo San Dionisio en aquellas palabras : quasi per ipsam visionem videntibus divina facta illuminatione revelavit et quidem divinis ipsis sancte perficientibus , y declara Hugo : llámase visión divina, non solum ideo quia divina videntibus manifestavit, sed quia ipsos etiam divinos effecit. Y añade Alberto Magno : sanctitatem eis praebendo. De manera que se llaman estas visiones por excelencia (f° 97) divinas, así por la altísima noticia que dan al alma de Dios y de sus divinas perfecciones, como porque hacen en cierta manera divinos a los que las reciben, comunicándoles perfección y santidad. Y así por esto como por la seguridad que traen consigo (porque éstas por su excelencia y por la parte del alma a que se comunican que es en lo superior del espíritu que llaman "mente", como ya vimos, de ninguna manera las puede contrahacer el demonio, que solamente puede obrar en la imaginación y apetito sensible – quia tota interior operatio diaboli est circa phantasiam et appetitum sensitivum ), por eso, recelándose tanto nuestro venerable Padre de todas las comunicaciones sensibles y disuadiendo tantas veces a las almas contemplativas el tener propiedad y asimiento a ellas, les da tanta mano en las intelectuales .

Para que esta materia pocas veces declarada quede más entendida, y las personas sencillas poco versadas en los puntos escolásticos no se inquieten en la oración pareciéndoles que pierden tiempo porque no perciben la iluminación divina aunque se pongan en disposición sencilla y abstraida para recibirla, se ha de advertir lo que dice Santo Tomás, que el entendimiento siempre tiene acerca de sí la iluminación divina no formada e indistinta, aunque él no la percibe ni conoce por cinco razones que él da de esto ; y las principales son : por la profundidad y sutilidad de esta divina luz no formada sino comunicada en su (f° 98) espiritualidad y sencillez, y por la extrañeza que esta luz sencillísima y universalísima hace al entendimiento acostumbrado a conocer por las semejanzas groseras y distintas procedidas de los sentidos que la imaginación le administra. De donde viene que, aunque en el mismo instante que el entendimiento se desnuda de todas las semejanzas de su conocimiento natural y quieta su operación activa en la luz de la fe, se le comunica y une con él esta divina luz, como dice San Dionisio y Santo Tomás declarándole : quando anima nostra Deo conformata immittit se rebus divinis non immissione oculorum corporalium, sed immissione fidei, tunc divinum lumen ignotum et inaccessibile seipsum nobis unit et communicat. , y con esto podía el alma estar muy consolada y contenta pues está participando de Dios tan de cerca, con todo eso, como no la percibe, se inquieta para hacer otros empleos a lo activo, y pierde la disposición en que esta luz divina había de obrar en ella ; que es harta lástima y daño más común que conocido. Y nótese aquella palabra : seipsum nobis unit et communicat, que no es menester que demos empellones a la luz divina para que entre a ilustrar al alma, sino sólo quitarle los impedimentos, como tampoco al sol que bate en la ventana, sino sólo abrírsela, por la bondad comunicativa que participa del sol divino, del cual es semejanza expresa, como en otra parte vimos.

(f° 99) Esta luz no formada e indistinta aunque en sí es perfectísima, no nos da perfecto conocimiento de lo que ilumina, así por el exceso que hace a nuestro entendimiento, y por eso San Dionisio le llama "tiniebla" e "ignorancia" , como porque el conocimiento universal que no nos da noticia de lo particular de las cosas es imperfecto (Cognitio in universali est imperfecta ). Con todo eso, con este conocimiento universal e imperfecto podemos amar a Dios perfectamente, como prueba Santo Tomás ; y en los espíritus ya purgados, donde como en cristal limpio y yesca seca no halla la iluminación divina resistencia para ilustrar el entendimiento y encender la voluntad, en entrando en ellos esta luz indistincta e imperceptible, prende tan presto el fuego de amor de Dios, como lo experimentaba nuestro venerable Padre según lo significó en uno de sus libros aún no impreso , diciendo que sin recibir iluminación distinta, sentía que se iba su espíritu inflamando en amor de Dios mucho. Y de aquí les venía a algunos contemplativos muy aprovechados el parecerles que sin acto del entendimiento podía amar la voluntad, porque no percibían esta luz indistinta y no formada aunque la recibía el entendimiento, y experimentaban los efectos que hacía en la voluntad inflamándola en amor de Dios.

Todo esto así entendido para declaración de estas visiones divinas intelectuales, cuando Nuestro Señor (f° 100) quiere comunicar alguna a los contemplativos aprovechados para perfeccionarlos más en su conocimiento y amor, hace con ellos lo que los ángeles superiores con los inferiores cuando son iluminados de algún misterio divino, que como no podían recibir la luz divina en su pureza sencilla y universalísima, se la forman y particularizan proporcionándola con sus entendimientos más particulares, ad hoc quod in cognitionem rerum adducantur, esto es para que puedan percibir la iluminación y conocer las cosas de que son iluminados . Y otro tanto hace Dios con los contemplativos en las visiones intelectuales, que aquella luz indistinta y no formada de que el entendimiento está siempre rodeado sin percibirla, se la forma secundum aliquam similitudinem intelligibilem quae quandoque immediate imprimitur, quandoque a formis imaginatis resultat secundum adjutorium divini luminis . Esto es que viste esta divina luz de alguna semejanza intelectual para que pueda percibirla, unas veces por modo más levantado, si lo ha de ser el conocimiento, y entonces se imprime la semejanza en el entendimiento emanada inmediatamente de Dios para efectos proporcionados con esta dignidad ; y otras veces resulta esta semejanza de las formas habituales que estaban en el entendimiento ayudada de la luz divina.

Otra diferencia también muy grande hay en estas visiones intelectuales e iluminaciones divinas que (f° 101) se perciben, porque lo más ordinario cuando el Señor hace este favor a los contemplativos, es ilustrándoles el conocimiento universal que la fe les representaba en oscuridad, y dales conocimiento de Dios aunque muy luminoso todavía a modo universal y confuso : manifestum est autem quod cognoscere aliquid in quo plura continentur sine hoc quod habeatur propria notitia uniuscujusque eorum quae continentur in illo, est cognoscere aliquid sub confusione quadam . Y de esta manera es aquella comunicación ilustrada a que la experiencia de nuestra Madre Santa Teresa llama "de mística teología", de la cual dice así : "suspende el alma de suerte que toda parece estar fuera de sí. Ama la voluntad, la memoria me parece estar casi perdida, el entendimiento no discurre a mi parecer mas no se pierde, sino está como espantado de lo mucho que entiende, porque quiere Dios entienda que de aquello que Su Majestad le representa, ninguna cosa entiende." De esta manera nos significó nuestra maestra este modo de ilustración intelectual a lo universal, y todavía confuso aunque muy luminoso, con que suele Nuestro Señor ilustrar algunas veces la contemplación de los que quiere llegar más a su conocimiento y amor.

Otro modo de visión intelectual más levantada que ésta significó Santo Tomás en estas palabras : Procedit enim sapientiae donum ad quamdam deiformam contemplationem et quodammodo (f° 102) explicitam articulorum, quae fides sub quodam modo involuto tenet secundum humanum modum . Que fue decir : lo que la fe nos representa a nuestro modo humano de los misterios divinos como envueltos en oscuridad, lo va como desplegando la iluminación del don de sabiduría, para descubrirnos sobre nuestro modo humano en la contemplación endiosada lo que Dios quiere que veamos de lo íntimo de estos misterios. Esto es la contemplación divina que llaman "de semejanzas expresas", y la más alta después de la vista clara de la divina esencia, y muy semejante a la que por privilegio tenía Adán en el primer estado (Per aliquod spirituale lumen menti hominis influxum divinitus, quod erat quasi similitudo expressa lucis increatae, Deum videbat. ), y semejante también a la natural de los ángeles viadores antes de ser glorificados, que por la hermosura de su naturaleza (que es semejanza expresa de Dios) conocían la de su criador . Y de este género fue aquella altísima visión de nuestra Madre Santa Teresa donde le comunicaron por semejanzas expresas y distintas el misterio de la Santísima Trinidad en tres personas y una esencia, según ella lo refiere , y la que tuvo nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz, donde le descubrieron innumerables perfecciones divinas en un simple y único ser, que todas ellas a manera de lámparas encendidas daban luz y calor a su alma.

(f° 10s) Este modo de visión divina en que dan conocimiento al alma de algo de particular de Dios por semejanzas expresas, como es la más alta de esta vida, es rarísima ; y como es propia de ángeles e inefable a nosotros, dice San Dionisio que se concede en el destierro a solos aquellos que así en la pureza como en la contemplación se asemejan a los ángeles : et licet nunc huius modi immissiones sint nobis ineffabiles et ignotae, inerunt tamen aliquibus hominibus, sed illis solis qui digni habiti sunt ipsis angelis, et sunt deiformes ; y así no las hallamos concedidas a nadie, sino en el grado de unión transformada y en estado de perfección, y hay en ellas más y menos, porque cuanto más expresa es la semejanza, tanto la visión es más alta y más acerca al entendimiento al conocimiento particular de Dios o de aquella perfección divina que representa : lumen profeticum magis in suo vigore percipitur quando secundum expressiorem similitudinem res profeticae demonstrantur . Porque, aunque el ángel es semejanza expresa de Dios, lo es más el arcángel, y así de los demás órdenes más llegados a Dios ; y desde el supremo serafín que es la semejanza más expresa de Dios entre los ángeles hasta el original divino, hay infinita distancia . Lo cual es muy considerable para la facilidad con que algunos, significando ilustraciones de santos que no llegaron a ser de una semejanza expresa de Dios, se arrojan luego a (f° 104) afirmar una cosa tan negada en las divinas letras como es la vista clara de la divina esencia, aunque sea de paso .

Pues estas visiones en que no hay peligro introducen gran perfección en el alma, son las que nuestro venerable Padre dice que cuando Dios hiciere estas mercedes al alma, que no se haya en ellas negativamente como en las sensibles, sino que se ejercite en su memoria ; que unen al alma con Dios y despiertan grandemente su amor, y son como minas divinas de grandes bienes espirituales.

Porque si cada visión divina intelectual, dice Santo Tomás que es como un espejo divino donde el entendimiento ve lo que su Majestad quiere descubrirle del misterio o atributo suyo que en ella le representa , ¿ cuánto más lo será esta visión tan alta de semejanzas expresas emanadas inmediatamente de Dios ? Y como dice San Dionisio a semejante propósito, non in imaginibus sacre fictis formative figurant deificam similitudinem, sed ut vere Deo approximantes . Incomparable excelencia por cierto de estas semejanzas expresas comunicadas a modo de ángeles, como poco ha nos lo dijo el mismo santo ! Conviene a saber que no son imágenes muertas, como las que devotamente contrahacemos a nuestro modo grosero en la imaginación, sino imágenes vivas representadoras de la semejanza de Dios como cercanas a él, al modo que de las personas que tenemos delante resultan en nuestros ojos (f° 105) unas semejanzas vivas, que no sólo nos representan fielmente las mismas personas, mas también sus acciones. Pues así a nuestro propósito, estando el entendimiento del contemplativo así ilustrado en la inteligencia pura inmediata a Dios (que es calidad que este santo pide para estas ilustraciones tan altas, quoniam secundum omnis intellectualis operationis quietem talis fit deificatarum mentium ad supremum lumen unitio. ), imprime Su Majestad en él estas semejanzas expresas y formadas a lo divino del misterio y perfección suya que quiere comunicarle ; y por eso le llama este santo pulchritudo formifica, esto es, hermosura formadora . Y como el sol influye en sus rayos, así el sol divino en estas semejanzas formadas por él a lo divino y expreso, como lo experimentaba nuestra Madre Santa Teresa en la visión de la beatísima Trinidad que queda referida, donde dice que todas las tres personas divinas de esta manera representadas le hablaban y enseñaban ; y lo mismo dice en otra parte, donde trata de esta visión y como cada una de las tres personas divinas repartía con ella de sus dones ; y así llama la santa con gran propiedad a esta visión "figura de la verdad".

De este modo de visión divina declaran San Bernardo y la Glosa aquellas palabras del capítulo primero de los Cantares : murenulas aureas faciemus tibi vermiculatas argento , donde el Espíritu Santo (f° 106) introduce a los ángeles, consolando el alma transformada por amor en él y ansiosa de su presencia, a la cual dicen : el oro de la vista clara de la divina esencia no te lo podemos dar, mientras el esposo está como dormido en el alma de su esposa, según el estado de esta vida. Pero harémoste unos collares o joyeles de oro contrahecho, esmaltados con resplandores de plata con que se supla la vista del oro fino. Esto es (como declara en la Glosa San Bernardo), "representarémoste unas semejanzas contrahechas con unos resplandores de la iluminación divina, que las distingan y expresen." Las semejanzas serán de oro contrahecho, pero los resplandores serán de plata fina. Porque las semejanzas aunque más altas y expresas sean, todavía son contrahechas y distan infinitamente de la propiedad de su original ; pero la luz es verdadera y propia, aunque no se descubre en toda su claridad. De este lugar parece que sea Dios con el alma transformada en su amor lo que un príncipe desposado y ausente de su esposa, que le envia un retrato suyo para entretener su soledad mirando la semejanza de quien ama ; y así lo experimentaba nuestra santa, que como quedaron impresas en su alma las tres personas divinas por tan alto modo y tan favorables efectos representadas, con ellas se entretenía y gozaba para mitigar las soledades de su divino esposo.

(f° 107)

Capítulo 12 Del concepto supersustancial con que ha de caminar el entendimiento a Dios en la contemplación para participar el alma de sus divinas perfecciones

Muy remoto es del concepto propio de la verdadera contemplación, querer contrastar lo que nuestro venerable Padre escribió de ella con aquel lugar de Santo Tomás que dice : Intellectus non potest intelligere nisi quod fit actu per aliquam similitudinem rei intellectae per quam informatur intellectus ad intelligendum . Esta proposición aquí la confesamos, que no puede el entendimiento entender sin estar informado de lo que ha de conocer por alguna semejanza e imagen de ello. Pero, negamos que en la contemplación no tenga el entendimiento imagen y concepto de Dios que le informe, y así responde San Dionisio a este frívolo argumento diciendo que de dos maneras se puede hacer una imagen : o añadiéndole como en la pintura, o quitándole como en la escultura. Y lo mismo sucede a lo espiritual, que unas veces caminamos a Dios a lo afirmativo formando de él alguna imagen a nuestro modo, y otras por negación, desnudando al entendimiento de todas las semejanzas conocidas con que a su modo grosero y limitado hace concepto de Dios, para asentarle en otro concepto sobre sí mismo de que le viste la luz de la fe recibida a lo (f° 108) sencillo y en su pureza ; y éste es el concepto con que el entendimiento asiste a Dios en la contemplación. El cual modo de subir a Dios a lo negativo de todo lo que conocemos, dice San Dionisio que lo enseñaron los apóstoles para alcanzar mayor concepto de Dios del que nos podía dar el discurso de la razón : propter quod Theologi nostri per negationes ascensum praehonoraverunt sicut exsuscitantem animam ab his quae sunt ipsi connaturalia, et per omnes divinos intellectus pergentem, a quibus segregatum est quod est super omne nomen, et super omnem rationem et cognitionem. In ultimis autem totorum Deo conjugentes, inquantum nobis illi conjugi est possibile.

Éste es pues el concepto que los apóstolos nos enseñan a hacer de Dios, en negación de todo lo que conocemos como no proporcionado con su grandeza, y asentando al entendimiento sobre las más altas de las cosas criadas con la luz de la fe, en una inmensidad e incomprensibilidad de su grandeza y excelencia sobre toda razón y conocimiento de cosa criada. Este mismo concepto negativo nos persuade Santo Tomás que tengamos en la contemplación diciendo : "En el estado de esta vida, más vemos a Dios conociendo lo que no es, que aprendiendo lo que es. Y así para caminar a la contemplación, ha de dejar el entendimiento no sólo las semejanzas de la fantasía, mas también las formas espirituales, como lo enseña San (f° 109) Dionisio. " Todo esto es de Santo Tomás. En otra parte, dijo esto mismo más en nuestro caso de esta manera : "A las cosas espirituales entra el entendimiento por uno de dos caminos : el primero por negación apartando de las cosas espirituales todas las semejanzas de las corporales, y esto ha de hacer en la contemplación divina en esta vida, quia in hoc perficitur cognitio humana secundum statum viae, ut intelligamus Deum ab omnibus separatum super omnia esse, et ad hoc pervenit Moyses qui dicitur intrasse ad caliginem in qua Deus erat . Conviene a saber que el conocimiento perfecto que podemos tener de Dios en esta vida es cuando llegamos a conocer practicamente que Dios es una deidad superior a todas las cosas y apartada de ellas ; y a este conocimiento llegó Moisés cuando entró en la nube en que Dios estaba. El otro camino es por afirmación, poniendo la vista intelectual en las cosas espirituales y divinas ; y esto no es posible en esta vida donde no las podemos ver en sí mismas, y así nuestra contemplación ha de ser ahora por el camino primero de negación.

De esta doctrina de Santo Tomás sacamos no solamente la verdadera solución del argumento de Vuestra Paternidad, mas también una noticia práctica de cuando estará sazonado el entendimiento para caminar a Dios por la vía afectiva, dejando ya de aplicar la intención del ánimo al conocimiento y a las reflexiones del entendimiento, ya para formar concepto de Dios a su modo, ya para (f° 110) reconocer su acto sencillo ; pues en habiendo alcanzado practicamente que Dios es una perfección sobre todas las perfecciones, y una excelencia tan levantada sobre todas las cosas que todas las deja inferiores y apartadas de ella, y tan inefable e incomprensible que por ninguna comparación ni discurso puede llegar a conocerle como es en esta vida, con esto ha llegado al perfecto conocimiento que puede tener de Dios en el destierro y a hacer aquella hermosísima imagen y concepto supersubstancial de Dios conveniente a su grandeza, apartando de él todas las cosas y colocando su excelencia y grandeza sobre todas ellas : Hoc enim est vere videre et cognoscere Deum, et supersubstantialem supersubstantialiter laudare per omnium entium ablationem quemadmodum per se naturale agalma facientes, et ipsam in se ipsa ablatione sola ocultam manifestantes pulchritudinem . Del cual concepto dijo el venerable Hugo, que aunque todavía era imagen, representaba tan a lo propio la verdad, que se podía tener por la misma verdad, porque fuera de ella no había otra que más expresamente la mostrase.

Asentado pues ya en el entendimiento este concepto supersustancial y altísimo de Dios, y persuadido que su hermosura y excelencia es sobre todo lo que él aca puede conocer (pues sólo puede alcanzar que es superior y transcendiente a todas las sustancias criadas con infinita distancia), no tiene el contemplativo que cansarse más en buscar mayor conocimiento de Dios, ni hecho ya este concepto firmemente estarle reconociendo de ordinario ; sino aplicando la intención y eficacia del ánimo al afecto, procure amar lo que no puede conocer. Lo (f° 111) cual nos persuade Santo Tomás cuando hablando de los contemplativos de esta manera sazonados dice : principalis eorum cura et studium jam circa hoc maxime versatur, ut Deo inhaerant ; conviene a saber que el principal cuidado y estudio de estos no es ya adquirir nuevo conocimiento de Dios, sino unirse con él ; pues como ya vimos en otra parte, aún según el estado de esta vida le podemos amar y unirnos con él según su esencia, pero no podemos conocerle de esta manera. Y como para el amor sobrenatural y gratuito es necesario conocimiento sobrenatural e infuso, y éste le ha de recibir el entendimiento desnudándose de todas las semejanzas del conocimiento natural , como veremos en el capítulo siguiente, por eso nos persuaden tanto los Santos que nos apartemos de todas ellas para caminar a Dios con sola la luz sencilla de la fe, que proporciona al entendimiento para los recibos de la iluminación divina y participación de Dios en sí mismo, a la cual participación se ordenan todos los ejercicios de los contemplativos. Y es regla general asentada por Dios en la naturaleza de las cosas, como prueba Santo Tomás, que para ser uno levantado a lo que excede su faculdad natural, se ha de disponer para ello con disposición que exceda su naturaleza . Y así, para llegar a recibir de Dios en la contemplación (f° 112) los dones sobrenaturales de su iluminación e influencia con que nos hacemos participantes de su divinidad y que tanto excede todo el caudal de la naturaleza humana, nos habemos de disponer con la luz de la fe, que es también sobrenatural cuanto a su hábito, aunque su ejercicio se nos concede a nuestro modo humano ; y de esta manera se proporcionan las cosas con el fin a que se ordenan.

Este atajo de la perfección cristiana tan poco ejercitado de los contemplativos, por donde se va sin impedimentos ni rodeos a participar el alma de Dios y de sus divinas perfecciones en sí mismas, nos enseñó San Dionisio por estas palabras : "A las cosas místicas y secretas cuales son las divinas, nos unimos según la luz que Dios nos dió en la fe en operación sobreintelectual. Porque todas las cosas divinas que en esta vida nos pueden ser manifestadas, por sola la participación de ellas las conocemos, porque las mismas cosas según su propio principio y colocación son sobre todo lo que puede alcanzar el entendimiento en el destierro, y sobre toda sustancia y conocimiento ; y así, para poder participar de lo que no podemos conocer, nos engolfamos en Dios en negación y quietud de todas las operaciones intelectuales activas y de todas las semejanzas de su conocimiento natural, por no haber cosa tan deificada ni sustancia tan excelente que con alguna proporción pueda ser comparable con la causa suprema apartada de las demás, con infinito exceso. "

(f° 11s) Esto dice San Dionisio de este camino breve y sin rodeos para llegar presto el alma en la oración mental a participar de Dios en sí mismo, en que su perfección consiste. Y declarándonos Santo Tomás este lugar, dice que entonces queda el entendimiento en operación superintelectual, cuando se desnuda de todas las cosas que él puede conocer por su luz natural en esta vida, todas las cuales son inferiores a él, y se levanta al conocimiento de las cosas divinas en sí mismas como las representa la fe, que entonces queda en operación superintelectual sobre sí mismo y participando de las mismas cosas, secundum quod divina in ipso intellectu participantur : prout scilicet intellectus noster participat intellectualem virtutem et divinae sapientiae lumen . Conviene a saber que en quedando el entendimiento proporcionado para la iluminación divina con la luz sencilla de la fe (con quien anda la ilustración del don de sabiduría para ilustrar lo que ella representa en oscuridad), no sólo él participa de los resplandores de esta divina luz, mas también pasa a la voluntad a darle sabor de las cosas divinas que la fe le representó. Porque esta iluminación de tal manera instruye al entendimiento, que pasa siempre a saborear y enamorar el afecto, como declaran los santos, y esto es poner al alma en participación de Dios. Y de aquí se verá cuan fundada está en la teología mística y escolástica (f° 114) aquella regla general que da San Buenaventura a los contemplativos diciendo : quoties ergo superintellectualiter exercemur ad divinum radium, toties opus est ut resecemus intellectuales operationes, ut docet divus Dionisius, et similiter creaturarum similitudines : quia intellectuales operationes et formae in exercitio superintellectuali reputantur umbrae et offendicula . Conviene a saber que cuantas veces quisiere el contemplativo ponerse en participación superintelectual de la iluminación divina, tantas ha de cortar las operaciones intelectuales movidas de la razón, como enseña San Dionisio, y también las semejanzas de las criaturas por donde esta operación camina, porque así ellas como estas semejanzas son estorbos y sombras en esta participación e iluminación superintelectual.

Capítulo 13 Que en la contemplación quieta que llaman los místicos "pasiva", tiene el alma propia operación así en el entendimiento como en la voluntad

El otro argumento que Vuestra Paternidad hace contra la contemplación de nuestro venerable Padre diciendo que sabe a (f° 115) doctrina de Alumbrados aconsejar que se quede el entendimiento en la oración mental con operación pasiva, pues esto es decirle que se quede del todo ocioso y sin acto propio : no es tanto dificultad que este argumento tenga, cuanto haber tratado poco de estas materias en los maestros propios de ellas, pues no es modo nuevo de hablar en todo rigor escolástico si de él usan Aristóteles, San Dionisio y Santo Tomás, príncipes de la buena filosofía y teología mística y escolástica. Porque así como se llaman con mucha propiedad "pasivas" las potencias que son movidas de otras, así con esa misma propiedad se llama "pasión" esta moción. Y en este sentido dijo Aristóteles quod intelligere pati quoddam est . Y en el mismo se llama "padecer" el recibir en estas potencias pasivas conocimiento o amor, así en la moción natural como en la sobrenatural, como Santo Tomás lo prueba a nuestro propósito : sicut enim in cognitione naturali intellectus possibilis patitur ex lumine intellectus agentis, ita et in cognitioni supernaturali intellectus humanus patitur ex illustratione divinae luminis . Y de esta manera de hablar en los recibos de la contemplación usó también San Dionisio, cuando dijo del divino Ieroteo que era non solum discens, sed et patiens divina ex quadam docta inspiratione . Esto es que caminaba a las cosas divinas no sólo con su conocimiento y operación activa, sino también con la pasiva movida de Dios por su inspiración interior.

Ni porque el alma sea movida de Dios en la (f° 116) contemplación y reciba a modo pasivo sus movimientos, se infiere que el alma no tenga entonces propia operación suya, sino antes lo contrario, como lo declara Santo Tomás en estas palabras : Considerandum tamen, quod si virtus quae est actionis principium ab alia superiori virtute moveatur, operatio ab ipsa procedens non solum est actio sed etiam passio, in quantum scilicet procedit a virtute, quae a superiori movetur . De manera que de aquí sacamos que el acto movido tiene operación propia de el que lo recibe, y si esto prueba el mismo santo que se halla en los instrumentos muertos movidos del artífice, ¡ cuanto más en los vivos movidos de Dios ¡ Lo cual verifica con el ejemplo de la sierra que tiene operación movida del artífice con la cual se excede a sí misma, caminando guiada de él por línea recta conforme a arte, y otra operación propia suya con que va cortando el madero . Lo cual se halla más perfectamente en el alma movida de Dios que recibe la operación del artífice divino en actos vitales del entendimiento y de la voluntad como instrumentos vivos y animados, y concurre con el Espíritu Santo en esta moción con sus concursos no sólo físico, mas también moral ; y como se juzga más una causa por la forma que por la materia y más por el que obra que por el que recibe la operación , y aquí es Dios el principal agente y el alma la materia que recibe la forma divina, por eso se llama su operación con más propiedad "pasiva" que "activa".

(f° 117) Esto pues así entendido, pone el Apóstol por calidad necesaria de la verdadera contemplación para los recibos de la luz divina, que camine a ellos movida de Dios a claritate in claritatem tamquam a Domini Spiritu , porque con su moción propia no se puede el alma mover a sí misma para efectos sobrenaturales a que la contemplación se ordena, como Santo Tomás lo prueba a nuestro propósito, sino que ha de ser movida para esto de Dios : sed formae quae proveniunt ab agente supernaturali, quod est Deus, excedunt facultatem naturae recipientis . Y si preguntamos a San Dionisio cuando se dispone el contemplativo para esta moción, nos responderá que, quando post omnis mentis actionis cessationem mentium divino lumine permotarum, ejusmodi fit cum divina luce conjunctio . Esto es que cuando el alma cesa de toda su operación activa movida de la razón y luz natural y se une con la luz de la fe a los rayos de la iluminación divina, entonces son movidas de ella las potencias para ir subiendo de una claridad en otra, sin la cual disposición no será movida el alma a lo sobrenatural. Y porque es punto este muy esencial en materia de contemplación y en que Vuestra Paternidad tropieza muchas veces en las injustas acusaciones que hace a la doctrina de nuestro venerable Padre, será necesario ponerlo en la balanza fiel de la buena filosofía y teología escolástica, para ajustar a ella ordenadamente el ejercicio de la doctrina mística.

(f° 118) Pues si para esto consultamos a Santo Tomás, regla derecha de lo uno y de lo otro, hace en nuestro favor este argumento : imposible es que un mismo sujeto sea perfeccionado con muchas formas juntas de un mismo género y diversas especies, así como es imposible que un mismo cuerpo sea figurado en un mismo tiempo con muchas figuras. Pues como todas las semejanzas intelectuales sean de un mismo género porque son perfecciones de una potencia intelectiva, aunque las cosas de que son las semejanzas sean de diversos géneros, imposible es que un mismo entendimiento sea juntamente perfeccionado con diversas semejanzas intelectuales para entender actualmente diversas cosas . Aplicando pues este firme fundamento a nuestro propósito, siendo formas tan diferentes, como el mismo santo declara en otra parte , la luz natural y las semejanzas de que viste al entendimiento tomadas de las criaturas que conocemos, y el conocimiento que nos da la luz sencilla de la fe tomada del mismo criador, pues con aquellas está el entendimiento inferior a sí y con esto levantado sobre sí mismo, imposible es que en un mismo tiempo sea él informado de entrambas formas para conocer actualmente ; sino que por el mismo caso que no se quiere desnudar de las semejanzas de la luz natural, aunque sea para subir por ellas a Dios representado a nuestro modo distinto, no quiere abrir la puerta a la iluminación sobrenatural sencillísima, como lo prueba San Dionisio muy en particular a este propósito.

Y de aquí se verá con cuanto fundamento dijo San Gregorio : la influencia de la luz divina no se compadece en el entendimiento con las semejanzas de las (f° 119) cosas corporales, ni en él se admite la luz invisible, mientras se ocupa en el conocimiento de las cosas visibles : neque enim cum corporearum rerum imaginibus illa se infusio incorporeae lucis capit ; quia dum visibilia cogitantur, lumen invisibile ad mentem non admittitur . De aquí se entenderá también el fundamento de aquella carta tan oscura que San Dionisio escribió a un maestro de nuestros mayores que le preguntó si podía el entendimiento ejercitarse en el conocimiento natural, y juntamente recibir la iluminación divina ; y respondele que las semejanzas de la luz natural ocultan y cubren la luz divina, que por el exceso que hace al entendimiento la llamamos "oscuridad", y mucho más si estas semejanzas son muchas ; y el conocimiento de la razón niebla el conocimiento sobrenatural que por este mismo exceso llamamos "ignorancia" ; y en todo lo demás de esta carta va probando la incompatibilidad de estas dos luces. Y aunque en el capítulo primero de la Mística Teología encarga a su condiscípulo San Timoteo que esconda esta doctrina de los que no saben contemplar a Dios sino por las semejanzas de las cosas corporales, en esta carta, como habla con religiosos contemplativos, encarga a su maestro que publique esta doctrina por verdadera para gente que sabe buscar a Dios con el conocimiento que él nos dio para que le hallásemos.

De todo lo cual se verá cuan propiamente habló aquel célebre expositor de San Dionisio, cuando dijo que (f° 120) la iluminación divina se recibía sobre la privación y negación del conocimiento actual de las cosas distintas, y que esta privación es la disposición próxima para recibir la luz divina, como el abrir la ventana a los rayos del sol que baten en ella, es la próxima disposición para que entre a ilustrar y calentar la casa : quia haec illuminatio est super privationem actualis cognitionis et comprehensionis, quae est proxima aptitudo in susceptionem superlucidi luminis . Y así ha de tener por cierta la regla general de San Dionisio, en otra parte referida, que el ejercicio de la verdadera contemplación para recibir la iluminación divina y sus efectos, ha de ser en quietud de todas las operaciones intelectuales procedidas de la razón y luz natural, con sola la luz sencilla de la fe que proporciona el entendimiento para ello : sedantes nostras intellectuales operationes, ad supersubstantialem radium, secundum quod fas est, nos immittimus ; que esto es quedar el alma en disposición para recibir en sí sin estorbos la operación de Dios que la ha de reformar, como dice el Apóstol, a semejanza de su claridad.

(f° 121)

Capítulo 14 Cuan aconsejada fue de los santos la continuación no interrumpida del acto sencillo de la contemplación para recibir los efectos de ella

El argumento con que Vuestra Paternidad contradice el acto continuado de contemplación que nuestro venerable Padre aconseja, al cual impugna diciendo que en esta vida no puede ser muy durable ni continuado sino interrumpido con nuevas consideraciones, tampoco nos obsta ; ni el lugar de Santo Tomás con que Vuestra Paternidad pretende probarlo en aquellas palabras : Nulla actio potest diu durare in sui summo, porque luego añade : summum autem contemplationis est ut attingat ad uniformitatem divinae contemplationis, unde et si quantum ad hoc contemplatio diu durare non possit, tamen quantum ad alios contemplationis actus potest diu durare . Las cuales palabras están tan lejos de contradecir la doctrina de nuestra venerable Padre, que antes la confirman. Porque aunque en el acto sumo de la contemplación (que es la unión del alma con Dios y el paradero de la vida contemplativa) no puede durar mucho tiempo en esta vida por la razón que da San Gregorio, y lo experimentan así los muy ilustrados, que el acto de unión cuando mucho dura es media hora y lo demás tiempo del rapto goza el alma de otras comunicaciones divinas ; pero, cuanto a los demás actos de la (f° 122) contemplación, dice el Angélico Doctor que puede ser durable, y en el cuerpo del artículo lo confirma con decir que como en el acto de contemplación no trabaja el cuerpo sino se ejercita el espíritu, podemos mejor insistir en él continuadamente que en los ejercicios corporales (Unde magis in hujusmodi operibus continue persistere possumus .), y lo prueba con la autoridad de Aristóteles.

Por lo cual San Dionisio en muchos lugares de sus libros nos aconseja el acto continuado de la contemplación en luz sencilla de fe. En uno de los cuales tocado ya en otra parte, después de haber dicho que a las cosas divinas nos habíamos de unir a lo inefable y no conocido con la luz de la fe, que es mejor unión que la de nuestra razón y luz natural, y usando poco después en el mismo lugar de estos nombres "mejor de fe" y "peor de nuestra razón", añade a nuestro propósito que Dios, por medio de sus iluminaciones, se comunica benignamente a los contemplativos y levanta a su contemplación y semejanza a los que saben disponerse para recibirla permaneciendo firmamente en el acto sencillo e intelectual de fe a vista de la luz divina, donde las almas santas reciben su comunicación e iluminación, y no se bajan a los actos distintos de la razón y luz natural, que es unión impropia para las cosas divinas : Bonum universale non est incommunicabile, sed in seipso singulariter supersubstantiale, collocans radium uniuscujusque existentium proportionabilibus (f° 12s) illuminiationibus benigne superapparet, et ad possibilem ipsius contemplationem et communicationem et assimilationem extendit sanctas mentes, quae ipsi, sicut est fas et ut decet sanctos, se immittunt, et neque ad inferius ex subjectione ad pejus prolabuntur, sed firme et indeclinabiliter ad radium ipsius supersplendentem extenduntur .

Lo mismo nos intimó cuando, declarando las cualidades con que aquellas altísimas substancias angélicas llamados Tronos divinos, a los cuales dicen los santos que han de imitar los verdaderos contemplativos, como ya tocamos, reciben en sí a Dios, dice a nuestro propósito : quodque ad superiora divino studio fertur, nec in infimis ullis rebus habitat, sed totis viribus in eo qui vere summus est immobiliter firmiterque haeret, divinumque adventum sine illa motione atque materia recipit . Que fue decir que el nombre de Trono significa la disposición que ha de tener para recibir a Dios en sí, conviene a saber que ha de estar levantado de las cosas bajas, y con todas sus fuerzas permanecer firme e inmovil acerca de la suma grandeza, y recibir a Dios en quietud sencilla. Y al mismo propósito reprende Santo Tomás acérrimamente a los contemplativos, que siendo sus almas tronos de Dios y pudiéndolo gozar como presente en quietud sencilla, le anden buscando como ausente con actos inquietos .

(f° 124) Ni le parezca al que de esta manera asiste a Dios que, porque él no percibe los efectos que la iluminación e influencia divina indistinta y sencillísima hace en su alma por las razones en otra parte referidas, es meno eficaz el acto continuado que los interrumpidos, que antes la continuación de él aumenta el efecto, como Santo Tomás lo prueba con el ejemplo del fuego, que cuanto uno más continuadamente se llega a él, tanto más se calienta : Actio continuata alicujus agentis auget effectum, sicut quanto aliquis diutius appropinquat igni magis calefit . Y así, cuanto más continuadamente permaneciere el espíritu del contemplativo en el acto de la inteligencia pura donde recibe a puerta abierta los rayos del sol divino, tanto más participará de sus efectos en el entendimiento y en la voluntad, come sea propio de cada potencia recibir perfección y fortaleza de la continuación a su motor, al modo de los ángeles inferiores que por la continuación de su entendimiento a los ángeles superiores son confortados e iluminados de ellos, como los superiores lo son de Dios por la misma continuación a él . La cual perfección del entendimiento de esta manera continuado a Dios rastrearon con la luz natural los grandes filósofos gentiles, y por eso ponían la felicidad del ánimo racional en la continuación del entendimiento a la suma inteligencia que es Dios, para recibir de ella su iluminación e influencia, que es juntarse la criatura con su (f° 125) principio, con felicidad comenzada aún según el estado de esta vida .

Pero, no porque los santos aconsejaron esta continuación a los contemplativos, se persuaden que no han de padecer en la contemplación muy frecuentes distracciones, unas veces de parte del demonio que trabaja mucho por sacarnos de aquella quietud íntima donde Dios se nos comunica a puerta abierta ; otras de parte de la razón amiga de reconocer todo lo que en el alma pasa, y como esta comunicación se le va de vuelo, llama al entendimiento hacía los actos distintos donde ella tiene su ejercicio ; otras veces de parte de las pasiones desordenadas que traen el ánimo a sus objetos ; y cuando todo esto falta, el mismo peso de la naturaleza corruptible abate el espíritu por momentos a las cosas visibles y materiales, particularmente mientras los ánimos no están purgados de sus imperfecciones. Y por esto San Gregorio compara la contemplación común de esta vida al vuelo de los saltamontes, que se levanta poco de la tierra, y eso para volverse a abatir presto a ella . Pero el contemplativo deseoso de su aprovechamiento ha de suplir con su cuidado y trabajo los defectos de la naturaleza imperfecta, volviéndose luego al acto sencillo de contemplación en sintiéndose distraido de ella, como quien estándose calentando al sol se le pone alguna cosa delante, que procura luego remover el impedimento para gozar el beneficio del sol.

(f° 126) Y no sólo para el aprovechamiento, mas también para mayor continuación del entendimiento en la oración sin distracciones, es más a propósito el acto superior de él (que es la inteligencia sencilla que mira a Dios como esencia divina universal que encierra en sí infinitas perfecciones), que si le mirase en alguna semejanza de perfección particular. Porque como es su propio objeto, descansa y se quieta en él ; y mientras no llega a descansar en este todo para que fue criado, no pueden ser sus actos muy continuados, como pondera Santo Tomás a semejante propósito . De todo lo cual quedará entendido que cuanto el acto universal de la contemplación fuere más continuado y menos interrumpido, tanto será más perfecto y eficaz, y tanto nuestra contemplación se irá asemejando más a la de los ángeles que se ejercita no con movimientos interrumpidos, sino con una inteligencia de Dios continuada, non motu aliquo, sed intelligentia . Si ya por la flaqueza de nuestra naturaleza corruptible, ya por tantos enemigos como la verdadera contemplación tiene en esta vida, se interrumpere cuanto a la continuación de su ejercicio, procure el cuidadoso contemplativo que no se interrumpa cuanto a la intención y deseo continuado de asistir de esta manera a Dios, que a esto mira Su Majestad en nuestras obras.

(f° 127) Capítulo 15

Cómo se ha de variar la oración con provecho y sin impedir los principales efectos de la iluminación divina

Tampoco obsta a la doctrina de contemplación que enseña nuestro venerable Padre lo que Vuestra Paternidad le opone de que quita en ella la consideración, porque ni él en sus escritos ni los santos en los suyos quitan la consideración a los ya contemplativos, sino la inquisición y discurso de la razón. Para lo cual se ha de advertir que, aunque tomado esto en general y como a bulto, cualquiera operación del entendimiento se llama consideración, pero tomado en su propiedad hay muy gran diferencia a nuestro propósito entre estas dos cosas, como lo declaró Santo Tomás diciendo : como la inquisición y discurso pertenece a la razón, así la consideración pertenece al entendimiento , cuando sin discurso mira la verdad de las cosas. Y así San Dionisio, declarado por el mismo santo , pone tres grados de conocimiento con que los contemplativos suben a unirse con Dios : el primero es la inquisición y discurso con que la razón va buscando la naturaleza de las cosas, el segundo cuando la multiplicidad e inquietud de la razón se reduce a la unidad y sencillez de la pureza intelectual, y ésta es propiamente consideración, como la pasada inquisición. El tercero es (f° 128) cuando el contemplativo por esta sencillez intelectual ilustrada de la luz de la fe y de los dones del Espíritu Santo, provenit anima iuxta propietatem suam, via et ordine ad eam quae est super intellectum unitionem . Esto es que por esta sencillez intelectual, como por camino real y según la propiedad de su naturaleza espiritual, camina el alma a la unión de Dios que se hace en luz divina sobre todos los actos del entendimiento movidos de la razón y luz natural.

Pues de estas tres maneras de conocimientos, sólo el primero quitan los santos en la contemplación, porque aunque el segundo, que es la consideración sencilla que procedió de los actos de la razón, no es propiamente la que da fundamento a la perfecta contemplación, todavía se vale de ella cuando la discreción y los empleos bien ordenados del alma lo piden, como declararemos adelante. Esto pues así entendido, cuando el entendimiento esté levantado sobre sí mismo en el acto de inteligencia pura inmediato a Dios guiado de la luz de la fe y recibiendo en su fuente los rayos del sol divino, en consideración está, y no como quiera, sino en consideración proporcionada con la suma grandeza a quien está mirando y adorando, y entonces se cumple en él lo que dice San Dionisio : Hoc enim est vere videre et cognoscere, et supersubstantialem supersubstantialiter laudare per omnium entium ablationem ; conviene a saber que este modo de contemplar (f° 129) a Dios el entendimiento en luz sencilla de fe y negación de todas las semejanzas de cosas criadas, es el verdadero conocerle y contemplarle, y le considera entonces al modo de su grandeza, alabando al sobresustancial sobresustancialmente. La cual negación no la puede haber en la inquisición y discurso de la razón, ni se compadece con la iluminación divina para que la contemplación dispone el entendimiento, porque no es otra cosa acto de razón que entendimiento anublado : cum ratio sit quidam intellectus obumbratus . Y así cuanto a los recibos de la luz divina, hace la razón en el entendimiento por las semejanzas sensibles por donde camina, lo que la niebla sobre la tierra para recibir los rayos del sol con que fructifica ; y por eso sacude el entendimiento de sí todos estos nublados, y sube sobre ellos a recibir la luz divina en su pureza en la inteligencia sencilla para que fructifique el alma a lo divino.

Aplicando pues lo que se ha referido a nuestro intento de estos tres conocimientos que declararon estos santos, sólo el primero (que es el discurso de la razón) quita nuestro venerable Padre en el acto de la contemplación sencilla. Porque cuando dice que para pasar a la contemplación ha de estar ya el alma sazonada con el hábito de meditación adquirido (esto es que tenga ya el entendimiento dentro de sí adquiridas las noticias útiles que de la meditación podía sacar), aconsejó la consideración de las cosas por donde la razón discurrió, cuya sustancia (f° 1s0) ya espiritualizada recogió el entendimiento para valerse de ella en la contemplación, sin tener necesidad de pedir de nuevo a la imaginación estas noticias ; que de esto sirve el hábito de meditación que de los discursos sacó, que son como unas quintaesencias pasadas por muchas alquitaras, acendradas ya y en cierta manera espiritualizadas, y tanto más eficaces en sus efectos cuanto esta noticia y semejanza es más espiritual y abstraída, como declara Santo Tomás : Res tanto perfectius apprehenditur per aliquam similitudinem quanto similitudo est magis immaterialis et abstracta .

La segunda consideración en luz sobrenatural también la aconsejó nuestro venerable Padre, cuando tantas veces acuerda al contemplativo que asista a Dios en atención sencilla y amorosa de luz de fe, que es la que da fundamento a la verdadera contemplación ; porque entonces, ayudado el entendimiento de la iluminación sobrenatual, es levantado a más alto conocimiento de las cosas divinas de lo que él pudiera alcanzar por su discurso, y hasta las noticias procedidas del discurso de la razón son allí ilustradas para hacer el entendimiento más alta ponderación de ellas que su diligencia pudo darle .

Pues como estas noticias sencillas ya espiritualizadas se compadecen con el acto de la contemplación usadas en los tiempos y con las circunstancias que los santos aconsejan, no están excluidas de ella, y con ellas se pueden variar la oración porque no dé hastío (f° 1s1) comer siempre de un manjar mientras no le podemos ver al descubierto, donde nos parecere siempre nuevo. De esto nos dió San Dionisio excelente doctrina declarando como nos habemos de haber con Dios en la oración por estas palabras : Non sicut trahentes ubique praesentem et nusquam virtutem, sed sicut divinis memoriationibus et invocationibus nos ipsos ipsi tradentes et unientes . Que fue decir, que como Dios sea una virtud infinita que a lo invisible y no conocido de nosotros, sino por fe, en todas partes está presente, y a lo visible y conocido en ninguna, nos habemos de haber en la oración no como quien le trae a sí, pues dentro de sí misma le tiene el alma, sino como quien se entrega a él para unirse con él como con su principio, y ayudándose para esto de memorias y palabras divinas. Esto dice San Dionisio, donde excluyó todos los ejercicios inquietos con que el entendimiento y la razón andan buscando a Dios como ausente para traerlo a sí ; y nos aconseja los medios sencillos con que, a la voluntad entregada a Dios como presente, pueden ayudarla para unirse con él más íntimamente, como son memorias sencillas y palabras amorosas.

De estas memorias (que son las que el entendimiento tiene ya recogidas y espiritualizadas dentro de sí) nos enseña el ejercicio práctico el venerable Ricardo de San Víctor de esta manera : "no es otra cosa entrar el alma con su Amado en su aposento y allí morar ella sola con él solo y gozar de su suavidad, sino (f° 1s2) olvidarse de todas las cosas exteriores y deleitarse suma e intimamente en su amor. Entonces se halla el alma sola con su Amado, olvidada de todas las cosas de afuera, cuando su deseo movido de su propia consideración se despierta en el amor de su querido, y con las memorias que en lo íntimo de sí considera, inflama su ánimo en este afecto, y con la consideración así de los bienes como de los males, se levanta al ejercicio del hacimiento de gracias, y unas veces por la gracia recibida, y otros por la culpa perdonada, ofrece allí las víctimas de la devoción íntima. " De estas palabras de tan gran maestro queda sabido como se compadecen con el acto de la contemplación estas memorias sencillas que procedieron del discurso de la razón, pues no porque las ejercite deja de quedar sola con su amado ; pero, esto ha de ser representándolas allí sin perder de vista el objeto principal de la contemplación, que es aquel todo de la divina esencia a quien está mirando el entendimiento en el acto universal, sino como quien mira las partes en el todo, según se declarará en el capítulo siguiente. Y en haciendo cualquiera de estas memorias su oficio, que es poner el alma en motivo de amor o agradecimiento, ha de aplicar la intención al afecto para lograr mejor esta nueva ganancia, y apartarla del conocimiento. Porque entonces (añade este mismo autor) llega hasta lo muy íntimo al Amado y se pone en el mejor lugar, cuando dejando ya todas las memorias particulares, es amado del afecto íntimo.

(f° 1ss) Las palabras amorosas, que es el segundo medio que aqui señala San Dionisio que se ha de usar en la contemplación, no sólo las persuaden los demás santos, mas también refieren grandes excelencias de ellas, y es propio ejercicio de la contemplación afectiva donde la intención del ánimo está aplicada no al conocimiento, sino al afecto ; y por eso dice Santo Tomás que estas palabras interiores pertenecen al amor íntimo, y de camino declara de ellas una incomparable excelencia diciendo : "a la palabra interior corresponde el amor íntimo, y por eso digo que el Verbo divino, palabra del Padre, es según la generación eterna semejante a la palabra mental. Porque como del Verbo eterno, juntamente con el Padre, procede el Espíritu Santo, así de la palabra interior procede el amor (Verbo mentali respondet spiritus amoris intimi. Unde dico quod Verbum secundum generationem aeternam est simile verbo mentali ; et ideo a Verbo procedit Spiritus, sicut a verbo mentali amor. )". Al mismo propósito dice el venerable Hugo de San Víctor : "estas palabras interiores ayudan mucho al alma para que la oración pura y sencilla sin formas ni semejanzas se convierta más en goce espíritual, se acerque más a Dios, llegue a él más presto, y con mayor eficacia alcance lo que pretende (ut pura oratio et informis magis in jubilum convertatur et appropinquet Deo, perveniat citius, et efficacius obtineat. )".

(f° 1s4) Este ejercicio declaró más de propósito San Buenaventura diciendo : "Otro modo hay de orar que suele muchas veces ser más eficaz, que es por palabras formadas de su devoción, como cuando el hombre con sus palabras o con las ajenas que hacen consonancia con su afecto habla familiarmente con Dios, como manifestando su corazón en su presencia y representándole sus necesidades, o confesando sus defectos y pidiéndole misericordia, gracia y auxilio contra los peligros de las tentaciones, o contra las fatigas de las tribulaciones, o le pide el socorro de otras necesidades suyas o ajenas. Este modo de orar requiere más la oportunidad del silencio o soledad de la oración y del ocio y quietud de ella para que más de lleno y con más seguridad se arroje el afecto en Dios. " Todo esto es de San Buenaventura. Es asimismo este ejercicio de palabras interiores muy a propósito para suplir con él, en los que de nuevo han subido de la meditación a la contemplación sencilla, el arrimo de las semejanzas conocidas y distintas que el entendimiento acostumbrado a ellas echa menos y también cuando en la contemplación perfecta, se siente tibia el alma y ha menester cavar el fuego del amor con algunos actos. Porque, como dice Santo Tomás, esta palabra interior es por una parte acto del alma con que arroja en Dios su afecto, y por otra semejanza de lo que significa y viste de ella al entendimiento : Verbum mentis (f° 1s5) in nobis nihil aliud est, nisi species intellecta vel ipsa operatio intelligentis .

La falta que vuestra Paternidad pone a la contemplación de nuestro venerable Padre, que en ella tiene el entendimiento abocado sin inquirir las excelencias del Señor con quien habla, está tan lejos de ser falta, que antes consiste en eso su perfección ; porque delante la suma Sabiduría no se ha de mostrar bachiller el entendimiento, sino estar como un niño ignorante a sus pies, cumpliendo lo que el mismo Señor dijo, que para entrar en el reino de Dios que está dentro de nosotros mismos, nos habíamos de hacer niños en la sencillez y ignorancia . Por lo cual, después de haber referido San Dionisio las dos maneras de subir a Dios por discurso, una afirmativa y otra negativa, y dejádolas como imperfectas, declara la excelencia de la contemplación que enseñó nuestro venerable Padre diciendo : "Hay demás de éstas otra contemplación divinísima ejercitada por ignorancia en la luz de fe sobre el entendimiento, cuando él no sólo se aparta de todas las cosas, mas también deja su propia operación activa con que inquiere la naturaleza de ellas, y se pone como ignorante a los pies de la Sabiduría divina para ser iluminado de ella : et est rursus divinissima Dei cognitio, quae est per ignorantiam cognita, secundum unitionem super mentem ; y antes había llamado a esta contemplación en el mismo capítulo : irrationabilem et amentem et stultam sapientiam , esto es (f° 1s6) sabiduría boba sin razón ni entendimiento, por el exceso que hace a nuestra razón y entendimiento y a toda su sabiduría, como declara Santo Tomás.

Pues, si el perfecto conocimiento que el contemplativo puede tener de Dios en esta vida, dice el Angélico Doctor que es ut intelligamus Deum ab omnibus separatum super omnia esse , conviene a saber, que Dios es una cosa incomparable con otro ningún ser y de excelencia superior a todas las demás cosas por excelentes que sean, en habiendo llegado el contemplativo a hacer este concepto prácticamente, ¿ qué tiene, para que ande más inquiriendo lo que no puede alcanzar en esta vida, sino rendirse a los pies de esta grandeza reconociendo su ignorancia y haciendo lo que dijo aquel poeta cristiano : succumbat ratio fidei et mens captiva quiescat , ríndase la razón a la fe, y cautivo el entendimiento descanse en su inquisición ? Que este rendimiento es excelente disposición para la iluminación divina, y cualquiera curiosidad contraria a este rendimiento sencillo se ha de evitar delante de la Sabiduría divina, como nos lo intima eficazmente San Lorenzo Justiniano por estas palabras : "En la oración, si quiere el contemplativo sacar provecho de ella, evite la curiosidad del entendimiento con que él suele querer penetrar las cosas escondidas y ocultas de la divina sabiduría. Acuérdese de lo que dice el Espíritu Santo : ‘No busques las cosas que exceden tu (f° 137) capacidad, y las que son más altas que tu entendimiento no las escudriñes, porque el escudriñador de la majestad será oprimido de la gloria. ’ Ate pues el entendimiento debajo del yugo de la humildad para que no vuele alto, y sólo aquello procure gustar que le ha de hacer provecho. Porque en la oración no se han de buscar con cuidado las cosas que levanten mucho al entendimiento, sino las que dan sustento a la voluntad y la enciendan en amor de Dios. " Todo esto es de este santo, y remata la recomendación de la humildad del entendimiento y de la importancia de esta disposición para las visitas de Dios con decir : "Dígnase Dios de visitar con sus iluminaciones e influencias al entendimiento sencillo, y tener con el espíritu de esta manera dispuesto sus familiares coloquios ; y la sencillez del corazón muestra que está el hombre devoto, porque esta sencillez así como es disposición de la devoción, es también el afecto de ella." (Dignatur namque Dominus simplicem visitare mentem, et se cum amica confabulatione habitare, et cordis simplicitas hominem exhibet esse devotum. )

(f° 138)

Capítulo 16 Cómo se han de ejercitar las memorias de la humanidad de Cristo Nuestro Señor dentro de la contemplación sin estorbar los principales efectos de ella

El argumento más justificado si fuera verdadero del que Vuestra Paternidad opone a la contemplación de nuestro venerable Padre, es lo que dice que quita en la contemplación las memorias de la humanidad de Cristo nuestro Señor, siendo la puerta para su divinidad. Pero, lo contrario de esto experimentaron todos los que fueron guiados de su magisterio por la meditación a la contemplación, que comúnmente los ejercitaba en los misterios de la vida y pasión de Cristo, y él fue tan enamorado de esta sagrada humanidad, que podía decir con el Apóstol que no sabía más que a Cristo, y ese crucificado ; y entre los documentos que da en uno de sus libros para caminar brevemente a la perfección, pone en primer lugar la consideración de la vida de Cristo, para imitarla y conformarse con ella. Pero, como cuando el mismo Señor dijo que era puerta para entrar al Padre y a los pastos de la vida eterna , no quiso persuadirnos que nos quedásemos en la puerta que es la meditación de lo corporal de Cristo, sino que entrásemos dentro a lo espiritual y divino, donde principalmente se gozan estos pastos. Lo cual toca a la contemplación, y nuestro venerable Padre no se encargó de tratar de propósito de la meditación, sino de resucitar en nuestro siglo la contemplación endiosada que los santos, como arcaduces de la Sabiduría de Dios, (f° 1s9) habían enseñado en los siglos antiguos, y ahora estaba tan olvidada ; no trató de la puerta, sino de la casa de esta Sabiduría adonde por ella se entra, caminando por la contemplación a otra noticia más alta y más provechosa de los misterios de esta sagrada humanidad, de la que le podía dar su discurso en la meditación. Y así en uno de sus tratados místicos aún no impreso , pone por una de las más altas y más provechosas comunicaciones divinas que Dios hace al alma en estado de contemplación, la de los misterios de su sagrada humanidad y obras de nuestra redención ; a la cual comunicación ilustradísima no se puede llegar sino escondiéndose el entendimiento de las representaciones de la imaginación y discursos de la razón.

Y para que se vea que la doctrina de nuestro maestro no es contraria a la de nuestra Madre Santa Teresa y de los demás santos, como Vuestra Paternidad quiere persuadir, verificaremos cómo son concordes. Para lo cual me contentaré con referir aquí lo que la Santa dice en el capítulo séptimo de la sexta de sus Moradas, donde ella declara lo que de esta materia había dicho en otras muchas partes de sus libros. Dice pues en este lugar a nuestro propósito de esta manera : "Ya sabéis que discurrir con el entendimiento es uno, y representar la memoria al entendimiento es otro. " Y luego, desechando lo primero que no se compadece con el acto de la contemplación, persuade lo segundo y decláralo diciendo : "Entiende ya el alma estos (f° 140) misterios de la vida de Cristo por manera más perfecta, y es que los representa la memoria y estámpanse en el entendimiento ; de manera que acórdanse de la oración del huerto, de sólo ver al Señor caído con aquel espantoso sudor, aquello le basta para no sólo una hora, sino muchos días, mirando con una sencilla vista quién es y cuán ingratos hemos sido a tan gran pena. Luego acude la voluntad, aunque no sea con ternura, a desear servir en algo tan gran merced, y a desear padecer algo por quien tanto padeció por él, y otras cosas semejantes en que ocupa la memoria y el entendimiento. " Todo esto es de nuestra Santa, donde declaró en toda propiedad escolástica como se han de ejercitar las memorias de Cristo nuestro Señor dentro de la contemplación no por nuevo discurso, sino sacándolas del hábito de meditación que de los discursos pasados tiene ya adquirido en la memoria intelectiva ; el cual hábito no sólo aconseja nuestro venerable Padre, mas también lo pone por calidad necesaria para pasar el contemplativo de la meditación a la contemplación. Y porque es ejercicio este pocas veces usado sin estorbo de los recibos divinos, detendrémonos un poco en declararlo.

Cosa sabida es, que aunque tengamos adquiridas noticias de las cosas en la memoria intelectiva habitualmente, no entendemos por ellas actualmente , si no es que, como dice nuestra Santa, las hace la memoria de habituales, actuales, haciéndolas presentes al (f° 141) entendimiento para que use de ellas. Declarando pues Santo Tomás como se ha de hacer este ejercicio dentro del acto de la contemplación para que se pueda compadecer con él, dice de esta manera : Intelligentia nostra qua divina apprehendimus, quamvis non misceatur sensibus per viam apprehensionis, admiscetur tamen eis per viam judicii . Que fue decir que el acto supremo del entendimiento que tiene a Dios por objeto y está inmediato a él, no se puede mezclar con las noticias que procedieron de los sentidos por el camino de aprensión, aunque bien se puede mezclar con ellas por vía de juicio y ponderación.

Para declaración de esta doctrina magistral, de cuyo verdadero entendimiento pende el buen logro de este ejercicio, se ha de advertir que el entendimiento posible (que es él que recibe estas noticias y las conserva dentro de sí) tiene dos actos, de que hace aquí mención el Doctor Angélico : el primero se ejercita cuando recibe estas noticias ya espiritualizadas del entendimiento agente, y el segundo cuando después que las tiene dentro de sí, las reconoce y juzga de ellas ; de los cuales el primero se llama "aprensión" y el segundo "juicio". Pues dice ahora Santo Tomás que el acto de aprehensión no se compadece con el de la inteligencia, porque en la aprensión tiene el entendimiento abierta la puerta de la vista que mira al cuerpo y está vuelto hacia ella, y en la inteligencia está cerrada esta puerta y abierta la vista (f° 142) que mira a Dios, y vuelta hacia él para recibir su iluminación e influencia . Pero, el acto de juzgar de estas noticias que procedieron de los sentidos, bien se compadece con la inteligencia, como se ejercite con las circunstancias que el mismo santo pone en otros lugares.

La primera circunstancia es que cuando estas noticias se hicieren de habituales actuales dentro del acto sencillo de la contemplación para el conocimiento actual de lo que representan, las ha de mirar el entendimiento como se miran las partes en el todo y las estrellas en el cielo debajo de una misma vista, aunque algo confusa sin total distincción. Porque si quisiese reconocerlas muy a lo distinto, perdía de vista el objeto principal de la contemplación que es la divinidad, y ponía medio entre la iluminación divina y el entendimiento. La segunda circunstancia es que en esta presencia actual que hacen en el acto de la contemplación las noticias que de Cristo nuestro Señor procedieron de los sentidos, no haya composición nueva de la razón y luz natural, porque ésta tampoco se compadece con la inteligencia indivisible en que la contemplación divina se ejercita, sino con el acto inferior del entendimiento donde se divide y compone, y no quedaría inmediato a Dios y a su divina iluminación . Ni esta composición es necesaria porque en este acto superior están estas noticias con la sustancia de la ponderación y composición que se hizo (f° 14s) otras veces en los actos inferiores, y más perfecta y acendrada ; y anda con las mismas noticias de manera que en haciéndolas allí presentes, se ofrece juntamente con ellas al entendimiento para poner el ánimo en motivo de amor o compasión o agradecimiento. Y por nueva composición entendemos con Santo Tomás, así la que pertenece al discurso e inquisición de la verdad, como la que pertenece al juicio y ponderación de ella . Porque entrambas se excluyen de la contemplación donde el entendimiento mira a Dios y está inmediato a él. Lo cual no se compadece con la ponderación de la luz natural, porque ésta, como perfección propia del entendimiento, la hace él dentro de sí y no sale de él a ejercitarla ; y como tiene vuelta hacia sí la vista, la aparta de Dios y de su iluminación divina .

Tiene también otro defecto en materia de contemplación sobrenatural, que con la operación hecha a su modo, no se puede exceder el entendimiento a sí mismo, ni alcanzar mayor ponderación de los misterios divinos de la que hizo otras veces conforme a su facultad, e impide a otra más alta y más eficaz de la luz divina a que se camina por la contemplación pura y sencilla en que podemos aún en el destierro asemejarnos a la contemplación de los ángeles, como tantas veces nos lo persuade San Dionisio en muchos lugares de sus libros ; en uno de los cuales nos dice que como los ángeles tienen en la contemplación de Dios los entendimientos sencillos (f° 144) sin división ni composición, así lo han de procurar estar los nuestros para recibir la iluminación de la divina sabiduría . Todo lo cual se halla en el movimiento circular propio de nuestra contemplación, como Santo Tomás declara ; y así, todas las noticias que dentro del acto de la contemplación se mezclaren, aunque sean de los misterios de nuestra redención, se han de representar allí sencillas y sin división ni composición, para que a manera de la nube puesta a los rayos del sol que es investida y hermoseada con su claridad, sean ilustradas de la luz divina para levantar al alma a más alto concepto de estos beneficios y a más íntimo amor y agradecimiento, que ella pudiera sacar de ellos por su discurso y ponderación de la luz natural.

Este modo de contemplar los misterios de la humanidad de Cristo Nuestro Señor a lo superintelectual y sin perder de vista su divinidad, enseñó San Dionisio a un maestro de los religiosos contemplativos, nuestros mayores, en una larga carta que para esto le escribe : representándolos allí a los rayos de la claridad divina en una vista sencilla y derecha a Dios, como acordándose el contemplativo que aquella suma grandeza que tiene presente aunque en oscuridad de fe, se humilló tanto por nuestro remedio como las Divinas Letras dicen, y sin más discurso ni composición que una memoria sencilla de Dios muerto, Dios humillado, Dios azotado (en que va como en quintaesencia la sustancia de las (f° 145) meditaciones pasadas y más purificada y eficaz), hace el alma mucho mayor empleo a lo divino, que pudiera hacer con largos discursos de la razón y grandes ponderaciones de la luz natural y operación activa del entendimiento ; porque como está entonces en iluminación divina de los dones del Espíritu Santo, el don de entendimiento da virtud sobrenatural a la potencia intelectiva para penetrar sobre su facultad estas verdades, y el don de sabiduría para hacer alto juicio y ponderación de ellas (quia intellectus ut est donum pertinet ad viam intensionis, sed sapientia ad viam judicii .), y pasando a la voluntad le comunica sabor y amor también sobrenatural de ellas. Y todo a modo de ángeles, los cuales, per simplicem conversionem ad Deum, illuminantur de agendis quae nesciunt sine inquisitione ; esto es que en una sencilla vista a Dios sin discurso ni composición son iluminados de él para las cosas que han de hacer. Y de aquí se verá con cuánta razón dijo aquel maestro sabio y experimentado, que valía más un acto de la vida y pasión de Cristo de esta manera ejercitado a lo universal y sencillo, que ciento por modo de figuras y discursos .

De esta manera nos aconsejan también las Divinas Letras que ejercitemos estas dulces memorias en aquellas palabras de la Esposa en los Cantares, cuando dice : "Mi amado es para mí un ramillete de mirra asentado (f° 146) en mi pecho ]muy de espacio[. " Y quien dijo "ramillete" (que son muchas flores juntas y no cada una de por sí), excluyó en el alma contemplativa el discurso particular, y aconsejó esta memoria universal y por junto de los trabajos y amarguras de Cristo. Y declarando San Bernardo este lugar del alma contemplativa, dice que de esta manera se ejercitaba en la memoria de estos misterios, habiendo recogido de las meditaciones de todas las afliciones y amarguras del Salvador este ramillete y concepto universal para traerle como víctima sagrada en su pecho . Pero, para lograr bien el fruto de estas memorias sin estorbo de la contemplación, en habiendo hecho presencia en la inteligencia y puesto al espíritu en recordación agradecida de este beneficio, aplique la intención al afecto con aquel motivo que sacó de esta memoria, y pase de la inteligencia sencilla a la inteligencia pura ; que son términos muy propios de que usa Ricardo para significar que, aunque el acto de la contemplación donde estas memorias universales se representan está sencillo, no está en toda su pureza para la iluminación divina ; porque, como dice Santo Tomás, por altos que sean las memorias que procedieron de los sentidos y por muy espiritualizadas que estén, con todo eso ofuscan la pureza del entendimiento, quia ex sensibilibus operationibus quodammodo intellectus puritas inquinatur . (f° 147) Y como mientras dura la representación de estas memorias, aunque sea así a lo sencillo y universal, está aplicada la intención del ánimo y con ella toda la eficacia de él al conocimiento y no al afecto, impiden por este camino los empleos de la voluntad a que la oración se ordena. Pero, fuera de los tiempos de la oración y entre día, no se pone límite al contemplativo para que deje de usar de estas memorias como su devoción y necesidad pidiere, aunque sea a lo particular y sensible.

De esta doctrina comunicada por Dios a los santos para nuestras enseñanzas, nos refiere San Buenaventura una experiencia suya milagrosa : como este santo era tan devoto de las llagas del Senõr y de los misterios de nuestra redención, gastaba mucho tiempo en los discursos de ellos ; y queriendo el mismo Señor que trabajase menos y aprovechase más en este ejercicio, una vez que entraba en él como solía, abiertos los ojos de la razón para el discurso, se los cegaron milagrosamente ; de manera que no pudiendo discurrir, comenzó el entendimiento ciego en su discurso y guiado de la luz de la fe a entrar por las llagas de Cristo hacia su corazón para llegar a lo íntimo de su inefable caridad y amor, adonde halló el espíritu su reposo ; y allí, con una vista sencilla, dice que gozaba de todos los bienes : Ibi simpliciter fruor abundantia omnis boni tota mente . Porque lo principal que habemos de sacar de estas dulces memorias es el conocimiento experimental de este amor que el Hijo de Dios nos tuvo, y de éste subimos facilmente al de su infinita bondad y grandeza. A cuyo propósito dice San Lorenzo Justiniano : dos maneras hay de conocimiento de Dios, uno de su (f° 148) amor y otro de su excelencia, y él que hubiere ahondado en el primero, con facilidad subirá al segundo (Dupliciter autem de Deo habetur notitia, dilectionis scilicet et excellentiae. Facile quippe ad Dei ascendit intelligentiam quisquis erga se de Verbi dilectione habuerit notitiam .). Pues al conocimiento práctico y verdadero de este amor, no ha de subir el contemplativo tanto por su discurso cuanto por la iluminación divina que en la contemplación sencilla y pura se le comunica.

Por remate de esta materia, nos advierte San Buenaventura que este ejercicio de memorias particulares en la contemplación conviene que sea breve y poco frecuente ; porque demás de los estorbos que hacen a la pureza de ella y a los recibos de la luz divina según queda tocado, fatiga la naturaleza por trabajar más en él que en la contemplación universal pura y sencillísima. Y también se ha de advertir que no se han de mezclar estas noticias cuando la influencia divina tiene puesta el alma en otra cosa, como en la quietud, sencillez y pureza de la contemplación de la divinidad. Porque, como dice a este propósito San Lorenzo Justiniano, el hombre se ha de sujetar a la moción de Dios, y no Dios a la del hombre ; y haciendo lo contrario, en lugar de provecho sacará de su oración juicio. Esta moción divina se conocerá si el alma sale a estos actos particulares con repugnancia y desgana, porque esto es señal que la tiene Dios puesta en el universal para comunicársele sin estorbos.

(f° 149)

Capítulo 17 Que en criando Dios al hombre le comunicó la contemplación intelectual sencilla para que a modo de ángel viador le contemplase y venerase

Después de haber respondido a las razones sin razón con que Vuestra Paternidad contradice la contemplación que enseña nuestro venerable Padre, será conveniente que para mayor calificación de ella digamos algo de su antiguedad contra el concepto que Vuestra Paternidad tiene hecho que es invención de nuevos maestros de espíritu, siendo tan al contrario, que uno de los mayores daños que en materia de virtud padece nuestro siglo es el estar tan desusado el modo propio y acendrado de comunicación divina, que por singular beneficio comunicó Dios a sus fieles desde el principio del mundo ; y en los siglos antiguos de la Ley de Gracia fue tan ejercitado, particularmente de nuestros mayores, que por excelencia los llamaban "contemplativos", como dice Suidas , y el mismo nombre les dieron los Apóstoles, como refiere San Dionisio diciendo : est ordo contemplativus . Y para que no dudásemos qué modo de contemplación habíamos de ejercitar, añade que en la profesión que cada uno hacía donde le admitan al estado religioso, le ponían a la vista la forma de ella, conviene a saber : quod non (f° 150) contemplator solummodo erit secundum se sacrorum symbolorum, sed cum divina a se participatorum sacrorum scientia, altero modo supra sacram plebem in assumptionem veniet divinae communicationis .

Éste pues es el mayorazgo celestial en que se funda nuestra religión, dado por Dios a nuestro gran padre el profeta Elías, como veremos adelante, y confirmado por los apóstoles de Cristo. Los cuales nos intiman en estas palabras no sólo que nuestro instituto es de contemplativos, sino también que nuestra contemplación no ha de ser como la de los seglares devotos, por semejanzas sensibles y discursos de razón (aunque por esto han de pasar los principiantes), sino que han de subir a la comunicación divina guiados por luz sobrenatural en participación de las perfecciones divinas en sí mismas : que es la contemplación divina que el mismo San Dionisio enseñó, como ya queda declarado. Sólo volveré a referir sus palabras para que se vea cuán concordes están estos dos lugares, y que aunque en el segundo habla con todos los contemplativos, más particularmente con nosotros : Mysticis autem secundum divinam traditionem super intellectualem operationem sumus uniti : omnia enim divina quaecumque nobis sunt manifesta, solis participationibus cognoscuntur. Ipsa autem qualiacumque sunt, secundum proprium (f° 151) principium et collocationem supra mentem sunt et supra omnem substantiam et cognitionem. Deo autem secundum absolutionem ab omnibus intellectualibus operationibus nos immittimus, nullam videntes substantiam, quae aliqua proportione comparabilis sit causae ab omnibus segregatae secundum omnem excessum . Éste es el fundamento de nuestra profesión dado por Dios a nuestro Padre original, y confirmado y declarado después por los apóstoles de Cristo, y el que los maestros de los nuevos profesores de él tienen obligación de practicar a sus discípulos como el principal ejercicio de su vida.

Prosiguiendo pues nuestro intento, luego que Dios crió al hombre en tanta dignidad, un poco menor que el ángel, como los destinó a entrambos para un mismo fin, los proveyó desde luego de unos mismos medios en que fuesen como corriendo parejas en la felicidad, aunque siempre el ángel más aventajado como hermano mayor y de naturaleza más noble. Y así dice Santo Tomás que la contemplación de Dios que era natural al ángel en su primer estado antes de ser confirmado en gracia, tuvo también Adán en el primer estado por el privilegio de la gracia y justicia original . Cual fuese esta contemplación del ángel viador, lo dijo San Agustín por estas palabras : Neque enim sicut nos ad percipiendam sapientiam proficiebant angeli, ut invisibilia Dei per ea quae facta sunt intellecta conspicerent, qui ex quo facti sunt ipsa verbi eternitate sancta et pia contemplatione perfruuntur, atque inde ista despicientes secundum id quod intus vident, vel recte facta approbant, vel peccata improbant . De manera que los ángeles en el primer estado no contemplaban a Dios y sus divinas perfecciones por semejanzas de cosas criadas, sino en el mismo espejo divino por ilustración interior. Pues la misma contemplación da Santo Tomás a Adán en el primer estado, diciendo : ex perfectione gratiae hoc habebat homo in statu innocentiae, ut Deum cognosceret per inspirationem internam ex irradiatione divinae sapientiae ; per quem modum Deum cognoscebat, non ex visibilibus creaturis, sed ex quadam similitudine spirituali suae menti impressa . Conviene a saber que no contemplaba a Dios por semejanzas de cosas criadas, sino por iluminación interior del don de sabiduría en semejanzas infusas impresas en su entendimiento.

Y tratando más en particular de esta contemplación de Adán en el primer estado : "tuvo lo primero la contemplación común de fe ilustrada con la iluminación del don de sabiduría ", pero más feliz que nosotros por la rectitud y pureza de su espíritu que recibía esta iluminación sin estorbos, y también la misma luz de la fe no por instrucción exterior como nosotros, sino por inspiración divina interior ; y así le representaba a Dios como (f° 15s) presente, aunque no a lo descubierto como a los bienaventurados se le descubre la luz de gloria : non inerat ei fides, qua ita quaereretur Deus absens sicut a nobis queritur. Erat enim ei magis praesens per lumen sapientiae quam sit nobis, licet neque ei esset ita praesens sicut est beatis per lumen gloriae . Esta doctrina de Santo Tomás enseñó muchos años antes el venerable Hugo de San Víctor, diciendo que el hombre en su primer estado contempló a su criador no en aquel conocimiento que de fuera se percibe con el oído, sino con aquel que interiormente le daban por inspiración divina, con el cual le contemplaba no como ausente según ahora le buscamos, sino como presente y más manifiestamente que nosotros ; lo cual es propio de la iluminación del don de sabiduría que nos pone a Dios tanto más presente cuanto es mayor la iluminación .

En otra parte, dando el mismo autor la razón de la oscuridad de nuestra contemplación, dice que por tener cerrado el ojo de la contemplación para ver a Dios y las cosas divinas ; y de aquí toma ocasión Santo Tomás para decir que por eso Adán tenía tan alta contemplación de las cosas divinas, porque tenía abierto el ojo de la contemplación . Y así, entre los principales efectos que San Dionisio refiere de la luz divina en los contemplativos que saben recibirla sin estorbos, es que purifica los ojos intelectuales de todas las (f° 154) heces de la ignorancia y error, y los mueve y abre removiendo de ellos las tinieblas con que estaban como apagados y oscurecidos para no poderse levantar a contemplar las cosas divinas : Lumen intelligibile omnem ignorantiam et errorem expellit ab omnibus quibus ingignitur animabus, et omnibus simul sanctum lumen tradit, et intellectuales ipsarum oculos mundat a circumposita ipsis fece ex ignorantia, et movet et aperit multa gravitate tenebrarum conclusos . Este efecto hace la luz divina en los espíritus ya purgados, para lo cual los va la misma luz purificando con tantos crisoles penosos, como experimentaron los grandes contemplativos ; y cuando han llegado ya por reformación de gracia a aquella rectitud de la naturaleza que prometió Dios por el profeta Isaías , semejante a la que tuvo Adán en el primer estado, entonces les concede esta excelencia de que él gozó, de tener abiertos los ojos de la contemplación para ver a lo ilustrado de fe endiosada, las cosas divinas que ahora vemos en fe oscura.

De esto nos da noticia la experiencia luminosa de nuestra Madre Santa Teresa (hablando del tiempo en que había llegado, después de tantas y tan penosas purificaciones como en sus libros refiere, a esta reformación de gracia semejante a la rectitud en que fue criado Adán) por estas palabras : "Aquí es ya de otra manera que cuando el Señor juntaba al alma consigo haciéndola ciega (f° 155) y muda, porque quiere ya nuestro buen Dios quitarle las escamas de los ojos para que vea y entienda algo de la merced que le hace. " Y luego refiere esta merced que fue una altísima comunicación de las tres personas divinas por semejanzas infusas y distintas a modo de ángeles viadores.

De esta contemplación ilustradísima de Adán en el primer estado, dijo el Maestro de las Sentencias que, aunque no era con la claridad que la de los bienaventurados, tampoco era in aenigmate, qualiter in hac vita vivimus . Esto es, como declara Santo Tomás, que aunque contemplaba a Dios en semejanza criada y no cara a cara, como los bienaventurados, no le contemplaba con la oscuridad que nosotros, con que somos impedidos en la contemplación de las cosas intelectuales por la ocupación de las sensibles, la cual oscuridad se siguió en nosotros por el pecado ; y así aunque contemplaba a Dios en espejo, no en enigma, esto es en oscuridad como nosotros .

Tuvo también Adán en el primer estado la contemplación del rapto a visión intelectual, donde los grandes amadores de Dios son levantados a muy íntima comunicación suya y a participación de la vida celestial, por la cual decía el Apóstol que su conversación era en los cielos ; y de esta contemplación en sueño de los sentidos y vela de las potencias, declara San Agustín aquel misterioso sueño de Adán por estas palabras : "Aquella éxtasis en que Dios puso a Adán para que (f° 156) quedase quieto y dormido, justamente se entiende que se ordenó a esto, que arrebatado su espíritu, fuese como participante de la corte de las ángeles, y entrando en el santuario de Dios, entendiese las cosas venideras. " Esto dice San Agustín, y la misma declaración de la Glosa a este lugar ; y Santo Tomás añade que la comunicación celestial que tuvo Adán en este rapto fue por semejanzas intelectuales infusas a modo de ángeles .

Tuvo finalmente Adán la contemplación más alta de los ángeles viadores antes de su glorificación, que contemplaban a Dios y sus perfecciones divinas por semejanzas expresas (quia cognoscens ipsum lumen naturae suae, quod est similitudo luminis increati, Deum videbat. ), el cual conocimiento es uno como medio entre la oscuridad de nuestra contemplación y la claridad de la que ejercitan los bienaventurados viendo cara a cara, y no por semejanza, la divina esencia. Y así, este modo de contemplación es la más alta del destierro ; y en este lugar y en otros la da también Santo Tomás a Adán en el primer estado : Hoc autem medio creaturarum non indigebat homo in statu innocentiae ; indigebat tamen medio quod est quasi species rei visae, quia per aliquod spirituale lumen menti hominis influxum divinitus quod erat quasi similitudo expressa lucis increatae, Deum videbat.

(f° 157) Este modo de contemplación tan alta, aunque San Dionisio y Santo Tomás lo dan también, aún después de la culpa, a los grandes contemplativos , como ya vimos en otro lugar, no se concede sino a los espíritus muy purgados, que después de apretadas purificaciones de la influencia divina, quedan como el oro en el crisol, purificados de sus imperfecciones, y tan ilustrados con las virtudes y dones infusos, que hayan alcanzado una perfecta renovación de la naturaleza, semejante a aquella en que fue criada y que tuvo Adán en el primer estado, como lo significó a nuestro propósito el Espíritu Santo por el profeta Isaías ; de que en otra parte habemos de tratar más de propósito, como de efecto muy propio de la contemplación que Dios comunica a los hombres para renovarlos a lo divino, y por eso a esta maravillosa renovación llamó Santo Tomás "regeneración", o nueva creación . A la cual había llegado nuestra Madre Santa Teresa cuando Nuestro Señor le hizo esta merced de comunicársele por semejanzas expresas ; y por eso, hablando ella de este estado, dice que habían quitado ya a sus ojos las escamas, porque estas mercedes no se hacen sino a almas transformadas en Dios por amor y semejanza de sus virtudes . (f° 158) En el cual estado han llegado ya a tan alta reformación y blancura, que puedan ser unidas con el Hijo de Dios, blancura de la luz eterna y espejo sin mancha de la Majestad divina , y transformadas en él para participar de un mismo espíritu. Todo lo cual declaró excelentemente nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz en uno de sus tratados místicos aún no impreso ; y lo pudo decir de su experiencia, que llegó a este felicísimo estado y a gozar de estas comunicaciones divinas tan altas.

Capítulo18 Que la misma contemplación concedió el Señor en la Ley de Naturaleza a otros santos Padres con particulares favores

En otros tiempos de la Ley de Naturaleza, comunicó también Nuestro Señor esta contemplación intelectual a algunos de sus amigos, y en ella les hablaba lo que habían de hacer de su servicio. De aquel modo de hablar dice San Agustín estas palabras : "Visitábalos el Señor y hablábales por modos inefables como habla a los ángeles, ilustrándoles el entendimiento con las verdades divinas, como en las éxtasis de espíritu. " La experiencia de esta doctrina de San (f° 159) Agustín nos significó nuestra Madre Santa Teresa levantada de esta manera en espíritu, del cual tiempo dice así : "En este lenguaje del cielo pone el Señor lo que quiere que el alma entienda en lo muy interior de ella, y allí lo representa sin imagen ni forma de palabras, sino a manera de la visión intelectual que queda dicha. En esta habla hace Dios al entendimiento que advierta, aunque le pese a entender lo que se dice, que allá parece tiene el alma otros oídos con que oye y que la hace escuchar y que no se divierta. " En estas palabras significó la fiel experiencia de nuestra maestra este modo de hablar Dios a los santos Padres, porque los ponía en una profunda escucha barriendo del entendimiento todas las demás noticias en que podía divertirse, quedando, como dice David de su experiencia, al modo del cielo descombrado de nubes en una mañana serena cuando ríe el alba (sicut lux aurorae oriente sole absque nubibus ), e impidiendo por aquel tiempo, como declara Santo Tomás a semejante propósito, la conversión actual del entendimiento a las semejanzas de la fantasía , para que con ellas no le impida la advertencia a lo que Dios le habla. Pues de esta manera habló Dios dentro de la contemplación divina muchas veces a Noé, a Abraham, a Jacob y a otros santos Padres en la Ley de Naturaleza, como se ve en muchos capítulos del libro del Génesis.

(f° 160) Comunicó también esta contemplación intelectual ilustrada al patriarca Abraham, cuando se le apareció en el valle de Mambré, estando él sentado a la puerta de su tabernáculo . Porque en estas apariciones, como declara Santo Tomás, no les mostraba Dios su esencia para que la viesen al descubierto, sino alguna señal de ella que por la ilustración del don de sabiduría les comunicaba en alguna semejanza intelectual : Deus interius inspirando non exhibet essentiam suam ad videndum, sed aliquod suae essentiae signum, quod est aliqua spiritualis similitudo suae sapientiae ; ni esta semejanza venía sola, sino acompañada de admirables efectos que en esta contemplación recibía el que así era ilustrado, no sólo en el entendimiento, mas también en la voluntad ; los cuales comparó David en esta visitación de Dios, a los resplandores de la mañana clara cuando sale el sol, y a las lluvias del cielo que hacen producir las hierbas y las plantas .

Esta misma comunicación divina que levanta al hombre a tan alta contemplación de Dios, concedió también Su Majestad al patriarca Isaac, en aquella célebre aparición que tuvo suya en tierra de Palestina con tan engrandecidas promesas y favores, como ofrecer a sus descendientes todas aquellas regiones que por esto se llamaron después "Tierra de Promisión", (f° 161) y que multiplicaría su sucesión como las estrellas del cielo, y en su semilla serían todas las gentes benditas . En estas palabras tan misteriosas y que encierran en sí tan inefables promesas, se verificó lo que dice San Agustín declarando estas hablas de Dios hechas a los santos Padres antiguos : Deus illustrans ipsa incommutabili veritate mentes eorum, ubi est intellectus, nosse simul quaecumque etiam per tempora non fiunt simul . Esto es que ilustrando Dios el entendimiento del así visitado y comunicándole la verdad divina, le hace conocer en un instante los sucesos de muchos siglos, y en una palabra le da conocimiento de muchas cosas juntas. La razón de esto da San Gregorio en la declaración de estas mismas hablas de Dios, diciendo que como las recibe el entendimiento no a modo de oir, sino a modo de ver, puede aprender muchas cosas juntas que no pueden percibirse por el oído, sino poco a poco . Pues a este modo cuando en este lugar dijo Dios a Isaac que en su generación serían todas las gentes benditas, vió la gloria de Israel con la venida del Hijo de Dios y suyo al mundo, y pudo decir lo que el mismo Señor dijo de Abraham su padre, que había visto en espíritu su día y gozádose en él. Y no sólo esta vez recibió este santo Patriarca estas visitas de Dios en la contemplación, sino también (f° 162) otras, como cuando en algunas contradicciones que tuvo en la tierra prometida, le apareció el Señor y le dijo que no tuviese temor, que él estaría con él para ayudarle y defenderle .

Pero aun más en particular descubrió el Señor al patriarca Jacob la contemplación divina, con que en cierta manera se escala el cielo y se sacan del pecho de Dios los efectos de su iluminación e influencia, de lo cual nos da noticia el texto sagrado por estas palabras : "Vió Jacob entre sueños una escalera levantada sobre la tierra, que lo superior de ella tocaba en el cielo, y por ella subían y bajaban los ángeles de Dios, y el mismo Señor, que estribando sobre lo superior de la escalera le hablaba diciendo que él era el Señor Dios de su padre y abuelo. " Pues ¿quién no ve como dibujada en estas palabras la contemplación divina enseñada por Dios que a modo de ángeles ejercitan los verdaderos contemplativos subiendo por los grados de la escalera mística (que de esta revelación tomó el nombre), hasta el grado supremo de ella que es la inteligencia pura con que el entendimiento se pone inmediato a Dios para recibir sus divinas iluminaciones ? (Intelligentia ea vis animae est, quae immediate supponitur Deo, cernit siquidem ipsum summum verum et vere incommutabilem .) Para la cual (f° 16s) contemplación ha de estar el cuerpo de Jacob dormido para todas las cosas criadas, y velando su espíritu para las de Dios. La misma contemplación le comunicó en aquella misteriosa lucha donde dijo que había visto a Dios cara a cara. Lo cual declara Santo Tomás de una contemplación intelectual muy eminente sobre el común estado del destierro. Otras muchas visitas de altísima contemplación tuvo de nuestro Señor este santo patriarca, como cuando se le apareció en tierra de Canaán y le hizo la misma promesa de la Tierra de Promisión y extendida posteridad que había hecho a Isaac su padre , y cuando a la hora de la muerte fue levantado en espíritu a la contemplación del misterio de nuestra reparación, y dijo aquellas palabras de tan gran confianza : "Tu salud, Senõr, esperaré ", que es el Salvador del mundo prometido a su padre y abuelo.

Capítulo 19 Que cuando dio el Señor a Moisés la Ley Escrita y a Elías la forma de vida perfecta, les comunicó también esta contemplación divina

También en la Ley Escrita comunicó el Señor la contemplación divina de los verdaderos adoradores de Dios a muchos de los santos Padres de aquel tiempo, (f° 164) particularmente a los dos caudillos y reformadores de su pueblo, Moisés y Elías. Para lo cual se ha de advertir que dos montes muy celebrados en las divinas letras fueron escogidos de Dios para grandes misterios del Testamento Viejo, el uno el monte Sinaí, donde dio a Moisés la Ley Escrita para él y para todo el pueblo, y el otro el monte Horeb, adonde dio al profeta Elías, para él y para sus discípulos, la planta de los consejos evangélicos que su Hijo había de predicar después al mundo. Para estas dos tan grandes empresas se dispusieron así el uno como el otro con ayuno de cuarenta días, y precedieron a ella espantosas solemnidades que pusieron los ánimos en veneración y estima de su gran importancia, en el monte Sinaí de trunos y relámpagos y sonidos de trompetas , y en el monte Horeb, viento tan grande que derribaba los montes y partía las piedras, temblor de tierra y luminarias de fuego . La Ley que se dió en el monte Sinaí, como era para todo el pueblo, fue escrita por manos de ángeles en tablas de piedra , y la doctrina que se dió en el monte Horeb, como era para hacer de hombres ángeles en la imitación, no se escribe en tablas materiales, sino por el mismo Dios en el espíritu de Elías. Entrambos estos montes se llaman "de Dios", porque entrambos caminos tienen a Dios por autor, pero él de la ley común como más fácil se (f° 165) manda, y él de la vida perfecta como superior y más difícil, no se manda sino se aconseja.

Pues como para cumplir justamente con entrambas vidas, son tan necesarios los auxilios divinos que se reciben de Dios en la oración y contemplación, al mismo tiempo que dió a Moisés la forma de la vida activa, nos insinuó en él la de la vida contemplativa. Por lo cual San Dionisio, San Gregorio, Ricardo de SanVíctor y otros santos y grandes maestros de la sabiduría mística, dicen que en esta subida de Moisés al monte Sinaí a recibir de Dios las tablas de la Ley, está altamente significada la contemplación divina, donde sube el hombre a buscar a Dios y baja Dios a comunicarse al hombre ; y la van describiendo a nuestro propósito, particularmente San Dionisio. Porque el apartarse Moisés de todo el pueblo comenzando a subir por el monte , es cerrar el contemplativo los ojos corporales a todo este mundo visible ; el quedarse en esta primera subida con los ancianos y escogidos del pueblo, es la meditación de la razón por discurso de semejanzas sensibles ; el subir más arriba Moisés con sólo Josué su ministro, es reducir el discurso de la razón a la unidad sencilla de la luz natural. Y en todo esto dice San Dionisio : non cum Deo quidem versatur, que no había llegado aún Moisés a comunicar a Dios, hasta que dejando a su ministro, que es la luz natural, entra en la nube de la luz (f° 166) de la fe donde halló a Dios y gozó de su comunicación. Y no sólo su entendimiento fue ilustrado con divinos resplandores, mas también fue inflamada su voluntad con el fuego de amor de Dios (erat autem species gloriae Domini quasi ignis ardens super verticem montis), y lo uno y lo otro se recibía en la cumbre del monte, que son los actos supremos del entendimiento y del afecto. Sobre las cuales palabras añade el venerable Ricardo : entra Moisés en la niebla, cuando en la contemplación, el espíritu humano anegado en la inmensidad de la divina luz, del todo se olvida de todas las cosas y de sí mismo, de tal manera que nos puede causar admiración como concuerda aquí la nube con el fuego y el fuego con la nube, la nube de nuestra ignorancia con el fuego de la inteligencia iluminada ; porque en un mismo tiempo es iluminada para las cosas divinas la humana inteligencia, y oscurecida para las humanas.

Esto hallamos en la subida de Moisés al monte de la contemplación, pero, como a Elías le escogió Dios por cabeza y maestro de una familia que había de ser escuela de verdaderos contemplativos en el Viejo y Nuevo Testamento, le comunicó en el monte la contemplación intelectual sencilla ilustrada de Dios no por enigmas, sino manifiestamente. Porque, como dice San Gregorio, el silbo de la marea delicada (f° 167) en que se comunicó Dios a Elías en la cueva del monte Horeb, no es otra cosa que la contemplación divina donde se gusta el sabor de la verdad increada : quasi enim sibilum aurae tenuis percipimus, cum saporem incircumscriptae veritatis contemplatione subtiliter degustamus . Al mismo propósito dice Juan Gerson : "Este silbo de la marea delicada son las tinieblas en que dice San Dionisio que Dios se halla , y el silencio que ocultamente enseña dentro de ellas, aquella paz que dijo el Apóstol que sobrepujaba todo sentido , y una quietud de toda obra activa intelectual y sensible. Este silbo es el descanso de María a los pies del Salvador, de que se quejaba Marta , éste la palabra escondida y blanda que, como dijo Job, recibe como a hurtadillas la oreja interior del contemplativo , éste la muerte deseada sin la cual no se ve a Dios, como dijo el Señor a Moisés , éste el viento saludable que esparce rocío de templanza en el horno de nuestro corazón para mitigar las llamas de la concupiscencia, como en el de Babilonia mitigaba las llamas materiales." Todo esto es de este autor sabio y experimentado . Y añade a nuestro propósito, que los preámbulos que venían delante de esta comunicación divina eran los grados inferiores por donde se camina a ella, que son la meditación de nuestras postrimerías y los trabajos con que el Hijo de Dios satisfizo por nuestras culpas, los cuales son los (f° 168) medios ordinarios de la primera compunción y el viento fuerte que venía derribando los soberbios montes del desvanecimiento humano y quebrantando las piedras de los corazones duros ; así mismo la ponderación que en más quietud se hace después del discurso y donde el conocimiento de lo discurrido se perfecciona , significado en la conmoción y temblor de tierra que pone al pecador en temor del castigo de sus culpas ; y después de todo esto venía el fuego del fervor sensible que quieta el corazón y las pasiones que en él residen, para que no impidan su vuelo al entendimiento. Y en todo esto dice el texto sagrado que no venía Dios, de lo cual da la razón San Gregorio, diciendo que mientras el entendimiento está en conocimiento distinto y de cosas que él conoce, no está levantado sobre sí ni inmediato a Dios . Y por eso, dándonos el Santo Profeta la primera lección y necesario documento de cómo nos habemos de disponer para recibir en la oración la iluminación e influencia divina a que ella se ordena, dice el texto sagrado que en oyendo el silbo de la marea delicada y conociendo que en él venía Dios, cubrió el rostro con la capa (quod cum audisset Elias operuit vultum suum pallio), escondiéndose no sólo de las cosas visibles, sino también del ejercicio de estos actos primeros, para quedar atento a Dios en inteligencia pura donde su comunicación íntima se recibe. Porque lo mismo es Elías cubierto (f° 169) el rostro que Moisés metido dentro de la nube donde Dios estaba, y Adán y Jacob dormidos cuanto al cuerpo para velar mejor a Dios cuanto al espíritu ; y así declarando San Gregorio aquel cubrirse el rostro el Santo Profeta, dice : "Entonces conocemos más verdaderamente de Dios, según el estado de esta vida, cuando rendido el entendimiento a los pies de su grandeza, reconoce que no puede conocer nada de lo que es en sí. (Tunc ergo verum est quod de Deo cognoscimus cum plene nos aliquid de illo cognoscere non posse sentimus .) ."

En esta visión de tan nuevas premisas anunciadoras de cosas grandes, tuvo el Santo Profeta dos maneras de comunicación divina : una que había de ejecutar luego en otras personas, y ésta la declara el texto sagrado ; y otra que él mismo había de ejecutar primero en su persona, y de él como de forma original y ejemplar vivo se habiá de difundir a otros, mandándole que fundase una nueva congregación de ángeles terrenos que imitasen a los celestiales ; e imprimió en su espíritu la forma de esta vida celestial que se había de guardar en ella, cimentándola con la anticipada observancia de los consejos evangélicos que después había de predicar su Hijo al mundo, para acreditarla primero por espacio de novecientos años en la gente más escogida de su pueblo, con aplauso universal de todas las naciones ; como quien enviaba delante (f° 170) los bellos resplandores del sol divino para que no hiciesen novedad cuando él viniese, ni se tuviesen por imposibles los consejos evangélicos cuando él los predicase, viendo los ya ejercitados por tantos siglos de gente tan acreditada, que dice el doctísimo Philón como testigo de vista, que era tan admirable su vida, que no sólo a la gente común, mas también a los reyes y grandes príncipes causaba admiración y espanto ; y así veneraban la majestad de tal vida y la honraban con aprobaciones y aclamaciones honrosas : Haec igitur essenorum vita est, adeo ut non privati tantum, sed magni etiam reges viros istos admirati obstupescant, talisquae vitae majestatem approbationibus et honoribus venerentur .

Y así, no sólo San Juan Bautista vestido del espíritu de Elías, mas también toda la religión fundada por el Santo Profeta hizo oficio de precursora de Cristo, y se verifican de ella aquellas palabras del profeta Isaías : "Voz de el que clama en el desierto diciendo : aparejad el camino del Señor, y haced en la soledad derechas y llanas las sendas de nuestro Dios ". Las cuales palabras parece que decía la misma religión de Elías a sus hijos habitadores de la soledad, para que, guardando en su instituto los consejos de perpetua continencia, desnudez de todas las cosas, negación de todos (f° 171) los afectos de la carne y la cruz de la penitencia, que son las sendas de la perfección y los atajos de la vida eterna, allanasen estas sendas al Señor que después los había de venir a predicar. Y dice el Santo Profeta que estas voces se han de dar en la soledad, porque como escogió Dios a otras religiones para que diesen voces a los fieles andando entre ellos, así escogió a la nuestra para que con la oración y buen ejemplo les demos voces de edificación desde la soledad de la celda. La solemnidad con que se dió a Elías esta planta del edificio de la perfección en el monte Horeb, hallamos también cuando en el monte Sión se levantó sobre ella el edificio, y con la venida del Espíritu Santo se promulgaron para todo el mundo los consejos evangélicos que antes se habían dado a sólo Elías y sus hijos. Porque vino delante de esta promulgación aquel viento vehemente y las luminarias de lenguas de fuego ; y con la marea delicada del Espíritu divino fueron recreados los apóstoles, como antes lo había sido Elías, concordando de esta manera la planta con el edificio.

Y no sólo antes de la venida de Cristo aparejaron sus sendas los hijos de Elías, mas también después de venido le ayudaron a plantar sobre ellas el edificio de la perfección. Porque, en dándoles noticia San Juan Bautista que era venido el que esperaban, (f° 172) le reconocieron por el Mesías y le siguieron en su doctrina que era la misma que ellos profesaban. Porque aquel coloquio de San Juan que refiere el Evangelio , donde dió tan alta noticia del Salvador a las personas con quien hablaba, dicen los autores que pasaba entre San Juan y los Esenos sus discípulos , y lo mismo parece que insinua el texto sagrado ; porque después de haber dicho que el Salvador que tenía presente era el Cordero del Señor que quitaba los pecados del mundo, añadió : "éste es de quien otras veces dije que había de venir", donde significó que era lenguaje éste muy frecuentado entre maestro y discípulos. Y en otra parte, expresando el texto sagrado que hablaba San Juan con sus discípulos, les hizo mención de este primer coloquio y le dijo claramente que Cristo era Hijo de Dios y en quien el Padre Eterno había puesto todas las cosas . Con esta noticia se pusieron los Esenos al lado de Cristo, defendiendo su doctrina contra los Fariseos y Saduceos y otras sectas de los Judíos. La cual defensa sacan los hombres sabios y las historias de la Iglesia del silencio que hay en el Evangelio de los Esenos, porque sólo nombran a los que contradecían a Cristo ; y esta contradicción de los consejos era tan universal en aquellas sectas, que con ser la de los Recabitas la más reformada después de los Esenos aunque eran casados, les daban (f° 17s) en rostro, como refiere Josepho, con el voto de continencia, diciendo que cuanto era de su parte, destruían la naturaleza con abstenerse de las bodas con que se aumentaba la propagación humana : Maximam siquidem vitae hominum partem, successionem scilicet, amputare eos qui abstinent nuptiis arbitrantur .

Dejando pues estas antigüedades para nuestra Historia donde estarán firmemente verificadas , y volviendo a lo que toca a este lugar, que es la contemplación que recibió Elías de Dios para asentarla en su escuela, nos da noticia de esto un autor antiguo por estas palabras : "con tanto esfuerzo levantaron los discípulos de Elías sus espíritus a Dios en la contemplación a ejemplo de su maestro, que parecían estar ya trasladados a los coros celestiales, para contemplar con vista descubierta y sin nublados la gloria de Dios. De cuyos coloquios divinos gozaban en esta contemplación como los que estaban ya unidos a él con espíritus puros. " Esto dice este autor, y hablando de los mismos Filón, después de haber dicho que demás de los dos tiempos de mañana y tarde donde se ejercitaban en la contemplación, daban a la consideración el demás tiempo, añade el modo de su oración diciendo : ut mentes eorum caelesti repleantur lumine, et anima in totum exonerata sensibus moleque rerum sensibilium, veritatem vestiget in consistorio domestico . En las cuales palabras significó los dos medios principales de la contemplación : el primero, que la ordenaban a recibir la luz divina en lo supremo del espíritu, y el segundo, que para esto le quitaban los estorbos de esta iluminación que son todas las noticias de las cosas que entran por los sentidos. Y no sólo los autores cristianos y judíos nos dan noticia de esta contemplación de los hijos de Elías recibida de Dios por mano de su Maestro, mas también hallamos rastro de ella en los autores gentiles. Porque haciendo mención Ovidio de la jornada de Pitágoras a Judea a comunicar a los Esenos por la admiración que causaba su vida a todas las gentes la cual jornada escriben gravísimos autores de la antigüedad, y un filósofo discípulo suyo llamado Yamblico afirma haber habitado algún tiempo en el Monte Carmelo para comunicar a los Esenos en su fuente y origen y particularizando Ovidio el modo de orar que había aprendido de los esenos, dice de él estas palabras : Mente Deos adiit et quae natura negavit visibus humanis, oculis ea pectoris hausit . En las cuales palabras, quitado el término gentílico que nombra a Dios con nombre de dioses, declaró la contemplación divina que se ejercita en las potencias espirituales con negación de las cosas que entran por los sentidos.

(f° 175) Capítulo 20

Cómo en otros tiempos de la Ley Escrita nos dio el Señor noticia acreditada por sus profetas de esta contemplación donde él se nos comunica

A muchos de los demás profetas de la Ley Escrita comunicó también el Señor la noticia ilustrada de esta contemplación, y para ella se disponía el profeta David cuando decía : "Escucharé lo que me hable el Señor. " La cual escucha declara el profeta Habacuc diciendo : Super custodiam meam stabo, et figam gradum super munitionem et contemplabor ut videam quid dicatur mihi . Que fue decir : "Pondréme sobre mi razón y sobre todas las representaciones de la imaginación, y contemplaré para ver lo que me dirá el Señor". De manera que el escuchar a Dios en la contemplación para recibir la iluminación divina ha de ser sobre los actos de la razón e imaginación, porque como dicen los maestros sabios, Deus regulariter non loquitur ad hominem nisi attendentem et vigilantem et collectum ab omni strepitu phantasmatum . Esto es que Dios regularmente no habla al hombre sino cuando está atento y vigilante, y recogido de todas las representaciones que han procedido de la imaginación. Añade el profeta David a esta escucha, que el habla de Dios (f° 176) que se recibe en ella, pone al alma y todas sus potencias en paz y quietud ; y en otra parte tratando de esta misma habla, dice que pone al entendimiento puro y limpio de todas las nubes de semejanzas distintas, y la voluntad jugosa como la tierra con las aguas del cielo . De todo lo cual se verá que la noticia ilustrada que estos santos profetas nos dan de la verdadera contemplación que dispone al alma para los recibos de Dios, es la misma que otras veces habemos referido de San Dionisio y Santo Tomás, diciendo que el movimiento circular en que esta contemplación se hace, se ha de ejercitar sobre los actos de la imaginación y razón, estando reducida toda el alma a sencillez y quietud .

En otra parte nos dio también noticia el profeta David de esta contemplación diciendo : "¿ Quién me dará alas como de paloma, y volaré y descansaré ? Advertí que me alejé huyendo y reposé en la soledad adonde me esperaba él que me hizo salvo. " En la declaración de las cuales palabras y hablando del sueño de la contemplación, dice San Bernardo de esta manera : "Esta manera de sueño vital y velador no adormece el sentido interior, antes le ilumina, y desterrada la muerte, da vida eterna. ¿ Quién me dará alas como de paloma para volar y descansar muerto a todas las cosas del mundo ? ¡ Ojalá muriese (f° 177) muchas veces esta muerte para escaparme de los lazos de la muerte ! Muera mi alma la muerte de los justos para que ningún engaño la enlace y ninguna maldad la halague ! Pero, porque ésta aún es muerte de hombres, muera también mi alma (si se puede decir) muerte de ángeles, para que excediendo la memoria de las cosas presentes, se desnude no sólo de los deseos de las cosas inferiores y corporales, mas también de sus semejanzas, y tenga conversación pura con aquellos con quien hay semejanza de pureza, que este modo de exceso se llama contemplación propiamente. Porque no ser uno detenido de los deseos de las cosas temporales viviendo en carne aunque es cosa grande, pero de virtud humana, pero no ser en la contemplación envuelto en las semejanzas de ellas es propio de la pureza angélica. Lo uno y lo otro es don de la gracia divina, y en entrambas cosas se excede el hombre a sí mismo y se transciende, pero en lo uno se aleja mucho de sí, y en lo otro no tanto. Bienaventurado el que puede decir : “¡ mirad que me alejé huyendo y reposé en la soledad !” No se contentó con salir, sino también se alejó para poder descansar. Dejaste los halagos de la carne para no obedecer ya a sus deseos ni ser detenido de sus deleites engañosos, aprovechado has y apartástete, (f° 178) pero aún no te alejaste si no has alcanzado aún a penetrar volando con el espíritu todas las semejanzas de las cosas visibles que porfiadamente acometen hasta quedar en pureza de ánimo. Hasta entonces no te prometas descanso, que yerras si fuera de esto piensas hallar el lugar de quietud, el secreto de la soledad, lo sereno de la luz, y la morada de la paz, porque esto es estar en soledad y habitar en la luz. " Todo esto es de San Bernardo. Y va luego declarando como en esta soledad luminosa y quieta estaba la esposa levantada sobre sí misma y gozando de los abrazos del esposo, y durmiendo en su tabernáculo dulcemente cuando conjuró a las hijas de Jerusalén que no la despertasen.

De esta misma contemplación nos dió larga noticia su hijo Salomón por todo el misterioso libro de los Cantares, donde nos introduce el alma contemplativa con esta disposición que aquí declaró San Bernardo, dormida a todas las cosas criadas cuanto al cuerpo y velando a Dios su espíritu ; y nos declara los grados de contemplación y heridas de amor por donde el Esposo divino la va guiando hasta unirla consigo en la bodega de los vinos místicos y casa de la sabiduría donde la transforma en su amor , y le pone una mesa (f° 179) franca de deleites y regalos celestiales en participación, como dice San Dionisio, del convite perpetuo que hace en el cielo a los bienaventurados ; y embriagada con el vino mezclado de la divinidad y humanidad del Esposo, le sacrifica allí sus victimas de amor abrasado y tierno. Y así se cumplía en este sueño de la esposa lo que dice San Gregorio, que en el silencio de la contemplación estamos como dormidos en lo exterior y velamos interiormente : in hoc itaque silentio cordis dum per contemplationem interius vigilamus, exterius quasi obdormiscimus .

De este silencio y quietud sencilla de la contemplación en soledad de todas las cosas criadas y de todas las semejanzas de ellas, declara San Gregorio y otros santos y autores graves aquellas palabras del Eclesiástico : "En tiempo del vacío escribe la Sabiduría, y el que menos se dividiere en multiplicidad de actos, ese la recibirá y será lleno de ella. " Al mismo propósito declaran también aquellas palabras de Isaías : "¿ A quién enseñará el Señor la sabiduría, y a quién hará entender lo que le hablaré ? A los destetados de la leche de las cosas sensibles y apartados de los pechos de ellas. " Y de aquí se entenderá con cuánta razón dijo San Dionisio que para llegar a conocer aquella sabiduría escondida que por el exceso que hace a nuestro (f° 180) entendimiento le parece ignorancia, y a ser iluminado de aquella luz que por lo mismo le parece oscuridad, se ha de desnudar de todos los demás conocimientos y semejanzas de las cosas que la tienen ocultada : Omnia auferimus ut incircumvelate cognoscamus illam ignorantiam ab omnibus cognitis in omnibus existentibus velatam, et supersubstantialem illam videamus caliginem et ab omni eo quod in existentibus lumine occultatam .

La misma noticia nos dió el Espíritu Santo por el profeta Oseas, cuando después de haber dicho que regalaría a sus pechos al alma contemplativa añadió : "Guiaréla a la soledad y hablaréle al corazón. " Porque en la soledad, que poco ha declaró San Bernardo, donde está el entendimiento desnudo de todas las memorias y semejanzas de las cosas, habla Dios al alma, cumpliéndose lo que dijo San Dionisio, que en quietud de todas nuestras operaciones intelectuales habemos de recibir la iluminación divina . La misma recomendación nos hizo el profeta Jeremías cuando hablando del verdadero contemplativo dijo : "sentaráse solitario y callará y levantaráse sobre sí. " En las cuales palabras declaró las propiedades del contemplativo en el conocimiento y participación de las cosas divinas en sí mismas, que ha de estar en soledad de todas las cosas (f° 181) y de sus semejanzas, y callando a su propia operación activa en el acto continuado (que eso es sentarse) y de luz de fe, que eso es estar sobre sí mismo y en operación superintelectual. Todas las cuales propiedades pide San Dionisio para esta participación de las cosas divinas en sí mismas . Sobre el cual lugar, declara Santo Tomás como ni el entendimiento puede estar levantado sobre sí, ni en participación de las cosas divinas en sí mismas, mientras estuviere vestido de alguna semejanza de cosa conocida, por ser inferior a él todo cuanto por su discurso y luz natural puede conocer en esta vida .

Capítulo 21 Que llegado el tiempo de la Ley de Gracia, enseñó Dios por su boca esta contemplación que antes había enseñado por boca de sus profetas

Llegado el tiempo de la Ley de Gracia en que Dios tenía determinado de santificar al mundo con su presencia corporal, y dando forma al hombre para adorar a su criador, le enseñó por su misma boca (f° 182) la contemplación divina que en los tiempos antiguos le había enseñado por boca de sus profetas, de lo cual nos dan noticias los evangelistas en muchos lugares de la historia evangélica, de algunos de los cuales haremos aquí memoria cuanto baste para verificación de nuestro intento.

El primero refiere el evangelista San Mateo, en aquellas palabras que dijo el Salvador : "Cuando orares, entra en tu recogimiento, y cerrada la puerta, ora a tu Padre en lo escondido, y tu Padre que ve los secretos te concederá lo que pides. " Las cuales palabras declaran los santos de nuestra contemplación espiritual y sencilla en recogimiento del espíritu, y en esta declaración dice San Ambrosio de esta manera : Cubiculum tuum mentis arcanum animique secretum est. In hoc cubiculum tuum intra, hoc est, egredere de corporis tui exteriore vestibulo, et totus intra in alta praecordia cordis tui, et claude ostium tuum . Este aposento, dice este santo, adonde Cristo Nuestro Señor nos manda que entremos a orar, es el secreto de la parte espiritual del alma, a la cual quiere que nos recojamos saliendo del zaguán material de la parte sensible, y que entrando todo el hombre en los altos senos del espíritu, cierre la puerta de todos los pensamientos por donde suele entrar lo que mancha e inquieta al alma. Esto (f° 18s) dice San Ambrosio. Pasó adelante el Salvador y añadió a las palabras referidas un documento necesarísimo en materia de contemplación, diciendo : "Cuando oráredes, no queráis hablar mucho como los gentiles que piensan que en el mucho hablar son oídos de sus dioses. No queráis pues asemejar a ellos, porque ya vuestro Padre sabe lo que habeis menester antes que se lo pidáis." En las cuales palabras nos renovó el Hijo de Dios, Sabiduría eterna, la doctrina mística que nos había dado por el Eclesiástico en el capítulo pasado referido, que el que menos actos hiciere en la contemplación, recibiría la sabiduría y sería lleno de ella, recomendándonos en tantas partes la quietud sencilla y continuada en la oración mental, como tan necesaria para la comunicación de Dios y lograr los recibos de sus divinos dones.

Diónos también el Salvador noticia de esta contemplación cuando dijo : "Bienaventurados los limpios de corazón, porque ellos verán a Dios. " Las cuales palabras declaró Santo Tomás a nuestro propósito de esta manera : los dones del Espíritu Santo tienen dos maneras de actos, unos que pertenecen al estado del destierro, y otros a él de la patria, así cuando a la vida activa como cuanto a la contemplativa, la cual se comienza aquí y se perfecciona en la patria. Y así la sexta bienaventuranza de los limpios (f° 184) de corazón que verán a Dios y pertenece al don del entendimiento, llega en la patria a ver la divina esencia al descubierto ; pero en el estado de destierro, más vemos a Dios conociendo lo que él no es que aprendiendo lo que es ; y por eso, cuanto al estado de esta vida, se pone la pureza del corazón no sólo cuanto a los halagos de las pasiones, sino también de las semejanzas de la fantasía y formas espírituales de todas las cuales se han de apartar los que caminan a la divina contemplación . Todo esto es de Santo Tomás, donde nos declara que para gozar de Dios en esta vida con bienaventuranza comenzada, que es oficio de la contemplación, ha de estar el espíritu puro, no sólo de afectos, mas también de todas la semejanzas distintas que la anublan y oscurecen, la cual pureza pidió el Señor en estas palabras para contemplarle en esta vida.

En otro lugar referido por el evangelista San Juan, nos enseñó el Salvador esta contemplación con palabras tan claras que no han menester expositor que las declaré, que son éstas : "Ya ha venido el tiempo cuando los verdaderos adoradores de Dios adoraran al Padre no en este monte ni en el Templo de Jerusalén, sino en espíritu y verdad, que a estos tales busca el Padre que le adoren ; porque como Dios es espíritu, conviene que los que le adoran (f° 185) le adoren de esta manera, en espíritu y verdad. " Todas estas son palabras de la divina Sabiduría, y pronunciadas por su misma boca, y tan a nuestro propósito que, cuando no hubiera otro fundamento que persuadiera esta contemplación, ellas solas bastarian para dejarla muy persuadida. Y aunque todas son sustancialísimas en esta materia, sólo tocaré la propiedad de ellas, y que no se pueden entender en todo rigor y propiedad, sino de la contemplación que queda declarada de los santos.

Porque lo primero, en decir que los verdaderos adoradores de Dios le habían de adorar en espíritu, significó que la verdadera contemplación había de ejercitarse en la parte espiritual del hombre, suelta de los órganos corporales y de los actos de ellos que ligan al espíritu, quia substantia animae in quantum alligatur corpori, anima dicitur ; sed in quantum separabilis est, et separata manet, spiritus vocatur . Porque según la división que los grandes maestros de esta sabiduría hacen en la contemplación divina, el alma con lo que es animal se queda en la parte inferior ; y el espíritu con lo que es espiritual vuela a lo alto para unirse con Dios : In hac itaque divisione, anima et quod animale est in imo remanet, spiritus autem et quod spirituale est ad summa evolat. Ab infimis dividitur ut ad summa (f° 186)sublevetur ; ab anima scinditur ut Domino uniatur, quoniam qui adhaeret Deo, unus spiritus est cum illo .

Asimismo, en decir que le habían de adorar en verdad, significó que la verdadera contemplación se había de ejercitar en la luz de la fe, pues es cierto que hablaba de la verdad en que podemos contemplar a Dios según el estado de esta vida, la cual no puede ser otra que la de la fe, que es la luz verdadera que ahora nos alumbra ; y esta verdad es sencilla y de ninguna manera discursiva ni raciocinativa . Y hasta las verdades que procedieron de la razón, si se han de mezclar en la inteligencia con la verdad divina, se han de presentar allí a lo sencillo, como queda declarado, desnudas ya de las figuras que en el discurso las dieron a conocer.

Finalmente nos intimó el Salvador en estas palabras lo que tantas veces queda referido de la doctrina de San Dionisio y Santo Tomás : que para que en la oración sea el alma movida de Dios y perfeccionada con sus dones, se ha de proporcionar con él ; y por esto dice que como Dios es espíritu, en espíritu quiere ser adorado. La cual proporción hace la luz sencilla de la fe, que sólo ella es la que levanta al entendimiento sobre sí mismo (f° 187) y le proporciona con Dios para ser suyo por aquel tiempo, y no de sí mismo, cual conviene para ser movido de él como a nuestro propósito lo dijo San Dionisio .

Y no sólo de palabra enseñó Cristo Nuestro Señor a sus apóstoles esta divina contemplación, mas también de experiencia, particularmente cuando se transfiguró en el monte Tabor delante de los tres más amados , adonde, estándole mirando con los ojos corporales en medio de Elías y Moisés, bajó una nube resplandeciente que haciendo el oficio de la fe ilustrada del don de la sabiduría, les cubrió la vista corporal de Cristo y los levantó a un conocimiento altísimo de su divinidad, y que aquel Señor que hablaban y comunicaban tan familiarmente vestido de nuestra carne, era el Hijo de Dios prometido tantas veces de los profetas ; y con este conocimiento los arrebató a visión intelectual de su grandeza, en el cual estuvieron hasta que bajando el Señor, los llamó y restituyó al uso de los sentidos. De la cual iluminación hace memoria el apóstol San Pedro en su segunda carta , y declarándola a nuestro propósito, el venerable Ricardo de SantoVíctor dice : este mismo oficio de iluminar a lo divino hizo aquella nube resplandeciente que cubrió a los tres discipulos de Cristo, porque juntamente los oscureció e iluminó, haciendo una misma nube tan diferentes efectos, iluminándolos (f° 188) para las cosas divinas y oscureciéndolos para las humanas (Una itaque et eadem nubes et lucendo obumbravit, et obumbrando illuminavit, quia et illuminavit ad divina, et obnubilavit ad humana .).

Capítulo 22 Cómo enseñaban los Apóstoles a sus discípulos la contemplación que habían recibido de Cristo Nuestro Señor para que la comunicasen a toda la Iglesia

Esta noticia divina que el Salvador dio a los apóstoles de la verdadera contemplación, con que el hombre a modo de ángel llega a comunicar a Dios en sí mismo aun entre las miserias del destierro, enseñaron los apóstoles a sus discípulos, particularmente a San Dionisio para que él la comunicase a toda la Iglesia ; y así en uno de sus libros, dice que él ninguna cosa dice de su propio motivo, sino lo que le enseñaron los apóstoles y en particular el apóstol San Pablo, su maestro . Y en otros lugares da también por autores a los mismos apóstoles de la doctrina que él enseña de contemplación, (f° 189) como cuando al final del libro de los Nombres Divinos dice que el camino de subir a Dios por negación, que en muchas partes de este libro había practicado, lo enseñaron los apóstoles . Y cuando en el capítulo primero de la Mística Teología dice que, aunque Dios a todos está rodeando por su inmensidad, a solos aquellos se comunica de veras y sin velos que en la contemplación trascienden todas las cosas criadas y sus propios actos de la virtud activa, y entran en la oscuridad de la fe donde Dios se halla, también da por autor de esta doctrina al apóstol San Bartolomé.

Pero, dejando todos los lugares que se pudieran declarar de los apóstoles a este propósito, me contentaré con declarar uno de la segunda carta que el apóstol San Pablo escribió a los de Corinto, donde refiriendo la contemplación que él y los demás discípulos de Cristo ejercitaban por enseñanza de su maestro, dice estas palabras : Nos autem revelata facie gloriam Domini speculantes, in eamdem imaginem transformamur a claritate in claritatem, tamquam a Domini Spiritu . Estas palabras declaran de nuestra contemplación San Agustín, Santo Tomás, San Bernardo, San Buenaventura y otros santos y autores graves .

Y aunque algunos, particularmente San Buenaventura, hace una larga explicación de este lugar verificando como en estas breves palabras incluyó el (f° 190) Apóstol excelentemente las principales propiedades de la verdadera contemplación, pero, dejando las demás explicaciones, las iré declarando con palabras de San Dionisio, su discípulo, que oyó esta sabiduría escondida de su boca y nos la comunicó en su pureza ; y con entender bien este lugar, se da satisfacción a todas las dudas que en esta materia podían ofrecerse.

Dice, pues, lo primero, que revelata facie, esto es con faz descubierta de velos, contemplaba como en espejo la gloria del Señor. A lo que él llamó revelata facie, llamó San Dionisio en el mismo sentido revelata mente ; y declarándolo, Santo Tomás dice : revelata mente est ut intellectus noster non obumbretur caligine phantasmatum, quod accidit illis qui spiritualia non supra corporalia capere volunt, propter quod impedimur ab ascensu in Deum ; que fue decir : el asistir a Dios en la oración revelata mente, es que nuestro entendimiento no sea asombrado con la oscuridad de las semejanzas procedidas de la imaginación. Lo cual sucede a aquellos que no quieren contemplar las cosas espirituales sobre las corporales, y por eso son impedidos en la subida a Dios. Y añade San Dionisio que, aunque Dios a todos está presente, no están presentes a él en la oración, sino los que de esta manera tienen el entendimiento desnudo de todos (f° 191) velos de las semejanzas sensibles y distintas ; y así, asistir en la oración revelata facie es ponerse presente a Dios.

Dice más el Apóstol, que con esta faz descubierta "contemplaban a Dios como en espejo", lo cual no podía ser en el espejo de las criaturas que no se compadece con la faz descubierta de velos ; porque toda la especulación por las criaturas y discurso de la razón es una continuación perpetua de velos y figuras : Propter obumbrationem intellectualis luminis, homo rationalis dicitur, cum ratio sit quidam intellectus obumbratus . Y así es forzoso que este espejo sea él de la fe, que es el espejo divino donde en esta vida vemos a Dios con tanta propiedad, que lo que los bienaventurados ven de Dios en la luz de gloria, vemos acá en la de la fe, ellos gozándole cara a cara, y nosotros creyéndole .

Dice más el Apóstol, que contemplando a Dios de esta manera, "nos transformamos en la misma imagen." En las cuales palabras tocó la diferencia que pone Santo Tomás declarando a San Dionisio, en la contemplación de las cosas que son inferiores al entendimiento, cuales son todas las visibles, y en la de las que le son superiores, cuales son las divinas ; que aquellas las conoce por abstracción, trayéndolas a sí, y de esta manera las ennoblece porque más espirituales y sencillas están en el entendimiento que en ellas mismas ; pero (f° 192) las divinas que representa la fe, como están en sí mismas más espírituales y perfectas que en nuestro entendimiento y en cualquiera otra semejanza de cosa conocida, de aquí viene que divinorum cognitio fieri non potest per abstractionem sed per participationem . Esto es que las cosas divinas no se pueden contemplar por abstracción, que fuera apocarlas trayéndolas al entendimiento para transformarlas en sí, sino por participación, trasladándose a ellas para transformarse él en ellas, y hacerse con esto en cierta manera divino ; y esto es transformarse en la misma imagen. Y de aquí se entenderá la propiedad de aquellas palabras de San Dionisio, cuando, excluyendo de la contemplación divina la luz natural y abrazando la de la fe, dijo : secundum hanc igitur oportet divina intelligere non secundum nos, sed nos ipsos extra nos ipsos statutos et totos deificatos . Conviene a saber que las cosas divinas se han de contemplar con la luz de la fe, y no con la nuestra natural ni al modo de ella, sino saliendo de nosotros mismos y trasladándonos a ellas para quedar todos endiosados por participación de ellas.

Dijo finalmente el Apóstol, que con esta disposición va subiendo el contemplativo "de claridad en claridad, como movido del Espíritu del Señor" ; a la cual moción divina se ordena la contemplación, como medio (f° 19s) proporcionado para los recibos de Dios que visten a la alma de la semejanza divina. Esta subida del contemplativo de claridad en claridad, declaró muy de propósito San Dionisio, como repartiéndonos la luz mística que había recibido del Apóstol su maestro ; y así, después de haber declarado como la iluminación divina recibida en el alma sin estorbos, ilustra primero el entendimiento y le purifica de la oscuridad de errores e ignorancias, describe como se va aumentando con el ejercicio conveniente del contemplativo por estas palabras : et tradit prius quidem mensuratam claritatem, postea illis sicut gustantibus lumen et magis desiderantibus magis seipsum immittit et abundanter superfulget, quoniam dilexerunt multum . Que fue decir, como declara Santo Tomás, que al principio se da a cada contemplativo dispuesto la iluminación divina según la medida determinada por Dios, cumpliéndose en él aquello del Apóstol : "A cada uno se repartió la gracia según la medida de la donación de Cristo. " Y porque gustadas las cosas espirituales despiertan el deseo, que por no gustarlas estaba antes tibio, después del primer recibo de la luz gustado ya el conocimiento de la verdad más se desea, con este deseo crece más la luz ; porque los efectos de la divina gracia se multiplican según la multiplicación del deseo y del amor, y de esta manera andan los (f° 194) verdaderos contemplativos en una como rueda de aumentos de luz y perfección, creciendo con la luz el deseo, y con el deseo aumentado crece la luz. De esta manera declara Santo Tomás estas palabras de San Dionisio, con las cuales quedan también declaradas las del Apóstol, su maestro.

El cual remata la noticia divina que en ellas nos dio de la verdadera contemplación, con decir que esta subida a las iluminaciones divinas y a los aumentos de nuestra perfeción había de ser, no moviéndose en la contemplación con su operación procedida de la luz natural, sino disponiéndose para ser movida del Espíritu del Señor. Porque, como el mismo Apóstol dijo en otra parte, la operación de Dios es la que ha de reformar nuestra bajeza a semejanza de su claridad ; y por eso dicen los teólogos que las virtudes y dones infusos que hace en nosotros esta reformación a lo divino, no se pueden causar en nosotros por los actos humanos movidos de la razón, sino sólo por la operación divina . Y para recibir esta operación, dice San Dionisio que se dispone el contemplativo cuando, dejando de moverse con los medios de la luz natural, se traslada a Dios con sola la luz de la fe ; porque como con el ejercicio de la otra luz era suyo, así con esta se hace de Dios para ser movido de él . Y añade a nuestro propósito que entonces se conceden los dones divinos.

(f° 195) Éstas son las fuentes divinas de donde ha emanado la contemplación que nuestro venerable Padre enseñaba de palabra y dejó estampada en sus escritos, con la cual está tan concorde, como ya habemos visto, la noticia revelada que Dios nos dio de ella en las Letras Sagradas y la doctrina de los Santos que fueron arcaduces verdaderos y fieles de la sabiduría divina. Y porque de esta doctrina y divinos arcaduces habemos hecho larga demostración en todo este discurso, lo remataremos con el dicho acreditado de otros dos santos doctores de la Iglesia tenidos en ella por maestros y como príncipes de la verdadera teología, que son San Gregorio Nazianceno y San Agustín, de los cuales no habemos hecho aún memoria.

Dice pues San Gregorio de esta contemplación estas palabras : Nihil enim mihi tam optandum cuiquam esse videbatur, quam ut occlusis sensibus atque extra carnem mundumque positus et in seipso collectus, nec nisi quantum necessitas exigit, quidquam humanarum rerum attingens, atque secum ipse et cum Deo colloquens, superiorem iis rebus quae in aspectum cadunt, vitam agat, divinasque species puras semper, nec terrenis ullis et errantibus formis admixtas, in seipso circumferat, Deique ac rerum divinarum, purum omnino speculum sit, in diesque efficiatur, ac lucem per lucem assumat, clariorem videlicet per (f° 196) obscuriorem, jamque futuri aevi bonum spe percipiat, et cum angelis versetur, ac licet adhuc in terris sit, terram deserat, atque a spiritu sursum collocetur . Todas estas palabras son sustancialísimas en materia de contemplación, y para nosotros, doctrina muy acreditada como de uno de los grandes maestros de nuestros monjes antiguos, y que refiere lo que entonces se ejercitaba entre ellos según la forma primera dada por Dios a nuestro Padre original, y renovada por los apóstoles de Cristo, como queda tocado. Dice pues este santo : "Ninguna cosa me parecía más para desear que, cerrando la puerta a los sentidos, y puesto fuera de la carne y del mundo, y recogido el espíritu dentro de sí mismo, tener con Dios sus coloquios y hacer otra vida superior a estas cosas que miramos, traer dentro de sí mismo las memorias divinas que nos enseña la fe siempre puras sin mezcla de cosas criadas, y hacerse cada día espejo más puro de Dios y de las cosas divinas, para recibir la luz por medio de la luz, la más ilustrada en la iluminación divina por la más oscura de la fe en su sencillez recibida, y percibir ya con la esperanza el bien del siglo venidero en compañía de los ángeles, conversando ya con ellos ; y aunque esté aún en la tierra, desampare lo terreno y se coloque con el espíritu en el cielo." De esta manera nos describe este santo (f° 197) la contemplación divina que ejercitaban nuestros mayores, y como se trasladaban de lo temporal a lo eterno y de lo terreno a lo celestial por conformidad del alma con su objeto que es Dios, centro eterno de toda bienaventuranza .

El otro testimonio es de San Agustín, y dice de esta manera : Sileant poli, et ipsa sibi anima sileat, et transeat se, non se cogitando, sileant somnia et imaginariae revelationes, omnis lingua et omne signum, et loquatur ipse solus per se ipsum, ut audiamus verbum ejus, et rapida cogitatione attingamus aeternam sapientiam super omnia manentem, et subtrahantur aliae visiones longe imparis generis, et haec una rapiat et absorbeat et recondat in interiora gaudia expectatorem suum . De estas palabras con todo lo que en este discurso queda dicho, se puede conocer cuan concordes están todos los santos en lo que nos enseñaron de la verdadera contemplación, como arroyos que habían salido de una misma fuente de la divina sabiduría ; "callen los cielos, dice este santo, y la misma alma calle a sí misma, y pase de sí sobre todos sus actos sin querer ni aun reconocerlos, callen también todas las cosas imaginarias, aunque sean revelaciones, y calle toda lengua y toda semejanza, y hable Dios sólo por sí mismo, para que se oiga su palabra ; y con veloz consideración lleguemos a tocar (f° 198) la Sabiduría eterna que se halla sobre todas las cosas, y quítense todos los demás conocimientos y visiones de género tan desigual ; y ésta sola arrebate, anegue y esconda en los gozos interiores al contemplativo." Con este valiente testimonio de tan gran doctor, damos remate a nuestro largo discurso en verificación de la doctrina apostólica de nuestro venerable Padre.

Capítulo 23 De los efectos de la contemplación divina y cómo en ella se recibe la operación de Dios para los bienes sobrenaturales que hacen semejante a él al hombre

Habiendo ya visto con tanta claridad la verdadera contemplación divina que Dios reveló a los santos para la perfección del hombre, y para que desde las miserias del destierro comenzase a participar de la vida de la Patria, y que no hay menor diferencia de ella a la contemplación falsa de los alumbrados que la que hay de la luz a las tinieblas, será conveniente para mayor verificación de la verdad que digamos algo de los admirables efectos que la verdadera contemplación hace (f° 199) en las almas que según la enseñanza de los santos la ejercitan, pues habemos visto ya los miserables efectos que la otra falsa hizo en sus seguidores y los grandes desatinos y errores a que caminaron por ella. Porque así como esta falsa tiene al demonio por autor y su operación por motor de los que la abrazan, así la verdadera contemplación tiene por autor a Dios, y su operación divina por guía y motor de los que la ejercitan, y así de tan diferentes causas salen también con esta diferencia los efectos. Esta operación divina es la que en la contemplación va reformando al hombre a semejanza de la claridad de Dios, y la que obra en él las virtudes y dones infusos y sus aumentos con que se hace esta reformación, como lo vimos en el capítulo pasado. Por esta operación divina han sido santos todos los que lo fueron, y ella cura todas las enfermedades que en la naturaleza dejó el pecado, como se dice en el libro de la Sabiduría . Por ésta llegaron a tan alto grado de perfección y colmo de virtudes todos los grandes contemplativos que en la Iglesia se nos proponen por ejemplares de ellas. Ésta nos da verdadera luz en las tinieblas de que andamos rodeados, ésta deshace los lazos que el enemigo nos tiene armados en todas partes, y ésta nos da la fortaleza contra nuestros apetitos para que no seamos despeñados de ellos, y nos lleva seguro a nuestro último fin entre lo próspero y adverso.

(f° 200) De esta divina operación donde como de causa universal proceden todas las cosas, dice San Dionisio a nuestro propósito que tiene el alma no sólo el ser, mas también el buen ser. Y para persuadirnos los efectos que hace en ella para este buen ser, nos pone delante un ejemplo muy conveniente para enseñar nuestra rudeza diciendo : "Si este nuestro sol visible siendo uno solo y esparciendo igualmente su luz por tan diversas cosas materiales, hace en ellas tan diferentes efectos, renovándolas, criándolas, sustentándolas y perfeccionándolas, y aquí hace salir flores, allí producir los frutos, en una parte que arraiguen en otra que retoñezcan, allí que echen raíces hacia lo hondo de la tierra y aquí que levanten ramas hacia el cielo, y con una influencia sencilla y única de su luz hace todos estos y otros innumerables efectos en las cosas sensibles según la propiedad de cada una, ¿ cuánto mejor hará esto en las sustancias espirituales la causa universal de todas las cosas ? " Todo esto es de este santo, con el cual ejemplo nos procura persuadir que si esta nobilísima criatura, por ser semejanza de la divina bondad (Solaris radius est similitudo expressa divinae bonitatis ), tales efectos hacen en los cuerpos que reciben su influencia, ¿ qué hará la operación de la misma bondad divina, de que él es semejanza, (f° 201) en las almas que saben disponerse para recibir su divina operación, que, como se dice en el libro de la Sabiduría, es una influencia sutil de la virtud de Dios, y una iluminación sencilla procedida de su claridad (Vapor est enim virtutis Dei, et emanatio quaedam claritatis omnipotentis Dei sincera. ) ?

Estos efectos tan multiplicados de la operación divina en nuestras almas para perfecionarlas, reduce Santo Tomás a dos que hacen a nuestro propósito : el primero hace en la esencia del alma, informándola a lo divino con la gracia y reduciéndola a su semejanza y participación de su divinidad, y por este ser de gracia se llama Dios vida del alma ; el segundo efecto lo hace en las potencias, informándolas con los hábitos sobrenaturales de las virtudes y dones infusos para que obren a lo sobrenatural y divino ; y de esta manera quedó toda reformada así en el ser espiritual como en la operación conforme a este mismo ser. Pero, a esta reformación no llega el hombre en un instante, sino sucesivamente y poco a poco según el modo de su naturaleza , que tiene sus edades por donde va caminando de lo imperfecto a lo perfecto, y así también la perfección espiritual por el camino ordinario. Porque, aunque con la gracia se reciben todas las virtudes y dones infusos que perfeccionan al alma, no en toda su intensión, por los contrarios que halla en la (f° 202) naturaleza que los recibe ; y como se van removiendo estos contrarios, se van arraigando más en ella los hábitos infusos y participando más de ellos, al modo del cristal no puro, que no se puede extender por todo él la luz hasta que esté purificado ; y como se va purificando, le va penetrando más la luz y como vistiéndole de su forma luminosa ; y así también en la perfección del alma, la cual va caminando en los aumentos sobrenaturales de ella según la más intensa penetración de los hábitos infusos, por la menor resistencia que hallan sus actos para obrar en ella sus efectos : Origo gratiae est per novam infusionem, sed augmentum ejus est per hoc quod de imperfecto ad perfectum actus infusus educitur .

A estos aumentos de perfección sobrenatural, no puede llegar el alma por su virtud natural como tampoco a la infusión de los mismos dones, porque en lo uno y en lo otro se ha el alma por sola disposición, y la operación divina los obra en ella : eodem modo sumus causa augmenti gratiae, sicut et causa ipsius gratiae, scilicet per modum dispositionis tantum ; sed efficentia utrobique est ex parte ipsius Dei . Y así lo que a nosotros toca es saber como nos habemos de disponer en la oración para recibir estos aumentos y ponerlo por obra, porque la operación de Dios no faltará de su parte si la disposición no falta de la nuestra ; (f° 20s) y pues él nos manda que seamos perfectos como lo es nuestro Padre que está en los cielos , no nos negará el caudal necesario para esto, pues ya sabe que nos ha de venir de su mano. De lo cual nos asegura Santo Tomás diciendo que si él, como autor de la naturaleza, no falta en las cosas necesarias a la vida natural, menos faltará como autor de la gracia en los auxilios necesarios para la vida sobrenatural que es más perfecta. Pues si consultamos a San Dionisio en qué consiste esta disposición para recibir los contemplativos estos aumentos de los dones divinos, dice lo que en otras partes queda referido : que cuando el entendimiento se desnuda en la contemplación de los medios del conocimiento natural, y se viste de sola la luz sencilla de la fe para contemplar con ella las cosas divinas, entonces deja el alma de ser suya y se hace de Dios para ser movida de su operación, y que entonces se reciben los dones divinos . Con esta doctrina concuerda la de Santo Tomás, diciendo que cuanto es de nuestra parte, la disposición para recibir los aumentos de la caridad y de los demás dones que andan con ella, es que el alma se reduzca de la multiplicidad a la unidad y de la vida esparcida a la única, lo cual se hace en la contemplación de luz sencilla de fe .

Por esta disposición que el alma tiene en la oración quieta y sencilla para recibir en ella los aumentos (f° 204) de la virtudes del ánimo, dice San Gregorio que llamó el Espíritu Santo a la contemplación "lecho florido de la esposa ", porque en el reposo del alma contemplativa con su Amado recibe de él el aumento de la virtudes infusas. Y a este propósito dice estas palabras : que no es otra cosa el lecho pequeño de la esposa, sino la quietud del ocio de la contemplación , porque el espíritu que a su Esposo Cristo singularmente ama, se quieta cuanto puede de todos los cuidados del mundo, y dentro de sí va acumulando las virtudes con que agrade al Esposo ; y cuando menospreciando todas las cosas se entró sola dentro de sí misma, entonces hizo este lecho para gozarse en paz con el Esposo ; en el cual cuanto más quietamente reposa, tanto más aventajadamente halla las flores con que hermoseada agrade al Esposo (ubi quo quietius pausat, eo amplius flores invenit, quibus se decoram sponso ostendat.). Todo esto es de este santo, y llama "lecho pequeño" a la contemplación de esta vida la esposa, a diferencia de la contemplación de vista clara que se goza en la patria y es "lecho grande" donde el alma goza de su Esposo. Y de este lecho de la contemplación declara el venerable Ricardo de San Víctor aquella bendición que Jacob a la hora de la muerte echó a su hijo Benjamín diciéndole : "Benjamín amantísimo del (f° 205) Señor habitará confiadamente en él, morará todo el día como en tálamo, y descansará entre sus brazos ". Lo cual, dice este autor, se cumple cuando el alma contemplativa recogida dentro de sí misma en la luz de fe sobre los demás conocimientos, descansa en los brazos de su amado en el tálamo de su interior .

De estos efectos que hace en el alma contemplativa de esta manera dispuesta la iluminación e influencia divina, hace una larga descripción el santo Job llamando (según la declaración de la Glosa y de Hugo Cardenal ) a la contemplación quieta de luz de fe "nido pequeño", a diferencia de la luz de gloria que es "nido grande", a cuyo propósito dice el texto sagrado así : "en mi nidico moriré y como la palma multiplicaré los días, mi raíz está abierta junto a las aguas, en mi mies morará el rocío y mi gloria será siempre renovada, y mi arco se restaurará en mi mano. " Todos los cuales son efectos muy propios de esta contemplación, porque en ella muere el espíritu a todas las cosas criadas y a todas las memorias de ellas, multiplica las fuerzas de sus potencias para subir como la palma hacia el cielo ; y lo supremo de ella está descubierto junto a las aguas de las influencias divinas para recibir como en su fuente la iluminación e influencia divina, para fructificar con su perseverencia y a lo sobrenatural y perfecto. (f° 206) De aquí le viene que mora en su mies el rocío de la gracia para fertilizar con su suavidad el alma en el bien obrar contra la tibieza que esteriliza las buenas obras. Con éstos se va renovando siempre su gloria en el aumento de las virtudes y restaurándose su fortaleza contra los enemigos de la perfección.

Todas estas son palabras muy notables a nuestro propósito, y mucho más aquella que dice que está su raíz abierta junto a las aguas, porque de aquí le viene todo el bien ; en la cual disposición se pone cuando el entendimiento recogido en el nido de la fe muere a todos los demás conocimientos, que entonces queda en el acto superior de la inteligencia pura inmediata a Dios, y recibiendo su divina iluminación e influencia. La cual entrando sin estorbos en el alma, hace los efectos que San Dionisio va muy en particular describiendo , purgando primero al entendimiento de los contrarios de la luz, y pasando después al afecto para darle sabor de ella y encenderla en deseo y amor de Dios, y penetrando finalmente a todos los senos del alma para renovarlos a lo divino, hasta unir al alma con Dios en estado de perfección, que es el paradero de la vida contemplativa y a que se ordena como a su fin toda la vida espiritual.

(f° 207)

Capítulo 24 De dos maneras de mover Dios al alma en la oración, una común y otra extraordinaria, y cómo se han de haber en la común para no estorbarla

Para tratar más en particular de los efectos de la contemplación y descubrir con la doctrina de los santos cómo se estorban en ellos los contemplativos, se ha de advertir que de dos maneras obra Dios en las almas, una con auxilios comunes, que a ninguno de los que no le resisten se niegan, y otra con auxilios particulares, y más a lo milagroso y así más raros. De los primeros dice Santo Tomás estas palabras : "El curso común y acostumbrado con que camina a su perfección el alma, es que moviéndola Dios interiormente, se convierta y vuelva a él primero en conversión imperfecta, para que después venga a la perfecta, porque la caridad comenzada merece ser aumentada, como dice San Agustín ." En estas palabras nos declaró Santo Tomás el camino común por donde habemos de caminar a nuestra perfección, procurando lograr estos auxilios ordinarios y la moción que con ellos hace Dios en lo interior del alma, y caminando por ellos ordenadamente (f° 208) sin presumir pasar a los extraordinarios y milagrosos, sino cuando Dios de su libre voluntad los diere según lo que ve que nos conviene. Lo cual nos persuade San Bernardo por estas palabras : "Aunque Dios cuyo poder no tiene término, como pródigo de sus bienes, según suele decir el vulgo, se comunica extraordinariamente no llamado, como leemos que lo hizo con algunos, pero nosotros no habemos de querer subir de esta manera y como tentando a Dios a las cosas divinas, sino caminando por los grados convenientes a nuestra posibilidad, hacer lo que fuere en nosotros. "

En estas mociones de Dios de los auxilios comunes, se impiden en la oración los contemplativos por dos caminos, que entrambos los conoceremos en las palabras con que significó el profeta Isaías los recibos de Dios bien logrados, diciendo : "De tu faz Señor concebimos, y anduvimos como de parto y parimos espíritu. " Las concepciones divinas son las mociones de Dios para caminar a nuestra perfección, y cuando se reciben sin estorbos, pasan por el entendimiento al afecto, como al fin del capítulo pasado nos lo dijo San Dionisio : Non igitur secundum quamlibet perfectionem intellectus mittitur Filius, sed secundum talem institutionem vel instructionem intellectus, qua prorrumpat in affectum amoris . Y allí despiertan (f° 209) los deseos de servir y agradar a Dios, y anda el alma como de parto para ponerlos por obra ; y cuando estos deseos se aplican a las obras virtuosas, entonces pare el alma espíritu y salen a luz bien logradas las concepciones divinas que en la oración se hicieron de la faz de Dios, recibiendo sin impedimento su divina iluminación e influencia.

Pues, lo primero en que el alma se estorba en estas mociones divinas, es en no disponerse convenientemente en la oración para concebir de la faz de Dios y ser movida de él. Porque, como dijo a este propósito San Lorenzo Justiniano, de sólo Dios es dar a él que ora gusto y afecto de devoción, y del hombre es buscar modo conveniente para orar con provecho y recibir estos efectos : solius Dei est orationis praestare gustum et devotionis affectum, sed hominis est orandi adinvenire modum . Y al mismo propósito dijo Santo Tomás que de ley ordinaria y no milagrosa, las influencias divinas no se reciben al modo de Dios y según su virtud infinita, sino al modo del hombre y según se dispone para recibirlas : quia influentiam agentis recipit patiens per modum virtutis suae et non per modum virtutis ipsius agentis . Y como para introducir alguna perfección son menester no sólo la virtud proporcionada de él que la introduce, sino también que él que la recibe se proporcione con la operación que se (f° 210) introduce , clara cosa es que, siendo la influencia divina con que esta moción se ha de hacer una luz sencilla procedida de la luz increada , como vimos en el capítulo pasado, que para proporcionarse el alma con ella se ha de poner también sencilla ; y como su modo de obrar es quietísimo y en inmobilidad y silencio, como dice San Dionisio , que con estas mismas calidades se ha de disponer él que quisiere ser en la oración movido de ella ; y a esta disposición se ordena todo lo que se ha dicho en este largo discurso. Pues como son tan pocos los que de esta manera se disponen y que sepan "hacer sábado del sábado", como San Bernardo ponderó a este propósito (esto es disponerse con la quietud natural para la infusa), por eso son tan raros los que reciben sin estorbos estas mociones de Dios y concepciones divinas ; y éste es el primer estorbo y más general de lo que se persuaden algunos.

Y antes que pasemos al segundo, conviene satisfacer a una dificultad que sienten en estas mociones de auxilios comunes los contemplativos no muy experimentados. Porque como en el entendimiento no se percibe la iluminación divina no formada e indistinta por las razones que en otra parte se refirieron , y en estas mociones comunes no obra la virtud divina tan a lo eficaz como en los particulares, es su obra muy sutil y ha menester más tiempo. Y como los (f° 211) contemplativos acostumbrados a la operación grosera de las fuerzas sensibles (que por ser por transmutación corporal se percibe mucho ) no sienten la que se hace en las potencias espirituales que es sencillísima y sutilísima, piensan que pierden tiempo en el acto universal y quieto, y queriendo repararse con ejercicio de actos particulares, se inquietan y pierden la disposición para la moción divina. Para lo cual se acuerden de la doctrina de San Dionisio referida en otras partes, que la iluminación divina purga al entendimiento de sus defectos primero que pase a calentar el afecto, así de la oscuridad de los vapores de error e ignorancia que han subido a él del desorden de las pasiones, como de la desproporción que han causado los pecados veniales en el entendimiento para la luz divina . Porque, como dice Santo Tomás, cualquier pecado venial por pequeño que sea, desproporciona al entendimiento para aquella luz purísima . Y para todo esto, según estos auxilios comunes, ha menester tiempo.

Pues cuando la divina iluminación pasa al afecto y le halla frío en el amor de Dios (ya por las cosas criadas que ama, ya por los mismos pecados veniales que, como dice el mismo santo, dejan en el afecto una calidad como contraria al amor de Dios entibiándole el fervor de la caridad ), ha menester también tiempo para calentarle y reducirle a la familiaridad de Dios de la cual habían alejado al alma, dice este santo, (f° 212) los pecados veniales (Anima a familiaritate Dei etiam peccatis venialibus elongatur. ). Todo lo cual vemos figurado a lo material en un mañana fría de invierno, que primero que el sol deshaga los vapores que de la tierra han subido al aire y después caliente la misma tierra fría, ha menester que pase algún espacio ; y si el contemplativo en no percibiendo la divina iluminación y sus efectos pierde la quietud sencilla de la contemplación, nunca se dispondrá para recibir la moción divina ; y así debe gobernarse en esto no por sus sentimientos, sino por lo que los santos iluminados por Dios y experimentados en estos recibos nos persuaden, y contentándose con la regla general de San Dionisio en otra parte referida, que permaneciendo el entendimiento en la contemplación de la luz sencilla de fe, siempre está recibiendo de Dios contemplación, comunicación y semejanza suya, aunque no lo perciba . Y con esto se quiete y permanezca en su buena disposición si quiere lograr los efectos de ella.

El segundo estorbo que se opone al buen logro de las mociones de Dios, es de aquellos que, habiendo recibido la concepción divina en el entendimiento, no trabajan en procurar el buen parto de la voluntad. El cual defecto nos descubrió Cristo nuestro Señor en aquella misteriosa parábola del sembrador, donde puso diferentes caminos por donde se malograban los (f° 21s) recibos de Dios que es esta semilla ; y llegando al que nos toca, le comparó a la semilla que cayó sobre la piedra, que aunque nació se secó presto porque no tuvo humedad que la conservase ; y pidiéndole los discípulos que se la declarase, dijo que esta semilla que cayó sobre la piedra se entendía de aquellos que habían recibido con gozos la palabra de Dios, y no hecho raíces en ellos y así a la primera prueba desfallecieron. Pues esto es mal lograrse las concepciones divinas con malos partos, no poniendo por obra los buenos deseos que el alma saca en la oración de las mociones divinas que allí tuvo. Porque, como declara Santo Tomás, al principal artífice conviene mover al instrumento, y al instrumento ejecutar la moción de su motor ; y como a los que saben negociar con ellas les aumenta Dios el caudal (como lo mostró el Salvador en la parábola del repartimiento de los talentos), y con esto van caminando proporcionadamente del estado imperfecto al perfecto, así por el contrario, al que es negligente en esta negociación espiritual, le quita el caudal recibido y le deja en su miseria y oscuridad .

Esto quedará más entendido con una doctrina escolástica con que Santo Tomás nos declara los aumentos de caridad en los que ya la tienen, y consiguientemente de todas las demás virtudes y dones infusos que andan con ella, diciendo que cuando el acto de caridad y amor de Dios procede de toda la eficacia de el que le hace, así cuanto a la virtud de la naturaleza como cuanto a la virtud del hábito infuso, (f° 214) entonces un acto dispone y merece aumento de caridad para que luego se siga. Pero cuando el acto no procede de toda su virtud, entonces es disposición remota para este aumento, y con otros actos ayudados de éste podrá llegar a él . Casando pues esta doctrina con la autoridad de Isaías ya referida, como en las concepciones que se hacen de la faz de Dios con los auxilios comunes no obra todas veces el alma con toda la virtud de la naturaleza y hábito infuso, no se sigue luego el aumento de la caridad y dones infusos si no queda dispuesta el alma para que con otros actos se siga ; y si ella después es negligente en la negociación de este caudal divino así en los deseos como en las obras (que es andar de parto y parir espíritu), pierdese aquella disposición ; y como no había echado raíces la semilla que cayó sobre la piedra, al primer sol de dificultad se secó ; y así acá desfalleció a la primera prueba el caudal recibido y mal logróse. Y de aquí sacaremos no espantarnos del poco aprovechamiento espiritual de muchos contemplativos al cabo de tantos años de este ejercicio, contentándose con el sabor que en la oración reciben con estas concepciones divinas, sin trabajar de ponerlas por obra, donde se pare espíritu con el aumento de los dones infusos en esta negociación del cielo.

Por otro camino se estorban también en la oración no sólo los buenos empleos de los recibos divinos, sino también los mismos recibos, aunque el contemplativo (f° 215) descubra el entendimiento a la iluminación divina para percibirla, que es con falta de humildad y sobra de propia satisfacción. Porque así como la humildad, dice Santo Tomás, es una poderosa disposición para abrir al hombre la puerta de los bienes espirituales y divinos , así la falta de ella lo es para cerrarla. De lo cual nos certificó San Gregorio por estas palabras : Contemplari enim Dei sapientiam non possunt qui sibi sapientes videntur ; quia tanto ab ejus luce longe sunt, quanto apud semetipsos humiles non sunt, quia in eorum mentibus dum tumor elationis crescit, aciem contemplationis claudit, et unde se lucere prae caeteris aestimant, inde se luce veritatis privant. Si igitur veraciter sapientes esse atque ipsam sapientiam contemplari appetimus, stultos nos humiliter cognoscamus. Relinquamus noxam sapientiam, discamus laudabilem fatuitatem. Hinc quippe scriptum est : stulta mundi elegit Deus ut confundat sapientes .

Dice pues este santo : "No pueden contemplar la sabiduría de Dios los que en su estimación son sabios, porque tanto más lejos están de su divina luz cuanto menos humildes son acerca de sí mismos ; porque mientras crece en sus espíritus la hinchazón de la satisfacción propia, cierra la puerta a la contemplación, y por el mismo caso que se estiman por de mejor juicio que los demás, se privan de la luz de la verdad. Pues si apetecemos (f° 216) ser de verdad sabios y contemplar la misma sabiduría, conozcamos humildemente ser ignorantes, dejemos la dañosa sabiduría y aprendamos la loable ignorancia que llama el mundo necedad, que por eso está escrito que eligió Dios los ignorantes del mundo para confundir los sabios." Todo esto es de San Gregorio, y al mismo propósito y recomendando a los contemplativos esta virtud tan necesaria, dice San Lorenzo Justiniano : "El siervo de Cristo amador de las virtudes y seguidor de la oración, tenga rendimiento y muestre humildad, que cuando esta virtud humillare el ánimo, entonces comenzará el corazón a dilatarse en el amor, a resplandecer en la verdad, a llenarse de luz y abundar en alegría, devoción y gozo, y será levantado con inefables regalos a los abrazos del Esposo, y a los resplandores de su iluminación e influencia ".

Capítulo 25 De las mociones de auxilios particulares que hace Dios al alma contemplativa, unas veces a lo suave y otras a lo penoso para purificarla

Otro modo más favorecido y sobrenatural de mover Dios al alma por auxilios particulares y muy eficaces (f° 217) pone Santo Tomás en estas palabras : quandoque vero tam vehementer Deus animam movet, ut statim quandam perfectionem justitiae assequatur . Esto es que algunas veces mueve Dios al alma con tanta eficacia, que sin esperar sus tardas disposiciones como en los auxilios ordinarios, introduce luego en ella alguna perfección ; y antes de llegar a las mociones que él llama milagrosas, como la conversión de San Pablo y otras semejantes, hay de grados inferiores a estas otras innumerables en la vida contemplativa que toca a nuestro intento. De las cuales nos da noticias San Buenaventura , y comienza su declaración con aquella doctrina de San Dionisio en otra parte referida, que cualquier ánimo humano tiene dentro de sí tres grados de potencias, ínfimas, medias y supremas, al modo de las jerarquías celestiales, con que participa de los efectos de la iluminación e influencia divina, que son la parte sensible, y la racional, y la mente, que es lo supremo de las tres potencias, y como jerarquía superior donde hay Tronos, Querubines y Serafines .

Acomodando pues en estas tres órdenes supremas las dos maneras de auxilios comunes y particulares aplicados a nuestra contemplación, dice que a la orden de los Tronos (donde nuestro entendimiento, vestido de la luz de la fe, se conforma con Dios en la contemplación de su divinidad incomprensible, y descubierto de todas las cosas criadas, se hace receptivo de su iluminación y divina (f° 218) influencia y ensancha los extendidos senos del espíritu para recibir a Dios en él), bien podemos llegar con la luz sobrenatural de la fe ejercitada a nuestro modo humano y con el socorro de los auxilios comunes de la gracia, y también a participar algo de las dos ordenes supremas de Querubines y Serafines en cuanto lo supremo de los grados inferiores llega a tocar lo ínfimo de los grados superiores y a participar de ellos aunque imperfectamente ; pero que a asentarnos en estas dos órdenes superiores, no podemos llegar si Dios por auxilio particular no nos levanta a ellas, porque esto excede no sólo al caudal de la naturaleza, mas también a nuestro modo humano, y nos levanta a conocimiento y amor de Dios sobrenatural infuso, no sólo cuanto a la sustancia, mas también cuanto al modo. Todo esto es de San Buenaventura, y luego va particularizando la alteza de conocimiento de misterios divinos y movimientos de amor extático de que gozan las almas contemplativas y ya purificadas, cuando Dios las levanta a estas órdenes supremas, de cuya experiencia están llenos los libros de nuestra Madre Santa Teresa, y de nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz, así impresos como por imprimir, y los de otros santos y grandes contemplativos.

Por todo esto paso muy de corrida, por detenerme un poco más en la declaración de una operación muy eficaz que hace Dios en algunas almas (f° 219) contemplativas para reformarlas con mano poderosa, metiéndola para esto en apretados crisoles de su divina influencia ; y responderemos de camino a la acusación injusta que Vuestra Paternidad hace a nuestro venerable Padre, diciendo que en el libro místico que intituló de la Noche Oscura, donde trata utilísimamente de estos crisoles penosos y purgativos, tiene al alma ociosa y como atadas sus potencias, sin el ejercicio de sus actos. La cual objección es muy flaca para los experimentados en materias místicas practicadas acertadamente. Los trabajos y sequedades que los contemplativos sienten en la oración cuando Dios les esconde su consolación son de muchas maneras, y dan de ellas los santos diferentes razones : como para humillarlos viéndose pobres, para que conozcan cuya era la riqueza de devoción que en el consuelo tenían, para purgar en ellos la secreta estimación que con el favor espiritual se iba engendrando en ellos para juzgarse ya por muy aprovechados , y también para prueba de lo que Dios puede fiarles de dificultad en su servicio, y para destetar a los nuevos de la leche de las consolaciones sensibles , para que, como la paloma que no halló donde reposar en las aguas del diluvio, entren en el arca de la contemplación intelectual a buscar allí el manjar sólido del espíritu . Y finalmente, estas mudanzas de tiempos ya prósperos ya estériles en los contemplativos son muy necesarios, como ponderó un autor sabio muy experimentado, (f° 220) para medicina de muchos defectos y para purificarlos . Porque, así como la moción y alteración de los vientos purifican las aguas del mar material para que en él no se crien impurezas, así estas sequedades y alteraciones purgan y preservan el mar espiritual de los vicios e imperfecciones que suelen criarse en él con la larga quietud de la contemplación suave.

Pero dejando estas sequedades que no tocan tanto a nuestro intento, como modo de purgar común a todos los contemplativos, pasaremos a otras mayores con que Dios con mano poderosa purifica a los que ha de aventajar mucho en la perfección. Para lo cual nos acordemos de lo que dijo el Salvador, que su Padre era labrador y él vid verdadera, y que todo sarmiento que en él no hiciese fruto lo arrojaría, y que él que diese fruto lo purgaría para que fructifique más . Pues a las almas cuidadosas de su aprovechamiento por el camino de contemplación, y que como el siervo fiel han sabido granjear con los recibos menores y han comenzado ya a fructificar en las virtudes, las dispone este labrador divino para otros mayores frutos de aumentos de virtudes ; para lo cual las purifica metiéndolas en algunos de los crisoles penosos de su influencia, porque a medida de la perfección ha de ser la purgación e iluminación, y como dice San Dionisio declarado a nuestro propósito por el venerable Hugo de San Víctor : tanto magis enim unamquamque virtutem (f° 221) divina claritas illuminat, quanto magis eam ad deiformitatem coaptat . Conviene a saber que tanto más la claridad divina ilumina a cada espíritu, cuanto más lo purga de sus imperfecciones y desemejanzas, y más lo reduce a semejanza de Dios.

Y en otra parte, dice este mismo santo una cosa muy notable a nuestro propósito, que los que su divina influencia labra y purifica a su semejanza para vestirlos de su hermosura, haciéndolos imágenes y retratos divinos y espejos clarísimos receptivos de su luz (et ad suum divinissimum decorem eos quantum possibile est reformat, et agalmata divina perficit, specula clarissima et munda receptiva principalis luminis et divini radii .), son aquellos que se ejercitan en el fin que el mismo Señor dio a cada jerarquía y orden, para que en ella le imitase y sirviese. Y da luego la razón de esto diciendo : quia habet Deum omnis sanctae scientiae et actionis ducem, esto es, porque en estos ejercicios propios de nuestro instituto tenemos al mismo Dios por guía y caudillo, así para nuestro conocimiento como para nuestra operación. Según lo cual, casando esta doctrina con la autoridad poco ha referida del Salvador, parece que los que han ya comenzado a fructificar, y por eso los pone Dios en esta purificación, son aquellos que se han ejercitado fielmente en las ocupaciones propias de su instituto. Y de aquí podrá sacar cada uno la causa de no estar labrado de esta manera a semejanza de la hermosura divina, particularmente (f° 222) los que tenemos por blanco de nuestro instituto puesto tan singularmente por Dios como en otra parte vimos, la misma contemplación donde esta labor principalmente se hace.

Esta purificación se comienza por la parte sensible, y camina hacia la parte espiritual, porque, como declara Santo Tomás, la calidad que se va introduciendo en el alma para su perfección, va caminando de lo imperfecto a lo perfecto (Hoc est de necessitate intentionis et perfectionis quod qualitas educatur de imperfecto ad perfectum. ) ; y aunque ésta de la parte sensible suele ser común así a los que Dios purifica para la contemplación divina, que no puede ser perfecta mientras no está purgado el corazón del desorden de las pasiones (quia quamdiu homo non pervenit ad perfectionem in vita activa, non potest in eo esse contemplativa vita nisi secundum quamdam inchoationem imperfecte. ), como también a los que Dios dispone para grados mayores de perfección, todavía a éstos, como tienen más largo camino que andar, los embiste más eficazmente la influencia divina purgativa, y los pone en mayor aprieto. Y esta mayor eficacia es mayor recibo de la iluminación del don de sabiduría, porque por medio de ella va curando la Sabiduría increada todas las dolencias que por el pecado quedaron en la naturaleza humana, como se dice en las Divinas Letras ; y lo significó San Dionisio cuando dijo que la purgación, iluminación y perfección del alma, no era otra cosa que (f° 22s) recibos en ella de esta sabiduría : quia et purgatio est et illuminatio et perfectio divinae scientiae assumptio . Y así, una misma influencia es la que purga y la que ilumina y perfecciona, y caminando a lo uno camina a lo otro.

Esta purificación de la parte sensible, como se hace en la parte donde pueden alcanzar los hombres y los demonios, de todos se vale Nuestro Señor para hacer su obra, y así permite a los que de esta manera están puestos en cura, que sean ejercitados exteriormente con trabajos, persecuciones, murmuraciones y mala correspondencia de parte de los hombres, no sólo para ejercicio y humillación de los que padecen con estos actos de mortificación, mas también para aumentarles la devoción y llegarlos más así con el desengaño de las criaturas. Otras veces les permite muchas y porfiadas tentaciones de parte del demonio, como contra la fe, contra la castidad, contra la confianza, de donde vienen los escrúpulos, y contra otras virtudes, con lo cual hace al demonio a su pesar cooperador de las coronas de sus siervos como lo fue de las del santo Job, y les da virtud para resistirle ; y con eso se aumenten más esas mismas virtudes que él impugna. Porque, como declara Santo Tomás, cuando la pasión desordenada o el demonio que la despierta levantan tormentas contra alguna virtud, la voluntad deseosa de no ofender a Dios, viendo al ojo el peligro, esfuerza tanto más (f° 224) la resistencia cuanto la tentación es más apretada . Y como a la mayor tentación da Dios mayor socorro y éste nunca vuelve a Dios vacío, de aquí viene lo que dice el mismo santo, que la caridad que era pequeña al principio de la tentación, se hace grande en el fin por los auxilios que Dios da en ella : Charitas quae est parva in principio tentationis, in fine fit magna cum Deus pugnanti auxilium semper administret . Y por eso dijo el Señor al apóstol San Pablo cuando le pedía que le quitase la tentación, que le bastaría su gracia, y que en la flaqueza se perfeccionaba la virtud . Y por esto mismo llama un doctor sabio a estas sequedades y trabajos "antiparistasis espiritual", que fortifica la virtud contraria . Porque así como con el calor se reconcentra más el frío en las entrañas de la tierra, así con la tentación se fortifica más, mediante la gracia, en el alma la virtud impugnada.

Con estos medios va nuestro Señor purificando la parte sensible del alma, y juntamente mejorando la intelectiva cuanto a los hábitos adquiridos : ex hoc enim quod fit aliqua transmutatio circa partem sensitivam, subito resultat aliqua perfectio in parte intellectiva, et hoc intelligendum est quantum ad habitus adquisitos . Y de esta purgación trató admirablemente nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz, por todo el libro primero del tratado que escribió de la Noche Oscura, donde dio mucha (f° 225) luz así a las almas de esta manera afligidas como a los que las gobiernan, los cuales acertarán más en guiarlas, y atormentaránlas menos si le leyesen con cuidado ; porque es cosa lastimosa lo que en este estado padecen estas almas de parte de sus maestros y confesores, que habiendo de aliviar sus penas se las aumentan, y sólo esta puerta que Dios les deja abierta para su consuelo, que es la comunicación de quien las guía (porque de ninguna otra cosa gustan), se la cierran haciéndoles dolencia de la medicina.

Capítulo 26 Que en la fragua de la tribulación va Dios despojando al alma de sus imperfecciones, y primero de los hábitos viciosos adquiridos en la parte espiritual

Las apreturas y trabajos en que pone al alma la purgación de la parte espiritual son tan grandes, que dice un santo experimentado en ellas, que exceden el modo común de padecer y las fuerzas humanas ; porque como son para tan alto fin como unir al alma consigo, así es más apretada la purificación ; y aunque son de muchas maneras las aflicciones en que pone al alma, las toca (f° 226) brevemente en estas palabras : "Suele algunas veces la bondad divina esconderse del afecto del contemplativo y dejarle todo seco y todo indevoto. Entonces, todo lo que se medita es desabrido, todo lo que propone considerar queda indeterminado y sin hacer de ello verdadero juicio por la sequedad del espíritu, ninguna cosa da sabor, ninguna deleita y ninguna se halla que dé sustento al afecto ; antes, en todas partes se palpan espesísimas tinieblas, y en todas se siente una esterilidad tan grande como si jamás se hubiera gustado en la oración cosa suave. Padécense también en lo interior diversos trabajos y tentaciones del demonio por diferentes caminos, con que procura derribar al alma de su firmeza, o por lo menos apartarla de la oración. " De esta manera nos describió este sabio maestro los trabajos de esta purgación, y toca en particular cuatro géneros de ellos que suelen concurrir en ella, que son sequedad en entrambos apetitos sensitivo e intelectivo, tinieblas oscurísimas en entrambas vistas interiores imaginaria e intelectual, grandísimo sinsabor y desabrimiento en el gusto espiritual, y porfiada guerra de tentaciones del demonio, aunque esto último es menos en esta purgación que en la pasada, porque en la parte espiritual no se hace por transmutación de un contrario en otro como en la parte sensible, sino por influencia sencilla de Dios : anima cum sit incorporea, si aliquid recipiat non fit per transmutationem a contrario in contrarium, sed per (f° 227) simplicem agentis influxum, sicut aer illuminatur a sole .

De estos mismos trabajos hace también un largo y lastimoso catálogo el profeta Jeremías , que todos se experimentan en las almas de esta manera cauterizadas, cuyas experiencias refieren en sus libros nuestra Madre Santa Teresa y su ilustradísimo compañero Fray Juan de la Cruz ; y por eso no me detendré más en declararlos de cuanto sea necesario para satisfacer a la injusta acusación que Vuestra Paternidad le hace. Y así me contentaré con tocar la sustancia de las palabras con que el profeta Isaías significó esta purgación diciendo : Propter quod ait Dominus Deus exercituum fortis Israel : heu, consolabor super hostibus meis, et vindicabor de inimicis meis, et convertam manum meam ad te, et excoquem ad purum scoriam tuam, et auferam omne stamum tuum, et restituam judices tuos ut fuerunt prius, et consiliarios tuos sicut antiquitus, post haec vocaberis civitas justi, urbs fidelis . En estas palabras significó el Espíritu Santo por este profeta, así la eficacia de esta purgación como la perfección singularísima a que por estos crisoles divinos llega el alma contemplativa, con quien estas palabras hablan.

Y están en ellas incluidas aquellas tres divisiones o despojos que dice Santo Tomás que han de preceder a la unión divina, paradero de nuestra felicidad y perfección (f° 228) y adonde estas purificaciones se encaminan : in anima est unio amantis ad amatum sed est ibi triplex divisio . El primer despojo es de lo vicioso adquirido, donde entran los hábitos de nuestros defectos desordenados, que tuvieron su raíz en el apetito sensible del desorden de las pasiones no reprimidas ni mortificadas, y echaron sus ramos a la parte espíritual, inclinándola también con estos hábitos al mismo desorden de las pasiones.

El segundo despojo es de lo natural imperfecto, donde entran todos los defectos que dejó el pecado en la naturaleza viciada, y se llaman "ropas del hombre viejo", de las cuales ha de ser despojada el alma, para que se siga en ella aquella maravillosa renovación que significó el Apóstol cuando dijo : "renovaos en el espíritu de vuestra mente y vestíos al hombre nuevo que fue criado según Dios en justicia y santidad de verdad ". El tercer despojo es de nuestro amor propio desordenado para introducir el amor de Dios, por el cual se mide la perfección de la vida cristiana : secundum charitatem specialiter attenditur perfectio christianae vitae . Y por eso le llamó el Apóstol "vínculo de la perfección ", que eslabona y enlaza en el alma todas las demás virtudes, como perfección próxima de ellas : gratia autem est sicut perfectio prima virtutum, sed charitas sicut perfectio proxima .

Del primero de estos tres despojos hizo mención el Espíritu Santo en las palabras referidas de Isaías (f° 229) con ponderación notable diciendo : "Heu", que es dicción dolorosa y como dando en rostro con algún defecto ; y poniéndonos con esta voz atentos, añade : "Esto dice el Señor Dios de los Ejércitos y Fuerte de Israel : consolaréme sobre mis enemigos y vengaréme de ellos." Estos enemigos de Dios y los ídolos que adoramos son nuestras aficiones desordenadas de las criaturas donde empleamos el amor que a sólo Dios se debe, y así aquí promete que se ha de consolar con la venganza de ellos, arrancándolos y destruyéndolos del alma a quien dispone para que sea ciudad y morada suya fiel. Y a este propósito declara San Agustín aquellas palabras del salmo noventa y ocho, donde hablando David de algunos de los santos padres antiguos y de las mercedes que Dios les hizo, pone entre las más principales ésta, diciendo : "Guardaban tus mandamientos y preceptos, y por eso, Señor Dios, los oías y les fuiste propicio, vengándote de todas sus aficiones. " De todo lo cual se conoce cuan gran beneficio hace Dios al alma en meterla en este crisol divino, donde se da a Su Majestad venganza de sus enemigos y quita delante de los ojos las cosas que a él le desagradaban tanto en ella, para que ya la mire no como a ciudad infiel y receptáculo de los enemigos de Dios, sino como a ciudad fiel que los destierra de sus umbrales ; y asimismo, en cuanto deberíamos estimar los trabajos donde a Dios se da esta justísima venganza, aunque más duelan a la naturaleza flaca.

(f° 2s0) Cuan gran sacrificio sea para Dios éste, nos lo significó el libro de la Sabiduría, diciendo : "Probó el Señor a los justos como al oro en el crisol, y los recibió como en holocausto ", que era el sacrificio que más le agradaba entre los antiguos, donde toda la victima se consuma en el fuego. Y por eso San Dionisio, tratando de esta purificación donde la divina influencia purga y perfecciona al alma a semejanza de Dios, la llama "sacrificio divinísimo" : et perfectiva in sacrificio divinissimo secundum ad se ipsam perfectorum immutabilem perfectionem . En la declaración de las cuales palabras, dice Alberto Magno : "Con razón se llama a esta purgación para tan alta semejanza divina “sacrificio divinísimo” , porque en el sacrificio se ofrecen las cosas a Dios para que la criatura vuelva a su criador, y esta vuelta principal y cercanísima hay en este sacrificio, y por eso divinísimo." De toda esta doctrina podemos sacar cuan acepto es a Dios el ejercicio de la mortificación de nuestros afectos y la negación de las cosas a que nos inclinan desordenadamente nuestras pasiones, pues en esto damos venganza a Dios de sus enemigos y le hacemos tan grato sacrificio. Y aunque esta mortificación nuestra donde contradecimos a los actos viciosos no sea más que cortar los cabellos que vuelven luego a crecer como queda sana la raíz, con esto que hace el hombre de su parte (demás de las imperfecciones y pecado actuales que evita), se dispone para que, (f° 2s1) cumpliendo el Señor lo que dijo, que al sarmiento que comenzare a dar fruto, le purgará para que dé más , arranque de raíz estos cabellos y con mano poderosa quite del ánimo los hábitos viciosos adquiridos que le inclinan a las cosas viciosamente. Y notó el venerable Hugo de San Víctor en la declaración de aquellas palabras de San Dionisio, que por esta reformación de la influencia divina camina el alma a una perfección inmudable, que hasta que entra en esta fragua y divinísimo sacrificio donde es despojada de los hábitos imperfectos, no es la perfección durable .

El dolor que causa al alma el ser investida eficazmente de la influencia divina, no para regalarla sino para purgarla, nos le descubrió Santo Tomás, y como con ella se arrancaban de la parte espiritual estos hábitos viciosos adquiridos, en estas palabras : "De otra manera se llama con propiedad “pasión” cuando se quita algo de la sustancia, como con la operación del contrario transmutante, lo cual es propio de las alteraciones de la parte sensible, y accidentalmente sucede en la parte espiritual cuanto a aquellas cualidades que en la parte intelectiva nacieron de la comunicación de los sentidos, como son los hábitos adquiridos. " Todo esto es de Santo Tomás, de lo cual, aplicado a nuestro intento, podemos sacar el fundamento de esta pasión y dolor que en esta purgación espiritual siente el alma. Porque aunque lo que se quita de ella no es sustancial, sino accidental, con todo eso, como estos (f° 2s2) hábitos imperfectos estaban abrazados con la misma sustancia del alma, y vengándose Dios de ellos como de enemigos de su amor que usurpan en el alma el que a Dios le debe para dárselo a las criaturas, los arranca con poderosa mano, siente el alma este apartamiento de los accidentes entrañados en ella, como si le arrancaran algo de la misma sustancia ; y a este propósito dijo el venerable Hugo de San Víctor usando de la semejanza poco ha referida : "los cabellos sin dolor se cortan, pero con dolor se arrancan ." Y porque con el obrar a lo imperfecto no vuelva el alma a aumentar estos hábitos cuando Dios la tiene puesta en tan alta cura, le estiriliza por entonces sus operaciones no necesarias y la pone como en dieta y sinsabor de las cosas en que antes hallaba gusto, con lo cual aumenta su aflicción.

Esta esterilidad del alma puesta en este crisol purgativo describió el profeta Jeremías de esta manera : "Hablóme el Señor una palabra de materia de sequedad diciendo : “lloraba Judea y sus puertas se oscurecieron, levantóse el clamor de Jerusalén, los mayores enviaron a sus menores a buscar agua y fueron a sacarla de donde solían y no la hallaron, y se volvieron con las vasijas vacías y quedaron confusos y afligidos por el desamparo de la tierra, porque las lluvias no vinieron a ella.” " Estas palabras declara la Glosa de la sequedad de devoción, y en ellas está con gran propiedad (f° 2ss) significada esta sequedad y aflicción de los contemplativos. Porque las lluvias e influencias divinas que se comunicaban al alma a lo iluminativo y gustoso ya no se le comunican, y como las potencias espirituales (que son éstas superiores que dice aquí el profeta) no hallan agua del cielo en la parte intelectual donde solía llover, mueven a las fuerzas sensibles e inferiores a que por medio de sus actos busquen agua de la tierra, por donde en otro tiempo solían sacar en la meditación algún jugo, y tampoco la hallan, y así se vuelven con las vasijas vacías por la sequedad que hallan en sus actos. Con lo cual quedó Jerusalén (que es el alma) triste y puesta en luto y clamor, y las potencias confusas y afligidas teniéndose por desechadas y desamparadas de Dios.

Respondiendo pues ahora a la injusta acusación que Vuestra Paternidad hace a nuestro venerable Padre acerca de lo que aconseja al alma contemplativa puesta en esta noche seca y desabrida, que no se canse en andar buscando con actos particulares e inquietos jugos de devoción sensible, sino que asista en la presencia de Dios humilde y quieta, entregándose en sus manos para que a su gusto la labre y reforme : si el mismo Señor con mano poderosa la tiene de esta manera en sequedad estéril de los manantiales divinos, y aun de los naturales, por donde con sus actos solía sacar jugos de devoción, ¿ qué provecho sacará de estos actos aunque los haga con todas sus buenas circunstancias ? (f° 2s4) No otro sino el que hallamos muy de ordinario en estas almas cuando son gobernadas por personas sin experiencia en estas materias místicas, aunque en las escolásticas sean doctas ; que por decirles que están ociosas y perdiendo tiempo, y que es tentación el decir que no pueden hacer acto, y que es bien que se hagan fuerza a hacerlos, las inquietan y afligen más ; porque como no pueden ir contra la influencia divina eficacísima que las tiene en esta dieta, y no alcanzan con su diligencia lo que pretendían, sacan de su inquietud nueva aflicción como de trabajo mal logrado y confírmanse más en que es tentación, y por quererse hacer fuerza contra ella llegan algunas veces a perder la salud. Otras veces las llenan de escrúpulos diciéndoles que por pecados y confesiones mal hechas les sucede aquello, y que han menester hacer confesión general ; y como ellas están en disposición de creer mucho mal de sí, por la humildad y profundo conocimiento de su miseria en que la influencia divina las tiene puestas, dan crédito a esto, y no estando en disposición entonces para revolver la conciencia aún cuando fuera necesario, las envuelven en escrúpulos y amarguras añadiendo a las demás la de la conciencia espinada, que es grandísima aflicción en las almas temorosas de Dios y que desean mucho agradarle, cuales son éstas.

Pero demos caso que la influencia divina no las tenga de esta manera estériles, y que puedan (f° 2s5) ejercitar como otras veces con facilidad sus actos, ¿ qué provecho pueden sacar de inquietarse con ellos en tiempo que Dios tan a lo poderoso y favorable está obrando en ellas ? Esto podremos conocer acordándonos de la doctrina en otra parte referida de Santo Tomás, que para introducir alguna perfección son menester dos cosas, una de parte del que la introduce, conviene a saber que su operación según la igualdad de su virtud se commensure con la perfección que se ha de introducir, porque de pequeña calefacción no se introduce calor de fuego, sino de aquella que tenga igual virtud al calor que se ha de introducir. La segunda cosa es necesaria de parte de el que recibe la perfección, conviene a saber que su disposición se proporcione de la misma manera con la perfección que se ha de introducir . Pues la primera que se pide de parte del artífice de esta obra se halla aquí con eminencia, porque es agente de virtud infinita y obra en esta reformación a lo muy eficaz y poderoso, y procura reducir al reformado a su semejanza (agens enim intendit reducere patiens de potentia in actum suae similitudinis. ) ; y no habría la segunda de parte del alma que ha de recibir esta perfección, si en lugar de proporcionarse con la operación de su artífice que es sencillísima y quietísima, se pusiese en disposición contraria de actos particulares e inquietos ; y por eso dijo el mismo santo que la disposición del alma para recibir la operación de Dios y con ella el aumento de los dones infusos, es reducirse de la multiplicidad a la unidad, y de la vida esparcida e inquieta a la única y serena .

(f° 236)

Capítulo 27 Cómo en esta fragua purgativa despoja Dios al alma de las imperfecciones naturales del hombre viejo para vestirla de sus resplandores

Declarando el venerable Hugo de San Víctor del alma perfecta aquellas palabras : Tota speciosa est proxima mea, dice que la que está comenzada a perfeccionar se ha acercado a Dios, pero no tan junto que pueda ser con él un mismo espíritu por unión de amor y semejanza, porque aunque tiene ya algo de hermosura, no esta aún toda hermosa como conviene para estar de esta manera llegada a Dios : quae propinqua est speciosa est, sed adhuc non tota, quae proxima est tota speciosa est . Aún no está el espíritu renovado ni vestido del hombre nuevo, criado según Dios en justicia y santidad , todavía es menester que la operación divina que sujeta a sí todas las cosas venga a reformar esta alma a semejanza de la claridad de Cristo con quien ha de ser unida en participación de un mismo espíritu . Porque aunque está ya purgada de lo vicioso adquirido, no lo está de las desemejanzas de lo natural imperfecto, de que ha de ser también purgada como dice San Dionisio : opportet itaque, ut existimo, purgandos quidem puros perfici omnino, et omni liberari dissimilitudinis confusione . Pues esta reformación promete (f° 2s7) el Dios fuerte de Israel en las palabras ya referidas de Isaías en el alma en quien ha alcanzado ya venganza de sus enemigos por el despojo de los hábitos adquiridos de los afectos viciosos ; y hablando del segundo dice estas palabras : "Convertiré a ti mi mano y coceréte fuertemente para purificarte de tu escoria, y quitaré como del oro todo tu estaño. "

De las cuales palabras de la suma verdad podemos sacar dos cosas principales a nuestro propósito : la primera, a cuan gran perfección camina el alma contemplativa a quien Su Majestad pone en este crisol divino, pues ha de salir de él purificada, no sólo de la escoria de las imperfecciones adquiridas que aquí se acaban de purgar, mas también del estaño de todas las desemejanzas naturales, para que reducida a la pureza y resplandor del oro apurado del espíritu, pueda ser unida a la suma pureza y hermosura. La segunda cosa es cuan apretada ha de ser esta cura, pues el Fuerte de Israel pone en ella su mano poderosa, y ha de ser metida el alma en tan rigoroso crisol de la divina influencia, que en él se cueza como el oro para ser toda purificada. Por lo cual con razón dicen los experimentados que pasaron por el rigor de este crisol divino como nuestra Madre Santa Teresa y nuestro venerable Padre su compañero, que aunque por una parte se puede tener envidia al alma de esta manera acrisolada pues es para tan gran felicidad suya, por otra se le debe tener (f° 2s8) mucha lástima por lo mucho que padece, sobre lo que pueden llevar fuerzas humanas, si el mismo Señor que las pone en estas penas no les diera fortaleza y tolerancia para llevarlas.

En esta fragua divina desnudan en cierta manera al alma de su forma grosera para vestirla de otra divina, al modo de la piedra tosca, que para hacerla piedra preciosa receptiva de la luz, la desnuda primero la influencia celeste de su groseza material y terrestre. Lo cual nos declara magistralmente Santo Tomás tratando de este segundo despojo por estas palabras : Nihil potest in alterum transformari, nisi secundum quod a sua forma quodammodo recedit : quia unius una est forma, quia vero nihil a se recedit, nisi soluto eo quod intra se ipsum continebatur, sicut res naturalis non amittit formam nisi solutis dispositionibus quibus forma in materia retinebatur. Ideo quod ab amante terminatio illa, qua infra terminos suos tantum continebatur, amoveatur . De las cuales palabras queda sabido que como no se puede el alma transformar en Dios (que es el fin de la vida contemplativa) sino desnudándose en cierta manera de su forma, conviene que sea apartado de ella todo aquello que la conserva dentro de sus términos, para poder pasar a la forma divina con que se ha de transformar en Dios ; y esto es lo que se hace en ella con este crisol tan apretado, desnudándola (f°2s9) de todas las disposiciones naturales imperfectas con que se conserva en su imperfección, para que pueda transformarse en Dios, como a la piedra su groseza tosca, para que pueda ser receptiva de la luz y unirse con ella y quedar con esto hecha precioso rubí o diamante, mejorada su forma sin dejar de ser piedra.

Cuan penoso sea esto para el alma, aunque tanto se mejora, lo declaró el mismo santo en otra parte con los dos fundamentos que han de concurrir en una transmutación para que cause pena : el primero, la misma alteración del sujeto en que le desnudan de una calidad para vestirle de otra, que de suyo es penosísimo ; el segundo, que la calidad que se introduce sea extraña y la que se le quita connatural ; y como en esto alcanza el artífice cierta victoria del sujeto alterado, sacándolo de sus términos propios a los ajenos, causa esto muy gran pasión . Todo lo cual sucede en esta transmutación del alma puesta en esta fragua divina, donde Dios con poderosa mano la desnuda de las ropas viles del hombre viejo para vestirla de sus divinos resplandores. Y de aquí viene la extrañeza que estas almas sienten en las cosas, aun en aquellas que toda su vida trataron, pareciéndoles de otra figura que antes, por la mudanza que en lo interior se va introduciendo en el conocimiento y aprecio de las cosas así altas como bajas, y en el sabor y gusto de ellas, no le hallando ya en ninguna como antes ; y aunque (f° 240) le parece al alma que en esta fragua la estrechan, antes la ensanchan y la hacen más capaz para recibir los resplandores de la luz y hermosura divina, a la manera que el aire cuanto más se purifica y adelgaza, tanto más capaz se hace para recibir los resplandores e iluminación del sol : Secundum quod anima magis efficitur susceptibilior actus agentis, sicut aer quanto plus attenuatur, tanto fit susceptibilior luminis .

Y aunque son muchas las aflicciones que en este crisol padece el alma, como se ve en lo que refieren de ellas el santo Job y el profeta Jeremías, y nos lo declararon los que han pasado por esta fragua como nuestra Santa Madre y su ilustradísimo compañero, de dos haré en particular memoria. La una es como una ligación de las potencias en sus actos no necesarios : porque como con su modo de obrar connatural se fortifica más la forma grosera de que Dios entonces la va desnudando para vestirla de la divina, le esteriliza estos actos al modo que atan la mano izquierda al niño para que no se habitue a obrar con ella sino con la derecha, el cual impedimento es una aflicción tan grande para el alma, que se puede comparar al tormento que padecen las del purgatorio. Porque así como el fuego que allí las atormenta, dice Santo Tomás, que tiene virtud y eficacia sobrenatural para detener y ligar las almas e impedirlas de sus propias operaciones y de los bienes que por medio de ellas les eran connaturales (f° 241), lo cual es una pena gravísima para el alma con que es allí purgada, así también esta influencia divina purgativa tiene eficacia para en cierta manera ligar las operaciones naturales del alma, de suerte que le parece que tiene como atadas las potencias para no poder ejercitar sus actos con la facilidad que solía, así cuanto al conocimiento como cuanto al afecto . Lo cual significó el profeta Jeremías cuando, en un largo catálogo que hizo de las penas del alma puesta en este crisol, dijo que había cerrado Dios sus caminos con piedras cuadradas y trastornado sus sendas , porque los caminos y sendas del alma son las operaciones de sus potencias por donde camina a Dios con el conocimiento y amor.

La segunda aflicción en que esta purgación penosa pone al alma, procede del efecto que la influencia divina hace en ella para desnudarla del amor propio desordenado y de la vana estima de la propia excelencia, contrarios al amor de Dios, que en ella ha de ser arraigado en intención perfecta. Para cuya declaración se ha de advertir lo que dice Santo Tomás, que en el gobierno interior con que Dios mueve el alma, influye en ella mediante la racional aprehensiva sobre la irascible motiva, unas veces a modo confortativo y confiado como en las comunicaciones de suavidad y consuelo, y otras veces a lo desanimado y temeroso como en esta noche purgativa : Deus influens mediante (f° 242) rationali apprehensiva super irascibilem motivam, vel sub conditionibus confortativis vel disconfortativis ; y así como cuando la consuela percibe el alma a Dios como favorable, alegre, y amoroso, así cuando la pone en el crisol purgativo le aprehende como indignado, y que con majestad severa la amenaza con la gravedad de los pecados pasados y del castigo de ellos ; y le da entonces la iluminación divina tan práctico conocimiento así de sus culpas como de sus miserias, que derribándola de la vana estimación la pone en temores y recelos penosísimos, de que hizo mención el profeta Jeremías puesto en este estado diciendo : "Yo varón que veo mi pobreza en la vara de la indignación de Dios, amenazóme y trujóme a las tinieblas y no a la luz. "

Con esto hace el alma tan penosas aprehensiones de sus daños, que por más que el confesor la asegure que esta pobreza y amargura en que está puesta es por su provecho, y todos los trabajos de esta noche son antes muestras del amor de Dios que de su indignación, nada le basta (por grande que sea la opinión que tiene de quien la consuela) para dejarse de tener por desechada de Dios sin poder hacer otra cosa por entonces. Porque así la parte aprehensiva como la motiva tiene inclinadas a esto, y como echado un sello divino en ellas para que les estén siempre representando esta triste figura desanimada, hasta que Dios se digne (f° 24s) de imprimir en ellas otro sello a modo más alentado. Y a este propósito declara San Gregorio aquellas palabras del capítulo sexto de Job : "Porque las saetas del Señor están dentro de mí, la indignación de las cuales bebió a mi espíritu y los temores del Señor pelean contra mí. " Porque así parece que está entonces el espíritu bebido y sorbido de estas saetas y temores de la indignación de Dios para no poder admitir ningún consuelo, entonces, dice San Agustín , se acuerda el alma de lo que dejó de obedecer a Dios, y la memoria de esto le está como verdugo interior atormentando, y tanto más cuanto es mayor el amor que tiene a Dios y más vivamente se le representa su culpa. Pero, esta aprehensión desanimada cuando es de la influencia divina, obra en su principio temor y recelo con que el alma en su aflicción se humilla y encoge, y si crece llega cuando mucho a pusilanimidad y caimiento por dejarse llevar el alma demasiadamente de sus temores y recelos, no teniendo guía de confesor experimentado que trabaje por asirla firmemente a la confianza en Dios y a su bondad y misericordia, que son las áncoras que entonces la han de tener firme en esta tempestad amarga. Pero cuando esto procede de sugestión e impugnación del demonio, tira a pasar por la desconfianza a su último término que es la desesperación, y así de lo uno como de lo otro nos dió noticia práctica la fiel experiencia de nuestra Madre Santa Teresa .

(f° 244) A todo esto se añade aquella amargura y desabrimiento del alma puesta en este crisol que significó el profeta Jeremías, cuando dijo : "Llenóme el Señor de amargura y embriagóme con ajenjo ", que es bebida amarguísima. Lo cual le procede principalmente de estarla como cociendo en la fragua de la influencia divina purgativa, como dijo Isaías en las palabras ya referidas , y con esto como deshaciéndola de su forma imperfecta para perfeccionarla. Porque si cuando padecía sólo accidentalmente en la primera purgación de los hábitos imperfectos adquiridos, recibían las potencias tanto dolor, ¿ cuál será el que resultará en ellas de este despojo que se hace en la misma sustancia del alma ? Estas purificaciones son más templadas en las almas que Dios dispone para otros grados menores de perfección, y son no continuadas, sino interpoladas ; pero en las que han de llegar a unión divina, para que es menester altísima disposición, son los crisoles más apretados y continuados para disponerla más presto, y con todo esto suelen durar años, aunque no en una misma eficacia siempre para que el alma pueda tolerarlos ; y cuanto la influencia purgativa va caminando más a lo interior y supremo del espíritu, tanto es mayor el sentimiento del alma, y menos puede significarlo. De todos los cuales efectos nos dió admirable luz práctica la ilustrada experiencia de nuestro venerable Padre por todo el segundo libro de su Noche Oscura.

(f° 245)

Capítulo 28 Que después de purificada el alma de las imperfecciones adquiridas y naturales, la visten a lo divino para unirla con Dios

Continuando el profeta Isaías la noticia que nos da Dios de esta tan formidable renovación del alma, dice : "restituiré sus jueces como fueron primero, y sus consiliarios como fueron en lo antiguo." Y después de estas cosas será llamada "ciudad del justo" y "república fiel" . En estas palabras se incluye aquella felicidad singularísima que tanto engrandecen los maestros místicos del alma en estado de unión transformada en Dios, que es el paradero de la vida contemplativa y a que se camina por esta purgación tan apretada, que es llegar a tan alta perfección que sea semejante a la que tuvo en su creación la naturaleza humana cuando salió de las manos de Dios, hermoseada con los resplandores de la gracia original. Y así dice que después de este apretado crisol donde desnudan al alma, no sólo de lo adquirido vicioso, mas también de lo natural imperfecto, será restituida en la rectitud de las potencias en que fueron criadas (que éstas son los jueces naturales del alma con que juzga de las cosas a su modo humano), y en la perfección con que estuvieron arraigados en ella los dones del Espíritu Santo con todos los demás infusos (f° 246) en el primer estado del hombre (que éstos son los consejos divinos que Dios le dio para el gobierno de la vida sobrenatural, como la razón y el hábito intelectual de los primeros principios para la natural). Y entonces dice que estará la Jerusalén del alma (que a modo de ciudad se edifica) tan concertada y bien ordenada que con razón se llamará "ciudad del justo", porque sólo mandará en ella el Señor que la crió.

Y así parece que esta purgación tan apretada es muy semejante a la que se hace de las almas en el purgatorio, que las reduce a la pureza con que fueron criadas, porque en el reino de la felicidad eterna no entra cosa manchada (Per finalem purgationem reducentur res ad puritatem in qua conditae fuerant. ), y así se lo dijo Cristo nuestro Señor a nuestra Madre Santa Teresa estando en lo muy apretado de este crisol divino, como ella refiere por estas palabras : "Estando yo a los principios con temor, me dijo el Señor que no temiese y que tuviese en más esta merced que todas las que me había hecho ; que en esta pena se purificaba el alma como el oro en el crisol para poder ponerme mejor los esmaltes de sus dones, y que se purgaba allí lo que había de estar en el purgatorio. " Todas estas son palabras suyas. Y hablando nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz en uno de sus tratados místicos aún no impresos del estado de unión transformada, dice que (f° 247) en él llega el alma a una pureza semejante a la que tuvo la naturaleza en su creación, y compárala a la paloma que salió del arca de Noé y después de haber andado por las aguas del diluvio volvió al arca como había salido de ella y con el ramo de olivo en el pico ; y lo mismo dice que sucede al alma en este estado, que después de haber andado entre las aguas de pecados y peligros, vuelve a la unión de Dios con la pureza con que fue criada y con el ramo de la misericordia de Dios cargada de merecimientos.

Estas últimas palabras de Isaías tocan a la tercera división o despojo que dice Santo Tomás que ha de preceder a la unión divina, que es del amor propio desordenado con todas las imperfecciones sus aliadas, para introducir la forma del amor de Dios con todas las virtudes y dones infusos que andan con él, acerca de lo cual dice estas palabras : Ex hoc enim quod amor transformat amantem in amatum, facit amantem intrare ad interiora amati, et e contra, ut nihil amati amanti remaneat non unitum, sicut forma pervenit ad intima formati et e converso ; et ideo amans quodammodo penetrat in amatum, et secundum hoc amor dicitur acutus . La declaración de estas palabras vi como estampada en una piedra sacada de la cantera de esmeraldas, cumpliéndose lo que dice el Apóstol, que las cosas visibles son como espejos de las invisibles, y las materiales de las intelectuales . (f° 248) Porque lo primero que hizo en ella la influencia celeste fue quitarle la forma grosera que tenía de piedra tosca y purificarla de aquella groseza y materialidad que de su natural tenía, dejándola subtilizada y pura al modo de un cristal muy claro. Y hecho esto va introduciendo en ella la forma de la luz con el color verde y haciendo la piedra preciosa, y antes de penetrarla toda la sacaron de la cantera, para que en ella pudiésemos ver una maravilla del autor de la naturaleza, y venir en conocimiento de otra mayor de los efectos de la gracia.

Porque después que con los despojos pasados fue la influencia divina despojando al alma contemplativa de la ropa del hombre viejo, y subtilizándola y adelgazándola para que pudiese ser penetrada de los resplandores de Cristo (Ideo hanc divisionem penetrationis praecedit alia divisio qua amans seipso separatur in amatum tendens .), y ser vestida de la forma divina con que ha de ser unida con él por amor y semejanza, la va vistiendo la misma influencia divina de esta forma y penetrándola con ella, conviene a saber a la esencia del alma con los resplandores de la gracia, con que, de esta manera penetrada de ellos, queda participando estrechamente de la naturaleza divina, y tan parecida a ella que en cierta manera es reengendrada a lo divino. (f° 249) Y la potencia intelectiva es penetrada de los resplandores de la fe y dones del Espíritu Santo, y la afectiva de la perfecta caridad, y con esto queda toda adivinizada semejante a Dios y participando altísimamente de sus divinas perfecciones, al modo de cuando fue criada : ita etiam per naturam animae participat secundum quamdam similitudinem naturam divinam per quamdam regenerationem sive recreationem ; y cuanto más intensamente va la gracia penetrando la esencia del alma y perfeccionándola a lo divino, tanto más se van perfeccionando las potencias con los dones y virtudes que proceden de ella, al modo que cuanto más se esclarece el cuerpo luminoso, tanto resplandecen más los rayos que salen de él, como se ve en la vela despabilada que esclarece más el aposento : gratia est perfectio essentiae, et ab ea fluunt virtutes per modum quo diversi radii ab eodem corpore lucente procedunt . Y cuando el alma esta de está manera perfectamente penetrada de la gracia y dones infusos, y con esto toda adivinizada, entonces se hace la unión divina .

Para esta penetración de la forma divina en el alma ya purificada, se vale el artífice divino de dos medios entrambos eficacísimos : el primero de la influencia fogosa de los serafines que por esta penetración llamó San Dionisio "amor agudo ", y lo experimentaba (f° 250) nuestra Madre Santa Teresa en esta penetración cuando le descubrió Nuestro Señor al serafín que le penetraba el corazón con el dardo de fuego que es este amor, y nuestro venerable Padre le sintió como llama muy viva de amor, y con el mismo fueron hechas las llagas corporales de San Francisco, después de haberle llagado de amor el espíritu ; el segundo medio es herirla y penetrarla por medio del don de entendimiento (que es una penetración aguda de las cosas divinas) y del don de sabiduría que enamora lo que el don de entendimiento penetra . El cual efecto como inmediato de Dios es más perfecto , y cuando se aplica en él la virtud divina muy esforzadamente, hace tan gran diferencia de la influencia de los serafines, como lo significó la fiel experiencia de nuestra Madre Santa Teresa investida de esta segunda influencia por estas palabras : "Aunque eran grandes los impetuos que me daban cuando quiso el Señor darme los arrobamientos (habla de la influencia de los serafines), no tienen más que ver con estos a mi parecer, que una cosa muy corporal con otra muy espiritual." Esto dice nuestra Santa.

Pero porque esta intensión tan apurada la disponía para la unión de perfecta transformación en Dios y ahora caminamos aún a los primeros actos de unión que disponen para esta otra, referiremos ( f° 251) aquí lo que la misma santa dice de los efectos de su influencia de luz inmediata en menor intensión, que los místicos llaman "toques" divinos y la disponen para la unión con Dios con la penetración íntima de la forma divina, acerca de la cual dice así : "Veces hay que andándose el alma abrazando en sí misma con ansias de Dios, acaece que por un pensamiento muy ligero o por una palabra que oye, viene de otra parte (no se entiende de dónde ni cómo) un golpe o como si viniese una saeta de fuego que agudamente hiere. Y no es adonde se sienten acá las penas, a mi parecer, sino en lo muy hondo e íntimo del alma, adonde este rayo que de presto pasa deja hecho polvo todo cuanto halla de la tierra de nuestro natural, que por el tiempo que dura es imposible tener memoria de cosa de nuestro ser. El entendimiento está tan vivo para sentir la ausencia de Dios, y ayuda Su Majestad con una tan viva noticia de sí en aquel tiempo, que acrecienta mucho la pena." Todas estas son palabras de nuestra Santa . Y de este mismo efecto hace mención la esposa en los Cantares cuando dice que le tocó el Esposo divino con su mano, y con su contacto se estremeció toda . El cual estremecimiento significa la penetración de este efecto a lo íntimo del alma : et secundum hoc amor dicitur acutus, et quod vulnerat et transfigit ictus .

(f° 252)

Capítulo 29 De la unión transformada en Dios, donde restituyen al alma en el paraíso interior de que fue desterrado Adán por el pecado

Cuando en la creación del mundo dijo Dios : "Hagamos al hombre a imagen y semejanza nuestra", dice Santo Tomás que hizo mención de dos maneras de bienes que le dio en su creación, porque le crió a su imagen en lo natural y a su semejanza en lo sobrenatural y gratuito . La imagen consistió en ser el alma una esencia en tres potencias, como Dios una esencia en tres personas, y la semejanza en que la esencia del alma esté adivinizada con la gracia, que es una semejanza de la divinidad participada en el hombre (gratia est quaedam similitudo divinitatis participata in homine ), y las potencias con las virtudes y dones infusos que proceden a ellas de la misma gracia . La cual semejanza estuvo en el primer hombre no en cualquier grado sino en grado de perfección, penetrada intensamente su alma con esta forma divina ; y como por la culpa quedó tan deslustrada y desfigurada esta imagen, que aun después de la regeneración por el bautismo, no quedó en él reengendrada con la perfección que en la primera creación tuvo, por muchas reliquias de la culpa que en la naturaleza viciada (f° 25s) permanecen, promete Dios en las palabras ya referidas de Isaías que purificará de tal manera en el crisol divino esta naturaleza viciada, que tenga cierta semejanza con la rectitud y hermosura en que fue criada en el primer hombre ; de manera que se pueda llamar "ciudad del justo" y "república fiel", donde no mandará ni tendrá señorio sino el verdadero Señor, como sucedía al hombre mientras estuvo vestido de la justicia original, y sucede en la perfecta reformación de gracia a los que están por amor transformados en Dios, y obran más movidos de él por la perfección con que los dones divinos están apoderados del sujeto, que de sí mismos. Lo cual dice San Dionisio que es propio de esta transformación, y lo prueba con lo que decía el Apóstol : "Vivo yo, ya no yo, sino vive en mí Cristo."

A esta transformación va caminando el alma ya purgada por los actos primeros de unión (que en lenguaje de los místicos es estado de desposorio espiritual del alma con el Hijo de Dios), y va subiendo de una blancura a otra mayor con las grandes mercedes que entonces Dios le hace, hasta llegar a tan alta pureza que la junte el Esposo divino consigo, no sólo en unión de afecto, cual era la pasada, sino también en la que llama Santo Tomás "unión real" . En la cual por la gracia y caridad se asienta entre Dios y el alma de esta manera dispuesta una perfectísima amistad, no (f° 24*4 ) sólo por conformidad de afectos, mas también en cuanto es posible por unión y presencia inseparable . Y por esto llaman los místicos a este estado de "matrimonio espiritual", donde no sólo hay correspondencia de afectos, mas también entrega en cierta manera de las personas. Porque como sea oficio de la gracia disponer y perfeccionar al alma, así para usar de los dones criados como para gozar del dador de ellos (Per donum gratiae gratum facientis perficitur creatura rationalis ad hoc quod libere non solum ipso dono creato utatur, sed et ipsa divina persona fruatur. ), cuando la gracia ha penetrado intensamente la esencia del alma (donde hace morada a Dios) y la ha vestido de una singular hermosura divina, cual conviene para esposa de tan gran Rey, la junte consigo en esta unión real y se la comunica con tan gran familiaridad, que se cumple aquí lo que a este propósito dijo San Lorenzo Justiniano, que el amor cuando es grande, hace cierta igualdad entre personas infinitamente desiguales, igualando en unidad de espíritu la desigualdad de la naturaleza, porque en la confederación de amor, ni la majestad desecha la bajeza, ni la bajeza se extraña de la majestad, porque el amor la levanta cuando es elegida para tal dignidad .

Para declarar cómo entra el alma en este felicísimo estado y el supremo del destierro inmediato (f° 24*5) al de la Patria, se ha de advertir lo que dice San Gregorio, que el hombre fue criado para contemplar a su criador y que buscase siempre su presencia, y habitase en la fortaleza de su amor dentro de sí mismo. Pero arrojado por su inobediencia fuera de sí, perdió el lugar de la luz, donde dentro de su espíritu habitaba, y alejado de ella quedó condenado a andar buscando la luz por caminos tenebrosos y oscuros por medio de los sentidos (sed extra se per inobedientiam missus mentis suae locum perdit, quia tenebrosis itineribus sparsus ab inhabitatione veri luminis elongavit .) Porque, como dice Santo Tomás, aunque el hombre en el primer estado conocía las cosas sensibles y en ellas miraba también las semejanzas de las espirituales, no estaba necesitado como nosotros a recibir el conocimiento de ellas por las sensibles, porque se lo daban por influencia de la luz divina dentro del paraíso de su alma, donde las potencias superiores habitaban y desde allí gobernaban a las inferiores . Y como hizo Dios un paraíso material con grandes delicias para la recreación de la parte sensible del hombre , así hizo también en lo supremo de su espíritu otro paraíso espiritual lleno de delicias celestiales para recreación del alma, donde morase Dios y pudiese gozar del criador la criatura, aunque no al descubierto como los de la patria, pero por semejanzas tan ilustradas y expresas, que era como medio entre aquella (f° 24*6) contemplación clara y la oscura que ahora tenemos .

Este paraíso interior le llaman las Divinas Letras y los santos con diferentes nombres. En el libro de los Cantares, le llaman unas veces "la bodega de los vinos místicos del Esposo", otras su "lecho florido", otras el "reclinatorio de Salomón" . San Dionisio le llama "casa que edificó para sí la Sabiduría", San Gregorio y San Buenaventura, "habitación de la luz", y finalmente, el Salvador le llama "el Reino de Dios que está dentro de nosotros mismos ", y de esta casa y reino hizo nuestra Madre Santa Teresa la séptima de sus Moradas. Pues cuando por la culpa desterraron a Adán del paraíso terreno, le desterraron también de este espiritual, como aquí dice San Gregorio, de manera que las potencias que antes habitaban en esta región de la luz y casa de la Sabiduría, y gozaban allí del Reino de Dios que es gozo y paz en el Espíritu Santo , quedaron ya excluidos de ella y condenados a buscar la luz por los sentidos, de manera que ni aun en la contemplación divina tuvieron más entrada en ella, sino cuando mucho recogiéndose hacia sus puertas y haciendo allí su soledad quieta, como declara San Gregorio : quoniam praesentari interim illi intimae quieti non possunt, hanc apud semetipsos per studium tranquillae mentis imitantur ; la cual soledad quieta hacen en lo superior de las potencias, que en el capítulo primero de los Cantares llama la esposa "los cilleros de Dios", donde él regala y alegra las almas contemplativas. Y aunque en los primeros actos de unión meten al alma ya purgada en esta bodega de los vinos místicos del Esposo, como (f° 24*7) lo significó la misma esposa cuando dijo : Introduxit me dilectus meus in cellam vinariam, ordinavit in me charitatem , gozó entonces de este privilegio sola la voluntad, pero no el entendimiento, cumpliéndose lo que a este propósito dice el venerable Hugo de San Víctor, admitido de místicos y escolásticos, que el entendimiento guia a la voluntad hasta llegar a la cámera real del Esposo y quédase allí porque no le dan aún entrada, pero la voluntad pasa delante y entra hasta el tálamo de las bodas .

Pues cuando el alma ha pasado por tan apretados crisoles donde fue purificada, y por los primeros actos de unión que ordenando en ella la caridad la transformaron en Dios, y con todos estos medios tan eficaces y divinos ha llegado a una pureza e inocencia semejante a la que tenía Adán cuando gozaba de este paraíso espiritual, la restituyen (que de esta manera habla Isaías ) en este patrimonio y mayorazgo antiguo de que había sido privado el hombre por la culpa. Para lo cual dice San Dionisio que con abundancia de luz divina le purifican y acendran los ojos intelectuales que todavía están flacos y enfermos, para que puedan entrar en esta región de la luz y mirar las maravillas de la Sabiduría divina que allí le comunican con perseverencia sin pestañear como solían, cuando a cada iluminación de estos (f° 24*8) misterios se quedaba el alma arrobada por el exceso que hacía el objeto a la potencia flaca, y por eso la fortifican y acendran más con luz divina proporcionada con este efecto : Oportet illuminandos repleri divino lumine ad contemplativam habitudinem et virtutem, castissimis mentis oculis reducendos . Y declara Hugo : ut mentis oculis castis et mundis contemplationis habeant habitudinem et virtutem : habitudinem videlicet per mentis puritatem, virtutem autem per contemplationis stabilitatem, ut possint contemplari divina, quae et veraciter apprehendunt et retinent perseveranter .

En esta entrada de las potencias en el paraíso interior para que gocen allí del Reino de Dios según que se permite en esta vida, hacen al alma alguna gran merced de comunicación divina muy alta. Según que así está, como la experiencia de toda esta doctrina de los santos, se puede ver verificado en el capítulo primero de la séptima Morada de nuestra Madre Santa Teresa, donde la restituyeron en este paraíso para que gozase de él hasta la muerte ; y también la contemplación divina por semejanzas expresas, que se concedió a Adán en el primer estado ; y por toda esta morada, y nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz, desde la canción veinte y siete del tratado que comienza : "Adonde te escondiste", aún no impreso, y por todo el que se sigue a éste que comienza : "O llama de Amor viva", y anda ya impreso, tratan como (f° 24*9) experimentado de este Reino de Dios que en el paraíso interior gozaban ; y allí se verá como así, como gozaban de una pureza e inocencia semejante a la de Adán en el primer estado, gozaban también de algunos de sus privilegios, como de ser movidos de Dios en todas sus obras como trasformados en él, y poder asistir a Dios las potencias superiores sin ser impedidos de los ejercicios de las inferiores, y ejercitar juntamente las vidas contemplativa y activa en concordia hermanada de María y Marta : unde homo prius non impediabatur per res exteriores a clara et firma contemplatione intelligibilium effectuum, quos ex irradiatione primae veritatis percipiebat . Y si dice San Lorenzo Justiniano que es cosa rara llegar un alma a la pureza y perfección del desposorio espiritual en los primeros actos de unión , ¿ cuánto más lo será llegar a la que pide la unión transformada de matrimonio espiritual ?

Ésta pues es la contemplación divina que Dios enseño a sus verdaderos adoradores, y éstos los efectos que hace en ellos ; y de aquí podrá Vuestra Paternidad sacar cuan diferente es de la de los Alumbrados, y que difiere de ella como la luz de las tinieblas. Y quien leyere en los tratados de nuestros dos maestros poco ha citados la comunicación tan amigable y familiar de la divina grandeza con estas almas transformadas por amor en él, (f° 25*0) no se espante que siendo Dios esencialmente amor, haga estos excesos amorosos con almas tan fieles y que tanto lo aman ; que a este propósito dijo San Dionisio, que hasta Dios por la abundancia de bondad amativa salía en cierta manera de sí mismo para comunicarse a sus criaturas (Audendum autem et hac pro veritate dicere, quod et ipse omnium causa per abundantiam amativae bonitatis extra se ipsum fit .), particularmente si se considera que este grado de unión transformada es el supremo del destierro e inmediato al estado de la Patria ; y así ha de gozar de cierta participación de la vida bienaventurada que allá se goza, por aquella regla general de místicos y escolásticos que lo supremo del grado inferior llega a tocar los fines del superior inmediato, y a participar de él aunque imperfectamente . Y así se cumple en este dichoso estado lo que dice el mismo San Dionisio, que los varones santos muy ilustrados de Dios participan aún entre las miserias de esta vida, de aquel convite perpetuo e inefable que Su Majestad hace a los bienaventurados en el cielo : juxta deiformem epulationem et beneficentiam ineffabilem, in cujus participatione saepe facti sunt et viri sancti per deificos divinarum illuminationum superadventus . Y ésta es la mesa que dice el Espíritu Santo que puso al alma en la casa de la Sabiduría, como lo experimentaban nuestros (f° 25*1) dos ilustrados maestros metidos en ella ; y allí les daban en abundancia el vino mezclado que en esta mesa se sirve de la divinidad y humanidad del Señor. Y a esto propósito dice nuestra Santa Madre : "En metiendo el Señor al alma en la séptima morada, es muy continuo no se apartar de andar con Cristo nuestro Señor con una manera admirable, adonde divino y humano junto es siempre su compañia. " Y al mismo propósito, dice nuestro venerable Padre que entrando el alma en este feliz estado, le comunica el Señor muy frecuentemente los misterios de su encarnación y las obras de la redención humana .





Fin d’ouvrage

Données de mise en forme

1240kcse

“Normal” Calibri corps 11 interl 11

“Note” c 9 i 9

“Titres” i simple

(à noter que l’on ne peut avoir un interl intermédiaire par ex de 9.5)


>> par rapport au Garamond = gain faible de 5% en nombre de pages mais elles sont devenues très lisibles = on conserve la fonte Calibri en identité avec les éditions Carmelo



Observation

La “Segunda parte de la Subida del alma a Dios” me semble d’intérêt majeur81.

Reste à faire: additions82 en attente d’un relevé photographique à faire à Solesmes et de la réception d’images manuscrites commandées à la Bibliothèque Nationale de Madrid. Corriger “î” et “ô”.





Fin d’ouvrage

Données de mise en forme

688 kcse

« Normal » Calibri corps 11 interl 11

“Note” c 9 i 9

“Titres” i simple

(à noter que l’on ne peut avoir un interligne intermédiaire par ex de 9,5)


>> par rapport au Garamond = gain faible de 5 % en nombre de pages, mais elles sont devenues très lisibles = on conserve la fonte Calibri en identité avec les éditions Carmelo


>> divers ajouts sont à faire qui supposent le recours aux originaux, ils sont signalés par « µ… » en table des matières, titre 4 : « µ Elle a reçu… (manque une demi-page de la traduction en petit corps)…








José de Jésus Maria [Quiroga]

1562-1628


L’Oraison

Adaptation par la Mère Marie du Saint-Sacrement


&


Réponse à un doute

Apologie mystique en défense de la Contemplation divine

Traductions par le Père Max de Longchamp






Dossier assemblé par Dominique Tronc










L’ORAISON


Selon saint Jean de la Croix,

saint Thomas d’Aquin et saint Denis







PRÉFACE par la Mère Marie du Saint-Sacrement.

L’accueil inattendu fait récemment à 1’austère Retraite tirée des Écrits du nouveau Docteur mystique de 1’Église83 (1), le goût que non seulement les habitants du cloître et les âmes sacerdotales, mais les gens du monde sincèrement désireux de s’approcher de Dieu, ont témoigné prendre à cet enseignement, nous ont donné la pensée de présenter aux uns et aux autres un moyen approprié de s’assimiler pleinement la doctrine de notre incomparable Saint sur l’oraison.

La matière de ce livre nous a été fournie par un frère de saint Jean de la Croix, son contemporain, profondément imbu de ses enseignements. Nous voulons parler du P. Joseph de Jésus-Marie de Quiroga. Entre un grand nombre d’autres ouvrages, dont une Vie de son bienheureux Père, il composa deux opuscules, dont le premier est intitulé : Don que tuvo el venerable Padre, Fray Juan de la Cruz para guiar las almas à Dios, et le second: Respuesta a algunas razones contrarias a la contemplación afectiva y oscura que N. santo Padre Fr. Juan de la Cruz, guiado de Dios, de la Escritura y de los Santos, enseño en sus escritos.

L’un et l’autre se trouvent parmi les Manuscrits de la Bibliothè­que nationale de Madrid ; l’un et l’autre ont été publiés en entier dans le Tome III des Œuvres de saint Jean de la Croix (Édition de Tolède, 1912 - 1914).

Ces opuscules furent écrits au XVIIe siècle, en vue de défendre et expliquer la doctrine spirituelle de notre Docteur mystique, que l’ignorance s’efforçait alors d’obscurcir. Ils avaient aussi pour but de donner aux nouveaux contemplatifs, qui hésitent ou tâtonnent dans la voie de l’oraison, des directives sûres, tirées des écrits du Saint et des grands maîtres de la vie spirituelle. La doctrine de saint Jean de la Croix est depuis longtemps hors des atteintes de la critique, il ne saurait donc plus être question de la défendre. Mais les directives aux nouveaux contemplatifs sont de tous les temps. Ces opuscules répandent tant de clarté sur la voie de l’oraison, qu’il nous a paru désirable de les faire connaître, dans les pays de langue française, aux âmes avides d’union avec Dieu.

Ils montrent d’abord que la doctrine du grand contemplatif espagnol est celle de saint Denis, le prince de la théologie mystique, et celle de 1’angélique docteur saint Thomas, le prince de la théologie scol­astique. Notre bienheureux Père les suit l’un et l’autre pas à pas, en ajoutant à leurs lumières celles de son expérience personnelle.

En second lieu, ils rendent lumineuse et facile une voie qui paraît à beaucoup ardue et impraticable.

Enfin — et c’est là pour les âmes d’oraison un point du plus haut intérêt — ils mettent en relief cette vérité, trop oubliée de plusieurs, qu’il faut distinguer de la contemplation entièrement passive à laquelle on n’a entrée que d’une manière toute gratuite, la contemplation surnaturelle84 qui s’exerce avec le secours ordinaire de la grâce, dans la lumière de la foi et sous l’illumination du don de Sagesse85.

On nous dira : Y a-t-il donc plus d’une contemplation surnaturelle ? – si 1’on y prête une sérieuse attention, répondrons-nous, on se voit obligé d’admettre non une contemplation surnaturelle en général, mais plusieurs, que l’on peut diviser en deux grandes classes — auxquelles plusieurs viennent plus ou moins se rattacher — puis d’autres encore, qui sont plus rares, plus exceptionnelles et bien distinctes des deux premières.

La première des deux grandes classes de contemplation est celle de sainte Thérèse, c’est-à-dire la contemplation totalement infuse, la contemplation passive dans toute son ampleur et sa plénitude. Elle comporte non seulement le goût savoureux des mystères de la foi, mais l’oraison d’union, les ravissements, les visions, les locutions surnaturelles et se couronne par le mariage spirituel.

La seconde classe de contemplation surnaturelle est la contemplat­ion obscure de saint Jean de la Croix. Elle débute par la contemplation mixte86, exercée avec le secours ordinaire de la grâce, sous l’illumination du don de Sagesse. Cette contemplation mixte est ainsi nommée parce qu’elle est tout d’abord mi-partie acquise, mi-partie infuse. Elle doit néanmoins se ramener à la contemplation infuse. Sous l’action progressive de Dieu et la fidélité de l’âme, elle aboutit à une contem­plation totalement infuse, qui peut comporter — mais ne comporte pas toujours — les ravissements et le mariage spirituel. Il est toutefois à remarquer que dans cette voie les visions et les révélations doivent, autant que possible, être écartées, en sorte que tout soit ramené à la contemplation obscure, générale et confuse.

Ce qui permet de distinguer ces deux classes de contemplation, ce sont leurs caractères bien distincts. Les confondre et les mêler, comme on ne le fait que trop souvent, constitue, a notre avis, une erreur grosse de conséquences87.

Ces deux contemplations, nous l’avons dit, ne sont pas les seules. Il y en a d’autres, qui sont tout à fait exceptionnelles, et les cas qui s’y rattachent se rencontrent rarement. Ce sont les diverses contemplations que décrivent respectivement le bienheureux Ruysbroek, sainte Angèle de Foligno, sainte Catherine de Gênes, Jean de Saint-Samson et quelques autres.

Le P. de Quiroga, dans les opuscules que nous suivons, s’attache à la contemplation mixte88, qui, nous l’avons dit, est la contemplation initiale de saint Jean de la Croix. Il l’explique très clairement dans le texte qui forme nos chapitres I et VIII. Il nous dit que cette con­templation « est accordée de Dieu selon notre mode humain89, par le moyen de la lumière de la foi et des secours ordinaires de la grâce ». « Et cette contemplation-1à, affirme-t-il, nous pouvons l’exercer toutes les fois que nous le voulons, de même que nous pouvons produire tout autre acte de foi avec ces mêmes secours. On y est illuminé surnaturellement par le don de Sagesse, également selon notre mode humain90. »

Nous pouvons l’exercer toutes les fois que nous le voulons. Voilà qui peut surprendre au premier abord. Et cependant saint Jean de la Croix, qui décrit la même contemplation, est de cet avis. Nous lisons en effet dans la Montée du Carmel, L.II, ch.XIII, oú le Saint parle des personnes qui commencent à expérimenter ce genre de faveurs surnatur­elles91 : « Au commencement de leur progrès, dit-il, l’habitude de cette connaissance simple n’est pas si parfaite, qu’elles puissent toutes les fois qu’elles le veulent la faire passer en acte. » C’est bien nous dire qu’il vient un moment ou les personnes spirituelles peuvent exercer la contemplation mixte, dans la lumière de la foi et sous l’illumination du don de Sagesse, à peu près quand elles le veulent. C’est ce qui faisait dire92 au grand mystique Ruysbroek, qui connaissait tous les genres de contemplation, qu’il lui était « aussi facile d’entrer en contemplation que d’étendre la main ». Evidemment il ne pouvait parler ici que de la contemplation qui nous occupe, de celle que l’on appelle « contemplation mixte ».

Toutes les fois que nous le voulons, nous dit le P. de Quiroga. Mais il prend soin d’expliquer sa pensée. Il en est ainsi pour ceux qui savent écarter tous les obstacles qui s’opposent à l’illumination du don de Sagesse, et ce n’est pas chose si facile, puisque — il nous l’assure — assez rares sont les contemplatifs qui y réussissent.

Ce qu’il nous dit de cette contemplation exercée avec le secours ordinaire de la grâce, sous la lumière de la foi et l’illumination du don de sagesse, se trouve corroborée par l’enseignement du célèbre Cardinal Billot93, S.J. D’après ce grand théologien, le Saint-Esprit meut les âmes de deux façons : 1. selon le mode commun, qui ne dépasse pas les lois ordinaires de la grâce, 2. selon un mode extraordinaire et préternaturel, « alors qu’il s’agit d’oraison de quiétude, d’union simple, d’union extatique et d’union consommée, toutes choses dont sainte Thérèse, redescendue, ce semble, du troisième ciel, a divine­ment écrit ». Les dons s’exercent donc d’une double manière, « selon la diversité de l’opération multiforme du Saint-Esprit, qui, suivant le libre vouloir de sa toute-puissance, souffle oú il veut et se départ à chacun comme il lui plaît ». (De Virtutibus infusis – De Donis Spiritus Sancti, p. 181-187)

D’après le P. de Quiroga, la contemplation surnaturelle exercée dans la lumière de la foi, rentre dans le mode commun des opérations de l’Esprit-Saint, qui ne dépassent point les lois ordinaires de la grâce, le divin Esprit accommodant alors 1’action de ses dons à l’ordre de notre nature.

De son côté, le docteur de l’Église saint Basile-le-Grand94 nomme formellement « la connaissance intellectuelle par la foi », et il la recommande en ces termes : « Ne cherche pas en Dieu une connaissance visuelle, mais confie à ton esprit le trésor de la foi, et tu obtiens aussitôt une connaissance de Dieu intellectuelle. »

Il importe de le remarquer, la contemplation mixte, base de la contemplation obscure de saint Jean de la Croix, ne doit pas s’iden­tifier avec la contemplation acquise95. Celle-ci, à le bien prendre, n’est qu’une forme de méditation, dans laquelle les vues simples et les affections dominent. Mais il serait entièrement inexact de dire — ainsi qu’on l’a fait il y a quelques années — que la contemplation acquise est toute la contemplation de saint Jean de la Croix. I1 est clair que si saint Jean de la Croix n’avait été que le docteur de la contemplation acquise, il ne serait pas appelé « le docteur mystique » de l’Église. La vérité est, répétons-le, qu’à la base de sa contemplation infuse se trouve la contemplation mi-partie acquise, mi-partie infuse, par laquelle, si le Seigneur le juge bon, l’âme peut arriver progressivement à une surnaturelle et directe communication avec lui, à la participation entièrement infuse à ses perfections, et par là aussi à la transformation d’amour, ce qui est proprement la contem­plation de saint Jean de la Croix96.

Dira-t-on que la contemplation simple sous la lumière de la foi, que notre docteur mystique met à la base de sa contemplation infuse, doit s’assimiler à l’oraison que sainte Thérèse nomme de quiétude, et que ce n’est qu’une seule et contemplation infuse encore a ses débuts ? Ce serait se tromper beaucoup. Au témoignage de sainte Thérèse, parlant de l’oraison de quiétude au chap. XV du Livre de sa Vie, « il est impossible de ne pas se rendre compte sur-le-champ que ce n’est pas chose qui s’acquière ». Et au Château intérieur, IVe Dem., ch.II, elle dit plus expressément encore : « Cette eau procède de la source même, qui est Dieu... N’étant pas amenée par des canaux, si la source refuse à la donner, nous nous fatiguerons en vain. Je veux dire que nous aurons beau multiplier nos méditations, nous pressurer le cœur et verser des larmes, tout sera inutile. Ce n’est point la voie par laquelle arrive cette eau. »

C’est nous dire clairement que dans cette oraison passive, bien qu’initiale, l’âme n’apporte point sa part d’activité qu’elle ne peut y contribuer en rien. Evidemment cet état passif n’est pas continu. Il y a des intervalles, pendant lesquels la méditation et même la prière vocale redeviennent possibles. Mais il n’en est pas moins vrai que l’oraison de quiétude, comme telle, procède de la source même, qui est Dieu", que le concours de l’âme y est nul.

Au contraire, la contemplation initiale de saint Jean de la Croix comporte le concours de l’âme. Et c’est là une des nombreuses différ­ences qui distinguent les contemplations de nos deux grands mystiques. Dans tout le cours de la voie qui conduit à l’union consommée — il serait facile de le faire voir — la double modalité s’accuse. Puis les deux contemplations se rejoignent dans les sommets, lorsqu’il s’agit soit de la glorieuse blessure d’amour infligée par le séraphin, soit des ravissements ou extases avec leur contemplation sublime, soit du mariage spirituel, faveur rare et privilégie entre toutes, qui consomme la transformation d’amour et la divinisation de l’âme.

Revenant à la contemplation mixte, base de la contemplation obscure de saint Jean de la Croix, nous dirons qu’en ceci le P. de Quiroga n’a pas fait une innovation et que son texte n’est pas facilement contro­versable, puisque — il le démontre péremptoirement — cette contemplat­ion est réellement à la base de la doctrine mystique de saint Jean ds la Croix. Nous n’en voulons pas d’autre preuve que ces lignes de la Montée du Carmel, citées plus haut : « Au commencement de leur progrès, l’habitude de cette connaissance simple n’est pas si parfaite, qu’elles (les personnes qui commencent à expérimenter ce genre de faveur) puissent toutes les fois qu’elles le veulent la faire cesser en acte ». Redisons-le donc, ceci montre bien que d’après notre saint docteur les personnes spirituelles peuvent, lorsqu’un certain temps d’exercice les a mises à même d’écarter les obstacles à l’illumination divine, user à peu près quand elles le veulent, de cette contemplation simple, exercée dans la lumière de la foi, et que la chose dépend en grande partie de leur fidélité.

Aussi bien, cette contemplation est-elle admise par Richard de Saint-Victor, autorité de premier ordre lorsqu’il s’agit de contemplat­ion. Le grand mystique du XIIe siècle distingue, en effet, la contem­plation entièrement infuse, in sola gratia, et la contemplation ex adjuncta industria, où notre exercice personnel opère avec la coopér­ation de la grâce, Dei quidem cooperatione. (De gratis contemplationis, T . V., cap. I.)

Des auteurs spirituels plus modernes parlent de même.

Il y a quelques années, un Carme Déchaussé de Belgique, le P. Alph­onse de la Mère des Douleurs — qui écrivait avant la publication des opuscules du P.de Quiroga — se basant sur une étude personnelle et impartiale des écrits de nos deux Saints, s’exprimait ainsi : « Sainte Thérèse et saint Jean de la Croix n’emploient pas le mot contemplation dans le même sens. Sainte Thérèse lui donne une acception très rest­reinte : elle ne s’en sert que pour désigner une oraison tout à fait surnaturelle. Saint Jean de la Croix au contraire l’emploie fréquemment dans le sens d’une oraison mixte en partie naturelle ou acquise, qui dépend de nos propres efforts aidés de la grâce, et dont les effets dans notre âme ne peuvent être opérés que par Dieu seul. » (Pratique de l’oraison mentale, T. Ier, p. 4.)

Rien de plus juste que cette remarque97. Il y a peu d’années, le P. Gabriel de Sainte Marie-Madeleine98, également Carme Déchaussé, alors professeur au Collège philosophique de Courtrai, dans une remarquable étude sur la « Contemplation acquise », avait un paragraphe entier sur la Contemplation mixte ramenée à l’infuse. Il commence par nous dire que « le principe surnaturel de la contemplation infuse est le plus fréquemment la motion divine actualisant les dons du Saint-Esprit. » Il pour­suit : « Ce sera parfois une lumière plus élevée que celle des dons, communiquée transitoirement à l’âme ». Il nous dit ensuite que la contemplation mixte tient le milieu entre la contemplation acquise et la contemplation passive la plus élevée, la plus parfaite. Elle est tout à fait distincte de la contemplation acquise. D’après lui, c’est à la contemplation mixte qu’il faut ramener le commencement de contemplation infuse dont saint Jean de la Croix nous parle dans la Nuit_du sens. Il nous fait remarquer que les grands théologiens Carmes Déchaussés du XVIIe siècle, qui s’appellent Thomas de Jésus, Philippe de la Trinité et Joseph du Saint Esprit, ont notés dans leurs ouvrages l’existence d’une contemplation mixte c’est-à-dire mi-partie acquise, mi-partie infuse, devant par conséquent être regardée comme une contemplation surnaturelle.

À notre avis — et nous pourrions en apporter les preuves — c’est celle dont parlent les anciens, comme saint Grégoire, saint Albert-le‑Grand, saint Thomas. Il est facile de la distinguer de la contemplation de sainte Thérèse, laquelle — tous les écrits de la Sainte en font foi — est une contemplation lumineuse et distincte, entièrement surnaturelle et passive, telle par exemple que celle de sainte Catherine de Sienne, de saint Ignace de Loyola et d’autres grands Saints.

Nous pourrions, en faveur de la contemplation mixte, invoquer hors du Carmel des noms connus, soit dans la Compagnie de Jésus au XVIIe siècle, soit de nos jours dans l’Ordre de Saint Benoît. Mais nous croyons pouvoir nous borner aux autorités, la plupart Carmélitaines, que nous avons mentionnées.

Aussi bien en donnant en français les textes du P. de Quiroga, n’est-ce pas un bien de famille que nous mettons en œuvre ? 99.

La contemplation mixte, exercée dans la lumière de la foi et sous l’influence du don de Sagesse, a des degrés divers. Les opuscules sur lesquels repose notre livre la présentent en son degré le plus élevé. Ils jettent sur le sujet une lumière si vive, que le P. Gérard de Saint-Jean de la Croix, en les publiant en espagnol en 1914, a pu dire avec beaucoup de raison, et nous ne croyons pas qu’il se trouve personne pour y contredire : « Les points touchés sont souverainement pratiques et d’une importance transcendante pour tirer profit de l’oraison et de la contemplation. » Il ajoute : « Nous demandons instamment aux personnes qui se consacrent a ces saints exercices de ne pas manquer de lire ces traités, car elles y trouveront exposés, avec abondance de preuves et d’autorités, des enseignements qu’elles rencontreront difficilement dans d’autres ouvrages. »

Des deux opuscules du P. de Quiroga, le premier et le plus important est celui qui a pour titre : Du don qu’a eu le P. Jean de la Croix de conduire les âmes à Dieu. Le texte étant extrêmement compact — il se compose de vingt-deux paragraphes tout d’une venue — et par là même d’une lecture difficile, le P. Gérard crut devoir le diviser en chapitres auxquels il donna des titres. Nous avons suivi son exemple, en donnant à nos chapitres non seulement des titres, mais des sommaires. De plus, nous nous sommes permis de retrancher du texte du P. de Quiroga des longueurs ayant trait à l’antiquité du Carmel, à la vie des anciens moines, et généralement ce qui arrêtait par des digressions inutiles le mouvement du sujet. Nos chapitres XXV, XXVI et XXVII sont empruntés au second opuscule du P.de Quiroga : Réponse à quelques objections, écrit de peu d’étendue, qui est un complément du premier.100.

Un mot pour terminer. Qu’il y ait, de nos jours encore, des âmes en qui se vérifient les hauts effets de la contemplation simple, exercés dans la lumière de la foi, qui arrivent par elle à l’union consommée et à la transformation d’amour, qui pourrait en douter ? Alors surtout qu’il a plu à Dieu de nous découvrir quelque chose des opérations de sa grâce dans une jeune carmélite, morte il y a peu d’années en odeur de sainteté au monastère de Dijon. La courte existence de cette fidèle disciple de saint Jean de la Croix ne s’est-elle pas écoulée, pour ainsi parler, dans une extase de foi ? N’est-ce pas la foi qui l’a introduite et lui a fait hâter le pas dans les voies de l’oraison surnaturelle ? N’est-ce pas la foi qui l’a menée jusqu’aux sommets d’où elle semble inviter les âmes à la suivre ?




Puissent ces pages101 éclairer la route, aplanir les sentiers des âmes qui poursuivent leur marche sous les ombres d’ici-bas, les aider à s’exposer librement, sous la lumière de la foi, aux influences de la grâce céleste, à obtenir ainsi l’union divine et la sainteté de sœur Elizabeth de la Trinité.

Fête de la très sainte Trinité, 1933.




DONNEES BIOGRAPHIQUES SUR LE P. DE QUIROGA

Par la mère Marie du Saint-Sacrement.

Le P. Joseph de Jésus-Marie appartenait à la famille de Quiroga et était le propre neveu du Cardinal de ce nom, archevêque de Tolède ; il naquit à Castro Caldelas, du diocèse d’Astorga. Il occupa d’abord un canonicat à la cathédrale de Tolède, mais bientôt renonçant à toutes les espérances du siècle, il revêtit l’habit du Carmel réformé au cou­vent de Madrid (1593). Ses hautes vertus, non moins que son talent d’écrivain, ne tardèrent pas à le faire distinguer. Partout, et toujours il se montra un ardent champion de la vie mystique en général et de la doctrine de saint Jean de la Croix en particulier.

Entré dans l’Ordre deux ans seulement après la mort de son bienheureux Père, le P. de Quiroga connut tous les religieux qui avaient vécu avec lui, ainsi que les religieuses instruites par lui des secrets de la vie intérieure. De plus, la charge d’Historien Général de la Réforme, qui lui fut confiée aussitôt après sa profession, lui fournit l’occasion de parcourir les couvents des diverses provinces et d’acquérir une connaissance approfondie de la direction que le Père de la Réforme donnait à ses enfants spirituels. Enfin, chargé d’écrire la Vie du bienheureux Père, il se renseigna de la manière la plus complète sur son existence publique et privée, soit en écoutant ceux qui avaient été ses disciples, soit en compulsant les dépositions données en vue de sa Béatification. Il est difficile, on le voit, de trouver un interprète de saint Jean de la Croix plus sûrement et plus complètement informé.

Le P. de Quiroga a composé un grand nombre d’ouvrages ou opuscules, dont dix-sept se conservent encore. La plupart ont pour but de mettre en lumière la doctrine de saint Jean de la Croix.

Le petit traité qui nous occupe principalement parut lorsque les œuvres du docteur mystique eurent vu le jour. Le P. Joseph a indiqué lui-même le motif qui le porta à l’écrire. Des objections s’étaient élevées contre la doctrine du bienheureux Père. Il résolut de les réduire à néant par l’autorité des grands mystiques et celle du prince de la scolastique, saint Thomas d’Aquin, L’apologie ne pouvait être plus convaincante.

Le P. Joseph de Jésus-Maria mourut en 1626, au couvent de Cuenca, laissant la réputation d’un religieux non moins exemplaire que savant.

L’ORAISON SELON SAINT JEAN DE LA CROIX, SAINT THOMAS D’AQUIN ET SAINT DENIS.

CHAPITRE I. Saint Jean de la Croix maître dans la science mystique.

La contemplation qu’il enseigne est celle que S. Denis et les autres Saints nous ont apprise —Il facilite la contemplation qui s’exerce dans la lumière de la foi et avec le secours ordinaire de la grâce — Cette contemplation est le moyen et la disposition aux degrés entière­ment surnaturels.

Si notre glorieuse Mère sainte Thérèse fut singulièrement éclairée par rapport à la science mystique très surnaturelle et très haute, comme il ressort des ouvrages qu’elle nous a laissés, notre Père Jean de la Croix reçut, lui aussi, concernant cette science cachée, des lumières divines très abondantes. Elles lui furent versées dans ce degré élevé dont parle S. Thomas, qui embrasse non seulement la connaiss­ance et la contemplation des plus hauts mystères, mais encore leur enseignement, et rend capable d’en instruire les autres en leur commun­iquant la lumière reçue selon la disposition de chacun. Cette grâce lui fut départie en un degré si excellent, que tout en illuminant l’intell­igence de ses disciples, il enflammait leur volonté.

Cette science céleste, le P. Jean de la Croix l’avait acquise par l’expérience personnelle puisée dans l’oraison, et aussi par l’étude approfondie des divines Écritures et des ouvrages des saints, spéciale­ment de S. Denis, qu’il entendait et expliquait très hautement, en vertu d’une illumination d’en haut. Don céleste, qui lui fut accordé non seulement par rapport aux degrés sublimes de la contemplation surnatur­elle, à laquelle on n’atteint que par une illumination divine particul­ière, mais encore par rapport aux degrés ordinaires de la contemplation, que nous pouvons acquérir à notre mode humain, par le moyen de la lumière de la foi et avec les secours ordinaires de la grâce, contemplation qui est à notre portée et sur laquelle nous devons principalement app­uyer notre oraison mentale, parce qu’elle est un moyen et une disposition adéquate pour les autres degrés plus élevés. Et c’est pour ces motifs que les Saints nous la recommandent si instamment.

Notre bienheureux Père a un don tout spécial pour éclaircir les difficultés de cette science secrète et toute divine, et pour faciliter les moyens de l’atteindre. Ce que S. Denis et d’autres saints ont dit de cette contemplation en termes obscurs et si abstraits que bien souvent les doctes eux-mêmes ne les entendent point, notre Maître l’a rendu si souple et si maniable, il l’a exprimé en termes si simples, si clairs et si aisés, que l’intelligence en devient accessible aux ignor­ants eux-mêmes.

Et cependant, comme cette lumineuse doctrine purifie l’entendement de ceux qui se l’assimilent de beaucoup d’ignorances et de méprises, qui s’étaient introduites dans l’exercice de l’oraison, faute d’étudier ce que les saints en ont dit ; comme elle fait briller la vérité et découvre l’erreur — ce qui cet l’office propre de la lumière, ainsi que S. Denis lui-même nous le déclare, — il se produit un combat entre les ténèbres et la lumière. Certains maîtres spirituels rejettent cette doctrine céleste comme contraire à ce qu’ils ont enseigné jusqu’ici, et il semble que ce soient ceux-là mêmes que S. Denis a eus en vue quand, après, avoir exposé ce que c’est que la contemplation, — celle-là même qu’enseigne notre bienheureux Père, — il dit à son disciple Timothée : « Dérobe cette doctrine à ceux qui, ne sachant pas chercher Dieu au-dessus d’eux-mêmes, s’efforcent de revêtir de figures connues Celui qui ne peut être connu par aucune figure. »

Nous serons donc obligés d’écarter de cette brillante lumière les nuages de quelques objections, que lui opposent ceux qui ont les yeux éblouis par une si grande splendeur. Nous le ferons de crainte que les personnes désireuses de s’avancer vers leur perfection par un chemin si facile et si court ne soient embarrassées dans leur marche par des ombres qu’il importe de dissiper.

Pour cela, nous répondrons brièvement aux principales difficultés que l’on a formées contre des ouvrages écrits, cependant, en abondance de lumière mystique et en adhérence très étroite à la doctrine de S. Denis et des autres saints, qui ont été les canaux du Saint-Esprit et sont regardés par l’Église comme des maîtres en cette science. Avec ces docteurs éminents, notre bienheureux Père, bien qu’il ne les nomme pas, est toujours en parfait accord.

Notre but est de mettre la vérité en plein jour et de faire connaître davantage l’esprit merveilleusement éclairé de notre Maître, surtout à ses enfants, qu’il guide si suavement à la perfection par les sentiers très droits propres à notre Institut. C’est spécialement pour eux qu’il a écrit bien que sa doctrine s’étende à tous les contemplatifs qui désirent tirer du fruit de leur oraison.

CHAPITRE II. Trois dispositions nécessaires pour arriver à la contemplation.

Dieu présent à tous les êtres pour leur communiquer ses biens — Trois qualités dont l’âme a besoin pour recevoir cette communication.

On objecte d’abord que notre Père n’a pas traité d’une façon com­plète la science mystique, puisque, laissant de côté la méditation, qui se fait au moyen de représentations sensibles, il traite immédiatement de la contemplation divine intellectuelle, abstraite de tout le sensible, alors que le préambule et, pour ainsi parler, l’échelon de cette contem­plation est la méditation par représentations sensibles.

Nous répondons que notre saint Père n’a eu en vue que d’enseigner les moyens principaux par lesquels l’âme se dispose prochainement à l’union divine, qui est le but de la vie contemplative et la dernière perfection de l’homme, commencée dans l’exil et consommée dans la patrie, où l’âme raisonnable s’unira à son principe et se reposera dans son centre. C’est dans cette vue qu’il a traité du dépouillement des obst­acles qui empêchent l’âme d’être illuminée et de s’enrichir des vertus, puis des dons divins qui la disposent à l’union. En demandant le dépouillement, si nécessaire à cette union, il a imité S. Denis qui, traitant de la manière dont il faut s’approcher de Dieu dans l’oraison pour avoir part à ses dons, indique les qualités dont l’âme doit être revêtue102. « Dieu par son immensité », explique S. Thomas en commentant S. Denis, « est présent à tous les êtres pour leur communiquer ses biens ; mais tous les êtres ne sont pas présents à Dieu de façon à recevoir cette divine communication ». Et il marque immédiatement les trois qualités que doit avoir l’âme contemplative pour recevoir cette communication.

1. La partie sensitive doit être pure des affections charnelles et mondaines, parce que la violence des passions sépare la faculté intel­lective de la contemplation intellectuelle où Dieu se communique à l’âme, et la rabaisse aux choses sensibles qu’elle affectionne. De là, la nécessité des vertus morales, qui réfrènent les passions103.

2. Durant l’oraison l’âme doit se tenir revelata facie104. Et S. Thomas nous donne cette explication : « Cela veut dire que notre entende­ment ne doit pas être obscurci par les images des figures procédant de l’imagination, ainsi qu’il arrive à ceux qui ne veulent pas saisir les choses spirituelles au-delà des corporelles, mais qui se représentent Dieu sous un mode connu, ce qui entrave leur ascension vers lui. C’est pour ce motif que S. Denis nous recommande que notre entendement soit à découvert, c’est-à-dire dégagé de toutes les représentations sensibles105.

3. Durant l’oraison, notre volonté doit être tournée vers Dieu par amour et dévotion.

Telles sont les trois qualités ou dispositions que ce prince de la théologie requiert de l’âme contemplative, afin que durant l’oraison elle soit présente à Dieu et en état de recevoir son illumination et son influence, vêtement divin nécessaire pour l’union avec Dieu.

C’est à l’acquisition de ces trois qualités que se rapportent tous les ouvrages de doctrine mystique qu’a composés notre bienheureux Père.

Il traite de la première au 1er Livre de la Montée du Carmel, où il dével­oppe un admirable enseignement concernant les dommages causés par les passions et les moyens de les mortifier.

Toutefois, il faut bien remarquer que lorsqu’il dit que l’âme doit être dépouillée de tous ses appétits, parce que leurs désordres, soit qu’ils procèdent du péché, soit qu’ils naissent de l’imperfection, sont un obstacle à l’union divine, il ne veut pas dire que ce dépouillement est requis pour la contemplation intellectuelle simple, ainsi que quelques-uns le pensent.

Dans l’union en effet, il y a transformation totale de l’âme en Dieu ; l’âme, comme le dit S. Denis, cesse d’être à elle-même, pour être tout entière à Dieu106. Il est donc nécessaire qu’elle soit affranchie de tout appétit, pour ne plus vivre à elle-même, mais à Jésus-Christ, ainsi que le disait l’Apôtre quand il eut atteint ce degré de l’amour parfait107. Mais pour passer du discours, ou de la méditation discursive à la contemplation simple, cette mortification totale des appétits et des passions n est pas requise, puisqu’au contraire il faut, pour en venir là, passer par la contemplation108. C’est elle, en effet, qui ouvre la porte à l’illumination divine, qui purifie l’âme de toutes ses imperfections et la renouvelle surnaturellement, en vue de cette divine union. C’est ce que dit très bien S. Denis, quand il enseigne que la contemplation dépouille l’entendement de toutes les représentations des objets sensib­les, pour le revêtir de la simple lumière de la foi, qui, en tant que forme surnaturelle, l’adapte à Dieu pour l’unir ensuite à lui109.

Notre bienheureux Père traite de la seconde qualité ou disposition dans tout le IIe Livre110, où il enseigne en maître expérimenté, d’une manière à la fois très substantielle, très facile et très simple, la contemplation dans laquelle, suivant S. Denis, l’entendement doit se tenir dépouillé de toute représentation des objets créés, dans une pure extase de foi111.

C’est ce qu’explique admirablement S. Thomas quand il dit : “L’entendement ramené à la vérité par une extase de foi, ce n’est pas autre chose que l’entendement” dépouillé de toute connaissance tirant son origine des sens, et “totalement uni à la vérité surnaturelle”, révélée de Dieu. Notre bienheureux Père enseigne la même doctrine dans tout le Livre de la Montée du Carmel, en vue de communiquer à l’entendement du vrai contemplatif la seconde qualité réclamée par S. Denis pour l’oraison et la communication avec Dieu.

Quant à la troisième qualité, qui est la direction de la volonté vers Dieu par l’amour et la dévotion, notre Maître en traite avec beaucoup de clarté et de justesse dans le IIIe Livre du même ouvrage, à partir du Chapitre XIII.

Ainsi, c’est parce que le but de notre bienheureux Père était de dépouiller l’âme de tout ce qui fait obstacle à l’union et à la communication avec Dieu, et de la disposer ainsi à cette divine union, qu’il parle spécialement de ces obstacles, et non de la méditation. La méditation, il la présuppose, comme la voie qui conduit à la contemplation, ainsi qu’il le dit du reste en plusieurs endroits, et spécialement en parlant des marques auxquelles on reconnaît qu’il est temps de l’abandonner pour passer à la contemplation de foi.

CHAPITRE III. Les trois parties de l’oraison.

La représentation des mystères —La réflexion —L’attention amour­euse a Dieu —Importance de cette troisième partie de l’oraison.

Si notre bienheureux Père dans ses ouvrages ne traite pas directe­ment de la Méditation, mais la suppose comme conduisant à la contempla­tion, il la faisait pratiquer à ses disciples d’une manière très utile et très judicieuse, non en bloc, comme le font certains maîtres spirituels, mais en la divisant à l’exemple de S. Denis112, en trois parties, qui vont perfectionnant l’exercice lui-même, aussi bien que ceux qui le pratiquent.

La première est la représentation des mystères que l’on va méditer, au moyen d’images sensibles formées par l’imagination. La seconde est la réflexion intellectuelle sur les mystères représentés. La troisième est le repos amoureux et attentif a Dieu, où l’on recueille le fruit des deux premières et où l’on ouvre la porte de l’entendement à l’ill­umination divine pour les effets surnaturels qu’on se propose dans l’oraison, en vue du perfectionnement de l’âme.

S. Denis conseille de passer promptement de la première partie de l’oraison — qui est la plus imparfaite et qui affaiblit la tête si on la continue longtemps — à la seconde, dont le but est de perfectionner la connaissance naturelle, ainsi que l’explique S. Thomas113. Et de celle — ci on passe à la connaissance surnaturelle, en entrant dans le repos paisible, calme et amoureux de la foi.

S. Bernard divise de même la Considération profitable, et après avoir indiqué très clairement ces trois parties, il les gradue en disant que la troisième — à savoir l’attention simple à Dieu — est le fruit de la représentation et de la réflexion ; et que si celles-ci ne conduis­ent pas à la troisième, elles paraissent quelque chose, mais en réalité elles ne sont rien. La première, en effet, si elle n’aboutit à la trois­ième, sème beaucoup et ne recueille pas ; et la seconde, si elle n’est pas ordonnée à la troisième, chemine et n’arrive pas à destination, puisqu’elle n’atteint pas son but. Il termine en disant que la première désire, que la seconde respire le parfum et que la troisième goûte l’aliment114.

Dans les deux premières parties de l’oraison, l’âme se prépare à prier et à parler à Dieu ; mais si elle ne passe à la troisième, elle ne prie pas et ne parle pas à Dieu, elle se parle à elle-même. C’est ce qu’affirment les maîtres de la théologie mystique et scolastique. C’est pour cela que S. Bernard nous dit que la troisième est le fruit des deux autres, parce que là seulement on négocie avec Dieu. Aussi n’appelle-t-il pas la méditation discursive une oraison. Il ne donne ce nom qu’à la considération attentive à Dieu, qui vient après le discours, et où l’âme reçoit le fonds surnaturel qui est le but de la méditation115.

Le même Saint dit ailleurs : » Que sert à l’homme de reconnaître par la méditation discursive ce qu’il doit faire, s’il ne reçoit pas dans l’oraison paisible le secours surnaturel et la grâce de Dieu qui le font exécuter ? 116 En effet, comme le dit S. Thomas, « le discours de la raison restera sans effet, s’il ne se termine à la vérité et à la simplicité de la pureté intellectuelle."117

S. Denis lui-même, après avoir traité du discours imaginatif et de la réflexion intellectuelle qui le suit, ajoute : « Après toute la réflex­ion que nos efforts personnels peuvent produire sur les mystères représ­entés, apaisons les opérations intellectuelles de notre vertu active et, laissant notre âme ouverte à l’illumination divine, plongeons-nous en Dieu autant que cela est possible en cette vie, et cela par la lumière simple de la foi »118.

Cette façon de méditer, conseillée par les saints, est celle que notre Père Jean de la Croix enseignait et inculquait à ses disciples ; c’est par elle qu’il les amenait rapidement à la contemplation et qu’il les mûrissait à cet effet. Il leur recommandait de donner peu de temps a la représentation des figures formées dans l’imagination, et de ne pas faire de grands efforts pour former ces images, ni pour les retenir une fois formées, ni pour entrer dans beaucoup de détails, parce qu’il en résulte des inconvénients. En effet l’expérience, non moins que la philosophie et le témoignage des maîtres de la vie spirituelle, nous enseigne que la puissance ou vertu qui produit ces représentations se sert pour cela des organes corporels, et par conséquent elle se fatigue, et parfois même défaille dans son opération, si elle la continue long­temps. Car lorsqu’une pensée se forme profondément et fortement dans la faculté imaginative et estimative, elle cause une lésion à celui qui imagine de la sorte.

Aussi notre bienheureux Père recommandait-il beaucoup que cette première partie de la méditation s’exerçât avec modération, et seulement en vue de fournir matière suffisante à la réflexion. Il conseillait de prendre un mystère de la Vie ou de la Passion de Jésus-Christ ou un autre sujet profitable, brièvement représenté. Il demandait qu’on sortît promptement des objets corporels et particuliers, pour s’attacher aux spirituels et universels, et qu’on se servît des premiers comme d’échelons pour monter aux seconds ainsi que le veut S. Denis119.

Il tâchait aussi de sevrer promptement ses disciples de cette médi­tation figurative, de crainte qu’à la longue la fatigue ne survînt, et que d’autre part ils ne se rendissent inaptes à une oraison plus spirituelle. Péril que signalent également les autres mystiques, et où tombent fréquemment les âmes qui ne sont pas guidées dans cette voie par un maître expérimenté.

Dans la seconde partie de la méditation, qui est la réflexion act­ive sur le sujet qu’on s’est représenté, il leur apprenait à approfondir par la lumière surnaturelle le mystère des figures qui s’étaient gravées dans leur esprit. Il recommandait de s’arrêter davantage à cette partie qu’à la première.

S’agissait-il de la Passion de Notre-Seigneur, il leur faisait peser la grande miséricorde du Fils de Dieu, du Dieu qui a voulu souffrir tant d’indignités pour ceux-là mêmes qui l’avaient offensé. À quoi il ajoutait les autres circonstances qu’on conseille d’envisager : qui est Celui qui souffre, l’amour avec lequel il souffre, comment il souffre, etc. puis l’abominable malice du péché, que Jésus-Christ a détesté et pour lequel il a voulu satisfaire par tant d’ignominies et de douleurs. Il leur apprenait a s’unir à leur Sauveur par une compassion pleine de reconnaissance, à déplorer les péchés qu’ils avaient commis et à recevoir les leçons que Jésus-Christ leur enseigne de sa croix comme du haut d’une chaire, afin de reproduire ensuite les vertus qui resplendissent héroïquement en lui. Et ceci revient à ce que notre Mère sainte Thérèse explique au Chapitre XIII du Livre de sa Vie.

Il leur enseignait ensuite à passer de cette réflexion active à une autre plus lumineuse, produite par la motion divine lorsque l’âme s’élève des actes de la raison à la lumière simple de la foi. Il leur disait qu’on en venait là en apaisant l’opération intellectuelle mue de l’industrie propre, l’âme se tenant attentive a Dieu dans l’acte de l’amour. Or, l’acte de l’amour, comme l’explique S. Thomas, n’est autre chose que l’application de la volonté à Dieu comme a son souverain Bien120. Et plus cet acte est continué, plus l’effet en est efficace, comme le même Saint le prouve par l’exemple de celui qui s’expose à l’action du soleil ou du feu pour en être échauffé, et qui reçoit d’autant plus de chaleur qu’il s’y expose plus longtemps121.

C’est à cette troisième partie de l’oraison, c’est-à-dire au repos en attention à Dieu, qui perfectionne la méditation et en fait recueillir les fruits, que notre bienheureux Père recommandait de s’arrêter davantage, parce que c’est là qu’on ouvre la porte à l’illumination divine et que l’âme se met en état d’être mue surnaturellement, en vue d’effets également surnaturels. Et par le fait, comme le disent S. Denis et S. Thomas, tant que nous nous appuyons sur notre opération propre, mue par la raison naturelle, nous sommes à nous-mêmes : mais lorsque nous apaisons cette opération pour nous transférer au repos de la foi et nous unir par elle aux choses divines, au-dessus de tout ce que l’entendement et la raison peuvent atteindre, alors, disent ces deux Saints, nous nous divinisons et cessons d’être à nous : nous devenons divins. Alors aussi nous recevons les accroissements des dons infus, qui nous détachent véritablement de nous-mêmes et nous unissent à Dieu.

CHAPITRE IV. Nécessité des Vertus pour parvenir à la contemplation.

Dans le repos attentif, 1’âme, une fois ouverte aux illuminations divines, doit porter ses désirs vers l’acquisition des vertus. – L’Esprit-Saint favorise l’âme conformément au mode de son recueille­ment. – Comment hors de l’oraison il convient de combattre les appétits
désordonnés — S’élever de ce qu’il y a de visible en Jésus-Christ à ce qu’il y a en lui d’invisible.

C’est ainsi que notre bienheureux Père conduisait ses disciples par les degrés sensibles aux degrés spirituels, les disposant à passer de la méditation à la contemplation, de l’aliment des enfants, comme parle l’Apôtre, a l’aliment et a la nourriture solide de ceux qui sont hommes faits dans la vie spirituelle122. À mesure qu’ils profitaient, il perfectionnait progressivement leur méditation, leur faisant hâter le pas dans ses parties encore imparfaites, et s’arrêter davantage à ce qu’elle offre de plus parfait. De cette façon, avant même d’avoir laissé de côté les moyens sensibles, ils étaient déjà contemplatifs. Leur méditation se terminait à la contemplation, et avant d’aborder directement celle-ci, ils avaient vaincu la plus grande difficulté qui se rencontre dans la vie contemplative, celle qui fait, au dire des maîtres en la science mystique, qu’il y a peu de contemplatifs, je veux dire : savoir apaiser l’âme en Dieu, afin qu’elle soit illuminée et mise en mouvement par lui. En effet, l’homme est si habitué à agir activement, par son industrie propre et par le mouvement de sa raison, que si on le retire des actes qui en procèdent, il se figure aussitôt perdre le temps, alors cependant qu’il reçoit d’une manière passive l’illumination et l’influence divine, non toutefois communiquée si puissamment qu’elle suspende l’opération propre.

Ainsi c’est dans ce repos attentif que le Père Jean de la Croix apprenait à ses disciples à s’entretenir avec Dieu, non par le discours de l’entendement, mais par la voix des affections, qui, au dire de S. Grégoire, résonne plus suavement aux oreilles de Dieu que tout autre, et négocie avec lui plus sûrement123.

Il leur enseignait aussi l’application de leur volonté et de leur oraison à la mortification de leurs passions et de leurs affections désordonnées, ainsi qu’à l’acquisition des vertus nécessaires pour y arriver. Dans ce but, il leur indiquait deux moyens donnés par S. Thomas pour cet exercice124. Le principal est pour l’oraison même ; l’autre, moins essentiel, pour le reste du temps. Le premier procède du secours de la grâce, l’âme se disposant à recevoir ce secours. L’autre vient de l’effort personnel, aidé de ce même secours.

Premier moyen. Il conseillait que pendant le repos attentif de l’oraison, dans la lumière simple de la foi, alors que l’âme est ouverte aux illuminations et aux influences divines, tandis qu’elle reçoit les accroissements des dons infus, comme parle S. Denis125, on portât fortement ses désirs vers Notre-Seigneur, en vue de recevoir de lui les vertus dont on sentait davantage le besoin, et la guérison des vices dont on était plus violemment molesté.

Suivant l’enseignement de S. Thomas, les influences divines se communiquent dans l’oraison suivant le mode de celui qui les reçoit126, soit d’une façon particulière, soit d’une façon universelle. À raison donc de ce désir spécialement formé, l’influence divine se communique ce désir. Pour en convaincre ses disciples, notre Maître avait coutume de leur apporter cette doctrine de S. Thomas : que le Saint-Esprit favorise l’âme recueillie suivant le mode de son recueillement127. Cette autre parole du même Saint lui était aussi très familière : que « les effets de la grâce divine se multiplient à la mesure des désirs."128.

Pour tous ces motifs, disait-il, le vrai moyen d’acquérir les vertus dans l’oraison est de les obtenir de Dieu au moyen d’ardents désirs, portés sur le besoin spécial qu’on en a. Il blâmait les longs discours dans l’oraison, même en vue de se pénétrer de l’utilité des vertus, disant que c’est un exercice propre à un autre temps et que ces longs discours font obstacle à l’influence divine. Or, c’est de l’influence divine que les vertus infuses reçoivent leur accroissement et leur perfection, ainsi que nous le verrons plus loin.

Second moyen. Tout le reste du jour, il conseillait de mortifier et de combattre tous les appétits désordonnés et imparfaits, de réprimer les mouvements impétueux qui naissent des passions mauvaises, pour empêcher qu’ils n’éclatent au dehors en actes désordonnés - ce qui est l’œuvre de nos efforts aidés de la grâce, - enfin d’ordonner à ce but les dons reçus dans l’oraison.

Pour faciliter cette réforme des appétits, il indiquait divers moyens, aussi prompts qu’efficaces à conduire au but qu’on se propose. I1 en a marqué quelques-uns au Chapitre XIII du Livre Ier de la Montée du Carmel.

Enfin, comme modèle de toutes les vertus, il leur présentait Jésus-Christ, divin exemplaire de notre perfection : « Entretenez avant tout, disait-il, un désir habituel d’imiter Jésus-Christ en toutes choses, en vous conformant à sa vie, qu’il importe de considérer afin de la reproduire et de se comporter en tout comme il se comporterait lui-même129.

Cette méditation de la Vie et de la Passion de Jésus-Christ, il enseignait d’abord à s’y exercer d’une manière sensible - bien qu’avec la modération indiquée plus haut, - disant comment il fallait se représ­enter brièvement par l’imagination le fait ou le mystère a méditer, et passer ensuite aux autres parties de la méditation. Puis, quand ses disciples avaient progressé et acquis les connaissances qui sont la porte conduisant à la contemplation, il faisait à leur égard comme on fait avec les petits enfants à qui l’on apprend d’abord à marcher appuyés sur un petit chariot, et que l’on en prive ensuite, afin qu’ils marchent sans appui.

C’est ainsi qu’il leur apprenait à se déshabituer de l’appui que nous trouvons dans ce qu’il y a de corporel en Jésus-Christ, afin qu’une fois entrés par la porte, qui est la sainte Humanité, ils eussent accès à l’appartement et au but lui-même, c’est-à-dire à la Divinité, en quoi, nous dit S. Thomas, consiste principalement la dévotion130.

Dans cette vue, il leur inculquait le magistral enseignement que donne à ce sujet S. Bonaventure, lorsqu’il dit : « Bien que la chair de Jésus-Christ soit la porte donnant accès à la Divinité, qui réside sec­rètement en elle, néanmoins l’aliment fourni par cette Humanité sacrée n’est pas suffisant à la dignité de notre âme, laquelle ne peut être rassasiée que par Celui qui, sous le voile de la chair, se cache aux regards humains. Il faut donc, durant l’oraison, écarter ce voile autant qu’il nous est permis de le faire, nous tenir à l’écart de ce qui est corporel et humain, et nous plonger, par la pure et simple intelligence, en ce qu’il y a dans ce divin Maître de spirituel et de divin131.

Par une doctrine toute semblable, notre Maître élevait l’entende­ment de ses disciples de ce qu’il y a de visible en Jésus-Christ à ce qu’il y a en lui d’invisible. Il les invitait à se faire de sa grandeur et de son excellence un concept très sublime, fondé sur la foi plutôt que sur les sens, afin que l’entendement, fermant les yeux à ce que le raisonnement peut lui fournir par rapport à cette souveraine Grandeur, se plongeât, à l’aide d’une autre lumière, dans son incompréhensible immensité. En quoi il imitait S. Denis, qui apprenait à ses disciples à se former du Christ Notre Seigneur un concept supérieur à tout ce que notre entendement peut percevoir en cette vie.

CHAPITRE V. La Contemplation de Dieu par une notion de foi simple et amoureuse, but de la méditation.

S. Jean de la Croix indiquait d’avance à ses disciples le but vers lequel ils marchaient —Importance du choix des moyens pour arrivera l’illumination divine —De deux dissemblances de notre entendement avec la lumière divine —De la fuite des révélations.

Chaque artisan enseigne à ses élèves non seulement les principes de son art, mais encore les secrets plus parfaits qui s’y rencontrent, afin qu’ils les connaissent d’avance et soient capables de les mettre en pratique quand le temps et les circonstances le demanderont. De même, notre bienheureux Père faisait connaître à ses enfants la fin et le terme où les conduiraient ces débuts de la méditation, à savoir : la con­templation simple de Dieu, par une notion de foi simple, amoureuse et pure. Il leur disait comment par la porte de l’Humanité de Jésus — Christ ils entreraient dans l’appartement de la Divinité, où l’âme se repose comme dans son centre.

Il leur indiquait aussi les marques auxquelles on reconnaît qu’il est temps d’entrer par cette porte au lieu de notre repos, c’est-à -- dire de faire l’heureux passage de la méditation à la contemplation, ainsi qu’il l’a marqué aux Chapitres XIII et XIV du Livre II de la Montée du Carmel. Ils savaient dès lors jusqu’où ils devaient diriger la proue de leur navigation ; et avant même de quitter la conduite de leur maître, ils connaissaient les moyens et la fin de leur Institut et de leur Profession — qui sont ceux de la vie contemplative — en un mot, les sommets où ils avaient à se fixer et à s’établir.

De cette façon, il les garantissait d’un notable dommage et d’un grand obstacle qui se rencontrent en ce chemin, qui est de s’attacher volontairement aux moyens les moins profitables, et cela, parce qu’on ignore qu’il y en a de plus utiles. C’est ce qui advint à cet ancien solitaire, qui toute sa vie avait prié au moyen de représentations matérielles, et qui, lorsqu’on voulut le ramener a une oraison plus spirituelle, se plaignait qu’en lui enlevant ses figures, on lui avait enlevé son Dieu.

Surius rapporte, dans la Vie de S. Jean Damascène que ce Saint ayant pris l’habit de moine dans le monastère de S. Sabas, près de Jérusalem, il y fut instruit par un vénérable vieillard, son maître, sur la manière de faire oraison. Parmi les premières leçons que ce maître lui donna, il lui marqua deux choses, auxquelles se rapporte la plus grande partie des écrits de notre bienheureux Père.

Première Leçon. Il lui faisait apporter tous ses soins à obtenir que son esprit fût illuminé de Dieu. Pour s’y disposer, il devait s’efforcer de ramener au-dedans toutes les forces sensibles et spirit­uelles dont il disposait, en sorte que le corps et la partie inférieure de l’âme s’unissent à leur manière à la partie supérieure de l’esprit. Ainsi, ce qu’il y a en nous de sensible se joint en quelque façon à ce qu’il y a en nous de spirituel, ce qui s’obtient par la modération de nos opérations inquiètes et le rejet des figures ou représentations sensibles. L’union de ces trois parties : le corps, l’âme et l’esprit étant faits, l’esprit peut s’unir sans obstacle à la bienheureuse et très simple Trinité, et le contemplatif est en état de passer de l’état charnel et sensible à l’état spirituel.

Ceci nous montre que dans les noviciats des Pères du désert on mettait en pratique la doctrine de S. Denis concernant la contemplation. Ce Saint, en effet, parle du mouvement circulaire, qu’il dit être l’acte propre de la contemplation, et suivant lequel l’âme se retire de toutes les choses extérieures, entre dans son intérieur, et là rassemble toutes ses forces pour ensuite s’unir a Dieu132. Cette disposition, dit S. Thomas expliquant S. Denis, s’obtient en purifiant l’entendement de deux dissemblances qu’il a avec la lumière divine, à savoir, la représentation imaginaire des objets sensibles et le discours de la raison sur ces mêmes objets ; en réduisant ensuite toutes les opérations de l’âme à la contemplation simple de la souveraine Vérité133. C’est cette même doctrine que notre bienheureux Père enseignait à ses discip­les et qu’il a laissée dans ses Écrits.

Seconde Leçon. On apprenait de plus à S. Jean Damascène à se garder de tout désir relativement aux visions surnaturelles et aux révélations des choses cachées, afin de fermer la porte aux pièges nombreux que le démon peut sur ce point tendre aux contemplatifs.

En ceci également notre bienheureux Père insistait beaucoup auprès de ses disciples, comme on peut le voir au Livre II de la Montée du Carmel. Il avait coutume de les affermir solidement dans 1’estime des vertus et de déraciner en eux celle des visions et des révélations. Il a laissé sur cette matière une doctrine si sure et si admirable, qu’on n’en rencontre pas d’aussi achevée dans les autres auteurs mystiques ; car il marque d’une manière claire et précise toutes les notions surnaturelles que les contemplatifs reçoivent d’ordinaire dans l’oraison, et il indique nettement celles qu’on doit rejeter comme dangereuses, celles qu’on peut admettre comme assurées.

Cependant, lorsque ses disciples lui faisaient part de quelques notions surnaturelles qu’ils avaient eues, il les écoutait bénignement ; puis il s’efforçait de les ramener de ces notions distinctes aux com­munications simples et indistinctes, reçues par la foi, et à ne s’attacher qu’à celles-là. Effectivement, c’est dans ce but que Dieu les présente, ainsi que l’explique S. Denis134, et pour qu’elles servent comme d’échelons pour arriver aux communications indistinctes. Par la il mettait les âmes en sûreté, les détachants des notions distinctes, et en même temps leur faisant recueillir le fruit que Dieu attache à celles qui viennent de lui.

S. Bonaventure en usait de mène et donnait le même conseil, non seulement à l’égard des révélations, mais encore relativement aux joies et aux consolations surnaturelles, de crainte que les âmes ne reçoivent avec celles qui viennent de Dieu, celles dont le démon est l’auteur, ou qu’elles n’usent mal des premières par crainte des secondes135.

CHAPITRE VI. Des Maîtres spirituels qui entravent la marche des âmes contemplatives.

Du petit nombre de maîtres spirituels qui entendent les voies de l’esprit —Malheur d’une âme qu’on applique au travail de l’imagination quand Dieu l’appelle au repos intérieur —S. Paul déplorait déjà l’erreur des contemplatifs qui s’arrêtent plus qu’il ne faut aux premiers moyens —Pourquoi la plupart des contemplatifs travaillent beaucoup et recueillent peu —Plaintes de S. Thomas a ce sujet.

Le P. Jean de la Croix déplorait que parmi tant d’hommes qui se donnent pour maîtres spirituels, il y en ait si peu qui conduisent les âmes contemplatives par le vrai chemin de l’esprit, et qu’il s’en ren­contre tant qui, au lieu de les rapprocher de Dieu tous les jours davantage, les éloignent de lui, et cela parce qu’ils ne les conduisent point par la voie où Dieu les mène, mais par des chemins de leur invention. Dans un exposé des dommages que ces maîtres spirituels causent aux âmes, exposé digne d’être gravé dans notre mémoire, il s’exprime ainsi : « Mon cœur est touché d’une pitié profonde en voyant des âmes reculer au service de Dieu parce qu’elles résistent aux divines onctions, en arrêtent le cours et en perdent le fruit. »

Et un peu plus loin. « Le malheur de voir entraver l’action divine sera le partage de l’âme qui se laissera guider par un aveugle. Or les aveugles qui peuvent égarer une âme sont au nombre de trois : il y a le maître spirituel, il y a le démon et il y a l’âme elle-même. »

Il poursuit : « Parlons d’abord du premier aveugle. L’âme qui veut avancer dans le recueillement intérieur et dans la perfection doit bien considérer en quelles mains elle se place ; car tel maître, tel disciple, et tel père, tel fils. Or, pour parcourir ce chemin, ou du moins pour atteindre ce qu’il présente de plus élevé, et même de médiocre comme hauteur, elle aura toutes les peines du monde à rencontrer un guide capable et doué des qualités voulues. Il faut qu’il soit instruit, prudent, expérimenté. Quand il s’agit de direction spirituelle, le savoir et la prudence sont des qualités fondamentales. Mais si l’expérience des voies très élevées fait défaut, le directeur ne saura pas conduire l’âme que Dieu y fait entrer, et il ne comprendra même pas qu’elle marche par ces voies. Nombreuses sont les âmes auxquelles de tels maîtres spirituels font ainsi le plus grand tort. Comme ils n’entendent rien aux voies de l’esprit, ils font perdre à ces âmes l’onction de ces délicats parfums, au moyen desquels l’Esprit-Saint les dispose à son action. Ils les conduisent par des méthodes vulgaires, dont ils se servent pour eux-mêmes ou qu’ils ont trouvées dans les livres, et qui ne sont bonnes que pour les débutants. Comme ils ne savent gouverner que ceux qui commencent — et encore Dieu veuille qu’ils le sachent : - ils ne permettent pas aux âmes de dépasser ces premières méthodes dis — cursives et imaginaires, qui n’élèvent jamais une âme au-delà de sa capacité naturelle et qui ne sauraient mener loin."136.

La grandeur du dommage subi par les âmes et la douleur qu’en éprouve notre bienheureux Père remplissent tout ce long discours. Bien grand, en effet, est le tourment infligé par les maîtres spirituels, quand Dieu appelle d’un côté et que le directeur appelle d’un autre : Dieu à la pureté, à la simplicité, au repos de l’esprit, le directeur, au contraire, au mouvement de l’imagination et au travail inquiet de la raison, qui contrarient dans l’âme la très pure communication de Dieu. C’est ce que S. Thomas démontre parfaitement137.

L’Apôtre S. Paul ne se lamentait pas moins de voir les personnes d’oraison perdre un temps considérable en s’arrêtant plus qu’il ne convenait aux premiers moyens. C’est ainsi que s’adressant aux con­templatifs — c’est S. Denis, son disciple, qui l’affirme dans son Epître à Tite, disant qu’il a entendu l’Apôtre traiter ce sujet de sa propre bouche, — il dit dans son Épître aux Hébreux : « Lorsqu’en raison du temps, vous devriez être maîtres, vous avez encore besoin qu’on vous enseigne les premiers éléments de la parole de Dieu. Ainsi, vous êtes devenus tels, qu’il vous faut du lait et non de la nourriture sol­ide. Or quiconque se nourrit de lait, est privé des paroles de la justice, parce qu’il est encore petit enfant. Mais c’est pour les parfaits qu’est la nourriture solide, pour ceux qui ont habituellement exercé leur esprit au discernement du bien et du mal138.

S. Denis, expliquant ce passage dans son Épître à Tite, son condisciple, dit que l’Apôtre appelle lait, aliment liquide et peu subst­antiel, celui que l’on tire de la méditation des objets sensibles et distincts, et nourriture solide et substantielle celle qui nous est communiquée dans la contemplation intellectuelle, simple, des choses divines. Dans sa conclusion, l’Apôtre nous enseigne que lorsque l’âme a l’habitude de la méditation, elle est apte a laisser de côté le lait des enfants, pour passer à l’aliment solide. En même temps, il nous apprend que l’âme tire peu de substance du lait des enfants, et que, tant qu’elle continuera à s’en nourrir, elle restera petite et impar­faite. Chose qui se vérifie clairement en beaucoup de personnes qui, après dix et vingt ans d’oraison imaginative et discursive, semblent n’avoir pas fait le premier pas dans la vertu.

Les grands maîtres de la science mystique sont du même sentiment. Ils déplorent que, faute d’une conduite sage et expérimentée, la plupart des contemplatifs travaillent beaucoup, animés qu’ils sont de bons désirs, et néanmoins recueillent fort peu.

L’un de ces maîtres, homme docte et de grande expérience en matières spirituelles, Jean Tauler, parlant de la contemplation intellectuelle de foi, qui est le moyen le plus proche pour l’union divine, se lamente ainsi d’une telle perte : « Cette contemplation, — dit-il, est le chemin raccourci de toute sainteté, par lequel on atteint facilement le but suprême de la vraie perfection. Et cependant, sur mille qui s’adonnent à 1’oraison, à peine en est-il un qui y tende véritablement, chacun perdant son temps et ses forces en des moyens de peu de valeur. La plu­part passent de longues années sans faire aucun progrès dans les voies de l’esprit parce qu’ils dédaignent pour leur malheur ce bien incomparable139. »

Mais qui portait plus impatiemment semblable perte et sentait un plus vif regret en voyant que, faute de maîtres expérimentés, une foule de personnes ayant de bons désirs passaient de longues années à se briser la tête avec peu de profit, c’était S. Thomas. La peine qu’il en ressentait le pressait si fort, que, tout modeste qu’il était par tempérament lors même qu’il s’adressait aux païens et aux hérétiques, il oubliait, ce semble, cette réserve quand il était question d’une perte si déplorable et si commune, que souffrent les contemplatifs. Écoutons-le à ce propos : « Grand aveuglement et folie profonde que celle de tant de gens, qui sans cesse cherchent Dieu, qui soupirent continuel­lement pour lui, qui crient sans relâche vers lui dans la prière, alors que, selon la parole de l’Apôtre, ils sont eux-mêmes le temple du Dieu vivant, que Dieu habite véritablement en eux, puisque leur âme même est le trône où il repose sans cesse : Qui donc, si ce n’est l’insensé, cherche hors de chez lui l’outil qu’il sait y être enfermé ? Et qui peut se servir utilement d’un outil qu’il cherche de tous côtés ? Qui se trouvera réconforté d’un aliment dont il a faim et qu’il ne goûte jamais ? Telle est pourtant l’existence que mène un juste qui cherche Dieu sans répit par les raisonnements de la méditation, et ne jouit jamais de lui dans le repos de la contemplation.140 »

Ainsi parle S. Thomas. Rien d’étonnant donc si notre bienheureux Père éprouvait la même douleur et exprimait de si amers regrets, puisqu’il était conduit par le même esprit.

CHAPITRE VII. Du moment où les âmes doivent laisser de côté les actes discursifs des commençants.

De l’habitude de la méditation —Deux points constituent cette habitude : la connaissance et l’amour sensible —Très peu d’actes suffisent pour acquérir la connaissance —L’acquisition de l’amour sensible demande un peu davantage —Combien il est important de tenir compte de l’appel de Dieu —La contemplation de foi, participation à celle des Bienheureux.

Puisqu’au dire de l’Apôtre, ceux qui ont l’habitude de la médit­ation de manière à faire la distinction entre le bien et le mal — méd­itation qui doit avoir pour objet la Vie et la Passion de Jésus-Christ, ainsi que les fins dernières — sont aptes à passer à — la contemplation, il convient, pour éclaircir davantage la doctrine de notre bienheureux Père, de dire quelque chose de la substance de cette habitude.

Il nous en parle lui-même au Chapitre XIII du Livre de la Montée du Carmel, après avoir indiqué plusieurs marques qui montrent que l’âme est apte à la contemplation : « Quand ces marques se rencontrent dans une âme, dit-il, elle possède l’esprit de la méditation, en substance et en habitude. Le but de la méditation discursive sur les choses divines est d’en retirer quelque connaissance et quelque amour de Dieu.

Chaque fois que l’âme obtient cette connaissance amoureuse, c’est un acte qu’elle produit, et comme des actes répétés, quels qu’ils soient, finissent par engendrer une habitude, ainsi un grand nombre d’actes de connaissance amoureuse finissent, grâce à la continuation, par former dans l’âme une habitude. Cette connaissance, Dieu la produit souvent en elle sans le secours de ces actes de la méditation, ou du moins sans qu’un grand nombre de ces actes aient précédé, et il la met sur-le-champ en contemplation amoureuse. »

S. Bonaventure, parlant de l’acte de la connaissance, dit que c’est le premier fondement dont nous pouvons nous aider, pour nous élever ensuite à la contemplation qui se fait sans l’appui des objets créés, mais par la lumière de la foi et l’illumination divine141.

Lorsque notre bienheureux Père nous dit que la substance de l’hab­itude de la méditation consiste dans la connaissance amoureuse, il indique les deux points qui constituent cette habitude : la connaissance et l’amour sensible. La première se rapporte à l’entendement, la sec­onde à l’affection. Pour acquérir l’habitude de cette connaissance, peu d’actes suffisent, parce que lorsque l’énoncé d’une vérité a de lui-même une fermeté et une certitude indubitables — comme sont les vérités de la foi et celles qui se démontrent par elles-mêmes, — il faut très peu d’actes pour que l’habitude se forme. C’est ce qu’enseigne S. Thomas142. Or les vérités sur lesquelles s’exerce notre méditation sont de cette nature, puisqu’il s’agit de la Vie et de la Passion de Jésus-Christ, de la mort, du jugement, des peines de l’enfer de la gloire du ciel. Il ne faut donc pas grand temps à celui qui s’y exerce fréquemment pour en acquérir l’habitude. Ainsi, pour ce qui regarde la connaissance, l’âme est promptement assez faite à la méditation pour passer à la contemplation.

Du côté de l’affection, il y a plus de difficulté. En effet, pour arriver à l’aptitude nécessaire, il faut que l’appétit sensitif, qui correspond à l’imagination, se dispose par la douceur de la méditation à suivre, comme parle S. Denis143, le mouvement de la volonté qui se porte vers les choses divines, et qu’il s’adapte à elles à sa manière.

C’est ce qu’indique notre Maître quand il dit : « Ce qui convient aux commençants, c’est de méditer, de produire des actes discursifs. Dans ces débuts, l’âme a besoin qu’on lui fournisse un sujet sur lequel elle puisse s’exercer et tirer profit de la ferveur sensible que présentent les choses spirituelles. Par là, elle habitue ses sens et ses appétits aux choses de l’esprit. Attirés par cette saveur, ils se dét­achent de ce qui est du siècle144.

Pour l’adaptation de l’appétit sensitif, S. Bonaventure estime que c’est assez d’un mois ou deux de méditation et de l’exercice d’aspiration à Dieu, qui s’y pratique.145.

Mais quand Notre-Seigneur favorise les nouveaux contemplatifs de recueillements savoureux infus, procédant de l’influence que S. Denis appelle diffusive, parce qu’elle se répand de la partie supér­ieure a l’inférieure comme par redondance, il faut alors bien moins de temps. C’est ce que notre bienheureux Père a déjà indiqué dans les paroles citées plus haut, parce que ces recueillements pleins de suav­ité mûrissent plus promptement l’appétit. Ce sont, dit encore S. Denis, des appels de Dieu pour attirer l’âme au-dedans d’elle-même, là oú Dieu tient avec elle ses amoureux colloques et ses retours d’amour. Par là, il la prend en quelque sorte par la main, la retirant de la multiplicité et de la division des actes de l’imagination et de la raison, pour l’amener a la connaissance intellectuelle, pure et simple, et à la lumière de la foi.146.

Quand l’âme a ce qu’il lui faut en fait de moyens sensibles, elle n’a plus envie de méditer ni de discourir, et c’est là une marque très assurée qu’elle est apte à passer à la contemplation.

Hugues de Saint-Victor applique à ce sujet les paroles de David : « Il a disposé des degrés en son cœur, dans la vallée des larmes, afin d’avancer par leur moyen de vertu en vertu jusqu’à contempler le Dieu des dieux dans Sion.147 L’âme étant arrivée à goûter en chaque degré la nourriture qui lui convient, elle cesse d’y avoir du goût, parce qu’elle est disposée à monter au degré suivant.

C’est cette doctrine que notre bienheureux Père nous enseigne au Chapitre XII du Livre II de la Montée du Carmel, lorsqu’il dit : « Pour entrer dans la voie de l’esprit, qui est la contemplation, l’âme spir­ituelle doit quitter la voie imaginative de la méditation sensible au temps où elle n’y trouve plus de goût et où elle se sent incapable de discourir. Cette absence de goût et cette impossibilité de discourir ont deux causes, qui, à le bien prendre, n’en font qu’une. La première c’est que l’âme a reçu en quelque manière tout le bien qu’elle pouvait tirer des choses de Dieu par la voie de la méditation et du discours. Ce qui l’indique, c’est son impuissance à méditer et à discourir, comme aussi la soustraction du goût et de la saveur qu’elle y rencontrait, alors qu’elle n’avait pas épuisé la grâce qui s’y trouvait pour elle. D’ordinaire en effet, quand l’âme reçoit un bien spirituel, elle goûte le moyen qui le lui procure, parce que ce moyen lui est préférable, et ce serait merveille qu’elle goûtât un moyen qui ne lui profite pas... La seconde cause, c’est que l’âme possède maintenant l’esprit de la méditation en substance et en habitude. »

La raison donc pour laquelle méditer lui est devenu impossible c’est qu’elle n’y rencontre plus ni saveur ni profit.

La doctrine de notre Mère sainte Thérèse concorde bien avec celle de notre bienheureux Père. Parlant des âmes aptes à passer de l’oraison discursive à celle de simple vue, elle dit : « Il est certain qu’après avoir été élevée à la contemplation, l’âme se trouve dans l’impuissance de discourir comme auparavant sur les mystères de la Passion et de la Vie de Jésus-Christ. La cause, je l’ignore, mais le fait est qu’ordinairement l’esprit se trouve ensuite peu capable de la méditation.. Dans la méditation tout consiste à chercher Dieu ; une fois qu’il est trouvé et que l’âme a pris l’habitude de ne plus le chercher que par les actes de la volonté, elle ne veut plus se fatiguer en faisant agir l’entende­ment. Je crois aussi qu’une fois la volonté enflammée, cette généreuse puissance voudrait, s’il était possible, se passer du secours de l’en­tendement."148.

Elle conseille ensuite la connaissance de simple vue, appuyée sur les mystères de la sainte Humanité ; car pour ce qui est de la con­templation de la Divinité exercée uniquement par la lumière de la foi, avec le secours ordinaire de la grâce — c’est-à-dire en un miroir et en énigme, comme parle S. Paul149, — elle n’eut personne pour l’en inst­ruire avant qu’elle entrât en relation avec notre bienheureux Père et son compagnon150. Ainsi, toutes les fois que dans ses livres elle nomme la contemplation, elle entend parler de la contemplation totalement infuse.

Nous savons maintenant ce que c’est l’habitude de la méditation, et comment quand une âme l’a acquise, elle est apte à passer à la contemplation. Nous savons également que, pour l’acquérir, le temps considérable qu’on y emploie d’ordinaire n’est nullement requis. Aussi, il nous est facile de comprendre avec combien de raison notre bienheur­eux Père se plaignait des maîtres spirituels qui se mettent peu en peine de garder leurs disciples d’un si grand inconvénient.

Pour lui, il possédait en un degré très rare le don de conduire les âmes contemplatives et de les faire passer promptement de l’enfance spirituelle à l’âge parfait de la vertu. Il pénétrait avec facilité deux points sans la connaissance desquels les maîtres spirituels sont incapables de guider sûrement les âmes. En premier lieu, il distinguait à quel degré se trouvait chaque âme. En second lieu, il discernait la voie par où Dieu la conduisait, afin de la guider par cette voie heureusement et sûrement. Aussi avait-il en horreur ces maîtres qui, sans examiner les appels de Dieu — qui ne manquent jamais de se manifester en toute âme détachée — veulent les adapter toutes à leur mode à eux, mode commun et vulgaire, et les réduire toutes à un même niveau, parce qu’ils ne connaissent qu’un seul chemin, et un chemin peu spirituel et encore moins profitable. S’adressant à ces directeurs, il leur donne l’admirable enseignement que voici :

« Combien souvent arrive-t-il que Dieu répand dans une âme contemplative une de ces délicates onctions, faite de connaissance amoureuse, sereine, pacifique, solitaire, bien éloignée du sens et du raisonnement, qui prive l’âme du pouvoir de méditer et de réfléchir, qui ne lui laisse goûter ni les choses d’en haut, ni les choses d’en bas, parce que Dieu la tient tout occupée de cette onction solitaire qui incline à l’oisiveté et à l’isolement.

« Or voici que se présente un de ces maîtres spirituels qui ne sav­ent enseigner qu’à se servir des puissances pour frapper et marteler à la manière des forgerons. Comme il ne connaît pas autre chose et que toute sa science se réduit à l’exercice de la méditation, il dira : allons ! laissez tout cela ! C’est pure oisiveté et perte de temps. Prenez un sujet, méditez, produisez des actes. Mettez en œuvre tous les moyens dont vous disposez : le reste n’est qu’illuminisme et fantasmagorie.

« Les gens de cette classe n’entendant rien aux degrés de l’oraison et aux voies spirituelles, ne s’aperçoivent pas que ces actes qu’ils exigent de l’âme, elle les a déjà produits, et que cette voie discursive, elle l’a déjà parcourue, puis qu’elle est parvenue à la négation de tout le sensible... Voici un voyageur qui a fourni sa route et est parvenu au terme. S’il s’obstine à marcher encore pour y arriver, outre qu’il se rendra ridicule, il ne fera plus que s’éloigner du but atteint.

« Mais les directeurs dont je parle ignorent ce que c’est que le recueillement et la solitude spirituelle, oú Dieu imprime en l’âme les onctions si élevées dont nous traitons. Ils y superposent ou y entremêlent des onctions vulgaires, c’est-à-dire des méthodes inférieures, qui consistent à faire travailler l’âme. Et cependant il y a autant de différence de l’un à l’autre que d’une œuvre humaine à une œuvre divine, du naturel au surnaturel. D’un côté, en effet, Dieu opère surnaturellement dans l’âme ; de l’autre, l’âme opère naturellement. Et le pire est qu’en voulant exercer son opération naturelle, l’âme perd la solitude et le recueillement intérieur, et par conséquent l’œuvre sublime que Dieu accomplissait en elle. Ce ne sont plus que des coups frappés sur une enclume. D’où il suit que l’âme voit l’opération de Dieu ruinée en elle et ne tire aucun profit de ce qu’on lui impose. "151.

S.Grégoire de Naziance formulait les mêmes plaintes au sujet des directeurs qui ignorent les voies spirituelles par où Dieu attire les âmes contemplatives à l’union avec lui, et qui se font les tyrans de ces âmes. « Si le titre de médecin et de peintre, dit-il, se donne ceux-le seulement qui ont appris à discemer les maladies, à mêler les couleurs et à dessiner les figures, comment osent-ils prendre le titre de maîtres et de gouvemeurs des âmes, ceux qui n’ont pas étudié l’art de ce gouvemement ? »

Certes, dirons-nous, ils n’ont jamais entendu parler de cet enseignement de S.Thomas : « La connaissance de Dieu s’acquiert d’abord par la connaissance des objets créés. Mais une fois qu’on connaît Dieu de cette manière, il faut avancer dans sa connaissance, non plus par ces mêmes objets, mais par lui-même et par la lumière qu’il nous communique pour être mieux connu de nous,"152.

Et ailleurs le même Saint dit encore : « Il y a deux sortes de contemplation : la contemplation philosophique par le raisonnement, qui a été pratiqué des philosophes, et la contemplation de foi par la révélation divine, qui est propre aux chrétiens. »153.

Plus loin, après avoir montré combien la première est insuffisante et imparfaite, il dit de la seconde : “Il est une autre contemplation, celle des âmes qui voient Dieu en son Essence, et celle-là est parfaite et propre aux Bienheureux dans la Patrie. L’homme peut y participer en cette vie par le moyen de la lumière de la foi. Or, il convient que les objets qui se réfèrent à la fin s’adaptent à cette fin, et que l’homme, dans l’état de la vie présente, soit guidé vers cette contemplation par une connaissance qui ne procède des créatures, mais immédiatement de l’illumination divine ».154.

Par oú il montre combien notre contemplation par la lumière de la foi, en cette vie, est semblable à celle des Bienheureux dans la Patrie. En effet, ainsi qu’il l’explique ailleurs, telle est la ressemblance entre la lumière de foi et la lunière de gloire des Bienheureux, que ce qu’ils voient, nous le croyons, et ce que nous croyons, ils le voient.

CHAPITRE VIII. De la nécessité pour les contemplatifs de purifier leur entendement des images sensibles.

Comment on sèvre les âmes des méditations sensibles —De l’illumination par le do de Sagesse. Du retranchement des opérations intellectuelles —Ce que c’est que contempler Dieu revelata facie —De deux sortes de contemplation.

Notre bienheureux Père insiste beaucoup dans ses écrits, et spécialement au Livre II de la Montée du Carmel, sur la nécessité de sevrer les âmes des méditations sensibles, dans lesquelles notre noble entendement se rabaisse à des objets qui lui sont inférieurs, en goûtant la saveur des choses créées. Bien que l’entendement s’en serve pour aller à Dieu, le Seigneur veut l’en trouver séparé pour lui communiquer ses divines illustrations, car il a dit par le Prophète Isaïe : à qui enseignerai-je la science ? À ceux qui sont sevrés de lait et qui ont quitté la mamelle.155 C’est-à-dire à ceux qui ont laissé les choses sensibles et leurs images, qui ne sont que le lait des enfants, dont parle l’Apôtre.

À ceux qui ont été sevrés de la sorte, Dieu communique la saveur des divines perfections en elle-même, et cela par le moyen du don de Sagesse. Or l’illumination de la Sagesse, ainsi que l’explique S. Thomas, est toujours accompagnée de la lumière simple de la foi, et en effet aucune de ces illuminations surnaturelles n’est discursive, aucune ne s’obtient ni ne s’exerce par des raisonnements et des discours, à la façon des sciences humaines ; toutes se reçoivent de Dieu en repos attentif et en opération surintellectuelle. De là vient que le même Saint nous assure que la sagesse acquise réside dans la partie supérieure de l’esprit, là où l’intelligence ne divise et ne compose point.

S.Bonaventure applique à cette doctrine reçue parmi les saints ces paroles du Cantique, dans lesquelles l’Epoux céleste s’adresse à l’âme contemplative, apte à cette simple et tranquille opération, et lui dit : lève-toi, hâte-toi, mon amie ; car le temps de tailler la vigne est arrivé.156 En effet, de même qu’on émonde les sarments de la vigne, afin qu’elle porte plus de fruit, ainsi dans la contemplation on retranche les discours qui mènent à la connaissance de Dieu par les images des créatures, afin que l’entendement puisse être plus hautement illuminé.

S. Bonaventure continue, en poursuivant l’application : ‘Toutes les fois que nous voulons nous élever surnaturellement, pour participer à la lumière divine en elle-même, autant de fois devons-nous retrancher les opérations intellectuelles de la connaissance personnelle, comme l’enseigne S. Denis. Nous devons retrancher de même les représentations des objets créés, parce que, dans l’exercice surintellectuel, les opérations intellectuelles procédant de la raison et les formes ou représentations qui sont comme la sphère où se meut la raison, sont réputées des ombres et des obstacles."157.

L’Apôtre nous enseigne la même doctrine lorsqu’il dit qu’il contemplait Dieu revelata facie ou revelata mente, ainsi que le déclare son disciple S. Denis et que l’explique S. Thomas. ‘Contempler Dieu en ayant la vue intellectuelle dégagée des voiles, dit ce dernier, c’est dire que notre entendement n’est plus assombri par l’obscurité des représentations qui procèdent de l’imagination : inconvénient auquel sont condamnés ceux qui ne veulent pas recevoir les impressions spirituelles au-delà des corporelles, ce qui les arrête dans leur ascension vers Dieu."158.

Ainsi, ce sont ces ombres et ces obstacles que notre bienheureux Père travaillait à écarter, afin que l’entendement, délivré de la prison des représentations sensibles, pût voler à Dieu et être illuminé de ses divines splendeurs.

Afin de connaître plus parfaitement l’intime communication avec Dieu qu’il enseignait, fondé sur la vraie théologie mystique et scolastique, il faut bien remarquer que d’après la doctrine de S. Thomas et celle de Richard de Saint Victor159, il y a deux sortes de contemplation surnaturelle. L’une est accordée de Dieu selon notre mode humain, par le moyen de la lumière simple de la foi et des secours ordinaires de la grâce. Et celle-là, nous pouvons l’exercer toutes les fois que nous le voulons, de même que nous pouvons produire tout autre acte de foi avec ces mêmes secours. On y est illuminé surnaturellement par le don de Sagesse, également selon notre mode humain. ‘Illumination, dit S. Thomas, qui n’est refusée à aucun de ceux qui sont en état de grâce, s’ils savent se disposer à la recevoir."160.

L’autre est plus élevée et précédée de secours particuliers plus efficaces ; elle produit une illumination supérieure à celle du don de Sagesse ; elle élève l’âme à une connaissance et à un amour de Dieu au-dessus de notre mode humain. L’homme ne peut y atteindre que lorsque Dieu lui en fait la grâce, et ce serait orgueil d’y prétendre par nos efforts personnels. Cette prétention, notre Mère sainte Thérèse la blâme à diverses reprises, et c’est dans ce sens qu’il faut entendre cette parole qu’elle a écrite :” L’âme ne doit pas s’élever si Dieu ne l’élève."161.

De même que dans cette seconde contemplation plus élevée et plus heureuse, Notre-Seigneur a rendu notre Sainte Mère une maîtresse divinement éclairée et lui a communiqué la connaissance de mystères nombreux et sublimes, comme on le voit dans ses ouvrages ; de même, dans cette autre contemplation, exercée selon notre mode humain, comme en un miroir et en énigme, c’est-à-dire par un concept surintellectuel, formé à notre mode et dans l’obscurité de la foi — contemplation qui n’est refusée à personne — Dieu a rendu notre bienheureux Père Jean de la Croix un maître éminent, ainsi que le prouvent ses ouvrages et l’expérience qu’en ont fait ses disciples.

C’est cette dernière contemplation qu’enseigne et inculque avec tant d’insistance S. Denis, spécialement au Chapitre I de la Théologie Mystique. S. Thomas et les autres commentateurs de S. Denis l’ont entendue de même. L’autre n’étant pas en notre puissance, on ne saurait y prétendre pour soi-même ni l’inculquer aux autres.

C’est aussi de cette même contemplation, enseignée par les Apôtres que nous avons parlé jusqu’ici.

CHAPITRE IX. Comment les âmes arrivées à la contemplation doivent éviter les actes particuliers.

Les puissances de l’âme réduites à un acte général et pur —L’âme entre en participation de Dieu même —De l’acte suprême de l’intelligence —Comment l’âme contemplative se comporte par rapport à l’Humanité de Jésus-Christ —Pourquoi les puissances ne peuvent trouver de repos dans les actes particuliers.

Quelques personnes peu expérimentées dans la vraie théologie mystique ont incriminé certains passages des écrits du P. Jean de la Croix. Pour éviter que la lumière ne passe pour obscurité et ténèbres, expliquons trois de ces passages.

Notre Père dit au Chapitre XI du Livre II de la Montée du Carmel : « À mesure que l’âme se spiritualise, ses puissances produisent moins d’actes particuliers. L’âme va s’établissant dans un seul acte général et pur, et ses puissances cessent d’avancer vers le terme, qui est désormais atteint. De même, les pieds s’arrêtent quand le voyage est achevé... Il faut apprendre à ces personnes à se tenir dans le repos, en amoureuse attention à Dieu, sans se soucier de l’imagination et de son opération. Ici, les puissances se reposent et n’agissent plus ; ou si parfois elles agissent, ce n’est ni par force ni par un raisonnement cherché, c’est en suavité d’amour et beaucoup plus sous la motion divine que sous la poussée de l’industrie personnelle. »

Notre bienheureux Père a résumé en ces quelques lignes ce que les Apôtres et les Saints nous ont dit sur ce sujet. Pour ce qui est des premiers mots : À mesure que l’âme se spiritualise, ses puissances produisent moins d’actes particuliers. L’âme va s’établissant dans un seul acte général et pur, personne ne peut en révoquer en doute l’exactitude, personne ne peut nier que ce ne soit là l’acte de la divine contemplation, dans laquelle l’âme entre en participation de Dieu même.

En effet, comme l’affirment Hugues de Saint-Victor, S. Bonaventure et tous les grands maîtres de la vie mystique, l’acte de la contemplation, dans lequel l’entendement s’applique immédiatement à Dieu pour recevoir de lui, comme en leur source même, l’illumination et l’influence divines, n’est autre chose que l’intelligence pure, c’est-à-dire l’acte suprême de l’entendement.162 Dans cet acte, enseigne S. Thomas, il n’y a ni composition ni division des objets distincts et particulier autour desquels se meut le discours de la raison, il n’y a que des concepts universels et indistincts.163.

En cet acte donc on se représente Dieu, non sous une notion distincte et connue, mais au contraire sous une notion immense et inconnue, comme le dit S. Denis164, notion d’une excellence qui surpasse tout ce que l’entendement peut connaître. Si au contraire l’entendement se représente Dieu sous la similitude du soleil, du ciel, ou de quelque autre chose grande et admirable qui nous est connue, il ne s’adapte plus à la lumière divine ; il quitte son opération surintellectuelle dans la lumière de la foi, qui l’adaptait à la lumière divine ; il abandonne l’acte de l’intelligence pure, dans lequel il participait immédiatement à Dieu, et recevait sa divine illumination avec l’influence des dons infus, et il descend à l’acte inférieur de l’entendement, exercé suivant le raisonnement humain et l’effort de la lumière naturelle. En effet, quand il y a comparaison d’un objet à un autre, il y a raisonnement, et par le moyen de ces objets sur lesquels il raisonne, l’entendement place des entre-deux entre son opération et la lumière divine.

S’il y arrive que dans cet acte suprême de l’intelligence, il se mêle quelque notion de ce qui a fait l’objet de 1 a méditation dans les actes inférieurs, par exemple de l’Humanité du Christ Notre Seigneur, en vue de fournir à l’âme un motif d’amour et de gratitude, elle doit envisager cette notion d’une manière universelle, et comme proposition détachée de la substance des raisonnements précédents.

Ainsi que l’affirment ces auteurs, tous les souvenirs qui viennent se mêler à cette contemplation doivent lui être proportionnés et s’exercer d’une façon simple et universelle, comme serait par exemple : Un Dieu mort ! Un Dieu flagellé ! Un Dieu conspué ! Et autres concepts du même genre, sans autre discours ni composition plus distincte.

Comme ces concepts détachés procèdent de l’habitude acquise de la méditation, toute la substance des méditations précédentes s’y trouve contenue, mais plus enflammée, plus spiritualisée, semblable à une quintessence passée par de multiples creusets et, pour ce motif, ayant plus d’efficacité pour émouvoir. C’est ce que veut dire S. Thomas, quand il enseigne « qu’on apprend d’autant plus parfaitement une chose par le moyen d’une autre, que l’image est plus spiritualisée et plus abstraite. »165. C’est de cette façon que les saints se servaient dans la contemplation de la pensée de Jésus-Christ Notre Seigneur : ils respiraient le parfum du Bouquet de Myrrhe tout entier, et non fleur par fleur, comme on le fait dans la voie discursive.

Ce que notre bienheureux Père dit encore, que dans cet acte universel les puissances se reposent, est parfaitement exact. S. Thomas le prouve péremptoirement.166. Il ajoute qu’elles ne peuvent se reposer et trouver leur entier développement en aucun acte particulier, si excellent qu’il puisse être, parce que l’objet propre de l’entendement est l’Essence divine universelle et que l’objet propre de la volonté est le Bien universel, c’est-à-dire Dieu. Tant que Dieu n’est pas présenté à la volonté de cette manière, elle n’est point mue avec toute l’efficacité dont elle est susceptible, quoique pourtant on lui présente un attribut particulier.

Si donc les puissances se trouvent alors comme dans leur centre — autant que le comporte l’état de la vie présente — oú elles ne peuvent voir ce qu’il y a en Dieu de particulier et de distinct, - rien d’étonnant qu’elles jouissent en lui du repos.

De rame, quand notre Maître nous dit d’inculquer aux âmes contemplatives la pratique de se tenir dans le repos en amoureuse attention à Dieu sans se soucier de l’imagination, cela revient à leur enseigner d’une manière simple et facile à se placer dans l’acte de la contemplation surintellectuelle et de la participation à Dieu, mode de prier que nous ont enseigné les Apôtres.

En effet, les auteurs mystiques s’accordent à dire que l’acte de la contemplation est une vue simple de la suprême Vérité, simplex intuitus Veritatis167, sans discours actuel, mais en supposant qu’un discours a précédé. S. Denis appelle cet acte un mouvement circulaire de l’âme.168 Car de même que la figure circulaire est la plus parfaite, qu’elle n’a ni commencement ni fin, de même l’acte de la contemplation parfaite en cette vie se représente Dieu sans forme particulière distincte, mais de la manière immense et ineffable propre à la lumière simple de la foi. C’est ce que S. Denis explique ailleurs quand il dit : « Par un concept surintellectuel, supérieur à tout ce que l’entendement peut atteindre, tiens-toi soumis aux pieds de cette souveraine Grandeur incompréhensible. »

Cette soumission profonde est une haute connaissance de Dieu, et, comme l’enseigne S. Thomas, la plus parfaite qui puisse exister en cette vie.169.

Le même Saint, expliquant le mouvement circulaire dont parle S. Denis, y remarque trois qualités spéciales, qui renferment toute l’oraison qui noua vient des Apôtres, exercée dans sa perfection.

La première est le dépouillement de l’entendement par rapport à toutes les images des objets matériels procédant de l’imagination. La seconde est la cessation du discours de la raison, cessation qui ramène les puissances de l’âme à la contemplation simple de la suprême Vérité. La troisième est la cessation de tout autre mouvement ou inquiétude quelconque, en sorte que l’âme tout entière soit ramenée à une sérénité pleine de repos. »Car, dit S. Thomas, l’immobilité appartient au mouvement circulaire.170.

S. Denis a réduit la pratique de ce qui précède à l’enseignement suivant : « Dans cette contemplation, toutes les opérations intellectuelles procédant de la raison et de la connaissance personnelle, comme aussi toutes les images distinctes, non seulement sensibles, mais même intellectuelles, doivent se réunir afin de se joindre à Dieu, dans la lumière de la foi, au-delà de toutes les substances créées et de leur connaissance, de manière que l’entendement demeure dans une pure extase de foi, dégagé de tout le créé et uni à la lumière divine.171.

S. Thomas explique ailleurs cette extase de foi, en disant : « L’entendement entre par la foi véritable dans une extase de vérité, et, ravi en quelque sorte à tout le sensible, il se trouve uni à la vérité surnaturelle."172.

Telle est, d’après S. Denis, la manière dont l’entendement doit se comporter dans la contemplation véritable.

C’est alors, dit S. Thomas, que s’accomplit la parole du Sauveur : Bienheureux ceux qui ont le cœur pur parce qu’ils verront Dieu.173. Parole que ce Saint applique la contemplation de la vie présente. « En cet exil, dit-il, nous contemplons Dieu plutôt en connaissant ce qu’il n’est pas, qu’en apprenant ce qu’il est. Aussi, quand il est question de la vie présente, la pureté du cœur s’entend non seulement de l’éloignement de l’amorce des passions, mais encore des représentations de l’imagination, et même des formes spirituelles. De tout cela,
S. Denis enseigne que ceux-là doivent se dépouiller, qui tendent à la divine contemplation : c’est ce qu’on lit au Chapitre I de sa Théologie Mystique ».174.

Notre bienheureux Père a eu cette doctrine en vue, lorsqu’il a dit, à l’endroit déjà cité, que les âmes doivent se tenir dans le repos, en amoureuse attention à Dieu, sans actes particuliers et distincts. Il résume en ces mots les deux dispositions que S. Denis réclame de l’âme qui se met en la présence de Dieu pour recevoir ses divines influences : la première, que son entendement se rende attentif à Dieu, dépouillé de toutes les images et de tous les objets distincts ; la sec­onde, que sa volonté soit dirigée vers lui par amour et dévotion : Notre bienheureux Père a renfermé ces deux dispositions dans le terme d’amoureuse attention à Dieu. Par attention, il désigne l’acte de l’entendement, par amoureuse, celui de la volonté.

CHAPITRE X. Des actes produits sous la motion divine, qui accompagnent l’attention générale et simple.

Des actes produits sous la motion de Dieu —La puissance active et la puissance passive —Les deux regards et les deux connaissances —Les actes procédant de 1’illumination divine accroissent les dons infus.

Le P.Jean de la Croix dit encore que, dans la contemplation, l’âme doit produire des actes qui procèdent plutôt de la motion de Dieu que de l’activité personnelle procédant de la raison. Ceci est indispensable pour plusieurs motifs. Nous nous contenterons pour l’instant d’en apporter un seulement.

Les actes produits sous la motion de Dieu accroissent les dons infus, qui proviennent de la vertu divine en l’âme. Cet accroissement ne peut venir de la puissance active de l’me, puisqu’il excède sa capacité naturelle, mais il provient de sa puissance passive mue par un agent surnaturel, comme S . Thomas l’explique par un bel exemple.

« Bien que la puissance active de l’air, dit-il, ne puisse arriver à produire un mouvement enflammé, sa puissance passive le rend capable de se changer en flamme, et une fois la transformation accomplie, il peut produire le mouvement enflammé qui dépasse sa puissance active. De même, bien que la puissance active de l’âme ne puisse s’étendre à des objets surnaturels et à l’accroissement des vertus infuses, sa puissance passive la rend capable d’être changée en flamme de charité ; et cela fait, les actes qu’elle émet produisent les effets de la charité dont elle est revêtue. Cette transformation s’opère dans la divine contemplation dont nous parlons, alors que le contemplatif abandonne la lumière de la raison pour se revêtir de la lumière de la foi, que le don de Sagesse vient faire resplendir. C’est alors, dit S. Denis, que l’âme est divinisée, en tant que sortie d’elle-même et transformée en Dieu, et qu’elle reçoit l’accroissement des dons divins. "175.

Notre bienheureux Père, par les termes cités plus haut, ne fait que suivre cette doctrine.

La raison pour laquelle cette attention amoureuse est requise, c’est afin que l’âme entre en oraison et s’entretienne avec Dieu. Dans le discours, en effet, elle ne parle pas à Dieu, elle se parle à elle-même. Et l’on peut dire à proprement parler qu’elle est en oraison que quand, laissant de côté le discours, elle se tient paisiblement et amoureusement attentive à Dieu, comme l’explique le grave docteur scolastique Suarez, s’appuyant sur S. Thomas.176.

La raison en est claire. L’oraison proprement dite, selon la définition de S. Jean Damascène, est « une élévation de l’esprit vers Dieu ».177. Ce qui revient à dire que l’entendement ayant deux regards, l’un qui se tourne vers les objets corporels pour en recevoir les im­ages qui constituent la connaissance naturelle, et l’autre qui se tourne vers Dieu pour en recevoir l’illumination qui constitue la con­naissance surnaturelle, il doit durant l’oraison retrancher le regard qui se tourne vers les objets corporels, en renonçant aux images formées par l’imagination et le discours procédant de la raison, pour donner lieu au regard qui se tourne vers Dieu.

Par là on peut voir avec quelle justesse s’est exprimé S.Denis à l’entrée de sa Théologie Mystique, quand il a dit que « Dieu remplit de ses splendeurs les intelligences aveugles, c’est-à-dire qui ferment les yeux destinés à regarder les objets corporels et ouvrent ceux-là seulement qui sont destinés à regarder Dieu, afin d’en être illuminé ».178.

Nous avons dit que les actes qui procèdent de cette illumination accroissent les vertus infuses, ce que ne font pas les actes qui pro­cèdent de la raison. C’est pour cela que notre Maître nous exhorte à nous mettre en état de les recevoir. C’est pour cela aussi que notre Dieu a coutume, au commencement de l’oraison, de faire entrer l’âme dans le repos, afin qu’elle y reçoive le fonds surnaturel qu’elle fera ensuite valoir. Une fois qu’elle est en possession, il lui rend la liberté et l’anime à mettre en œuvre ce fonds surnaturel, au moyen d’actes particuliers procédant de l’affection. C’est ce qu’enseigne Ruysbroek, ce maître très expérimenté.179.

CHAPITRE XI. Purité et Simplicité oú l’âme doit se trouver pour recevoir la lumière divine.

Il importe de ne pas interposer d’autres lumières entre l’âme et l’illumination surnaturelle —La lumière de la foi, disposition adéquate pour l’illumination divine —Proportion nécessaire entre le moteur et le mobile —Ressemblance de conformité avec Dieu conférée à l’âme par la lumière de la foi.

Il est un autre passage de notre bienheureux Père qui offusque certains mystiques. Le voici : « Pour recevoir avec plus de simplicité et d’abondance cette divine lumière, l’âme doit avoir soin de ne pas lui interposer des lumières palpables provenant d’autres connaissances, de formes et de figures exercées par le discours, parce que rien de tout cela n’a rapport avec cette paisible et pure lumière. »

Et il ajoute : « Une fois devenue simple et pure, l’âme se transforme en la simple et pure Sagesse divine."180.

Par où il résume très à propos la science mystique de S. Denis, trop peu connue de tant de gens qui se donnent pour des maîtres spirituels.

Afin de bien entendre ceci, il faut se rappeler ce que se propose notre Père dans ce Livre II de la Montée du Carmel qui est de dépouiller de toutes les images créées l’âme qui a déjà l’habitude de la méditation, pour ne la laisser revêtue que de la lumière simple de la foi, en vue de recevoir, grâce à cette disposition surnaturelle, l’illumination du don de Sagesse qui guérit tous les maux de l’âme, ainsi que parle l’Esprit-Saint.181. Cette lumière de foi la dispose et la divinise, pour ensuite l’unir à Dieu. L’illumination divine, en effet, est toujours accompagnée de la lumière simple de la foi, et ce que le don de Sagesse illumine n’est autre que ce que la foi nous présente. C’est S. Thomas qui nous le déclare.182.

S. Denis a commencé le livre des Noms Divins en se proposant exactement ce que notre bienheureux Père s’est proposé dans le Livre II de la Montée du Carmel. S. Thomas nous explique S. Denis en ces termes : « C’est par le moyen de la lumière de la foi que nous nous unissons aux choses ineffables et inconnues, telles que sont les divines, et elle nous y unit d’une manière ineffable et inconnue, d’une union bien différente de celle qui provient de l’activité de notre raison et de l’opération de notre entendement. Union bien autre et bien meilleure assurément, puisque, par le moyen de la lumière de la foi, nous nous unissons à la vertu divine, qui surpasse toute connaissance humaine, et à des choses bien au-dessus de celles que peut atteindre la raison naturelle, et cela avec une certitude d’autant plus grande que la révélation l’emporte en certitude sur la connaissance humaine. »183.

Tel est l’enseignement de S. Denis et de S. Thomas, suivi par notre Maître.

Il nous dit, à l’endroit déjà cité, que les notions, les formes et les figures qui procèdent de la connaissance naturelle n’ont aucun rapport avec la pure et simple lumière que Dieu communique à l’âme dans la contemplation par le moyen du don de Sagesse. Aussi l’entendement doit se dépouiller de tout cela, pour n’être plus revêtu que de la lumière simple de la foi, qui, étant elle-même divine, est à l’enten­dement une disposition prochaine et adéquate à recevoir l’illumination de ce don divin, destiné à éclairer l’âme et à la faire resplendir.

Cette disposition adéquate est tellement indispensable pour rece­voir l’illumination divine, que, faute d’en être pourvus, la plupart des contemplatifs travaillent beaucoup et profitent peu dans l’oraison, parce qu’ils appliquent leur travail plutôt à s’entraver qu’à s’aider.

c’est effectivement chose certaine et connue qu’il doit y avoir proportion entre 1’objet à mouvoir et son moteur, pour que le mouvement s’ensuive. C’est ce que dit fort bien S. Thomas. « Il est manifeste, enseigne-t-il, que tout objet à mouvoir doit être proportionné à son moteur. Or, voici la perfection du mobile en tant que mobile : une dis­position qui le rend apte à être bien mû par son moteur."184.

Tout l’avancement de l’âme contemplative consistant à être mue de Dieu, il est nécessaire qu’elle s’adapte à lui en vue de cette motion. Et comme ce qu’elle doit recevoir est surnaturel, elle a besoin d’une disposition également surnaturelle. C’est encore S. Thomas qui le dit : « Tout ce qui doit être élevé à ce qui surpasse sa nature, doit s’en rendre capable par une disposition qui soit également au-dessus de sa nature."185.

Cette doctrine très assurée, qu’il pose ainsi d’une manière gén­érale, S. Thomas l’applique en termes très forts à notre contemplation, distinguant, comme nous l’avons vu, la contemplation des philosophes de la nature, de la contemplation des chrétiens, précisément par cette adaptation surnaturelle. C’est pour cela que notre bienheureux Père y revient tout de fois dans son livre.

Mais cette lumière simple de la foi ne se borne pas à rendre l’entendement capable de recevoir l’illumination divine. Elle la divinise, comme le dit S. Denis, et le rend alors l’image de Dieu, non suivant la ressemblance naturelle avec Dieu, qui est commune aux bons et aux méchants, mais suivant une ressemblance de conformité. Cette seconde ressemblance élève l’âme contemplative à une participation surnaturelle à ses divines perfections. Or, de même que l’homme reçoit sa personnalité de la connaissance qui lui vient de la raison, de même, dit notre bienheureux Père, par la connaissance pure et simple de la foi, il cesse d’être lui-même et devient divin.

Cette ressemblance de conformité, que notre bienheureux Père s’efforce d’implanter dans le cœur de ses disciples, S. Thomas l’élève si haut que, d’après lui, la communication et la contemplation dont elle rend capable est comme une imitation et, en une certaine manière, une participation de la communication ineffable et étemelle qui existe entre les Personnes divines. C’est ce qu’il explique par les paroles suivantes : « Dans la connaissance par laquelle l’entendement humain saisit les objets temporels, il n y a point expresse ressemblance de Dieu par conformité, parce que ces objets sont moins semblables à Dieu que ne l’est l’âme elle-même ; mais dans la connaissance par laquelle l’entendement connaît Dieu (il parle de la lumière de la foi), il y a une représentation de la Trinité divine suivant la conformité que l’âme se trouve avoir avec cette très sainte Trinité. En effet l’entendement, en connaissant Dieu de cette manière, engendre une parole qui est son concept ; et de l’entendement et de son concept procède l’amour. De même, le Père Etemel, en sc connaissant lui-même, engendre éternellement sa parole, qui est son Fils, et de tous les deux procède l’Esprit-Saint. D’où il suit que lorsque l’âme connaît Dieu en lui-même, elle est proprement 1’image de la bienheureuse Trinité.186.

C’est ainsi que ce grand Saint nous explique la ressemblance de conformité par laquelle l’âme, dans la contemplation, est rendue merveilleusement semblable à Dieu et participe à ses divines perfections.

Chapitre XII. Comment Dieu communique à l’âme la divine lumière.

La divine lumière communiquée passivement à notre âme — Nuages qui font obstacle à cette communication —La divine lumière toujours à découvert devant les yeux de notre âme —Quels sont ceux à qui elle se communique —L’aigle dépassant les nuages, symbole des contemplatifs.

Bien notables aussi sont les paroles suivantes de notre Maître, paroles trop peu comprises des contemplatifs qui ne peuvent se décider à se dégager de leurs opérations propres, pour se livrer entièrement à celle de Dieu, ce qui est le but propre de la contemplation. “En cet état, dit-il, Dieu se communique passivement à l’âme, et l’âme est comme une personne qui aurait les yeux ouverts, et qui passivement, sans rien faire d’autre que de les tenir ouverts, recevrait la lumière du jour."187.

S. Bonaventure emploie la même comparaison. “De même, dit-il, que la lumière du soleil n’a besoin qu’on lui fasse violence pour la faire entrer dans une demeure, afin de l’échauffer et de l’éclairer, mais seulement qu’on lui ouvre la porte et qu’on ôte les obstacles : ainsi la lumière divine, bien plus active et plus efficace que celle du soleil n’a besoin qu’on lui fasse violence pour entrer dans une âme, l’illuminer et la perfectionner, il suffit de lever les obstacles."188.

Comparaison bien propre à nous faire comprendre les effets que la lumière divine produit en nous, si nous n’y mettons obstacle. Aussi S. Denis assure-t-il que le soleil qui éclaire notre globe est l’image expresse de la divine Bonté, spécialement à cause de sa communication si favorable, de sa puissance d’opérer dans les êtres tant d’effets si divers, à la seule condition qu’ils consentent à recevoir son influence. Passant ensuite à expliquer les effets que l’illumination divine, dont le soleil est l’image, produit dans les âmes qui la reçoivent sans obstacle, il dit de quelle manière, quand on lui donne libre et large entrée, elle illumine et purifie 1’entendement, comment, passant à la volonté, elle l’enflamme et lui fait goûter la saveur des choses divines pour de là passer à toutes les autres facultés de l âme, les renouvelants, les divinisant, pour enfin les unir à Dieu.189.

Ce sont de tous ces merveilleux effets que se privent les contemplatifs qui refusent de se disposer à recevoir la lumière divine, et lui font obstacle par les discours de la raison et les images des choses créées, qui sont la sphère où se meut la raison : en un mot, par ce que notre âme appelle très justement des nuages. Ces nuages font obstacle à la lumière divine en s’interposant entre elle et l’entendement, de façon à empêcher celui-ci d’être éclairé.

S. Denis et S. Thomas ne parlent pas différemment. “La lumière divine, dit le premier, par là même qu’elle dépasse notre entendement, nous met en obscurité et en ignorance. Pourtant elle est au-dessus de toutes nos connaissances, et pour y atteindre il nous faut les abandon­ner toutes, parce que chaque image des objets qui nous sont connus est comme un voile qui nous dérobe cette lumière, et se place devant elle pour l’empêcher de nous éclairer."190.

Cette doctrine de S. Denis est suivie de tous les autres saints ; mais il y a peu de contemplatifs qui s’en pénètrent.

Notre bienheureux Père, poursuivant son sujet, nous donne un enseignement non moins important que le précédent. “Il est donc évident, conclut-il, qu’une fois purifiée et bien vide de toutes les formes et de toutes les images perceptibles, l’âme se trouve dans la pure et simple lumière divine”.191.

S. Denis expose la même doctrine en maint endroit de ses ouvrages, et spécialement dans une lettre à un religieux nommé Caius, qui lui avait demandé si, pour recevoir dans 1’oraison l’illumination divine surnaturelle, il fallait dépouiller l’entendement de toutes les connaissances s provenant de la lumière naturelle. Il lui répond en substance ce qui suit. “La lumière divine qui, par là même qu’elle dépasse infiniment notre entendement, lui paraît obscure et ténébreuse, se dérobe et se couvre comme d’un voile devant la lumière de notre raison, et beaucoup plus si les nuages des objets créés au milieu desquels discourt la raison sont en grand nombre. La Sagesse divine très secrète, qui, à cause de sa profondeur incompréhensible, nous paraît ignorance, est voilée par nos connaissances grossières et limitées, surtout si ces connaissances sont multiples”. 192.

Il explique ensuite comment cette divine lumière, cette Sagesse secrète, se dérobe à toute autre lumière et se cache à toute autre connaissance. S. Thomas nous en donne la raison scolastique. “Il est impossible, dit-il, qu’un même sujet soit perfectionné en même temps par plusieurs formes d’un même genre et d’espèces diverses, de même qu’il est impossible qu’un même corps reçoive en même temps diverses figures. Toutes les images intellectuelles sont d’un même genre, en tant que perfectionnement d’une même puissance intellective ; mais les objets qu’elles représentent sont d’espèces diverses. Or, il est impossible qu’un entende­ment soit perfectionné en même temps par deux formes intellectuelles différentes entre elles”.193 Paroles qui appuient ce que dit notre bienheureux Père en divers endroits : que tant que 1’entendement ne se dépouille pas des images provenant de la connaissance naturelle, au milieu desquelles opère la raison lorsqu’elle discourt, il est incapable de recevoir l’illumination surnaturelle, ce qui est le but de l’oraison. La raison en est que ce sont des formes d’un même genre, en tant que formes intellectuelles, et pourtant de deux espèces différentes, comme l’explique ailleurs plus au long S. Thomas. L’une, dit-il, est tirée des créatures par abstraction au moyen de l’entendement, et l’autre vient de la participation de Dieu en lui-même, au moyen du don de Sagesse.194

Ceci nous montre avec combien de raison S.Denis nous exhorte, en vue de la contemplation divine, à dépouiller notre entendement non seulement des images matérielles, mais encore des images intellectuelles distinctes, puisque les unes et les autres procèdent de de la connaissance naturelle, et à s’en tenir uniquement au concept surintellectuel et indistinct que nous fournit la foi, touchant la grandeur incompréhensible de Dieu. C’est là ce que notre Maître appelle l’attention simple et amoureuse à Dieu, qui, ainsi que nous l’avons dit tant de fois, dispose l’âme à l’union divine.

Cet enseignement qui nous est donné par ces éclatantes lumières de l’Église, S. Denis et S. Thomas, S. Grégoire la confirme par ces paroles : “L’influence de la lumière divine est incompatible dans l’entendement avec l’image des objets corporels, car 1 a lumière invisible n’a pas entrée dans notre esprit tandis qu’il s’occupe des choses visibles. »195.

D’où l’on voit que c’est avec beaucoup d’exactitude que s’exprime le très docte Rupert de Lincoln, célèbre commentateur de S. Denis, lors­qu’expliquant le passage cité plus haut, il dit : “La disposition proch­aine pour recevoir l’illumination divine, c’est la privation de la con­naissance actuelle de toutes les choses créées. »196.

Et finalement notre bienheureux Père lui-même dit au Chapitre XIII du Livre II de la Montée du Carmel : “Cette divine lumière est toujours prête à se communiquer à l’âme ; mais à cause des formes et des voiles des créatures dont l’âme est enveloppée, elle ne s’infuse pas en elle. Si l’âme se dégageait de tous ces voiles et demeurait en nudité d’esprit une fois simple et pure, elle se transformerait en la pure et simple Sagesse divine qui est le Fils de Dieu ; car aussitôt que l’âme est libre des objets naturels, ce qui est divin lui est surnaturellement infusé.”

S. Denis enseigne la même doctrine en nombre d’endroits : » La lumière divine, dit-il, est toujours à découvert devant les yeux de l’entende­ment, pour se communiquer bénignement à lui. L’entendement peut donc la recevoir, puisqu’elle est présente et toujours prête à se communi­quer."197.

Et ailleurs, marquant la disposition oú doit être l’entendement pour recevoir cette divine lumière, il nous dit, ainsi que nous l’avons vu déjà, que Dieu est au-dessus de toutes choses et environne toutes choses, mais qu’il ne se communique véritablement qu’à ceux-là seuls qui, dépassant toutes choses créées, tant matérielles que spirituelles, pénètrent dans l’obscurité de la foi, ou l’Écriture nous dit que l’on rencontre Dieu.198

Ailleurs encore, il dit à notre sujet des paroles bien conformes à l’enseignement de notre Maître. S. Thomas les explique ainsi : « Les opérations intellectuelles de notre raison sont superflues quand l’âme, rendue conforme à Dieu par la lumière de la foi, se plonge dans la con­templation des choses divines, non au moyen des images procédant de l’imagination, mais au moyen de la foi elle-même. Alors, la divine lum­ière, inconnue et inaccessible, s’unit et se communique à nous."199.

Ainsi s’expriment ces deux grands maîtres de la théologie mystique et scolastique. Paroles substantielles, qui expliquent lumineusement notre sujet, et où nous remarquerons surtout deux points : l’un, que par la lumière simple de la foi, en abstraction de nos connaissances, l’en­tendement se conforme à Dieu et devient capable de son illumination ; l’autre, qu’au moment même où il se conforme et s’adapte ainsi, la lum­ière divine, sans autre ministère ni secours, s’unit à l’entendement et se communique à lui.

Pour nous convaincre de cette vérité S. Bonaventure nous propose la comparaison du soleil, qui environne notre demeure et y pénètre dès qu’on lui ouvre la fenêtre. Ouvrir la fenêtre n’est autre chose que découvrir l’entendement en le dépouillant de toutes les connaissances provenant de la connaissance naturelle, ainsi qu’il a été dit.200

Telle est la doctrine enseignée par notre Maître. Il ne veut pas que nous nous comportions comme des animaux terrestres, qui ne savent pas sortir de leur région basse et impure, il veut que nous imitions l’aigle royal, symbole de la contemplation. L’aigle, en effet, non seulement regarde le soleil en face sans cligner des yeux, mais s’il se rencontre des nuages, dans la partie inférieure de l’air, voisine de la montagne, il passe au travers de la région chargée de nuages et pénètre jusqu’à la région supérieure, afin d’y trouver les rayons du soleil dans leur pureté. Là, il reste à jouir des rayons de cet astre, et renouvelle ses plumes sous l’influence de leur chaleur.

C’est ce que nous devons faire nous-mêmes, comme nous l’enseignent les saints dont notre Maître suit la doctrine. Que notre entendement quitte la région inférieure de notre âme, c’est-à-dire les représent­ations de 1’imagination et les discours de la raison, ces actes chargés de nuages, au milieu desquels les rayons du Soleil divin ne se perçoiv­ent pas dans leur pureté et leur éclat. Que, dégagé de ces obstacles, il pénètre jusqu’à la région supérieure de l’esprit, c’est-à-dire à l’intelligence pure et à l’acte dirigé immédiatement vers Dieu, comme il a été dit. Et qu’il se repose sous les rayons du divin Soleil, où a lieu le renouvellement de l’esprit. À la vérité, tant que l’esprit ne sera pas purgé de ce qui oppose résistance à l’opération divine, il ne connaîtra pas toujours sa rénovation. La lumière divine pénètre sur-le-champ l’esprit purifié, comme le rayon de soleil pénètre le cristal limpide ; mais elle ne pénètre pas de même l’esprit souillé. Le feu prend sur-le-champ au bois sec, mais il ne prend pas de même au bois vert. Ce sont les comparaisons dont S. Denis se sert, pour nous faire comprendre toute la différence qu’il y a entre l’effet que produit l’illumination divine dans l’entendement purifié et celui qu’elle produit dans l’ent­endement qui ne l’est pas.201 Cependant, si l’on persévère dans cette oraison dénuée d’obstacles, l’illumination divine opère progressivement la purification voulue, ainsi que le même Saint l’explique ailleurs.202.

CHAPITRE XIII. De certains contemplatifs qui ne savent pas se dégager entièrement de la raison.

Combien il importe de détacher de notre raison le concept univer­sel de Dieu —L’illumination divine communiquée à chacun conformément au mode suivant lequel il se dispose —Deux degrés de la contemplation intellectuelle —Ne pas attirer Dieu à soi, mais se livrer à lui comme présent.

Quelques contemplatifs, qui n’ont pas pénétré aussi avant que notre Maître dans la substance de la science mystique, condamnent l’acte de contemplation qu’il enseigne à ses disciples sous le nom d’attention amoureuse. Il est donc important d’éclaircir la propriété et l’utilité de cet acte.

À cet effet, remarquons qu’il se rencontre communément, chez ceux qui font l’oraison mentale, deux obstacles qui les empêchent d’être mus et illuminés de Dieu tandis qu’ils la font. Le premier provient des images distinctes et particulières de l’imagination, au milieu desquelles la raison est en mouvement dans ses discours, et nous avons déjà traité de cet obstacle. Le second, moins connu encore de ceux qui se croient grands contemplatifs, est celui que nous nous proposons de dévoiler en ce Chapitre.

Il consiste à n’avoir pas le courage de détacher de la raison le concept universel de Dieu sous lequel on se présente devant la Grandeur divine dans la contemplation. Ces contemplatifs ne peuvent se décider à envisager Dieu d’un regard direct, en tant qu’objet présent, dans l’obscurité de la foi, mais ils l’envisagent sous un concept formé et distinctement connu. En un mot, ne pouvant comprendre Dieu, ils veulent du moins comprendre le concept sous lequel ils le contemplent. Or, ceci est contraire à l’enseignement de S. Denis, qui nous dit, comme nous l’avons vu déjà, que lorsque il s’agit de choses ineffables et non con­nues de nous, telles que sont les choses divines, nous devons nous unir à l’ineffable et à l’inconnu.203.

Ce n’est point ainsi que se comporte celui qui veut limiter et comprendre comme chose connue le concept qu’il se forme de Dieu. Dans ces conditions il ne se trouve point dans l’opération surintellectuelle oú se reçoit l’illumination divine sans obstacle, il n’est point par­ticipant de Dieu en lui-même, à quoi dispose et adapte la lumière simple de la foi. Cette lumière de la foi, son entendement n’en est pas alors revêtu, puisqu’elle se mélange en lui à celle de la raison. Il n’est pas non plus transféré à cette divine lumière de la foi — transfert que S. Denis pose comme condition essentielle de la contemplation, — puisque, tout au contraire, il transfère la lumière de la foi à sa raison, la limitant et la raccourcissant à son mode particulier. Les contemplatifs de cette classe se rendent incapables de recevoir l’illumination divine qui se communique à chacun conformément au mode suivant lequel i1 se dispose.

C’est ce qu’explique également S.Laurent Justinien. « C’est l’af­faire de Dieu, dit-il, de donner la dévotion et le goût spirituel à celui qui prie, mais c’est l’affaire de celui qui prie de chercher le mode convenable de sa prière. »204.

Effectivement, suivant la mesure où chacun entre en oraison, il recueille les effets de l’oraison, puisqu’il est très certain que les influences divines se communiquent suivant le mode de celui qui les reçoit. C’est ce qu’affirme S.Thomas en maint endroit. « La faveur reçue, dit-il, suit le mode de celui qui reçoit, selon l’objet qu’il a en vue. Elle est matérielle ou immatérielle, multiple ou uniforme, suivant l’exigence du sujet qui reçoit."205.

Pour mieux élucider cette vérité, d’oú dépend le bon succès de la contemplation, il faut observer que la contemplation intellectuelle a des degrés, marqués par Richard de Saint-Victor, $. Thomas, S. Laurent Justinien, S. Bonaventure et bien d’autres.206.

Le premier, qui est imparfait, est appelé super rationem, sed non praeter rationem. C’est-à-dire que cette contemplation, bien qu’au-dessus de la raison, n’est pas dégagée de la raison. Celle-ci forme, à sa manière, un concept de Dieu, le plus élevé qu’il lui est possible. Elle se sert, par exemple, du soleil ou de quelque autre chose créée grande et admirable, et elle admet que Dieu est quelque chose de très haut et de très merveilleux, dans le genre de ces objets connus.

Cette manière de contempler Dieu peut se tolérer chez ceux qui débutent dans la contemplation, qui ne font que sortir de la méditation imaginative et ne sont pas encore en état de se livrer totalement à la contemplation intellectuelle simple, chez ceux qui marchent encore appuyés au chariot de la raison, comme des enfants à qui l’on enseigne encore à marcher spirituellement. Cependant c’est un mode de contempler Dieu extrêmement imparfait, et l’entendement y oppose beaucoup d’obst­acles à l’illumination divine et aux autres effets de la contemplation : cela, pour bien des motifs, qu’il serait trop long d’énumérer. Qu’il nous suffise de dire, comme nous l’avons fait maintes fois, que l’enten­dement lorsqu’il produit cet acte, n’est pas en opération surintellect­uelle, ni dans la région où l’illumination divine se reçoit dans sa pureté, oú l’on participe à Dieu en lui-même. Il reste dans la dépend­ance de ce concept qu’il forme à son mode, conformément aux objets créés qui lui sont connus, et non sous l’action de la lumière pure et simple.

Le second degré, qui est l’acte propre et parfait de la contemplat­ion, est appelé par tous ces auteurs : supra rationem et praeter rationem. Ici l’entendement ne s’élève pas seulement au-dessus de la raison, mais il s’en dégage entièrement. Il refuse de mesurer Dieu par aucune com­paraison, et se contente de l’envisager comme ineffable et inconnu, uniquement selon la foi, qui nous apprend qu’il est incompréhensible, inexprimable et incomparable. Lorsque l’entendement admet qu’il en est ainsi et que, de plus, Dieu est en toutes choses par son immensité, comme la cause en ses effets, qu’en outre il réside en l’âme du juste par un mode plus favorable encore, alors il l’envisage d’un regard dir­ect comme présent, et non d’un regard réflexe, comme on envisage d’ord­inaire les objets absents.

C’est à ce second mode de contemplation que nous invite notre bienheureux Père, quand il nous dit que nous devons contempler Dieu en attention amoureuse. Par là il exclut les comparaisons et les concepts que nous pourrions nous former de Dieu selon notre mode restreint et limité. Ailleurs il explique admirablement combien sont bas et mesquins les sentiments que l’âme a de Dieu tant qu’elle ne se dégage pas des images et des concepts formés à notre mode humain, et n’entre pas, dégagée de tout, dans la lumière simple de la foi, qui nous montre Dieu ineffable et incompréhensible.

S. Denis travaille à nous dégager de cette imperfection, qui consiste à mesurer l’immensité de Dieu à notre entendement et à notre courte connaissance, sans vouloir nous plonger dans l’ineffable au moyen de la seule lumière de la foi, qui nous le montre tel. Il écrit ces remarquables paroles : « Dans l’oraison nous devons nous comporter non comme attirant Dieu à nous, puisqu’il est présent partout et plus favorablement encore dans l’âme du juste, mais comme nous livrant et nous unissant à lui, par le moyen des mémoires et des invocations divines."207.

C’est dans ces paroles tien entendues que consiste la perfection de notre contemplation. Elles résument aussi la doctrine enseignée par notre bienheureux Père à ses disciples.

Co soin de ne pas attirer Dieu à nous, mais de nous livrer à lui comme présent, S. Denis nous l’inculque d’une façon plus précise encore dans un autre endroit, « Lorsque, dit-il, dans la contemplation des cho­ses divines qui surpassent tout ce que nous pouvons connaître, nous voulons les entendre à notre mode en nous appuyant sur notre raison, nous sommes sujets à bien des erreurs. Afin de les éviter, remarquons que notre entendement dispose de deux sortes de lumières pour connaître les choses intellectuelles : l’une qui procède de la raison et lui sert à connaître les choses qui lui sont proportionnées, l’autre qui vient de la foi et qui lui sert à percevoir celles qui surpassent sa connaissance. C’est à l’aide de cette seconde lumière qu’il convient de con­templer les choses divines, et non à l’aide de celle de la raison. Et nous devons les contempler non en les attirant à nous, mais en nous transférant à elles, afin d’en être déifiés, car il nous est meilleur d’être à Dieu qu’à nous-mêmes. C’est quand nous nous unissons à Dieu de cette manière que ses dons divins nous sont communiqués."208.

Ce que nous dit ce prince de la théologie mystique est bien à remarquer. Quand nous sommes dans la lumière de la foi, nous sommes divins, et nous recevons les dons divins par l’opération de Dieu lui-même, qui agit alors en nous. Quand au contraire nous ne dépassons pas la lumière de notre raison, nous sommes nous-mêmes. Notre âme alors n’opère pas sous la motion de Dieu, mais sous la sienne propre. Or cette manière d’opérer ne donne pas lieu à des effets surnaturels, mais simplement à des effets proportionnés à la raison qui en est le moteur.

L’expérience nous le fait bien voir en nombre de contemplatifs de cette classe, qui après de longs exercices d’oraison continués nombre d’années, ne montrent pas dans la vertu le progrès que donnait à espérer un exercice si prolongé.

Ajoutons que S. Denis, en nous enseignant cette manière de contem­pler Dieu au-dessus de nos propres connaissances, la donne comme reçue des Apôtres, ses maîtres, qui l’apprenaient à leurs disciples.209.

CHAPITRE XIV. Des Affections simples et enflammées.

On peut aimer Dieu parfaitement sans le connaître de même —Puissance des cris du désir —Des mémoires et des invocations —Rapport de notre parole mentale avec le Verbe divin —La connaissance directe et la connaissance réflexe.

Les paroles de S. Denis citées au Chapitre précédent nous apprennent que nous devons, dans l’oraison, nous livrer à Dieu comme nous étant présent et nous unir à lui par des mémoires et des invocations. Ces mémoires et ces invocations sont d’une telle importance que nous sommes obligés de nous y arrêter un peu.

Au sujet des mémoires, il a dit quelques lignes plus haut les qualités qu’elles doivent avoir, et comment elles doivent se pratiquer « l’es­prit découvert et dans l’aptitude à la divine union »210. C’est ce que notre bienheureux Père explique quand il enseigne que nous devons nous tenir devant Dieu en attention amoureuse et simple.

Ceci étant très important pour ceux qui sont déjà contemplatifs, les maîtres de cette science secrète nous exhortent avec insistance plutôt appuyer notre oraison sur l’affection que sur la connaissance. La raison en est que nous ne pouvons connaître Dieu parfaitement en cette vie, tandis que nous pouvons l’aimer parfaitement, « parce qu’il suffit pour la perfection de l’amour d’aimer en proportion de ce que l’on perçoit. On peut donc aimer plus qu’on ne connaît, et l’on peut aimer parfaitement même en ne connaissant qu’imparfaitement."211.

D’ailleurs, ce que nous avons à percevoir de Dieu dans l’oraison ne s’obtient pas par le raisonnement, mais par les affections et les désirs, S. Thomas, nous l’avons vu déjà, dit que les effets de la grâce divine se multiplient à la mesure du désir et de l’amour. S. Grégoire dit à ce même sujet : « Les cris que Dieu entend sont ceux du désir, et si le désir est grand, grande est la clameur qui résonne aux oreilles de Dieu. » Et encore : « Les désirs sont les paroles de l’âme. Si les désirs n’étaient point des paroles, le Prophète n’aurait pas dit : Le Seigneur a entendu les désirs de leur cœur. »212

En disant que nous devons nous unir Dieu dans l’oraison, non seulement par des mémoires, mais encore par des invocations, S. Denis nous fait voir l’utilité des paroles intérieures, si recommandées par les grands maîtres de cette science mystique, et qui sont un des grands moyens de la contemplation paisible et simple.

Ces paroles que ne prononce point la bouche, mais que forme l’esprit, Hughes de Saint-Victor les dit très favorables à ce qu’il appelle l’or­aison pure, sans formes et sans figures. « Ces paroles, dit-il, aident beaucoup l’oraison simple à se changer en jubilation spirituelle. Elles aident l’âme à s’approcher davantage de Dieu, à l’atteindre plus promp­tement, à obtenir plus sûrement l’effet de ses désirs. » Et il ajoute : « Plus elles sont brèves, plus elles sont propres à produire ces effets."213

S. Bonaventure conseille, lui aussi, ce genre de paroles dans l’or­aison. Il les appelle « la manière de prier la plus efficace. » Il dit encore : « Il est bon de rechercher le silence et le lieu qui facilite le plus le repos, afin que les affections s’écoulent en Dieu plus pleinement et plus sûrement."214

Par où il nous enseigne que cet exercice convient parfaitement à l’oraison simple, sereine et paisible, parce que les affections, une fois portées par ces paroles intérieures, se versent en Dieu avec plus d’abondance et de sécurité.

S. Thomas recommande également cet exercice en beaucoup d’endroits de ses ouvrages, et il le désigne sous le nom « d’actes intérieurs », d’actes intellectuels, parce que l’esprit les forme pour exprimer intérieurement ses affections à Dieu. Il s’exprime excellemment sur ce sujet lorsqu’il dit : « L’amour intime a une liaison étroite avec la parole. Aussi je con­sidère que la parole mentale a du rapport à la génération éternelle du Verbe divin, Parole du Père. En effet, comme du Verbe Etemel et du Père procède l’Esprit-Saint, ainsi de la parole intérieure procède l’amour. »

D’où nous apprenons que ces paroles intérieures pratiques dans l’oraison engendrent l’amour ; et cela, non d’une manière quelconque. En effet, elles engendrent un amour très intime et elles sont parfaite­ment en rapport avec la contemplation simple, dans laquelle l’entendement envisage Dieu d’une vue directe, comme présent, et non d’après des con­cepts formés et réflexes. Ainsi que le prouve pertinemment un auteur scolastique, docte et spirituel, c’est la connaissance directe qui fait jaillir les affections dans l’oraison, au lieu que la connaissance réflexe distrait la volonté, plus qu’elle ne la joint et ne l’unit à Dieu.

Il faut cependant, au sujet de ces paroles intérieures, faire la même remarque que pour les autres actes particuliers : elles ne doivent pas être très fréquentes, parce que les actes particuliers, nous l’avons dit, causent plus de lassitude que les actes universels. La remarque est de S. Bonaventure.215.

L’exercice de ces paroles doit aussi être très bref, parce qu’autrement il enlèverait la dévotion au lieu de l’accroître. Il faut observer en outre que lorsque l’âme répugne à produire ces actes et sent du dégoût pour prononcer ces paroles, ayant plus d’attrait pour rester dans le repos, c’est un signe que l’influence divine lui est alors communiquée et opère en elle des effets sumaturels. Or, tout mouvement particulier les troublerait et les entraverait. L’âme doit alors se conformer à ce que réclame l’opération divine et ne point sortir de son repos pour produire des actes particuliers.

CHAPITRE XV. Difficultés qu’éprouvent les nouveaux contemplatifs à persévérer dans l’acte pur de la contemplation.

La lumière divine, bien que communiquée, n’est pas toujours perçue —De l’illumination non formée —Nous pouvons ici-bas participer au banquet des élus —Obstacle qu’y apporte notre opération inquiète —De ceux qui accommodent perpétuellement la nourriture de l’âme sans y goûter jamais —Obstacle formé par les péchés véniels.

Les nouveaux contemplatifs ne percevant pas encore l’illumination divine, tandis qu’ils se tiennent dans l’acte pur et simple de contemp­lation, ils ne peuvent se décider à y demeurer paisibles. Mais s’ils ne la perçoivent point, en voici la raison, donnée par S. Thomas. Écoutons ses magistrales paroles.

« La science divine, dit-il, n’est pas discursive comme celle de notre raison, elle est simple et dégagée. Telle est aussi la science qui vient du don du Saint-Esprit, parce qu’elle est une image et une participation de ce même Esprit divin."216.

Comme donc cette illumination n’est pas communiquée à l’entendement par la voie des images et des formes connues, mais d’une manière pure et simple - bien différente en cela de la connaissance humaine qui s’appuie sur le discours de la raison, exercé par le moyen des images, - il résulte que le contemplatif, tout en recevant cette communication, ne la perçoit point. J’excepte le cas où elle investit l’âme si efficacement qu’on ne peut manquer d’en percevoir les effets, ou bien celui où l’esprit, étant déjà purifié et le palais spirituel divinement affecté, l’âme perçoit sur-le-champ la saveur de l’influence et de l’illumination divine.

Notre bienheureux Père nous donne à ce sujet un enseignement admirable, bien propre aussi à prouver aux nouveaux contemplatifs qu’ils ne sont pas oisifs et ne perdent pas le temps, alors qu’en réalité ils sont divinement illuminés et renouvelés. « Que l’homme spirituel, dit-il, apprenne à se tenir en amoureuse attention à Dieu et dans le repos de l’entendement, même s’il lui semble ne rien faire. Qu’il persévère et il verra que peu à peu et très promptement la paix et la quiétude divine lui seront versées dans l’âme, avec d’admirables et sublimes notions de Dieu, tout imprégnées d’amour. Qu’il ne se mette donc nullement en peine de formes, d’imaginations, de méditations ou de quelques discours que ce soit ; autrement il troublera son âme et la fera sortir du contentement et de la paix dont elle jouit, pour l’occuper à ce qui ne lui apportera que du dégoût. S’il lui vient quelque scrupule à la pensée qu’il ne fait rien, qu’il sache que ce n’est pas faire peu de choses que de pacifier son âme et de la mettre en repos, en l’affranchissant de tout effort et de tout désir. C’est ce que le Seigneur demande de nous par la bouche de David, qui nous dit : Apprenez à demeurer vides de tout en votre intérieur, et vous verrez savoureusement que je suis Dieu."217.

S. Thomas nous dit de son côté, en confirmation de l’enseignement de notre maître « L’entendement est toujours environné de l’illumination sans forme, car l’illumination ne se forme pas toujours. On la nomme alors non formée, à cause de la connaissance indistincte et confuse qu’elle communique. L’homme ne s’aperçoit pas que son entendement a toujours auprès de lui cette illumination non formée, et cela pour trois raisons. La première est la surprise qu’elle cause par elle-même à l’entendement ; la seconde est sa profondeur ; la troisième est sa subtilité. Voilà pour l’âme. Le corps, de son côté, entrave cette illumination de l’entendement. En effet, l’âme est opprimée par le corps, en même temps qu’elle est obs­curcie par les ténèbres des objets matériels qui environnent le corps et des images que l’esprit en retient."218

S. Denis parle de même dans ses Epîtres à Caïus, ce qui confirme bien ce qu’enseigne notre bienheureux Père : que l’illumination divine, univer­selle et non formée, non seulement n’est point perçue par l’entendement, mais le met dans les ténèbres, parce qu’elle le prive des formes et des images, qui sont incompatibles avec elle.

Notre Maître déplorait vivement que ces vérités fussent si mal com­prises de ceux-là mêmes dont l’office est de les enseigner. Il disait que Dieu a mis dans l’âme en état de grâce un paradis de délices, où nous pouvons commencer dès cette vie à goûter, dans la paix et la joie du Saint-Esprit, ce royaume de Dieu, qui, ainsi que le Seigneur lui-même nous l’assure, est au-dedans de nous. Dieu, disait-il, a préparé là une table fournie des mets du ciel, afin que nous puisions, comme l’enseigne S.Denis, participer, au milieu des misères d’ici-bas au banquet divin que Dieu lui-même sert à ses élus dans la patrie.219 Mais l’homme refuse d’en jouir en paix et en repos, pour aller, par ses raisonnements, accomoder sans cesse une nourriture spirituelle qu’il ne mange jamais, ne travaillant qu’à s’embarrasser.

Aussi, dans tous ses ouvrages, comme aussi dans ses enseignements oraux à ses, mettait-il tous ses soins à reposer et pacifier les âmes, pour qu’à l’abri de leur opération inquiète elles pussent goûter l’aliment céleste que l’opération divine communique sans effort.

Les saints et les personnages les plus illustres dans la science mystique ont déploré comme lui le sort de ces contemplatifs inquiets, et ils ont écrit nombre de traités pour les désabuser. S. Thomas en particulier éprouvait sur ce point un si vif déplaisir, qu’il les reprenait, ainsi que nous l’avons vu, en termes pleins d’âpreté, les appelant des aveugles et des insensés, qui, ayant Dieu au-dedans d’eux-mêmes et pouvant jouir de lui en joie et en repos, le cherchent hors d’eux-mêmes dans une agit­ation perpétuelle, qui préfèrent sans relâche une nourriture à laquelle ils ne goûtent point et qui refusent de goûter celle que Dieu leur présen­te toute préparée.220 Ce qui n’est que le développement de cette doctrine de S. Denis : que nous ne devons pas chercher attirer Dieu en nous, puisqu’il est présent dans notre âme, mais nous livrer et nous unir à lui pour en jouir.221.

Il y a un autre obstacle, même pour les contemplatifs déjà avancés, à la perception de l’illumination divine et de ses effets : ce sont les péchés véniels, surtout s’ils sont volontaires. S. Thomas nous en avertit et nous indique les dommages qu’ils causent à l’âme, tant dans la partie intellective que dans la partie affective. Nous n’en signalerons que deux, qui reviennent à notre sujet.

Il nous dit du premier : « L’obscurité engendrée par sa faute, si minime qu’elle soit, met obstacle à la contemplation, parce qu’elle rend 1’entendement incapable de s’adapter à la lumière divine. Aussi S. Augustin nous déclare-t-il que le souverain Bien ne s’envisage qu’avec des yeux par­faitement purifiés. »

Voilà pour l’entendement. Il dit du second dommage, qui touche l’affection : « La souillure de la faute empêche également la contemplat­ion, en ce sens qu’elle laisse dans l’affection une dissemblance qui infecte le palais spirituel, et fait qu’il ne peut plus se nourrir de Dieu avec délices. S. Augustin dit à ce sujet : « Le palais malade trouve amer et désagréable le pain savoureux à celui qui est sain. » «

S. Thomas conclut par ces paroles remarquables : « De ce qui vient d’être dit il ressort que quant à la délectation surnaturelle, le contemplatif imparfait, s’il est exempt de péché véniel, trouve plus de saveur en Dieu que le parfait s’il est actuellement lié et infecté de péchés véniels."222.

Ailleurs, parlant du malheur de cette vie, où l’on perd si facile­ment l’intimité avec Dieu, il dit à notre sujet : « Tant que nous sommes en cette vallée de larmes, si féconde en chutes, les péchés véniels suffisent à séparer l’âme de la familiarité avec Dieu. »

Notre bienheureux Père met tous ses soins à nous préserver de ce dommage dans le Livre II de la Montée du Carmel, où il traite en détail des péchés véniels et des imperfections, montrant combien ils font ob­stacle à la contemplation.

CHAPITRE XVI. Comment, pour être mue hautement et divinement, l’âme doit réduire au repos ses opérations naturelles.

Obscurité et repos dans lesquels doivent être tenus les mouvements intérieurs —De deux opérations procédant de deux connaissances — le mobile doit s’adapter à son moteur — c’est dans l’acte universel, souverainement paisible, que Dieu communique la Sagesse.

Notre bienheureux Père montre bien à quel point il était éclairé dans la conduite des vrais contemplatifs, lorsqu’il dit : « Il faut bien savoir que les actes et les mouvements intérieurs de l’âme, pour être en état d’être mus de Dieu hautement et divinement, doivent au préalable être en sommeil, en obscurité et en repos au point de vue naturel, c’est-à-dire par rapport à leur activité et à leur opération propre, tellement que cette opération naturelle en vienne à défaillir."223.

Pour bien comprendre la justesse de ces paroles, il faut admettre ce que S. Denis nous enseigne et ce que nous avons indiqué déjà, des deux opérations de notre âme, procédant de deux connaissances. L’une nous est propre et procède de la raison naturelle ; l’autre est l’effet d’une motion divine et se produit quand l’âme s’élève au-dessus de la raison, dans la lumière de la foi ; pour être mue de l’illumination et de l’influence divine.224.

Pour couronner ce sujet, S. Denis ajoute : « Dans la première opération, l’homme est lui-même et mû par sa raison ; dans la seconde, il est divin en tant que mû de l’illumination et de l’influence de Dieu. C’est durant cette seconde opération que 1’âme reçoit l’accroissement des vertus et des dons infus.225.

S. Thomas fait mention en nombre d’endroits de ces deux opérations si différentes, et nous l’avons déjà entendu sur ce sujet. Il dit encore : « Par l’opération qui procède de la raison et qui est un principe naturel, on peut acquérir les vertus qui ordonnent l’homme à quelque fin humaine et pour ce motif s’appellent vertus acquises. Elles se rencontrent chez les philosophes de la nature. Les mystiques appellent cette opération active, parce que l’âme s’y meut elle-même. Ils appellent l’opération qui procède de l’illumination divine passive, parce que 1’âme y est mue de Dieu. "226.

Ceci une fois entendu, notre Maître nous dit que pour que l’âme en vienne à être mue de Dieu surnaturellement et divinement, elle doit se mettre en repos et en obscurité par rapport à son activité naturelle et à son opération propre. Et traitant plus expressément ce sujet, il emploie la comparaison du peintre qui perfectionne un portrait. La toile, dit-il, doit nécessairement se tenir en repos : autrement elle empêcherait le travail du peintre.

Cette recommandation de notre bienheureux Père, de laquelle dépend le succès de notre contemplation, est fondée sur plusieurs raisons, tant mystiques que scolastiques, que nous avons déjà touchées nombre de fois, je n’en rapporterai que deux, en substance.

La première, tirée de S. Thomas227, est que le mobile doit être adapté à son moteur, si l’on veut qu’une motion soit produite. Or, toute la fin de la contemplation est d’arriver à ce que l’âme soit mue de Dieu surnaturellement, et qu’elle reçoive en elle-même les effets de sa divine opération, qui, nous dit l’Apôtre, réforme notre bassesse à, la ressemblance de sa clarté228. Cette opération divine, nous explique S. Denis, est très simple et très paisible. Il convient donc que l’âme aussi devienne simple et paisible, si elle veut que Dieu fixe en elle sa demeure et lui fasse sentir sa motion, pour la rendre participante de son divin Esprit.229.

En effet, comme le remarque S. Thomas en commentant ce passage de S. Denis, l’opération divine est accompagnée de silence et de repos. Or tout bruit, toute inquiétude de l’âme, quels qu’ils soient, marquent que sa paix est troublée ; ils sont opposés à la tranquillité, au silence pacifique et souverainement tranquille de Dieu, comme aussi à la dispos­ition où l’âme doit se trouver pour recevoir en elle l’opération divine.

Cette adaptation très paisible de l’âme à son Dieu durant l’oraison le Seigneur la demande au contemplatif en beaucoup d’endroits de la sainte Écriture, spécialement lorsqu’il dit par l’Ecclésiastique : La divine Sagesse s’apprend dans l’oisiveté et le repos des actes.230.

Dieu nous assure par ces paroles que celui-là recevra la Sagesse et en sera rempli, qui inquiétera le moins, son âme par le bruit des actes particuliers, parce que c’est dans 1’acte universel, souveraine­ment paisible, qu’il communique à l’âme cette Sagesse. C’est ce que S. Denis nous démontre.231.

S. Grégoire applique à notre contemplation le passage de l’Ecclés­iastique que nous venons de citer. Et, en un autre endroit, il dit à notre sujet : « Dieu demande par le prophète Isaïe : Sur qui se reposera mon Esprit sinon sur l’humble et celui qui se tient en repos ? En effet, ce divin Esprit s’enfuit des esprits des hommes à proportion qu’il trouve en eux plus d’inquiétude, et nul ne reçoit parfaitement la Sagesse, sinon celui qui travaille à s’éloigner du mouvement inquiet des opérations sensibles. C’est pour cela que le Seigneur nous dit : Écris la Sagesse au temps de l’oisiveté, et celui oui diminue ses actes, la recevra, et il en sera rempli. Et pour que l’âme expérimente qu’il est Dieu, le Seigneur lui ordonne par le Psalmiste de s’abstenir de tout tumulte et de se tenir en repos."232.

CHAPITRE XVII. Où l’on insiste sur la paix et la sérénité indispensables à la réception des influences divines.

Comment les substances angéliques reçoivent l’avènement de la Divinité —De deux obstacles à la paix et à la sérénité de l’âme — Comparaison bien propre à les faire entendre.

L’âme du juste, dit l’Esprit-Saint, est le siège de Dieu. Elle doit donc, disent S. Denis et ses commentateurs, recevoir son Dieu dans les dispositions où le reçoivent ces sublimes substances angéliques qui s’appellent Trônes, et sur lesquelles Dieu repose comme sur un siège. Albert-le-Grand, qui suit S. Denis, marque quelles sont ces dispositions : « Ce sont, dit-il, une souveraine tranquillité, une agréable sérénité, une paix pleine de repos."233.

Pour le même motif, le Psalmiste nous dit que « l’habitation de Dieu est dans la paix."234.

Cette paix, cette sérénité dans laquelle le contemplatif doit recevoir Dieu en son âme à l’imitation d’un Trône céleste, parce qu’il est lui-même le siège de Dieu, est entravée par deux obstacles. Le prem­ier est la représentation des images distinctes de la connaissance nat­urelle, qui servent au discours de la raison. Le second n’est autre que l’agitation du mouvement actif par lequel l’âme se meut elle-même, en suivant la connaissance de la raison, vers les objets que la raison lui représente et que l’âme elle-même convoite.

Ces deux obstacles entravent la divine contemplation et la récept­ion des dons surnaturels qui procèdent de l’illumination et de l’influ­ence divine. Or, c’est par ces dons que l’âme est mue de Dieu et mise en repos par rapport à son opération personnelle, provenant de la raison et de l’impulsion naturelle.

C’est pour ce motif que les Saints grands contemplatifs exhortent l’âme à s’abstenir de ces deux opérations, au temps de la contemplation et à se mettre en repos par rapport à l’une et l’autre. Notre bienheur­eux Père fait de même, ainsi qu’on peut le voir par les paroles que nous avons citées au Chapitre précédent.

Pour preuve de ceci, je n’apporterai qu’un seul passage de S. Grégoi re, qui nous inculque fortement la vérité dont nous parlons. Par 1à nous apprendrons plus parfaitement en quoi consiste la substance de la vraie contemplation, et nous comprendrons mieux encore l’erreur de ces contemplatifs, qui travaillent tant dans l’oraison et tirent si peu de profit de leur travail.

Écoutons parler S.Grégoire : « Jamais, dit-il, la contemplation ne fait alliance avec la commotion, et jamais un esprit agité ne percevra ce qu’à peine un esprit tranquille arrive à saisir : pas plus que les rayons du soleil ne sont visibles lorsque la face du ciel est voilée par les nuées en mouvement, pas plus qu’une fontaine aux eaux troublées ne peut reproduire le visage de celui qui s’y considère. Parfaitement tranquille, elle rend fidèlement son image, mais à la moindre ondulation des eaux, l’image s’obscurcit et disparaît ».235

Le saint Docteur touche ici les deux défauts qui peuvent se rencontrer dans notre contemplation. L’air obscurci et chargé de nuages, qui empêchent la splendeur des rayons du soleil, marque les représentations distinctes qui voilent l’illumination divine. La fontaine, qui ne reprod­uit point l’image de celui qui s’y considère, signifie le mouvement nat­urel de l’âme qui se meut activement à la production des actes de la raison. Tout cela, le Saint demande que l’âme le réduise au repos, et en bien d’autres endroits du Livre des Morales il nous prêche cette même doctrine, comme étant de la dernière importance en matière de contemplation.

CHAPITRE XVIII. De trois connaissances de Dieu.

La connaissance de Dieu par affirmation —La connaissance de Dieu par négation —La connaissance de Dieu perçue en ignorance —Trois dispositions nécessaires pour cette dernière et toute divine contemplat­ion —L’acte de la contemplation est un acte parfait, parce que le mou­vement en est exclu —Comment le Trône céleste adhère au Trés Haut —Très rare chez les contemplatifs le parfait repos quant à l’opération naturelle —Désordre de ceux qui veulent gouverner l’influence divine.

D’après le prince de la science mystique, le dépositaire fidèle de la doctrine des Apôtres, ses maîtres, il y a trois manières d’atteindre la connaissance et l’amour de Dieu, et elles sont plus parfaites les unes que les autres.

La première procède par affirmation, en montant des perfections des créatures, qui nous sont connues, à celles de Dieu, qui nous sont incon­nues, et en nous figurant entre elles quelque rapport. C’est le moyen le plus bas de connaître Dieu, puisque son excellence et ses perfections sont à une distance infinie de la plus élevée des excellences et des perfections qui se rencontrent dans les créatures.

La seconde procède par négation, en niant que Dieu soit semblable à quoi que ce soit que nous connaissons, et en croyant qu’il est une Essence supérieure et bien plus excellente. Cette connaissance est plus parfaite que la précédente, parce qu’en cette vie nous connaissons Dieu d’une manière plus haute et nous nous faisons mieux l’idée de son incom­parable excellence en connaissant ce qu’il n’est pas qu’en connaissant ce qu’il est.236.

C’est l’explication de S. Thomas. Comme nous ne pouvons comprendre ici-bas l’incompréhensible Essence divine, les affirmations concernant Dieu tirées des créatures sont impropres, tandis que les négations sont exactes et véritables.

Après nous avoir parlé de ces deux premières connaissances, communes aux philosophes chrétiens et aux philosophes de la nature, S. Denis nous donne en peu de mots une idée très profonde de la contemplation et de la science mystique propre aux chrétiens, par laquelle nous tendons, d’une manière bien plus surnaturelle et plus divine que les philosophes de la nature, à la véritable connaissance et à l’amour de Dieu. Cette contem­plation a lieu par la lumière de foi et l’illustration du don de Sagesse. Citons ses propres paroles, qui montrent comment le contemplatif doit lever les deux obstacles dont nous avons parlé. La doctrine de notre Maître se trouvera ainsi parfaitement éclaircie et appuyée.

« Outre ces deux connaissances, l’affirmative et la négative, dit S. Denis, il y a encore une autre connaissance de Dieu, très divine, qui est perdue par ignorance. Elle a lieu quand l’esprit, se séparant de toutes choses et se quittant ensuite lui-même, s’unit aux resplendissants rayons de la Divinité : et par là se trouve illuminé des investigables profondeurs de la Sagesse de notre Dieu. ».237.

C’est ainsi que S. Denis résume toute la profondeur de la science mystique, qu’il assure, dans ses ouvrages, tenir des Apôtres, ses Maîtres.

Ce qu’il demande dans cette toute divine contemplation, c’est qu’on se tienne en ignorance par rapport à toutes les choses connues, l’enten­dement uni à la lumière de la foi, au-dessus de lui-même et de toutes ses connaissances. Conne disposition à ceci, il indique trois qualités nécessaires, qui reviennent à notre sujet.

1. Que l’entendement se dépouille de toute représentation dist­incte des objets créés. 2. Qu’il se quitte lui-même ; ce qui équivaut, comme il l’explique ailleurs, à l’apaisement des opérations intellect­uelle238, ou, comme porte une autre version, à « la répression des opérations de notre esprit"239. En un mot, il s’agit de réfréner cette impulsion active par laquelle notre esprit se meut de lui-même naturelle­ment, afin que, cette impulsion une fois arrêtée, il puisse être mû de Dieu surnaturellement ce qui revient à ce que notre Maître nous enseignait plus haut. 3. Que l’esprit se tienne en opération surintellectuelle revêtu seulement de la lumière simple de la foi.

Plus, loin, expliquant ce que c’est que se tenir en opération surin­tellectuelle, il dit que c’est, pour l’entendement, se tenir en la con­naissance de Dieu par la seule lumière de la foi, séparé de tous les objets qui lui sont connus et de leurs images ; c’est aussi se tenir en repos par rapport à toutes les opérations intellectuelles, en envisageant Dieu non par comparaison avec quelque objet créé, mais comme absolument incomparable. Quand l’entendement se trouve, dans 1’oraison, orné de ces trois qualités alors, dit-il, il est illustré par les profondeurs de la Sagesse divine, que notre propre raisonnement est incapable de percevoir et de connaître.240.

S. Thomas nous inculque la même doctrine en beaucoup d’endroits de ses ouvrages. Il dit entre autres choses : « L’acte de contemplation que S. Denis appelle circulaire se fait dans l’immobilité241, c’est-à-dire dans le complet repos de l’âme.

Par où S. Thomas nous montre que le mouvement est l’acte d’un agent imparfait, et que par suite los opérations mêlées de mouvement s’exercent avec d’autant moins de suavité, qu’elles participent plus au mouvement.242

Ailleurs il s’exprime sur le même sujet de la manière suivante, quant à la substance : on appelle la contemplation oisiveté, parce que l’âme s’y tient en repos, non seulement quant aux mouvements extérieurs du corps, mais aussi quant aux mouvements intérieurs de l’esprit. L’acte de la contemplation est parfait, par cela même qu’il est paisible et que le mouvement en est exclu.243.

Richard de Saint-Victor, habile pilote de cette céleste navigation, dit de son côté : « Le contemplatif doit se persuader que plus il en viendra à réduire entièrement et parfaitement au silence les puissances de son âme, plus il les acheminera vers la paix et la tranquillité, intime dans laquelle Dieu repose, plus aussi il s’unira fermement et étroitement, dans la con­templation, à la suprême Lumiere, qui est Dieu."244.

La raison fondamentale de ce que nous dit ce grand maître est bien claire. Si l’âme du juste est le siège de Dieu, comme le déclare l’Ecriture et si dans la Contemplation elle se dispose à recevoir Dieu en elle-même, l’inquiétude est une mauvaise disposition pour le siège de la Tranquillité suprême. Aussi S. Denis, expliquant les propriétés par lesquelles les Trônes angéliques se disposent à recevoir Dieu en eux-mêmes — et nous avons vu que le vrai contemplatif doit se rendre semblable à eux, — il nous dit ce qui suit : « De toutes ses forces le Trône adhère immobile et ferme au Très-Haut, et c’est sans aucun mouvement, sans rien de commun avec la matière qu’il reçoit l’avènement divin.245.

Ce qui revient à dire que pour recevoir Dieu en soi comme un Trône, soit angélique, soit humain, il faut s’unir à lui paisiblement et fermement, il faut le recevoir au-dessus de tout ce qui est matériel, sans nul mouvement ni inquiétude.

Pour ce qui regarde la première des dispositions réclamées par S. Denis, qui est l’union à Dieu par la lumière de la foi, au-dessus de toutes les connaissances distinctes, l’entendement étant dépouillé de tout ce qui est matériel et sensible, beaucoup de contemplatifs la possèdent. Quant à la seconde, qui consiste à se tenir en parfait repos pour ce qui est de l’opération naturelle par laquelle l’âme se meut elle-même activement, bien rares sont ceux qui l’ont en partage dans l’oraison. Et c’est faute de savoir ainsi s’arrêter et se reposer en Dieu, qu’au dire des auteurs mystiques, il y a peu de contemplatifs qui reçoivent en eux l’opération divine sans empêchement.

Pour nous convaincre qu’il faut en venir là, les saints nous disent que l’âme doit se comporter, dans l’oraison., comme un vivant instrument de Dieu et se mettre en état d’être mû par lui. S. Thomas, en particulier, nous explique qu’il doit, pour cela, y avoir une certaine union préalable entre Dieu et l’âme.

Nul n’est mû par l’Esprit-Saint, dit-il, s’il n’est en quelque manière uni, de même qu’un outil ne peut être mis en mouvement par l’artisan, si celui-ci ne le tient en quelque union avec lui. Cette union a lieu par le moyen de la foi. Si le pinceau ne se laissait point gouverner par la main du peintre et la plume par celle de l’écrivain, ni l’une ni l’autre des œuvres qu’ils exécutent n’arriverait à sa perfection. Il en est de même quand l’âme, dans l’oraison, met obstacle aux opérations divines.

C’est pour ce motif que S. Thomas compare les influences de la grâce, par rapport à la volonté, au moteur qui meut le mobile et au cavalier qui conduit son cheval.246 De même que ce serait un grand désordre si le cheval prétendait gouverner les mouvements du cavalier, de même c’en ser­ait un si l’âme voulait dans l’oraison gouverner l’influence divine, au lieu de se laisser gouvemer par elle.

S.Laurent Justinien, en maître expérimenté, reprend ce désordre par les remarquables paroles que voici : « L’esprit humain doit se soumettre à l’influence divine et toujours s’adapter soigneusement à elle. De quelque manière que cette influence dirige l’esprit de celui qui prie, l’âme doit y consentir. Celui qui voudra redresser l’inspiration surnaturelle et la visite du Seigneur selon le bon plaisir de sa propre volonté, ne retirera de l’oraison aucun profit, il en retirera même du dommage. Dans l’oraison, l’homme doit se soumettre à Dieu, et non Dieu à l’homme. Celui qui tiendra une autre ligne de conduite ne sera jamais enrichi des dons divins, car c’est l’esprit simple que Dieu daigne visiter, et il habite avec lui amicalement. Et c’est la simplicité de la voie qui révèle l’homme véritablement dévot."247.

CHAPITRE XIX. Comment dans la contemplation l’âme n’est point oisive.

Pourquoi l’œuvre de Dieu en l’âme est imperceptible —Comment Dicu réforme notre bassesse à la ressemblance de sa clarté —Rapidité de son opération —La spéculation, obstacle à l’illumination divine —Comment les vertus s’acquièrent passivement dans l’oraison et activement hors de l’oraison.

Il arrive souvent que ceux qui se tiennent ainsi simples et tranq­uilles dans l’oraison se figurent demeurer oisifs et perdre le temps. Notre Maître les console et les rassure par un enseignement admirable et d’une parfaite évidence.

« L’âme, dit-il, doit bien savoir ceci. Elle a beau ne pas sentir qu’elle marche, elle a beau se figurer qu’elle est oisive, elle avance beaucoup plus en se tenant dans ce repos que si elle marchait par elle-même, car c’est alors Dieu lui-même qui la porte dans ses bras. Si elle ne s’aperçoit point des pas qu’elle fait, c’est que Dieu marche et non pas elle. Ses puissances n’agissent pas, mais une autre opération, bien plus puissante, a lieu, et Dieu même en est l’auteur. Qu’elle ne s’en aperçoive pas, ce n’est pas merveille, puisque cette opération de Dieu est une opération silencieuse. Qu’elle s’abandonne entre les mains de Dieu et renonce à se conduire elle-même. Qu’elle n’applique ses puissances à aucun objet distinct, et tout ira bien."248

Par là notre Maître nous apprend que l’âme avance d’autant plus le travail de sa réforme et de sa perfection, qu’elle arrête davantage dans l’oraison son opération naturelle active, afin d’être mue passive­ment de celle de Dieu, comme le disait S. Denis parlant de Hiérothée.249. Il nous apprend également que lorsque l’âme se tient ainsi en repos, liv­re à l’opération divine, elle n’est point oisive et ne perd pas le temps, mais elle est, au contraire, très avantageusement occupée.

Pour prouver cette vérité, si peu comprise de la plupart des contemplatifs, répétons ce que S. Denis nous a dit déjà, que lorsque l’âme agit et opère selon la lumière naturelle, l’homme est lui-même, mais lorsque l’âme se transfère à la lumière de la foi, l’homme se déifie et les dons divins lui sont communiqués.250 Car la différence qui existe entre l’op­ération de Dieu et l’opération de l’homme existe aussi entre les avantages que procure l’opération divine et ceux que procure l’opération humaine. Dans l’opération de l’homme, qui est une opération naturelle, les effets sont naturels et très bornés puisque, ainsi que le prouve S. Thomas, la connaissance et l’opération qui procèdent de la capacité naturelle de l’homme ne peuvent surpasser en leurs effets sa capacité naturelle.251 Au contraire, dans l’opération où Dieu est lui-même le moteur, des effets sumaturels sont produits dans l’âme, les vertus et les dons infus reçoiv­ent accroissement. C’est ce que dit ici S. Denis et ce que S. Thomas prouve en maints endroits de ses ouvrages.252.

C’est de cette opération divine — qui a lieu quand l’âme dans la contemplation renonce à son opération propre, pour avoir sa conversation dans le ciel — que parle S. Paul lorsqu’il dit aux Philippiens qu’elle réforme notre bassesse à la ressemblance de la clarté divine. Et il ajoute — ce qui revient à notre sujet — que cette opération s’assujettit toutes choses.253.

C’est donc elle qui réforme nos âmes. Le désordre des appétits et des passions, que l’opération propre n’a pu réformer en beaucoup d’années, cette opération le réforme en peu de temps, en ceux qui ne lui opposent pas de résistance et qui, au moyen des secours ordinaires de la grâce, se disposent à en recevoir de plus élevés. « Dieu, dit S. Thomas, peut mouvoir l’âme si puissamment, qu’elle atteigne sur-le-champ une justice parfaite ».254.

S. Thomas prouve aussi la doctrine suivante, qui revient à notre sujet. Quand il s’agit des vertus acquises, qui ordonnent l’homme au bien humain — bien qui est du ressort de la raison — il y a dans la nature humaine un principe suffisant à leur production, un principe non seulement passif, mais actif. L’homme peut donc les acquérir par ses actes propres. Mais quand il est question des vertus infuses, qui ordonnent l’homme aux biens surnaturels et divins, l’homme a bien à sa disposition un principe passif, mais non un principe actif. Il est donc hors d’état de les acquérir par son opération naturelle ; il ne le peut que par l’opération divine, lorsque l’âme ne se meut as, elle-même, mais se dispose seulement à être mue de Dieu.

De même que l’air est illuminé par le soleil et ne s’illumine point lui-même, ainsi l’homme reçoit le fonds des richesses surnaturelles de l’opération divine, et non de la sienne propre. De là il est facile de juger combien il est plus avantageux à l’âme d’apaiser comme le dit notre Maître son opération active afin d’être mue passivement de Dieu que de passer tout le temps de l’oraison à insister sur des actes humains qui ne font qu’empêcher la communication de l’influence divine. Celle-ci doit se recevoir en complet repos, tandis que l’âme laisse de côté sa motion naturelle, par laquelle elle chemine au milieu de la production des actes de la raison.

De là aussi nous pouvons nous rendre compte du peu d’intelligence avec laquelle procèdent, dans l’exercice des vertus, ceux qui passent une grande partie de l’oraison à spéculer subtilement sur ces mêmes vertus, à grand renfort de discours de la raison, se répétant alors à eux-mêmes ce qu’ils ont vu maintes fois dans les livres, ce qu’ils savent parfaitement, sans jamais donner lieu à l’opération divine, qui produirait son effet dans l’âme et y introduirait des vertus. Souvent même il arrive que le démon lui-même suggère ces discours et ces spécul­ations, afin d’empêcher les effets de l’illumination et de l’influence divine, qui auraient lieu dans une oraison paisible. Ainsi, ceux qui se sont livrés à ces spéculations sont d’autant plus persuadés qu’ils ont fait une excellente oraison, que leurs discours ont été plus subtils, tandis qu’en réalité leur âme est demeurée vide de la vraie substance de l’oraison.

Qu’on veuille bien revoir ce que nous avons dit en commençant de la manière dont notre bienheureux Père enseignait à ses disciples l’acquisit­ion des vertus. Très utile aussi ce que S. Thomas nous dit à ce sujet : « L’homme atteint les vertus de deux manières. La première et la principale a lieu par un don de la grâce, recevant alors de Dieu intérieurement le fonds des vertus et les exerçant ensuite à l’extérieur par des actes. La seconde a lieu par un effort humain, lorsque, extérieurement l’homme réfrène les actes extérieurs désordonnés - ce que nous appelons les mortifier,­ et par là s’achemine à la réforme de la racine vicieuse qui se trouve l’intérieur, et qui est la source de ces actes désordonnés. »255.

La première manière regarde l’oraison, où l’homme se dispose, par le secours ordinaire de la grâce et la lumière simple de la foi à recevoir en soi l’opération de Dieu, dans l’apaisement complet de son opération propre, en tant qu’exercée activement. Il applique le secours ordinaire de la grâce et la lumière simple de la foi à recevoir en soi l’opération de Dieu dans l’apaisement complet de son opération propre, en tant qu’exercée activement. Il applique alors son désir, le plus efficacement qu’il lui est possible, à obtenir de Dieu les vertus qu’il sent lui être plus nécessaires, puisque, selon la doctrine de S. Grégoire déjà cite, les désirs sont les cris de l’âme qui parviennent jusqu’aux oreilles de Dieu, et, selon celle de S. Thomas, les effets de sa grâce se répartissent à la mesure des désirs. « C’est par cette voie, dit encore S. Thomas, et non par les discours que se négocient dans l’oraison les accroissements des vertus."256.

La seconde manière d’exercer les vertus consiste en l’effort person­nel. Elle regarde la vie active et se pratique à toutes les heures du jour, hors de l’oraison. On s’y aide du discours de la raison et de l’op­ération naturelle de l’âme, en rappelant à son souvenir les exemples de Jésus-Christ. On y cherche de toutes ses forces à réprimer et à mortifier tous les actes désordonnés, en leur opposant les vertus contraires et en s’acheminant ainsi vers la perfection do ces mêmes vertus. Tout cela se fera d’autant plus facilement, qu’on aura reçu de Dieu pour se vaincre un fonds surnaturel plus abondant.

CHAPITRE XX. Comment l’âme dans la contemplation exerce une opération plus parfaite.

Ce que c’est que d’être passif —L’âme instrument de Dieu — Deux sortes d’opérations —L’opération de l’âme dans la contemplation est une opération passive —Dieu agent principal, l’âme matière qui reçoit la forme divine.

Quelques scolastiques, peu versés dans la doctrine spirituelle des saints, s’étonnent des termes d’actif et de passif, qui se rencontrent dans celle de notre bienheureux Père. Les auteurs mystiques se servent tous du terme de passif, pour marquer la disposition de l’âme qui, dans la contemplation, ouvre la porte a la réception des dons surnaturels de Dieu. D’ailleurs, l’âme n’est pas alors dénuée d’opération propre, ainsi que plusieurs le pensent, mais elle en a une plus parfaite.

Selon la doctrine d’Aristote257, souvent invoquée par S. Thomas, de même que l’on appelle passives les puissances mues par un autre, de même on appelle passive cette motion elle-même, et on appelle pâtir recevoir en vertu de cette notion la connaissance et l’amour, soit qu’il s’agisse d’une motion naturelle, soit qu’il s’agisse d’une motion surnaturelle.258 C’est dans le même sens que S. Denis disait de Hiérothée qu’il était patiens divina, c’est-à-dire, comme l’explique S. Thomas259, que par l’effet d’une illustration ou opération divine, non seulement son entendement était instruit des choses de Dieu, mais encore sa volonté en goûtait surnaturellement la saveur et l’amour.

Si donc les trois princes de la philosophie, de la théologie mystique et de la théologie scolastique ont usé de ces termes, ils n’ont pas de quoi nous étonner.

Lorsque l’on dit que dans la divine contemplation exercée au-dessus de la raison humaine, l’âme reçoit l’illumination divine en disposition passive, comme un vivant instrument mû de Dieu même, il ne faut pas entendre que l’âme, durant cette motion et illumination, n’a pas d’opération propre, elle qui est un instrument animé, alors que les instruments inanimés eux-mêmes en ont une. Un exemple apporté par S.Thomas nous donnera sur ce point une lumière suffisante.

« Il est conforme à la raison, dit-il, et il est aussi de la nature de l’instrument d’agir par une motion étrangère, et cependant l’instrument ne laisse pas d’avoir son opération propre. Il en est ainsi pour la scie qui divise le bois. L’opération de diviser appartient à sa forme propre ; mais en même temps elle a une autre op6ration, qui ne lui appartient pas en propre, mais en tant que mue par l’artisan : celle de diviser correctement et d’après les règles du métier. L’instrument a donc deux opérations : l’une qui lui appartient quant à sa forme propre, l’autre qui dépend de la motion donnée par l’artisan. Cette dernière, en tant que supérieure à l’autre, surpasse la capacité de sa forme propre."260.

Chapitre XXI. De la meilleure disposition pour goûter Dieu dans la contemplation.

Simplicité quant à la connaissance —Repos quant au raisonnement —Quels sont les effets de la lumière divine sur l’entendement et sur la volonté —Comparaisons tirées de l’action du soleil —Comment l’âme pénètre dans l’obscurité où Dieu réside.

Nous avons vu que pour recevoir les dons de Dieu et l’accroissement des vertus, il est meilleur pour l’âme de se tenir simple quant à la connaissance et paisible quant à l’opération active, que d’exercer le discours et le mouvement de la raison. De même, pour goûter la suavité de la dévotion, la meilleure disposition est encore cette simplicité paisible ; car, ainsi que le dit saint Laurent Justinien, maître éminent en cette science secrète, « la prudence humaine et le discours de la raison sont opposés à la simplicité, la mère de la suavité intérieure. » Prudentia humana et discursus rationis adversantur simplicitati, quæ mater est internae dulcedinis ; (De custo Connub., Cap.XI).

C’est ce que explique admirablement l’abbé Gilbert, auteure grave et expérimenter, disciples de saint Bernard, par ces paroles brèves et substantielles : « la vérité simple engendre la ferveur de l’amour. Quand le voile des représentations distinctes formées par l’imagination est élevé, la vérité resplendit, elle jette des étincelles, qui allument le feu de l’amour. Au contraire, quand on admet la représentation imaginative, l’entendement se couvre d’un voile, qui ne lui permet plus de contempler la vérité divine dans son essence et dans sa pureté. Simplex veritas gignit fervorum amoris. Cum ablatunc fuerit velamen imaginationum, tunc rutilat veritas ; tunc scintillat et succendit amorum; imaginatione quasi velamine tenetur intellectus, ne sinceram contempletur veritatem. (Gilb. ap. Div. Bernard, Serm. 45 in Cant.)

St Denis nous fournit la raison fondamentale de cette doctrine, en vous expliquant comment l’illumination divine introduit la dévotion et l’amour de Dieu dans l’âme qui lui donne libre accès en elle ; comment cette lumière divine purifie d’abord les yeux intellectuels de la boue des erreurs et des ignorances, et les ouvre à la contemplation de la vérité divine ; comment elle passe ensuite à la volonté, lui communique sa saveur et éveille en elle la dévotion et l’amour. À mesure que la dévotion et l’amour vont croissants, l’illumination augmente, pour donner à l’amour de nouveaux accroissements. Elle passe ensuite à toutes les autres facultés de l’âme et la renouvelle, pour la disposer à l’union divine.

Tout ceci est de S. Denis. Mais si magistrales que soient ces paroles, celles qui suivent sont particulièrement notables par rapport au sujet qui nous occupe.

“La lumière divine avance toujours les âmes vers leur perfection, à proportion que leur regard intellectuel s’adapte à la lumière elle-même.” 261.

Cette adaptation, nous l’avons vu par la doctrine de ce saint et celle de S. Thomas, consiste en ce que l’entendement soit revêtu de la seule lumière simple de la foi, dépouillée de toutes les autres connaissances et de leurs images ou représentations.

Si donc, comme le disent ces deux saints, l’illumination divine a pour première opération dans l’âme qui lui ouvre la porte et lève les obstacles qui lui font opposition, de purifier l’entendement des nuages qui l’obscurcissent ; si de là, elle va enflammer la volonté de l’amour de Dieu et renouveler divinement les autres facultés, il est clair que cette purification et ces autres effets ne peuvent se produire et s’apercevoir aussi rapidement que quelques-uns le souhaiteraient.

Nous avons de ceci une image très frappante dans l’action du soleil. Quand un matin d’hiver il se lève sur notre horizon, avant qu’il ait purifié l’air des vapeurs qui montent de la terre, avant qu’il se mette sans obstacle à échauffer le sol et à produire par sa vertu les fruits qui doivent l’embellir, il se passe quelquefois une grande partie de la matinée, et d’autres fois la plus grande partie du jour.

C’est ce qui arrive aux contemplatifs, qui, dans l’oraison, ont à faire disparaître les obstacles qui s’opposent à l’illumination divine. Dans les esprits qui ne sont pas encore purifiés, il monte de l’appétit sensitif à l’appétit intellectif des vapeurs denses, provenant des puissances non encore ordonnées, vapeurs qui obscurcissent tellement l’entendement, qu’au moment où la lumière divine pénètre dans l’âme, les effets qu’elle produit sur les affections ne se sentent pas immédiatement. Son premier travail est de purifier l’entendement, et plus l’âme sera attentive à Dieu, calme et pure de toute connaissance distincte, en un mot plus elle sera fixée dans cette attention amoureuse que recommande notre Maître, et qui est l’acte même de la contemplation, plus promptement aussi la lumière divine, qui a pénétré l’entendement, ira embraser la volonté. C’est faute de ce repos attentif que beaucoup passent tout le temps de l’oraison sans éprouver les effets de la lumière divine dans la partie affective.

Un auteur docte et très spirituel, Louis de Grenade, explique ceci par un exemple vulgaire, mais très approprié.

“De même, dit-il, que pour le sommeil naturel il est nécessaire de s’assouplir quelque peu dans une quiétude vide de pensées, de même pour le sommeil surnaturel de la contemplation, dont l’épouse a dit : ‘Je dors et mon cœur veille’, l’âme doit se mettre en repos”. 262.

Par où l’on peut voir combien sont dans l’erreur ceux qui ne veulent pas apaiser leur âme par rapport à leurs connaissances, pour s’endormir ainsi du sommeil dans les bras de l’Epoux divin.

Cet assouplissement de l’âme dans l’oraison, en vue de goûter le sommeil vital de la contemplation, entre les bras du céleste Époux et en participation de sa divinité, S. Denis l’indique dans un profond enseignement mystique, qu’il rapporte comme ayant été donné par les Apôtres ses maîtres, et en particulier par l’apôtre S. Barthélemy.

Dieu, bien qu’il soit au-dessus de tout et qu’il environne tout de son immensité, ne se communique pourtant en vérité, sans voiles et sans obstacle, car cela seulement qui dépasse toutes choses, pures et impures, qui montent au-dessus des sommets les plus saintes, et qui entrent dans les ténèbres où réside véritablement, comme le disent nos saints Livres, Celui qui est au-delà de tout. » 263.

Ces paroles, Rupert de Lincoln, célèbre commentateur de S. Denis, les explique en disant : « Dieu dans l’oraison ne se communique en vérité, sans voiles et sans obstacle, qu’à ceux qui surpassent toutes choses, non seulement les sensibles, mais même les spirituelles créées, ainsi que leurs images, à ceux qui s’élèvent saintement au-dessus des actes les plus sublimes de la faculté appréhensive active, si intense soit-elle, et qui entrent dans l’obscurité de la foi, en ignorance actuelle de tout le créé : obscurité, dit l’Écriture, où Dieu réside au-dessus de toutes choses. »

Ce que nous avons surtout à retenir de cette magnifique doctrine, c’est que, dans la véritable contemplation où Dieu est participé en lui-même, l’âme contemplative doit s’élever non seulement au-dessus des choses créées et de leurs images, ainsi qu’il a été tant de fois répété, mais encore au-dessus de tous les actes de la faculté appréhensive active. Ce qui revient à dire que l’âme doit alors se dépouiller non seulement de toutes les représentations des choses distinctes, mais encore de la faculté qui lui sert à s’appliquer aux choses qu’elle comprend. Cela est si important pour ceux qui sont dans l’état de contemplation, et néanmoins si peu comprise, que notre Maître a cherché de toutes façons à le faire bien entendre. Il ne sera donc pas inutile de les éclaircir davantage encore.

Chapitre XXII.

[Manque la page manuscrite correspondante oubliée lors de la photographie, numérotée 198 264]

... Se porte avec véhémence à l’opération d’une puissance, soit retirée de l’opération d’une autre puissance, parce qu’il ne peut y avoir dans l’âme qu’une seule intention.265

Ailleurs, appliquant davantage cette doctrine à notre sujet, il dit : « La capacité affective et la capacité compréhensive diffèrent entre elles, bien que résidant en une même âme. De là vient que lorsque l’intention de l’âme s’applique avec force à l’acte d’une de ses puissances, elle se rend inapte à l’acte des autres puissances.266.

En un autre endroit, il explique ce qu’il entend par l’intention : « L’intention, dit-il, est l’acte de la volonté s’ordonnant à une chose comme à la fin qu’elle a en vue. Et comme la volonté meut toutes les autres puissances de l’âme vers la fin qu’elle envisage, il s’ensuit que là où s’appuie l’intention, là se porte toute la force de l’âme. »267.

C’est cette attention, si efficace et si puissante dans les actes de l’âme, que S. Denis nous dit de retrancher et d’apaiser quant à la connaissance et d’appliquer à l’affection, afin que l’âme en vienne à goûter ce qu’elle est incapable de connaître. C’est pour cela qu’en cette vie l’âme doit s’ordonner plutôt à l’amour qu’à la connaissance. « Il est bien vrai, selon S. Thomas, que l’essence de la contemplation appartient en premier ressort à la connaissance, puisqu’elle est la contemplation de la suprême Vérité. Et cependant, remarque le même Saint, quant à la fin que l’on se propose dans la contemplation (qui est d’enflammer l’âme de l’amour de Dieu), l’essence de la contemplation appartient à la volonté. » 268.

C’est à cet embrasement d’amour, affirme S. Thomas, que doit être dirigée l’intention de l’âme. Et il le prouve par l’autorité de S. Grégoire, qui dit : « La vie contemplative consiste à remplir son âme de l’amour de Dieu et du prochain, à s’attacher uniquement au désir de posséder son Créateur. »269. Et encore : « La contemplation, méprisant toute sollicitude étrangère, s’enflamme du désir de voir le visage de son Auteur. »270.

Pour ce qui est de l’essence de la contemplation qui appartient à la connaissance, elle s’exerce par cette vue simple et universelle, dans laquelle l’entendement est attentif à Dieu. Il s’applique à son objet propre, qui est, dit S. Thomas, l’essence universelle de Dieu ; 271 et de son côté, la volonté s’applique à son objet propre, qui est le Bien universel. C’est donc à la volonté et à son opération que doivent s’appliquer toutes les forces de l’âme, qui ont leur siège dans son intention. Et ainsi les deux puissances ont leur emploi.

Ce soin, durant la contemplation, de lâcher les rênes à la volonté et de retenir l’entendement — en quoi consiste tout le succès de la contemplation — nous est recommandé aussi par Gerson, auteur mystique et très docte. Il s’exprime ainsi : « Le contemplatif doit faire en sorte de ne pas se fixer dans la connaissance, mais de se tenir seulement dans une vue de Dieu simple et suave, quant à l’entendement, tandis qu’il aspirera à lui par la volonté, comme par la bouche du cœur, altérée de s’abreuver de la Sagesse et de la Bonté divine, et de la savourer. 272Ailleurs le même auteur nous exhorte à ne pas nous appliquer curieusement à Dieu dans l’oraison, en voulant spéculer ce qu’il est, alors que nous sommes incapables de le connaître en cette vie, mais à tenir plutôt notre entendement soumis au pied de la Grandeur divine, en reconnaissant humblement son ignorance et sa capacité bornée, qui ne lui permettent pas de pénétrer l’immense Sagesse de Dieu.

Puis il ajoute : « Pendant plus de quarante ans, j’ai travaillé et fait effort, j’ai étudié, j’ai lu, j’ai médité, j’ai prié, durant de longues et paisibles heures d’oraison. Et après tout cela, je n’ai rien trouvé de plus utile et de plus efficace pour atteindre la science mystique, que de placer son âme et son esprit comme un petit enfant sous les pieds du Seigneur, là où la mendicité spirituelle et la foi simple occupent la place d’honneur, car Dieu est né pour nous enfant, et petit enfant il nous a été donné. » 273.

Chapitre XXIII. Erreur des nouveaux contemplatifs qui se figurent rester oisifs.

L’âme attentive et en repos exerce l’acte de l’amour —Ayant les dispositions requises pour la réception des influences divines, elle les reçoit indubitablement —Du repos de désir —Comparaison propre à éclaircir ce qui vient d’être dit.

Ceux qui débutent dans la contemplation sont parfois, nous l’avons dit, tristes et inquiets ; ils se disent que dans cette quiétude attentive à Dieu, ils demeurent sans rien faire et perdent le temps.

Nous allons leur dire une fois encore combien ils opèrent, au contraire, et combien ils reçoivent. Pour cela, nous leur citerons de nouveau le passage suivant de notre bien heureux Pèe, dans la Montée du Carmel, L.II., Ch.XIII : « Que l’homme spirituel apprenne à se tenir en amoureuse attention à Dieu, et dans le repos de l’entendement, même s’il lui semble ne rien faire. Qu’il persévère, et il verra que peu à peu et très promptement la paix et la suavité divine lui seront versées dans l’âme, avec des admirables et sublimes notions de Dieu, tout imprégnées d’amour. Qu’il ne se mette nullement en peine de formes, d’imaginations, de méditations ou de quelques discours que ce soit ; autrement il troublera son âme et la fera sortir du contentement et de la paix dont elle jouit, pour l’occuper à ce qui ne lui apportera que du dégoût. S’il lui vient quelque scrupule à la pensée qu’il ne fait rien, qu’il sache que ce n’est pas faire peu de choses que de pacifier son âme et de la mettre en repos, en l’affranchissant de tout effort et de tout désir. C’est ce que le Seigneur demande de nous par la bouche de David, qui nous dit : Apprenez à demeurer vides de tout en votre intérieur, et vous verrez savoureusement que je suis Dieu. » 274.

Notre bienheureux Père s’adresse ici à ceux qui ont déjà acquis l’habitude de la méditation et se trouvent aptes à passer à la contemplation, suivant les marques qu’il indique. La plus ordinaire est que l’âme ne peut plus méditer — n’ayant plus de goût à la méditation, qui lui cause au contraire amertume et dégoût — et que les discours lui sont devenus à charge.

Pour que le contemplatif soit pleinement convaincu de ce que lui dit notre saint Maître, qu’il lui suffise de savoir qu’en cet état il a les dispositions que S. Denis réclame de l’âme contemplative pour recevoir sans empêchement l’illumination et l’influence divine. La première est qu’elle soit résignée et humble, qu’elle ne prétende pas avec orgueil à plus que l’illumination divine ne lui accorde. La seconde est que son entendement, revêtu de la lumière de la foi, se tienne ferme dans l’opération surintellectuelle, sans descendre aux connaissances distinctes de la raison ; et s’il y descend involontairement, qu’il revienne à la connaissance indistincte de la foi. La troisième est que cette connaissance de foi soit accompagnée d’un amour proportionné, qui est l’acte de la volonté. Tant que l’âme, durant l’oraison, se tient dans cette disposition devant Dieu, dit ce grand théologien, elle reçoit sans discontinuer la ressemblance et l’illumination divines, même s’en s’en apercevoir. 275 Ce qui revient à l’enseignement de notre Maître.

Ces contemplatifs inexpérimentés seront aidés à se convaincre que dans cette pieuse qui étude il ne perd pas le temps, si son présent cette vérité, que lorsque l’âme est orientée vers Dieu, elle se trouve par là même, dans l’acte de son amour. En effet, comme l’explique S. Thomas, l’acte de l’amour de Dieu n’est autre chose que l’application et l’inclination de l’appétit vers Dieu, comme vers son bien propre. 276 Et ailleurs, le même Saint marque deux sortes de repos de l’âme en Dieu : l’un qu’il appelle de terme et qui est propre aux Bienheureux, l’autre qu’il nomme de désir et qui est propre aux contemplatifs en cette vie.

Ainsi, quand l’âme est dans ce repos de l’oraison, avec le désir de s’approcher de Dieu, elle ne peut être oisive, puisque sa volonté est appliquée à Dieu par un acte qui est son désir. De plus, elle est convenablement disposée à recevoir les effets de la grâce divine, qui se versent dans les âmes à proportion de l’intensité de leurs désirs, ainsi que nous l’avons vu plus haut d’après l’autorité du même S.Thomas. 277

Enfin, pour que le contemplatif se persuade de cette vérité qu’il ne perd pas le temps dans ce repos attentif, mais qu’il y travaille au contraire à sa perfection, il suffit que tant et de si grands Saints, tant et de si doctes auteurs, expérimentés en ces matières nous l’enseignent par des comparaisons tirées des choses naturelles très connues, qui ne peuvent laisser aucun doute sur des effets surnaturels inconnus. Il suffit en particulier que notre bienheureux Père l’ait dit et répété tant de fois, lui qui savait combien il importe au contemplatif de se persuader de cette vérité et de la graver dans son esprit.

Pour couronner tout ce que nous avons dit sur ce sujet, donnons seulement deux comparaisons, entre beaucoup d’autres. C’est S. Denis qui nous les présente.

La première est prise du soleil, image expresse de la bonté de Dieu et les effets qu’elle produit. « Si notre soleil visible, dit-il, étend ses rayons à toute la substance matérielle, pour les renouveler, les perfectionner et les accroître, faisant ici fleurir les unes, là mûrir les autres, combien le soleil divin, par sa vertu infinie, produira-t-il dans les âmes des effets analogues et supérieurs, si elles reçoivent sans obstacle ses influences ! 278

La seconde comparaison est celle du feu, que le même Saint nous dit être l’image de l’opération divine. Si le feu est si actif dans son opération et si communicatif de sa nature, qu’il communique ses propriétés à tout ce qu’il touche et le transforme en soi, comment le feu divin, que le feu matériel représente, agirait — 'il autrement envers ceux qui s’approchent de lui dans la contemplation et reçoivent sans obstacle son influence ? 279.

Il est donc que clairement établi que l’âme ne peut être regardée comme oisive durant la contemplation, puisque, si elle a soin de ne pas s’entraver elle-même, mais ouvre la porte à l’influence divine, qui rentre comme une splendeur dans son entendement et un feu brûlant dans sa volonté, elle ne manquera pas d’en recevoir les effets. D’ordinaire, ses effets ne se trouvent empêchés que parce que l’on ne sait pas apaiser, calmer et disposer son âme à la recevoir, ainsi que nous le dit notre Maître.

Chapitre XXIV. Éloges donnés par les Saints à la contemplation simple. Conseils aux nouveaux contemplatifs.

Cette contemplation, voie royale qui mène à l’union divine —Elle accroît la charité —Elle est le parfait renoncement —Elle est la racine de tout progrès spirituel —Elle a du rapport avec l’acte par lequel Dieu et les anges exercent l’amour —Les nouveaux contemplatifs doivent se rassurer en se disant que toutes leurs puissances sont alors orientées vers Dieu —Ils feront bien d’user parfois d’actes particuliers —Précautions à observer.

Les saints nous inculquent encore l’utilité de cette contemplation simple en amoureux repos, en lui donnant de très grands éloges. C’est d’elle que parle S. Denis lorsqu’il nous dit : « Par la paix divine (c’est-à-dire par le repos dans la lumière divine), les âmes arrivent comme par une voie royale et un progrès assuré, au moyen de la connaissance simple, dénuée de tout ce qui est matériel, à l’union divine qui a lieu au-dessus de l’entendement. » 280.

Ces paroles d’un Saint aussi excellemment éclairé sont une preuve puissante en faveur de l’éminence de la simplicité et du repos, qui sont essentiellement propres à disposer et adapter l’âme aux accroissements de la charité et à l’union avec Dieu, but et terme de la vie spirituelle. C’est ce que prouve S. Thomas quand il dit : « La fin de la vie spirituelle est d’unir l’homme à Dieu, ce qui a lieu par la charité, et tout ce qui regarde la vie spirituelle est ordonné à cette union comme à sa fin. C’est pour cela que l’Apôtre nous dit : la fin du précepte est la charité, qui vient d’un cœur pur, d’une conscience droite et d’une foi sincère. » 281.

Comment l’attention amoureuse à Dieu est le moyen de l’union, nous l’avons vu déjà par les paroles de S. Denis. Qu’elle soit également le moyen de l’accroissement de la charité, qui, une fois parfaite, produit l’union, S. Thomas le prouve par ces remarquables paroles : « De la part de Dieu, la charité augmente en nous quand augmente l’efficacité de sa vertu. De la part de notre disposition personnelle, cet accroissement se produit quand l’âme passe de la multiplicité à l’unité. C’est pourquoi S. Denis ramène toute la perfection de la sainteté à ce point : que l’âme s’élève de la vie répandue à la vie unique. » 282.

Cette parole de S. Denis est bien confirmée par celle que Jésus-Christ adressait à sainte Marthe : « Marthe, Marthe, tu es dans la sollicitude et tu t’embarrasses de beaucoup de choses, et cependant il n’y en a qu’une de nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera point ôtée. 283.

Notre Maître nous dit la même chose presque dans les mêmes termes, lorsqu’il nous recommande le renoncement et la pure simplicité de l’acte de contemplation dont nous parlons. Voici ses paroles : « Je voudrais faire comprendre aux personnes spirituelles que ce divin chemin ne consiste pas dans la multiplicité des considérations, ni des méthodes, ni des goûts - bien que tout cela soit jusqu’à un certain point nécessaire aux commençants, --, mais en une seule chose, savoir se renoncer véritablement pour l’intérieur et extérieur, en se livrant à la souffrance pour Jésus-Christ et se rendant de tout point conforme à lui. Si l’on s’y exerce, tout le reste suit. Si au contraire cet exercice fait défaut, comme il est la racine et l’essence de la vertu, tout ce que l’on fait par ailleurs équivaut à faire effort pour escalader un arbre par l’extrémité des branches. On aura beau produire de très hautes considérations, avoir des communications angéliques, on n’avancera pas, car tout l’avancement consiste à imiter Jésus-Christ, qui est la Voie, la vérité et la Vie. 284.

En ces paroles, notre Maître a résumé la doctrine de tous les saints et marqué les grands avantages que l’on retire de cette simplicité pure et dénuée.

Que le contemplatif juge maintenant si celui qui se tient dans ce repos, racine de tout progrès spirituel, demeure oisif et ne fait rien qui vaille. Supposé que dans cet état simple et tranquille son âme a la disposition que nous avons indiquée, il est clair qu’il ne perd pas le temps, mais qu’il fait au contraire un gain considérable. En effet, si la charité croît alors en lui, les autres vertus croissent également, puisque la charité en est la forme, et que, comme l’enseigne S.Thomas, c’est elle qui meut les actes des autres vertus et les ordonne à leur fin. 285.

Si les nouveaux contemplatifs, pour les raisons que nous avons indiquées, se persuadent perdre le temps durant cette oraison paisible et dénuée de tout le créé, il est une autre cause, non moins importante à signaler, de la méprise où ils tombent. Ils ne distinguent pas l’acte de la volonté, qui est un mouvement simple en tant que procédant d’une puissance spirituelle, de l’acte de l’appétit sensitif, bien différent cependant, qui réside dans le cœur et qui, par là même qu’il est accompagné d’une révolution physique, est inquiet, remuant et par conséquent plus perceptible. C’est ce qu’explique S. Thomas : « Il y a, dit-il, cette différence entre la délectation des deux appétits, que celle de l’appétit sensitif est accompagnée d’une certaine révolution physique, tandis que la délectation de l’appétit intellectif n’est qu’un simple mouvement de la volonté. » 286.

Mais l’acte simple et tranquille de la volonté est d’autant plus excellent, qu’il a du rapport à celui par lequel Dieu et les anges aiment et se délectent. Leur acte, dit S. Thomas, est, lui aussi, simple et parfaitement paisible. Or c’est à cet acte que nous invite Jésus-Christ quand il dit : Dieu est esprit, et c’est en esprit qu’il veut être adoré. 287.

En effet, comme le prouve S. Thomas, Dieu ne peut être l’objet de l’appétit sensitif, et ce n’est point par l’appétit sensitif que peut s’exercer l’acte de la charité. Tout cela appartient à l’appétit intellectif, c’est-à-dire à la volonté.

Comme, dans la contemplation, cet acte simple de la volonté s’exerce en repos d’esprit, plutôt que par révolution inquiète dans l’appétit sensitif, la saveur sensible venant à manquer aux nouveaux contemplatifs - bien que leur volonté soit appliquée à Dieu, — il leur semble qu’ils n’ont point de dévotion et perdent le temps. Alors cependant, leur âme, étant dans l’exercice de la charité, a sa volonté orientée vers Dieu, sa volonté, dis-je, qui est le centre où réside la charité.

Or, si la volonté est orientée vers Dieu, toutes les autres puissances le sont aussi, puisqu’entre toutes les forces de l’âme la volonté tient le rang de premier moteur, et que, dans le mouvement de son opération vers sa dernière fin, elle entraîne l’opération de toutes les autres puissances, de même que le ciel supérieur entraîne toutes les sphères inférieures.

Comment donc sera-t-elle regardée comme oisive, l’âme qui se trouve dans un acte où s’exercent toutes les vertus et où toutes les puissances sont orientées vers Dieu ? Ne faut-il pas, au contraire, croire très fermement qu’elle est dans un acte d’amour de Dieu très digne de la créature raisonnable, acte qui n’est autre que ce mouvement simple et paisible de la volonté auquel nous exhorte notre bienheureux Père, quand il nous dit de nous tenir devant Dieu en attention simple et amoureuse ?

Ceux qui ont besoin d’être aidés, parce qu’ils ne sont pas encore parfaits contemplatifs et que leur palais spirituel n’est pas encore divinement conformé, de façon à savourer l’influence céleste qui leur est communiquée dans cet acte simple et tranquille, ceux-là, dis-je, peuvent de temps à autre se servir de quelques actes particuliers, compatibles avec la contemplation en intelligence de Dieu pure et immédiate, dans laquelle l’âme se trouve alors.

Cela, néanmoins, doit se faire de telle sorte que ces actes particuliers ne séparent point l’âme de son Objet, mais l’aide contraire à se délivrer davantage à lui. Ce seront, par exemple, ces paroles intérieures dont nous avons dit plus haut l’excellence, ou bien quelque mémoire de notre Seigneur par mode universel, comme celles-ci : Dieu mort pour moi ! Dieu humilié ! Dieu abattu ! Ces rappels seront comme la conclusion des méditations qui ont précédé. Mais on ne s’en servira qu’autant qu’il le faut pour produire dans l’âme un mouvement d’amour et de reconnaissance. Les mouvements de cette sorte l’emportent tellement sur ce que produit le discours que Tauler, ce docteur aussi spirituel que savant, nous assure qu’un seul acte de ces mémoires ou rappels de Jésus-Christ notre Seigneur par mode de connaissance substantielle, vaut mieux que cent par mode de discours. 288

Cependant, remarquons-le de nouveau, ces actes particuliers ne doivent jamais se pratiquer quand l’âme répugne à les produire, car cette répugnance indiquerait qu’elle va contre l’exigence actuelle de l’influence divine. Il faut aussi observer sur ce point la modération recommandée par S. Bonaventure, à savoir, que ces actes soient brefs et peu fréquents, et ne pas oublier non plus la recommandation de notre bienheureux Père : qu’ils s’exercent plus par le mouvement de l’influence divine que par l’industrie personnelle de l’âme. Ces actes doivent se produire lorsque l’âme se sera tenue quelque temps dans cette oraison paisible et simple, où se reçoivent les effets des divines influences, et lorsqu’elle se sent encouragée à mettre en œuvre le fond surnaturel qui lui a été communiqué dans l’acte universel, afin de s’enrichir grâce à lui par la production des actes particuliers.

Chapitre XXV. Réponse à ceux qui se plaignent que notre bienheureux Père semble condamner la méditation discursive.

Il ne condamne point cette manière d’oraison —Il l’indique aux commençants — Il la déconseille à ceux qui ont atteint la vie unitive, ou qui s’en rapprochent.

Notre bienheureux Père, en écrivant ses ouvrages, n’a pas débuté par les enseignements qui regardent la commençants, ceux qui marchent — et doivent continuer à marcher — par la voie de la méditation discursive, en se servant des objets corporels et sensibles, ceux qui ne font qu’effleurer les choses intelligibles et spirituelles, et cela en un degré imparfait et vulgaire. Et cependant, ceux-là mêmes trouveront dans les écrits de notre bienheureux Père des enseignements admirables et une peinture au vif des nombreuses imperfections auquel ils sont sujets.

Mais de ce qu’il n’a pas traité de la méditation, il ne faut pas inférer, comme quelques-uns le font à tort, que sa doctrine condamne ou mésestime le chemin de la méditation discursive. Il ne faut pas croire qu’il blâme ceux qui s’appliquent à l’acquisition méthodique de la mortification et des autres vertus, en s’aidant du sentiment et de la raison, ceux qui se servent des moyens qui dans l’ordre surnaturel sont regardés comme moyens acquis, parce que le discours, l’industrie et l’effort personnel y ont grande part, bien qu’aidés et surnaturalisés par la grâce de Dieu.

Que ce soit la vérité, il est facile de le prouver. En effet, premièrement il approuve expressément le chemin de la méditation discursive et il engage à le suivre, jusqu’à ce que l’on ait des marques que notre Seigneur appelle âme à passer à une vue plus simple et à une oraison plus surnaturelle, et il parle admirablement de ces marques au chapitre treize et quatorze du livre de la Montée du Carmel. Deuxièmement. Si l’état de perfection dont il traite est supérieur à la méditation et l’exclut, comme le plus parfait exclut le moins parfait, il est clair que celui qui traite de cet état plus parfait ne peut approuver pour ce même état ce qui est moins parfait. Mais ne pas l’approuver pour ceux qui sont très avancés, qui ont atteint la vie unitive ou s’en rapprochent, ce n’est pas, absolument parlant, le désapprouver. De même celui qui fait donner à son fils déjà un peu grand du pain et de la croûte, et ne lui permet plus de prendre le lait de sa mère, ne défend point la mamelle à l’enfant nouveau-né. C’est la comparaison dont se sert saint Paul au chapitre cinq de l’Epître aux Hébreux.

Au reste, la prudence de notre bienheureux Père se voit clairement par la remarque qu’ont lit au chapitre treize du même livre, à savoir que ceux qui ne font qu’entrer dans la connaissance générale de la contemplation, feront bien parfois de se servir du discours et de faire agir leurs puissances. À cette demande : si les profitant doivent s’aider de la méditation discursive, il répond : « Ce qui précède ne veut pas dire que les personnes qui commencent à expérimenter la connaissance simple et amoureuse ne doivent plus jamais user de la méditation ni s’y essayer. En effet, au commencement de leur progrès, l’habitude de cette connaissance simple n’est pas si parfaite, qu’elles puissent toutes les fois qu’elles le veulent la faire passer en acte, et elles ne sont pas si éloignées de la méditation, qu’elle ne puisse jamais méditer comme auparavant, en approfondissant les mystères, et qu’elles ne trouvent encore dans ce travail quelque profit.

« En ces commencements, au contraire, continue notre Maître, lorsqu’auw marques indiquées elles reconnaîtront que leur âme n’est pas occupée à ce repos et à cette connaissance en nous avons parlé, elles auront besoin de se servir de la méditation discursive, jusqu’à ce qu’elle leur ait servie à acquérir l’habitude de cette connaissance en quelque degré de perfection, c’est-à-dire que toutes les fois qu’elles voudront méditer, elles se trouveront dans cette connaissance et cette paix, sans pouvoir méditer ni avoir envie de le faire. »

Ceci montre suffisamment combien dans la doctrine de notre bienheureux Père les moyens sont proportionnés à la fin, et avec quelle sagesse il a prévu les objections que l’on pourrait lui faire.

Chapitre XXVI. Réponse à ceux qui avancent que la contemplation simple est contraire à la saine philosophie.

Première objection tirée de cet axiome, que les images sont indispensables à l’acte de l’entendement —Réponse à cette objection —Seconde objection tirée de cet axiome, que la considération est indispensable à l’acte de la volonté —Réponse à cette objection —

Il est des personnes qui, pouvant se mêler par la foi aux choses divines et éternelles, pouvant boire l’eau céleste à sa source, vont la mendier aux canaux troubles et souillés des objets créés, et beaucoup d’entre elles, non contente de souffrir elles-mêmes cette perte incalculable voudrait y faire participer les autres. Ces personnes s’opposent à la contemplation enseignée par les saints, celles que notre Maître a inculquée ; elles publient que cette contemplation est contraire à la saine philosophie et produisent à l’appui de leur dire des raisons et des arguments.

Il ne sera pas inutile, pour rassurer les esprits imparfaitement éclairés, de répondre à quelques-uns de leurs arguments, afin de montrer que la contemplation simple n’est pas en contradiction avec la philosophie humaine - pour cela il suffit qu’elle ait été enseignée par S. Thomas d’après S. Denis, -, mais qu’elle lui est supérieure, en tant que philosophie divine et parce que la Sagesse éternelle est venue l’enseigner au monde pour nous rendre, dès cet exil, de terrestres divins, et d’hommes que nous sommes, nous faire monter au rang des anges.

La première raison qu’on nous oppose est fondée sur cette parole d’Aristote : Oportet intelligentem phantasmae speculari, pour comprendre, il faut spéculer des images. Si, dans la contemplation, ces images nous sont soustraites, l’entendement, semble-t-il, comprendra mal, puisque les moyens de la connaissance lui font défaut.

On répond à cela que Aristote parle de la connaissance affirmative, pour laquelle il est nécessaire que l’entendement ait recours aux représentations philosophiques. Mais il s’agit ici d’une connaissance négative, pour laquelle il est au contraire indispensable de dénuer l’entendement de toutes ses représentations, afin de rentrer sans elle dans l’obscurité de la foi, qui nous assure que Dieu ne ressemble à rien de ce que nous connaissons, mais qu’il est un Être infiniment distant de tout cela. C’est pour ce motif que S. Denis, S. Thomas, et après eux les Saints, les auteurs graves et expérimentés font tant d’efforts pour dépouiller notre entendement, durant la contemplation, de toute image des objets créés, en sorte que nous ne nous attachions à aucune image, quelles qu’elles soient.

S. Thomas, nous l’avons vu, nous déclare que « dans l’état de la vie présente nous connaissons beaucoup mieux les choses spirituelles — et surtout la Divinité — en sachant ce qu’elles ne sont pas, qu’en sachant ce qu’elles sont. » Nous l’avons aussi entendu nous dire « qu’il convient de rejeter comme des erreurs les images et les formes particulières, et que S. Denis recommande au contemplatif de les rejeter toutes sans exception »289, afin que par-dessus toutes ses formes et toutes ces images, l’entendement se fasse de Dieu et des choses divines un concept supérieur à tout le créé et à tout ce qu’il est capable de percevoir.

De plus, Aristote parle de la connaissance naturelle, qui a son principe dans les sens et, par conséquent, a besoin que l’entendement ait recours à l’imagination pour obtenir d’elle les images des objets sensibles, au moyen desquels la connaissance doit s’exercer. Ici, il s’agit d’une connaissance surnaturelle, pour laquelle nous disposons d’une autre lumière, supérieure à celle de la raison et de l’entendement, ainsi que l’ont expliqué sur le sujet qui nous occupe S. Denis et S. Thomas. 290.

La seconde raison qu’on nous oppose est que pour cette vie affective ou unitive le discours de la raison n’est pas moins nécessaire que pour les degrés inférieurs, puisque, comme le dit saint Thomas, « tous les actes de la volonté procèdent de quelques considérations préalables, l’objet de la volonté étant autre chose qu’un bien présenté à la volonté par l’entendement. » 291. Si donc on supprime le discours et la considération, par là même on supprime ce semble, cette considération sans laquelle l’acte de la volonté ne peut avoir lieu.

Nous répondons que pour cette considération et cette représentation faite à la volonté, un nouveau discours de la raison n’est pas nécessaire. En effet, la considération est un acte de l’entendement qui envisage la vérité de ce qu’il perçoit, afin d’en juger sainement. C’est encore l’enseignement de S. Thomas : « La considération, dit-il, comporte un acte de l’intelligence, qui envisage la vérité d’une chose. » 292. Et encore : « Ce jugement appartient à l’entendement, de même que l’inquisition appartient à la raison. » 293, afin que la connaissance soit proportionnée à l’amour, et l’amour proportionné à la connaissance, comme l’effet à sa cause. Cette connaissance provenant de la lumière surnaturelle est reçue dans l’entendement, quand celui-ci se dépouille de toutes les représentations de l’imagination.

C’est dans ce sens, d’après S. Grégoire, que l’Ecclésiastique a dit cette parole que nous avons citée déjà : écris la Sagesse au temps de l’oisiveté, et celui qui réduira ses actes la recevra. 294 Et S. Denis enseigne sur le même sujet que l’entendement, pour entrer en participation de la divine lumière - qui à cause de son inaccessibilité est pour nous ténèbres —, doit rejeter toutes les images des choses créées, qui la dérobe à nos yeux, chacune de ces images étant comme un nuage qui vient se placer entre la lumière divine et notre entendement, pour la lui voiler.295.

« Aussi, poursuit ce même Saint, les vrais contemplatifs écartent toutes ces images, qui voilent et obscurcissent la forme divine ; et par là ils découvrent cette beauté cachée, et contemplent sans voiles la divine Obscurité, cette Essence supérieure qui se dérobe à toute lumière créée. » 296.

Ainsi, c’est de cette connaissance et de la considération qui en procède que viennent l’amour surnaturel et la dévotion qui accroît la charité. C’est pour cela que les Saints déjà cités nous disent que la simplicité est mère de la dévotion et que Dieu visite les esprits simples.


Chapitre XXVII. Réponse à deux autres objections contre la contemplation exercée en négation des formes sensibles et intellectuelles.

Comment l’âme s’élève vers Dieu par la participation à sa perfection —La foi est une habitude des principes surnaturels —L’entendement adhère à la Sagesse, qui est un don du Saint-Esprit —De la perception qui a lieu par le don de Sagesse —Comment l’entendement s’unit à l’Excellence souveraine.

Les raffinements de l’esprit humain vont plus loin, et présentent d’autres difficultés encore à l’encontre de notre contemplation.

On nous oppose cette sentence de S. Thomas : « De même que l’esprit humain ne pénètre l’essence des objets que par leurs accidents, de même il ne pénètre les choses spirituelles qu’à l’aide des corporelles et par la représentation des choses sensibles, comme le remarque S. Denis. » 297

Nous répondons, en suivant le même S. Thomas, que ceci a lieu quand nous avançons vers la connaissance des choses spirituelles et divines par abstraction des objets créés, en vue de comparer ces objets créés aux choses sacrées et divines. Mais il en va tout autrement dans cette divine contemplation, où l’on s’avance vers la connaissance de Dieu et de ses perfections par participation à ces mêmes perfections. Notre entendement reçoit alors la notion spirituelle des choses divines dans sa partie la plus spiritualisée et la plus pure, et cela par le moyen de la lumière simple de la foi et l’illumination du don de Sagesse.

Et si la connaissance naturelle arrive à l’entendement par une habitude des premiers principes sans discours préalable de la raison, par ce que les vérités sont manifestées évidentes, combien plus la connaissance surnaturelle lui arrivera-t-elle sans discours par la lumière de la foi, qui est une habitude des principes surnaturels ?

« La foi, dit S. Thomas, est la connaissance simple des articles qui sont les principes de toute la sagesse chrétienne » 298, vérités plus fermes que toutes celles que la connaissance naturelle admet comme évidentes. Et de même que l’entendement admet celles-ci immédiatement, en tant que premiers principes — « qui sont, nous dit S. Thomas, une image de la Vérité incréé », Prima principia sunt quaedam similitudines increatae Veritatis 299, — de même, par l’habitude de la foi, il approuve sur-le-champ les vérités surnaturelles que la foi lui propose, sans autre raisonnement que de les admettre comme révélées de Dieu à son Église et comme ayant une certitude indubitable.

De même aussi que par ces principes naturels on adhère à la sagesse, qui est une faculté intellectuelle, et que par eux également on recherche les choses élevées et difficiles, proportionnées à l’entendement humain ; de même par les principes de la foi on adhère à la Sagesse, qui est un don du Saint-Esprit, pour recevoir dans l’entendement l’illumination des choses surnaturelles qui lui sont supérieures, et s’élever à la contemplation divine déifiée, comme l’explique à notre sujet le même S. Thomas. 300.

On objecte finalement que cette manière d’aller à Dieu par négation et en éloignant toute image des objets créés reçus par les sens, prive l’entendement de tout acte et le laisse sans application à Dieu, puisque, d’après S. Thomas, l’entendement ne peut entendre sans être actuellement informé par une représentation quelconque de la chose qu’il doit entendre. » 301.

Si donc, conclut-on, aucune image des objets qui nous sont connus ne vient informer l’entendement — et par le fait la connaissance négative la dépouille de tout cela, — il ne perçoit rien et, par conséquent, n’exerce point l’acte de la contemplation, pour lequel la perception est nécessaire.

S. Denis répond à ces difficultés lorsqu’il dit qu’on peut former une image de deux manières, l’une en ajoutant, comme dans la peinture, l’autre en retranchant, comme dans la sculpture, et que de même, dont la contemplation, on peut former un concept de Dieu de deux manières : l’une par connaissance affirmative, en lui appliquant la perfection des créatures en un degré supérieur, en tant que Créateur, qui ne peut manquer de la perfection communiquée par lui à ses créatures ; l’autre, par connaissance négative, en refusant à Dieu toute perfection créée, comme entièrement hors de proportion avec la sublimité de sa divine et incomparable nature, et en envisageant en lui une autre perfection et une autre excellence, infiniment distante de toute autre excellence et de toute autre perfection. C’est ce que nous avons déjà montré.

Ainsi, quand l’entendement s’élève à Dieu par voie de négation, pour entrer dans l’obscurité de la foi, dépouillé de toutes les images des objets créés - comme il le fait dans cette contemplation, - à mesure qu’il se dépouille de toutes ces images, il se relevait un autre concept de Dieu, plus élevé et plus excellent, il se forme une magnifique image la perfection divine, qui dépasse tout ce qu’il est capable d’atteindre. Quemadmodum per se naturale agalmae faciens, et ipsam in se ip cesa, ablatione solae occultam manifestantes pulchritudinem.

Supposez une image splendide, couverte d’un grand nombre de voiles, qu’on lèverait tous afin de laisser à découvert la beauté qu’ils cachent. Cette beauté, les voiles une fois levés par le moyen de la négation, la lumière de la foi, illustrée des dons du Saint-Esprit, le découvre. S. Thomas, répondant à l’objection, nous dit que c’est de cette perception que l’entendement a besoin, et non de la raison : « Dans la contemplation, enseigne-t-il, il y a une perception nécessaire, et elle a lieu moyennant le don de Sagesse.302.

Notre Mère sainte Thérèse en bien des endroits de ses ouvrages, nous fait admirablement connaître cette sagesse secrète qu’elle avait expérimentée d’une manière si intime. En un passage spécialement, elle montre la différence qu’il y a entre la beauté de l’Image divine communiquée dans sa pureté et les images que nous extrayons des créatures. « Il arrive soudain, dit-elle, et d’une manière inexplicable, que Dieu montre en lui-même une vérité qui obscurcit, ce semble, toutes celles qui se trouvent dans les créatures. »303. Paroles qui sont comme une démonstration expérimentale de celle de S. Denis que nous avons citée plus haut. Et ailleurs, décrivant ces communications célestes, reçues dans leur pureté toute spirituelle, elle les appelle des « embrasements » divins. 304.

Les principales difficultés que l’on forme contre cette contemplation étant écartées, grâce à la doctrine de ces deux flambeaux de l’église, S. Denis et S. Thomas, il reste établi que si nous voulons arriver par le droit chemin et par une marche régulière à l’union avec Dieu, et devenir un même esprit avec lui, nous devons parcourir, au moyen de cette contemplation secrète et inconnue, la voie affective qui est au-dessus de la raison, dépouillés de toutes images connues et revêtus de la lumière simple de la foi.

« Les esprits divins, dit S. Denis, et après lui S. Thomas, montent vers les choses inconnues, au-dessus de l’esprit, et parviennent ainsi, en suivant une voie et une marche régulière, par l’intelligence immatérielle et simple, à l’union qui a lieu au-dessus de l’entendement. »305.

Et ailleurs, traitant le même sujet et montrant avec quelle excellence l’entendement s’avance vers Dieu, revêtu de la seule lumière de la foi et dégagé de toute autre connaissance, en même temps que des images des objets créés, les mêmes Saints nous assurent que l’entendement ainsi dépouillé, vole vers Dieu en obscurité, comme le comporte l’état de la vie présente, s’unit à lui, et rejetant tout le créé, se fixe dans le Créateur.

« Ces esprits divins, disent-ils, ayant ainsi dépassé toutes choses, s’unissent à Dieu même, autant qu’il est possible à l’homme de lui être uni. » 306.

C’est-à-dire, comme l’explique saint Thomas, que lorsque l’entendement a dépassé les derniers sommets des créatures les plus universelles et les plus excellentes, il s’unit à cette excellence souveraine et s’y arrête, n’ayant plus rien à poursuivre, puisque son entendement ne peut aller plus loin en cette vie.

Lors donc que ce raisonnement négatif et ces concepts supérieurs ont été renouvelés plusieurs fois, l’entendement se trouve pratiquement illuminé et convaincu de cette magnificence et de cette supériorité de Dieu par delà tout être créé, en sorte qu’il n’a plus besoin de refaire ce raisonnement et cette appréciation sublime. Il n’a plus qu’à entrer par la lumière simple de la foi dans le concept qu’il s’est déjà formé, et à donner à l’opération de la volonté ce qu’il devait d’abord donner à celle de l’entendement.

Pour conclure, disons que S. Denis lui-même, pour recommander cette manière de s’élever à Dieu en négation de toutes les choses connues et de toutes leurs images, en prenant pour guide les notions divines que nous fournit la foi touchant cet Être suprême, et pour appui la communication surnaturelle des dons du Saint-Esprit, S. Denis, dis-je, nous assure qu’elle a été introduite par les Apôtres, qui la recommandaient comme supérieure à toutes les autres manières de s’élever à Dieu, comme de beaucoup la plus excellente et la meilleure.

« Nos théologiens, dit-il, ont mis en première ligne l’élévation par négation, celle qui, par là même qu’elle éloigne l’esprit des objets qui lui sont connus et familiers, lui donne un libre essor au sein des notions et des perceptions divines. 307








Table des matières308

QUIROGA : DON QUE TUVO SAN JUAN DE LA CRUZ PARA GUIAR LAS ALMAS A DiOS 4

DON QUE TUVO SAN JUAN DE LA CRUZ PARA GUIAR LAS ALMAS A DiOS 4

[Présentation :] 4

Capítulo primero. Dios ilustró a San Juan de la Cruz con sabiduría celestial para que fuese guía Je las almas. Propósito del autor en esta obra. 7

Capitulo II Respóndese por qué no trató el Santo en sus Libros de la meditación ordinaria, y se dice cómo señala tres cualidades que ha de tener el alma para poder llega a la contemplación. 9

Capítulo III. Enseñaba el Santo prácticamente a sus discípulos las tres partes da la oración, a saber: la representación de los misterios, la ponderación y la aleación amorosa a Dios, Inculcándoles sL detuviesen más en esta última. 11

[Chapitre III chez Marie du SaintSacrement : Les trois parties de l’oraison] 11

Capítulo IV. Enseñaba a sus discípulos que para llegar a la contemplación era necesario adquirir las virtudes y desarraigar los afectos desordenados. 1s

[Chapitre IV. Nécessité des vertus pour parvenir à la contemplation] 1s

Capítulo V. Decláranse dos casas que el Místico Doctor proponía para subir a la contemplaoión, a saber: recoger todas las fuarzas del alma para ser ilustradas de Dios, y no hacer pie en revelaciones. 15

[Chapitre V. La contemplation de Dieu par une notion de foi simple et amoureuse, but de la méditation] 15

Capítulo VI. Sentía mucho el Santo que algunos maestros espirituales, por no entender !as vías del espíritu, atasen las almas contemplativas a lo sensible, impidiendo con esto la obra del Espíritu Santo en ellas. 18

[Chapitre VI. Des maîtres spirituels qui entravent la marche des âmes contemplatives] 18

Capítulo VII. Explica el autor con doctrina del Santo cómo se adquiere el hábito de la meditación y dice que las almas que han llegado a contemplación no deben ejercitarse en actos discursivos como los principiantes. 19

[Chapitre VII. Du moment où les âmes doivent laisser de côté les actes discursifs des commençants.] 19

Capítulo VIII. Pruébase que la Orden Carmelitana siempre ha tenido por fin principal la contemplación, y que a éste encaminaba San Juan de la Cruz a sus discípulos. 22

[De la nécessité pour les contemplatifs de purifier leur entendement des images sensibles] 22

Capítulo IX. Demuestra el autor que los medios porque el Santo conducía a sus dirigidos a la contemplación los sacaba de los fundamentos de la Orden Carmelitana. 24

[Chapitre IX. Comment les âmes arrivées à la contemplation doivent éviter les actes particuliers] 24

Capítulo X. Que para la contemplación es necesario purificar el entendimiento de las imágenes y semejanzas de las cosas corpóreas. Dice también el autor que hay dos especies de contemplación. 27

[Chapitre X. Des actes produits sous la motion divine qui accompagnent l’attention générale et simple] 27

Capítulo XI. Defiéndese con autoridad de gravísimos autores lo que enseña el Santo, de que las almas entradas ya en la contemplación deben cesar en actos particulares y quedarse en una advertencia general amorosa y sencilla. 28

[Chapitre XI. Pureté et simplicité où l’âme doit se trouver pour recevoir la lumière divine] 28

Capítulo XII. Defiende otro pasaje del Místico Doctor, y prueba con su doctrina que para la contemplación debe el alma estar en gran puraza y sencillez, y vestida de la luz de la fe. 32

[Chapitre XII. Comment Dieu communique à l’âme la divine lumière] 32

Capítulo XIII. Pruébase cómo al punto que el alma está dispuesta, sin hacer nada de suyo Dios la comunica la luz divina de la contemplación. 34

[Chapitre XIII. De certains contemplatifs qui ne savent pas se dégager entièrement de la raison] 34

Capítulo XIV. Explicase en qué consiste la ADVERTENCIA AMOROSA que enseña San Juan de la Cruz, y se deshacen varios engaños de los que no han comprendido esta doctrina. 37

[Chapitre XIV. Des affections simples et enflammées] 37

Capítulo XV. En la contemplación se debe ocupar el alma en sencillos y encendidos afectos. 39

[Chapitre XV. Difficulté qu’éprouvent les nouveaux contemplatifs à persévérer dans l’acte pur de la contemplation.] 39

Capítulo XVI. Se explica y defiende lo que dice el Santo que para ser movida el alma alta y divinamente han de quedar antes adormidos sus movimientos naturales. 43

[Chapitre XVI. Comment, pour être mue hautement et divinement l’âme doit réduire au repos ses opérations naturelles] 43

Capítulo XVII. Pruébase que la paz y serenidad con que el contemplativo ha de recibir las influencias divinas es perturbada por la representación de las imágenes del discurso y por el movimiento activo y solícito del alma. 44

[Chapitre XVII. Où l’on insiste sur la paix et la sérénité indispensables à la réception des influences divines.] 44

Capítulo XVIII. Explícase cómo en la contemplación no está ociosa el alma y cómo en ella se imprimen las virtudes. 48

[Chapitre XVIII. De trois connaissances de Dieu.] 48

Capítulo XIX. Pruébase que los términos ACTIVO y PASIVO que usa el Santo Padre son admitidos, no sólo en la Teología Mística, sino también en la Escolástica. 50

[Chapitre XIX. Comment dans la contemplation l’âme n’est point oisive.] 50

Capítulo XX. La mejor disposición para conseguir la devoción y gustar la dulzura y suavidad que Dios comunica en la contemplación es la sencillez y paz del alma. 51

[Chapitre XX. Comment l’âme dans la contemplation exerce une opération plus parfaite.] 51

À classer : Chapitre XXI. De la meilleure disposition pour goûter Dieu dans la contemplation. 51

Chapitre XXII. De quelle manière l’entendement et la volonté se comportent durant la contemplation. 51

Chapitre XXIII. Erreur des nouveaux contemplatifs qui se figurent rester oisifs. 51

Chapitre XXIV. Éloges donnés par les saints à la contemplation simple. Conseils aux nouveaux contemplatifs. 51

Chapitre XXV. Réponse à ceux qui se plaignent que notre bienheureux Père semble condamner la méditation discursive. 51

Chapitre XXVI. Réponse à ceux qui avancent que la contemplation simple est contraire à la saine philosophie. 51

Chapitre XXVII (annot. : le dernier) Réponse à deux autres objections contre la contemplation exercée en négation des formes sensibles et intellectuelles. 51

Capítulo XXI. Declárase más la doctrina del capítulo anterior. 52

Capítulo XXII. Se refiere cómo San Juan de la Cruz hizo gran fruto en la Descalzez con su doctrina sobre la contemplación. Tráense a este propósito dos pasajes de Nuestra Madre Santa Teresa. 58

RESPUESTA

a algunas razones contrarias a la contemplació9 afectiva oscura que Nuestro Santo Padre Fray duap de la Cruz, guiado de Dios, de la Escritura y de los Santos, enseña er) sus escritos, por eI Padre Frac`J, dosé de Jesús 1Vlaría (Quiroga). Historiador General de la Reforma del Carmen). (1)








Réponse à un doute

(Max de Longchamp)





Introduction


(Max Huot de Longchamp)



Le texte que nous donnons dans ces pages est un complément de l’Apologie Mystique en Défense de la Contemplation, que nous avons récemment publiée309. Il s’agit d’une pièce supplémentaire de l’énorme dossier établi par le plus fidèle disciple de Jean de la Croix en défense de son maître. Nous la trouvons à la suite de l’autographe de l’Apologie dans le manuscrit 4478 de la Bibliothèque Nationale de Madrid, dont elle occupe les pages 253 à 261. Cependant, la main n’est plus celle de Quiroga : l’écriture est de la fin du XVII ° ou du début du XVIII ° siècle, très régulière et élégante, d’une parfaite lisibilité. Il est probable que le copiste n’a retenu du texte que sa partie centrale, si bien que nous ignorons tout du destinataire, du contexte et des circonstances de cet opuscule dont seule la substance doctrinale nous est ainsi conservée. Sans doute le texte a-t-il subi quelques retouches, dans la mesure où la ponctuation en est presque parfaite, où Jean de la Croix s’y trouve paré de son titre canonique de « saint », et où les citations sont toutes directement en espagnol, ce qui n’était pas dans les habitudes de Quiroga. Toutefois, les références marginales semblent avoir été recopiées littéralement, les abréviations, notamment, étant les mêmes que dans l’Apologie. Il est vraisemblable que cette copie ait été réalisée dans le cadre des tentatives répétées d’édition de l’ensemble des œuvres de Quiroga au XVIII ° siècle, jusqu’à celle d’André de l’Incarnation vers 1750310. Pour le reste, le fond et la forme de ce court traité sont dans le droit fil des autres œuvres de Quiroga, et il est fort logique de la trouver à la suite de l’Apologie. On peut d’ailleurs supposer que la Réponse à un Doute, utilisant le même argumentaire traditionnel que l’Apologie, appartient comme elle à la dernière partie de l’œuvre de Quiroga, celle des années 1624-1627.


D’un ton nettement moins polémique que l’Apologie, la Réponse est une simple explication d’une sentence de Jean de la Croix en Montée du Carmel, II, 29, 6 : « L’Esprit-Saint illumine l’entendement recueilli selon le mode de son recueillement. » Quiroga va y trouver matière à une nouvelle explication de l’authentique repos de l’âme contemplative, se trouvant sans doute confronté une fois de plus au soupçon de quiétisme, au nom duquel la deuxième génération du Carmel réformé peinera tant à recevoir l’enseignement mystique de son réformateur.


La méthode reste ici le simple recours aux autorités, tant mystiques que scolastiques, et cette fois encore, Quiroga va puiser dans son extraordinaire fichier de lectures spirituelles. Cependant, ce sont toujours les mêmes textes qui lui fournissent ses principaux arguments : sur 27 citations traditionnelles, 20 étaient déjà exploitées dans l’Apologie. Toutes sont puissantes et éclairantes, le génie de Quiroga étant de faire défiler en bon ordre les meilleurs témoins en défense de son maître. Montrons ici les ressorts de cette défense dans cette Réponse à un Doute :


– D’emblée (§ 2), Quiroga établit la contemplation à l’intérieur de la foi. Voilà qui est simple, mais évacue d’avance tous les faux problèmes liés à une conception illuministe de l’illumination. Celle-ci en effet n’est pas psychique, mais spirituelle : « l’Esprit-Saint ne donnera pas mieux sa lumière à l’entendement que dans la foi. » Et la face humaine de la foi, c’est le recueillement, l’« attention simple et amoureuse à Dieu » disait Jean de la Croix311. De la foi à la contemplation, l’illumination suppose le transfert à Dieu de l’entendement, qui, dès lors, participera dans cette désappropriation à la connaissance de Dieu : « cette lumière divine transforme en Dieu l’entendement. » Il y a là un retournement du regard de l’âme qui est au cœur de toute la phénoménologie mystique développée par Jean de la Croix : c’est au moment où l’âme croit avoir perdu le Bien-Aimé que celui-ci lui est rendu, plus présent à elle-même qu’elle-même. Ce jeu est celui d’un miroir (§§ 2-3), mais d’un miroir d’eau, à la fois réfléchissant et transparent, permettant une certaine ambiguïté entre regardant et regardé, deux personnes tellement unies qu’elles coïncident au point de paraître identiques. Ce miroir est celui de la onzième strophe du Cantique Spirituel, lorsque l’âme penchée sur la source vive, s’aperçoit que le visage qu’elle prenait pour son propre reflet est en fait le visage du Christ qui l’a transformée en lui.

– Cette transformation est aussi bien passage de l’image à la ressemblance de Dieu (§ 3), thème fondamental de la tradition spirituelle. Quiroga souligne qu’il ne peut s’opérer que passivement : à la fois certaine et invérifiable, parce qu’ouverte sur l’infini divin, la foi est pure réception de la forme divine, qui vient comme « épouser » surnaturellement sa propre image présente en l’homme par création, la développant, au sens photographique du terme, la révélant et la portant à son accomplissement.

– Le § 4 aborde pour lui-même le thème de la quiétude : elle est plénitude d’attention à Dieu, plénitude de foi, coïncidence parfaite des deux visages du miroir. Cette quiétude n’est jamais que tangentielle, mais elle indique la proportion constante qui existe entre le recueillement et l’illumination, entre l’investissement par l’âme de toutes ses ressources dans l’attention à Dieu, et la netteté de sa contemplation. Aucune reprise de l’âme contemplative par elle-même n’est donc possible, car vérifier la contemplation supposera de troubler cette contemplation, et en disant que l’âme doit abandonner les formes spirituelles elles-mêmes (§ 5), Quiroga indique que jamais le contemplatif ne pourra prouver ni se prouver qu’il est contemplatif.

– Ce qui vaut de l’entendement vaut pareillement de la volonté, et au § 7, la foi devient charité. Si la connaissance contemplative de Dieu était accueil de la connaissance même de Dieu, la parfaite charité est accueil d’un amour supérieur à tout amour, amour voulant ce que Dieu veut parce que c’est lui qui le veut. Il y a là une quiétude de la volonté parallèle à celle de l’entendement, et il ne faut pas se méprendre sur le mot « effort » (§ 8) employé par Quiroga pour la désigner. Mais pas plus que l’attention simple de l’entendement n’est vide de connaissance, cette quiétude de la volonté n’est absence d’énergie ou de vouloir : elle est plénitude de vouloir par transfert en Dieu de tout vouloir, « élan vers Dieu », préféré à tout autre objet de vouloir. En cela, il y a même une certaine priorité de l’amour et de la volonté sur la connaissance et l’entendement, car c’est l’amour qui est moteur de l’âme, et là où se porte son affection, là se développe sa contemplation.


Voilà donc en quelques pages un petit résumé très clair et très solide de la doctrine contemplative du disciple de Jean de la Croix. Les lecteurs de l’Apologie y reconnaîtront la même science et la même expérience ; les autres auront envie de lire l’Apologie, qui développe à grande échelle les mêmes distinctions avec la même lucidité. Tous souhaiteront que l’on s’attelle enfin à la tâche plus que jamais nécessaire de la publication complète d’un maître spirituel de cette envergure.


Dans les pages suivantes, nous donnons successivement le texte espagnol et notre traduction française de la Respuesta. Etant donné la qualité du manuscrit, nous l’avons exactement transcrit, respectant ses abréviations, sa ponctuation et son orthographe, ajoutant entre crochets [] les minimes corrections indispensables. Nous avons numéroté les paragraphes, et mis en parenthèse au fil du texte la pagination du manuscrit. Comme pour l’Apologie, nous avons renvoyé en notes les références marginales de Quiroga, les accompagnant après vérification de nos propres références et de leur éventuel commentaire.





Réponse à un doute concernant la doctrine de notre saint Père Frère Jean de la Croix en matière d’oraison


1. Les paroles de notre saint Père que Votre Révérence propose à nos explications (à savoir que l’Esprit-Saint illumine l’entendement recueilli selon le mode de son recueillement312), renferment la façon de bien profiter des dons surnaturels en l’oraison. Pour commencer, cette proposition est très certaine en la doctrine mystique et scolastique, de par ses principes. En effet, comme l’établit saint Thomas, l’illumination divine, comme n’importe quelle autre forme spirituelle, se communique à l’âme selon le mode de celui qui la reçoit, mode sensible ou spirituel, particulier ou universel. Ainsi revient-il à celui qui la reçoit de se disposer pour qu’elle lui soit communiquée, soit chichement (comme on dit) de façon sensible, soit largement de façon intellectuelle. Sur ce point, voici ce que dit saint Denys : la dissemblance qui affecte les yeux et les vues de l’intellect, fait que le don de lumière provenant de la plénitude de la bonté paternelle, soit ne donne lieu à aucune participation, soit donne lieu à des participations différentes entre elles, à savoir petites ou grandes, obscures ou claires, tandis qu’un seul et très simple rayon sort de la source de la lumière et se répand également sur tous les entendements rationnels.

2. Par là se trouve vérifiée la proposition de notre saint Père, lequel ajoute aussitôt quel recueillement est le mieux proportionné à l’illumination divine en disant ceci : comme l’entendement ne peut trouver un recueillement plus grand que dans la foi, l’Esprit-Saint ne lui donnera pas mieux sa lumière que dans la foi. C’est ce qu’il dit ici et qu’il répète ailleurs313. En effet, comme l’établit saint Thomas, ce que l’illumination divine éclaire dans la contemplation d’union divinisée314, c’est ce que la foi présente simplement à l’entendement. L’utilité de ce recueillement en lumière simple de foi, comment l’âme contemplative s’y transforme en Dieu grâce à cette lumière divine et s’y dispose à être mue par lui comme son instrument, l’Apôtre l’indique en ce passage où il parle de notre contemplation, comme beaucoup de saints315 l’affirment : « nous autres, le visage découvert et sans voiles, contemplant comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous nous transformons en cette même image, nous élevant de clarté en clarté, comme mus par l’Esprit du Seigneur. » Voilà ce que dit l’Apôtre. Et en expliquant avec saint Bonaventure ce miroir dans lequel, recueilli en lui-même, il contemplait la gloire de Dieu, il faut remarquer ceci : la lumière dont l’entendement est revêtu mesure ce que sera le miroir de sa contemplation ; s’il est revêtu de la lumière naturelle, ce miroir sera humain, et s’il l’est de la lumière de foi, ce miroir sera divin. Et pour indiquer que son recueillement était en lumière de foi, il dit qu’il dépouillait son entendement de tous les voiles des similitudes des choses créées, car cela pouvait en faire un miroir humain, et que revêtu de la lumière de la foi, il contemplait comme en un miroir divin la gloire du Seigneur, de façon immense et illimitée. Et comme cette lumière divine, selon l’explication de saint Denys, transporte en Dieu l’entendement, le divinise et le rend son instrument pour en être mû, l’Apôtre déclare que dans ce miroir divin, son entendement se transformait en la gloire du Seigneur qu’il contemplait, et que mû par lui, il s’élevait d’une illumination à l’autre.

3. C’est de cette manière que saint Bonaventure explique ces paroles de l’Apôtre, et saint Thomas aussi en fait mémoire pour nous persuader que la ressemblance surnaturelle de Dieu, l’entendement ne l’atteint pas dans l’oraison par son opération propre mue de la lumière naturelle, mais en se disposant à recevoir en lui comme en un miroir, l’opération de Dieu et sa divine ressemblance. Pour cela, il doit se disposer en imitant les propriétés du miroir matériel, particulièrement les trois dont ce même saint fait mention. La première, c’est que l’entendement soit fixé sur ce qui doit se représenter en lui ; ce qui se fait dans notre cas par l’attention à Dieu en la lumière de foi qui le proportionne à lui. En effet, comme le même saint le montre ailleurs, pour s’élever à ce qui dépasse sa nature, il faut se préparer par quelque disposition qui elle aussi soit surnaturelle : et c’est ainsi que notre entendement se dispose par la lumière de la foi pour les dons surnaturels de Dieu. Et si l’on garnit de métal la partie inférieure du miroir316, pour qu’ainsi recueilli, il retienne et représente l’image de ce que l’on place devant lui, restant en sa partie supérieure découvert de toutes les choses qui pourraient troubler cette représentation, l’entendement doit faire de même pour être un miroir divin : il doit maintenir bien fermée la vue qui est dirigée vers le corps, d’où il reçoit les similitudes des choses qui entrent par les sens, et bien ouverte la vue supérieure qui est dirigée vers Dieu, afin de recevoir en lui son image divine telle que la foi la lui présente, et se transformer en elle. Ainsi sera-t-il disposé à être illuminé et mû de l’illumination et action divine. En cette disposition, celle-ci l’élève d’une clarté et connaissance expérimentale de Dieu en une autre plus grande, ainsi que saint Denys l’explique très précisément à notre propos.

4. La deuxième qualité du miroir matériel, c’est qu’il reste fixe et au repos, sans être d’aucune manière mobile et agité, qualité que l’entendement doit avoir pour que sa contemplation soit profitable. Saint Thomas en donne la raison en disant ceci : le mouvement dans l’oraison est un acte imparfait, et c’est l’acte de la contemplation qui est parfait, car il ressemble davantage au repos qu’au mouvement ; et pour la même raison, la contemplation s’appelle « quiétude », car en elle, l’âme est en repos non seulement des mouvements extérieurs, mais aussi des mouvements intérieurs de l’entendement. Et à ce sujet, le même saint dit ailleurs que la contemplation parfaite, celle que l’on appelle « circulaire"317 et qui contemple Dieu selon l’immensité de la foi, sans commencement ni fin, s’accompagne de l’immobilité très quiète. Sur le même sujet, voici aussi ce que dit saint Grégoire : jamais la contemplation ne s’unit à la non-quiétude, car l’entendement non quiet ne peut pas contempler ce qui déjà ne fait que l’effleurer lorsqu’il est en quiétude. Nous en voyons l’exemple dans le rayon du soleil : il ne nous apparaît pas bien quand les nuages agités troublent l’air ; ou dans l’eau d’une fontaine : l’image de celui qui se regarde en elle n’apparaît pas bien quand elle est agitée, mais quand elle est au repos. Et le même saint ajoute ailleurs que cette quiétude dans la contemplation n’est pas sans profit, car en elle l’âme s’embellit des vertus qui plaisent à l’Époux, et cela d’autant plus que cette quiétude attentive à Dieu est grande.

5. La troisième qualité du miroir matériel que l’esprit du contemplatif doit imiter dans la contemplation, c’est qu’il soit pur et limpide pour pouvoir représenter parfaitement l’image de ce qu’il y a devant lui. Et le Sauveur a dit à ce sujet : « Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. » Saint Thomas explique ces paroles quant à la contemplation d’ici-bas, disant ceci : « En l’état de cette vie, nous connaissons mieux Dieu en connaissant ce qu’il n’est pas, qu’en saisissant ce qu’il est. Et pour autant, en l’état d’ici-bas, la pureté de cœur qu’il faut pour contempler Dieu, concerne non seulement l’abandon des passions, mais aussi l’abandon des similitudes qui procèdent de l’imagination et des formes spirituelles que l’âme forme en elle : saint Denys enseigne que ceux qui vont vers la contemplation divine doivent se dépouiller d’elles toutes. » Tout cela est de saint Thomas. Et saint Augustin expliquant ces mêmes paroles, déclare que selon leur sens, c’est une même chose qu’un cœur limpide et qu’un cœur simple. Saint Bernard le confirme aussi, et il explique par ces mots les effets de l’illumination divine en l’esprit ainsi rendu limpide : « le miroir de l’esprit une fois nettoyé non seulement des péchés, mais aussi des pensées, le resplendissement de la lumière divine commence à se révéler à lui ; le rayon infini de l’illumination commence à apparaître aux yeux spirituels qui n’y étaient pas habitués ; l’esprit en est enflammé et commence à contempler de sa vue purifiée les réalités divines, et à aimer Dieu et à s’unir à lui, et à retirer son affection de toutes les choses qui sont, comme si elles n’étaient pas ; et il se fixe seulement en l’amour, sachant que seul est bienheureux celui qui aime Dieu. »

6. Tout cela est de saint Bernard, et ces accroissements de perfection proviennent en l’âme du mode de son recueillement proportionné à la lumière divine. Expliquant ces effets de l’illumination divine, particulièrement comment elle purifie l’entendement, enflamme la volonté et renouvelle divinement toutes les forces spirituelles, saint Denys les résume en disant qu’elle fait toujours progresser l’âme selon la proportion qu’il y a entre sa vue et la lumière divine. Cette proportion, la Sagesse éternelle faite homme l’a indiquée quand elle a dit que Dieu étant esprit, c’est en esprit et vérité (laquelle est la lumière de la foi) qu’il voulait être adoré par ses vrais adorateurs. Tout cela permettra de mieux connaître combien saint Laurent Justinien avait raison de dire qu’il n’appartient qu’à Dieu de donner le goût de l’oraison et l’affection de la dévotion, mais qu’il appartient à l’homme de trouver la façon profitable de prier. On connaîtra aussi combien véridique est la proposition de notre saint Père que l’on a déjà rapportée, à savoir que l’Esprit-Saint illumine l’âme recueillie selon le mode de son recueillement, et que le recueillement le plus utile pour être illuminé par Dieu est en la lumière de la foi, par laquelle l’entendement se fait miroir divin pour représenter Dieu en lui sur un mode surnaturel et être illuminé par lui.

7. Après avoir expliqué comment l’entendement doit se disposer dans la contemplation pour recevoir en lui de cette manière, comme un miroir divin, l’image surnaturelle de Dieu, saint Thomas explique comment la volonté doit se disposer pour recevoir en lui la même image, comme de la cire molle et bien disposée pour l’impression du sceau divin. Ce sceau, c’est la grâce, et comme le déclare ce même saint, elle est une similitude de la divinité à laquelle l’homme participe, et elle imprime en la volonté la charité qui en procède lorsqu’elle se dispose à recevoir cette heureuse impression. Ainsi la similitude de Dieu que ce sceau divin imprime en la volonté, est la charité même ; par son moyen, lorsqu’elle est parfaitement enracinée en l’âme et qu’elle s’en est parfaitement emparée, celle-ci s’unit à Dieu. Et donc, à partir de la différence qu’il y a entre les actes de ces deux puissances pour recevoir en elles la similitude de Dieu et sa participation, on reconnaîtra la disposition qu’elles doivent avoir pour cela dans la contemplation. En effet, le repos et la stabilité appartiennent à la perfection du miroir, ainsi qu’on l’a vu, et pour autant, saint Denys nous démontre que pour que l’entendement reçoive l’illumination divine, il lui faut non seulement se dépouiller de toutes les similitudes des choses créées, mais aussi s’abandonner lui-même, c’est-à-dire abandonner toute opération active mue par sa lumière naturelle et par sa capacité propre, car il se rend par elle incapable de recevoir en lui, comme en un miroir limpide et au repos, la similitude divine que la foi lui présente.

8. Cependant, puisque la volonté doit recevoir en elle cette image divine comme une cire bien disposée à l’impression du sceau divin, et puisqu’elle est une cire vivante, elle peut y aider par son effort : en effet, plus la cire s’unit intensément au sceau, plus l’image de ce sceau reste parfaitement imprimée en elle. À ce propos, saint Thomas explique que l’Esprit-Saint meut la volonté à l’acte d’amour de telle manière, qu’il veut qu’elle aussi en soit motrice. Et pour autant, l’élan de la volonté, dans la contemplation comme dans les autres œuvres ordonnées à Dieu, est d’une si grande importance pour leur perfection, que le même saint déclare que l’augmentation de la charité est donné à la mesure de cet effort. Et il explique ailleurs que par cet élan et cet effort de la volonté, l’Esprit-Saint dispose l’âme aux augmentations de grâce et de perfection qu’il veut introduire en elle, plus ou moins selon sa volonté divine. Tout cela fait paraître que, pour ce qui est de notre contemplation, toute la profondeur des livres de saint Denys s’ordonne à ceci : en elle, que l’entendement soit simple et en attention de foi, que la volonté soit élancée et tendue vers Dieu pour se transformer en lui par amour et ressemblance. Et pour que la contemplation soit plus affective que spéculative, et partant plus profitable, l’intention de l’esprit doit se porter plus sur l’affection que sur la connaissance. En effet, comme l’explique saint Thomas, là où se porte l’intention, l’âme investit sa force, et si elle se porte à la connaissance, elle laisse la volonté sans force, alors que l’oraison doit s’ordonner principalement à l’embraser en amour de Dieu et à l’unir à lui.

9. Pour résumer cette matière, le même saint avertit le contemplatif de ceci : pour que la contemplation soit utile et que l’entendement reçoive en lui comme en un miroir divin l’image de Dieu, il faut qu’il le représente de très près. En effet, si ce que l’on place devant un miroir matériel est représenté avec d’autant moins de ressemblance que la distance est grande, et avec une ressemblance d’autant plus pleine et parfaite que la distance est petite, il en va de même pour ce qui est représenté dans l’entendement, comprenant non pas une distance locale ni une quantité matérielle quand il s’agit de la représentation de Dieu, mais une distance d’aptitude et une quantité virtuelle. Et à ce propos, saint Thomas mentionne ce que dit saint Denys, à savoir que les réalités proches de Dieu sont d’autant plus illuminées et divinisées, qu’elles participent de plus près à sa communication et à sa force.







Apologie mystique en défense de la Contemplation divine

(Max de Longchamp)








APOLOGIE MYSTIQUE EN DÉFENSE DE LA CONTEMPLATION DIVINE CONTRE CERTAINS MAîTRES SCOLASTIQUES QUI LUI SONT HOSTILES


Où L’ON PROUVE, SUR L’AUTORITÉ DES SAINTES LETTRES ET LA DOCTRINE CONCORDANTE DES SAINTS, QUE CETTE CONTEMPLATION FUT DONNÉE PAR DIEU A SES GRANDS SERVITEURS DEPUIS LE COMMENCEMENT DU MONDE, ENSEIGNÉE PAR LE CHRIST A SES APôTRES ET PRêCHÉE

PAR EUX A LEURS DISCIPLES COMME SAGESSE DU CIEL

POUR QU’ILS LA COMMUNIQUENT A TOUTE L’ÉGLISE


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IHS MARIA






Prologue au lecteur

L’un des plus grands dommages dont la vertu ait à souffrir de nos jours, est le grand abandon dans lequel on tient la contemplation véritable que Dieu a concédée aux hommes comme un bienfait très remarquable, afin d’avoir sur terre avec eux une communication familière et de les rendre participants de sa divinité et des richesses du ciel. Non seulement les ignorants, mais aussi beaucoup de ceux qui se prennent pour maîtres en théologie scolastique, n’atteignent qu’à une si pauvre connaissance de la mystique, qu’ils font peu de différence entre la véritable contemplation enseignée par Dieu à ses fidèles, et la fausse et trompeuse que le démon à introduite chez les personnes vaniteuses et orgueilleuses, au notable dommage des personnes simples et dévotes. Et comme notre Vénérable Père Frère Jean de la Croix a abondamment illuminé notre siècle par sa connaissance véritable de la contemplation de Dieu, l’enseignant dans sa pureté et fermant par elle la porte aux tromperies du démon, cet ennemi s’est arrangé pour obscurcir par des voies diverses cette lumière très pure. L’une d’entre elles fut d’inciter certains maîtres scolastiques peu versés dans le domaine spirituel, à la contredire comme contraire à la bonne philosophie et à la théologie scolastique, alors qu’elle leur est en tout point conforme.

M’étant donné quelque peine pour tirer de cette tromperie l’un de ces maîtres en citant l’Écriture et la doctrine concordante des saints, pour ruiner grâce à elle l’argumentation de ceux qui s’opposent à la sagesse des Apôtres, il a paru opportun à quelques personnes doctes de communiquer ce travail aux gens simples, pour qu’ils s’y défendent des mauvaises doctrines qui ont cours à l’heure actuelle en matière de contemplation intellectuelle318.

Leur obéissant, j’ai donc arrangé cette réponse, non pas sur le mode d’une dispute académique ni en rapportant formellement les arguments adverses pour les réfuter, mais comme un exposé clair et assuré de la vérité pure, selon les besoins des gens simples. Au passage, on signalera les objections et l’on y répondra, pour autant qu’il faudra fonder cette doctrine destinée à redresser l’erreur, et donner occasion et matière aux personnes doctes qui voudraient la défendre sur le mode d’une dispute académique. En effet, mon intention n’est pas de mener cette dispute sur ces matières, mais d’aider de leur vérité les âmes dévotes, afin que de vaines craintes ne leur fassent pas délaisser le profit d’une aussi haute lumière d’oraison et d’esprit, que celle que notre vénérable Père leur a donnée dans tous ses travaux.

TABLE DES CHAPITRES DE L’APOLOGIE MYSTIQUE



Chapitre 1 —Que les auteurs modernes, auxquels s’opposent certains scolastiques, n’ont pas enseigné une doctrine nouvelle sur la contemplation divine, mais à bien exercer celle que Dieu a enseignée à ses véritables amis F ° 1

Chapitre 2 — Comme il y a deux manières de contemplation divine, l’une plus élevée que l’autre ; laquelle des deux nous recommandent les saints F ° 9

Chapitre 3 —Sur la fausse contemplation des Alumbrados, et sur les grands égarements et erreurs dont le démon les a convaincus par elle F ° 17

Chapitre 4 — Où l’on expose l’acte propre de la véritable contemplation, et quelques-unes des perfections pour lesquelles les saints ont fait son éloge F ° 29

Chapitre 5 —Que cet acte de contemplation s’accompagne inséparablement de la quiétude simple et vigilante en laquelle Dieu se communique aux véritables contemplatifs F ° 38

Chapitre 6 — Où l’on expose plus à fond cette quiétude de la contemplation, et combien rares sont ceux qui la conservent comme les saints le recommandent F ° 49

Chapitre 7 —Que l’effort de la volonté en quiétude de l’entendement aide aux effets de la contemplation, et comment il faut s’y employer en elle F ° 58

Chapitre 8 —À quel moment et en quelles circonstances il faut aider l’effort de la volonté dans l’oraison pour qu’il soit profitable F ° 69

Chapitre 9 —Que dans l’acte universel et simple de la contemplation, l’âme est toute entière employée en Dieu et en exercice de toutes les vertus F ° 79

Chapitre 10 — Où l’on répond à quelques objections opposées à cette contemplation, les réfutant par la doctrine de saint Denys provenant des Apôtres, et où l’on traite des visions sensibles F ° 87

Chapitre 11 —De la sécurité et de l’excellence des visions intellectuelles qui élèvent l’homme à la véritable connaissance de Dieu et à la véritable participation à sa sainteté F ° 95

Chapitre 12 —Du concept super-substantiel par lequel l’entendement doit avancer vers Dieu dans la contemplation pour que l’âme participe à ses perfections divines F ° 107

Chapitre 13 - Qu’en la contemplation quiète que les mystiques appellent « passive », l’âme a une opération propre, en l’entendement comme en la volonté F ° 114

Chapitre 14 — Combien les saints ont recommandé la continuité ininterrompue de l’acte simple de la contemplation pour en recevoir les effets F ° 121

Chapitre 15 — Comme il convient de varier l’oraison avec profit, et sans empêcher les principaux effets de l’illumination divine F ° 127

Chapitre 16 — Comment il convient de mettre en œuvre les notices de l’humanité du Christ, Notre-Seigneur, dans la contemplation, sans en troubler les principaux effets F ° 138

Chapitre 17 — Qu’en créant l’homme, Dieu lui a communiqué la contemplation intellectuelle simple pour qu’il le contemple et le vénère à la manière de l’ange viateur F ° 149

Chapitre 18 —Que Dieu a concédé la même contemplation à d’autres saints patriarches dans la Loi de nature, avec des faveurs particulières F ° 158

Chapitre 19 —Que le Seigneur a aussi concédé cette contemplation divine à Moïse quand il lui a donné la Loi écrite, et à Élie quand il lui a donné la forme de la vie parfaite F ° 163

Chapitre 20 — Comment, en d’autres temps de la Loi écrite, le Seigneur nous a donné des connaissances accréditées par ses prophètes au sujet de cette contemplation où il se communique à nous F ° 175

Chapitre 21 —Que le temps de la Loi de la Grâce étant arrivé, Dieu a enseigné par sa bouche cette contemplation qu’il avait enseignée auparavant par la bouche de ses prophètes F ° 181

Chapitre 22 — Comment les Apôtres ont enseigné à leurs disciples la contemplation qu’ils avaient reçue du Christ Notre-Seigneur pour qu’ils la communiquent à toute l’Église F ° 188

Chapitre 23 —Des effets de la contemplation divine, et comment se reçoit en elle l’opération de Dieu en vue des biens surnaturels qui rendent l’homme semblable à lui F ° 198


Chapitre 24 —Des deux manières dont Dieu meut l’âme dans l’oraison, l’une commune et l’autre extraordinaire, et comment il faut se comporter en la commune pour ne pas y mettre obstacle F ° 207

Chapitre 25 —Des motions de secours particuliers que Dieu opère en l’âme contemplative, parfois de façon suave, parfois de façon pénible pour la purifier F ° 216

Chapitre 26 —Que dans la fournaise de la tribulation, Dieu dépouille l’âme de ses imperfections, et d’abord des habitus vicieux acquis dans la partie spirituelle F ° 225

Chapitre 27 — Comment, dans cette fournaise purgative, Dieu dépouille l’âme des imperfections naturelles du vieil homme pour la revêtir de ses splendeurs F ° 236

Chapitre 28 — Qu’après avoir été purifiée des imperfections acquises et naturelles, l’âme est revêtue sur un mode divin pour être unie à Dieu F ° 245

Chapitre 29 —De l’union transformée en Dieu, où l’âme est rendue au paradis intérieur d’où Adam fut chassé par le péché F ° 252



ICI COMMENCE L’APOLOGIE MYSTIQUE EN DéFENSE DE LA CONTEMPLATION

Chapitre 1 Que les auteurs modernes, auxquels s’opposent certains scolastiques, n’ont pas enseigné une doctrine nouvelle sur la contemplation divine, mais à bien exercer celle que Dieu a enseignée à ses véritables amis

Pour satisfaire convenablement à ce que Votre Paternité me dit en sa lettre, à savoir que ce que notre vénérable Père Frère Jean de la Croix a écrit sent la doctrine des Alumbrados319, il me faut m’arrêter un peu plus que ne le permet une simple missive. Il s’agit de l’oraison mentale, au livre second de la Montée du Mont Carmel, où il ôte le discours de la raison à ceux qui sont déjà contemplatifs, et où il leur conseille de se tenir en présence de Dieu avec une attention de foi simple et amoureuse. En effet, à traiter approximativement ces matières mystiques, il advient ce que nous voyons chez beaucoup de personnes versées dans les matières scolastiques : pratiquant si couramment les livres de saint Thomas, elles s’arrêtent si peu à ce qu’il y a écrit de la théologie mystique, qu’elles en parlent avec grand aveuglement et notable incompétence ; et pour autant, elles font grand tort à l’Église de Dieu, jetant le trouble dans les âmes dévotes quant aux moyens par lesquels elles avançaient vers la perfection de la vie chrétienne, qui est l’union de l’âme avec Dieu, ad quam sicut ad finem ordinantur omnia quæ pertinent ad spiritualem vitam. 320

L’âme contemplative doit avancer vers cette union par connaissance spirituelle et simple, en quiétude des actes de la raison, ce qui est une route royale et une disposition proportionnée à cela. C’est ce qu’enseigne saint Denys et tous les autres saints : propter divinam pacem, animae largissimas ipsarum rationes unientes et ad unam intellectualem congregantes puritatem proveniunt juxta proprietatem suam via et ordine per immaterialem et simplicem intellectum ad eam, quæ est super intellectum unitionem 321. Mais comme les âmes simples, qui vont bien guidées par cette route, voient l’avis contraire d’hommes tenus pour doctes, elles s’inquiètent ; et alors qu’elles buvaient très souvent à sa source même cette sagesse du ciel, ces hommes les font retourner aux ruisseaux bourbeux par la crainte qu’ils leur inspirent, et Notre-Seigneur en est très mécontent, car il désire se communiquer aux âmes sans obstacles, et ceux-là leur en mettent.

Et notre vénérable Père n’a pas enseigné une doctrine nouvelle, ni en ce livre ni en aucun autre, mais celle que la Sagesse divine revêtue de notre chair a recherchée en venant au monde, et c’est d’elle que les Apôtres l’apprirent et la communiquèrent à son Église : tout cela résulte des écrits des saints qui l’ont reçue d’eux. Et si pour cela nous consultons saint Denys, mémoire très fidèle de cette doctrine apostolique, il nous dira combien celle de notre vénérable Père concorde avec elle. Saint Denys, après avoir exposé la contemplation divine des bienheureux dans le ciel, nous expose ainsi celle que nous avons à exercer en cette vie pour qu’elle soit profitable : Nunc autem, sicut nobis est possibile, propriis quidem ad divina signis utimur, et ex ipsis rursus ad simplicem et unitam intelligibilium miraculorum veritatem proportionaliter extendimur, et post omnem secundum nos deiformium unitionem, sedantes nostras intellectuales operationes, ad supersubstantialem radium, secundum quod fas est, nos immittimus.322

Par ces paroles, saint Denys nous expose le commencement, le milieu et la fin de notre contemplation, pour que l’on y avance de façon proportionnée et qu’elle soit profitable. Son premier pas doit être d’utiliser des figures et des similitudes connues dont se sert le discours de la raison, pour que, par elles, l’entendement s’élève selon son mode à la connaissance des mystères divins. Cet échelon, nous dit ce saint, l’entendement doit l’abandonner au plus vite, en se détachant de ces figures et similitudes matérielles ; et il doit entrer au-dedans de lui-même grâce aux notices qu’elles lui auront données, pour considérer en quiétude simple, par sa lumière naturelle éclairée de la foi, le mystère dont ces similitudes lui auront donné connaissance. Et parce que tout cela est imparfait et de peu de profit lorsque notre oraison s’y arrête (Nullum enim effectum haberet investigatio rationis nisi ad intelligibilem veritatem perduceret 323), cet interprète très savant des Apôtres ajoute aussitôt ceci : après toute la considération de notre raison et de notre lumière naturelle, si l’âme veut rendre profitable sa contemplation et recevoir la richesse surnaturelle à laquelle elle s’ordonne, l’entendement doit mettre en repos toutes ses opérations mues par cette lumière naturelle ; et vêtu seulement de la lumière de foi qui le proportionne à l’illumination divine, qu’il s’enfonce, comme il convient à ce qui est immense et incompréhensible, en la connaissance obscure de la grandeur divine ; et dans cette disposition, il se noie dans le rayon supersubstantiel de la lumière divine, au-dessus de toutes les substances créées, pour en être illuminé.

Telle est la doctrine de notre contemplation que nous enseigne saint Denys ; et les autres saints nous l’enseignent pareillement, comme nous le verrons plus loin. Mais s’il nous donne les préambules de cette contemplation, il ne nous dit pas combien de temps nous devons y rester ; aussi notre vénérable Père a-t-il ajouté à cette doctrine, à l’endroit où Votre Paternité l’accuse324, la substance de ces préambules, ce que l’âme doit posséder pour passer au bon moment à ce qu’ils visent, c’est-à-dire à la contemplation simple en lumière de foi. Cette disposition, c’est d’avoir acquis l’habitus325 de la méditation des choses qui aident à la contemplation ; et il donne des indications pratiques remarquables pour connaître ce moment, et savoir que l’âme possède cet habitus. Et ainsi, non seulement il ne nous enseigne pas une doctrine nouvelle, mais il nous donne au contraire des moyens convenables et proportionnés pour exercer convenablement celle que les Apôtres et les saints ont enseignée.

Il en va de même pour l’acte de contemplation, qui consiste en ceci selon les auteurs savants, les mystiques comme les scolastiques : simplex intuitus increatae veritatis326, c’est-à-dire une vue simple de Dieu en lumière de foi, au-dessus des actes de notre imagination et de notre raison ; notre vénérable Père l’a expliqué de façon tout à fait substantielle, très adaptée aux gens simples, l’appelant attention simple et amoureuse à Dieu327 en lumière de foi. Sous ces paroles, il met la disposition que demande saint Denys pour que l’âme se tienne en présence de Dieu dans l’oraison, à découvert devant son illumination et son action, à savoir revelata mente et ad divinam unitionem aptitudine 328 ; c’est-à-dire pour que l’entendement soit dénudé et découvert de toutes les similitudes des choses sensibles entrées par les sens, lesquelles sont des voiles interposés entre Dieu et l’âme, afin de pouvoir recevoir son illumination divine, et pour que la volonté soit inclinée à Dieu par amour ou désir de lui être agréable et de s’unir à lui. Notre vénérable Père a mis ces deux actes sous les paroles rapportées plus haut, car par l’attention simple à Dieu, il indique l’acte de l’entendement tel que saint Denys le demande, et en disant qu’elle est amoureuse, il indique l’acte de la volonté ; et il met cela à notre portée comme une pratique que tous peuvent comprendre et exercer.

Et il faut remarquer que si nous repoussons dans la contemplation divine les actes de la raison humaine, ce n’est pas parce qu’ils seraient mauvais : en effet, la raison est une lumière donnée par Dieu pour se gouverner naturellement et avancer avec vertu dans ce que l’on fait, si bien qu’en consultant la raison pour les choses humaines et naturelles, nous consultons Dieu qui nous l’a donnée pour nous y diriger avec succès ; mais dans la contemplation divine, nous repoussons la raison parce qu’elle ne suffit pas à la fin surnaturelle à laquelle nous prétendons, et qui est la connaissance et l’amour par lesquels nous avons à nous unir à Dieu, ainsi que la restauration du vieil homme et la réforme de ses défauts, que l’Apôtre nous demande pour cette union. En effet, le mouvement de la raison, même informée par les vertus théologales, ne suffit pas à cette réforme et à cette illumination si l’inspiration et la motion de l’Esprit-Saint ne viennent d’en haut par le moyen de ses dons, selon ce que dit l’Apôtre : « Ceux qui sont mus par Dieu, ceux-là sont ses enfants. » De même le Prophète déclare-t-il : « Ton Esprit-Saint me mènera à la terre d’élection. » En effet, personne ne peut parvenir à cet héritage céleste des bienheureux s’il n’est mû et guidé par l’Esprit-Saint. Et cette motion et ce guide, c’est ce à quoi l’on prétend en la contemplation et que l’on ne peut atteindre par les actes de la raison, ni quant à la connaissance, ni quant à la réforme de l’endurcissement et de la dureté qui s’attachent à l’esprit humain depuis le péché, ni quant à celle de tous les autres défauts de la nature contre lesquels sont données à l’âme les dons du Saint-Esprit, ainsi que l’établit saint Thomas ; et les actes et les effets de ces dons s’exercent et se reçoivent en la contemplation lorsqu’elle n’est pas empêchée, ainsi qu’en l’illumination divine qui en procède pour renouveler toutes les forces de l’âme, comme saint Denys le décrit de façon très détaillée : « Omnem mentem ex plenitudine ipsius illuminans, et intellectuales totas virtutes renovans.329 »

Et non seulement le mouvement de la raison est insuffisant pour tout cela, mais il constitue un empêchement, car c’est chose manifeste que tout ce qui doit être mû doit nécessairement se proportionner à son moteur s’il veut en être mû ; et comme l’illumination et l’action des dons de l’Esprit-Saint n’est pas discursive ni ratiocinative, mais très simple et très quiète en tant que similitude participée de l’Esprit divin, il convient que l’âme se revête des mêmes qualités si elle veut la recevoir et en être mue ; et comme la perfection de ce qui est mû, en tant que tel, est dans une plus grande disposition à être mû comme il faut par son moteur, plus l’âme sera simple et quiète en l’oraison, plus parfaite sera sa disposition pour être mue et illuminée par l’Esprit-Saint au moyen de ses dons. Cette disposition, les actes de la raison discursive la lui ôteraient à ce moment-là ; et c’est pourquoi saint Denys dit que cette illumination divine vient après tous nos actes de connaissance, et que l’entendement y parviendra lorsque nous les aurons tous quittés, car chaque similitude de cette connaissance-là est comme un voile ténébreux qui s’interpose entre Dieu et l’âme pour ne pas recevoir son illumination. Et comme notre vénérable Père, en ses traités mystiques, a suivi la doctrine de cette très claire lumière de l’Église, il nous conseille ce que Denys nous a enseigné ici et en d’innombrables endroits de ses livres. Il y appelle cette contemplation sagesse irrationnelle, c’est-à-dire supérieure à la raison. L’entendement doit la recevoir revêtu de la lumière simple de la foi, qui seule le proportionne pour cette sagesse divine, du fait de cette règle générale de saint Thomas selon laquelle, pour s’élever à ce qui dépasse sa nature, l’homme doit se disposer sur un mode surnaturel. Et saint Denys dit que c’est selon cette proportion que la lumière divine fait avancer en la perfection les âmes qui la reçoivent.

De tout cela, on peut connaître que lorsque les saints excluent de la contemplation divine les actes de la raison, ils le comprennent même lorsque celle-ci est illuminée par la foi, ainsi que l’indique clairement saint Denys lui-même, et saint Thomas qui le commente. Certes, les philosophes chrétiens nous donnent un avantage sur les philosophes naturels330 dans le discours de la raison, en ce que nous avons dans les mystères des fondements solides par lesquels elle progresse — par exemple l’immortalité de l’âme, les quatre fins de l’homme, sa création, l’assistance particulière de Dieu aux âmes en état de grâce, l’incarnation du Fils de Dieu pour restaurer l’homme : en tous ces mystères et en d’autres que nous montre la foi, il n’y avait rien d’assuré chez les païens ; toutefois, pour ce qui est du mode de cette progression, celui du discours de la raison humaine allant par comparaison des choses connues à la connaissance des inconnues, allant par les choses humaines aux divines, le nôtre est semblable à celui des philosophes naturels ; et par ses objets matériels et distincts, il obscurcit l’entendement par rapport à la contemplation simple de la foi, tandis que ce dernier avance par elle dans la connaissance et l’amour surnaturels de Dieu, comme le font les anges viateurs.331

Chapitre 2 Comme il y a deux manières de contemplation divine, l’une plus élevée que l’autre ; laquelle des deux nous recommandent les saints

Le démon s’est toujours employé à obscurcir les œuvres de Dieu et à contrefaire à notre détriment celles que Sa Majesté opère à notre profit ; et comme il s’y est employé au moyen de ses serviteurs au temps du roi Pharaon, contrefaisant par sa voie de tromperie les prodiges que Moïse opérait par la force de Dieu, il s’y est employé aussi à divers moments de la Loi de la Grâce. Or, par la contemplation simple en lumière de foi, le contemplatif se dépouille par moment en quelque manière de la condition d’homme, et revêt pour cette communication la dignité de l’ange que le démon a perdue par son orgueil (Homo in quantum est contemplativus est aliquid supra homninem : quia intellectus simplici visione continuatur homo superioribus substantiis, quae intelligentiae vel Angeli dicuntur.332) ; cet ennemi ne pouvant souffrir de voir l’homme ainsi élevé à la communication immédiate de Dieu, il s’emploie donc à l’empêcher par mille moyens. D’ordinaire (ainsi que l’expose notre vénérable Père Frère Jean de la Croix en ses livres mystiques, et ainsi que nous l’expérimentons chaque jour), il retire le contemplatif du recueillement intellectuel et simple où il buvait la sagesse divine à sa source même, comme le dit saint Denys (Quando anima ab aliis omnibus recedens postea et seipsam dimittens unita est super splendentibus radiis, inde et ibi non scrutabili profundo sapientia illuminata.333), et il l’entraîne par quelque représentation apparemment utile aux actes de l’imagination et au discours de la raison, où il perd la communication divine immédiate ainsi que les dons surnaturels de l’illumination et de l’action de Dieu. Mais il ne se contente pas de cela : ajoutant tromperies sur tromperies, il s’emploie à discréditer complètement cette contemplation au moyen de ceux que nous appelons communément « Alumbrados ». Et pour distinguer la lumière des ténèbres, et la vérité de Dieu du mensonge et de la tromperie du démon, il est nécessaire d’exposer d’abord la substance de cette vérité qui touche notre propos.

Cette sagesse mystique dont saint Denys dit qu’elle est propre aux chrétiens, s’exerce de deux manières, toutes deux en lumière surnaturelle, l’une plus illuminée que l’autre. Saint Thomas les différencie en appelant l’une « contemplation de foi exercée selon notre mode humain », car si cette lumière est surnaturelle quant à son habitus, son exercice nous est concédé selon notre mode ; et l’autre, « contemplation au-dessus de notre mode humain », car en illuminant l’obscurité de la foi, les dons de l’Esprit-Saint élèvent l’entendement à de plus hautes connaissances des vérités divines que celles qu’il pourrait atteindre de lui-même en la lumière obscure de la foi. Ces deux manières de contemplation, le vénérable Richard de Saint-Victor les a aussi différenciées en disant que la première s’exerce par notre industrie propre aidée de la grâce ; et que la seconde s’exerce seulement quand la grâce même y appelle ; et pour autant, la première se possède de plein droit, alors que la seconde est conditionnelle, du fait que l’on ne peut y recourir sans cet appel. La première, dit Richard, fut signifiée par Aaron, qui entrait quand il le voulait au Saint des Saints pour parler avec Dieu ; et la seconde, par Moïse qui monta au sommet de la montagne à l’appel de Dieu pour parler avec lui. C’est ainsi que le plus haut de la montagne comme le plus intérieur du sanctuaire signifient la contemplation divine, où Dieu se communique à l’âme dans l’acte suprême de l’entendement et à l’intime de l’affectus334 qui correspond à cet acte. Et exposant ailleurs la félicité de l’une et l’utilité de l’autre, ce très grand auteur déclare : « quoique la contemplation la plus élevée soit la plus heureuse, cependant, quant au mérite, celle qui s’élève à la faveur de la grâce à partir de l’intention et de l’application propre, me paraît plus grande que celle qui procède de la seule illumination ou inspiration divine. » Ces deux manières de contemplation, notre Mère sainte Thérèse les expose aussi au chapitre vingt-neuf du Chemin de la Perfection, et elle appelle la première « oraison mentale », et la seconde « contemplation parfaite ».

Dans la contemplation qui s’exerce avec la lumière de la foi selon notre mode humain, nous sommes aidés du secours commun de la grâce, et comme celui-ci n’est refusé à personne, nous pouvons toujours l’exercer, ainsi que le dit ici Richard. Cependant, celle qui s’exerce au-dessus de ce mode est mue par des secours extraordinaires que saint Thomas assimile à des miracles ; aussi ne pouvons-nous l’exercer que lorsque Dieu la concède par une motion particulière. Et quoique ces deux manières de contemplation soient illuminées des dons du Saint-Esprit, particulièrement du don de sagesse, c’est de façon très différente. En effet, la première reçoit une illumination proportionnée au secours commun de la grâce à laquelle elle correspond, de telle sorte que l’homme parvienne par elle à recevoir selon son mode son salut et sa perfection ; et cette illumination n’est refusée à aucun de ceux qui sont en état de grâce, comme le dit le même saint Thomas (et hoc nulli deest sine peccato mortali existenti : quia si natura non deficit in necessariis, multo magis gratia ! 335), si bien qu’il n’y a aucune excuse pour ceux qui négligent de pratiquer cette contemplation en disant que leur naturel ne les dispose pas à être contemplatifs : cette grâce commune de contemplation par laquelle la nature peut se réformer, n’est refusée à aucun de ceux qui sont en état de grâce. L’autre illumination du don de sagesse correspond aux secours extraordinaires de la grâce, et elle n’est pas concédée à tous, mais seulement à ceux que Dieu veut élever à une connaissance plus illuminée de mystères plus élevés, et aussi l’Apôtre la compte-t-il parmi les grâces gratis datae.

De même, pour continuer à mieux découvrir les tromperies que le démon s’est employé à introduire par cette voie en contrefaisant la véritable contemplation, il faut remarquer ceci : comme il y a deux sortes de secours et d’illumination pour les deux sortes de contemplation déjà exposées, il y a aussi deux sortes d’extase ou de suspension [des sens], l’une selon notre mode, et l’autre au-dessus de notre mode. La première, saint Thomas l’appelle « intentionelle » ; elle a lieu lorsque le contemplatif, sans aliénation des sens, abandonne toutes les similitudes des choses qui entrent en lui, et met toute son intention à s’adonner par la lumière de la foi à la connaissance et à l’amour des choses divines. Celle-ci, dit-il, tout contemplatif et tout amoureux de Dieu doit la pratiquer s’il veut rendre profitable sa contemplation (et sic in excessu mentis sive in extasi est quilibet divinorum contemplator et amator336). Cette même suspension intentionnelle, saint Denys l’appelle « extase de foi », et en l’exposant dans son explication de ce passage, saint Thomas déclare : ipse per veram fidem est passus extasim veritati, qui extra omnem sensum est positus et veritati supernaturali conjunctus337. Il faut savoir qu’être attaché à la vérité en cette manière d’extase de foi, n’est pas autre chose qu’avoir l’entendement dépouillé de toutes les autres connaissances, et uni à la vérité surnaturelle que représente la foi ; et tout cela est propre à la contemplation que nous pouvons exercer selon notre mode humain. L’autre suspension ou extase est au-dessus de notre mode, et elle a lieu quand l’entendement est élevé surnaturellement à la contemplation très haute des choses divines avec aliénation des sens, par exemple dans le ravissement [spirituel], et celle-ci se nomme proprement « extase » et « échappée » de l’esprit.

La première suspension, l’intentionnelle exercée selon notre mode, est si éloignée d’être mauvaise, qu’elle est plutôt très digne de louanges et nécessaire pour rendre profitable l’oraison mentale. En effet, c’est une obligation pour l’homme, que de s’élever à la connaissance de son créateur et de ses perfections divines par le chemin qui lui est licite et possible (Ea autem quæ supra rationem sunt quaerere non est vituperabile sed laudabile : quia homo debet se erigere ad divina quantumcumque potest.338) ; et tant que l’entendement ne s’élève pas au-dessus de tous les actes et de toutes les similitudes de sa connaissance naturelle, il ne peut pas recevoir l’illumination divine surnaturelle. Toutefois, vouloir tendre par ses propres forces et sa propre industrie à l’autre suspension, celle en laquelle Dieu établit les âmes contemplatives lors du ravissement et des autres échappées de l’esprit avec aliénation des sens et au-dessus de notre mode humain, c’est de la présomption et de l’orgueil condamné par les saints. En effet, une opération doit être proportionnée à la force et à la possibilité de celui qui l’opère, et aucun agent naturel ne prétend faire ce qui dépasse ses facultés ; aussi est-ce chose mauvaise et opposée à l’ordre naturel des choses établi par Dieu, que de tendre par ses propres ressources à la contemplation infuse qui dépasse les facultés et le mode humain, et cela est condamnable comme un péché d’orgueilleuse présomption, que notre Mère sainte Thérèse a combattu par écrit en de nombreux endroits de ses livres.

Saint Denys aussi a traité de ces deux manières de contemplation, affirmant l’utilité de la première et condamnant comme orgueil et présomption vouloir tendre de soi-même à la seconde. Il avait dit un peu avant qu’aux choses ineffables et inconnues de nous, telles que les choses divines, nous avons à nous unir sur un mode ineffable et inconnu, en lumière de foi, au-dessus de la raison et de l’opération intellectuelle propre à son mode de connaissance ; et après avoir donné la raison de cela, il ajoute à notre propos : non tamen incommunicabile est summum bonum, sed in seipso singulariter supersubstantiale collocans radium uniuscujusque existentium proportionabilibus illuminationibus benigne superapparet, et ad possibilem ipsius contemplationem et communionem et assimilationem extendit sanctas mentes quæ ipsi sicut est fas, et ut decet sanctos, se immittunt, et non ad superius quam convenienter data Dei apparitione superbe praesumunt, sed cum reverentia sancta altius elevantur 339. Par ces mots, il dit ceci de la première contemplation : ceux qui l’exercent comme il convient au moyen de la lumière de la foi en une disposition humble et en sainte révérence, Dieu leur communique des illuminations proportionnées ; par elles, il dilate les âmes ainsi disposées à sa contemplation telle qu’elle est possible en cette vie, ainsi qu’à sa communication et ressemblance au moyen de cette contemplation. Et à propos de la seconde contemplation, il traite de présompteux et d’orgueilleux ceux qui aspirent à s’élever par leurs propres forces à des échappées d’esprit supérieures à elles, ainsi qu’à ce que l’illumination divine leur concède.

Au même moment, saint Laurent Justinien déclare ceci : « Ce que l’âme expérimente en abondance de charité et par une visite particulière de la grâce, c’est chose dangereuse et arrogance que de présumer l’atteindre ensuite sans visite ni appel de Dieu. » Toutefois, monter vers cela par des moyens proportionnés grâce auxquels on va de l’imparfait au parfait, selon la doctrine donnée par les saints, ce n’est pas de la présomption ni du vice, et c’est de cette manière que l’Apôtre dit qu’il tendait vers les choses d’en haut, à savoir par un progrès continuel. En effet, cette contemplation que nous pouvons exercer au moyen de la lumière de la foi et des secours communs de la grâce selon notre mode humain, c’est celle qu’a conseillée et exposée saint Denys au chapitre premier de sa Théologie Mystique, ainsi qu’en de nombreux autres endroits de ses livres ; c’est celle aussi que les autres saints ont tant recommandée avec l’esprit de Dieu, celle que nous devons embrasser et exercer. Quant à l’autre, concédée au-dessus de notre mode humain, elle n’est pas à recommander et il serait mal de la conseiller, ainsi que nous l’avons vu à l’endroit indiqué un peu plus haut en saint Denys ; mais nous avons à nous y disposer grâce à la première, et à la recevoir avec humilité reconnaissante si Dieu la donne.

Chapitre 3 Sur la fausse contemplation des Alumbrados, et sur les grands égarements et erreurs dont le démon les a convaincus par elle.

Sachant maintenant, selon la doctrine de ceux qui reçurent lumière de Dieu pour nous l’enseigner, quelle est la substance de notre contemplation et quelle est celle que nous devons embrasser en notre exercice, nous verrons mieux les tromperies que le démon a produites à différents moments chez ceux que l’on appelle Alumbrados. Il s’agissait pour lui de contrefaire et discréditer cette contemplation, et de faire craindre aux véritables contemplatifs de demeurer l’esprit simple et quiet tout en fuyant ces tromperies ; et alors que cette voie était celle par laquelle ils avaient à les fuir (car le démon ne peut rien imprimer en l’entendement humain si ce n’est au moyen de quelque objet sensible, alors que si l’âme se tient en attention simple de foi, elle est comme un sanctuaire dont la porte est fermée), ils retournèrent à la considération de choses distinctes en laquelle le démon peut mettre la main.

Donc, la première chose que fait le démon pour introduire ses tromperies, c’est de semer des pensées et des désirs de peu d’humilité chez ceux qu’il prétend tromper, afin de se rendre ainsi maître du logis. Car de même que l’humilité prépare en l’âme une demeure pour Dieu et ouvre la porte aux biens spirituels et divins pour qu’ils entrent librement (Humilitas est quasi quaedam dispositio ad liberum accessum hominis in spiritualia et divina bona 340), de même l’orgueil est-il fourrier du démon, et il donne entrée en l’âme à ses tromperies ; et pour autant, saint Augustin a dit que l’orgueil mérite d’être trompéf.

Ces gens-là, le démon les persuade que leur progrès consiste à trouver dans l’oraison de grandes saveurs et de grandes lumières, et qu’ils peuvent arriver à les atteindre par leurs propres forces et leur propre zèle en demeurant en quiétude oisive, qu’il s’agisse des actes de l’entendement ou de ceux de la volonté, et même des désirs ; et il leur applique à ce propos ces paroles que l’ecclésiastique adresse au véritable contemplatif : « c’est au temps du vide de l’âme que la sagesse écrit, et c’est celui qui aura le moins d’actes qui la recevra et en sera rempli. » Par là, le démon les met dans la disposition dont parle notre Mère sainte Thérèse en l’un des nombreux passages où elle corrige cette orgueilleuse oisiveté en disant : « Les œuvres intérieures sont toutes suaves et pacifiques, et faire quelque chose de pénible est plus dommageable qu’utile ; et j’appelle pénible tout ce que nous voulons faire avec effort, comme de retenir notre souffle. Comment s’oublierait-il lui-même, celui qui, avec grande attention, n’ose pas remuer ni ne laisse remuer son entendement et ses désirs à vouloir la plus grande gloire de Dieu et à se réjouir de la posséder ? » Par ces paroles, notre sainte touchait les caractéristiques principales des contemplatifs oisifs qu’il y avait en son temps, et qui ressemblaient à ceux des siècles passés : ils se tenaient si complètement oisifs d’entendement et de volonté, que même leurs désirs les troublaient, pensaient-ils ; et avec cela, ils s’appliquaient à des niaiseries dans le but de s’élever à l’extase et au ravissement en aliénation des sens, par exemple celle qui consiste ici à retenir son souffle, niaiseries qui ne servaient qu’à montrer leur orgueilleuse prétention et à donner plus de droits au démon sur leur âme pour la tromper.

Un auteur spirituel plus ancien fait mention de ce genre de dévots contre lesquels il écrit. Ceux-là, disait-il, demeurent oisifs en l’oraison pour tous les actes des puissances sensibles et spirituelles, sans application ni considération amoureuse envers Dieu ; ils sont tournés d’intention vers eux-mêmes, et menés par l’amour d’eux-mêmes et le désir de leur confort vers leur repos et leur plaisir, adonnés à l’accomplissement de leur volonté propre sous couvert de spiritualité, et trompés par leur ignorance et leur amour propre ; et ils se mettent en oraison comme on s’endort en se berçant de cette quiétude naturelle, en repos de toute opération inférieure et supérieure ; et c’est de cette manière qu’ils veulent que Dieu les élève à l’extase et aux échappées de l’esprit, sans zèle ni disposition de leur part. Tel est le premier genre de ces contemplatifs oisifs dont parle cet auteur ; le démon n’a d’autre droit de les tromper que celui de les tenir ainsi sous son charme, perdant leur temps à se nourrir de quelque plaisir sensible contrefait qu’il leur procure en cette quiétude naturelle. En effet, comme dit saint Augustin, il n’est pas permis au démon de faire tout ce qu’il peut selon sa nature, mais seulement la part de ses œuvres injustes pour laquelle Dieu lui donne juste licence, en vue de la récompense des bons et de la punition des méchants.

Après avoir fortement mis sous son charme certains de ces faux contemplatifs et trouvé une entrée en leur âme au moyen de l’orgueil, le démon a contrefait les ravissements des véritables contemplatifs, représentant en l’imagination quelque objet délectable et l’imprimant si fixement en l’affection sensible, que les sens extérieurs en restaient empêchés d’agir, au point que même placés devant leurs objets, ils n’y faisaient pas attention : c’est là le propre de ces appréhensions intenses, ainsi que le déclarent les auteurs doctes et expérimentés. Et en ces aliénations, le démon leur faisait admettre ses tromperies et en rester si persuadés, que, tout comme ils prenaient cette suspension pour de vrai ravissements, ils prenaient aussi les choses qu’ils y entendaient pour des révélations de Dieu, tels les païens devant ce que le démon leur disait par les pythonisses absorbées et aliénées de la même façon. Aussi leur a-t-il fait admettre des choses complètement absurdes, avec une telle persuasion que c’était là l’esprit de Dieu, que tout en étant si contraire à toute bonne doctrine, personne ne pouvait les convaincre de cette tromperie. Nombreuses furent les sectes de ce genre, et les principales furent les Béghards et les Turlupins341 contre lesquels certains auteurs pieux du temps écrivirent, nous faisant ainsi connaître leurs erreurs. Nous en ferons ici bonne mémoire, pour que l’on voit que, si leur fausse contemplation diffère de la vraie comme la vérité diffère du mensonge, les effets de l’une et de l’autre diffèrent également comme la lumière des ténèbres.

Ces auteurs disent ensuite, qu’après avoir fomenté cette fausse contemplation, les démons font croire aux oisifs de cette sorte que leur union à Dieu en une paix semblable à celle dont l’Apôtre dit qu’elle dépasse tout sens, les rend libres de tout gouvernement et les élève au-dessus de tous les exercices et du culte de l’Église, au-dessus des préceptes de Dieu, au-dessus de sa loi et au-dessus des actes des vertus qu’ils pourraient exercer de quelque manière que ce soit. En effet, ils sont persuadés que cette oisiveté inutile en laquelle ils se trouvent est si excellente, qu’il ne faut la troubler par aucun acte, aussi élevé et méritoire soit-il ; car c’est là une paix divine qui dépasse tout sens, et supérieure à toutes les vertus ; et comme c’est Dieu qui opère en eux cette paix et cette oisiveté, ce serait aller contre l’œuvre de Dieu que de l’empêcher ; et ils sont ainsi tellement au repos de tout exercice et de tout acte de vertu, qu’ils ne donnent à Dieu ni louanges ni actions de grâces, qu’ils ne veulent ni le connaître ni l’aimer, ni le prier ni le désirer. Ils pensent en effet avoir atteint tout ce qu’ils peuvent demander ou désirer, et être aussi pauvres d’esprit que ceux qui n’ont plus aucune volonté et ont laissé toute chose pour vivre sans rien choisir ni opérer en propre.

Ces oisifs pensent être ainsi libérés et désencombrés, et ils pensent avoir transcendé toute chose et avoir atteint ce pour quoi ont été institués les exercices et le culte de l’Église. De là vient qu’ils veulent jouir de leur liberté, et ne veulent en aucune manière obéir à personne, pas même aux plus hauts prélats de l’Église. Et même s’ils font montre d’obéissance au-dehors avec feinte et dissimulation, ils ne se tiennent intérieurement pour sujet de personne, ni en leur opération ni en leur volonté, et ils veulent être libres et exempts de toutes les observances de l’Église. Ils sont de l’avis bien établi que, tant que l’on travaille à acquérir les vertus et que l’on s’exerce à faire la volonté de Dieu, l’on n’est pas encore parfait ni près d’expérimenter la pauvreté d’esprit et le repos supérieur à tout sens dont ils jouissent. Et ils croient être élevés au-dessus des chœurs des anges et des saints, au-dessus de toute récompense que l’on peut mériter ; et ils croient ainsi ne plus pouvoir augmenter leur mérite, ni progresser dans les vertus, ni tomber désormais en aucun péché, puisqu’ils sont maintenant sans volonté et qu’ils ont remis à Dieu leur esprit en quiétude et repos, au point de n’être plus qu’une seule chose avec lui en aliénation d’eux-mêmes, interprétant à leur manière ce que l’Apôtre dit de l’âme transformée en Dieu, à savoir qu’elle ne vit plus en elle-même, mais que le Christ vit en elle.

Tout ce qui est agréable au corps, ces oisifs affirment que ce leur est permis, puisqu’étant ramenée à l’état d’innocence, aucune loi ne leur est imposée. Ils sont tellement instruments de Dieu qu’ils n’ont plus désormais d’opération propre, mais tout ce qu’ils font est opéré par Dieu et non plus par eux, et puisqu’ils sont ainsi mus par Dieu, ils ne peuvent être sujets d’aucun gouvernement humain ; et interprétant à leur manière la sentence de saint Augustin : dilige et fac quod vis, c’est à dire « aies la charité et fais ce que tu veux », ils se livraient à mille horreurs et turpitudes, en disant qu’ils avaient permission pour tout cela puisqu’ils étaient parfaits en la charité, suivant leur nature et leurs caprices sans la règle ni l’ordre de la loi du Christ. Ils affirmaient [enfin] qu’ils ne faut pas prier vocalement, mais seulement en quiétude mentale et en une certaine liberté d’esprit dont ils disent qu’elle n’est pas soumise aux préceptes divins.

Voilà, entre autres absurdités, celles que le démon a fait croire à ces misérables et faux contemplatifs en leur façon de prier paresseuse et oisive, s’employant à contrefaire avec vice et fausseté la contemplation divine des véritables contemplatifs, ainsi que les motions surnaturelles que Dieu produit en eux pour les perfectionner en la vie spirituelle et divine. Avec cela, cet ennemi prétendait par ses erreurs discréditer de telle manière la véritable contemplation simple et pure en laquelle Dieu se communique à ceux qui l’aiment, que personne n’oserait l’exercer de peur de tomber en ces tromperies. Et même si toutes ces erreurs et ces absurdités ont été condamnées dans les décrets de l’Église, cet ennemi n’a pas laissé en notre siècle de mêler quelques-unes de ces ténèbres à la lumière en différentes cités, et le saint tribunal de l’Inquisition a purgé l’aire du Seigneur de cette ivraie342. En effet, le démon aurait atteint son but si ces tromperies nous faisaient délaisser la contemplation divine que Dieu concède aux hommes pour leur perfection, et pour qu’il y reçoivent les vertus et les dons surnaturels par lesquels ils ont à être restaurés à la ressemblance de Dieu. Pour autant, séparant la lumière des ténèbres et la vérité du mensonge, et vérifiant l’excellence de la doctrine mystique de notre vénérable Père Frère Jean de la Croix accusée par Votre Paternité, nous nous attacherons à examiner quatre choses : la première, si dans la contemplation qu’il nous a enseignée et que nous ont enseignée aussi les saints, l’entendement et la volonté restent employés en Dieu avec leurs actes propres, lesquels seraient alors plus parfaits et plus profitables 343 ; la seconde, si Dieu a enseigné cette contemplation dans les Saintes Écritures, tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament 344 ; la troisième, comment l’ont exercée et exposée les saints qui reçurent la véritable lumière divine 345; et la quatrième, si les effets qui en sortent rendent l’homme vertueux et véritable imitateur du Christ, selon la perfection qu’il est venu enseigner au monde 346.

Chapitre 4 Où l’on expose l’acte propre de la véritable contemplation, et quelques-unes des perfections par lesquelles les saints ont fait son éloge

Pour exposer le premier point que nous avons indiqué, il faut savoir ceci : de l’avis concordant des saints et des auteurs autorisés, des mystiques comme des scolastiques, la contemplation divine que Dieu a enseignée à ceux qui l’aiment pour qu’ils avancent vers la perfection grâce aux influx surnaturels que l’on y reçoit, s’exerce en l’acte parfait de l’entendement que saint Denys a appelé mouvement circulaire347. Il l’appelle ainsi à cause de sa perfection indiquée par la figure du cercle, et aussi parce qu’il s’agit d’un acte absolument universel dans lequel Dieu se reflète sans commencement ni fin en tant qu’immense, incompréhensible, infini, comme nous le présente la lumière de la foi tirée des Saintes Lettres : elle nous indique Dieu par ces mots et par d’autres que saint Denys appelle, « privatifs », car c’est par mode de privation que nous confessons la souveraineté ineffable de Dieu et notre petitesse pour connaître sa grandeur et parler de lui comme il convient. Et par cette privation, on exclut toutes les connaissances distinctes et les similitudes particulières empruntées à notre connaissance naturelle, car aucune n’est proportionnée ou semblable à l’excellence et à la majesté du créateur, et plutôt que de conduire l’entendement à sa connaissance, elles l’en écarteraient plutôt.

Ce mouvement circulaire, acte propre de notre contemplation, saint Thomas l’expose très à propos, et il en donne pour caractéristique essentielle qu’il doit s’exercer au-dessus des actes de l’imagination et de la raison : secundum quod omnes operationes animae reducuntur ad simplicem contemplationem intelligibilis veritatis348; c’est-à-dire que toutes les opérations de l’âme doivent se réduire à une contemplation simple de la vérité éternelle, comme la foi nous la présente sur un mode ineffable et incompréhensible. Et pour mieux comprendre cet acte de la foi en lequel s’exerce la véritable contemplation, il faut remarquer ceci : de même qu’il y a deux actes de l’entendement, l’un appelé intellection de l’indivisible, où il n’y a ni division ni composition et qui consiste en l’appréhension de la substance simple, et l’autre que nous pouvons appeler composition et division des propositions, de même y a-t-il deux actes aussi en la connaissance de la foi. Le premier de ces actes est l’appréhension simple des objets de la foi, c’est-à-dire de la vérité première ; et l’autre est la connaissance composée des mystères de la foi ordonnés à cette vérité, ou bien lorsque la raison humaine, soumise à la foi divine, offre des raisons à l’entendement pour le persuader d’embrasser plus facilement et fermement cette lumière divine. Référé à notre contemplation, le premier acte de foi s’exerce sans recherche ni discours en l’intellection que les auteurs mystiques appellent « pure » : specialiter tamen et proprie contemplatio dicitur, quæ de sublimibus habetur, ubi animus pura intelligentia utitur 349. En effet, même si cette lumière est en l’entendement selon un mode composé, cette composition ne consiste qu’en la recevoir comme vérité de Dieu révélée à son Église ; et une fois faite cette brève composition, ceux qui sont habitués à l’exercice de l’oraison n’ont pas besoin de la prolonger. En effet, sa force dure assez pour que cette vérité divine se reçoive avec une très haute vénération en sa simplicité et pureté, sans qu’une nouvelle composition soit nécessaire pour cela.

Alors se réalise ce que dit saint Thomas, quod quamvis fides sit de complexo quantum ad id quod in nobis est, tamen quantum ad id in quod per fidem ducimur sicut in obiectum, est de simplici veritate350. Et toujours parce qu’il traite de la lumière de la foi appliquée à notre contemplation, saint Denys l’appelle unitionem supra mentem351, c’est-à-dire union de l’entendement aux choses divines au-dessus de lui-même. Et il donne ensuite la raison de l’appeler ainsi, en disant que l’on s’unit par elle aux rayons resplendissants de l’illumination divine. Et à ce sujet, saint Thomas dit que la lumière de la foi intervenant dans la contemplation divine est cognitio simplex articulorum quæ sunt principia totius christianae sapientiae352. Tout cela confirme ce que l’on a rapporté de Richard, à savoir que la contemplation véritable s’exerce en l’intellection pure, l’entendement se trouvant élevé au-dessus de lui-même en lumière divine. C’est ce qu’indique saint Denys par ces mots : mysticis autem secundum divinam traditionem super intellectualem operationem sumus uniti353. Aussi l’entendement doit-il se trouver élevé en connaissance de foi au-dessus des actes de sa lumière naturelle, pour recevoir sans troubles l’illumination dans la contemplation. Cette disposition étant chose si essentielle, nous allons en traiter explicitement plus loin.

Les saints et les auteurs autorisés nous rapportent de nombreuses et grandes perfections de cet acte d’intellection pure en lequel s’exerce la véritable contemplation. La première, venant tout à fait à notre propos, saint Denys la rapporte en disant que le mouvement circulaire de notre contemplation préserve l’entendement de la fausseté et de la tromperie. Et donnant la raison de cela en de nombreux passages de ses livres, saint Thomas dit que l’opération première de l’entendement, en laquelle il appréhende la substance simple des choses, ne peut avoir ni erreur, ni fausseté, que ce soit en la lumière naturelle des premiers principes ou en la lumière surnaturelle de la foi. En effet, toutes deux sont données par Dieu, l’une pour le gouvernement assuré de la vie naturelle, l’autre pour l’exercice de la vie surnaturelle et pour que l’homme avance jusqu’à son ultime perfection. Et ainsi, quand l’entendement reçoit ces lumières en leur simplicité et pureté, ce qu’il fait en l’intellection indivisible, il est préservé de l’erreur et de la fausseté, comme le dit saint Denys ; mais en discourant avec cette lumière, que ce soit en composant, en divisant ou en raisonnant, la raison peut se tromper par l’application de certaines choses à d’autres (quia rationem inducendo contingit errare per applicationem unius ad aliud). D’où nous pouvons savoir que si ces malheureux illuminés avaient exercé la véritable contemplation en son acte propre où tout l’esprit est occupé en Dieu, ils auraient tenu si bien fermée la porte de leur âme aux suggestions du démon, qu’ils n’auraient pas pu être trompés par lui ; mais comme il les trouvait oisifs, sans application de l’entendement à Dieu, il les occupait avec ce qu’il voulait. C’est pourquoi saint Bonaventure vient au secours des contemplatifs dans les tromperies dont ils peuvent souffrir de la part de cet ennemi lorsqu’il se transfigure en ange de lumière dans l’oraison : il les persuade, en une exhortation grave et savante, de fuir les demeures sensibles de l’âme, car cet ennemi peut y tendre ses lacets, et d’entrer en cette chambre royale de l’intellection pure, ayant fermé la porte à la communication des sens et aux représentations de l’imagination, ainsi que nous le conseille le Christ Notre-Seigneur, de telle sorte que là, ils soient à l’abri de ses embûches.

La seconde perfection de l’intellection pure en lumière simple de foi, saint Denys la rapporte aussi en disant ceci : par la lumière de la raison, nous nous appuyons sur nous-mêmes et sommes nous-mêmes, mais par la lumière simple de la foi, nous sortons de nos limites et nous nous transportons en Dieu, restant pour ce temps-là déifiés et appartenant à Dieu pour être mus par lui. Saint Thomas appuie cela par l’exemple de l’artisan qui prend d’abord en main l’instrument de son art pour le mouvoir : la lumière de la foi fait de même avec l’esprit du contemplatif, le proportionnant et l’unissant à Dieu pour qu’il le meuve à sa volonté dans l’oraison comme son instrument. Et saint Denys en termine avec cette perfection en disant : melius enim est esse Dei et non nostri ipsorum. Ita enim erunt divina data cum Deo factis354. En ces quelques mots, il résume tout ce que l’on peut dire des perfections de la contemplation, à savoir qu’il vaut mieux, dans l’oraison, appartenir à Dieu au moyen de la lumière de la foi, qu’à nous-mêmes par la lumière de la raison ; car lorsque nous appartenons ainsi à Dieu, les dons divins nous sont concédés, qui doivent nous unir et nous transformer en lui.

La troisième perfection de cet acte très noble, le vénérable Hugues de Saint-Victor la rapporte telle qu’il l’a reçue des auteurs mystiques et scolastiques autorisés. Il dit ceci : Intelligentia ea vis animae est, quæ immediate supponitur Deo : cernit siquidem ipsum summum, verum, et vere incommutabilem355 ; c’est-à-dire que l’acte de l’intellection pure est celui qui se subordonne immédiatement à Dieu, de manière que l’entendement arrive par lui à recevoir en leur source divine même, les illuminations et les motions de Dieu, et qu’il le considère non pas en quelque similitude de chose créée, mais en lui-même, tel que la foi le présente, c’est-à-dire une déité suprême, ineffable et incompréhensible. Cette perfection et son incomparable utilité apparaîtront mieux en un passage de saint Thomas disant que l’entendement humain a deux vues : l’une pour Dieu et les choses qui sont supérieures à cet entendement même qu’elles illustrent, l’autre pour le corps qu’elle dirige et dont elle reçoit les notices des choses visibles. Et donc, quand l’entendement se trouve en son acte suprême dont nous parlons, il tient fermée la porte de la vue tournée vers le corps, celle par laquelle entrent en l’âme les notices des choses qui troublent la contemplation de Dieu, sa lumière et son action, mais par où entrent aussi les suggestions et les tromperies avec lesquelles le démon peut combattre l’âme ; et l’entendement se trouve alors à découvert devant les rayons resplendissants du soleil divin pour avoir part à ses effets. Par là même, on comprendra un passage difficile de saint Denys disant que les mystères de Dieu mystiques et simples sont cachés secundum superlucidam occulte docentis silentii caliginem superpulchris claritatibus superimplentem inoculatos intellectus356 ; c’est à dire qu’ils sont cachés en l’obscurité très lumineuse d’un silence qui enseigne en secret, et cette obscurité remplit de splendeurs très belles et très lumineuses les entendements qui sont sans yeux, autrement dit ceux qui tiennent fermée la vue tournée vers le corps, pour que celle tournée vers Dieu reste à découvert et sans empêchement dans les illuminations divines ; et il dit que le silence et la quiétude avec lesquels l’entendement se tient en cette contemplation ne sont pas de l’oisiveté, mais qu’ils enseignent l’âme très secrètement et de façon divine par l’illumination qu’elle y reçoit.

Saint Thomas rapporte une autre grande perfection de cet acte de l’entendement qui présente Dieu dans la contemplation sur un mode simple et universel, en tant qu’essence divine contenant tous les biens, toutes les excellences et perfections : en cet acte seulement la volonté peut être mue efficacement, et en cet acte seulement les vastes cavernes de son immense capacité peuvent recevoir leur plénitude, et tout autre acte lui sera trop étroit. Voici comment il le prouve : aucune chose ne peut en mouvoir efficacement une autre si la force active de celle qui meut n’excède pas, ou au moins n’égale pas, la force passive de celle qui doit être mue ; et comme la volonté de l’homme a une force passive pour s’étendre au bien universel qu’est Dieu et s’unir à lui, lui seul peut remplir ses vastes cavernes ; et c’est donc de cette manière 357 que l’acte de l’entendement doit le présenter à la volonté s’il doit se proportionner à elle pour la mouvoir efficacement, car Dieu est son objet propre et lui seul peut remplir son vide.

Suivant cet argument de saint Thomas à notre propos, un auteur scolastique très savant dit que, pour remplir l’âme en la contemplation, l’entendement doit lui présenter Dieu non sub ratione alicujus particulari attributi, sed quatenus in se infinite amabilis est, sub quadam eminentissima et simplicissima ratione, quæ omnes possibiles et cogitabiles particulares rationes amandi comprehendat358. C’est-à-dire que l’entendement doit présenter Dieu non pas sous la raison d’un seul attribut, mais en un concept très universel, très éminent et très simple, qui contienne en soi toutes les raisons d’aimer Dieu que l’on puisse imaginer, et en une perfection universelle qui comprenne toutes les perfections particulières. Ce concept simple et très universel tiré de la lumière de la foi, est le mode le plus haut et le plus profitable de représenter et de contempler Dieu, et c’est par lui que la volonté peut être mue le plus efficacement. Et c’est de cette manière que se le présente l’entendement en ce mouvement circulaire de connaissance simple et indistincte, en tant qu’essence divine ineffable et incompréhensible qui contient en elle toutes les perfections et tous les attributs de Dieu.

Cette universalité de l’acte de notre contemplation [nécessaire] pour recevoir l’illumination et la motion divine en sa source — et cela d’autant plus copieusement que l’acte de l’entendement sera plus universel, saint Denys nous en convainc par le cas semblable des illuminations que reçoivent les anges359 : ils les reçoivent en des actes d’autant plus universels et simples qu’ils appartiennent à un ordre plus élevé ; et plus ces actes sont universels et simples, plus les motions divines leur sont communiquées avec éclat et avec des effets plus efficaces ; et comme ces motions se diffusent et se transfusent dans les ordres inférieurs, elles deviennent alors plus particulières et moins simples, et d’un éclat moindre, proportionnées qu’elles sont à leur acte. Aussi, pour nous persuader de recevoir les illuminations divines en des actes très universels, et donc plus près de leur source et avec des effets plus efficaces, ce saint nous déclare ceci : unusquisque animus humanus speciales habet et primas et medias et ultimas ordinationes et virtutes ad dictas, per quas unumquodque in participatione fit sicut id ipsum et fas est et possibile plenissimi luminis360. C’est-à-dire que tout esprit humain a en lui trois ordres de hiérarchie, inférieur, moyen et supérieur, pour qu’à la ressemblance des ordres célestes, chacun se mette en lumière de foi selon ses possibilités, en participation de l’illumination divine, et associé en cela à l’ordre correspondant des anges : plus cet ordre reçoit l’illumination en un acte universel et simple, plus il la reçoit en sa source, avec un plus grand éclat et des effets plus efficaces. La plus basse de ces hiérarchies qui sont en l’esprit humain, c’est celle des actes de l’imagination ; la moyenne, celle des actes de la raison ; la supérieure, en contact immédiat avec Dieu, comme l’ordre des chérubins et des séraphins, celle des actes de l’intelligence pure. Et comme, in his quæ ad perfectionem pertinent attenditur intensio per accessum ad unum primum principium cui quanto est aliquid propinquius tanto est magis intensum361, plus nos actes seront universels et simples, plus ils seront pénétrés et illuminés de près par la lumière divine, avec d’autant plus d’intensité et d’efficacité en ses effets, et plus ils participeront à sa force et à ses perfections ; et cela du fait de leur plus grande intimité avec le premier principe, source de lumière et de perfection, qui est Dieu, et aussi parce qu’une cause plus universelle produit un effet plus grand qu’une cause particulière (universalior causa effectum maiorem producit362) ; et pour que cela se produise en l’âme, il faut le recevoir sur un mode universel.

Avec ce passage de saint Denys, il semble que l’on ait fondé une autre perfection rapportée par le vénérable Richard de Saint-Victor au sujet de cet acte de l’intelligence pure en la contemplation. Il dit ceci : per intelligentiam sinus mentis in immensum expanditur, et contemplantis animi acies acuitur, ut capax sit ad multa comprehendenda, et perspicax ad subtilia penetranda363. Saint Bonaventure a grandement loué ces paroles lorsqu’il s’est agi de dire que par cet acte de l’intelligence pure avec lequel le contemplatif se présente à Dieu, les cavernes de l’esprit s’étendent immensément pour recevoir les dons de Dieu, et la vue de l’esprit s’affine et se subtilise pour être plus capable de comprendre un grand nombre de choses, pour être plus aiguë aussi en la pénétration des choses très subtiles, toutes qualités très nécessaires pour la contemplation parfaite.

Et sur le même sujet, Robert de Lincoln, célèbre commentateur de saint Denys, a dit que lorsque nous nous appliquons aux choses sensibles par amour ou par connaissance, sumus distracti, carrugati et minorati, c’est-à-dire que notre esprit se distrait, se rétrécit et se diminue ; mais quand nous nous mettons en la connaissance simple où se reçoit la lumière divine, l’esprit retournant à son origine, elle nous tire de cette distraction, de ce rétrécissement et de cette petitesse, et elle nous amplifie, nous dilate et nous agrandit. Tout cela est de cet auteur très autorisé. À ce propos, saint Denys dit ceci : ce que Dieu prétend dans les faveurs qu’il fait sur un mode sensible aux nouveaux contemplatifs, c’est ut nos perduceret per sensibilia in intellectualia, et ex sacris figuratis symbolis in simplices caelestium hierarchiarum summitates364 ; c’est-à-dire qu’il fait cela pour nous mener, selon notre mode grossier et imparfait, aux réalités intellectuelles par les sensibles, et aux réalités simples et élevées du ciel par les similitudes des réalités matérielles de la terre. Et comme, dans la contemplation, ces nouveaux contemplatifs se proportionnent progressivement à la lumière divine pour la recevoir sans obstacle, cette même lumière les spiritualise progressivement et les ramène à plus d’unité et de simplicité, et elle les rend semblables à Dieu et à son unité très simple : et in se, quantum fas est, respicientes, proportionaliter se eis extendit et unificat secundum simplicem unitatem365.

Finalement, tout l’effort de saint Denys dans ses livres, lui-même le dit à la fin de l’un d’entre eux, consiste ad non humiliter nos remanendum in figurativis fantasiis366 ; c’est-à-dire à ce que notre esprit ne s’abaisse ni ne se restreigne aux similitudes figuratives de Dieu et de ses perfections, mais que par un mode plus relevé, il s’élève jusqu’à ce qui est figuré, pour la contemplation divine spirituelle et simple.

Chapitre 5 Que cet acte de contemplation s’accompagne inséparablement de la quiétude simple et vigilante en laquelle Dieu se communique aux véritables contemplatifs

En exposant les caractéristiques du mouvement circulaire dans lequel, nous dit saint Denys, s’exerce la véritable contemplation divine, saint Thomas dit ceci : Sola autem immobilitas quam ponit Dionisius pertinet ad motum circularem367. C’est-à-dire que selon la doctrine enseignée par saint Denys, cet acte de la véritable contemplation est accompagné de l’immobilité, qui est une quiétude très tranquille et très sereine de toutes les forces de l’âme. En effet, s’il y avait en elle quelque mouvement inquiet, ce ne serait pas un acte parfait de contemplation, comme ce même saint le dit ailleurs par ces mots : Motus autem est actus imperfecti, ut ait Philosophus. Unde operationes admixtae motui in tantum deficiunt a perfectione delectationis in quantum motui adjunguntur368; c’est-à-dire que le mouvement est l’acte de ce qui est imparfait, et de là vient que les opérations mêlées de mouvement sont d’autant plus éloignées de la perfection et de la suavité de leur exercice, qu’elles s’associent au mouvement. Il applique ailleurs cette doctrine à notre propos en disant que la contemplation divine s’appelle repos, parce qu’en elle l’âme reste en quiétude non seulement des mouvements extérieurs, mais aussi des mouvements intérieurs de l’entendement ; et il ajoute que l’acte de la contemplation est parfait parce qu’il est en quiétude : Sunt enim actus perfecti et ideo magis assimilantur quieti quam motui 369.

De cette quiétude de toutes nos puissances et du repos vigilant de l’âme quant à son opération active, vient que l’âme s’unit plus intimement à Dieu pour être mue par lui sans être troublée par cette opération. C’est ce qu’a dit le vénérable Richard de Saint-Victor, grand pilote en cette navigation si délaissée, par ces paroles remarquables : Illud autem omnino constare debet, quia quanto plenius atque perfectius ad intimam animus pacem et tranquillitatem componere se provaluerit, tanto firmius tantoque tenacius in hac sublevatione summae luci per contemplationem inhaerebit370. C’est une règle générale et très certaine, dit cet auteur, que plus l’âme contemplative pourra composer parfaitement et entièrement ses forces pour les acheminer à la paix intime et à la tranquillité où elle repose en Dieu, plus fermement et plus parfaitement elle s’unira en la contemplation à la lumière suprême qui est Dieu. La raison principale de cette doctrine, l’Esprit-Saint nous l’a donnée par le prophète quand il a dit que la demeure de Dieu était constituée en paix et quiétude. Aussi, lorsque l’âme s’établit de cette manière pacifique, elle se proportionne à lui pour cette union, car les choses semblables s’unissent facilement, et les dissemblables se séparent naturellement. C’est pourquoi saint Grégoire disait que dans la contemplation, l’esprit divin fuit d’autant plus loin des esprits humains, qu’il les trouve dans une moindre quiétude : a terrenis autem mentibus tanto longius Spiritus fugit quanto apud has quietem non invenit. Et pour autant, saint Denys hausse le ton : devant cette substance très haute et très simple, principe et créatrice des autres substances qui unit entre elles toutes les choses par une paix si éternelle, nous devons faire oraison en paix et quiétude, et élever de dignes louanges. (Age igitur divinam et principem congregationis pacem hymnis pacificis laudemus371 ; c’est-à-dire que si nous voulons nous unir à Dieu, prince de la paix, et être mus par son opération divine, il nous faut nous proportionner à lui en contemplation très quiète.)

Jusque là, il s’agit d’une doctrine commune chez les saints et les auteurs autorisés, car tous affirment que pour être profitable, notre contemplation doit être en quiétude. Cependant, Votre Paternité a été choquée de la déclaration de notre vénérable Père Frère Jean de la Croix, selon laquelle l’âme doit rester en la contemplation divine comme une image que l’artiste est en train de peindre, si bien que le moindre mouvement qu’elle ferait le dérangerait ; et les maîtres sages et expérimentés disent qu’il y a peu de véritables contemplatifs parce que l’âme ne sait pas se mettre en quiétude dans la contemplation. Aussi convient-il d’examiner un peu plus cette quiétude que réclame le mouvement circulaire, et si nous réussissions à l’expliquer comme le point le plus important de la vie contemplative, celui qui met ordinairement le plus d’obstacles aux dons divins surnaturels, nous aurions rendu quelque service aux véritables contemplatifs. En effet, beaucoup de ceux qui se croient tels pensent avoir cette quiétude en l’oraison mentale et s’offrir à découvert à l’action divine, alors qu’ils ne possèdent ni l’un ni l’autre. Et parce que nous trouverons difficilement la vérité de cette doctrine, sinon chez ceux à qui Dieu l’a communiquée en théorie et en pratique, c’est saint Denys que nous consulterons d’abord, car il tient la première place parmi eux.

En l’un des nombreux passages où il en traite, celui-ci nous donne pour règle générale et bien établie en théologie mystique, que toutes les fois que nous voudrions recevoir l’illumination divine en l’oraison, il nous faut nous y disposer en mettant l’entendement en quiétude quant à toutes les opérations de sa connaissance naturelle, sedantes nostras intellectuales operationes, ad supersubstantialem radium, secundum quod fas est, nos imittimus372, avançant vers ce rayon divin avec seulement la lumière de la foi ; lorsqu’il ne nomme pas celle-ci, il la suppose toujours sous ce secundum fas est ou secundum quod possibile est373. Traitant ailleurs de façon plus détaillée de cette contemplation qu’il appelle par excellence très divine, il nous expose un peu plus en quoi consiste cette quiétude : durant la contemplation et pour y recevoir l’illumination divine, l’entendement doit demeurer élevé en elle au-dessus de lui-même et au-dessus de tous ses actes mus par la lumière naturelle ; saint Denys dit que l’entendement aura cette disposition quando mens ab omnibus recedens, postea et seipsam dimittens, unita est supersplendentibus radiis374, c’est-à-dire quand l’entendement se sera dénudé de toutes les similitudes des choses créées et se sera ensuite abandonné lui-même.

Le premier point, que l’entendement abandonne toutes les choses, bien des contemplatifs le possèdent en l’oraison ; mais le second, s’abandonner soi-même, très rares sont ceux qui le possèdent ; et comme cela est nécessaire pour recevoir l’illumination de la sagesse divine, ainsi que saint Denys l’ajoute aussitôt en ce même passage, il y en a peu qui la reçoivent sans obstacle. Aussi nous faut-il faire un pas de plus pour découvrir ce défaut et son remède. Ce remède, le même saint nous le donne ailleurs, en disant que cette lumière divine supersubstantielle par rapport à tout, nous entoure de son immensité ; cependant, elle ne se communique vraiment et sans voiles qu’à ceux qui transcendent les choses sensibles et intellectuelles, et omnium sanctarum extremitatum ascensionem superascendunt375. Robert de Lincoln, son commentateur, explique ainsi ces paroles : hoc est, qui ascendunt super summos actus omnis virtutis apprehensivae agentis quantum possibile est intensae376 Et saint Denys complète cette disposition en disant que l’entendement ayant abandonné tout cela, il lui faut entrer en l’obscurité de la foi, en laquelle, disent les Saintes Écritures, Dieu a établi sa demeure pour se communiquer à nous en cette vie.

De tout ce qui précède nous tirons ceci : en vue de la véritable contemplation, l’entendement doit abandonner non seulement toutes les similitudes des choses créées, qu’elles soient supérieures ou inférieures, sensibles ou intellectuelles, mais aussi toute son opération active, aussi élevée soit-elle, ainsi que ce mouvement et cet effort par lesquels il fait oraison comme à la force des bras, cherchant à produire de sa part quelque opération active par ses réflexions pour reconnaître quel est son acte, quand même serait-il celui d’un concept universel. En effet, l’esprit s’attache alors à lui-même en n’étant pas librement mû par Dieu, ni quant à l’entendement ni quant à la volonté, au lieu de s’abandonner soi-même en étant mû par lui, ce en quoi consiste le bonheur de l’esprit et tout le profit de l’oraison. Et comme nous l’avons dit ailleurs, la perfection de celui qui est mû, en tant que telle, étant la disposition qu’il possède à être bien mû par son moteur, l’âme perd par cet effort et ce mouvement naturel cette perfection et cette disposition à être bien mue par Dieu sur un mode surnaturel.

Pour que soit mieux compris ce point si important, qui est comme la substance de la véritable contemplation et le meilleur bénéfice que l’on retire de ses fruits, et pour que soit mieux vérifiée la doctrine apostolique de notre vénérable Père empruntée à saint Denys, il faut faire attention à ceci, fort de l’autorité de Richard de Saint-Victor et de bien des saints qui le suivent, tels saint Thomas, saint Bonaventure, saint Laurent Justinien et d’autres : il y a deux degrés dans la contemplation à laquelle nous pouvons atteindre par la lumière de la foi et les secours communs de la grâce ; dans l’ordre de l’échelle mystique, les auteurs les placent au cinquième et sixième degrés, et ils les différencient en disant que le premier est supra rationem sed non praeter rationem, et que le second est supra rationem et praeter rationem. Il faut savoir que si le premier est au-dessus de la raison, il n’est pas pour autant détaché de la raison, car même si l’entendement abandonne toutes les similitudes particulières et individuelles de l’imagination, il se sert quand même de certaines comparaisons de choses connues et très relevées pour former un concept de Dieu sur un mode universel ; il poursuit par elles la grandeur, la beauté et la bonté divine, par exemple en représentant Dieu comme un ciel supérieur à celui que nous voyons, ou comme un soleil, ou comme une blancheur très intense et d’autres choses semblables.

Cette manière de représenter Dieu sur un mode connu, quelque universel qu’en soit le concept, on la concède aux nouveaux contemplatifs pour commencer à les sevrer des similitudes matérielles et grossières de l’imagination, par lesquelles ils avancent dans la méditation vers la connaissance de Dieu ; comme à des nourrissons qui ne peuvent pas encore marcher sans s’appuyer sur leur petit chariot, on leur donne cet appui de la raison en ce concept formé sur leur mode imparfait, pour qu’ils montent avec lui, comme Moïse, un peu plus haut sur la montagne, vers le sommet entouré de nuée et d’obscurité où Dieu devait se communiquer à lui seul à seul ; et là, on nous le décrit quasi opus lapidis saphirini, et quasi caelum cum serenum est, c’est-à-dire comme un saphir très beau ou comme un ciel serein. Toutefois, même si, comme je le dis, cela est concédé aux nouveaux contemplatifs, c’est un mode très imparfait de la contemplation de Dieu, pour de nombreuses raisons que nous aborderons brièvement.

Premièrement, ce n’est pas là une contemplation de foi au-dessus des actes de la raison, telle que celle enseignée par saint Denys quand il dit : secundum fidem et ineffabilibus et ignotis, ineffabiliter et ignote conjungimur, secundum meliorem nostrae rationabilis et intellectualis virtutis et operationis unitionem377 ; autrement dit, nous avons à nous unir de façon ineffable et inconnue aux réalités ineffables et inconnues de nous, telles que les réalités divines ; nous avons à le faire seulement par la lumière de la foi au-dessus de la raison et de la connaissance naturelle, car c’est là une union meilleure et proportionnée aux choses mêmes que nous contemplons, ce qui n’a pas lieu dans le concept formé et connu attaché à la raison.

Deuxièmement, le mouvement circulaire ne s’exerce pas en ce concept, et selon les saints et les auteurs autorisés, c’est en lui que la véritable contemplation divine doit s’exercer. Saint Denys explique que l’essence de ce mouvement est de contempler Dieu super omnia existentia sine principio et interminabile378, c’est-à-dire au-dessus de toutes les réalités et sans distinction de commencement ni de fin. Tout cela fait défaut en cette contemplation formée où l’entendement ne contemple pas Dieu au-dessus de toutes les choses, mais où il est appuyé sur elles, prenant en elles ce concept connu ; il ne le contemple pas non plus en son immensité et incompréhensibilité sans commencement ni fin, car même s’il ne peut comprendre Dieu, il comprend le concept par lequel il le représente.

Troisièmement, tant que l’entendement est établi de cette manière en acte réflexe, il ne peut pas exercer la véritable contemplation, laquelle doit se faire en une vue directe sur Dieu. En effet, la vue directe vise son objet en lui-même, alors que la vue réflexe le vise dans son propre acte formé grâce à quelque ressemblance de chose créée et connue ; et saint Thomas distingue ici la contemplation de la spéculation en disant : Unde et nomen contemplationis signat illum actum principalem quo quis Deum in se ipso contemplatur, sed speculatio magis nominat illum actum quo quis divina in rebus creatis quasi in speculo inspicit379. Si bien que la contemplation vise Dieu en lui-même par vue directe et en tant que présent, selon que la foi le présente sur un mode d’immensité et incompréhensibilité ; et la spéculation le vise en quelque similitude prise des créatures, comme en ce concept formé dont un savant auteur scolastique dit que haec cogitatio rei creatae par se non conducit ad amorem Dei380 ; c’est-à-dire qu’en tant que considération de quelque chose de créé, il ne profite pas à l’amour de Dieu. En effet, comme le dit le vénérable Hugues de Saint-Victor, pour élevée et excellente que soit la créature par laquelle on monte vers Dieu, ce ne sont pas la beauté et la perfection créées qui donnent la béatitude à l’homme, mais la beauté créatrice. Aussi, même si l’âme s’emploie en Dieu de ces deux manières, c’est pour un profit tout différent : dans la contemplation, elle est mue par l’opération divine, et dans la spéculation, elle l’est par la sienne propre, ainsi que l’explique saint Denys.

Finalement, comme l’âme du juste est le siège de Dieu, les saints et les auteurs autorisés disent ceci : dans la contemplation où elle se dispose à le recevoir en elle, l’âme doit posséder les trois qualités principales par lesquelles se disposent à le recevoir ces substances célestes très élevées que l’on appelle Trônes et Sièges de Dieu, qualités dont le contemplatif ne possède aucune en cette vie réflexe et ce concept formé selon son mode connu. La première, c’est que quod ad superiora fertur, neque in infimis ullis rebus habitat, sed totis viribus in eo qui vere summus est, immobiliter firmiterque haeret381 ; c’est-à-dire que le contemplatif s’élève vers les choses d’en haut, avec une ferme inclination à s’unir à Dieu, cause suprême. Cette qualité, l’entendement ne la possède pas en cette similitude connue ; en elle, il est inférieur à lui-même, et non pas en intellection pure au-dessus de lui-même, car tout ce qu’il peut connaître en cette vie est inférieur à sa propre perfection, et seule la lumière de la foi l’élève au-dessus de lui-même. La seconde qualité, c’est que [le contemplatif] soit sine ulla motione atque materia382 pour recevoir Dieu, c’est-à-dire en grande quiétude ; en effet, sans quiétude, ce siège n’est aucunement au repos ni convenable à cela. Et comme siège de l’Esprit suprême, il lui faut être spiritualisé et pur de toutes les choses matérielles, comme l’a indiqué le Sauveur en disant que Dieu étant Esprit, il veut être adoré en esprit. Tout cela manque au contemplatif en cette connaissance où il demeure en des similitudes tirées de ce qui est matériel, et en une réflexion de l’entendement qui s’accompagne de non-quiétude. La troisième qualité, c’est que le contemplatif soit familiariter in divinas susceptiones apertus383 ; c’est-à-dire qu’il lui faut être fermé à toutes les choses inférieures, et ouvert en sa partie supérieure pour recevoir les illuminations et les motions divines. Cette disposition, il ne la possède pas davantage dans ce mode réflexe de viser Dieu en l’oraison, car l’entendement s’y dirige vers lui-même, et sa vue s’y tourne vers le corps d’où il reçoit les notices des choses visibles, tandis que demeure fermée celle qui est tournée vers Dieu. C’est de lui qu’il aurait dû recevoir l’illumination divine, mais avec cette similitude formée selon son mode, il a comme fermé sa porte pour ne pas la recevoir.

Tous ces défauts et bien d’autres encore sont ceux de cette contemplation imparfaite, formée et réflexe.

Chapitre 6 Où l’on expose plus à fond cette quiétude de la contemplation, et combien rares sont ceux qui la conservent comme les saints le recommandent

Poursuivons ce que nous avons commencé au chapitre précédent et qui concerne l’exposé que font les saints sur les deux manières de contemplation exercées en la lumière de la foi, l’une imparfaite et l’autre parfaite. Nous y avons vu que cette deuxième manière est non seulement au-dessus de la raison, mais aussi sans aucun appui sur la raison ; et l’exposant plus en détail, les saints disent : supra rationem et praeter rationem est, quando animus illa ex divini luminis irradiatione cognoscit quibus omnis humana ratio declinat, et intelligibilium intelligentia rationem amittit, et omnem humanam ratiocinationem et intentionem transcendit384. Toutes ces paroles sont d’admirable substance mystique, et une seule d’entre elles suffirait à purger l’entendement d’un vice si caché, que tout en se trouvant chez la plupart des contemplatifs, bien rares sont ceux qui le connaissent. Le vénérable Richard dit ceci, ainsi que les saints qui le suivent et sont du même avis : la contemplation est parfaite, elle s’exerce non seulement au-dessus de la raison, mais aussi sans appui sur elle, lorsque l’entendement connaît par la lumière divine les choses que n’atteint aucune raison humaine, et lorsque l’intelligence demeure abstraite des choses visibles et de toutes leurs similitudes, engloutie dans les spirituelles et invisibles, au point qu’elle perde totalement de vue la raison, et qu’écartée de tout appui sur elle, elle transcende tout discours et intention de l’homme.

Tout cela vient de ces auteurs, de ces maîtres sages de cette sagesse du ciel donnée aux chrétiens comme un bienfait incomparable : il leur est donné pour les diviniser, les absorber en Dieu, les rendre dès cette vie mortelle participants du festin perpétuel et surabondant que Dieu donne en récompense aux bienheureux dans le ciel ; saint Denys déclare que les contemplatifs qui savent se disposer à recevoir sans obstacle les illuminations divines en jouissent selon une certaine participation, et qu’à défaut de cette disposition enseignée par les saints pour recevoir ce bienfait, nous demeurons secs et sans dévotion en l’oraison, privés par notre faute de participer à la magnificence divine. Notre vénérable Père Frère Jean de la Croix met l’âme contemplative en cette disposition par cette attention simple et amoureuse à Dieu, en lumière de foi et en totale quiétude de l’âme, qu’il nous conseille dans le passage que Votre Paternité accuse. Par ces paroles, il a résumé comme nous le faisons toute la doctrine que l’on vient de rapporter, celle des saints et des sages pilotes de cette navigation céleste, mais que si peu connaissent bien.

Mais même si toutes les paroles déjà rapportées de ces auteurs sont pleines de substance, les dernières contiennent cependant un mystère particulier qui touche notre propos ; c’est lorsqu’ils disent que le contemplatif doit transcender non seulement tous les actes de la raison et la lumière naturelle dans la contemplation parfaite et profitable, mais aussi toute intention humaine. En effet, beaucoup de contemplatifs pratiquent le premier point, c’est-à-dire abandonner tous les actes de la raison, se dépouiller de toutes les similitudes de la connaissance naturelle, et entrer sans tout cela en l’obscurité de la foi comme Moïse dans la nuée qui recouvrait le sommet de la montagne ; mais se reposer là comme lui en totale quiétude d’esprit, bien rares sont ceux qui s’y adonnent : au contraire, en cette obscurité, l’intention de leur esprit est appliquée à la connaissance, leur entendement cherchant à toujours reconnaître son propre acte, quand même serait-ce en cette obscurité de foi. Et cette démangeaison et ce mouvement qui consiste à vouloir reconnaître toujours son propre acte en y inclinant l’intention de l’esprit, s’opposent à ce que nous avons vu par ailleurs de la doctrine de saint Denys : non seulement l’entendement doit abandonner toutes les choses créées et leurs similitudes, mais il doit aussi s’abandonner lui-même en se mettant en quiétude quant à toute son opération active, aussi élevée soit-elle, afin d’être mû par Dieu sans attache ni résistance de sa part. Et à ce propos, saint Thomas a beaucoup insisté sur les caractéristiques que saint Denys assigne à la quiétude par laquelle nous avons à nous proportionner à Dieu pour recevoir sans obstacle son opération divine : à la quiétude, il unit le silence et l’immobilité (Adjungit autem silentium paci : quia signum perturbatae pacis solet esse strepitus et clamor. Adjungit etiam paci immobilitatem.385) ; et Votre Paternité en tirera un autre argument pour ne pas accuser ce que dit notre vénérable Père quand il compare la quiétude de l’âme dans l’oraison à celle de l’image que l’artiste est en train de peindre. En effet, tout mouvement et toute inquiétude de l’entendement fait obstacle à la paix avec laquelle il doit recevoir Dieu comme un trône céleste, non seulement sine materia, mais aussi sine ulla motione386, ainsi que nous l’avons déjà vu chez saint Denys, c’est-à-dire non seulement sans représentation ni appui de quelque chose de matériel, mais aussi sans aucun mouvement ; et dans cette façon de faire oraison en lumière de foi dans la reconnaissance de ses propres actes, l’entendement possède le premier point, mais non le second.

Et parce que c’est là un mal très universel et peu connu, même de ceux qui se croient de grands contemplatifs, il convient de nous arrêter un peu plus sur ce défaut pour le connaître, car sans le laisser voir, il empêche les effets de la contemplation.

Nous avons déjà parlé ailleurs de l’empêchement que ce défaut dresse par là devant la motion divine. En effet, plus l’entendement est attaché à l’opération de son mouvement naturel, plus il se rend indisponible pour être mû librement par Dieu quant au surnaturel auquel la contemplation s’ordonne comme à sa fin ; et pour autant, saint Grégoire déclare que tout notre souci dans l’oraison doit être de faire en sorte que l’esprit ne s’appuie pas sur lui-même, afin de pouvoir être facilement mû par Dieu : ne enim jaceamus in nobis — ut ita dicam — contemplationis penna nos sublevat387. Et saint Denys a posé cela comme une qualité nécessaire à la contemplation de foi, afin de recevoir en elle les dons divins ; il disait que nous devons demeurer sans attache à nous-mêmes, transportés au contraire totalement en Dieu, afin de ne plus être à nous-mêmes, mais à lui ; et lorsque nous demeurons ainsi affranchis de nous-mêmes et transportés en lui, les dons divins nous sont alors concédés : Non secundum nos, sed nos ipsos extra nos ipsos statutos et totos deificatos. Melius enim est esse Dei, et non nostri ipsorum. Ita enim erunt divina data388. Aussi l’entendement doit-il demeurer comme mort à son opération active, et très disposé à être mû par Dieu de façon passive grâce à son attention simple et amoureuse ; à ce propos, la Glose sur Job déclare « Je mourrai dans mon nid », c’est-à-dire qu’en la quiétude tranquille de la lumière de la foi, l’entendement mourra à toutes les choses et à leurs souvenirs.

Cela ressort encore plus clairement quand on considère l’opération de l’entendement en cette tentative de vouloir reconnaître son propre acte, même en lumière de foi, car c’est détourner la vue que l’on portait directement sur Dieu, et la tourner vers soi-même par une certaine réflexion ; on a déjà expliqué combien cela empêche grandement les dons de Dieu, et pour les non-scolastiques, il faut faire attention à ce que connaître une chose en elle-même est pour l’entendement une vue directe, alors que connaître qu’il la connaît est une vue réflexe. Aussi, quand il vise Dieu en lui-même selon la notice d’immensité et incompréhensibilité que lui donne la foi, il le vise en vue directe et se trouve élevé au-dessus de lui-même en un acte super-intellectuel proportionné à l’illumination divine ; mais quand il reconnaît son acte pour connaître qu’il le connaît, il se met en vue réflexe, inférieur à lui-même et sans proportion avec cette illumination ; il n’est pas encore monté avec Moïse au sommet de la montagne, ni n’a rencontré Dieu au sein de la nuée : in his non cum Deo quidem versatur389; il n’est pas encore transformé en Dieu, mais il voudrait plutôt transformer Dieu en lui, contrairement à la doctrine de saint Denys que l’on vient de rapporter : dans tout ce passage, il veut nous persuader de ce qu’en la contemplation des choses divines, l’entendement ne doit pas se comporter comme dans la connaissance des autres choses, où il les transporte et les transforme de quelque manière en lui-même pour les connaître. Ici au contraire, il doit se transporter en elles, telles que la foi les lui présente, selon le mode de la volonté qui se transforme en ce qu’elle aime ; et saint Denys dit que les hommes s’égarent et se trompent parce qu’ils veulent recevoir cette lumière divine selon leur mode grossier.

Il faut encore faire attention à ceci : la lumière de la foi est entrée en l’entendement avec une certaine composition et y demeure sur un mode composé, mais nous l’exerçons en la contemplation sur un mode simple et sans nouvelle composition, comme nous l’avons vu ailleurs à propos de la doctrine de saint Thomas ; de la même façon, le concept de la grandeur et incompréhensibilité de Dieu formé à cette lumière par l’entendement - concept proportionné autant qu’il nous est possible à cette grandeur et souveraineté, et semblable à celui que forment les bienheureux dans le ciel, à cette seule différence qu’eux voient ce que nous croyons - quoiqu’il soit dans l’entendement sur un mode composé, n’a pas besoin d’être composé de nouveau, car son efficacité dure pour viser Dieu en vue simple avec suprême révérence et affection. Et de même que cela est profitable pour recevoir sans obstacle et comme à porte ouverte l’illumination divine, le fait de vouloir former de nouveau ce concept, ou de vouloir reconnaître celui que l’entendement avait autrefois formé par réflexion, met un obstacle à cette illumination. C’est pourquoi les auteurs très autorisés mentionnés en tête de ce chapitre, déclaraient que pour la contemplation parfaite et profitable, non seulement l’entendement doit perdre de vue tous les actes de la raison et la connaissance naturelle, mais il lui faut aussi transcender toute intention humaine. Autrement dit, il ne doit d’aucune manière appliquer l’intention de son esprit à la connaissance, mais à l’affection, ainsi que nous l’avons expliqué ensuite.

Cette même disposition de simplicité et quiétude de l’entendement dans la contemplation véritable et profitable, saint Grégoire nous la demande en quelques paroles et exemples fort à propos ; il nous dit ceci : Numquam vero commotioni contemplatio jungitur, nec praevalet mens perturbata conspicere id quod vix tranquilla valet inhiare : quia nec solis radius cernitur cum commotae nubes caeli faciem obducunt, nec turbatus fons inspicientis imaginem reddit, quam tranquillus proprie ostendit : quis quo ejus unda palpitat, eo in se speciem similitudinis obscurat. En aucune manière, dit-il, la contemplation ne s’unit au mouvement ni l’entendement sans quiétude ne peut regarder l’objet de la contemplation auquel l’entendement en quiétude peut à peine aspirer. En effet, ni le rayon du soleil ne peut être regardé lorsque les nuages agités couvrent la vue du ciel, ni l’eau remuante ne peut représenter l’image de celui qui s’y regarde, tandis qu’elle la montre exactement lorsqu’elle est au repos — et si peu que l’eau s’agite, elle obscurcit la figure de la ressemblance. Voilà ce que dit ce saint. À partir de là et à partir de tout ce que l’on a dit dans ce chapitre et dans les précédents, on verra à quel point l’auteur en question, sage et expérimenté, avait raison de dire qu’il y a peu de véritables contemplatifs, faute de savoir mettre l’âme en quiétude dans l’oraison. On verra aussi que Votre Paternité n’apprécie pas cela à sa juste valeur quand elle se fâche tant de la simplicité et quiétude que notre vénérable Père Frère Jean de la Croix conseille dans la contemplation, puisque sans cela, personne ne peut être véritablement contemplatif.

Quant à ce que dit Votre Paternité de la nécessité pour l’entendement de solliciter dans la contemplation l’illumination divine par ses actes appréhensifs, il y a été suffisamment répondu ; en effet, nous avons vu à partir de la doctrine concordante des saints, combien il y met obstacle par ces actes, alors que l’acte simple universel et de totale quiétude le dispose pour le recevoir. Et les livres des saints sont pleins de reproches très vifs contre ceux qui veulent introduire l’illumination divine en l’âme comme à la force des bras et par violence. En effet, lorsqu’il baigne notre maison, le soleil n’a pas besoin qu’on le pousse pour entrer et communiquer sa lumière et sa chaleur, lui qui est similitude expresse de la bonté divine (expressa similitudo divinae bonitatis390) ; il faut seulement qu’on lui ouvre la porte et qu’on lui ôte les obstacles, lui-même s’invitant par son rayonnement et recherchant la moindre fente pour pénétrer. Et combien plus quand il s’agit du soleil divin, lui dont le rayonnement baigne toujours notre âme pour se communiquer à elle ! Il n’y a qu’à lui ouvrir la porte de l’entendement et lui ôter les obstacles que sont les connaissances appréhensives et distinctes : tel est l’argument de saint Bonaventure contre ces contemplatifs sans quiétude. Et une fois entré en l’âme, ce soleil divin n’aura pas tant besoin de notre zèle bouillonnant, que de notre simplicité quiète, pour opérer ses effets décrits de façon très détaillée par saint Denys : d’abord sur l’entendement en le purifiant et l’illuminant, ensuite en la volonté en l’enflammant et la rendant aimante, et se mettant enfin à renouveler toutes les forces de l’âme jusqu’à l’unir à Dieu, ce qui est la fin de la perfection chrétienne. Et pour tous ces effets, il ne demande pas d’autre zèle de notre part que celui de proportionner la vue de notre entendement afin qu’elle reçoive la lumière (secundum mentis ad respectum proportionem391), ce qui sera en simplicité très quiète, comme on l’a déjà établi ; et se proportionner à cette lumière sera se dépouiller de toutes les choses distinctes, et se vêtir du concept supersubstantiel de foi qui rend l’entendement immédiatement présent à Dieu pour recevoir son opération divine.



Chapitre 7 Que l’effort de la volonté en quiétude de l’entendement aide aux effets de la contemplation, et comment il faut s’y employer en elle

Mais pour que soit mieux compris tout ce que l’on a dit, et pour que nous sachions où nous avons à appliquer la force de l’esprit dans la contemplation pour mieux en obtenir le fruit, il faut bien noter l’explication que Robert de Lincoln donne aux paroles de saint Denys rapportées par ailleurs : Dieu se communique vere et incircumvelate, c’est-à-dire en vérité et à porte ouverte, sans écran ni voiles de représentations connues, à ceux qui se dépouillent de toutes les choses – qu’elles soient sensibles ou intellectuelles créées - et de leurs similitudes, et qui transcendent tous les actes de la force active de l’entendement, aussi élevés soient-ils. Il faut donc remarquer que saint Denys n’ôte pas la force active de la volonté dans la contemplation, mais seulement la force non quiète de l’entendement, et dans d’autres passages, il recommande au contraire la première. En l’un de ces passages, en nous enseignant comment nous devons nous tenir devant Dieu dans l’oraison pour lui être présent avec l’esprit découvert à son illumination et à sa divine influence, il ne dit rien d’autre de l’entendement que ceci : il doit être revelata mente, c’est-à-dire, comme le déclare saint Thomas, découvert de toutes les similitudes des choses qui entrent par les sens, et qui sont des voiles et des nuages qui obscurcissent l’entendement et lui empêchent l’ascension vers Dieu - tout cela est de saint Thomas expliquant cette expression de revelata mente. Mais de la volonté, Denys dit ceci : et ad divinam unitionem aptitudine392 ; et saint Thomas l’explique ainsi : ut voluntas nostra per charitatem et devotionem sit ordinata in Deum, c’est-à-dire que la volonté doit être ordonnée en Dieu par amour et dévotion. En un autre passage, expliquant plus en détail les conditions dans lesquelles les contemplatifs peuvent recevoir les effets de l’illumination et de l’influence divines dans l’oraison, saint Denys met parmi les principales qu’ils soient commensurato amore convenientium illuminationum393 ; et saint Thomas explique : quod affectum amoris divinis manifestatis exhibeant, scilicet quod affectus eorum circa ea insistat, per quæ elevantur in divina alis spiritualibus394, c’est-à-dire qu’ils doivent exercer l’affectus de l’amour par l’inclination de la volonté dans les choses dont ils sont illuminés par la lumière de la foi. Autrement dit, l’affection des contemplatifs doit s’appliquer aux choses par lesquelles ils sont élevés comme par des ailes spirituelles à la contemplation des réalités divines.

Tout ce qui précède permettra de comprendre ceci : lorsque les auteurs mystiques insistent tant sur le fait que l’âme doive mettre totalement en quiétude son opération active pour être mue sur le mode passif et divin de l’oraison, ils ne parlent pas de la volonté, mais de l’entendement. En effet, puisqu’en cette vie l’entendement ne peut connaître Dieu par son opération active si ce n’est au moyen de quelque similitude de chose sensible qui entre par les sens dans la connaissance naturelle, il est nécessaire de les abandonner toutes et d’entrer par leur mise en obscurité dans la connaissance surnaturelle de la foi pour être illuminé sur le mode divin. Dieu se charge de cette illumination lorsque l’entendement demeure en cette obscurité et en cette quiétude totale de son opération active ; et le Seigneur lui-même a dit par son Prophète qu’il a établi sa cachette dans les ténèbres, parce que c’est à l’obscur de toutes les connaissances appréhensives et de notre opération active qu’il livre sa communication familière aux véritables contemplatifs. Et pour ce qui est de leur entendement, il ne leur demande pas plus que ce revelata facie, comme le dit l’Apôtre, ou que ce revelata mente, comme le dit à ce même propos son disciple saint Denys, c’est-à-dire l’entendement à découvert de toutes les similitudes et de tous les voiles de la connaissance naturelle, en quiétude de toute son opération active procédant du mouvement de la raison.

Mais il en va tout différemment des actes de la volonté. En effet, par la connaissance dans laquelle l’opération active de l’entendement lui représente Dieu, [l’âme395] ne s’unit pas à Dieu même, mais à une similitude très approximative, celle que l’entendement lui représente sur son mode grossier, l’éloignant du concept véritable de sa grandeur et souveraineté, plutôt que l’élevant à lui. Et pour autant, saint Grégoire disait qu’il s’employait à fuir ces similitudes dans l’oraison, parce qu’elles le trompaient en lui représentant Dieu tel qu’il n’était pas, et en rabaissant son entendement à ce qui lui était inférieur. Mais dans l’acte de la volonté, [l’âme] s’unit à Dieu même, et non à sa similitude : sed amor facit quod ipsa res quæ amatur amanti aliquo modo uniatur396. En effet, en l’état de cette vie, nous aimons Dieu selon son essence même, quoique nous ne puissions pas le connaître de cette manière : unde in statu viae Deum per essentiam amamus, non autem videmus397. Pour autant, et aussi parce que le mérite d’une œuvre consiste en l’acte de la volonté, Dieu a établi, dit saint Thomas, que l’âme soit mue à l’aimer par l’Esprit-Saint d’une manière telle, qu’elle aussi soit motrice de cet acte : sed oportet quod sic voluntas moveatur a Spiritu Sancto ad diligendum, quod etiam ipsa sit efficiens hunc actum398. D’où cette conséquence : alors que l’entendement fait obstacle par son opération active à la fin de la contemplation qui est d’unir l’âme à Dieu comme à son centre et à son principe, ce en quoi consiste sa félicité et ce à quoi toute la vie spirituelle est ordonnée, le mouvement actif de la volonté aide au contraire cette union, tout comme il aide à recevoir les vertus et les dons infus qui y disposent l’âme ; et pour cela, l’application de la volonté est très importante, comme saint Thomas le déclare quelque part. Et il ajoute ailleurs que par cette application et cet effort, l’Esprit-Saint prévient l’esprit de l’homme pour qu’il reçoive ses dons, plus ou moins selon sa divine volonté en vue de dons plus ou moins grands. Et à ce propos, parlant de cet effort, il explique les paroles du Sauveur sur le père de famille qui répartit ses dons entre ses serviteurs, donnant à chacun selon ses forces, c’est-à-dire selon la préparation et le courage avec lesquels il se dispose à recevoir ses dons.

Cet effort ou cette intensité de l’acte de la volonté dans la contemplation, peut être aidé par quelques moyens à notre diligence. Le premier, c’est que notre entendement s’établisse en son acte suprême qui est l’intellection pure, élevé au-dessus de lui-même en lumière de foi, au-dessus de toutes les autres connaissances, ainsi qu’on l’a déjà expliqué. En matière de perfection, en effet, l’intensité de nos actes s’évalue à leur proximité de l’unique et premier principe, cui quanto est aliquid propinquius, tanto est magis intensum399, et plus ils s’exercent près de lui, plus ils sont intenses. Puisque l’intellection pure est l’acte de l’entendement immédiatement subordonné à Dieu, ainsi qu’on l’a déjà établi, et puisque l’acte suprême de l’affection lui correspond, celui-ci sera donc d’autant plus intense qu’il est proche de Dieu. Et c’est pourquoi les saints recommandent tant cette disposition de l’entendement réduit à l’unité de cet unique premier principe : il se prépare par là, selon ce qui lui est possible, aux accroissements de charité, comme l’explique saint Thomas. Saint Denys aussi explique tout à fait à notre propos comme une chose bien établie, que Dieu place la chaire et le trône de ses rayons divins d’abord en ceux qui sont plus proches de lui et plus semblables à la simplicité de sa divinité, pour qu’ils passent aux autres à partir d’eux : plus la lumière se reçoit de près, plus l’efficacité de ses effets est grande et plus l’acte de la volonté est intense ; et au moment où Moïse arrive au sommet de la montagne, parlant avec Dieu dans la nuée, le concept qu’il avait de lui et qui auparavant était en son entendement comme un ciel serein, devient comme un feu au plus haut de son affection, quasi ignis ardens super verticem mentis400.

Le second moyen, ce sont les aspirations du cœur vers Dieu. Dans le cœur résident l’appétit sensible et les passions dont s’aide l’acte de la volonté, non pas que la volonté en dépende, car elle est plutôt motrice des autres puissances, mais parce que tant qu’elle réside en une nature passible, elle s’aide des passions du cœur pour la perfection et la facilité de son acte. Pour autant, saint Bonaventure et d’autres auteurs expérimentés recommandent beaucoup aux contemplatifs de s’élever à Dieu dans l’oraison par l’affection, d’une manière semblable à la respiration naturelle : ad instar aspirantis et respirantis consurgant401. Non seulement cet exercice aide à l’intensité de l’acte de la volonté, mais il le préserve aussi d’un grand empêchement provenant de cette intensité. En effet, du fait de la véhémence des passions qui résident dans le cœur, l’intention de l’esprit passe des choses intellectuelles et divines aux sensibles et matérielles ; mais par cette aspiration et cette élévation du cœur, cet exercice aide à ce que la force de l’esprit ne s’abatte pas sur ce qui est sensible, mais reste en sa sphère et favorise l’intensité de la volonté.

Le troisième moyen, qui est comme la clef de la vie contemplative, c’est que l’intention de l’esprit s’applique à l’affection, et non pas à la connaissance, puisque l’âme est mieux élevée à Dieu par les actes de la volonté que par ceux de l’entendement. Pour ce qui est de l’entendement, la seule vue directe suffit à ceux qui sont déjà habitués [à contempler], car elle accompagne toujours les actes de la volonté et les guide à leur fin, quia ubi amor ibi oculus 402. L’intention est l’acte de la volonté qui vise sa fin, et là ou elle se porte, l’âme jette toute sa force, comme l’a indiqué le Sauveur au chapitre six de saint Matthieu en disant que si l’œil est simple, le corps tout entier est dans la lumière. Saint Augustin, saint Thomas et les autres saints en général entendent cela de l’intention. Si on le comprend ainsi, il est certain que lorsqu’elle s’applique fortement à une chose, l’intention s’affaiblit ou s’épuise complètement dans la poursuite des autres. Saint Thomas en prend occasion pour donner un argument en faveur de la contemplation, en disant que la force appréhensive et la force affective sont deux puissances différentes, quoiqu’elles appartiennent à une même âme ; aussi, quand son intention s’applique violemment à l’acte de l’une, elle est empêchée pour l’acte de l’autre. Donc, si la force et l’efficace de l’âme se répand du côté duquel s’applique l’intention, et si la contemplation s’ordonne aux affections de la volonté et vise à l’unir à Dieu, il est clair que dans l’oraison, cette force doit s’appliquer à la volonté et non pas à l’entendement pour la rendre profitable.

À partir de là, on comprendra à quel point étaient fondées ces paroles d’un auteur scolastique très savant : immo contingit ut cum anima fertur in Deum per amorem, si occupatur circa se ipsam et circa suos actus quasi reflectendo supra illos, et cogitando quid agat, distrahatur et tepescat in amore Dei. At vero altera cogitatio quæ directe tendit in Deum non distrahit voluntatem ab amore ipsius Dei, sed potius quantum est de se illam secum rapit et conjungit Deo. Ces paroles sont pleines de sagesse mystique et bien à notre propos, ce sage docteur y expliquant admirablement l’effet de la vue réflexe en laquelle l’intention de l’esprit s’applique à la connaissance, et celui de la vue directe en laquelle l’intention s’applique à l’affection. Voici donc ce qu’il dit en notre langue : « Bien plus, il arrive que lorsque l’âme est élevée à Dieu par amour, si elle s’occupe d’elle-même et de ses actes en faisant revenir l’entendement sur eux pour reconnaître ce qu’elle fait, elle se distraie et s’attiédit en l’amour de Dieu. Mais l’autre contemplation, celle qui va vers Dieu par vue directe, ne distrait pas la volonté de l’amour de Dieu même ; au contraire, pour ce qui dépend d’elle, elle l’emporte avec elle et l’unit à Dieu. » Voilà ce que dit cet auteur ; selon lui, entre appliquer l’intention de l’esprit à la connaissance pour produire un acte réflexe et reconnaître celui qui est simple d’une part, et l’appliquer à l’affection pour aller avec elle directement vers Dieu d’autre part, la différence n’est pas moindre qu’entre écarter et attiédir la volonté, et l’unir à Dieu et l’enflammer en son amour.

En cela, les auteurs sages différencient aussi la contemplation spéculative, en laquelle l’intention de l’âme s’applique à la connaissance, de la théologie mystique, en laquelle l’intention s’applique à l’affection. Il en résulte que c’est cette contemplation affective, et non la spéculative, qu’a enseignée saint Denys, et c’est pourquoi il l’appelle « théologie mystique ». Robert de Lincoln, son commentateur, en a exposé la substance de cette manière : mystica theologia est secretissima et non iam per speculam et imagines creaturarum cum Deo locutio : cum videlicet mens transcendit omnes creaturas et seipsam, et ociatur ab actibus omnium virium apprehensivarum cujuscumque creati, in desiderio videndi et tenendi ipsum qui est super omnia, expectans in caligine privationis actualis comprehensionis donec manifestet se desideratus quantum novit convenire desiderantis dignitati et susceptibilitati403. Telle est la contemplation enseignée par saint Denys, gardien de la doctrine des apôtres, celle que l’on recommande en ce chapitre ; c’est elle que ce sage professeur explique en disant qu’elle est un discours très secret de Dieu à l’âme, non par reflet et similitude des créatures, mais lorsque l’entendement, les transcendant toutes et se transcendant lui-même, se tient en totale quiétude des actes de toutes les forces appréhensives à l’égard de tout le créé, avec désir de goûter et d’embrasser par l’affection ce Seigneur qui est au-dessus de toutes les choses, jusqu’à ce qu’il daigne se manifester à l’âme désireuse, pour autant qu’il verra que cela lui convient. Saint Grégoire enseigne cette même contemplation quand il nous recommande à de si nombreuses reprises de nous élever en elle vers Dieu per inhiantem voluntatem404, c’est-à-dire avec l’affection assoiffée de son amour. Et tous les maîtres mystiques sages et expérimentés nous la recommandent lorsqu’ils disent qu’en elle, nequaquam sistat homo in cognitione, sed aspiret per viam affectivam quasi cordis ore inhiante in divinam sapientiam et bonitatem saporandam et gustandam. C’est-à-dire qu’en cette contemplation, l’homme n’a pas à s’appuyer sur la connaissance, mais à aspirer par la force affective comme en la bouche du cœur, avide de goûter la saveur de la sagesse et de la bonté divine.

Robert de Lincoln dit encore que dans cette contemplation, non seulement l’entendement demeure en obscurité et quiétude de tous ses actes appréhensifs pour ce qui dépend de lui, mais aussi pour ce qui dépend de l’action divine, laquelle ne l’y meut en aucune manière. Cela s’expérimente chez les âmes contemplatives, et parfois de façon si claire, que s’employant à se mettre en ces actes, elles en sont empêchées ; et cela non seulement à ce degré supérieur, mais aussi aux inférieurs. En effet, une fois acquis l’habitus de la méditation grâce aux discours antérieurs, leur discursivité est stérilisée, afin qu’elles montent de la connaissance sensible à l’intellectuelle simple ; et lorsqu’elles exercent la connaissance en un concept formé sur un mode qui leur est connaturel alors qu’elles sont déjà mûres pour contempler Dieu en vue directe, elles se trouvent comme empêchées par l’action divine de former ce concept ; et lorsqu’elles abandonnent la vue directe pour reconnaître leur acte par réflexion, et qu’elles y mettent obstacle par là même, il est courant qu’elles se trouvent là encore empêchées dans cette réflexion. J’ai trouvé bien des âmes qui n’étaient pas peu affligées d’expérimenter cela, croyant qu’on leur avait enlevé leur Dieu, à cause de cette impuissance à en former le concept selon leur mode et à reconnaître l’acte de leur vue simple. Et de ce que Dieu proportionne ainsi l’âme à lui sur le mode surnaturel pour se communiquer à elle, il nous faut tirer une leçon pour faire de même quand l’âme n’est pas mue de cette manière ; en effet, c’est notre opération qui doit imiter celle de Dieu, et non le contraire : cum ea quae sunt secundum naturam sint ordinata ratione divina, ea humana ratio debet imitari405. Et tout comme le propre de la raison est d’incliner l’âme aux actes appréhensifs distincts et particuliers dans l’oraison, le propre de Dieu est de la mouvoir à l’acte universel et indistinct où elle se proportionne à lui en ressemblance de conformité : inclinare autem in bonum universale est primi moventis cui proportionatur ultimus finis406. Et à propos de la doctrine de saint Denys, nous avons déjà vu que le but de Dieu, dans les faveurs surnaturels qu’il fait aux imparfaits sur un mode sensible, est de les élever sur leur mode imparfait de ce qui est sensible à ce qui est intellectuel, et de ce qui est matériel à ce qui est simple.



Chapitre 8 A quel moment et en quelles circonstances il faut aider l’effort de la volonté dans l’oraison pour qu’il soit profitable


Parmi ces trois moyens que nous avons rapportés au chapitre précédent pour aider par les actes de la volonté le bon effet de la contemplation, l’un est toujours valable, et les deux autres le sont à certains moments seulement. Celui qui est toujours valable, c’est d’appliquer l’intention de l’esprit à l’affection, et non à la connaissance. En effet, on ôte ainsi les réflexions de l’entendement sur ses propres actes, lesquels font tellement obstacle à la contemplation parfaite, ainsi qu’on l’a déjà vu, et on l’oblige à accompagner et à guider en vue directe illuminée par la foi les actes de la volonté jusqu’à leur fin, qui est Dieu : cette vue emporte avec elle la volonté et la plonge en Dieu pour l’unir à lui (cogitatio quæ directe tendit in Deum rapit secum voluntatem et conjugit Deo.407). Puisque l’intention entraîne avec elle toute l’énergie de l’âme, et puisque la contemplation s’ordonne aux affections de la volonté (en effet, comme le montre saint Thomas, toute la vie spirituelle se dirige comme vers sa fin à unir la volonté à Dieu par la charité), l’énergie et la force de l’âme doit s’appliquer principalement à cela, et pour autant, cette application à l’affection est toujours profitable, que le contemplatif sente ou ne sente pas la motion divine.

Les deux autres moyens, l’effort actif de la volonté et les aspirations du cœur vers Dieu, sont plus ou moins valables selon les moments, et pour autant, ils réclament une explication détaillée.

Pour cela, nous nous appuierons sur l’explication que donne saint Thomas des paroles du Sauveur, et que nous avons rapportée par ailleurs : en la départition de ses dons, Dieu donne à chacun secundum propriam virtutem408, c’est-à-dire, explique le saint, selon l’énergie et l’effort avec lesquels chacun se prépare à recevoir la grâce et les dons divins ; et pour cette disposition, l’Esprit-Saint meut plus ou moins l’esprit de l’homme en vue d’un plus ou moins grand don ; si bien que la mesure de ces dons divins dépend de la disposition liée à cette énergie et à cet effort : dicendum est igitur quod mensura secundum quam datur charitas est dispositio per conatum operum409. Pour appliquer cela à notre propos, il faut considérer trois moments dans cette départition des dons : le premier, quand on se dispose à les recevoir ; le second, quand on les reçoit ; le troisième, quand on les fait fructifier une fois reçus. Nous traiterons de l’exercice convenable à chacun de ces moments pour ces deux moyens par lesquels la volonté est aidée en ses actes.

Pour le premier moment, aussi bien l’énergie active de la volonté que les aspirations du cœur conviennent tout à fait. En effet, l’Esprit-Saint meut la volonté de telle manière, qu’il veut qu’elle aussi prenne part à cette motion, ainsi que nous l’avons vu ; aussi se fait-elle par cet effort coopératrice de l’Esprit-Saint pour en être mue plus facilement. Ainsi, tant que le contemplatif ne sent pas son esprit recueilli ni son affection fervente en l’oraison mentale, ces deux moyens sont très profitables, et c’est pourquoi les saints les conseillent tant. Mais lorsque l’âme se sent très recueillie, et si quiète que le moindre trouble et la moindre préoccupation la dérange, c’est le signe que l’Esprit-Saint est en train de lui départir ses dons, et qu’il veut qu’elle se comporte en cela sur le mode de la seule disposition, et que cesse son opération non quiète par laquelle elle s’employait à se mouvoir elle-même, car Dieu est en train de la mouvoir sans cette motion là. En effet, comme le dit sagement un auteur savant : cum anima in altissima contemplatione a Spiritu Sancto movetur non debet aliquid propriae actionis miscere, sed Spiritus Sancti ductum sequi, quamvis id non faciat sine vera efficientia et cooperatione 410. Autrement dit, lorque l’âme est clairement mue par l’Esprit-Saint dans la contemplation parfaite, elle ne doit rien y mêler de sa propre opération active, mais suivre la conduite et la motion de l’Esprit-Saint en coopérant avec lui selon l’opération passive, se comportant seulement sur le mode du recevoir. L’âme doit donc ici cesser de se préoccuper des aspirations du cœur et de l’effort actif de l’affection, et elle doit se contenter de rester là à aimer Dieu et à recevoir ses dons par l’acte propre de la volonté, lequel est simplex motus voluntatis, une opération simple de la volonté inclinée à ce qu’elle aime ; et elle sera alors très ressemblante à Dieu et à ses anges qui aiment et jouissent de cette manière.

Pour savoir bien accorder ces deux moments, il est très nécessaire que l’âme corresponde toujours en son opération à la motion divine, au moyen de laquelle Dieu la gouverne en l’oraison. C’est ce que recommandent les saints, et que saint Laurent Justinien nous ordonne par ces mots : debet anima humilis et devotioni contemplationis vacans semper divini se subjicere radio luminis, quatenus trahenti et vocanti spiritui continue se accomodet : nam spirat quando vult et de quo vult411. L’humble contemplatif, dit-il, s’il veut tirer ferveur de son exercice, doit toujours correspondre au rayon de la lumière divine, afin de s’accomoder continuellement à la motion et à l’appel de l’Esprit-Saint qui souffle quand il veut et en qui il veut. Et parce que, dans les secours communs de la grâce, ces appels sont très subtils et ceux qui manquent d’expérience ne les perçoivent pas, le même saint nous en donne ailleurs un signe très clair pour que nous leur obéissions ; il dit ceci : debet autem humana mens spirituali se substernere immissioni, et semper illi sollicite coaptare se. Ubi vel qualiter impetus Spiritus orantis animum dirigere voluerit consentiendum est412.

Pour expliquer exactement ces paroles qui renferment une excellente substance à notre propos, il faut remarquer, en accord avec la doctrine de saint Thomas, que le mot [de mens] ici employé par ce saint, indique le sommet en notre âme des trois puissances spirituelles — quoiqu’il soit pris parfois pour le seul entendement. L’Apôtre nommait cette partie supérieure « esprit », en la distinguant de la partie inférieure qu’il nommait « âme », car en cette mens ou « esprit » se trouve la ressemblance naturelle de l’âme et de Dieu. Et lorsque l’âme contemple Dieu en lumière simple de foi, en lui-même et non en similitude de chose créée, elle s’établit alors en une autre ressemblance de Dieu plus parfaite, la ressemblance de conformité. C’est d’elle, comme les auteurs sages l’affirment, que parlait l’Apôtre quand il disait que l’âme se transforme en l’image même [de Dieu] dans la contemplation de la gloire divine. Et le vénérable Hugues de Saint-Victor ajoute les paroles de saint Augustin selon lesquelles plus l’âme se porte par cette partie supérieure vers ce qui est éternel, plus elle se transforme à l’image de Dieu ; en effet, comme l’âme lui est alors conformée, elle se trouve très disposée à être mue par son action, et en cette partie supérieure, seul le Seigneur qui l’a créée peut la mouvoir directement et comme maître du logis, même si l’esprit créé peut la mouvoir par la représentation de quelque objet aimable. Ainsi l’esprit", ou mens, est l’instrument que Dieu touche pour que l’âme produise la musique suave de ses divines mélodies, se laissant mouvoir sous son action et obéissant promptement à ses appels.

Ceci compris, saint Laurent Justinien, grand maître en l’exercice pratique de la contemplation, dit que la première chose que doit faire le contemplatif, c’est de se mettre en cette ressemblance de conformité avec Dieu, et de soumettre et appliquer son esprit à son action divine, pour suivre ensuite sa motion et son appel de la manière qu’il sentira en son esprit touché par cette action ; et l’Esprit [Saint] guidera son esprit jusqu’au but vers lequel il le dirige, particulièrement si c’est vers ce qui est universel, indistinct et connu par la seule foi, car c’est là le mener vers ce qui est éternel, là où il se transforme à l’image de Dieu. En effet, il s’agit ici de motions claires de l’action divine, réduisant l’âme à l’unité simple et à la quiétude, ce par quoi elle la proportionne à elle-même ; et ne pas obéir à cette motion, c’est résister à l’Esprit-Saint, et il s’ensuivra ce que ce même saint dit par ces mots : qui autem conditoris gratiam repellit, nunquam spiritualibus ditabitur donis. Repugnare enim et vocanti Deo nolle humiliter acquiescere, nihil aliud est, quam fluenta gratiae dessicare et ad suum prejudicium aditum internarum devotionum obtrudere et Dei iram contra se fortiter advocare. Propterea dicebat: terribilis est ei, qui aufert spiritum, et Paulus : Spiritum nolite extinguere. Alibi quoque dicitur : cum spiritus potestatem habens irruerit super te, da ei locum413. Le contemplatif qui néglige la grâce de son créateur, dit-il, renonce à être enrichi des biens spirituels ; en effet, repousser Dieu qui appelle, et ne pas vouloir acquiescer humblement à ses appels n’est pas autre chose qu’assécher les sources de la grâce, fermer pour son plus grand dommage la porte de la dévotion intérieure, et appeler fortement sur soi la colère de Dieu. Et comme si son autorité et son expérience ne suffisaient pas à son crédit, il établit cela par de nombreux passages de la Sainte Écriture.

Ainsi donc, lorsque le contemplatif sentira que la motion divine met son esprit en quiétude et obscurité de tout ce qui lui est connu, et que le moindre mouvement lui répugne, qu’il se présente à Dieu avec une attention simple et très quiète, délaissant toute opération active, même celle de la volonté, car c’est ainsi que le Seigneur le veut pour mettre en lui ses dons. Et c’est cela qu’a indiqué notre vénérable Père Frère Jean de la Croix par les mots qui dérangèrent tant Votre Paternité, disant à propos de cette contemplation, que l’âme devait y demeurer avec une attention amoureuse à Dieu, étrangère à toute prétention et à toute préoccupation. Et pour que le contemplatif reconnaisse les motions de Dieu et perçoive les affections dues à son action, qu’il tienne pour règle générale celle que donne saint Thomas : quando anima abstrahitur a corporalibus, aptior redditur ad percipiendum influxum spiritualium substantiarum414. C’est-à-dire que plus l’âme se trouvera abstraite de tout le sensible, plus elle sera disposée à percevoir l’action divine, aussi bien celle que Dieu opère immédiatement par ses dons, que celle qu’il opère par le moyen des anges.

Ainsi avons-nous parlé des deux premiers moments, celui où l’on se dispose aux dons divins, et celui où on les reçoit dans l’oraison. Disons maintenant quelque chose du troisième, celui auquel on les fait fructifier. Pour cela, ce que dit le texte sacré vient tout à fait à notre propos : après avoir attribué les talents à ses serviteurs, le Seigneur s’en alla et ils firent alors fructifier les ressources qu’ils avaient reçues. Cela résume ce que nous avons à faire avec ces dons ; en effet, après avoir donné à l’âme ses ressources surnaturelles dans la quiétude attentive et amoureuse en laquelle il la maintient comme tenue par des chaînes d’amour, Dieu lui rend sa liberté pour qu’elle s’en serve. Aussi semble-t-il à l’âme qu’il est parti, et le moment est alors excellent pour exercer des actes particuliers d’affection : action de grâce, louanges divines, agir et pâtir pour son amour et autres choses semblables ; en effet, c’est cela faire fructifier surnaturellement pour des gains surnaturels eux aussi, et ce gain n’aurait pas lieu si ces actes se faisaient avant d’avoir reçu ces ressources dans l’oraison.

Pour expliquer cela, il faut remarquer avec la doctrine de saint Thomas, que pour nous exercer en vue des gains surnaturels, il n’y a pas en notre nature d’aptitudo, nisi secundum principium passivum tantum ; c’est-à-dire que nous n’y avons de disposition que comme principe passif. Aussi ne pouvons-nous pas aller vers ce gain par notre acte propre mû grâce à nos ressources naturelles : il doit l’être par l’action surnaturelle de Dieu. Cependant, ayant reçu dans cette motion les ressources surnaturelles pour s’en servir, l’âme peut s’y exercer en s’aidant pour cela de sa propre opération active, et exerçant ce qu’elle a reçu en la puissance passive. Il en va comme de l’air qui ne peut produire le mouvement du feu, mais qui a disposition pour se changer en feu ; et une fois transformé en lui, il peut produire le mouvement du feu qui excède sa puissance active. De même notre volonté ne peut-elle pas exercer les opérations actives de la charité par la motion de ses ressources naturelles, mais elle a disposition passive pour être transformée en feu de charité ; et ainsi transformée, elle peut en exercer les actes qui excèdent sa puissance active. Par là, on voit clairement de quel profit sont les actes affectifs particuliers dans l’oraison, une fois que la volonté s’est échauffée dans la quiétude fervente grâce aux dons divins, alors qu’elle restait froide avant de les recevoir.

Cependant, venir à ces actes suppose de se conformer à l’action divine, et non de lui résister. Le signe de cette résistance serait que l’âme s’essouffle à y venir : si elle sent de la répugnance à sortir de sa quiétude savoureuse, c’est une indication claire que Dieu est encore en train de lui communiquer ses ressources surnaturelles, et la proportionne à lui pour cela en cette quiétude et en ce silence éternel par lequel, dit saint Denys, il meut toutes les choses sans se mouvoir lui-même ; et en aucune manière il ne faut alors la tirer de sa quiétude.

Il faut encore remarquer qu’après avoir fait fructifier leurs talents, ceux qui les avaient reçus retournèrent vers le Seigneur pour lui présenter les bénéfices qu’ils en avaient retirés, et que content d’eux, le Seigneur leur augmenta ces talents. Nous devons faire de même avec les bénéfices obtenus dans l’oraison par nos actes : après les avoir exercés, l’âme doit retourner à son repos en son attention simple et très sereine, afin d’y recevoir de Dieu de nouvelles ressources, lesquelles ne sont jamais données qu’en cette quiétude. Voilà comment avance l’âme qui s’y connaît dans les affaires divines : il s’agit de la succession des mérites et des augmentations en grâce et en vertus expliquée par saint Thomas à ce même propos : sic enim quaedam circulatio attenditur dum ex lumine crescit luminis desiderium ; et ex desiderio aucto crescit lumen415.

Chapitre 9 Que dans l’acte universel et simple de la contemplation, l’âme est toute entière employée en Dieu et en exercice de toutes les vertus


Avant de nous mettre à parler de la continuité que les saints demandent dans l’acte de la contemplation, il sera nécessaire de mettre à découvert la tromperie dont est victime Votre Paternité. En effet, elle dit que l’âme perd son temps en cette contemplation simple et quiète, et qu’elle ne s’y exerce pas aux vertus, alors que c’est le contraire qui est vrai : en cette contemplation, en effet, Dieu maintient occupées efficacement toutes les puissances, et elles y exercent toutes les vertus.

Quant au premier point, il est certain qu’en cette contemplation, la volonté est inclinée vers Dieu et occupée en lui, car toute la doctrine des saints aux chapitres précédents vise à unir la volonté à Dieu et à éveiller en elle le feu de la charité, ce qui est la fin de la vie spirituelle, comme l’établit saint Thomas. Et si la volonté est occupée en Dieu, toutes les autres puissances le sont aussi par voie de conséquence, car entre toutes les forces de l’âme, la volonté est celle qui tient lieu de premier moteur, et elle entraîne par le mouvement de son acte les actes de toutes les autres puissances vers leur fin ultime, comme le ciel supérieur le fait pour les inférieurs : cum ergo in viribus animae voluntas habeat locum primi motoris, actus eius imperat actus aliarum virium secundum intentionem finis ultimi et utitur eis in consecutione ejusdem416.

Et non seulement la volonté imprime dans les autres puissances sa propre forme (c’est-à-dire la liberté de son acte de telle sorte qu’il soit méritoire), mais elle y imprime aussi une participation de la forme qui la rend parfaite, c’est-à-dire de la charité, racine et principe, avec la grâce, du mérite. De cette manière, si l’acte supérieur contient en lui plus parfaitement et sur un mode universel tout ce que les actes inférieurs contiennent imparfaitement et en particulier (superius perfecte et totaliter habet quod ab inferiori imperfecte et particulariter habetur417), il en va de même de cet acte simple de la zone supérieure de l’esprit, au sommet des trois puissances et qui est occupé en Dieu, ainsi que nous l’avons vu : en lui seulement sont inclus les actes des autres puissances, avec une perfection plus grande que si chacune d’elles les exerçait indépendamment. Et si l’amour n’est pas autre chose que l’application de la volonté à quelque chose comme à son bien (ipsa igitur habitudo vel coaptatio appetitus ad aliquid velut ad suum bonum amor vocatur), la volonté du contemplatif exerce en cet acte l’amour de Dieu, puisqu’en lui, elle est appliquée à Dieu de cette manière.

Une autre chose encore est certaine : en cette contemplation, non seulement l’âme avance vers l’exercice des vertus, mais elle va aussi vers leur augmentation comme par une voie directe. En effet, si nous demandons à saint Thomas quel est le chemin propre pour parvenir à ces augmentations, il nous dira que, pour sa part, Dieu augmente en nous la grâce et la charité lorsqu’augmente l’efficace de sa vertu ; mais pour ce qui est de notre disposition, cette augmentation vient de ce que l’âme se réduit de la multiplicité à l’unité. Et saint Thomas renvoie à saint Denys qui voit toujours la perfection de la sainteté en ce que l’âme se réduit de la vie dispersée à la vie unifiée : Ex parte ipsius materiae intensio charitatis contingit ex hoc quod natura recipiens magis ac magis preparatur ad susceptionem gratiae secundum quod ex multitudine in unum colligitur. Et ideo Dionisius perfectum sanctitatis semper designat per hoc quod exparsa vita in unicam consurgit.418 Donc, si tout cela se trouve en cette contemplation, l’âme n’y est pas dans l’oisiveté, mais au contraire dans un exercice très utile de vertus, le mieux proportionné à l’augmentation de la charité. Et si elle se trouve en l’acte de la charité, elle est aussi en celui de toutes les vertus dont la charité est forme et moteur, et elle dirige ses actes vers leur fin, qui est Dieu : charitas enim est forma virtutum, et omnes actus earum in suum finem convocat, eo quod eius objectum est finis ultimus.419

Une autre chose encore est bien établie en théologie : c’est par l’opération divine, et non par nos propres actes mus par la raison, que nous pouvons parvenir aux vertus et aux dons infus — ce par quoi l’homme se transforme à la ressemblance de la clarté de Dieu, comme dit l’Apôtre : Virtus vero ordinans hominem ad bonum secundum quod modificatur per legem divinam et non per rationem humanam, non potest causari per actus humanos, quorum principium est ratio, sed causatur solum in nobis per operationem divinam420. Et si nous demandons à saint Denys quel est l’acte dans lequel l’âme se dispose à recevoir cette opération divine, et ces vertus et ces dons infus en elle, il nous dira ceci : lorsque l’entendement abandonne la lumière de la raison et se transporte en la lumière de la foi dans la contemplation des choses divines, il cesse de s’appartenir pour appartenir à Dieu, et il reçoit l’augmentation de ces dons : ita enim erunt divina nobis dona data421 - saint Denys parle [ici] de la raison illuminée par la foi, lorsque nous voulons comparer grâce à elle les choses divines aux nôtres ; et saint Thomas l’explique aussi de cette façon. En effet, en cette contemplation, si l’âme se dispose ainsi à recevoir en elle cette opération divine, ainsi que les augmentations de la charité et des autres vertus et dons qui l’accompagnent, elle n’est pas sans exercice de vertus. Et si c’est de la charité que provient la perfection de la vie chrétienne, et si l’on dit que la sainteté est véritable quand l’esprit de l’homme applique à Dieu tous ses actes et s’y applique lui-même (sic ergo sanctitas dicitur per quam mens hominis, se ipsam et suos actus applicat Deo), et si c’est bien ainsi que l’esprit est occupé en cette contemplation, alors il est en train d’exercer la perfection et la sainteté véritable, et par ces actes, il avance d’une façon qui lui est proportionnée.

Si donc Votre Paternité compare tout cela avec ce qu’elle reproche à la contemplation de notre vénérable Père Frère Jean de la Croix, et il semble qu’elle veuille nous persuader que c’est le discours et les autres actes de la raison, elle connaîtra plus clairement qu’elle ne s’est pas formée une idée juste de ce qu’est la communication profitable de l’âme avec Dieu dans l’oraison mentale. En effet, expliquant les paroles de saint Denys selon lesquelles c’est par la connaissance intellectuelle simple que l’âme avance directement et de façon proportionnée à sa nature spirituelle vers l’union à Dieu, laquelle se fait alors que l’entendement se trouve élevé au-dessus de lui-même en la lumière de la foi, voici ce que dit saint Thomas : Nullum enim effectum haberet investigatio rationis, nisi ad intelligibilem veritatem et simplicem puritatem perduceret422. C’est-à-dire que le discours de la raison ne serait d’aucun fruit s’il n’en venait pas à la connaissance intellectuelle pure et simple.

Saint Bernard confirme cela dans ces paroles adressées au pape Eugène : « Je pense que tu dois faire bien attention à ce que, dans l’oraison, l’attention simple est le fruit du discours et de la réflexion qui l’ont précédée423 ; et si ces deux premiers moments ne se réfèrent pas à elle, ils semblent être quelque chose, mais ils ne sont rien. En effet, le premier moment, celui du discours, s’il ne finit pas par s’arrêter en cette vue simple, sème beaucoup, mais ne récolte rien (multa serit, et nihil metit…) ; et le second, celui de la réflexion, s’il ne s’ordonne pas à elle, se déroule sans parvenir à son terme et n’atteint pas son but. Donc, ce que le premier désire et ce que le second sent, le troisième le goûte (Ergo quod prima optat, secunda odorat, tertia gustat.). Ailleurs, le même saint Bernard traite cela de façon plus développée tout en se lamentant ; en effet, alors qu’au moyen de la lumière de la foi illuminée des dons de l’Esprit, les contemplatifs pourraient déjà jouir comme des arrhes et des débuts de la béatitude à venir au milieu des misères de cette vie, ils perdent cela pour ne pas savoir mettre leur âme en quiétude dans l’oraison. Et il ajoute ceci à notre propos : Qui vero contemplationi veritatis vult vacare, necesse est ut discat quiescere non solum ab operibus, sed etiam a cogitationibus. Multi siquidem, etsi sciant vacare corpore, minime tamen valent vacare corde, nescientes facere sabbatum ex sabbato.424 Autrement dit, celui qui voudrait s’adonner à la contemplation, et c’est en elle que se goûtent ces arrhes célestes de la béatitude à venir, qu’il tienne pour absolument nécessaire d’apprendre à se mettre en quiétude, non seulement des œuvres extérieures, mais aussi des méditations intérieures. En effet, beaucoup savent se mettre en quiétude quant au corps, qui ne savent en aucune manière le faire quant à l’esprit, ni pratiquer le repos du repos. Expliquant ailleurs ce « pratiquer le repos du repos », il dit que le contemplatif ne doit pas se contenter de se mettre en quiétude quant aux choses du monde et à soi-même, mais il doit aussi s’oublier totalement lui-même et se reposer en Dieu ; pratiquer le repos du repos, c’est tirer du repos naturel, en la cessation des opérations actives intérieures et extérieures, le repos surnaturel qui se reçoit dans la contemplation simple. Saint Thomas aussi se désolait sur ce point, constatant qu’en s’y disposant par la quiétude illuminée de la foi et des dons divins, les contemplatifs pouvaient jouir d’un début de béatitude dès cette vie, mais qu’ils perdaient cela à cause de la non-quiétude avec laquelle ils s’employaient à chercher Dieu dont ils auraient pu jouir comme présent ; il trouvait cela si lamentable qu’il en sortit de sa retenue habituelle, et oubliant sa modestie naturelle, il se mit à pousser cette exclamation pleine de force : Magna caecitas et nimia stultitia, etc.425, par laquelle il s’en prend très âprement à ce désordre.

Mais ce dommage n’est pas le seul que provoque cette façon de faire oraison soutenue par Votre Paternité ; il y en a encore beaucoup d’autres, et il lui suffira pour s’en persuader que saint Bernard dise la vérité dans les paroles que nous avons rapporté : le discours et la réflexion de la lumière naturelle sème et ne récolte pas. C’est-à-dire que l’âme ne parle à Dieu ni en l’un ni en l’autre, mais elle se parle à elle-même, et elle est sans oraison, comme on peut le déduire de ces paroles de saint Thomas : Per voluntatem conceptus mentis ordinatur ad alterum ; nam quando mens convertitur ad actu considerandum quod habet in habitu, loquitur aliquis sibi ipsi : nam ipse conceptus mentis interius verbum vocatur426. Un auteur très savant explique ces paroles tout à fait à notre propos de cette manière : « Saint Thomas disait que celui qui considère actuellement quelque chose parle à lui-même ; et pour autant, ce concept actuel s’appelle “parole de l’entendement”. Et aussi longtemps qu’il s’y arrête et ne se tourne pas vers un autre, il ne parle pas à cet autre. Pour autant, celui qui désire obtenir quelque chose de Dieu, quoiqu’il connaisse ce désir par l’acte de l’entendement, ne parle pas encore à Dieu, mais à lui-même, et pour autant, il ne prie pas encore. En revanche, lorsqu’il veut présenter à Dieu ce désir accompagné de la connaissance de sa nécessité et de sa dépendance de Dieu, afin que par là Sa Majesté se meuve à lui concéder ce qu’il désire, il soumet alors son désir et son concept à Dieu. » Tout cela est de cet auteur, et saint Bonaventure enseigne la même doctrine à ce propos. Quel pire désordre que celui-là ? On enseigne un mode d’oraison à la fois dénué de tout profit, vu qu’il n’atteint pas sa fin, et complètement disproportionné, vu que ce n’est pas là faire oraison, et que celui qui le pratique ne parle pas à Dieu, mais à lui-même !

Chapitre 10 Où l’on répond à quelques objections opposées à cette contemplation, les réfutant par la doctrine de saint Denys provenant des Apôtres, et où l’on traite des visions sensibles.

Tous les autres arguments par lesquels Votre Paternité contredit la contemplation apostolique de notre vénérable Père Frère Jean de la Croix sont du même genre — apostolique, car c’est la même que celle enseignée par les apôtres, comme [saint Denys] le dit et comme nous le verrons plus loin. Aussi n’offrent-ils d’autre difficulté que celle que leur attribue l’esprit d’où elles proviennent, et qui se révèle peu expérimenté en matière mystique ! Mais même s’ils ont perdu leur force avec ce que l’on a déjà dit, nous dirons quand même quelque chose de plus précis pour chacun des principaux d’entre eux, afin que Votre Paternité ne trébuche pas de nouveau sur un chemin si régulier, ni ne dévoie par sa doctrine quelque âme qui serait bien dirigée.

Votre Paternité apporte contre cette contemplation ce passage de saint Denys : Et enim neque possibile est aliter lucere nobis divinum radium nisi varietate sacrorum velaminum anagogice circumvelatum, et his quæ secundum nos sunt providentia paterna connaturaliter et proprie praeparatum427. Et Votre Paternité en déduit que la contemplation simple dont notre vénérable Père enseigne qu’elle est séparée de toutes les similitudes connues par nous, n’a ni fondement, ni appui, puisque saint Denys dit ici que nous ne pouvons pas recevoir la connaissance de la lumière divine incréée qu’est Dieu, autrement que revêtue de quelques-unes de ces similitudes connues.

Cette sentence de saint Denys, saint Thomas l’explique en plusieurs endroits de ses livres. En l’un d’entre eux, il dit que saint Denys parlait de la connaissance naturelle : pour ce qui est d’elle, nous ne pouvons nous élever à la connaissance de Dieu autrement que par quelque similitude des choses visibles qui entrent en l’âme par les sens. Et la même chose ressort des paroles de saint Denys, celles que nous avons rapportées et celles qui les suivent. Expliquant ailleurs ce même passage, le Docteur Angélique dit ceci : Loquitur Dionisius quantum ad principium revelationis divinorum in qua, quasi per sermonem quemdam nobis in signis et figuris proponuntur ; sed ulterius de auditis per fidem et per donum intellectus mens illustratur428. Par ces mots, saint Thomas a résumé le propos de saint Denys dans ce passage, qui était d’expliquer que Notre-Seigneur proportionne à leur imperfection les faveurs qu’il accord aux contemplatifs imparfaits et débutants, les leur communiquant sur leur mode naturel et sensible quoiqu’elles soient surnaturelles, de telle sorte que nos perducerent per sensibilia in intellectualia, et ex sacris figuratis symbolis in simplices caelestium hierarchiarum summitates429. Autrement dit, comme des petits enfants qui ne savent pas encore marcher sans s’appuyer sur le chariot des choses sensibles, Dieu les mène selon leur mode imparfait, à ce qui est intelligible par ce qui est sensible, et à la connaissance des choses simples et célestes par les similitudes et les figures connues.

Et dans les mots que l’on vient de rapporter, saint Thomas ajoute que saint Denys ne parle pas dans ce passage de la connaissance surnaturelle de la foi et des dons du Saint-Esprit, en laquelle s’exerce la contemplation véritable : en celle-ci, ainsi que nous l’avons vu, l’entendement doit se dépouiller de toutes ces similitudes pour ne pas en être trompé, dit saint Grégoire, car elles représentent Dieu comme il n’est pas, et elles l’abaissent à ce qui est inférieur à l’entendement même.

Aussi l’objection de Votre Paternité n’a-t-elle rien à voir avec le cas qui nous intéresse, ni quant à ce que l’on vient de dire, ni quant à cette autre affirmation selon laquelle l’âme serait en cette contemplation comme suspendue en l’air et sans fondement. En effet, dit saint Thomas, l’entendement s’y trouve extra omnem sensum positus et veritati supernaturali conjunctus430, c’est-à-dire séparé de toutes les autres connaissances et fermement uni à la vérité divine ; et cette union, dit saint Denys à ce propos, est meilleure que celle de la raison et de la lumière naturelle de l’entendement. La distance est telle entre ces deux fondements, que saint Thomas y voit la différence qui existe entre la contemplation des philosophes chrétiens, participant de celle qu’exercent les bienheureux dans le ciel (toutes deux sont mues par la lumière divine provenant immédiatement de Dieu, quoiqu’avec une différence de clarté), et la contemplation des philosophes de la [seule] nature, qui s’exerce par les discours de la raison dans le miroir des créatures.

L’autre argument formulé par Votre Paternité contre la contemplation de notre vénérable Père, porte sur cette affirmation : il faut abandonner dans la contemplation, non seulement les similitudes sensibles et distinctes entrées par les sens dans la connaissance naturelle, mais aussi celles qui sont entrées en l’âme sur un mode surnaturel, par exemple les visions et appréhensions communiquées surnaturellement sur un mode sensible et proportionné à notre connaissance naturelle. Cela semble malencontreux à Votre Paternité, puisque Dieu produit ces communications pour le bien de l’âme, si bien qu’il n’y a pas à en ôter le souvenir. Cette objection ne nous est pas non plus un obstacle, car on y a suffisamment répondu par les déclarations de saint Denys que l’on a citées un peu plus haut, et la doctrine de notre auteur s’en trouve accréditée. En effet, si l’intention de Dieu dans ces communications surnaturelles est d’élever les âmes de la connaissance matérielle et sensible, où elles sont grossières et comme diminuées, à la connaissance intellectuelle simple, où elles se spiritualisent et grandissent, et si cela ne peut pas se faire sans que l’entendement se dépouille de ces similitudes, il est clair que Dieu ne veut pas que l’on s’en embarrasse dans la contemplation simple.

Et les paroles mêmes de saint Denys nous enseignent comment nous avons à nous comporter dans ces communications pour en retirer le fruit que Dieu en attend ; il dit ceci : visibiles quidem formas invisibilis pulchritudinis imagines arbitrans, sensibiles suavitates figuras invisibilis distributionis, et immaterialis luculentiae imaginem materialia lumina431. Autrement dit, celui qui reçoit ces communications sensibles doit s’élever par elles aux [communications] intellectuelles simples comme si elles en étaient des images : la beauté visible, image de l’invisible ; la suavité sensible, image de celle du ciel ; l’éclat de la lumière matérielle, image de la lumière spirituelle ; et pareillement pour les autres communications sensibles. Traitant de ces communications et des similitudes qu’elles contiennent, que ce soit dans le cas que nous sommes en train de considérer ou à l’intérieur de l’acte de la contemplation, saint Denys lui-même déclare ceci : si le contemplatif veut que l’illumination divine se communique à lui en vérité et sans voiles, l’entendement doit abandonner non seulement toutes les similitudes des choses sensibles et spirituelles et toute son opération active, mais aussi omnia divina lumina et sonos et sermones caelestes432, c’est-à-dire les souvenirs de toutes ces communications qu’ils ont reçues de Dieu sur un mode surnaturel ; et une fois l’entendement dépouillé de tout cela, qu’il entre dans l’obscurité comme Moïse dans la nuée où Dieu se trouve. Saint Denys rapporte cela comme la doctrine de l’apôtre saint Barthélemy, et nous la verrons plus loin alléguée par saint Augustin de façon plus claire. Et comme les saints et les hommes très illuminés par Dieu burent cette sagesse à une même source, notre vénérable Père aussi conseille cela. En effet, pour un peu de saveur sensible qu’elles reçoivent par ces souvenirs répétés, ces âmes font obstacle aux effets de l’illumination divine qui se communique en la contemplation. Certes, ces communications surnaturelles sur un mode sensible, lorsqu’elles sont de Dieu, produisent en passant quelque effet également surnaturel en l’appétit sensible pour modérer et ordonner les passions qui y résident : par exemple, la vision de l’humanité du Christ Notre-Seigneur que reçut notre Mère sainte Thérèse, et qui lui ôta toutes les affections vaines qui lui pesait tant ; mais cet effet ne dépend pas de ce que l’on admet ou refuse ces représentations, car elles opèrent cela en l’âme à l’instant où elles se forment, ainsi que l’a très bien expliqué notre vénérable Père.

Et si l’âme ne repoussait pas la propriété et l’estime de ces souvenirs — mais s’ils viennent de Dieu, elle ne pourra pas [pour autant] les perdre — parce qu’ils mettent obstacle aux effets principaux de la contemplation quand elle en embarrasse et offusque l’entendement, il lui faudrait le faire à cause des tromperies que le démon peut produire par cette voie dans les âmes peu prudentes et tout émues de ces communications sensibles, même si la sensation qu’elles en ont est douce. Là-dessus, notre vénérable Père a donné une doctrine admirable dans tout le livre second du traité intitulé « Montée du Mont Carmel », injustement accusé par Votre Paternité : avec sagesse et expérience, il y ferme au démon toutes les entrées qu’il peut avoir dans les âmes contemplatives, et il guide celles-ci avec sûreté et profit vers la contemplation intellectuelle, les dépouillant de toutes ces appréhensions sensibles. À saint Bonaventure, il semble que cela soit nécessaire non seulement dans les représentations sensibles communiquées sur un mode surnaturel, mais aussi dans les doux sentiments de l’appétit sensible ; voici ce qu’il dit à ce propos : « Toutefois, comme cette abondance de consolation et d’allégresse consiste en une certaine douceur admirable du cœur, il est toujours plus sûr d’être sur ses gardes ; en effet, le démon a l’habitude de se transfigurer en ange de lumière et de procurer parfois à l’homme ce genre de choses, non pas pour le consoler, mais pour secrètement le souiller par la vanité, afin qu’il s’enorgueillisse et pense qu’il est quelque chose. Pour autant, il faut faire très attention : toutes les fois que tu éprouveras ces recueillements, élève à Dieu la vue de l’intelligence pure, afin que ta volonté ainsi guidée par l’entendement ne se sépare d’aucune façon de lui ; et si tu devais alors te réjouir que ce soit en Dieu seul. De cette manière, si cette suavité provenait de Dieu, elle deviendrait plus intense, et si elle provenait du démon, elle disparaîtrait, ou au moins diminuerait. » Ainsi saint Bonaventure nous enseigne-t-il à établir notre âme dans la forteresse où elle sera à l’abri des assauts du démon lors de ces communications sensibles, et notre vénérable Père cherche à nous convaincre de la même chose dans tout ce livre second auquel s’oppose Votre Paternité. Et saint Denys ajoute ceci : lorsque cette suavité du cœur vient de Dieu, elle est donnée pour mettre au pas l’appétit sensible, afin qu’il ne rabaisse pas l’intention de l’esprit, du fait de la violence des passions, à ce qui est sensible, mais qu’il aide plutôt à sa façon l’envol de l’entendement vers ce qui est spirituel. C’est pourquoi, parce qu’elle procède d’une cause supérieure, cette suavité même porte à ce qui est intelligible et simple comme à sa sphère propre ; et elle entraîne l’âme, comme par la main, de la multiplicité de la méditation à l’unité de la contemplation : affluentiae manu ducentis a multis et divisibilibus ad simplicem et non tremulam Dei cognitionem433. C’est ce qu’expérimentait notre Mère sainte Thérèse en l’une de ces communications, et elle dit que l’entendement voulait [alors] n’entendre qu’une seule chose, et la mémoire ne pas s’occuper en davantage.

Chapitre 11 De la sécurité et de l’excellence des visions intellectuelles qui élèvent l’homme à la véritable connaissance de Dieu et à la véritable participation à sa sainteté

Pour que soit mieux connue la pureté de la doctrine de notre vénérable Père Frère Jean de la Croix, pour que l’on sache à quel point elle s’accorde constamment à celle de saint Denys — du moins pour ceux qui voient clair et dont les yeux ne sont pas aveuglés par sa clarté, comme la chouette l’est par celle du soleil —, il faut remarquer ce que dit ce saint : puisque les communications surnaturelles que Dieu produit chez les contemplatifs progressants ne visent pas à les élever de ce qui est sensible à ce qui est intelligible, contrairement aux précédentes, mais à les perfectionner en ce qui est divin, elles ne sont pas communiquées sur un mode sensible et imparfait, mais sur un mode intelligible et simple, quoiqu’elles soient formées de façon telle qu’elles puissent être perçues quasi in forma informium similitudine, c’est-à-dire comme sous la similitude d’une forme sans formes ; ce que saint Thomas explique : per similitudinem rerum forma corporali carentium434. C’est-à-dire que ces communications ne se font par aucune similitude de chose corporelle connue, sed per aliquas intelligibiles immissiones, quod est proprie angelorum435, mais par des similitudes intellectuelles infuses, mieux proportionnées à la connaissance de la patrie qu’à celle d’ici-bas. Ce sont elles que saint Denys appelle par excellence « visions divines », plutôt que les précédentes ; et il en donne la raison en disant ex videntium in divinum reductione436. Et Hugues de Saint-Victor explique : quia per eam visionem reducuntur videntes in divina cognoscenda437, c’est-à-dire que ces similitudes intelligibles procédant de la sagesse divine, elles élèvent l’entendement de façon appropriée à la connaissance de Dieu et de ses perfections divines, parce qu’elles les lui présentent avec grandeur et excellence. Et cela, les similitudes sensibles et proportionnées à notre connaissance naturelle ne l’opèrent pas ; au contraire, bien qu’elles provoquent suavité et tendresse en l’appétit sensible, tant que l’entendement ne s’en dépouille pas pour monter à l’intelligible de la foi, il ne peut guère former de concept des perfections divines.

Notre vénérable Père ne demande donc pas que l’entendement repousse ces visions intellectuelles, il conseille plutôt qu’il s’exerce en elles. En effet, tout comme les autres font obstacle pour l’union à Dieu si l’entendement ne s’en dénude pas, celles-ci aident à cette même union, et introduisent la perfection en l’âme, ainsi que saint Denys l’a indiqué par ces mots : quasi per ipsam visionem videntibus divina, facta illuminatione revelavit et quidem divinis ipsis sancte perficientibus438. Et Hugues de Saint-Victor déclare qu’elles s’appellent « visions divines » non solum ideo quia divina videntibus manifestavit, sed quia ipsos etiam divinos effecit439 ; et Albert le Grand ajoute : sanctitatem eis praebendo440. Aussi ces visions s’appellent-elles divines par excellence, tant pour la très haute connaissance de Dieu et de ses perfections divines qu’elles donnent à l’âme, que parce que d’une certaine façon, elles rendent divins ceux qui les reçoivent, leur communiquant perfection et sainteté. Aussi notre vénérable Père, si défiant à l’égard de toutes les communications sensibles et dissuadant si souvent les âmes contemplatives de s’en approprier et de s’y attacher, leur laisse-t-il tant de liberté dans les intellectuelles, tant pour ce que l’on vient de voir que pour la sécurité qu’elles comportent ; du fait de leur excellence, du fait aussi de la partie de l’âme à laquelle elles se communiquent et qui est le sommet de l’esprit - appelé mens, comme on l’a déjà vu —, le démon ne peut en aucune manière les contrefaire, car il ne peut opérer qu’en l’imagination et en l’appétit sensible (quia tota interior operatio diaboli est circa phantasiam et appetitum sensitivum441.).

Pour que cette matière rarement expliquée soit mieux comprise, et pour que les personnes simples et peu versées en scolastique ne s’inquiètent pas de ce qu’il leur semble qu’elles perdent leur temps en l’oraison (parce qu’elles ne perçoivent pas l’illumination divine tout en s’y disposant par la simplicité et l’abstraction), il faut remarquer ce que dit saint Thomas : l’entendement a toujours près de lui l’illumination divine de façon non formée et indistincte, quoiqu’il ne la perçoive ni ne la connaisse pas, et cela pour cinq raisons. Saint Thomas les donne, et en voici les principales : la profondeur et la subtilité de cette lumière divine qui n’a pas de forme, mais qui est communiquée en sa nature spirituelle et en sa simplicité ; l’effet déroutant que cette lumière très simple et très universelle produit en l’entendement, habitué à connaître par les similitudes grossières et distinctes que l’imagination lui administre et qui procèdent des sens. De là vient qu’à l’instant même où l’entendement se dépouille de toutes les similitudes de sa connaissance naturelle et met en quiétude son opération active en la lumière de la foi, cette lumière divine se communique et s’unit à elle, comme le dit saint Denys. Et saint Thomas l’explique ainsi : quando anima nostra Deo conformata immittit se rebus divinis non immissione oculorum corporalium, sed immissione fidei, tunc divinum lumen ignotum et inaccessibile seipsum nobis unit et communicat442. Et avec cela, l’âme pourrait être bien consolée et satisfaite, puisqu’elle participe si étroitement de Dieu, mais comme malgré tout elle ne le perçoit pas, elle laisse sa quiétude pour s’employer à d’autres activités, et elle perd la disposition en laquelle cette lumière divine devait opérer en elle. C’est là un bien grand dommage, et un mal plus répandu que reconnu ! Notons bien ces mots : seipsum nobis unit et communicat ; nous n’avons donc pas besoin de forcer la lumière divine pour qu’elle entre et illumine l’âme : nous n’avons qu’à lui ôter les empêchements, tous comme nous le ferions pour le soleil qui donne sur la fenêtre et auquel nous n’aurions qu’à ouvrir, du fait de sa bonté communicative qui participe du soleil divin dont il est similitude expresse, ainsi que nous l’avons vu ailleurs.

Cette lumière sans forme et indistincte, même si elle est toute parfaite en elle-même, ne nous donne pas une connaissance parfaite de celui qui illumine, tant parce qu’elle déborde notre entendement — ce pour quoi saint Denys l’appelle « ténèbre » et « ignorance » —, que parce que la connaissance universelle qu’elle nous donne de ce qu’il y a de particulier dans les choses, est imparfaite (Cognitio in universali est imperfecta443.). Malgré tout, avec cette connaissance universelle et imparfaite, nous pouvons aimer Dieu parfaitement, comme l’établit saint Thomas : comme en un cristal limpide et en l’étoupe sèche, l’illumination divine ne trouve pas de résistance pour illuminer l’entendement et enflammer la volonté des esprits déjà purifiés ; et quand cette lumière indistincte et imperceptible entre en eux, le feu de l’amour de Dieu prend tout de suite, comme notre vénérable Père l’a expérimenté, selon qu’il l’a indiqué en l’un de ses livres qui n’est pas encore imprimé. Il dit que sans recevoir d’illumination distincte, il sentait que son esprit était en train de fortement s’enflammer en amour de Dieu. Et certains contemplatifs très avancés en ont déduit que la volonté pouvait aimer sans acte de l’entendement, du fait qu’ils ne percevaient pas cette lumière indistincte et sans forme, quoique l’entendement la reçût, tout en expérimentant les effets qu’elle produisait en la volonté, l’enflammant en amour de Dieu.

Tout cela permet de comprendre ces visions divines intellectuelles. Maintenant, quand Notre-Seigneur veut en communiquer quelqu’une aux contemplatifs avancés pour mieux les perfectionner en sa connaissance et en son amour, il fait avec eux ce que les anges supérieurs font avec les inférieurs lorsqu’ils sont illuminés de quelque mystère divin : ces derniers ne pouvant recevoir la lumière divine en sa pureté simple et très universelle, ils donnent forme et particularité à cette lumière en la proportionnant à leur entendement plus particulier, ad hoc quod in cognitionem rerum adducantur444, c’est-à-dire afin qu’ils puissent percevoir l’illumination et connaître les choses dont ils sont illuminés. Dieu fait de même avec les contemplatifs dans les visions intellectuelles : il donne forme à cette lumière indistincte et sans forme dont l’entendement est toujours entouré sans qu’il la perçoive, secundum aliquam similitudinem intelligibilem quæ quandoque immediate imprimitur, quandoque a formis imaginatis resultat secundum adjutorium luminis445. C’est-à-dire qu’il revêt cette lumière divine de quelque similitude intellectuelle pour que l’entendement puisse la percevoir. Il le fait parfois de façon plus relevée si la connaissance doit l’être, et alors s’imprime en l’entendement la similitude émanée immédiatement de Dieu pour produire des effets proportionnés à cette dignité ; et parfois cette similitude résulte des formes habituelles qui étaient en l’entendement, aidée de la lumière divine.

Il y a encore une très grande différence entre ces visions intellectuelles et les illuminations divines perceptibles. Pour l’ordinaire, en effet, lorsque le Seigneur fait cette faveur aux contemplatifs, c’est en leur illuminant la connaissance universelle que la foi leur présentait dans l’obscurité, et il leur donne une connaissance très lumineuse de Dieu, mais sur un mode qui reste universel et confus : manifestum est autem quod cognoscere aliquid in quo plura continentur sine hoc quod habeatur propria notitia uniuscujusque eorum quæ continentur in illo, est cognoscere aliquid sub confusione quadam446. Telle est la communication illuminée dont notre Mère sainte Thérèse déclare qu’elle est de théologie mystique pour en avoir eu l’expérience, et dont elle dit : « elle met l’âme en suspens, de telle sorte que tout semble se trouver en dehors d’elle. La volonté aime, la mémoire me semble presque perdue, l’entendement me semble ne pas discourir, mais sans se perdre, comme effrayé plutôt de l’abondance de ce qu’il comprend, car Dieu veut qu’il comprenne qu’il ne comprend rien de ce que Sa Majesté lui présente. » C’est ainsi que notre Mère nous a indiqué ce mode d’illumination intellectuelle, à la fois universel et pourtant confus, quoique très lumineux, par lequel Notre-Seigneur a coutume d’illuminer parfois la contemplation de ceux qu’il veut attacher davantage à sa connaissance et à son amour.

Un autre mode de vision intellectuelle plus relevé que celle-ci nous a été indiqué par saint Thomas en ces mots : Procedit enim sapientiae donum ad quamdam deiformem contemplationem et quodammodo explicitam articulorum, quæ fides sub quodam modo involuto tenet secundum humanum modum447. Autrement dit, ce que la foi nous présente sur notre mode humain des mystères divins, comme enveloppés d’obscurité, l’illumination du don de sagesse le dévoile en quelque sorte, pour nous découvrir au-dessus de notre mode humain et dans la contemplation absorbée en Dieu, ce que Dieu veut que nous voyions de l’intime de ces mystères. Telle est la contemplation divine que l’on appelle « contemplation de similitudes expresses », la plus relevée après la claire vision de l’essence divine, très semblable à celle qu’Adam possédait par privilège en l’état premier (Per aliquod spirituale lumen menti hominis influxum divinitus, quod erat quasi similitudo expressa lucis increatae, Deum videbat448.), semblable aussi à la contemplation naturelle des anges viateurs avant leur glorification, lesquels connaissaient par la beauté de leur nature (similitude expresse de Dieu) celle de leur créateur. À ce genre appartient une vision très relevée de notre Mère sainte Thérèse, celle où lui fut communiquée par similitudes expresses et distinctes le mystère de la Très Sainte Trinité en trois personnes et une seule essence, ainsi qu’elle le rapporte, et celle aussi que reçut notre vénérable Père Frère Jean de la Croix, où lui furent découvertes en un être simple et unique d’innombrables perfections divines, toutes donnant lumière et chaleur à son âme à la manière de lampes ardentes.

Cette sorte de vision divine, où la connaissance de quelque chose de particulier de Dieu est donné à l’âme par similitudes expresses, est la plus élevée qui soit en cette vie, et elle est donc très rare ; et comme elle est propre aux anges et ineffable pour nous, saint Denys dit qu’elle n’est accordée ici bas qu’à ceux qui ressemblent aux anges, tant pour la pureté que pour la contemplation : et licet nunc huius modi immissiones sint nobis ineffabiles et ignotae, inerunt tamen aliquibus hominibus, sed illis solis qui digni habiti sunt ipsis angelis, et sunt deiformes449. Aussi ne la trouvons-nous accordée à personne qui ne soit au degré de l’union transformée450 et en état de perfection, et il y a en elle du plus et du moins. En effet, plus la similitude est expresse, plus la vision est élevée et plus elle rapproche l’entendement de la connaissance particulière de Dieu ou de la perfection divine qu’elle présente : lumen profeticum magis in suo vigore percipitur quando secundum expressiorem similitudinem res profeticae demonstrantur451. En effet, même si l’ange est similitude expresse de Dieu, l’archange l’est davantage, et il en va de même des autres ordres davantage liés à Dieu ; et du séraphin suprême — qui est la similitude de Dieu la plus expresse parmi les anges — à l’original divin, la distance est infinie. Cela est très important à considérer, du fait de la facilité avec laquelle certains, pour indiquer chez les saints des illuminations qui n’atteignaient pas celles d’une similitude expresse de Dieu, se risquent tout de suite à affirmer une chose tellement niée dans les saintes lettres, à savoir la vision claire de l’essence divine, serait-elle pour un instant.

Ces visions en lesquelles il n’y a pas de danger introduisent donc une grande perfection en l’âme. Ce sont celles dont notre vénérable Père dit ceci : lorsque Dieu fera ces faveurs à l’âme, qu’elle ne s’y comporte pas de façon négative, comme dans les sensibles, mais qu’elle s’exerce en leur notice, car elles unissent l’âme à Dieu et éveillent grandement son amour, et elles sont comme des mines divines, pleines de grands biens spirituels.

En effet, dit saint Thomas, si chaque vision divine intellectuelle est comme un miroir divin, dans lequel l’entendement voit ce que Sa Majesté veut lui découvrir de l’un de ses mystères ou de l’un de ses attributs qu’il lui présente en elle, combien plus le sera cette vision si haute de similitudes expresses immédiatement émanées de Dieu ? Et comme le dit saint Denys au même propos, non in imaginibus sacre fictis formative figurant deificam similitudinem, sed ut vere Deo approximantes452 ! Telle est assurément l’incomparable excellence de ces similitudes expresses communiquées sur le mode des anges, comme ce même saint nous l’a dit il y a peu, à savoir que ce ne sont pas là des images mortes, telles que celles que nous fabriquons pieusement en notre imagination selon notre mode grossier, mais des images vivantes qui présentent la similitude de Dieu dont elles sont proches. Il en va comme des personnes que nous avons devant nous : il s’en forme en nos yeux des similitudes vivantes, qui non seulement nous les présentent fidèlement, mais qui nous présentent aussi leurs actions. De même pour ce dont nous parlons : l’entendement du contemplatif étant ainsi illuminé en son intellection pure, sans intermédiaire entre elle et Dieu (ce qui est la qualité requise par ce saint pour ces illuminations si relevées : quoniam secundum omnis intellectualis operationis quietem talis fit deificatarum mentium ad supremum lumen unitio453.), Sa Majesté imprime en lui ces similitudes expresses et formées sur le mode divin, similitudes du mystère et de celle de ses perfections qu’il veut lui communiquer. Et pour autant, ce même saint appelle une telle similitude pulchritudo formifica, c’est-à-dire « beauté formatrice » ; et de même que le soleil agit en ses rayons, le soleil divin agit en ces similitudes formées par lui de façon divine et expresse. C’est ce qu’expérimentait notre Mère sainte Thérèse en la vision de la bienheureuse Trinité rapportée plus haut, disant que les trois personnes divines présentes de cette manière lui parlaient et l’enseignaient. Et elle dit la même chose ailleurs en traitant de cette vision, ainsi que de la façon dont chacune des trois personnes divines lui départissait ses dons. Aussi la sainte appelle-t-elle très proprement cette vision « figure de la vérité ».

Saint Bernard et la Glose appliquent à ce genre de vision ces paroles du chapitre premier du Cantique des Cantiques : murenulas aureas faciemus tibi vermiculatas argento454; l’Esprit-Saint y introduit les anges, consolant l’âme transformée en lui par amour et avide de sa présence, lui disant : « l’or de la claire vision de l’essence divine, nous ne pouvons pas te le donner [puisque] selon l’état de cette vie, l’époux est comme endormi en l’âme de son épouse. Mais nous ferons pour toi des colliers ou des bijoux en imitation d’or, rehaussés des éclats de l’argent qui remplaceront la vue de l’or fin. » C’est-à-dire, comme saint Bernard le déclare en la Glose, « nous te présenterons des similitudes imitées de quelques éclats de l’illumination divine qui les rendront distinctes et expresses ». Les similitudes seront en imitation d’or, mais les éclats en seront d’argent fin. En effet, aussi hautes et expresses qu’elles soient, les similitudes sont des imitations, et elles sont infiniment éloignées de ce que leur original possède en propre ; mais la lumière est véritable et authentique, même si elle ne se découvre pas en toute sa clarté. Il résulte de ce passage que pour l’âme transformée en son amour, Dieu se comporte comme un prince absent envers son épouse : il lui envoie l’un de ses portraits pour occuper sa solitude en regardant la similitude de celui qu’elle aime. C’est ce qu’expérimentait notre sainte : comme les trois personnes divines étaient restées imprimées en son âme sur un mode si haut, présentes en des effets si pleins de faveurs, elle s’entretenait avec elles et jouissait d’elles pour atténuer les solitudes [dans lesquelles la tenait] son époux divin.

Chapitre 12 Du concept super-substantiel par lequel l’entendement doit avancer vers Dieu dans la contemplation pour que l’âme participe à ses perfections divines

C’est être bien loin de l’idée juste de la véritable contemplation, que de vouloir opposer ce qu’en a écrit notre vénérable Père et le passage de saint Thomas disant ceci : Intellectus non potest intelligere nisi quod fit actu per aliquam similitudinem rei intellectae per quam informatur intellectus ad intelligendum455. Nous acceptons bien cette proposition selon laquelle l’entendement ne peut s’exercer sans être informé de ce qu’il doit connaître par quelque similitude et image ; mais nous nions que dans la contemplation, l’entendement n’ait pas quelque image et concept de Dieu qui l’informe. Et saint Denys répond à cet argument de peu de poids qu’il y a deux façons de faire une image : soit en ajoutant quelque chose, comme dans la peinture, soit en retranchant quelque chose, comme dans la sculpture. Et il en va de même dans les choses spirituelles : parfois nous allons à Dieu sur le mode affirmatif en formant de lui quelque image de notre façon, et parfois nous allons vers lui par négation, dépouillant l’entendement de toutes les similitudes connues avec lesquelles il forme à sa façon grossière et limitée un concept de Dieu ; nous l’établissons alors en un autre concept supérieur à lui, dont le revêt la lumière de la foi reçue sur un mode simple et dans toute sa pureté. Tel est le concept par lequel l’entendement se présente à Dieu dans la contemplation. Cette façon d’aller à Dieu en niant tout ce que nous connaissons, saint Denys dit que les apôtres l’ont enseignée pour que nous parvenions à un concept de Dieu supérieur à celui que peut nous offrir le discours de la raison : propter quod Theologi nostri per negationes ascensum praehonoraverunt sicut exsuscitantem animam ab his quæ sunt ipsi connaturalia, et per omnes divinos intellectus pergentem, a quibus segregatum est quod est super omne nomen, et super omnem rationem et cognitionem. In ultimis autem totorum Deo conjugentes, inquantum nobis illi conjugi est possibile456.

Tel est donc le concept de Dieu que les apôtres nous enseignent à former, niant tout ce que nous connaissons parce que sans proportion avec sa grandeur, et établissant l’entendement par la lumière de la foi au-dessus des choses créées les plus hautes, en une immensité et une incompréhensibilité de sa grandeur et perfection, au-dessus de toute raison et connaissance de quoi que ce soit de créé. C’est ce même concept négatif que saint Thomas nous recommande dans la contemplation, lorsqu’il dit : « Dans l’état de cette vie, nous allons mieux à Dieu en connaissant [ce] qu’il n’est pas, qu’en comprenant ce qu’il est. Aussi, pour avancer vers la contemplation, l’entendement doit abandonner non seulement les similitudes de l’imagination, mais aussi les formes spirituelles, comme l’enseigne saint Denys. » Tout cela est de saint Thomas. Ailleurs, il dit la même chose, d’une manière qui convient davantage à notre propos, par ces mots : « l’entendement entre dans les réalités spirituelles par l’un de ces deux chemins : le premier est par négation, éloignant des réalités spirituelles toutes les similitudes corporelles, et c’est ce qu’il lui faut faire dans la contemplation divine en cette vie, quia in hoc perficitur cognitio humana secundum statum viae, ut intelligamus Deum ab omnibus separatum super omnia esse, et ad hoc pervenit Moyses qui dicitur intrasse ad caliginem in qua Deus erat457 ; ce qui veut dire que la connaissance que nous pouvons avoir de Dieu en cette vie est parfaite, quand nous parvenons à connaître en pratique que Dieu est une déité supérieure à toutes les réalités et séparée d’elles ; et Moïse parvint à cette connaissance lorsqu’il entra dans la nuée où Dieu se tenait. Le second chemin est par affirmation, l’entendement posant la vue de l’intellect sur les réalités spirituelles et divines. Mais cela n’est pas possible en cette vie où nous ne pouvons pas les voir en elles-mêmes, et notre contemplation doit donc actuellement se faire par le premier chemin, celui de la négation.

Cette doctrine de saint Thomas nous fournit non seulement la véritable solution de l’argument de Votre Paternité, mais aussi une indication pratique pour savoir quand le moment sera venu pour l’entendement d’avancer vers Dieu par la voie affective, délaissant d’appliquer l’intention de l’âme à la connaissance et à ses propres réflexions, que ce soit pour former à sa façon un concept de Dieu, ou pour reconnaître son acte simple. En effet, en ayant expérimenté en pratique que Dieu est une perfection supérieure à toutes les perfections, qu’il est une excellence élevée au-dessus de toutes les réalités au point qu’il les laisse toutes au-dessous de lui et séparées de lui, qu’il est ineffable et incompréhensible au point qu’aucune comparaison ni aucun discours ne permet de le connaître en cette vie tel qu’il est, l’entendement est parvenu à la connaissance parfaite qu’il peut avoir de Dieu sur cette terre, et il a formé cette très belle image et ce concept supersubstantiel de Dieu qui convient à sa grandeur, retranchant de lui toutes les réalités et plaçant au-dessus d’elles toute son excellence et sa grandeur : Hoc enim est vere videre et cognoscere Deum, et supersubstantialem supersubstantialiter laudare per omnium entium ablationem quemadmodum per se naturale agalma facientes, et ipsam in se ipsa ablatione sola ocultam manifestantes pulchritudinem458. Le vénérable Hugues [de Saint-Victor] déclare à propos de ce concept, que tout en étant encore une image, elle représente si exactement la vérité, qu’on peut la prendre pour la vérité même ; car en dehors d’elle, il n’y en a pas d’autre qui la montrerait plus expressément.

Une fois que ce concept supersubstantiel et très élevé de Dieu est établi en l’entendement, le contemplatif étant persuadé que sa beauté et sa perfection dépassent tout ce qu’il peut connaître ici-bas (en effet, il peut seulement saisir qu’il est supérieur et transcendant à toutes les substances créées, et cela avec une distance infinie), il n’a plus à se fatiguer davantage dans la recherche d’une plus grande connaissance de Dieu ; et ce concept une fois solidement formé, il n’a plus d’ordinaire à le reconnaître, mais à chercher à aimer ce qu’il ne peut connaître en y appliquant l’intention et la force de l’âme. C’est ce que nous recommande saint Thomas lorsqu’il dit ceci à propos des contemplatifs parvenus à ce stade : principalis eorum cura et studium jam circa hoc maxime versatur, ut Deo inhaerant459. C’est-à-dire que leur principal souci et leur application n’est plus d’acquérir purement la connaissance de Dieu, mais de s’unir à lui. En effet, comme nous l’avons déjà vu ailleurs, dès l’état de cette vie nous pouvons l’aimer et nous unir à lui selon son essence, mais nous ne pouvons pas le connaître de cette manière. Or, la connaissance surnaturelle et infuse est nécessaire à l’amour surnaturel et gratuit, et l’entendement doit la recevoir en se dépouillant de toutes les similitudes de la connaissance naturelle, ainsi que nous le verrons au chapitre suivant. Voilà pourquoi les saints nous recommandent tant de nous séparer d’elles toutes pour aller à Dieu avec la seule lumière simple de la foi : c’est elle qui proportionne l’entendement pour qu’il reçoive les dons de l’illumination divine et participe à Dieu en lui-même, participation à laquelle s’ordonnent tous les exercices des contemplatifs. C’est une règle générale que Dieu a mise en la nature des choses, comme le montre saint Thomas, que pour être élevé à ce qui dépasse sa faculté naturelle, il faut s’y disposer d’une façon qui dépasse sa nature. Aussi, pour parvenir à recevoir de Dieu dans la contemplation les dons surnaturels de son illumination et de son action (par lesquels il nous rend participants de sa divinité, et cela dépasse tellement toutes les ressources de la nature humaine), il faut nous disposer par la lumière de la foi, laquelle est surnaturelle elle aussi quant à son habitus, quoique son exercice nous soit concédé selon notre mode humain. C’est ainsi que les choses se proportionnent à la fin à laquelle elles s’ordonnent.

Ce raccourci de la perfection chrétienne, si peu pratiqué par les contemplatifs, par lequel l’âme va sans empêchements ni détours participer à Dieu et à ses perfections divines telles qu’elles sont en elles-mêmes, saint Denys nous l’enseigne par ces mots : « Nous nous unissons aux réalités mystiques et secrètes, telles que les réalités divines, selon la lumière que Dieu nous donne dans la foi en une opération supra-intellectuelle. En effet, ce n’est qu’en y participant que nous connaissons toutes les réalités divines qui peuvent nous être manifestées en cette vie, car selon leur principe et leur situation propres, elles sont au-dessus de tout ce que l’entendement peut atteindre ici-bas, et au-dessus de toute substance et connaissance. Aussi, pour pouvoir participer à ce que nous ne pouvons connaître, nous nous enfonçons en Dieu, en négation et quiétude de toutes les opérations intellectuelles actives et de toutes les similitudes de leur connaissance naturelle ; en effet, rien n’est assez divinisé ni aucune substance n’est assez parfaite, que cela puisse être comparé à la cause suprême et séparée des autres, et il y là une distance infinie. »

Voilà ce que dit saint Denys au sujet de ce chemin court et sans détour pour que l’âme parvienne vite dans l’oraison mentale à participer à Dieu tel qu’il est en lui-même, ce qui en constitue la perfection. Et en expliquant ce passage, saint Thomas nous dit que l’entendement se trouve en opération superintellectuelle lorsqu’il se dépouille de toutes les réalités qu’il peut connaître par sa lumière naturelle en cette vie, lesquelles sont toutes inférieures à lui, et qu’il s’élève à la connaissance des réalités divines telles qu’elles sont en elles-mêmes et comme la foi les présente : alors il se trouve en opération superintellectuelle au-dessus de lui-même et participe à ces réalités mêmes, secundum quod divina in ipso intellectu participantur : prout scilicet intellectus noster participat intellectualem virtutem et divinae sapientiae lumen460. C’est-à-dire qu’en demeurant proportionné à l’illumination divine par la lumière simple de la foi (qui va de pair avec la lumière du don de sagesse qui va éclairer ce que la foi présente en obscurité), non seulement l’entendement participe à l’éclat de cette lumière divine, mais [cette illumination] passe aussi à la volonté en lui donnant la saveur des choses divines que la foi lui a présentées. En effet, cette illumination instruit l’entendement de façon telle, qu’elle passe toujours à donner saveur et amour à l’affection, comme l’expliquent les saints, et c’est cela mettre l’âme en participation de Dieu. Et l’on verra ici combien se trouve fondée en théologie mystique et scolastique cette règle générale que saint Bonaventure donne aux contemplatifs, lorsqu’il dit : quoties ergo superintellectualiter exercemur ad divinum radium, toties opus est ut resecemus intellectuales operationes, ut docet divus Dionisius, et similiter creaturarum similitudines : quia intellectuales operationes et formae in exercitio superintellectuali reputantur umbrae et offendicula461. C’est-à-dire que toutes les fois que le contemplatif veut se mettre à participer super-intellectuellement à l’illumination divine, il lui faut retrancher les opérations intellectuelles mues par la raison, comme l’enseigne saint Denys, ainsi que les similitudes des créatures par lesquelles ces opérations procèdent, car les unes comme les autres sont obstacles et ombres en cette participation et en cette illumination super-intellectuelle.



Chapitre 13 Qu’en la contemplation quiète que les mystiques appellent « passive », l’âme a une opération propre, en l’entendement comme en la volonté

Votre Paternité apporte un autre argument contre la contemplation de notre vénérable Père en disant ceci : conseiller que l’entendement demeure en opération passive dans l’oraison mentale, cela sent la doctrine des Alumbrados, car c’est lui dire de demeurer totalement oisif et sans acte propre. Ce n’est pas que cet argument porte de grandes difficultés, mais les maîtres en ces matières en ont peu traité, car ce n’est pas là une façon neuve de parler en toute rigueur scolastique, et elle est utilisée par Aristote, saint Denys et saint Thomas, princes de la bonne philosophie, de la théologie mystique et de là scolastique. En effet, si les puissances qui sont mues par d’autres sont dites très proprement « passives », cette motion sera dite « passive » tout aussi proprement. Et c’est en ce sens qu’Aristote a dit quod intelligere pati quoddam est462. Et c’est dans le même sens que l’on appelle « pâtir » le fait de recevoir connaissance et amour en ces puissances passives, que la motion soit naturelle ou surnaturelle, ainsi que saint Thomas l’établit à notre propos : sicut enim in cognitione naturali intellectus possibilis patitur ex lumine intellectus agentis, ita et in cognitioni supernaturali intellectus humanus patitur ex illustratione divinae luminis463. Et saint Denys aussi a utilisé cette manière de parler au sujet des dons reçus dans la contemplation, lorsqu’il disait du divin Iérothée qu’il était non solum discens, sed et patiens divina ex quadam docta inspiratione464. Autrement dit, il avançait dans les choses divines non seulement par sa connaissance et son opération active, mais aussi par son opération passive mue par Dieu grâce à son inspiration intérieure.

Et si l’âme est mue par Dieu dans la contemplation et reçoit ses mouvements sur un mode passif, il ne faut pas en inférer qu’elle ne possède pas pour autant son opération propre ; c’est le contraire qui est vrai, comme saint Thomas l’explique par ces mots : Considerandum tamen, quod si virtus quæ est actionis principium ab alia superiori virtute moveatur, operatio ab ipsa procedens non solum est actio, sed etiam passio, in quantum scilicet procedit a virtute, quæ a superiori movetur465. Si bien que nous en tirons ceci : l’acte mû possède l’opération propre de celui qui le reçoit, et si saint Thomas établit que cela est vrai chez les instruments inanimés mus par l’artisan, combien plus chez ceux qui sont vivants et mus par Dieu ! Il vérifie cela dans l’exemple de la scie : elle opère sous la motion de l’artisan, et en cette opération, elle se dépasse elle-même, avançant sous sa guide en une ligne droite conforme à son art ; mais elle a aussi son opération propre par laquelle elle coupe le bois. Et cela se trouve de façon plus parfaite en l’âme mue par Dieu, recevant l’opération de l’artisan divin dans les actes vitaux de l’entendement et de la volonté qui sont des instruments vivants et animés ; et l’âme concourt avec l’Esprit-Saint en cette motion, et son concours n’est pas seulement physique, mais aussi moral. Et comme une cause s’estime davantage par sa forme que par sa matière, et davantage par celui qui opère que par celui qui reçoit l’opération, comme Dieu est ici l’agent principal et l’âme la matière qui reçoit la forme divine, l’opération de celle-ci s’appelle plus proprement « passive » qu’« active ».

Puisqu’il en est ainsi, l’Apôtre établit comme qualité nécessaire à la contemplation véritable quant aux dons de la lumière divine, qu’elle aille à eux mue par Dieu, a claritate in claritatem tamquam a Domini Spiritu466. En effet, de sa motion propre, l’âme ne peut pas se mouvoir elle-même pour les effets surnaturels auxquels la contemplation est ordonnée, comme saint Thomas l’établit à notre propos, mais il lui faut pour cela être mue par Dieu : sed formae quæ proveniunt ab agente supernaturali, quod est Deus, excedunt facultatem naturae recipientis467. Et si nous demandons à saint Denys quel est le moment auquel le contemplatif se trouve disposé pour cette motion, il nous répondra ceci : quando post omnis mentis actionis cessationem mentium divino lumine permotarum ejusmodi fit cum divina luce conjunctio468. Autrement dit, lorsque l’âme cesse toute son opération active mue par la raison et la lumière naturelle, et qu’elle s’unit par la lumière de la foi aux rayons de l’illumination divine, celle-ci meut alors ses puissances pour qu’elle s’élève d’une clarté à une autre ; et sans cette disposition, l’âme ne sera pas mue sur un mode surnaturel. Et parce que ce point est très essentiel en matière de contemplation, et que Votre Paternité trébuche bien souvent dans les accusations injustes qu’elle porte à la doctrine de notre vénérable Père, il sera nécessaire de le mettre dans la balance fidèle de la bonne philosophie et de la théologie scolastique, afin d’y ajuster de façon ordonnée l’exercice de la doctrine mystique.

Si nous consultons pour cela saint Thomas, référence absolue dans ces deux matières, il formule cet argument en notre faveur : il est impossible qu’un même sujet reçoive sa perfection de plusieurs formes à la fois, appartenant à un même genre et à des espèces différentes, tout comme il est impossible qu’un même corps soit représenté au même moment sous plusieurs figures. Mais comme toutes les similitudes intelligibles appartiennent à un même genre, puisqu’elles sont des perfections d’une [seule] puissance intellectuelle (même si les choses dont elles sont les similitudes appartiennent à des genres différents), il est impossible qu’un même entendement reçoive sa perfection de plusieurs similitudes intellectuelles à la fois pour comprendre actuellement plusieurs choses. Appliquons donc ce fondement solide à notre propos ; comme saint Thomas le déclare ailleurs, il y a une très grande différence entre les formes suivantes : d’une part, la lumière naturelle et les similitudes empruntées aux créatures que nous connaissons et dont elle revêt l’entendement ; d’autre part, la connaissance que nous donne la lumière simple de la foi empruntée au créateur lui-même. En effet, par celles-là l’entendement se tient au-dessous de lui-même, et par celle-ci il est élevé au-dessus de lui-même, si bien qu’il est impossible que l’entendement soit au même moment informé par ces deux formes pour connaître actuellement. Au contraire, du fait même qu’il ne veut pas se dépouiller des similitudes de la lumière naturelle, même s’il s’agit de monter par elles à Dieu tel qu’il est représenté sur notre mode distinct, il ne veut pas ouvrir la porte à l’illumination surnaturelle très simple, ainsi que saint Denys l’établit à ce propos de façon très détaillée.

À partir de là, on verra combien était fondé ce que disait saint Grégoire : l’action de la lumière divine ne peut pas être supportée dans l’entendement en même temps que les similitudes des choses corporelles, et la lumière invisible ne peut pas y être reçue tant qu’il s’occupe de la connaissance des choses visibles : neque enim cum corporearum rerum imaginibus illa se infusio incorporeae lucis capit : quia dum visibilia cogitantur, lumen invisibile ad mentem non admittitur469. On en déduira aussi le fondement de cette lettre si obscure que saint Denys écrivit à un maître de nos aînés, lui demandant si l’entendement pouvait à la fois s’exercer en la connaissance naturelle et recevoir l’illumination divine. Voici sa réponse : les similitudes de la lumière naturelle occultent et recouvrent la lumière divine, et parce qu’elle excède l’entendement, on appelle celle-ci « obscurité » (et cela vaut d’autant plus que ces similitudes sont nombreuses) ; et la connaissance de la raison brouille la connaissance surnaturelle, et ce même excès fait qu’on l’appelle « ignorance ». Et dans tout le reste de cette lettre, il prouve l’incompatibilité de ces deux lumières. Et même si dans le premier chapitre de la Théologie Mystique, saint Denys charge son condisciple saint Timothée de cacher cette doctrine à ceux qui ne savent contempler Dieu que par les similitudes des choses corporelles, dans cette lettre, comme il parle à des religieux contemplatifs, il charge leur maître de publier cette doctrine comme véritable pour les gens qui savent chercher Dieu par la connaissance qu’il nous a donnée pour que nous le trouvions.

À partir de là, on verra avec quelle propriété de termes s’exprimait un célèbre commentateur de saint Denys lorsqu’il disait ceci : l’illumination divine se reçoit par-dessus la privation et la négation de la connaissance actuelle des choses distinctes, et cette privation est la disposition prochaine à la réception de la lumière divine, tout comme le fait d’ouvrir la fenêtre aux rayons du soleil qui la frappent est la disposition prochaine à ce qu’il entre pour éclairer et réchauffer la maison (quia haec illuminatio est super privationem actualis cognitionis et comprehensionis, quæ est proxima aptitudo in susceptionem superlucidi luminis470). Aussi faut-il tenir pour certaine cette règle générale de saint Denys que l’on a rapportée ailleurs : l’exercice de la véritable contemplation en vue de recevoir l’illumination divine et ses effets, doit être en quiétude de toutes les opérations intellectuelles qui procèdent de la raison et de la lumière naturelle, sous la seule lumière simple de la foi qui y proportionne l’entendement : Sedantes nostras intellectuales operationes, ad supersubstantialem radium, secundum quod fas est, nos immittimus 471. C’est là pour l’âme demeurer en la disposition requise pour recevoir sans obstacle l’opération de Dieu en elle, laquelle, comme dit l’Apôtre, la réformera à la ressemblance de sa clarté.



Chapitre 14 Combien les saints ont conseillé la continuité ininterrompue de l’acte simple de la contemplation pour en recevoir les effets.

Alors que notre vénérable Père recommande la continuité de l’acte de contemplation, Votre Paternité s’y oppose en disant qu’il ne peut être ni très durable, ni continu en cette vie, mais bien interrompu par de nouvelles considérations. Cet argument ne nous est pas un obstacle, pas plus que le passage de saint Thomas par lequel Votre Paternité prétend le prouver, et que voici : Nulla actio potest diu durare in sui summo472. En effet, saint Thomas ajoute aussitôt : summum autem contemplationis est, ut attingat ad uniformitatem divinae contemplationis. Unde et si quantum ad hoc contemplatio diu durare non possit, tamen quantum ad alios contemplationis actus potest diu durare473. Bien loin de contredire la doctrine de notre vénérable Père, ces paroles la confirmeraient plutôt ! Certes, l’acte suprême de la contemplation (qui est l’union de l’âme à Dieu et le sommet de la vie contemplative) ne peut pas durer longtemps en cette vie, pour la raison donnée par saint Grégoire ; les plus illuminés en font l’expérience, et s’il se prolonge beaucoup, l’acte de l’union durera une demi-heure, l’âme jouissant d’autres communications divines le reste du temps de son ravissement. Mais pour ce qui est de ses autres actes, le Docteur Angélique dit que la contemplation peut être durable, et dans le corps de l’article, il le confirme ainsi : dans l’acte de la contemplation, ce n’est pas le corps qui travaille, mais c’est l’esprit qui s’exerce. Aussi pouvons-nous nous appuyer sur lui de façon continue, mieux que dans les exercices corporels (Unde magis in hujusmodi operibus continue persistere possumus.474) ; et il prouve cela avec l’autorité d’Aristote.

Pour autant, saint Denys nous recommande en de nombreux passages de ses livres la continuité de l’acte de la contemplation en la lumière simple de foi. En l’un d’entre eux auquel nous avons déjà fait allusion, il dit d’abord qu’il nous faut nous unir aux réalités divines par la lumière de la foi, ineffablement et sans les connaître, union supérieure à celle de notre raison et de notre lumière naturelle. Reprenant à peine plus loin ces expressions de « [union] supérieure de la foi » et « [union] inférieure de notre raison », il ajoute ceci à notre propos : « au moyen de ses illuminations, Dieu se communique avec douceur aux contemplatifs, et il élève à sa contemplation et à sa ressemblance ceux qui savent se disposer à les recevoir en demeurant de manière stable en l’acte simple et intellectuel de la foi, exposés à la lumière divine : c’est d’elle que les âmes saintes reçoivent la communication et l’illumination de Dieu, sans s’abaisser aux actes distincts de la raison et de la lumière naturelle, ce qui serait une union impropre aux réalités divines. » (Bonum universale non est incommunicabile, sed in seipso singulariter supersubstantiale collocans radium uniuscujusque existentium, proportionabilibus illuminationibus benigne superapparet, et ad possibilem ipsius contemplationem et communicationem et assimilationem extendit sanctas mentes, quæ ipsi, sicut et fas, et ut decet sanctos, se immitunt, et neque ad inferius ex subjectione ad pejus prolabuntur, sed firme et indeclinabiliter ad radium ipsius supersplendentem extenduntur.475)

Saint Denys nous ordonne la même chose là où il explique les qualités par lesquelles ces substances angéliques très hautes que l’on appelle « Trônes divins » reçoivent Dieu en elles — et les saints disent que les véritables contemplatifs doivent les imiter, comme on l’a déjà vu. Voici ce qu’il dit alors à notre propos : quodque ad superiora divino studio fertur, nec in infimis ullis rebus habitat, sed totis viribus in eo qui vere summus est immobiliter firmiterque haeret, divinumque adventum sine ulla motione atque materia recipit476. C’est-à-dire que le nom de « Trône » signifie la disposition qu’il faut avoir pour recevoir Dieu en soi : il faut se tenir au-dessus des choses basses, demeurer de toutes ses forces stable et immobile auprès de la grandeur suprême, et recevoir Dieu en quiétude simple. À ce sujet, voici ce que saint Thomas reproche très vivement aux contemplatifs : alors que leurs âmes sont les trônes de Dieu et qu’ils pourraient jouir de lui en quiétude simple en tant qu’il est présent, ils vont le chercher par des actes sans quiétude en tant qu’il est absent.

Et celui qui se présente devant Dieu de cette manière ne doit pas croire que cet acte continu est moins efficace que les actes interrompus, sous prétexte qu’il ne perçoit pas les effets que produit en son âme l’illumination et l’action divine indistincte et très simple, et cela pour les raisons exposées ailleurs. Au contraire, la continuation de l’acte en augmente l’effet, comme saint Thomas l’établit par l’exemple du feu : on se réchauffe d’autant plus que l’on s’en approche de façon continue (Actio continuata alicujus agentis auget effectum : sicut quanto aliquis diutius appropinquat igni magis calefit477.). Ainsi, plus l’esprit du contemplatif demeure de façon continue en l’acte de l’intellection pure, acte d’où il reçoit à porte ouverte les rayons du soleil divin, plus il participera à ses effets en son entendement et en sa volonté, vu que le propre de chaque puissance est de recevoir force et perfection de sa conjonction avec celui qui la meut478. Il en va ici comme des anges inférieurs : ils reçoivent force et illumination des anges supérieurs par la conjonction de leur entendement avec eux, tout comme les supérieurs par rapport à Dieu du fait de leur conjonction avec lui. Les grands philosophes païens ont entrevu, grâce à la lumière naturelle, cette perfection de l’entendement conjoint à Dieu de cette manière ; et pour autant, ils ont placé la félicité de l’esprit rationnel dans la conjonction de l’entendement avec l’intelligence suprême qui est Dieu, pour qu’il en reçoive son illumination et son action. Pour la créature, c’est là se joindre à son principe, avec une félicité commencée dès l’état de cette vie.

Cependant, ce n’est pas parce que les saints ont recommandé cette conjonction aux contemplatifs, qu’il faut croire qu’ils n’ont pas à souffrir de très fréquentes distractions dans la contemplation. Celles-ci viennent parfois du démon, qui travaille beaucoup à nous arracher à cette quiétude intime où Dieu se communique à nous à porte ouverte. D’autre fois, elles viennent de la raison : elle aime reconnaître tout ce qui se passe en l’âme ; mais comme cette communication ne fait que passer, elle réclame à l’entendement les actes distincts où elle peut s’exercer. D’autres fois, elles viennent des passions désordonnées qui attirent l’âme à leur objet. Et lorsque tout cela fait défaut, le poids même de la nature corruptible abaisse par moment l’esprit aux choses visibles et matérielles, particulièrement tant que les esprits ne sont pas purifiés de leurs imperfections. Et pour autant, saint Grégoire compare la contemplation commune de cette vie au vol des sauterelles qui s’élèvent un peu au-dessus de terre pour bien vite y retourner et s’y abattre. Toutefois, le contemplatif désireux de progresser doit suppléer par son application et son travail aux défauts de la nature imparfaite, retournant à l’acte simple de la contemplation dès qu’il sent qu’il en est distrait. Il doit faire comme celui qui se chauffe au soleil et devant qui l’on pose quelque chose, s’employant aussitôt à enlever cet empêchement pour jouir des bienfaits du soleil.

Et non seulement pour progresser dans l’oraison, mais aussi pour que l’entendement y demeure de façon plus continue sans distractions, l’acte supérieur de celui-ci, à savoir l’intellection simple qui vise Dieu en tant qu’essence divine universelle renfermant en elle des perfections infinies, est plus approprié que la visée de quelque similitude de perfection particulière. En effet, Dieu étant l’objet propre de l’entendement, il trouve en lui son repos et sa quiétude, et tant qu’il ne parvient pas à se reposer en ce tout pour lequel il fut créé, ses actes ne peuvent être très continus, comme saint Thomas l’affirme au même propos.

De tout cela, voici ce qu’il faut retenir : plus l’acte universel de la contemplation est continu et ininterrompu, plus il est parfait et efficace et plus notre contemplation se met à ressembler à celle des anges. Celle-ci ne s’exerce pas en des mouvements interrompus, mais en une intellection continuée de Dieu, non motu aliquo, sed intelligentia 479. Et si la contemplation devait être interrompue quant à la continuité de son exercice, du fait de la faiblesse de notre corps corruptible ou bien des nombreux ennemis que la contemplation véritable rencontre en cette vie, que le contemplatif zélé fasse en sorte qu’elle ne le soit pas quant à l’intention et au désir continué de se présenter ainsi à Dieu, car c’est cela que Sa Majesté considère dans nos œuvres.

Chapitre 15 Comme il convient de varier l’oraison avec profit, et sans empêcher les principaux effets de l’illumination divine

La doctrine de contemplation enseignée par notre vénérable Père, ne trouve pas non plus d’obstacle en l’objection de Votre Paternité, selon laquelle il y ôterait la considération. En effet, ni lui dans ses écrits, ni les saints dans les leurs, n’ôtent la considération à ceux qui sont déjà contemplatifs, mais seulement la quête et le discours de la raison. Il faut ici faire attention : à proprement parler, il y a pour notre propos une très grande différence entre ces deux choses, même si, d’une manière générale, et approximative, on appelle « considération » n’importe quelle opération de l’entendement. C’est ce que saint Thomas explique, en disant que si la quête et le discours appartiennent à la raison, la considération appartient à l’entendement lorsqu’il vise sans discours la vérité des choses. Aussi saint Denys, expliqué par saint Thomas encore, établit-il trois degrés de connaissance par lesquels les contemplatifs s’élèvent vers l’union à Dieu : le premier est la quête et le discours, par lesquels la raison recherche la nature des choses ; le second vient lorsque la multiplicité et la non-quiétude de la raison se réduisent à l’unité et à la simplicité de la pureté intellectuelle, et c’est proprement cela la considération, tout comme le degré précédent était la quête. Le troisième degré vient lorsque le contemplatif, grâce à cette simplicité intellectuelle illuminée de la lumière de la foi et des dons de l’Esprit-Saint, provenit anima iuxta proprietatem suam, via et ordine ad eam quæ est super intellectum unitionem480. Autrement dit, grâce à cette simplicité intellectuelle, comme par un chemin royal et de façon appropriée à sa nature spirituelle, l’âme avance jusqu’à l’union à Dieu qui se fait en lumière divine, au-dessus de tous les actes de l’entendement mus par la raison et la lumière naturelle.

Donc, parmi ces trois manières de connaissances, les saints n’ôtent que la première dans la contemplation. En effet, même si le second degré, la considération simple qui procède des actes de la raison, n’est pas proprement celui qui donne un fondement à la contemplation parfaite, celle-ci s’en sert quand même lorsque la discrétion et les occupations bien réglées de l’âme le demandent, ainsi que nous l’expliquerons plus loin. Ceci admis, lorsque l’entendement se trouve élevé au-dessus de lui-même en l’acte d’intellection pure, sans intermédiaire entre lui et Dieu, guidé de la lumière de la foi et recevant à leur source les rayons du soleil divin, il se trouve en considération ; et cela non pas n’importe comment, mais en une considération proportionnée à la grandeur suprême de celui qu’il vise et adore, et alors s’accomplit en lui ce que dit saint Denys : Hoc enim est vere videre et cognoscere, et supersubstantialem supersubstantialiter laudare per omnium entium ablationem481. Autrement dit, par ce mode de contempler en lumière simple de foi et en négation de toutes les similitudes de choses créées, l’entendement connaît et contemple Dieu véritablement ; et il le considère alors selon le mode de sa grandeur, donnant sa louange de façon supersubstantielle à ce qui est supersubstantiel. Cette négation, l’entendement ne peut la posséder dans la quête et le discours de la raison, et elle n’est pas non plus compatible avec l’illumination divine à laquelle la contemplation dispose l’entendement. En effet, l’acte de la raison n’est pas autre chose que l’entendement voilé (cum ratio sit quidam intellectus obumbratus482.). Aussi, pour ce qui est des dons de la lumière divine, la raison produit en l’entendement, du fait des similitudes sensibles par lesquelles elle chemine, le même effet que le brouillard sur la terre, laquelle doit recevoir les rayons du soleil pour fructifier ; et c’est pourquoi l’entendement repousse loin de lui tous ces nuages et s’élève au-dessus d’eux pour recevoir la lumière divine en sa pureté dans l’intellection simple, de telle sorte que l’âme fructifie divinement.

Appliquant donc à notre propos ce que l’on vient de rapporter, notre vénérable Père n’ôte dans l’acte de la contemplation simple que la première de ces trois connaissances expliquées par ces saints : le discours de la raison. En effet, il dit que pour passer à la contemplation, l’âme doit avoir acquis l’habitus de la méditation, c’est-à-dire que son entendement doit avoir acquis en lui les notices utiles qu’il aura pu retirer de la méditation. En disant cela, il recommandait la considération des choses à travers lesquelles la raison discourt : l’entendement en recueille la substance déjà spiritualisée, afin de s’en servir dans la contemplation sans avoir besoin de demander de nouveau ces notices à l’imagination. C’est à cela que sert l’habitus de la méditation que l’entendement retire des discours, ces notices étant comme une quintessence passée et purifiée à travers de nombreux alambics, de quelque manière déjà spiritualisée et d’autant plus efficace en ses effets que cette notice et cette similitude est spirituelle et abstraite, ainsi que le déclare saint Thomas : Res tanto perfectius apprehenditur per aliquam similitudinem, quanto similitudo est magis immaterialis et abstracta483.

La seconde considération, celle qui se fait en lumière surnaturelle, notre vénérable Père la recommande aussi, rappelant si souvent au contemplatif de se présenter à Dieu en attention simple et amoureuse dans la lumière de la foi. En effet, c’est sur elle que se fonde la véritable contemplation, car l’entendement aidé de l’illumination surnaturelle, est élevé à une connaissance des réalités divines plus haute que celle qu’il pourrait atteindre par son discours. Et même les notices qui procèdent du discours de la raison sont alors illuminées, parce que l’entendement en fait alors une évaluation meilleure que celle due à sa propre industrie.

Ainsi donc, puisque ces notices simples et déjà spiritualisées sont compatibles avec l’acte de la contemplation, elles n’en sont pas exclues, pour peu qu’elles soient utilisées dans les moments et les circonstances recommandés par les saints ; et par elles, l’oraison peut varier, afin que nous ne soyons pas dégoûtés de manger toujours la même nourriture, et cela tant que nous ne pourrons pas voir Dieu à découvert, pour qu’il nous paraisse alors toujours nouveau. Saint Denys nous a donné là-dessus une excellente doctrine, expliquant par ces mots la manière de nous comporter envers Dieu dans l’oraison : Non sicut trahentes ubique presentem et nusquam virtutem, sed sicut divinis memoriationibus et invocationibus nos ipsos ipsi tradentes et unientes484. Ce qui veut dire ceci : Dieu est une vertu infinie, présente partout de façon invisible et non connue de nous, sinon par la foi, et présente nulle part de façon visible et connue ; aussi n’avons-nous pas à nous comporter dans l’oraison comme qui l’attirerait à soi, puisque l’âme le possède en elle-même, mais comme qui se livre à lui comme à son principe, s’aidant pour cela de notices de la mémoire485 et de paroles divines. Voilà ce que dit saint Denys, excluant tous les exercices non quiets par lesquels l’entendement et la raison cherchent Dieu en tant qu’absent afin de l’attirer à soi ; et il nous y recommande les moyens simples qui peuvent aider la volonté livrée à Dieu en tant que présent, pour qu’elle s’unisse à lui plus intimement, par exemple les notices simples de la mémoire et les paroles amoureuses.

Le vénérable Richard de Saint-Victor nous enseigne l’exercice pratique correspondant à ces notices (qui sont celles que l’entendement a en lui, déjà recueillies et spiritualisées) ; voici ce qu’il en dit : « pour l’âme, entrer avec son Bien-aimé en sa chambre, y demeurer seul à seul et jouir de sa douceur, ce n’est pas autre chose que d’oublier toutes les choses extérieures et prendre ses délices en son amour, complètement et intimement. L’âme se trouve seule avec son Bien-aimé, en oubli de toutes les choses extérieures, lorsque son désir, éloigné de se considérer elle-même, s’éveille en l’amour de celui qu’elle chérit, lorsqu’elle enflamme son esprit en cette affection par les notices qu’elle considère en son intime, et lorsqu’elle s’élève à l’exercice de l’action de grâce par la considération des choses bonnes comme par celle des choses mauvaises ; et tantôt pour la grâce reçue, tantôt pour la faute pardonnée, elle offre alors les victimes de la dévotion intime. » Par ces paroles d’un si grand maître, que l’on comprenne donc comment ces notices simples de la mémoire qui procèdent du discours de la raison s’accordent à l’acte de la contemplation. En effet, de s’y exercer n’empêche pas l’âme de demeurer seule avec son bien-aimé ; mais il faut que leur présentation ne fasse pas perdre de vue l’objet principal de la contemplation, c’est à dire ce tout de l’essence divine que l’entendement vise en son acte universel : il s’agit donc de viser les parties d’un tout, comme on l’expliquera au chapitre suivant. L’une ou l’autre de ces notices remplissant son office, qui est de donner à l’âme un motif d’amour ou d’action de grâce, celle-ci doit appliquer son intention à l’affection pour mieux profiter de ce nouveau bénéfice et l’éloigner de la connaissance. En effet, ajoute ce même auteur, le Bien-aimé parvient au plus intime et s’établit au meilleur endroit lorsqu’il est aimé d’affection intime, une fois abandonnées toutes les notices particulières de la mémoire.

Quant aux paroles amoureuses, le second des moyens signalés ici par saint Denys pour qu’on l’emploie dans la contemplation, non seulement les autres saints les recommandent, mais ils en rapportent aussi de grandes excellences. C’est là l’exercice propre de la contemplation affective, dans lequel l’esprit est appliqué non pas à la connaissance, mais à l’affection ; pour autant, saint Thomas dit que ces paroles intérieures appartiennent à l’amour intime, et il en explique au passage une incomparable excellence par ces mots : « A la parole intérieure correspond l’amour intime, et c’est pourquoi je dis que le Verbe divin, parole du Père, est semblable, selon la génération éternelle, à la parole mentale ; en effet, tout comme l’Esprit-Saint procède du Verbe éternel en même temps que du Père, l’amour procède de la parole intérieure. (Verbo mentali respondet spiritus amoris intimi. Unde dico quod Verbum secundum generationem aeternam est simile verbo mentali : et ideo a Verbo procedit Spiritus, sicut a verbo mentali amor.) » Sur le même sujet, le vénérable Hugues de Saint-Victor dit ceci : « Ces paroles intérieures aident beaucoup l’âme pour que l’oraison pure et simple, sans formes ni similitudes, se convertisse davantage en joie spirituelle, s’approche davantage de Dieu, arrive à lui plus vite et atteigne avec plus de force ce qu’elle recherche (ut pura oratio et informis magis in jubilum convertatur et appropinquet Deo, perveniat citius et efficacius obtineat.486). »

Cet exercice, saint Bonaventure l’a expliqué très à propos en disant ceci : « ... il y a une autre façon de prier, souvent plus efficace : il s’agit des paroles formées au gré de la dévotion ; par exemple lorsque l’homme parle familièrement avec Dieu, par des paroles à lui ou par d’autres qui sont en harmonie avec son affection, ou bien quand il découvre son cœur en sa présence en lui représentant ses nécessités, en lui confessant ses défauts et en lui demandant sa miséricorde, sa grâce et son aide contre les périls des tentations, ou contre les fatigues des tribulations, ou encore quand il lui demande de le secourir dans d’autres nécessités, les siennes ou celles d’autrui. Cette façon de prier requiert davantage l’opportunité du silence ou de la solitude de l’oraison, son repos et sa quiétude, de telle sorte que l’affection s’élance en Dieu plus pleinement et plus sûrement. » Tout cela est de saint Bonaventure. De même cet exercice de paroles intérieures est-il très à propos chez ceux qui viennent de passer de la méditation à la contemplation simple : il supplée à l’attachement aux similitudes connues et distinctes, alors que l’entendement qui y était habitué s’ennuie. Il l’est aussi lorsque l’âme se sent tiède dans la contemplation parfaite, et que le feu de l’amour a besoin d’être attisé par quelques actes. En effet, comme le dit saint Thomas, cette parole intérieure est pour une part un acte de l’âme par lequel elle lance en Dieu son affection, et par ailleurs, elle est aussi une similitude de ce qu’elle signifie, et elle en revêt l’entendement : Verbum mentis in nobis nihil aliud est, nisi species intellecta vel ipsa operatio intelligentis487.

Votre Paternité voit une faute dans la contemplation de notre vénérable Père en ce qu’il y maintient l’entendement hébété, sans rechercher les perfections du Seigneur avec qui il parle. Bien loin d’être une faute, c’est bien plutôt en cela que consiste sa perfection ! En effet, devant la Sagesse suprême, l’entendement n’a pas à faire le savant, mais il doit se tenir à ses pieds comme un petit enfant ignorant, accomplissant ce que dit le Seigneur lui-même : pour entrer dans le Royaume de Dieu qui est au-dedans de nous, nous avons à devenir de petits enfants pour la simplicité et l’ignorance. Pour autant, après avoir rapporté les deux manières d’aller à Dieu par le discours, l’une affirmative et l’autre négative, et les avoir abandonnées comme imparfaites, saint Denys explique l’excellence de la contemplation enseignée par notre vénérable Père en disant ceci : « En plus de celles-ci, il y a une autre contemplation, très divine, exercée par [voie de l’] ignorance en la lumière de la foi et au-dessus de l’entendement ; elle a lieu non seulement quand il se sépare de toutes les choses, mais quand il abandonne aussi son opération active propre par laquelle il recherche leur nature, et qu’il se met comme un ignorant aux pieds de la Sagesse divine pour en être illuminé : Et est rursus divinissima Dei cognitio, quæ est per ignorantiam cognita, secundum unitionem super mentem.488 » Auparavant et dans le même chapitre, il avait appelé cette contemplation irrationabilem et amentem et stultam sapientiam, c’est-à-dire sagesse hébétée, sans raison ni entendement, du fait de l’éblouissement qu’elle produit en notre raison et en notre entendement, et en toute leur sagesse, ainsi que l’expose saint Thomas.

En effet, le Docteur Angélique dit que la connaissance parfaite que le contemplatif peut avoir de Dieu en cette vie est ut intelligamus Deum ab omnibus separatum super omnia esse489. Autrement dit, Dieu est une réalité que l’on ne peut comparer à aucun autre être, et sa perfection est supérieure à celle de toutes les autres réalités, aussi excellentes soient-elles. Dès lors, une fois parvenu à former ce concept de façon pratique, que reste-t-il au contemplatif pour rechercher davantage ce qu’il ne peut atteindre en cette vie, sinon de se rendre aux pieds de cette grandeur en reconnaissant son ignorance et en faisant ce que dit un poète chrétien : succumbat ratio fidei et mens captiva quiescat, que la raison se rende à la foi, et que l’entendement captif se repose de sa recherche ? Cette reddition est une disposition excellente pour l’illumination divine, et devant la Sagesse divine, il faut éviter toute curiosité qui serait contraire à cette simple reddition, ainsi que saint Laurent Justinien nous l’ordonne avec force par ces mots : « Dans l’oraison, si le contemplatif veut en tirer profit, qu’il évite la curiosité de l’entendement, par laquelle il veut habituellement pénétrer les réalités cachées et occultes de la Sagesse divine. Qu’il se rappelle ce que dit l’Esprit-Saint : “Ne recherche pas les réalités qui excèdent ta capacité, et ne scrute pas celles qui dépassent ton entendement, car celui qui scrute la Majesté sera écrasé par la gloire.” Attache donc l’entendement sous le joug de l’humilité, afin qu’il ne prenne son vol dans la hauteur, mais s’emploie à goûter seulement ce qui doit lui être profitable. Car il n’y a pas à chercher avec soin dans l’oraison les choses qui élèvent beaucoup l’entendement, mais celles qui soutiennent la volonté et l’enflamment en amour de Dieu. » Tout cela est de saint Laurent Justinien, et il achève ainsi de recommander l’humilité de l’entendement et l’importance de cette disposition pour les visites de Dieu : « Dieu daigne visiter de ses illuminations et de ses motions l’entendement simple, et tenir ses colloques familiers avec l’esprit ainsi disposé. Et la simplicité du cœur montre que l’homme est dans la piété. » Car tout comme cette simplicité dispose à la piété, elle en est aussi l’effet. (Dignatur namque Dominus simplicem visitare mentem, et se cum amica confabulatione habitare : et cordis simplicitas hominem exhibet esse devotum.)




Chapitre 16 Comment il convient de mettre en œuvre les notices de l’humanité du Christ, Notre-Seigneur, dans la contemplation, sans en troubler les principaux effets

Votre Paternité oppose à la contemplation de notre vénérable Père l’argument suivant : il en exclurait les notices de l’humanité du Christ Notre-Seigneur, humanité qui est la porte vers sa divinité. Si cela était vrai, cet argument serait le plus justifié de tous. Cependant, c’est le contraire qu’ont expérimenté tous ceux que son magistère a guidés par la méditation jusqu’à la contemplation : communément, il les exerçait dans les mystères de la vie et de la passion du Christ. Et lui-même éprouvait tant d’amour envers cette humanité sacrée, qu’il put dire avec l’Apôtre, qu’il ne savait rien que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. Et parmi les enseignements qu’il donne en l’un de ses livres pour parvenir rapidement à la perfection, il met en premier lieu la considération de la vie du Christ pour l’imiter et s’y conformer. Cependant, quand le Seigneur lui-même a dit qu’il était la porte pour aller au Père et entrer dans les pâturages de la vie éternelle, il ne voulait pas pour autant nous convaincre d’en rester à cette porte de la méditation de ce qu’il y a de corporel dans le Christ ; il voulait au contraire que nous entrions en ce qu’il y a [en lui] de spirituel et de divin, là où principalement l’on jouit de ces pâturages, ce qui a trait à la contemplation. Notre vénérable Père n’avait pas pour but de traiter expressément de la méditation, mais de ressusciter en notre siècle la contemplation absorbée en Dieu, celle que les saints, comme des canaux de la Sagesse de Dieu, ont enseignée aux siècles passés, et qui était alors si oubliée. Ce n’est pas de la porte qu’il a traité, mais de la maison de cette Sagesse à laquelle cette porte donne d’entrer en accédant par la contemplation à une autre connaissance des mystères de cette humanité sacrée, plus haute et plus profitable que celle que pouvait lui donner son discours dans la méditation. C’est ainsi que dans l’un de ses traités mystiques non encore imprimé, il indique comme l’une des plus hautes et des plus profitables communications divines que Dieu produit en l’âme en état de contemplation, celle des mystères de son humanité sacrée et des œuvres de notre rédemption ; communication très illuminée à laquelle on ne peut accéder sans que l’entendement ne se cache des représentations de l’imagination et des discours de la raison.

Et pour que l’on voie que la doctrine de notre maître n’est pas opposée à celle de notre Mère sainte Thérèse et des autres saints, comme Votre Paternité voudrait le faire croire, nous allons vérifier leur accord. Pour cela, je me contenterai de rapporter ici ce que dit la sainte au chapitre sept de la sixième Demeure, où elle explique ce qu’elle avait dit sur cette matière en de nombreux autres passages de ses livres. Voici donc ce qu’elle dit en cet endroit à notre propos : « Vous savez que discourir avec l’entendement est une chose, et que présenter la notice de la mémoire à l’entendement en est une autre. » Et délaissant aussitôt la première qui n’est pas compatible avec l’acte de la contemplation, elle recommande la seconde en l’expliquant ainsi : « L’âme comprend alors ces mystères de la vie du Christ de manière plus parfaite, c’est-à-dire que la mémoire les présente à l’entendement où ils s’impriment ; si bien que se rappelant la prière [du Christ] au Jardin des Oliviers, la seule vision du Seigneur à terre dans cette sueur épouvantable, suffit à l’âme non seulement pour une heure, mais pour bien des jours, considérant en une vue simple qui il est, et combien nous avons été ingrats devant une telle peine. Aussitôt la volonté accourt, quoique sans attendrissement, désirant servir en quelque chose un don si grand, et désirant pâtir quelque chose pour celui qui a tant pâti pour elle, ainsi que d’autres choses semblables par lesquelles elle occupe la mémoire et l’entendement. » Tout cela est de notre sainte, et elle y explique en toute exactitude scolastique comment les notices du Christ Notre-Seigneur ont à s’exercer dans la contemplation, non pas par de nouveaux discours, mais en les tirant de l’habitus de la méditation, acquis en la mémoire intellective à partir des discours passés. Cet habitus, non seulement notre vénérable Père le conseille, mais il en fait même une qualité nécessaire au contemplatif pour qu’il passe de la méditation à la contemplation. Et parce que cet exercice est rarement utilisé sans que soient troublés les dons divins, nous nous arrêterons un peu à l’expliquer.

Même si nous conservons de façon habituelle en la mémoire intellective les notices des choses une fois acquises, on sait que notre entendement ne s’exerce pas actuellement par elles, si ce n’est, comme le dit notre sainte, quand d’habituelles, la mémoire les transforme en actuelles, les rendant présentes à l’entendement pour qu’il s’en serve. Voici ce que dit saint Thomas, expliquant comment doit se passer cet exercice dans l’acte de la contemplation pour pouvoir s’accorder avec lui : Intelligentia nostra qua divina apprehendimus, quamvis non misceatur sensibus per viam apprehensionis, admiscetur tamen eis per viam judicii490. Cela veut dire que l’acte suprême de l’entendement dont Dieu est l’objet et qui est en continuité avec lui ne peut pas se mêler aux notices procédant des sens par voie d’appréhension, même s’il le peut par voie de jugement et de réflexion. Pour expliquer cette doctrine magistrale dont la juste compréhension commande la réussite de cet exercice, il faut remarquer que l’entendement possible (celui qui reçoit ces notices et les conserve en lui), possède deux actes, dont le Docteur Angélique fait ici mention : le premier s’exerce quand il reçoit ces notices déjà spiritualisées par l’entendement agent ; le second, une fois qu’il les possède en lui, quand il les reconnaît et en forme un jugement. Le premier s’appelle « appréhension », et le second « jugement ». Maintenant, saint Thomas dit aussi que l’acte d’appréhension est incompatible avec celui d’intellection, car dans l’appréhension, l’entendement maintient ouverte la porte de la vue orientée vers le corps et il se tourne vers lui, alors que dans l’intellection, cette porte est fermée et la vue orientée vers Dieu est ouverte, tournée vers lui pour recevoir son illumination et sa motion. Cependant, l’acte de juger ces notices procédant des sens, est tout à fait compatible avec l’intellection, quand il s’exerce dans les conditions que ce même saint indique par ailleurs.

Voici la première de ces conditions : lorsque ces notices habituelles deviennent actuelles à l’intérieur de l’acte simple de la contemplation pour que l’on connaisse actuellement ce qu’elles présentent, l’entendement doit les considérer comme on considère les parties dans un tout et les étoiles dans le ciel, c’est-à-dire sous une même vue, quoiqu’un peu confuse et sans les distinguer totalement. En effet, si l’on voulait reconnaître très distinctement ces notices, on perdrait de vue l’objet principal de la contemplation qui est la divinité, et l’on mettrait un intermédiaire entre l’illumination divine et l’entendement. Et voici la seconde condition : en cette présence actuelle produite en l’acte de la contemplation par les notices de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui proviennent des sens, il ne doit pas y avoir composition nouvelle de la raison et de la lumière naturelle. En effet, celle-ci non plus n’est pas compatible avec l’intellection indivisible en laquelle s’exerce la contemplation divine, alors qu’elle l’est avec l’acte inférieur de l’entendement où s’opère division et composition, et [dans le cas contraire,] la contemplation ne resterait pas en présence immédiate de Dieu et de son illumination. Et cette composition n’est pas non plus nécessaire pour qu’en cet acte supérieur, ces notices s’accompagnent de la substance de la réflexion et composition déjà faite autrefois dans les actes inférieurs ; elle s’y trouve même plus parfaite et plus pure. Associée aux notices elles-mêmes ainsi rendues présentes, elle s’offre en même temps qu’elles à l’entendement pour établir l’esprit en motif d’amour, de compassion ou d’action de grâce. Par composition nouvelle, nous entendons avec saint Thomas aussi bien celle qui appartient au discours et à la recherche de la vérité, que celle qui appartient au jugement et à la réflexion la concernant. Toutes deux, en effet, sont exclues de la contemplation, en laquelle l’entendement considère Dieu et se tient immédiatement en sa présence, ce qui n’est pas compatible avec la réflexion de la lumière naturelle ; en effet, en tant que cette délibération est la perfection propre de l’entendement, celui-ci la produit à l’intérieur de lui-même sans qu’il en sorte pour l’exercer ; et en ayant tourné sa vue vers lui-même, il la coupe de Dieu et de son illumination divine.

Cette composition nouvelle présente encore un autre défaut en matière de contemplation surnaturelle : par l’opération produite selon son mode, l’entendement ne peut pas se dépasser lui-même ni atteindre à une réflexion portant sur les mystères divins, qui soit plus grande que celle précédemment produite conformément à sa faculté ; en revanche, il empêche celle qui vient de la lumière divine, plus haute et plus efficace, et à laquelle on vient par la contemplation pure et simple ; et en cela, nous pouvons dès ici-bas nous rendre semblables aux anges quant à la contemplation, comme saint Denys nous le démontre si souvent en de nombreux passages de ses livres. Voici ce qu’il nous dit en l’un d’entre eux : de même que dans la contemplation de Dieu, les anges ont un entendement simple sans division ni composition, le nôtre doit s’employer à y parvenir pour recevoir l’illumination de la Sagesse divine. On trouve tout cela dans le mouvement circulaire propre à notre contemplation, tel que saint Thomas l’explique ; et ainsi, toutes les notices qui se mêleraient en l’acte de la contemplation, même celles des mystères de notre rédemption, doivent y être présentées simples, sans division ni composition. Ainsi, à la manière de la nuée exposée aux rayons du soleil, pénétrée et embellie de sa clarté, ces notices seront illuminées de la lumière divine, afin d’élever l’âme à un concept de ces bienfaits plus élevé, à un amour et à une action de grâce plus intimes, que ceux qu’elle aurait pu en tirer par son discours et par la réflexion de la lumière naturelle.

Cette façon de contempler les mystères de l’humanité du Christ Notre-Seigneur, sur un mode super-intellectuel et sans perdre de vue sa divinité, saint Denys l’a enseignée à l’un des maîtres parmi les religieux contemplatifs de nos aînés, en une longue lettre qu’il lui a écrite à ce sujet. Il s’agit ici de présenter ces mystères aux rayons de la lumière divine, en une vue simple et directe tournée vers Dieu, le contemplatif se rappelant que cette grandeur suprême dont il se souvient même dans l’obscurité de la foi, s’est abaissée au dernier point pour nous sauver comme les Saintes Lettres le disent ; et sans davantage de discours ni de composition qu’un rappel simple du Dieu mort, du Dieu humilié, du Dieu flagellé (ce qui ramène à sa quintessence la substance des méditations passées, et de façon plus purifiée et plus forte), l’âme s’emploie bien plus en ce mode divin, qu’elle n’aurait pu le faire par de longs discours de la raison, par de grandes réflexions de la lumière naturelle et par l’opération active de l’entendement. En effet, comme elle se trouve alors dans l’illumination divine des dons de l’Esprit-Saint, le don d’entendement donne force surnaturelle à la puissance intellective pour qu’elle pénètre au-dessus de sa faculté ces vérités, et le don de sagesse en fait autant pour qu’elle en forme un haut jugement et une haute réflexion (quia intellectus ut est donum pertinet ad viam intensionis, sed sapientia ad viam judicii.491) ; et passant à la volonté, cette illumination lui en communique un goût et un amour également surnaturels. Tout cela se fait sur le mode des anges, lesquels per simplicem conversionem ad Deum, illuminantur de agendis quæ nesciunt sine inquisitione492; c’est-à-dire qu’ils sont illuminés par Dieu pour les choses qu’ils doivent faire, en une simple vue de lui, sans discours ni composition. À partir de là, on se rendra compte à quel point avait raison ce maître expérimenté et sage, qui disait qu’un seul acte de la vie et de la passion du Christ ainsi mis en œuvre sur le mode universel et simple, vaut mieux que cent sur le mode des figures et des discours.

De la même manière, les Saintes Lettres nous conseillent encore de mettre en œuvre ces douces notices de la mémoire dans ces paroles de l’Epouse du Cantique : « Mon Bien-Aimé est pour moi un bouquet de myrrhe posé sur mon cœur. » Et parler d’un bouquet (qui se compose de beaucoup de fleurs rassemblées, et non dispersées), c’est exclure le discours particulier en l’âme contemplative, et recommander cette notice universelle qui rassemble les épreuves et les amertumes du Christ. Et appliquant ce passage à l’âme contemplative, saint Bernard dit qu’il s’exerçait de cette manière dans la mémoire de ces mystères, après avoir recueilli ce bouquet et ce concept universel dans la méditation de toutes les afflictions et amertumes du Sauveur, pour l’attirer sur son cœur comme une victime sacrée. Cependant, pour bien profiter du fruit de ces notices, sans obstacle pour la contemplation, après avoir présenté à l’intelligence ce bienfait et l’avoir établi en l’esprit comme un rappel reconnaissant, que l’intention l’applique à l’affection grâce à ce motif qu’elle tire de cette notice, et qu’elle passe de l’intellection simple à l’intellection pure. Ce sont là les termes très appropriés qu’utilise Richard de Saint-Victor pour indiquer que, même si l’acte de la contemplation dans lequel ces notices se présentent, est simple, il n’est pas en toute sa pureté face à l’illumination divine ; car, comme le dit saint Thomas, aussi hautes que soient les notices qui proviennent des sens, et aussi spiritualisées soient-elles, elle obscurcissent encore la pureté de l’entendement (quia ex sensibilibus operationibus quodammodo intellectus puritas inquinatur.493). Et puisqu’autant que dure la présentation de ces notices, même si c’est de cette façon simple et universelle, l’intention de l’esprit et toute sa force avec elle s’applique à la connaissance et non à l’affection, elles empêchent par cette voie les emplois de la volonté auxquels l’oraison est ordonnée. Cependant, en dehors des moments réservés à l’oraison et de façon intermittente, il n’y a pas de limite à ce que le contemplatif utilise ces notices comme sa dévotion et son besoin le réclameront, même sur un mode particulier et sensible.

Saint Bonaventure nous rapporte avoir fait miraculeusement l’expérience de cette doctrine communiquée par Dieu aux saints pour notre enseignement. Ayant une grande dévotion aux plaies du Seigneur et aux mystères de notre rédemption, il passait beaucoup de temps à en former des discours ; et comme le Seigneur lui-même voulait qu’il se donne moins de mal en cet exercice et en tire plus de profit, un jour qu’il s’y mettait comme à l’habitude, les yeux de sa raison une fois ouverts pour ce discours, ils furent miraculeusement aveuglés ; si bien que ne pouvant pas discourir, son entendement aveugle et guidé de la lumière de la foi, se mit à entrer par les plaies du Christ jusqu’à son cœur, pour arriver au plus intime de son ineffable charité et de son amour, là où son esprit trouva le repos. Et là, il dit qu’il jouissait de tous les biens en une vue simple (Ibi simpliciter fruor abundantia omnis boni tota mente.494). En effet, l’essentiel de ce que nous avons à tirer de ces douces notices de la mémoire, c’est la connaissance expérimentale de cet amour que le Fils de Dieu nous a porté, et de là nous nous élevons facilement à celui de sa bonté et de sa grandeur infinies. À ce propos, saint Laurent Justinien dit ceci : il y a deux sortes de connaissance de Dieu, l’une de son amour, et l’autre de sa perfection ; et celui qui aura été abondant dans la première, s’élèvera facilement à la seconde (Dupliciter autem de Deo habetur notitia, dilectionis scilicet et excellentiae. Facile quippe ad Dei ascendit intelligentiam quisquis erga se de Verbi dilectione habuerit notitiam.495). Ainsi donc, le contemplatif doit s’élever à la connaissance effective et véritable de cet amour, non pas tant par son discours que par l’illumination divine qui se communique à lui en la contemplation simple et pure.

Pour résumer cela, saint Bonaventure nous avertit qu’il convient que cet exercice des notices particulières de la mémoire en la contemplation soit bref et peu fréquent. En effet, outre les obstacles que ces notices provoquent en la pureté de cette contemplation et dans les dons de la lumière divine, ainsi qu’on l’a exposé, la nature s’y fatigue, du fait qu’elle travaille plus en cet exercice que dans la contemplation universelle pure et très simple. Et il faut aussi remarquer que ces notices ne doivent pas s’immiscer lorsque l’action divine tient l’âme établie en autre chose, par exemple dans la quiétude, la simplicité et la pureté de la contemplation de la divinité. En effet, comme saint Laurent Justinien le dit à ce propos, c’est l’homme qui doit se soumettre à la motion de Dieu, et non pas Dieu à celle de l’homme ; et s’il faisait le contraire, au lieu de tirer profit de l’oraison, il en tirerait sa condamnation. Cette motion divine se reconnaît à ce que l’âme accède à ces actes particuliers avec répugnance et sans entrain, ce qui indique que Dieu la tient établie en l’universel pour se communiquer à elle sans obstacle.

Chapitre 17 Qu’en créant l’homme, Dieu lui a communiqué la contemplation intellectuelle simple pour qu’il le contemple et le vénère à la manière d’un ange viateur.

Après avoir répondu aux raisons sans raison par lesquelles Votre Paternité s’oppose à la contemplation qu’enseigne notre vénérable Père, il conviendrait, pour mieux l’évaluer, que nous disions quelque chose de son ancienneté, alors que Votre Paternité tient pour acquis qu’elle a été inventée par de nouveaux maîtres spirituels. Or, c’est le contraire qui est vrai, au point que l’un des plus grands dommages dont souffre notre siècle en matière de vertu, c’est le délaissement du mode exact et pur de communiquer avec Dieu, mode confié par Dieu à ses fidèles depuis le commencement du monde pour leur singulier bénéfice. Et dans les siècles antiques de la Loi de la Grâce, ce mode fut si bien exercé, particulièrement par nos aînés, qu’on les appelait « contemplatifs » par excellence, comme le dit Suidas ; et les apôtres leur donnèrent le même nom, ainsi que le rapporte saint Denys par ces mots : est ordo contemplativus496. Et pour que nous ne doutions pas du mode de contemplation que nous avions à exercer, il ajoute que, lors de la profession faite par chacun pour son admission à l’état religieux, on lui exposait clairement la forme qu’elle devait revêtir : quod non contemplator solummodo erit secundum se sacrorum symbolorum, sed cum divina a se participatorum sacrorum scientia, altero modo supra sacram plebem in assumptionem veniet divinae communicationis497.

Tel est donc le droit d’aînesse qui fonde notre religion, accordé par Dieu à notre Père le grand prophète Élie, comme nous le verrons plus loin, et confirmé par les apôtres du Christ. Par ces mots, ils nous indiquent non seulement que notre institut est formé de contemplatifs, mais aussi que notre contemplation ne doit pas être comme celle des pieux séculiers, celle qui s’opère par la similitude sensible et les discours de la raison (quoique les débutants aient à passer par là) : nous devons nous élever à la communication divine, guidés par la lumière surnaturelle, en participation des perfections divines elles-mêmes ; telle est la contemplation divine que saint Denys a lui-même enseignée, comme on l’a déjà expliqué. Je ne ferai que répéter ses paroles, pour que l’on voie comme s’y harmonisent ces deux passages, et que si le second s’adresse à tous les contemplatifs, il nous concerne plus particulièrement : Mysticis autem secundum divinam traditionem super intellectualem operationem sumus uniti: omnia enim divina quaecumque nobis sunt manifesta, solis participationibus cognoscuntur. Ipsa autem qualiacumque sunt, secundum proprium principium et collocationem supra mentem sunt et supra omnem substantiam et cognitionem. Deo autem secundum absolutionem ab omnibus intellectualibus operationibus nos immittimus, nullam videntes substantiam, quae aliqua proportione comparabilis sit causae ab omnibus segregatae secundum omnem excessum498. Tel est le fondement de notre profession, donné par Dieu à notre premier Père, confirmé et expliqué depuis par les apôtres du Christ, fondement que les maîtres des nouveaux profès doivent obliger leurs disciples à pratiquer comme étant l’exercice principal de leur vie.

Continuons ce que nous disions. Dès que Dieu eut créé l’homme en une dignité à peine inférieure à celle de l’ange, comme il les destinait l’un et l’autre à une même fin, il leur procura les mêmes moyens, comme pour avancer parallèlement sur la voie du bonheur, quoique l’ange restât plus avantagé, comme frère aîné et de nature plus noble. Aussi saint Thomas dit-il que la contemplation de Dieu, qui était naturelle à l’ange en son premier état et avant d’être confirmé en grâce, Adam la reçut aussi en son premier état par le privilège de la grâce et de la justice originelle. Ce que fut cette contemplation de l’ange viateur, saint Augustin le dit en ces mots : Neque enim sicut nos adaussitôt percipiendam sapientiam proficiebant angeli, ut invisibilia Dei per ea quæ facta sunt intellecta conspicerent, qui ex quo facti sunt ipsa verbi eternitate sancta et pia contemplatione perfruuntur, atque inde ista despicientes secundum id quod intus vident, vel recte facta approbant, vel peccata improbant499. Si bien qu’en leur premier état, les anges ne contemplaient pas Dieu et ses perfections divines par des similitudes de choses créées, mais par illumination intérieure dans le miroir divin lui-même. Et saint Thomas attribue à Adam en son premier état la même contemplation en ces mots : ex perfectione gratiae hoc habebat homo in statu innocentiae, ut Deum cognosceret per inspirationem internam ex irradiatione divinae sapientiae; per quem modum Deum cognoscebat, non ex visibilibus creaturis, sed ex cuadam similitudine spirituali suae menti impressa500. C’est-à-dire qu’il contemplait Dieu non pas par des similitudes de choses créées, mais par l’illumination intérieure du don de sagesse, en des similitudes infuses imprimées en son entendement. Et traitant plus particulièrement de cette contemplation d’Adam en son premier état, il ajoute ceci : « il reçut le premier la contemplation commune de foi illuminée, par l’illumination du don de sagesse » ; cependant, ce fut de façon plus heureuse que pour nous, du fait de la rectitude et de la pureté de son esprit, qui recevait sans obstacle cette illumination ; et la lumière de la foi elle-même, il la reçut aussi par une inspiration divine intérieure, et non pas comme nous par une instruction extérieure ; aussi lui présentait-elle Dieu comme présent, même si ce n’était pas de la façon évidente dont la lumière de gloire se révèle aux bienheureux : non inerat ei fides, qua ita quaereretur Deus absens sicut a nobis queritur. Erat enim ei magis praesens per lumen sapientiae quam sit nobis, licet neque ei esset ita praesens sicut est beatis per lumen gloriae501. Cette doctrine de saint Thomas, le vénérable Hugues de Saint-Victor l’enseignait bien des années auparavant, disant qu’en son premier état, l’homme contemplait son créateur, non pas en cette connaissance qui se perçoit de l’extérieur par l’ouïe, mais par celle qui lui était donnée intérieurement par inspiration divine ; connaissance par laquelle il le contemplait non pas en tant qu’absent, comme nous le recherchons à l’heure actuelle, mais en tant que présent, et plus manifestement que nous, ce qui est le propre de l’illumination du don de sagesse, lequel nous rend Dieu d’autant plus présent que l’illumination est grande.

Ailleurs, donnant la raison de l’obscurité de notre contemplation, le même auteur dit que cela vient de ce que nous tenons fermé l’œil de la contemplation pour voir Dieu et les réalités divines ; et saint Thomas en prend occasion pour dire que si Adam possédait une si haute contemplation des réalités divines, cela venait de ce qu’il tenait ouvert l’œil de la contemplation. Aussi, parmi les effets principaux de la lumière divine chez les contemplatifs qui savent la recevoir sans obstacle, saint Denys mentionne qu’elle purifie les yeux intellectuels de toutes les taches de l’ignorance et de l’erreur, et qu’elle les meut et les ouvre en éloignant d’eux les ténèbres par lesquelles ils étaient comme éteints et obscurcis, ne pouvant pas s’élever à contempler les réalités divines : Lumen intelligibile omnem ignorantiam et errorem expellit ab omnibus quibus ingignitur animabus, et omnibus simul sanctum lumen tradit, et intellectuales ipsarum oculos mundat a circumposita ipsis fece ex ignorantia, et movet et aperit multa gravitate tenebrarum conclusos502. Cet effet, la lumière divine le produit dans les esprits déjà purifiés, et pour autant, cette même lumière divine les met en purification en bien des creusets pénibles, comme l’ont expérimenté les grands contemplatifs ; et parvenus par la réforme qu’opère la grâce à cette rectitude de la nature que Dieu a promise par le prophète Isaïe, semblable à celle d’Adam en son premier état, il leur est donné cette perfection dont celui-ci jouissait, de tenir ouverts les yeux de la contemplation pour voir sur le mode illuminatif de la foi divinisée, les réalités divines que nous voyons actuellement en foi obscure. L’expérience lumineuse de notre Mère sainte Thérèse nous fait connaître cela, alors qu’elle parle de l’époque où elle était parvenue, après les purifications si nombreuses et si pénibles dont elle parle dans ses livres, à cette réforme de la grâce, semblable à la rectitude en laquelle Adam fut créé ; elle dit ceci : « il s’agit là d’une manière autre que lorsque le Seigneur unissait l’âme à lui en la rendant aveugle et muette, car notre bon Dieu veut désormais lui ôter les écailles des yeux pour qu’elle voie et entende quelque chose de la faveur qu’il lui fait. » Et elle rapporte aussitôt cette faveur, qui fut une très haute communication des trois personnes divines par similitudes infuses et distinctes, sur le mode propre aux anges viateurs.

Au sujet de cette contemplation très illuminée d’Adam en son premier état, le Maître des Sentences dit que, quoiqu’elle ne fût pas en la clarté propre à celle des bienheureux, elle n’était pas non plus in aenigmate, qualiter in hac vita vivimus503. C’est-à-dire, comme l’explique saint Thomas, que même s’il contemplait Dieu en une similitude créée et non pas face à face, comme le font les bienheureux, il ne le contemplait pas en l’obscurité de la nôtre, obscurité qui nous est un empêchement dans la contemplation des réalités intellectuelles du fait des réalités sensibles qui nous occupent, et qui est une conséquence du péché en nous ; aussi, même s’il contemplait Dieu en un miroir, il ne le contemplait pas comme nous en énigme, c’est-à-dire en obscurité.

Adam en son premier état reçut aussi la contemplation du ravissement en contemplation intellectuelle, dans laquelle les grands amoureux de Dieu sont élevés à une communication très intime avec lui, et à une participation à la vie céleste, celle qui faisait dire à l’Apôtre que son occupation était dans les cieux ; et au sujet de cette contemplation qui se produit dans le sommeil des sens et la veille des puissances, saint Augustin explique par ces mots le sommeil mystérieux d’Adam : « Cette extase en laquelle Dieu mit Adam pour qu’il restât en quiétude et endormi, on comprend à juste titre qu’elle était ordonnée à ce que, l’esprit emporté, il fût comme participant de la cour des anges, et que pénétrant dans le sanctuaire de Dieu, il comprît les choses à venir. » Voilà ce que dit saint Augustin, ainsi que la Glose, qui donne la même explication de ce passage ; et saint Thomas ajoute que la communication céleste qu’Adam reçut en ce ravissement fut par des similitudes intellectuelles infuses, sur le mode angélique.

Enfin, Adam reçut la contemplation supérieure des anges viateurs avant leur glorification, lesquels contemplaient Dieu et ses perfections divines par similitudes expresses (quia cognoscens ipsum lumen naturae suae, quod est similitudo luminis increati, Deum videbat504.) ; cette connaissance est comme un intermédiaire entre l’obscurité de notre contemplation et la clarté de celle qu’exercent les bienheureux en voyant l’essence divine face à face, et non par similitude. Et ainsi, ce mode de contemplation est le plus élevé sur cette terre. Et en ce passage comme en d’autres, saint Thomas aussi l’attribue à Adam en son premier état : Hoc autem medio creaturarum non indigebat homo in statu innocentiae; indigebat tamen medio quod est quasi species rei visae, quia per aliquod spirituale lumen menti hominis influxum divinitus quod erat quasi similitudo expressa lucis increatae, Deum videbat505.

Ce mode de contemplation si haute, quoique saint Denys et saint Thomas l’attribuent, même après la faute, aux grands contemplatifs, ainsi que nous l’avons vu ailleurs, n’est concédé qu’aux esprits très décantés : après les rudes purifications de l’action divine, ils demeurent comme l’or dans le creuset, purifiés de leurs imperfections, et si illuminés par les vertus et les dons infus, qu’ils ont atteint une parfaite rénovation de leur nature ; elle est alors semblable à celle en laquelle Adam fut créé et qu’il reçut en son premier état, ainsi que le Saint Esprit l’a indiqué à notre propos par le prophète Isaïe. Nous aurons à en parler ailleurs de façon plus indiquée comme de l’effet très propre de la contemplation que Dieu communique aux hommes pour les renouveler divinement, et pour autant, saint Thomas appelait cette merveilleuse rénovation « régénération », ou « nouvelle création ». Notre Mère sainte Thérèse en était là lorsque Notre-Seigneur lui fit cette faveur de se communiquer à elle par similitudes expresses ; et pour autant, parlant de cet état, elle dit que ses yeux avaient été préalablement débarrassés de leurs écailles, parce que ces faveurs ne sont données qu’aux âmes transformées en Dieu par amour et similitude de ses vertus. En cet état, elles ont déjà atteint une réforme et une splendeur si haute, qu’elles peuvent être unies au Fils de Dieu, splendeur de la lumière éternelle et miroir sans tache de la Majesté divine, et être transformées en lui pour participer à un même Esprit. Notre vénérable Père Frère Jean de la Croix a parfaitement expliqué tout cela en l’un de ses traités mystiques non encore imprimé, et il pouvait parler d’expérience, car il était parvenu à cet état très heureux et à jouir de ces si hautes communications divines.




Chapitre 18 Que Dieu a concédé la même contemplation à d’autres saints patriarches dans la Loi de Nature, avec des faveurs particulières

En d’autres périodes de la Loi de Nature, Notre-Seigneur a aussi communiqué cette contemplation intellectuelle à certains de ses amis, et il leur disait en elle ce qu’ils avaient à faire pour son service. Voici ce que saint Augustin dit de cette façon de parler : « Le Seigneur les visitait et leur parlait selon des modes ineffables, comme il parle aux anges, leur illuminant l’entendement par les vérités divines, comme dans les extases d’esprit. » C’est l’expérience de cette doctrine de saint Augustin que nous a indiquée notre Mère sainte Thérèse, élevée en esprit de cette manière ; voici ce qu’elle en dit : « En ce langage du ciel, le Seigneur imprime ce qu’il veut que l’âme comprenne en son plus intime ; là, il le présente sans image ni forme de parole, mais à la manière de la vision intellectuelle que l’on a dite. En cette parole, Dieu fait en sorte que l’entendement soit attentif, quoiqu’il lui pèse d’entendre ce qui se dit ; mais il semble alors que l’âme ait d’autres oreilles pour entendre, et qu’on la force à écouter et qu’on l’empêche d’être distraite. » Par ces mots, l’expérience digne de foi de notre maîtresse indique ce mode de la parole de Dieu aux saints Patriarches. En effet, il les établissait en une profonde écoute, évacuant de leur entendement toutes les autres notices en lesquelles il pouvait se distraire, demeurant, comme David le dit de sa propre expérience, tel le ciel dégagé de nuages en une matinée sereine, lorsque le jour se lève (sicut lux aurorae oriente sole absque nubibus506) ; et il empêche alors, comme saint Thomas l’explique en un contexte semblable, que l’entendement ne se convertisse actuellement aux similitudes de la fantaisie, afin qu’il ne soit pas empêché par elles d’être attentif à ce que Dieu lui dit. C’est donc de cette manière que Dieu a bien souvent parlé au cœur de la contemplation divine à Noé, à Abraham, à Jacob et à d’autres saints Patriarches en la Loi de Nature, comme on le voit en de nombreux chapitres du livre de la Genèse.

Cette contemplation intellectuelle illuminée, Dieu l’a communiquée aussi au patriarche Abraham lorsqu’il lui est apparu en la vallée de Mambré, alors qu’il se trouvait assis à la porte de sa tente. Dans ces apparitions, en effet, comme saint Thomas l’explique, Dieu ne montrait pas aux patriarches son essence pour qu’ils la voient à découvert, mais il leur en montrait quelque signe qu’il leur communiquait en quelque similitude intellectuelle par l’illumination du don de sagesse : Deus interius inspirando non exhibet essentiam suam ad videndum, sed aliquod suae essentiae signum, quod est aliqua spiritualis similitudo suae sapientiae507. Et cette similitude ne venait pas seule, mais accompagnée d’effets admirables que recevait celui qui se trouvait ainsi illuminé en cette contemplation, non seulement dans l’entendement, mais aussi dans la volonté. Ce sont eux que David comparait dans cette visite de Dieu aux éclats d’un matin clair lorsque le soleil se lève, et aux pluies du ciel qui font produire les herbes et les plantes.

Cette même communication divine qui élève l’homme à une si haute contemplation de Dieu, Sa Majesté la donna aussi au patriarche Isaac, en la célèbre apparition qui lui arriva en terre de Palestine, accompagnée de si hautes promesses et faveurs, Dieu offrant par exemple toutes ces régions à ses descendants — et c’est pourquoi elles s’appelèrent par la suite Terre Promise —, lui annonçant aussi que sa postérité serait nombreuse comme les étoiles du ciel, et que toutes les nations seraient bénies en sa descendance. En ces mots si mystérieux et qui renferment des promesses si ineffables, on trouve vérifié ce que dit saint Augustin expliquant ces paroles de Dieu aux saints Patriarches de l’antiquité : Deus illustrans ipsa incommutabili veritate mentes eorum, ubi est intellectus, nosse simul quaecumque etiam per tempora non fiunt simul508. Autrement dit, en illuminant l’entendement de celui qu’il visite ainsi et en lui communiquant la vérité divine, Dieu lui fait connaître en un instant les évènements de nombreux siècles, et en une parole, il lui donne connaissance de nombreuses choses à la fois. Saint Grégoire en donne la raison en expliquant ces mêmes paroles de Dieu de la façon suivante : comme l’entendement les reçoit non pas sur le mode de l’ouïe, mais sur celui de la vue, il peut apprendre beaucoup de choses à la fois qui ne peuvent pas se percevoir par l’ouïe autrement que peu à peu. De cette façon, donc, lorsque Dieu a dit à cet endroit à Isaac que toutes les nations seraient bénies en sa descendance, Isaac a vu la gloire d’Israël en la venue dans le monde du Fils de Dieu qui serait aussi le sien, et il a pu dire ce que le Seigneur lui-même a dit d’Abraham son père, à savoir qu’il a vu en esprit son jour et s’est réjoui en lui. Et ce n’est pas cette fois seulement que ce saint Patriarche a reçu ces visites de Dieu en la contemplation, mais aussi en d’autres occasions, par exemple lorsqu’en certaines contradictions qu’il rencontra en Terre Promise, le Seigneur lui est apparu et lui a dit de ne pas avoir peur, car il se tiendrait auprès de lui pour l’aider et le défendre.

Mais le Seigneur découvrit de façon plus particulière encore au patriarche Jacob la contemplation divine, par laquelle d’une certaine manière on escalade le ciel et l’on tire du cœur de Dieu les effets de son illumination et de sa motion ; le texte sacré nous en donne connaissance par ces mots : « Jacob vit en rêve une échelle dressée sur la terre, dont le sommet touchait le ciel ; et les anges de Dieu montaient et descendaient, et le Seigneur lui-même se tenant au sommet de l’échelle parlait à Jacob, lui disant qu’il était le Seigneur, Dieu de son père et de son grand-père. » En effet, qui ne voit comme esquissée en ces mots la contemplation divine que Dieu enseigne, et que les véritables contemplatifs exercent sur le mode des anges, montant les échelons de l’échelle mystique (et c’est de cette révélation que celle-ci tire son nom), jusqu’à son suprême degré, celui de l’intelligence pure par laquelle l’entendement se soumet immédiatement à Dieu pour recevoir ses illuminations divines (Intelligentia ea vis animae est, quæ immediate supponitur Deo, cernit siquidem ipsum summum verum et vere incommutabilem.509) ? Pour cette contemplation, le corps de Jacob doit être endormi pour toutes les réalités créées, et son esprit doit veiller pour les réalités divines. Et Dieu lui communiqua la même contemplation dans cette lutte mystérieuse en laquelle, dit-il, il a vu Dieu face à face. Saint Thomas explique cela comme une contemplation intellectuelle très éminente, au-dessus de l’état commun de cette terre. Et ce saint patriarche reçut de Notre-Seigneur beaucoup d’autres visites de très haute contemplation, par exemple quand il lui apparut en terre de Canaan et lui fit la même promesse qu’à son père Isaac, celle de la Terre Promise et d’une nombreuse postérité ; ou encore à l’heure de sa mort, quand il fut élevé en esprit à la contemplation du mystère de notre rédemption, disant ces mots pleins d’une si grande confiance : « J’attendrai, Seigneur, ton salut », c’est-à-dire le Sauveur du monde promis à son père et à son grand-père.





Chapitre 19 Que le Seigneur a aussi concédé cette contemplation divine à Moïse quand il lui a donné la Loi écrite, et à Élie quand il lui a donné la forme de la vie parfaite

En la Loi écrite également, le Seigneur a communiqué la contemplation divine des véritables adorateurs de Dieu à beaucoup des saints Pères de ce temps, particulièrement aux deux chefs et réformateurs de son peuple, Moïse et Élie. Pour cela, il faut remarquer que Dieu a choisi deux montagnes très célèbres dans les Saintes Écritures pour de grands mystères de l’Ancien Testament : l’une est le mont Sinaï, où Dieu donna à Moïse la Loi écrite pour lui-même et pour tout le peuple ; l’autre est le mont Horeb, où il donna à Élie, pour lui-même et pour ses disciples, la figure des conseils évangéliques que son Fils devait par la suite prêcher au monde. Pour ces deux si grandes entreprises, l’un comme l’autre se préparèrent par un jeûne de quarante jours ; et des cérémonies redoutables les précédèrent pour établir les esprits dans la vénération et l’estime de leur grande importance : au mont Sinaï, le tonnerre, les éclairs et le son des trompettes, et au mont Horeb, un ouragan si fort qu’il renversait les montagnes et fendait les pierres, un tremblement de terre et des torches de feu. La Loi donnée au mont Sinaï, parce qu’elle était destinée à tout le peuple, fut écrite par la main des anges sur des tables de pierre ; et la doctrine donnée au mont Horeb, parce qu’elle était pour rendre angéliques des hommes par imitation, ne fut pas écrite sur des tables matérielles, mais par Dieu lui-même en l’esprit d’Élie. Ces montagnes s’appellent toutes deux « montagne de Dieu », car ces deux chemins ont Dieu pour auteur ; cependant, celui de la loi commune est imposé, parce que plus facile, et celui de la vie parfaite n’est pas imposé, mais conseillé, parce que plus élevé et plus difficile.

Maintenant, comme les secours divins qui se reçoivent de Dieu dans l’oraison et la contemplation sont si nécessaires à un juste accomplissement de ces deux vies, en même temps qu’il a donné à Moïse la forme de la vie active, Dieu nous a insinué en lui celle de la vie contemplative. Pour autant, saint Denys, saint Grégoire, Richard de Saint-Victor et d’autres saints et grands maîtres de la sagesse mystique, disent que dans cette ascension de Moïse sur le mont Sinaï pour recevoir de Dieu les Tables de la Loi, se trouve hautement signifiée la contemplation divine, en laquelle l’homme s’élève dans la recherche de Dieu, et Dieu s’abaisse à se communiquer à l’homme ; et ils décrivent cela conformément à notre propos, particulièrement saint Denys. En effet, que Moïse se sépare de tout le peuple pour commencer l’ascension du mont, cela figure le contemplatif fermant les yeux corporels à tout ce monde visible ; qu’il demeure en cette première ascension avec les anciens et ceux qui sont tirés du peuple, cela figure la méditation de la raison par le discours des similitudes sensibles ; que Moïse continue son ascension avec seulement son serviteur Josué, cela figure la réduction du discours de la raison à l’unité simple de la lumière naturelle. Et en tout cela, saint Denys dit non cum Deo quidem versatur, c’est-à-dire que Moïse n’était pas encore arrivé à communiquer avec Dieu ; cela viendra quand il aura renvoyé son ministre, qui est la lumière naturelle, et sera entré en la nuée de la lumière de la foi, en laquelle il trouvera Dieu et jouira de sa communication. Et non seulement son entendement fut illuminé des clartés divines, mais sa volonté aussi fut enflammée du feu de l’amour de Dieu (erat autem species gloriae Domini quasi ignis ardens super verticem montis510), les deux choses se recevant au sommet de la montagne, lequel représente les actes les plus hauts de l’entendement et de l’affection. À ces mots, le vénérable Richard ajoute ceci : Moïse entre dans la nuée lorsque l’esprit humain, englouti dans la contemplation en l’immensité de la lumière divine, oublie totalement toutes les choses et s’oublie lui-même ; si bien qu’il n’y a pas à s’étonner de ce que la nuée s’accorde ici avec le feu et le feu avec la nuée, la nuée de notre ignorance avec le feu de l’intelligence illuminée, car l’intelligence humaine se trouve en même temps illuminée pour les réalités divines, et obscurcie pour les réalités humaines.

Nous trouvons cela en l’ascension par Moïse du mont de la contemplation. Cependant, Dieu ayant choisi Élie comme tête et maître d’une famille qui devait être une école de véritables contemplatifs dans l’Ancien et le Nouveau Testament, il lui a communiqué sur la montagne la contemplation intellectuelle simple, divinement illuminée non pas par énigmes, mais manifestement. En effet, comme dit saint Grégoire, le sifflement de la brise délicate en laquelle Dieu s’est communiqué à Élie en la caverne du mont Horeb, n’est pas autre chose que la contemplation divine en laquelle se goûte la saveur de la vérité incréée : quasi enim sibilum aurae tenuis percipimus cum saporem incircumscriptae veritatis contemplatione subtiliter degustamus511. Au même propos, voici ce que dit Jean Gerson : « Ce sifflement de la brise délicate, ce sont les ténèbres en lesquelles saint Denys dit que l’on trouve Dieu, et le silence qui enseigne secrètement en elles, c’est cette paix dont l’Apôtre dit qu’elle dépasse toute compréhension, et une quiétude de toute œuvre active intellectuelle et sensible. Ce sifflement est le repos de Marie aux pieds du Sauveur, dont Marthe se plaignait, il est la parole secrète et douce que reçoit comme en cachette l’oreille intérieure du contemplatif, comme disait Job, la mort désirée sans laquelle on ne voit pas Dieu, comme Dieu le disait à Moïse, le vent salutaire qui répand une rosée bienfaisante dans la fournaise de notre cœur pour y adoucir les flammes de la concupiscence, comme il adoucissait les flammes matérielles en celle de Babylone. » Tout cela est de cet auteur sage et expérimenté. Et il ajoute à notre propos, que les préambules à cette communication divine étaient les degrés inférieurs par lesquels on avance vers elle, à savoir la méditation de nos fins dernières et des épreuves par lesquelles le Fils de Dieu a satisfait pour nos fautes, degrés qui sont les moyens ordinaires de la première componction et le vent violent qui arrivait en abattant les monts orgueilleux de la vanité humaine, brisant les pierres des cœurs durs. Il en va de même de la réflexion qui se fait après le discours en une quiétude plus grande, par laquelle se perfectionne la connaissance de ce sur quoi l’on a discouru : il est signifié par la secousse et le tremblement de terre qui établit le pécheur dans la crainte du châtiment de ses fautes. Et après tout cela vient le feu de la ferveur sensible qui apaise le cœur et les passions qui y résident, pour qu’elles n’empêchent pas le vol de l’entendement. Et en tout cela, dit le texte sacré, Dieu n’est pas venu ; et saint Grégoire en donne la raison en disant que, tant que l’entendement est en connaissance distincte, et en connaissance de choses que lui-même connaît, il n’est pas élevé au-dessus de lui-même ni en contact avec Dieu. Pour autant, le Saint Prophète nous donne la première leçon et le document nécessaire sur la façon dont nous avons à nous disposer pour recevoir en l’oraison l’illumination et la motion divine auxquelles elle s’ordonne : le texte sacré dit qu’en entendant le sifflement de la brise délicate et en connaissant que Dieu venait en elle, Élie se couvrit le visage de son manteau (quod cum audisset Elias operuit vultum suum pallio), se cachant non seulement des choses visibles, mais aussi de l’exercice de ces premiers actes, pour rester attentif à Dieu en intelligence pure, en laquelle se reçoit sa communication intime. En effet, c’est une même chose qu’Élie au visage couvert, que Moïse introduit dans la nuée en laquelle Dieu se tenait, ou qu’Adam ou Jacob endormis quant au corps pour mieux veiller et être attentif à Dieu quant à l’esprit. Aussi, expliquant que le Saint Prophète se soit couvert le visage, saint Grégoire dit ceci : « Selon l’état de cette vie, nous connaissons Dieu plus véritablement lorsque l’entendement étant ramené aux pieds de sa grandeur, il reconnaît qu’il ne peut rien connaître de ce qu’il est en lui-même. (Tunc ergo verum est quod de Deo cognoscimus cum plene nos aliquid de illo cognoscere non posse sentimus.512) »

En cette vision de prémisses si neuves et qui annonçaient de grandes choses, le Saint Prophète reçut deux sortes de communications divines : l’une à exécuter immédiatement auprès d’autres personnes, et c’est celle que déclare le texte sacré ; l’autre à réaliser d’abord lui-même en sa personne ; et à partir de lui qui en serait la forme originelle et l’exemple vivant, il lui faudrait la transmettre à d’autres, cette communication lui enjoignant de fonder une nouvelle congrégation d’anges terrestres qui imiteraient ceux du ciel ; et cette communication imprima en son esprit la forme de cette vie céleste qui devait être conservée en cette congrégation, l’établissant d’avance sur l’observance des conseils évangéliques que le Fils de Dieu devait ensuite prêcher au monde, l’accréditant d’abord durant neuf cents ans dans l’élite de son peuple et sous l’éloge universel de toutes les nations. C’était là comme une annonce des éclats magnifiques du Soleil Divin, de telle sorte que cette forme de vie ne soit pas une nouveauté quand il viendrait, et que les conseils évangéliques ne soient pas tenus pour impossibles quand il les prêcherait, puisqu’ils auraient été vus déjà exercés durant tant de siècles par des gens si bien accrédités ; au point que le très sage Philon disait en témoin oculaire, que la vie de cette congrégation était si admirable, qu’elle provoquait l’admiration et l’étonnement non seulement du commun des mortels, mais aussi des rois et des princes ; ainsi vénéraient-ils la noblesse de cette vie, et ils l’honoraient d’approbations et de déclarations pleines d’éloges : Haec igitur essenorum vita est, adeo ut non privati tantum, sed magni etiam reges viros istos admirati obstupescant, talisquae vitae majestatem approbationibus et honoribus venerentur513.

Ainsi, non seulement saint Jean-Baptiste, revêtu de l’esprit d’Élie, mais encore toute la congragation fondée par le saint Prophète a rempli l’office de précurseur du Christ, et en elle se vérifient ces paroles du prophète Isaïe : « Voix de celui qui crie dans le de désert : préparez le chemin du Seigneur, rendez droits et aplanissez dans la solitude les sentiers de notre Dieu. » Ces paroles, il semble que la congrégation d’Élie les disait elle-même à ses fils demeurant en la solitude, de telle sorte qu’en conservant en leur institut les conseils de la continence perpétuelle, du dépouillement de toute chose, de la négation de tous les attachements de la chair, de la croix et de la pénitence — ce sont là les sentiers de la perfection et les raccourcis de la vie éternelle —, ils aplanissent ces sentiers devant le Seigneur qui devait ensuite venir les prêcher. Et le Saint Prophète dit que ces voix doivent crier dans la solitude parce que, de même que le Seigneur a choisi d’autres congrégations pour s’adresser aux fidèles en allant parmi eux, il a choisi la nôtre pour s’adresser à eux en les édifiant depuis la solitude de la cellule, par l’oraison et le bon exemple. La solennité avec laquelle fut donnée à Élie cette figure de l’édifice de la perfection sur le mont Horeb, nous la trouvons aussi lorsque cet édifice fut construit conformément à elle sur le mont Sion, et que par la venue de l’Esprit-Saint, les conseils évangéliques furent promulgués pour le monde entier, donnés auparavant seulement à Élie et à ses fils. En effet, avant cette promulgation, un vent violent est venu, ainsi que les torches des langues de feu, et les apôtres furent recréés par la brise délicate de l’Esprit divin comme Élie l’avait été autrefois, la figure et l’édifice s’accordant de cette manière.

Et non seulement les fils d’Élie préparèrent les sentiers du Christ avant sa venue, mais après elle, ils l’aidèrent aussi à établir sur eux l’édifice de la perfection. En effet, quand Jean-Baptiste leur fit connaître que celui qu’ils attendaient était arrivé, ils le reconnurent pour le Messie et ils le suivirent en sa doctrine qui était la même que celle qu’ils professaient. En effet, l’entretien que rapporte l’Évangile et dans lequel saint Jean donne une si haute connaissance du Sauveur aux personnes auxquelles il parle, les auteurs disent qu’il se passait entre saint Jean lui-même et ses disciples, les Esséniens ; et il semble que le texte sacré insinue la même chose, car après avoir dit que le Sauveur qu’il présentait était l’Agneau de Dieu qui enlevait les péchés du monde, Jean-Baptiste ajoute : « c’est lui dont j’ai dit d’autres fois qu’il devait venir », signifiant par là que cette façon de parler était très fréquente entre le maître et les disciples. Ailleurs, alors que le texte sacré indique que saint Jean parlait avec ses disciples, il leur fit mention de ce premier entretien et il leur dit clairement que le Christ était le Fils de Dieu, en qui le Père Eternel avait établi toute chose. Connaissant cela, les Esséniens se rangèrent aux côtés du Christ, défendant sa doctrine contre les Pharisiens et les Saducéens, et contre d’autres sectes juives. Les hommes sages et les historiens de l’Église ont tiré cette défense du silence des évangiles à propos des Esséniens, car ils ne nomment que ceux qui contredisaient le Christ ; et cette contradiction des conseils évangéliques était si universelle dans ces sectes, que même celle des Rechabites, la plus réformée après les Esséniens, quoiqu’ils fussent mariés, s’en scandalisait à cause du vœu de continence, ainsi que le rapporte Josèphe. Sur ce point, ils disaient que les Esséniens détruisaient la nature en s’abstenant des noces, par lesquelles se propage l’espèce humaine : Maximam siquidem vitae hominum partem, successionem scilicet, amputare eos qui abstinent nuptiis arbitrantur514.

Laissant maintenant ces choses anciennes à notre Histoire, en laquelle elles seront solidement vérifiées, et retournant à ce qui nous concerne ici, c’est-à-dire à la contemplation qu’Élie reçut de Dieu pour l’établir en son école, un auteur ancien nous la fait connaître par ces mots : « Les disciples d’Élie élevèrent avec tant de force leur esprit à Dieu dans la contemplation, à l’exemple de leur maître, qu’ils semblaient déjà transportés dans les chœurs célestes pour contempler à vue découverte et sans nuage la gloire de Dieu. En cette contemplation, ils jouissaient des entretiens divins comme ceux qui sont déjà unis à Dieu avec un esprit pur. » Voilà ce que dit cet auteur, et parlant des mêmes disciples, Philon, après avoir dit qu’en plus des deux moments du matin et du soir où ils s’exerçaient en la contemplation, ils consacraient à la considération le reste du temps, ajoute ceci sur le mode de leur oraison : ut mentes eorum caelesti repleantur lumine, et anima in totum exonerata sensibus moleque rerum sensibilium, veritatem vestiget in consistorio domestico515. Par ces mots, il indique les deux moyens principaux de la contemplation : le premier, c’est qu’ils l’ordonnaient à recevoir la lumière divine au plus haut de l’esprit ; le second, c’est qu’ils lui ôtaient pour cela ce qui trouble cette illumination, c’est-à-dire toutes les notices des réalités qui entrent par les sens. Et non seulement les auteurs chrétiens et juifs nous font connaître cette contemplation que les fils d’Élie reçurent de Dieu par la main de leur maître, mais nous en trouvons aussi la trace chez les auteurs païens. En effet, Ovide, mentionnant l’expédition de Pythagore en Judée pour y rencontrer les Esséniens, à cause de l’admiration que leur vie provoquait chez tous les païens — expédition que de très sérieux auteurs de l’antiquité ont racontée, et un des disciples de Pythagore nommé Jamblique affirme avoir habité quelque temps sur le Mont Carmel pour y rencontrer les Esséniens à leur source et origine —, Ovide, donc, nous dit ceci pour préciser le mode de prière qu’il avait appris d’eux : Mente Deos adiit et quæ natura negavit visibus humanis, oculis ea pectoris hausit516. Par ces mots, mis à part l’expression païenne qui nomme Dieu au pluriel, il expliquait la contemplation divine qui s’exerce dans les puissances spirituelles en négation des réalités qui entrent par les sens.





Chapitre 20 Comment, en d’autres temps de la Loi écrite, le Seigneur nous a donné des connaissances accréditées par ses prophètes au sujet de cette contemplation où il se communique à nous

Le Seigneur a communiqué la connaissance illuminée de cette contemplation à encore beaucoup d’autres prophètes de la Loi écrite, et c’est à elle que se disposait le prophète David quand il disait : « J’écouterai ce que me dit le Seigneur. » Et le prophète Habacuc explique cette écoute en disant : Super custodiam meam stabo, et figam gradum super munitionem et contemplabor ut videam quid dicatur mihi517, c’est-à-dire : « Je m’établirai au-dessus de ma raison et au-dessus de toutes les représentations de l’imagination, et je contemplerai pour voir ce que le Seigneur me dira. » Si bien qu’écouter Dieu dans la contemplation pour recevoir l’illumination divine, cela doit se faire au-dessus des actes de la raison et de l’imagination, parce que, comme disent les maîtres sages, Deus regulariter non loquitur ad hominem nisi attendentem et vigilantem et collectum ab omni strepitu phantasmatum518; c’est-à-dire qu’en règle générale, Dieu ne parle à l’homme que lorsqu’il est attentif et vigilant, et recueilli en deçà de toutes les représentations provenant de l’imagination. À cette écoute, le prophète David ajoute que la parole de Dieu que l’on reçoit en elle établit l’âme et toutes ses puissances en paix et quiétude ; et traitant ailleurs de cette même parole, il dit qu’elle établit l’entendement en pureté et limpidité de tous les nuages des similitudes distinctes, et rend la volonté généreuse comme la terre arrosée des eaux du ciel. Tout cela permet de voir que la connaissance illuminée que ces saints prophètes nous donnent de la véritable contemplation qui dispose l’âme aux dons de Dieu, est la même que celle rapportée par ailleurs à propos de saint Denys et de saint Thomas, lorsqu’ils disaient que le mouvement circulaire qui se fait en cette contemplation doit s’exercer au-dessus des actes de l’imagination et de la raison, toute l’âme étant ramenée à la simplicité et quiétude.

Le prophète David nous donne ailleurs encore connaissance de cette contemplation en disant : « Qui me donnera des ailes comme à la colombe, que je vole et me repose ? Voici que je m’enfuis et que je me pose en la solitude où m’attendait celui qui m’a sauvé. » Dans l’explication de ces paroles et parlant du sommeil de la contemplation, saint Bernard dit ceci : « Cette sorte de sommeil vivant et éveillé, n’endort pas le sens intérieur, il l’illumine, au contraire, et repoussant la mort, il donne vie éternelle. Qui me donnera des ailes comme à la colombe, que je vole et me repose, mort à toutes les choses du monde ? Ah ! Que je meure bien souvent de cette mort pour échapper aux lacets de la mort ! Que mon âme meure de la mort des justes pour qu’aucune tromperie ne l’attache et qu’aucun mal ne la séduise ! Mais comme cette mort est encore une mort d’homme, que mon âme meure aussi de la mort des anges (si l’on peut dire), pour qu’en échappant aux choses présentes, sa mémoire se dénude non seulement des désirs des choses inférieures et corporelles, mais aussi de leurs similitudes ! Et que sa conduite soit pure, en compagnie de ceux à qui elle est semblable en pureté — car c’est ce mode d’échappée qui s’appelle proprement contemplation ! En effet, que quelqu’un ne soit pas retenu par les désirs des choses temporelles tout en vivant dans la chair, c’est là une grande chose, mais dans l’ordre de la force humaine ; alors que ne pas être enveloppé de leurs similitudes dans la contemplation, voilà le propre de la pureté angélique. L’un et l’autre est don de la grâce divine, et dans les deux cas, l’homme échappe à lui-même et se transcende, mais si dans l’un il se fuit beaucoup lui-même, il ne le fait pas autant dans l’autre. Heureux celui qui peut dire : “voici que je m’enfuis et que je me pose en la solitude” ! Il ne se contente pas de s’élever, mais il s’enfuit aussi pour pouvoir reposer. Laisse les séductions de la chair pour ne plus obéir à ses désirs et ne plus être retenu par ses délices trompeuses ! Tu as fait des progrès et tu t’en es déjà éloigné, mais tu ne t’es pas enfui si tu n’es pas parvenu encore à traverser par l’envol de l’esprit toutes les similitudes des choses visibles qui t’assaillent sans relâche tant que tu ne demeures pas dans la pureté de l’âme. Jusque là, ne t’accorde aucun repos, et tu te tromperais si tu pensais trouver ailleurs le lieu de quiétude, le secret de la solitude, la sérénité de la lumière et la demeure de la paix, car c’est cela demeurer en solitude et habiter en paix. » Tout cela est de saint Bernard, et il explique ensuite comment dans cette solitude lumineuse et quiète, l’Épouse était élevée au-dessus d’elle-même, jouissant des embrassements de l’Époux et dormant doucement en sa tente, alors qu’elle conjurait les filles de Jérusalem de ne point l’éveiller.

C’est cette même contemplation que Salomon, fils de David, nous fait longuement connaître dans tout le livre mystérieux du Cantique des Cantiques, dans lequel il nous montre l’âme contemplative dans cette disposition que vient de nous expliquer saint Bernard, en sommeil de toutes les choses créées quant au corps, et l’esprit éveillé pour Dieu. Et il nous explique les degrés de contemplation et les blessures d’amour par où l’Époux divin la guide jusqu’à l’unir à lui dans le cellier des vins mystiques et dans la maison de la Sagesse où il la transforme en son amour, où il lui dresse une table abondante de délices et de richesses célestes, la faisant participer, comme dit saint Denys, au banquet éternel qu’il offre dans le ciel aux bienheureux ; et l’ayant enivrée du mélange des vins de la divinité et de l’humanité de l’Époux, il lui sacrifie alors les victimes d’un amour embrasé et tendre. Et ainsi s’accomplit en ce sommeil de l’Épouse ce que dit saint Grégoire, que dans le silence de la contemplation, nous sommes comme endormis extérieurement et veillant intérieurement : in hoc itaque silentio cordis dum per contemplationem interius vigilamus, exterius quasi obdormiscimus519.

C’est à propos de ce silence et de cette quiétude simple de la contemplation en solitude de toutes les choses créées et de toutes leurs similitudes que saint Grégoire et d’autres auteurs autorisés expliquent ces paroles de l’Ecclésiastique : « C’est au temps de la vacuité que la Sagesse écrit, et c’est celui qui se répandra le moins dans la multiplicité des actes, qui la recevra et en sera rempli. » Et ils expliquent aussi au même propos ces paroles d’Isaïe : « A qui le Seigneur enseignera-t-il la sagesse, et à qui fera-t-il comprendre ce qu’il lui dira ? À ceux qui sont sevrés du lait des choses sensibles et détachés de leurs mamelles. » Et à partir de là, on comprendra combien saint Denys avait raison de dire que pour parvenir à connaître cette sagesse cachée, qui lui paraît ignorance tant elle excède notre entendement, et à être illuminé de cette lumière, qui lui paraît obscurité pour la même raison, l’âme doit se dépouiller de toutes les autres connaissances et similitudes des réalités qui la recouvrent : Omnia auferimus ut incircumvelate cognoscamus illam ignorantiam ab omnibus cognitis in omnibus existentibus velatam, et supersubstantialem illam videamus caliginem et ab omni eo quod in existentibus lumine occultatam520.

L’Esprit-Saint nous a fait connaître la même chose par le prophète Osée, quand il ajoute, après nous avoir dit qu’il réjouirait de ses mamelles l’âme contemplative : « Je la conduirai dans la solitude et je lui parlerai au cœur. » En effet, dans la solitude que saint Bernard nous a expliquée un peu plus haut, en laquelle l’entendement se trouve dépouillé de toutes les notices et de toutes les similitudes des réalités, Dieu parle à l’âme et ce que nous a dit saint Denys se réalise, c’est-à-dire que nous devons recevoir l’illumination divine en quiétude de toutes nos opérations intellectuelles. Et le prophète Jérémie nous fait la même recommandation quand il dit ceci à propos du véritable contemplatif : « il s’établira solitaire, il se taira et s’élèvera au-dessus de lui-même. » Par ces mots, il déclare les propriétés du contemplatif dans la connaissance et la participation des réalités divines mêmes : il lui faut demeurer en solitude de toutes les réalités et de leurs similitudes, et se taire quant à son opération active dans l’acte continué (c’est cela s’établir) en lumière de foi, car c’est cela s’établir au-dessus de soi-même et en opération superintellectuelle. Toutes ces propriétés, saint Denys les demande pour cette participation aux réalités divines mêmes. Sur ce passage, saint Thomas explique comment l’entendement ne peut pas se tenir élevé au-dessus de lui-même ni participer aux réalités divines mêmes, tant qu’il est revêtu de quelque similitude de réalité connue, du fait que tout ce qu’il peut connaître en cette vie par son discours et par la lumière naturelle est inférieur à lui.



Chapitre 21 Que le temps de la Loi de la Grâce étant arrivé, Dieu a enseigné par sa bouche cette contemplation qu’il avait enseignée auparavant par la bouche de ses prophètes

Le temps de la Loi de la Grâce une fois arrivé, temps auquel Dieu avait déterminé de sanctifier le monde par sa présence corporelle et en donnant à l’homme la façon d’adorer son créateur, c’est de sa propre bouche qu’il lui a enseigné la contemplation divine qu’il lui avait enseignée aux temps anciens de la bouche des prophètes ; les évangélistes nous le montrent en bien des passages de l’histoire évangélique, et nous allons ici en mentionner quelques-uns, pour autant qu’ils suffiront à vérifier notre propos.

Le premier passage nous vient de saint Matthieu, en ces mots prononcés par le Sauveur : « Quand tu pries, entre en ton recueillement, ferme ta porte et pries ton Père dans le secret, et ton Père qui voit les choses secrètes te donneras ce que tu demandes. » Les saints expliquent ces paroles à propos de notre contemplation spirituelle et simple en recueillement de l’esprit, et saint Ambroise les commente ainsi : Cubiculum tuum mentis arcanum animique secretum est. In hoc cubiculum tuum intra, hoc est, egredere de corporis tui exteriore vestibulo, et totus intra in alta praecordia cordis tui, et claude ostium tuum521. Cette chambre en laquelle le Christ Notre-Seigneur nous demande d’entrer pour prier, c’est le secret de la partie spirituelle de l’âme, en laquelle il veut que nous nous recueillions en sortant du vestibule matériel de la partie sensible ; et l’homme tout entier pénétrant dans les profonds replis de l’esprit, qu’il ferme la porte de toutes les pensées par laquelle entre ordinairement ce qui souille et inquiète l’âme. Voilà ce que dit saint Ambroise. Le Seigneur continuant, il ajoute aux paroles déjà citées un élément très nécessaire en matière de contemplation : « Quand vous priez, ne parlez pas beaucoup comme le font les païens, pensant que leurs nombreuses paroles les feront écouter de leurs dieux. Ne leur ressemblez donc pas, car votre Père sait ce dont vous avez besoin avant même que vous le lui demandiez. » Par ces mots, le Fils de Dieu, Sagesse éternelle, nous rappelle la doctrine mystique qu’il nous avait donnée dans l’Ecclésiastique, citée au chapitre précédent, selon laquelle c’est celui qui fera le moins d’actes en la contemplation, qui recevra la sagesse et en sera rempli, nous recommandant si fréquemment la quiétude simple et continue en l’oraison mentale comme étant très nécessaire pour communiquer avec Dieu, et obtenir les dons de ses divines faveurs.

C’est encore cette contemplation que le Sauveur nous fait connaître lorsqu’il dit : « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. » Saint Thomas commente ainsi ces mots à notre propos : les dons de l’Esprit-Saint ont deux sortes d’actes, les uns concernent l’état d’ici-bas, les autres l’au-delà, tant pour la vie active que pour la contemplative, laquelle commence ici-bas et s’achève en la Patrie. Aussi la sixième béatitude, celle des cœurs purs qui verront Dieu et qui appartient au don d’intelligence, aboutit en la Patrie à voir l’essence divine à découvert ; mais en l’état d’ici-bas, nous voyons Dieu davantage en connaissant ce qu’il n’est pas, qu’en saisissant ce qu’il est. Et pour autant, quant à l’état de cette vie, la pureté du cœur ne concerne pas seulement les séductions des passions, mais aussi celles des similitudes de la fantaisie et des formes spirituelles, et ceux qui avancent vers la contemplation divine doivent se retirer d’elles toutes. Tout cela est de saint Thomas, nous expliquant par là que pour jouir de Dieu en cette vie avec un début de béatitude, ce qui est le rôle de la contemplation, l’esprit doit être pur non seulement des affections, mais aussi de toutes les similitudes distinctes qui le brouillent et l’obscurcissent, pureté que le Seigneur demande par ces mots pour qu’on le contemple en cette vie.

En un autre passage rapporté par l’évangéliste saint Jean, le Sauveur nous a enseigné cette contemplation en des paroles si claires qu’il n’y a pas besoin qu’un commentateur les explique ; les voici : « Le temps est venu où les vrais adorateurs de Dieu adoreront le Père, ni en cette montagne, ni au Temple de Jérusalem, mais en esprit et vérité, car c’est ainsi que le Père veut être adoré ; en effet, Dieu est esprit, et il faut donc que ceux qui l’adorent, l’adorent de cette manière, en esprit et vérité. » Toutes ces paroles sont de la Sagesse divine qui les a prononcées de sa propre bouche, et elles conviennent si bien à notre propos, que si nous n’avions pas d’autre fondement pour recommander cette contemplation, elles suffiraient amplement à le faire. Et quoique toutes soient pleines de substance en cette matière, je ne traiterai que de leur sens propre ; et d’ailleurs, elles ne peuvent se comprendre en toute rigueur et en ce sens propre autrement qu’à propos de la contemplation qu’expliquent les saints.

En effet, en disant que les vrais adorateurs de Dieu devaient l’adorer en esprit, le Sauveur indiquait que la contemplation véritable devait s’exercer en la partie spirituelle de l’homme, libérée des organes corporels et de leurs actes qui retiennent l’esprit, quia substantia animae in quantum alligatur corpori, anima dicitur ; sed in quantum separabilis est, et separata manet, spiritus vocatur522. En effet, selon la division que les grands maîtres en cette sagesse font dans la contemplation divine, l’âme et ce qui est animal demeure en la partie inférieure, et l’esprit et ce qui est spirituel vole vers le haut pour s’unir à Dieu : in hac itaque divisione, anima et quod animale est in imo remanet, spiritus autem et quod spirituale est ad summa evolat. Ab infimis dividitur ut ad summa sublevetur; ab anima scinditur ut Domino uniatur, quoniam qui adhaeret Deo, unus spiritus est cum illo523.

De même, en disant qu’il fallait adorer Dieu en vérité, le Sauveur indiquait que la contemplation véritable devait s’exercer en la lumière de la foi, car il est certain qu’il parlait de la vérité en laquelle nous pouvons contempler Dieu selon l’état de cette vie, vérité qui ne peut être autre que celle de la foi, car c’est elle la lumière véritable qui nous éclaire actuellement ; et cette vérité est simple et d’aucune manière discursive ni raciocinative. Et même les vérités procédant de la raison, lorsqu’elles ont à être mêlées en l’intelligence à la vérité divine, doivent y être présentées sur un mode simple, comme on l’a expliqué, dépouillées des figures qui les faisaient connaître dans le discours.

Finalement, le Sauveur nous ordonne par ces mots ce que l’on a si souvent rapporté de la doctrine de saint Denys et de saint Thomas : pour que l’âme soit mue par Dieu dans l’oraison et rendue parfaite par ses dons, elle doit lui être proportionnée, et c’est pour cela qu’il dit que Dieu étant esprit, il veut être adoré en esprit. C’est la lumière simple de la foi qui opère cette proportion, elle seule élevant l’entendement au-dessus de lui-même et le proportionnant à Dieu, pour lui appartenir à ce moment-là et ne plus s’appartenir, ce qui est nécessaire pour être mû par lui, ainsi que saint Denys l’a dit à notre propos.

Et ce n’est pas seulement par la parole, mais aussi par l’expérience, que le Christ Notre-Seigneur a enseigné à ses apôtres cette contemplation divine, particulièrement lorsqu’il s’est transfiguré sur le mont Thabor devant les trois qu’il préférait : là, alors qu’ils le regardaient de leurs yeux corporels entre Élie et Moïse, une nuée resplendissante survint qui leur couvrit la vue corporelle du Christ, faisant l’office de la foi illuminée du don de sagesse, et qui les éleva à une très haute connaissance de sa divinité, et leur fit comprendre que ce Seigneur qui parlait et se comportait si familièrement, revêtu de notre chair, était le Fils de Dieu si souvent promis aux prophètes ; et par cette connaissance, elle les emporta en la vision intellectuelle de sa grandeur, et ils y demeurèrent jusqu’à ce que le Seigneur s’abaissant, il les appelle et les rende à l’usage de leurs sens. L’apôtre saint Pierre mentionne cette illumination en sa seconde épître, et en l’expliquant à notre propos, le vénérable Richard de Saint-Victor déclare ceci : c’est cet office même d’illumination divine que remplissait cette nuée resplendissante qui recouvrit les trois disciples du Christ, car elle mettait en eux à la fois obscurité et lumière, une même nuée provoquant des effets si opposés, les illuminant pour les réalités divines et les plongeant dans l’obscurité pour les réalités humaines (Una itaque et eadem nubes et lucendo obumbravit, et obumbrando illuminavit, quia et illuminavit ad divina, et obnubilavit ad humana.524).



Chapitre 22 Comment les Apôtres ont enseigné à leurs disciples la contemplation qu’ils avaient reçue du Christ Notre-Seigneur pour qu’ils la communiquent à toute l’Église

Cette connaissance divine de la contemplation véritable par laquelle l’homme qui se trouve encore dans les misères de cette vie, vient à communiquer avec Dieu tel qu’il est en lui-même, à la façon de l’ange, le Sauveur l’a donnée aux apôtres, et ceux-ci l’ont enseignée à leurs disciples, particulièrement à saint Denys pour que celui-ci la communique à toute l’Église. C’est ainsi que ce dernier affirme en l’un de ses livres ne rien dire de lui-même, mais seulement ce que les apôtres lui ont enseigné, en particulier son maître l’apôtre saint Paul. Et ailleurs, il désigne les apôtres eux-mêmes comme auteurs de la doctrine qu’il enseigne au sujet de la contemplation, par exemple quand il dit à la fin du traité des Noms Divins que les apôtres ont enseigné le chemin de négation pour s’élever à Dieu, chemin pratiqué par lui en bien des passages de ce livre ; ou encore dans le premier chapitre de la Théologie Mystique, quand il dit que même s’il est présent à tous du fait de son immensité, Dieu ne se communique véritablement et sans voiles qu’à ceux qui transcendent toutes les choses créées et leurs propres actes quant à la force active, pour entrer dans l’obscurité de la foi où l’on trouve Dieu : il donne alors pour auteur de cette doctrine l’apôtre saint Barthélemy.

Cependant, laissant de côté tous les passages apostoliques que l’on pourrait expliquer à ce propos, je me contenterai d’en commenter un de la seconde lettre que l’apôtre saint Paul écrivit aux Corinthiens ; voici ce qu’il y dit à propos de la contemplation que lui-même et les autres disciples du Christ pratiquaient selon l’enseignement de leur maître : Nos autem revelata facie gloriam Domini speculantes, in eamdem imaginem transformamur a claritate in claritatem, tamquam a Domini Spiritu525. Ces paroles, saint Augustin, saint Thomas, saint Bernard, saint Bonaventure et d’autres saints ou d’autres auteurs de poids les appliquent à notre contemplation. Et quoique certains d’entre eux, notamment saint Bonaventure, expliquent longuement ce passage en montrant combien l’Apôtre résume parfaitement les propriétés principales de la contemplation véritable en ces quelques mots, je vais les commenter avec ce qu’en dit son disciple saint Denys, lui qui a entendu de sa bouche cette sagesse cachée et qui nous l’a communiquée en toute sa pureté, et je laisserai de côté les autres explications. Et à bien comprendre ce passage, on satisfait à tous les doutes qui pourraient survenir en cette matière.

Saint Paul dit d’abord que revela facie, c’est-à-dire le visage non couvert de voiles, il contemplait comme en un miroire la gloire du Seigneur. Ce qu’il appelait revelata facie, saint Denys l’appelle revelata mente avec le même sens, et saint Thomas l’explique ainsi : revelata mente est ut intellectus noster non obumbretur caligine phantasmatum, quod accidit illis qui spiritualia non supra corporalia capere volunt, propter quod impedimur ab ascensu in Deum526. C’est-à-dire que se tenir devant Dieu dans l’oraison revelata mente, cela revient à ce que notre entendement ne soit pas assombri par l’obscurité des similitudes qui procèdent de l’imagination. Or, cela arrive à ceux qui ne veulent pas contempler les choses spirituelles au-dessus des corporelles, et qui pour autant sont retenus dans la montée vers Dieu. Et saint Denys ajoute que, même si Dieu est présent à tous, tous ne lui sont pas présents dans l’oraison, mais seulement ceux dont l’entendement est ainsi dépouillé de tous voiles de similitudes sensibles et distinctes ; et ainsi, se tenir revelata facie en l’oraison, c’est se présenter à Dieu.

L’Apôtre continue : avec ce visage découvert, « il contemplait Dieu comme en un miroir », ce qui ne pouvait pas être dans le miroir des créatures, lequel n’est pas compatible avec le visage non couvert de voiles. En effet, toute spéculation par les créatures et par le discours de la raison est une succession continuelle de voiles et de figures : Propter obumbrationem intellectualis luminis, homo rationalis dicitur, cum ratio sit quidam intellectus obumbratus527. Aussi faut-il nécessairement que ce miroir soit celui de la foi, laquelle est le miroir divin où nous voyons Dieu en cette vie d’une façon si exacte, que ce que les bienheureux en voient dans la lumière de gloire, nous le voyons ici-bas en celle de la foi, eux en en jouissant face à face, et nous en le croyant.

L’Apôtre continue : contemplant Dieu de cette manière, « nous nous transformons en cette même image. » Ces mots concernent la différence établie par saint Thomas commentant saint Denys, entre la contemplation des réalités qui sont inférieures à l’entendement, ce qui est le cas de toutes les réalités visibles, et celle des réalités qui lui sont supérieures, ce qui est le cas des réalités divines. Celles-là, il les connaît par abstraction en les attirant à lui, et ainsi il les ennoblit, car elles sont plus spirituelles et simples en l’entendement qu’en elles-mêmes ; mais parce que les réalités divines présentées par la foi sont plus spirituelles et parfaites en elles-mêmes qu’en notre entendement et qu’en toute autre similitude de réalité créée, il s’ensuit que divinorum cognitio fieri non potest per abstractionem sed per participationem528. C’est-à-dire que les réalités divines ne peuvent pas se contempler par abstraction, car ce serait les diminuer que de les attirer à l’entendement pour les transformer en lui, mais par participation, en se transportant en elles pour que l’entendement se transforme en elles et se rende par là divin de quelque manière. C’est cela se transformer en cette même image. À partir de là, on comprendra la justesse des paroles suivantes de saint Denys, alors qu’il excluait de la contemplation divine la lumière naturelle pour embrasser celle de la foi : secundum hanc igitur oportet divina intelligere non secundum nos, sed nos ipsos extra nos ipsos statutos et totos deificatos529. C’est-à-dire que les réalités divines doivent être contemplées à la lumière de la foi, et non pas à la lumière qui nous est naturelle ; elles ne doivent pas non plus l’être selon le mode de celle-ci, mais en sortant de nous-mêmes et en nous transportant vers elles, pour être complètement déifiés en participant à elles.

Enfin, l’Apôtre dit que par cette disposition, le contemplatif s’élève « de clarté en clarté, comme mue par l’Esprit du Seigneur. » La contemplation s’ordonne à cette motion divine, en tant que moyen proportionné aux dons de Dieu qui revêtent l’âme de la ressemblance divine. Cette élévation du contemplatif de clarté en clarté, saint Denys l’a expliquée très à propos, nous donnant part à la lumière mystique reçue de l’Apôtre, son maître ; aussi, après avoir expliqué comment l’illumination divine reçue en l’âme sans obstacle, commence par illuminer l’entendement et le purifier de l’obscurité des erreurs et de l’ignorance, il décrit en ces mots la façon dont elle augmente quand le contemplatif s’y exerce comme il convient : et tradit prius quidem mensuratam claritatem, postea illis sicut gustantibus lumen et magis desiderantibus magis seipsum immittit et abundanter superfulget, quoniam dilexerunt multum530. Ce qui veut dire qu’au commencement, comme saint Thomas l’explique, l’illumination divine se donne à tout contemplatif bien disposé, selon la mesure que Dieu a déterminée, réalisant en lui ce que dit l’Apôtre : « A chacun, la grâce a été donnée selon la mesure du don du Christ. » Mais une fois goûtées, les réalités spirituelles éveillent le désir, lequel auparavant demeurait tiède faute de ce goût ; aussi, une fois goûté le premier don de la lumière, la connaissance de la vérité se désire davantage, la lumière augmente avec ce désir, car les effets de la grâce divine se multiplient selon la multiplication du désir et de l’amour, et ainsi les véritables contemplatifs sont dans un mouvement continu d’augmentation de lumière et de perfection, le désir croissant avec la lumière, et la lumière croissant avec le désir augmenté. C’est de cette manière que saint Thomas commente les paroles de saint Denys, par lesquelles auront été expliquées aussi celles de l’Apôtre, son maître.

Ce même Apôtre achève ici de nous faire connaître divinement la véritable contemplation, en nous disant comment doit être cette ascension vers les illuminations divines et vers les accroissements de notre perfection : non pas par un mouvement de notre opération propre qui procéderait dans la contemplation de la lumière naturelle, mais en nous disposant à être mû par l’Esprit du Seigneur. En effet, comme ce même apôtre le dit ailleurs, c’est l’opération de Dieu qui doit réformer notre bassesse à la ressemblance de sa gloire. Et pour autant, les théologiens disent que les vertus et les dons infus que cette réformation divine produit en nous ne peuvent pas y être provoqués par les actes humains mus par la raison, mais seulement par l’opération divine. Et saint Denys dit que le contemplatif se dispose à recevoir cette opération, quand il cesse de se mouvoir par les moyens de la lumière naturelle et va vers Dieu par la seule lumière de la foi. En effet, de même que le contemplatif s’appartenait à lui-même en exerçant l’autre lumière, il se met avec celle-ci à appartenir à Dieu pour être mû par lui. Et il ajoute à notre propos que les dons divins lui sont alors accordés.

Telles sont les sources d’où provient la contemplation que notre vénérable Père enseignait oralement, et qu’il a laissée comme une empreinte dans ses écrits ; on a déjà vu à quel point s’accorde avec elle la connaissance révélée que Dieu nous en donne dans les Saintes Lettres et dans la doctrine des saints, eux qui furent les véritables et fidèles canaux de la sagesse divine. Et parce que dans tout ce discours nous avons longuement montré cette doctrine et ces canaux divins, nous le résumerons par ce que disent deux saints docteurs de l’Église, considérés en elle comme maîtres et seigneurs de la théologie véritable, et que nous n’avons pas encore mentionnés, à savoir saint Grégoire de Naziance et saint Augustin.

Voici donc ce que saint Grégoire dit de cette contemplation : Nihil enim mihi tam optandum cuiquam esse videbatur, quam ut occlusis sensibus atque extra carnem mundumque positus et in seipso collectus, nec nisi quantum necessitas exigit, quidquam humanarum rerum attingens, atque secum ipse et cum Deo colloquens, superiorem iis rebus quæ in aspectum cadunt, vitam agat, divinasque species puras semper, nec terrenis ullis et errantibus formis admixtas, in seipso circumferat, Deique ac rerum divinarum, purum omnino speculum sit, in diesque efficiatur, ac lucem per lucem assumat, clariorem videlicet per obscuriorem, jamque futuri ævi bonum spe percipiat, et cum angelis versetur, ac licet adhuc in terris sit, terram deserat, atque a spiritu sursum collocetur531. Tous ces mots sont pleins de substance en matière de contemplation, et ils nous offrent une doctrine très autorisée, celle de l’un des grands maîtres de nos anciens moines, rapportant ce qui se passait alors parmi eux, conformément à la forme de vie première que Dieu avait donnée à notre Père dans les débuts, et qu’il avait renouvelée par les apôtres du Christ, comme on l’a indiqué. Voici donc ce qu’il dit : « Rien ne m’a paru plus désirable que ceci : avoir fermé sa porte aux sens et être établi hors de la chair et du monde, l’esprit recueilli en lui-même ; et là, converser avec Dieu et mener une vie supérieure à ces choses que nous voyons, faire pénétrer en soi les formes divines toujours pures et sans mélange de choses créées, que la foi nous enseigne ; et devenir chaque jour plus un pur miroir de Dieu et des choses divines, afin de recevoir la lumière par la lumière, la plus illuminée en l’illumination divine par la plus obscure de la foi reçue en sa simplicité, et recevoir déjà en espérance le bien du siècle à venir en compagnie des anges, demeurant déjà avec eux ; et tout en étant encore sur terre, abandonner ce qui est terrestre et s’établir en esprit au ciel. » Voilà comment ce saint nous décrit la contemplation divine qu’exerçaient nos anciens, et comment ils se transportaient de ce qui est temporel à ce qui est éternel et de ce qui est terrestre à ce qui est céleste, par la conformité de l’âme à son objet qui est Dieu, centre éternel de toute béatitude.

L’autre témoignage est de saint Augustin, et voici ce qu’il dit : Sileant poli, et ipsa sibi anima sileat, et transeat se, non se cogitando, sileant somnia et imaginariae revelationes, omnis lingua et omne signum, et loquatur ipse solus per se ipsum, ut audiamus verbum ejus, et rapida cogitatione attingamus aeternam sapientiam super omnia manentem, et subtrahantur aliae visiones longe imparis generis, et haec una rapiat et absorbeat et recondat in interiora gaudia expectatorem suum532. Par ces mots et tout ce qui est dit dans ce discours, on peut voir à quel point s’accordent tous les saints en ce qu’ils nous ont enseigné de la véritable contemplation, comme autant de ruisseaux jaillis d’une même source de sagesse divine. « Que les cieux se taisent, dit ce saint, et que l’âme aussi se taise vis-à-vis d’elle-même ; qu’elle se dépasse par-delà tous ses actes sans même vouloir les reconnaître ; que se taisent aussi toutes les réalités imaginaires, seraient-elles des révélations, que se taisent toute langue et toute similitude, et que Dieu seul parle de lui-même pour que sa parole soit entendue ; et que par un rapide mouvement de l’esprit, nous parvenions à atteindre la Sagesse éternelle qui se trouve au-dessus de toute chose ; et que soient ôtées toutes les autres connaissances et les visions d’un genre si différent, pour que celle-là seule emporte, submerge et cache le contemplatif dans les jouissances intérieures. » Avec ce puissant témoignage d’un si grand docteur, nous achevons notre long discours destiné à vérifier l’apostolicité de la doctrine de notre vénérable Père.



Chapitre 23 Des effets de la contemplation divine, et comment se reçoit en elle l’opération de Dieu en vue des biens surnaturels qui rendent l’homme semblable à lui

Nous avons vu avec beaucoup de clarté ce qu’est la contemplation divine véritable que Dieu a révélée aux saints pour la perfection de l’homme, et pour que dès les misères d’ici-bas, il commence à participer à la vie de la Patrie ; nous avons vu aussi qu’il n’y a pas moins de différence entre cette contemplation-là et la fausse contemplation des illuminés, qu’entre la lumière et les ténèbres ; aussi conviendra-t-il, pour mieux se rendre compte de la vérité, que nous disions quelque chose des effets admirables que la contemplation véritable produit dans les âmes qui l’exercent selon l’enseignement des saints, puisque nous avons déjà vu les effets misérables que la fausse contemplation a produits chez ses adeptes, ainsi que les extravagances et les erreurs auxquelles elle les a conduits. En effet, tout comme cette fausse contemplation a le démon pour auteur, et son opération pour moteur de ceux qui l’embrassent, la véritable a Dieu pour auteur, et son opération divine pour guide et moteur de ceux qui l’exercent ; et ainsi des causes si différentes entraînent-elles des effets tout aussi différents. Cette opération divine est celle qui, dans la contemplation, réforme l’homme à la ressemblance de la gloire de Dieu, ainsi que nous l’avons vu au chapitre précédent. C’est par cette opération divine que sont devenus saints tous ceux qui l’ont été, et c’est elle qui guérit toutes les infirmités que le péché a laissées dans la nature, comme il est dit au livre de la Sagesse. C’est par cette opération que sont parvenus à un si haut degré de perfection et à un tel sommet des vertus, tous les grands contemplatifs qui nous sont proposés dans l’Eglise en exemple de leur pratique. C’est elle qui nous donne la lumière véritable dans les ténèbres qui nous entourent, elle qui défait les pièges que l’ennemi nous tend partout, elle qui nous donne la force contre nos appétits pour qu’ils ne nous terrassent pas, et qui nous mène en sécurité à notre fin dernière parmi les prospérités et les adversités.

Par cette opération divine d’où procèdent toutes les réalités comme de la cause universelle, saint Denys dit à notre propos que l’âme possède non seulement l’être, mais aussi l’être bon. Et pour nous convaincre des effets qu’elle produit en elle pour cet être bon, il nous propose en ces mots un exemple très adapté à notre manière grossière de voir : « Si notre soleil visible, qui est unique et qui diffuse également sa lumière sur des réalités matérielles très différentes les unes des autres, produit en elles des effets très différents, les renouvelant, les nourrissant, les faisant subsister et les rendant parfaites, faisant ici sortir les fleurs, faisant ailleurs produire les fruits, les faisant s’enraciner d’un côté et se ramifier de l’autre, pousser leurs racines vers le fond de la terre et leurs branches vers le ciel, si c’est par une action simple et unique de sa lumière qu’il produit tous ces effets et d’innombrables autres dans les réalités sensibles selon la propriété de chacune, combien mieux la cause universelle de toute réalité ne le fera-t-elle pas dans les substances spirituelles ? » Tout cela est de ce saint, et par cet exemple, il s’attache à nous faire comprendre que si cette très noble créature produit de tels effets dans les corps qui reçoivent son action du fait qu’il est semblable à la bonté divine, combien plus le fera l’opération de cette bonté elle-même, dont il est une similitude (Solaris radius est similitudo expressa divinae bonitatis533), dans les âmes qui savent se disposer à recevoir son opération divine, puisque, comme il est dit dans le livre de la Sagesse, elle est une action subtile de la force de Dieu, et une illumination simple qui procède de sa clarté (vapor est enim virtutis Dei, et emanatio quaedam claritatis omnipotentis Dei sincera.534) !

Ces effets si multiples de l’opération divine en nos âmes pour les perfectionner, saint Thomas les réduit à deux qui conviennent à notre propos. Elle produit le premier en l’essence de l’âme, l’informant de façon divine par la grâce et l’amenant à sa ressemblance et à la participation de sa divinité ; et du fait de cet être de grâce, Dieu est appelé vie de l’âme. Le second effet, elle le produit dans les puissances, les informant par les habitus surnaturels des vertus et des dons infus, pour qu’elles opèrent de façon surnaturelle et divine ; et ainsi l’âme se trouve-t-elle réformée tout entière, tant en son être spirituel qu’en l’opération conforme à cet être même. Cependant, l’homme ne parvient pas en un instant à cette réformation, mais par étapes et peu à peu, selon le mode de la nature, laquelle a ses périodes par lesquelles elle va de l’imparfait au parfait, et il en va de même ordinairement pour la perfection spirituelle. En effet, même si toutes les vertus et tous les dons infus qui perfectionnent l’âme se reçoivent avec la grâce, ce n’est pas selon toute son intensité, du fait des contrariétés qu’elle rencontre en la nature qui les reçoit ; et au fur et à mesure que se retirent les contrariétés, les habitus infus s’enracinent davantage en elle et ils participent davantage de ces dons. Il en va comme du cristal impur : la lumière ne peut pas s’y répandre complètement jusqu’à ce qu’il soit purifié, et au fur et à mesure de sa purification, la lumière le pénètre davantage, et comme si elle le revêtait de sa forme lumineuse. Et il en va de même pour la perfection de l’âme : elle se fait à travers les accroissements surnaturels, selon la pénétration plus intense des habitus infus, du fait de la moindre résistance que rencontrent ses actes pour opérer en elle ses effets (origo gratiae est per novam infusionem, sed augmentum ejus est per hoc quod de imperfecto ad perfectum actus infusus educitur.535).

L’âme ne peut parvenir par sa vertu naturelle à ces accroissements de perfection surnaturelle, et pas davantage à l’infusion des dons eux-mêmes ; car dans les deux cas, l’âme ne fait que se disposer, et c’est l’opération divine qui les opère en elle (Eodem modo sumus causa augmenti gratiae, sicut et causa ipsius gratiae, scilicet per modum dispositionis tantum ; sed efficentia utrobique est ex parte ipsius Dei.536). Aussi, ce qui nous revient est de savoir comment nous devons nous disposer dans l’oraison à recevoir ces accroissements, et de mettre cela en pratique. En effet, l’opération de Dieu ne manquera pas pour sa part, si cette disposition ne manque pas pour la nôtre. Et puisque lui-même nous commande d’être comme l’est notre Père des cieux, il ne nous refusera pas les ressources nécessaires à cela, car il sait bieparfaitsn qu’elles doivent nous venir de sa main. Saint Thomas nous l’assure en disant que si Dieu, en tant qu’auteur de la nature, ne fait pas défaut dans les choses nécessaires à la vie naturelle, il fera encore moins défaut en tant qu’auteur de la grâce dans les secours nécessaires à la vie surnaturelle, laquelle est plus parfaite. Et si nous demandons à saint Denys en quoi consiste cette disposition des contemplatifs à recevoir les accroissements des dons divins, il nous dira ce que l’on a déjà rapporté ailleurs : lorsque l’entendement se dépouille des moyens de la connaissance naturelle dans la contemplation, et se revêt de la seule lumière simple de la foi pour contempler par elle les réalités divines, alors l’âme cesse de s’appartenir et se met à appartenir à Dieu pour être mue par son opération, et alors les dons divins se reçoivent. La doctrine de saint Thomas concorde avec celle-ci : il dit que, pour notre part, la disposition à recevoir les accroissements de la charité et des autres dons qui l’accompagnent, est que l’âme se réduise de la multiplicité à l’unité, et de la vie répandue à la vie unifiée, ce qui se fait dans la contemplation en lumière simple de foi.

Du fait de cette disposition de l’âme en l’oraison quiète et simple, disposition à recevoir les accroissements des vertus de l’esprit, saint Grégoire dit que l’Esprit-Saint a appelé la contemplation « lit fleuri de l’épouse », parce que c’est dans le repos de l’âme contemplative avec son Bien-Aimé, qu’elle reçoit de lui l’accroissement des vertus infuses. Et voici ce qu’il dit sur ce point : le petit lit de l’épouse n’est pas autre chose que la quiétude du repos de la contemplation, car l’esprit qui aime singulièrement le Christ son Époux, se met autant qu’il peut en quiétude de tous les soucis du monde, et il amasse en lui les vertus par lesquelles il plaît à l’Époux ; et lorsque l’épouse est entrée seule en elle-même en dédaignant toute chose, elle a formé alors ce lit pour jouir en paix avec l’Époux ; et plus elle y repose en quiétude, plus abondamment elle y trouve les fleurs dont elle s’embellit pour plaire à l’Époux (ubi quo quietius pausat, eo amplius flores invenit, quibus se decoram sponso ostendat.). Tout cela est de ce saint, et l’épouse appelle « petit lit » la contemplation de cette vie, à la différence de la contemplation de claire vision dont on jouit en la Patrie, et qui est le « grand lit » dans lequel l’âme jouit de son Époux. Et ce lit de la contemplation, le vénérable Richard de Saint-Victor lui applique la bénédiction donnée à son fils Benjamin par Jacob à l’heure de sa mort, alors qu’il lui disait : « Benjamin, qui aime tant le Seigneur, habitera en lui avec confiance, il passera le jour entier comme en sa tente et reposera entre ses bras. » Cela s’accomplit, dit cet auteur, lorsque l’âme contemplative est recueillie au-dedans d’elle-même en la lumière de la foi au-dessus des autres connaissances, et repose entre les bras de son Bien-Aimé dans la tente de son intériorité.

Le saint homme Job décrit longuement ces effets que l’illumination et l’action divine produisent en l’âme contemplative ainsi disposée ; il appelle la contemplation de quiétude en lumière de foi — selon l’explication donnée par la Glose et par Hugues Cardinal — « petit nid », à la différence de la lumière de gloire qui est « grand nid », le texte sacré parlant ainsi à ce sujet : « je mourrai en mon petit nid, et comme le palmier, je multiplierai mes jours ; mes racines s’épanouissent auprès des eaux, la rosée viendra sur ma moisson, et ma gloire se renouvellera sans cesse, et mon arc se renforcera en ma main. » Tous ces effets sont très propres à cette contemplation, car l’esprit meurt en elle à toutes les réalités créées et à toutes leurs formes, et il multiplie les forces de ses puissances pour monter comme le palmier vers le ciel ; et son sommet s’épanouit au contact des eaux des motions divines, pour recevoir comme en sa source l’illumination et l’action de Dieu, pour fructifier par sa persévérance, et cela de façon surnaturelle et parfaite. De là vient que la rosée de la grâce demeure en sa moisson, pour féconder l’âme de sa suavité et qu’elle agisse bien contre la tiédeur qui stérilise les œuvres bonnes. Avec cela, sa gloire se renouvelle sans cesse dans l’accroissement des vertus, et sa force se restaure contre les ennemis de la perfection.

Toutes ces sentences sont très remarquables pour notre propos, tout particulièrement celle qui dit que les racines de l’âme s’épanouissent au contact des eaux, car c’est de là que lui vient tout son bien. L’âme se met en cette disposition lorsque l’entendement recueilli dans le nid de la foi, meurt à toutes les autres connaissances, demeurant alors en l’acte supérieur de l’intelligence pure, sans intermédiaire entre elle et Dieu, et recevant son illumination et son action divine. Entrant sans obstacle en l’âme, celle-ci produit les effets que saint Denys décrit très en détail, commençant par purifier l’entendement de ce qui s’oppose à la lumière, passant ensuite à l’affection pour lui donner son goût et l’enflammer en désir et amour de Dieu, pénétrant finalement dans tous les replis de l’âme pour la renouveler de façon divine, jusqu’à l’unir à Dieu en état de perfection, ce qui est le sommet de la vie contemplative, à laquelle toute la vie spirituelle s’ordonne comme à sa fin.

Chapitre 24Des deux manières dont Dieu meut l’âme dans l’oraison, l’une commune et l’autre extraordinaire, et comment il faut se comporter en la commune pour ne pas y mettre obstacle

Pour traiter plus en détail des effets de la contemplation, et découvrir avec la doctrine des saints comment les contemplatifs y mettent obstacle, il faut remarquer que Dieu opère de deux manières dans les âmes, l’une par des secours communs qui ne sont refusés à personne qui ne s’y oppose, et l’autre par des secours particuliers et de façon plutôt miraculeuse, si bien qu’ils sont plus rares. À propos des premiers, saint Thomas dit ceci : « L’itinéraire commun et habituel selon lequel l’âme va à sa perfection, c’est que sous la motion intérieure de Dieu, elle se convertisse et se tourne vers lui en une conversion d’abord imparfaite, pour atteindre ensuite la parfaite, car, comme dit saint Augustin, la charité commencée mérite d’être augmentée. » Par ces mots, saint Thomas nous explique le chemin commun par lequel nous avons à aller vers notre perfection, en cherchant à obtenir ces secours ordinaires et la motion que Dieu opère par eux au-dedans de l’âme, avançant grâce à eux de façon ordonnée, sans présumer passer aux secours extraordinaires et miraculeux, à moins que Dieu ne les donne de sa volonté libre, selon ce qu’il voit nous convenir. Saint Bernard nous le recommande par ces mots : « Certes, Dieu, dont le pouvoir est sans limites, se communique de façon extraordinaire sans qu’on le lui demande — comme on a coutume de le dire, il dispense libéralement ses biens —, et nous lisons qu’il l’a fait pour certains ; toutefois, nous n’avons pas, quant à nous, à vouloir nous élever de cette manière, tentant Dieu dans les réalités divines, mais nous avons à faire ce qui dépend de nous, avançant selon les degrés qui conviennent à nos possibilités. »

Dans l’oraison, les contemplatifs font obstacle dans deux directions à ces motions divines des secours communs ; nous les reconnaîtrons toutes les deux dans les mots par lesquels le prophète Isaïe a indiqué les dons de Dieu parvenus à bonne fin. Voici ce qu’il dit : Seigneur, nous avons conçu de ta face, et nous avons été comme en travail d’enfant, et nous avons enfanté de l’esprit. » Les conceptions divines, ce sont les motions de Dieu pour que nous avancions vers notre perfection, et quand elles se reçoivent sans obstacle, elles passent par l’entendement jusqu’à l’affection, comme saint Denys nous l’a dit à la fin du chapitre précédent : Non igitur secundum quamlibet perfectionem intellectus mittitur Filius, sed secundum talem institutionem vel instructionem intellectus, qua prorrumpat in affectum amoris537. Et là, elles éveillent les désirs de servir Dieu et de lui plaire, et l’âme est comme en travail d’enfant pour les mettre en pratique ; et lorsque ces désirs s’appliquent aux œuvres vertueuses, l’âme enfante alors de l’esprit, et les conceptions divines viennent à la lumière portées à terme, elles qui, dans l’oraison, furent conçues de la face de Dieu, l’âme ayant reçu sans obstacle son illumination et sa motion divine.

Ainsi donc, le premier obstacle que met l’âme à ces motions divines, c’est de ne pas se disposer convenablement dans l’oraison pour concevoir de la face de Dieu et être mue par lui. En effet, comme saint Laurent Justinien l’a dit à ce propos, il appartient à Dieu seul de donner goût et affection de dévotion à celui qui prie, mais il appartient à l’homme de rechercher la façon convenable de prier avec profit et de recevoir ces effets : solius Dei est orationis praestare gustum et devotionis affectum, sed hominis est orandi adinvenire modum538. Et saint Thomas disait au même propos, que selon la loi ordinaire et non miraculeuse, les motions divines ne se reçoivent pas sur le mode de Dieu et selon sa force infinie, mais sur le mode de l’homme et selon sa disposition à les recevoir : quia influentiam agentis recipit patiens per modum virtutis suae et non per modum virtutis ipsius agentis539. Et pour introduire une perfection, non seulement la force proportionnée de celui qui l’introduit est nécessaire, mais il faut aussi que celui qui la reçoit se proportionne à l’opération introduite ; aussi est-il clair que, l’action divine par laquelle cette motion doit se faire étant une lumière simple qui procède de la lumière incréée, ainsi qu’on l’a vu au chapitre précédent, et son mode d’opérer étant en toute quiétude, immobilité et silence, comme le dit saint Denys, celui qui voudra en être mû dans l’oraison devra s’y disposer par ces mêmes qualités. Et à cette disposition s’ordonne tout ce qui a été dit en ce long discours. Mais comme ceux qui se disposent ainsi, et qui savent « faire sabbat du sabbat » (c’est-à-dire se disposer à la quiétude infuse par la quiétude naturelle), sont très peu nombreux, ainsi que l’estime saint Bernard, très rares aussi sont ceux qui reçoivent sans obstacle ces motions de Dieu et ces conceptions divines. Et c’est là le premier obstacle et le plus général de ceux que certains recommandent.

Avant de passer au second obstacle, il faut répondre à une difficulté que ressentent les contemplatifs peu expérimentés dans ces motions des secours communs. En effet, comme l’illumination divine sans forme et indistincte ne se perçoit pas dans l’entendement, pour les raisons mentionnées par ailleurs, et comme la force divine n’opère pas dans ces motions communes aussi efficacement que dans les motions particulières, son opération est très subtile et a besoin de davantage de temps. Et comme les contemplatifs habitués à l’opération grossière des forces sensibles (laquelle se perçoit abondamment parce qu’elle se fait par changement corporel) ne sentent pas celle qui se fait dans les puissances spirituelles (laquelle est très simple et très subtile), ils pensent perdre leur temps dans l’acte universel de quiétude ; et en voulant se reprendre en exerçant des actes particuliers, ils s’inquiètent et perdent leur disposition à la motion divine. Pour autant, ils doivent se rappeler la doctrine de saint Denys référée par ailleurs, à savoir que l’illumination divine purge l’entendement de ses défauts avant de se mettre à réchauffer l’affection ; et cela vaut de l’obscurité des brumes d’erreur et d’ignorance que le désordre des passions a fait monter jusqu’à lui, comme de la disproportion que les péchés véniels ont entraînée entre lui et la lumière divine. En effet, comme le dit saint Thomas, tout péché véniel, aussi petit soit-il, entraîne une disproportion entre l’entendement et cette lumière très pure. Et pour tout cela, il faut du temps à ces secours communs.

Ensuite, dit saint Thomas, lorsque l’illumination divine passe à l’affection et la trouve froide en l’amour de Dieu (tantôt à cause de son amour des choses créées, tantôt à cause de ces mêmes péchés véniels qui, comme le dit toujours saint Thomas, laissent en l’affection une qualité en quelque sorte contraire à l’amour de Dieu, attiédissant la ferveur de la charité), il lui faut encore du temps pour l’échauffer et l’amener à la familiarité de Dieu, dont les péchés véniels avaient éloigné l’âme (Anima a familiaritate Dei etiam peccatis venialibus elongatur.540). Nous voyons tout cela figuré matériellement comme un froid matin d’hiver : avant que le soleil ne dissipe les brumes montées du sol et ne réchauffe ensuite ce sol froid, il faut un certain délai ; et si le contemplatif perd la quiétude simple de la contemplation parce qu’il ne perçoit pas l’illumination divine et ses effets, il ne se disposera jamais à recevoir la motion divine ; aussi doit-il se gouverner en cela non pas par ses sentiments, mais par ce que nous recommandent les saints illuminés de Dieu et expérimentés en ces dons. Qu’il se contente donc de la règle générale de saint Denys mentionnée ailleurs : lorsque l’entendement demeure en la contemplation de la lumière simple de foi, il reçoit toujours de Dieu de le contempler, de communiquer avec lui et de lui ressembler, même s’il ne le perçoit pas. Et avec cela, qu’il se tranquillise et reste en sa bonne disposition s’il veut en recevoir les effets.

Le second obstacle qui s’oppose au bon résultat des motions de Dieu, vient de ceux qui, ayant reçu la conception divine en l’entendement, ne travaillent pas à en procurer le bon enfantement par la volonté. Ce défaut, le Christ Notre-Seigneur nous l’a découvert en la mystérieuse parabole du semeur : il y distingue différents chemins par lesquels fructifient les dons de Dieu que figure cette semence ; arrivé à la situation qui nous touche, il la compare à celle de la graine tombée sur la pierre, desséchée sitôt germée, faute d’humidité pour l’entretenir. Les disciples lui en demandant l’explication, Jésus leur dit que cette graine tombée sur la pierre concerne ceux qui ont reçu avec joie la parole de Dieu, mais n’ont pas produit de racines, si bien qu’ils ont défailli à la première épreuve. Donc, mal profiter des conceptions divines et mal les enfanter, c’est ne pas mettre en pratique les bons désirs que l’âme retire des motions divines reçues dans l’oraison. En effet, comme l’explique saint Thomas, c’est à l’artisan principal qu’il revient de mouvoir l’outil, et à l’outil d’exécuter la motion de celui qui le meut ; et de même que Dieu augmente leurs richesses à ceux qui savent en faire usage (comme le Sauveur l’a montré dans la parabole de la remise des talents), et qui s’en servent pour avancer proportionnellement de l’état imparfait au parfait, de même à l’inverse ôte-t-il ses richesses à celui qui est négligent dans ce négoce spirituel, et il l’abandonne à sa misère et à son obscurité.

Cela sera mieux compris grâce à un enseignement scolastique par lequel saint Thomas nous explique les accroissements de la charité chez ceux qui en sont déjà pourvus, et par conséquent, les accroissements de toutes les autres vertus et de tous les dons infus qui l’accompagnent. Il dit ceci : lorsque l’acte de charité et d’amour de Dieu procède de toute l’efficace de celui qui le produit, tant pour la force de la nature que pour celle de l’habitus infus, alors l’acte dispose à un accroissement de charité qui va suivre immédiatement, et il le mérite ; en revanche, lorsque l’acte ne procède pas de toute sa force, alors il constitue une disposition éloignée pour cet accroissement, et grâce à d’autres actes aidés de celui-ci, il pourra y parvenir. Rapprochons cette doctrine de la sentence d’Isaïe déjà rapportée : puisque dans les conceptions qui se font de la face de Dieu, l’âme n’opère pas toujours de toute la force de la nature et de l’habitus infus, l’accroissement de la charité et des dons infus ne s’ensuit pas immédiatement ; et si l’âme ne reste pas disposée à ce qu’il s’ensuive grâce à d’autres actes, et si elle devient négligente dans le négoce de ces richesses divines, tant dans les désirs que dans les œuvres (car c’est cela être en travail d’enfant et enfanter de l’esprit), cette disposition se perd ; et comme la graine tombée sur la pierre ne s’était pas enracinée, cette âme se dessèche au premier soleil de la difficulté ; et ainsi ces richesses qu’elle avait reçues et mal négociées s’évanouiront-elles à la première épreuve. Nous en retiendrons qu’il n’y a pas à s’étonner du peu de progrès spirituel de tant de contemplatifs qui passent bien des années dans cet exercice, tout en se contentant de la douceur qu’ils reçoivent en l’oraison de par ces conceptions divines, sans s’occuper de les mettre en pratique ; alors que c’est là que l’on enfante spirituellement grâce à l’augmentation des dons infus en ce céleste négoce.

Il y a une autre voie en laquelle les dons divins eux-mêmes, et pas seulement leur bon emploi, rencontrent des obstacles, quoique le contemplatif expose alors son entendement à l’illumination divine pour la recevoir : il s’agit du manque d’humilité et de l’orgueil de la complaisance en soi-même. En effet, de même que l’humilité, dit saint Thomas, est une disposition puissante pour ouvrir à l’homme la porte des biens spirituels et divins, de même son manque est une disposition puissante pour la fermer. Saint Grégoire nous en a donné l’assurance par ces mots : Contemplari enim Dei sapientiam non possunt qui sibi sapientes videntur ; quia tanto ab ejus luce longe sunt, quanto apud semetipsos humiles non sunt, quia in eorum mentibus dum tumor elationis crescit, aciem contemplationis claudit, et unde se lucere prae caeteris aestimant, inde se luce veritatis privant. Si igitur veraciter sapientes esse atque ipsam sapientiam contemplari appetimus, stultos nos humiliter cognoscamus. Relinquamus noxam sapientiam, discamus laudabilem fatuitatem. Hinc quippe scriptum est : stulta mundi elegit Deus ut confundat sapientes.

Voici donc ce que dit ce saint : « Ceux qui s’estiment sages ne peuvent contempler la sagesse de Dieu, car ils sont d’autant plus loin de sa lumière divine, qu’ils sont moins humbles sur eux-mêmes ; et lorsque s’enfle en leur esprit la complaisance en eux-mêmes, ils ferment leur porte à la contemplation ; et du fait même qu’ils s’estiment de meilleur jugements que les autres, ils se privent de la lumière de la vérité. Si donc nous désirons être véritablement sages et contempler la sagesse même, reconnaissons humblement que nous sommes ignorants, abandonnons la sagesse périlleuse et apprenons la louable ignorance que le monde appelle folie ; car c’est pour cela qu’il est écrit que Dieu a choisi les ignorants de ce monde pour confondre les sages. » Tout cela est de saint Grégoire, et sur le même sujet, recommandant aux contemplatifs cette vertu si nécessaire, saint Laurent Justinien déclare : « Que le serviteur du Christ amoureux des vertus et disciple de l’oraison, soit soumis et fasse montre d’humilité ; car lorsque cette vertu humiliera l’esprit, le cœur commencera à se dilater en l’amour, à resplendir en la vérité, à se remplir de lumière et à s’épanouir en allégresse, dévotion et joie, et il sera élevé avec des faveurs ineffables aux embrassements de l’Époux, ainsi qu’aux splendeurs de son illumination et de sa motion. »



Chapitre 25 Des motions de secours particuliers que Dieu opère en l’âme contemplative, parfois de façon suave, parfois de façon pénible pour la purifier

Saint Thomas parle d’un autre mode, plus relevé et plus surnaturel, selon lequel Dieu meut l’âme, celui de secours

particuliers et très efficaces. Voici ce qu’il en dit : quandoque vero tam vehementer Deus animam movet, ut statim quandam perfectionem justitiae assequatur541. Autrement dit, Dieu meut l’âme parfois si fortement, qu’il y introduit immédiatement quelque perfection, sans attendre ses dispositions ultérieures, contrairement au cas des secours ordinaires. Et avant d’en arriver aux motions qu’il appelle miraculeuses, par exemple la conversion de saint Paul ou d’autres semblables, il y en a qui leur sont inférieures, innombrables en la vie contemplative, et qui concernent notre sujet. Saint Bonaventure en parle, et il commence son explication par la doctrine de saint Denys rapportée par ailleurs, selon laquelle tout esprit humain renferme trois degrés de puissances — inférieur, moyen et supérieur, sur le mode des hiérarchies célestes — par lesquels il participe aux effets de l’illumination et de l’action divine ; il s’agit de la partie sensible, de la partie rationnelle et de l’esprit542, sommet des trois puissances et comme hiérarchie supérieure où se trouvent les Trônes, les Chérubins et les Séraphins.

Adaptant ensuite à ces trois ordres supérieurs les deux sortes de secours, le commun et le particulier, appliqués à notre contemplation, saint Bonaventure dit que nous pouvons bien parvenir à l’ordre des Trônes par la lumière surnaturelle de la foi exercée selon notre mode humain et à l’aide des secours communs de la grâce - c’est là que notre entendement, revêtu de la lumière de la foi, se conforme à Dieu dans la contemplation de sa divinité incompréhensible, et que débarrassé de toutes les réalités créées, il devient réceptif à son illumination et à sa motion divine, et qu’il dilate et ouvre les replis de l’esprit pour recevoir Dieu en lui ; nous pouvons même participer alors un peu aux deux ordres supérieurs des Chérubins et des Séraphins, dans la mesure où le sommet des degrés inférieurs vient à toucher la base des degrés supérieurs, et à en participer, quoiqu’imparfaitement ; cependant, nous ne pouvons arriver à nous établir en ces deux ordres supérieurs si Dieu ne nous y élève par un secours particulier, car cela dépasse non seulement les facultés de la nature, mais également notre mode humain, et nous élève à la connaissance et à l’amour de Dieu surnaturel et infus, non seulement quant à la substance, mais aussi quant au mode. Tout cela est de saint Bonaventure, et il continue en précisant la sublimité de la connaissance des mystères divins et les mouvements d’amour extatique dont jouissent les âmes contemplatives déjà purifiées, lorsque Dieu les élève à ces ordres supérieurs. Les livres de notre Mère sainte Thérèse sont pleins de ces choses qu’elle a expérimentées, ainsi que ceux de notre vénérable Père Frère Jean de la Croix, les uns déjà imprimés, les autres devant l’être, et ceux aussi d’autres saints et grands contemplatifs.

J’avance très vite en tout cela, pour m’arrêter un peu plus à l’explication d’une très vigoureuse opération de Dieu en quelques âmes contemplatives, destinée à les réformer de sa main puissante, les plongeant pour cela dans les rudes creusets de son action divine. Nous répondrons en passant à l’injuste accusation que Votre Paternité porte à notre vénérable Père, lorsqu’elle dit que dans le livre mystique qu’il a intitulé Nuit Obscure, où il traite très utilement de ces pénibles épreuves purificatrices, il maintient l’âme dans l’oisiveté et ses puissances comme attachées, sans qu’elles exercent leur acte. Cette objection est très faible pour les personnes expérimentées dans les matières mystiques, si elles les ont pratiquées comme il se doit.

Les épreuves et les sécheresses que les contemplatifs ressentent dans l’oraison lorsque Dieu leur cache ses consolations, sont de bien des sortes, et les saints en donnent différentes raisons ; par exemple, il s’agit de les humilier en les faisant se voir pauvres, afin qu’ils connaissent de qui venait la richesse de dévotion qu’ils trouvaient dans la consolation ; ou bien il s’agit de les purifier de la secrète estime qui commençait à naître en eux du fait des faveurs spirituelles, les faisant se croire déjà très avancés ; ou encore d’éprouver ce que Dieu peut leur confier de difficile à son service ; il peut s’agir aussi de sevrer les débutants du lait des consolations sensibles, afin que, comme la colombe qui ne trouvait où se poser sur les eaux du déluge, ils entrent en l’arche de la contemplation intellectuelle pour y trouver la nourriture solide de l’esprit. Finalement, ces alternances de prospérités et d’aridités sont très nécessaires aux contemplatifs, ainsi que l’estime un auteur sage et très expérimenté, comme un remède à bien des défauts et pour les en purifier. En effet, de même que le mouvement et le changement des vents purifient les eaux de la mer matérielle pour que ne s’y développent pas les impuretés, ces sécheresses et ces changements purifient la mer spirituelle et la préservent des vices et des imperfections qui ont coutume de s’y développer dans la facile quiétude de la douce contemplation.

Laissons cependant de côté ces sécheresses qui sont un mode de purgation commun à tous les contemplatifs et qui n’entrent pas tellement dans notre sujet, pour passer à d’autres, plus grandes, par lesquelles Dieu purifie de sa main puissante ceux qu’il doit beaucoup favoriser en la perfection. Pour cela, rappelons-nous ce qu’a dit le Seigneur, à savoir que son Père était un vigneron, et qui lui-même était la vraie vigne, et que tout sarment qui, en lui, ne produirait pas de fruit, serait enlevé, et que celui qui porterait du fruit serait purifié pour fructifier davantage. Aussi ce divin vigneron dispose-t-il, en vue d’autres fruits qui accroîtront en elles les vertus, les âmes soucieuses d’avancer sur le chemin de la contemplation, et qui ont su, comme le serviteur fidèle, récolter dans les dons moins relevés, et qui ont déjà commencé à fructifier en vertus. Pour autant, il les purifie en les mettant en quelque épreuve pénible due à son action, car la purification et l’illumination doivent être à la mesure de la perfection, et comme le dit saint Denys expliqué en notre sens par le vénérable Hugues de Saint-Victor : tanto magis enim unamquamque virtutem divina claritas illuminat, quanto magis eam ad deiformitatem coaptat543. À savoir, plus la clarté divine illumine chaque esprit, plus elle le purifie de ses imperfections et dissemblances, et plus elle l’amène à la ressemblance de Dieu.

Ailleurs, ce même saint dit quelque chose de très remarquable pour notre sujet : ceux que l’action de Dieu travaille et purifie à sa ressemblance pour les revêtir de sa beauté, les rendant images et portraits divins, miroirs très clairs et propres à recevoir sa lumière (et ad suum divinissimum decorem eos quantum possibile est reformat, et agalmata divina perficit, specula clarissima et munda receptiva principalis luminis et divini radii.544), ce sont ceux qui s’exercent dans le but que le Seigneur lui-même a donné à chaque hiérarchie et à chaque ordre, afin de l’imiter et de le servir sous cette action545. Et il en donne ensuite la raison : quia habet Deum omnis sanctae scientiae et actionis ducem, c’est-à-dire, parce que dans ces exercices qui sont propres à notre congrégation, nous avons Dieu même pour guide et chef, tant pour connaître que pour opérer. Pour autant, rapprochant cette doctrine de la sentence du Sauveur citée un peu plus haut, il semble que ceux qui ont déjà commencé à porter du fruit, et c’est pour cela que Dieu les met en cette purification, ce sont ceux qui se sont exercés fidèlement dans les pratiques propres à leur congrégation. Et chacun pourra en tirer la raison pour laquelle il n’est pas travaillé de la sorte à la ressemblance de la beauté divine, et cela nous concerne particulièrement, puisque le but de notre congrégation établie par Dieu de façon si particulière (comme nous l’avons vu par ailleurs) est la contemplation même, en laquelle ce travail se fait principalement.

Cette purification commence par la partie sensible, et elle progresse vers la partie spirituelle ; car, comme l’explique saint Thomas, la qualité qui s’introduit en l’âme pour sa perfection, progresse de l’imparfait au parfait (Hoc est de necessitate intentionis et perfectionis quod qualitas educatur de imperfecto ad perfectum.546) ; et quoique celle de la partie sensible soit commune à ceux que Dieu purifie pour la contemplation divine, laquelle ne peut être parfaite tant que le cœur n’est pas purgé du désordre des passions (quia quamdiu homo non pervenit ad perfectionem in vita activa, non potest in eo esse contemplativa vita nisi secundum quamdam inchoationem imperfecte.547), et à ceux que Dieu dispose pour de plus hauts degrés de perfection, toutefois, comme ces derniers ont un plus long chemin à parcourir, l’action divine purificatrice les assaille plus vigoureusement et les met en plus grande épreuve. Et cette force plus grande est un don plus grand de l’illumination du don de sagesse, car la Sagesse incréée se sert d’elle pour guérir toutes les infirmités que le péché a laissées dans la nature humaine, comme il est dit dans les Saintes Lettres ; saint Denys l’a indiqué en disant que la purification, l’illumination et la perfection de l’âme, ne sont pas autre chose que la réception de cette sagesse en elle : quia et purgatio est et illuminatio et perfectio divinae scientiae assumptio548. Ainsi, c’est la même action qui purifie, qui illumine et qui perfectionne, et en avançant d’une façon, on avance de l’autre.

Comme cette purification de la partie sensible se fait là où les hommes et les démons peuvent accéder, Notre-Seigneur se sert d’eux tous pour œuvrer ; ainsi permet-il que ceux qui se trouvent soumis à ce traitement soient éprouvés extérieurement par des travaux, des persécutions, des critiques et des incompréhensions de la part des hommes, et cela non seulement pour exercer et humilier ceux qui subissent ces actes de mortification, mais aussi pour accroître leur dévotion et mieux [se] les attacher ainsi par le désenchantement des créatures. D’autres fois, Notre-Seigneur permet qu’ils subissent de nombreuses et dures tentations de la part du démon, par exemple contre la foi, contre la chasteté, contre la confiance en Dieu — et de là viennent les scrupules — ou contre d’autres vertus ; par là, Notre-Seigneur rend le démon coopérateur malgré lui des victoires de ses serviteurs, comme il le fut de celles du saint homme Job, et il leur donne la force de lui résister ; et par là, ces vertus mêmes qu’il attaque ne font que s’accroître. En effet, comme saint Thomas l’explique, lorsque la passion désordonnée ou le démon qui la suscite se mettent à assaillir quelque vertu, la volonté désireuse de ne pas offenser Dieu et voyant clairement le danger, fait d’autant plus d’effort pour lui résister que la tentation est plus rude. Et comme Dieu donne un plus grand secours dans une plus grande tentation, et que ce secours ne lui revient jamais vide, il s’ensuit ce que dit encore saint Thomas, à savoir que la charité qui était petite au début de la tentation, devient grande à sa fin, du fait des secours que Dieu donne en elle : Charitas quæ est parva in principio tentationis, in fine fit magna cum Deus pugnanti auxilium semper administret549. Et pour autant, à l’Apôtre saint Paul qui lui demandait de lui ôter la tentation, le Seigneur répondit que sa grâce lui suffisait, et que la force se perfectionnait dans la faiblesse. Et pour la même raison, un sage docteur appelait ces aridités et ces épreuves « antiparistasis spirituelle », c’est-à-dire ce qui renforce la vertu opposée. En effet, de même que la chaleur fait se concentrer le froid dans les entrailles de la Terre, la tentation fait se renforcer dans l’âme, moyennant la grâce, la vertu qu’elle attaque.

Par ces deux moyens, Notre-Seigneur purifie la partie sensible de l’âme, et il améliore en même temps sa partie intellective quant à ses habitus acquis : ex hoc enim quod fit aliqua transmutatio circa partem sensitivam, subito resultat aliqua perfectio in parte intellectiva, et hoc intelligendum est quantum ad habitus adquisitos550. Et notre vénérable Père Frère Jean de la Croix a traité admirablement de cette purification dans tout le livre premier de son traité de la Nuit Obscure, dans lequel il donne beaucoup de lumières aux âmes ainsi affligées et à ceux qui les conduisent ; et ces derniers réussiraient mieux à les guider et les tourmenteraient moins, s’ils le lisaient attentivement. En effet, ce que ces âmes souffrent de la part de leurs maîtres et confesseurs est lamentable : ceux-ci augmentent leurs peines au lieu de les soulager comme ils le devraient ; et cette seule porte que Dieu laisse ouverte à ces âmes pour leur consolation, c’est-à-dire de pouvoir communiquer avec quelqu’un qui les guide (car elles ne trouvent goût en rien d’autre), ils la leur ferment, transformant leur remède en maladie.





Chapitre 26 Que dans la fournaise de la tribulation, Dieu dépouille l’âme de ses imperfections, et d’abord des habitus vicieux acquis dans la partie spirituelle

Les angoisses et les épreuves dans lesquelles la purification de la partie spirituelle plonge l’âme sont si grandes, qu’un saint qui en avait l’expérience dit qu’elles dépassent la manière commune de souffrir et les forces humaines. En effet, comme elles sont en vue d’une fin si haute que d’unir l’âme à Dieu, la purification est d’autant plus pressant. Et même si les afflictions dans lesquelles elle plonge l’âme sont de bien des sortes, ce saint les traite brièvement par ces mots : « Il arrive que la bonté divine se cache parfois à l’affection du contemplatif, et qu’elle le laisse dans la sécheresse et sans aucune dévotion. Tout ce que l’on médite est alors sans goût, tout ce que l’on se propose de considérer reste indéterminé et sans que l’on y exerce vraiment son jugement, à cause de la sécheresse de l’esprit ; rien n’a de saveur, rien n’est plaisant, rien ne se trouve qui puisse nourrir l’affection ; au contraire, on éprouve partout des ténèbres impénétrables, et l’on ressent partout une stérilité aussi grande que si l’on n’avait jamais goûté rien de suave en l’oraison. Intérieurement, on souffre aussi différentes épreuves et tentations du démon par différentes voies, par lesquelles il cherche à arracher l’âme à sa fermeté, ou pour le moins à l’écarter de l’oraison. » Voilà comment ce maître sage nous a décrit les travaux de cette purification, et il en évoque en particulier quatre sortes qui s’associent généralement en elle, à savoir la sécheresse des appétits, tant sensitifs qu’intellectifs, les ténèbres impénétrables pour les deux vues intérieures, l’imaginative et l’intellectuelle, la très grande tristesse et le très grand désarroi dans le goût spirituel, et la guerre acharnée des tentations du démon. Cependant, ce dernier point est moindre en cette purification qu’en la précédente, car en la partie spirituelle, elle ne se fait pas par passage d’un contraire à l’autre, comme en la partie sensitive, mais par une influence simple de Dieu : anima cum sit incorporea, si aliquid recipiat non fit per transmutationem a contrario in contrarium, sed per simplicem agentis influxum, sicut aer illuminatur a sole551.

Le prophète Jérémie aussi fait une longue et lamentable énumération de ces épreuves, et toutes s’expérimentent dans les âmes soumises à ce cautère ; notre Mère sainte Thérèse et son très illustre compagnon, le Frère Jean de la Croix, ont rapporté ces expériences dans leurs livres, et pour autant, je ne passerai à les expliquer que le temps nécessaire à rectifier l’injuste accusation que Votre Paternité porte à ce dernier. Je vais donc me contenter de traiter la substance des paroles par lesquelles le prophète Isaïe a indiqué cette purification en disant : Propter quod ait Dominus Deus exercituum fortis Israel : heu, consolabor super hostibus meis, et vindicabor de inimicis meis, et convertam manum meam ad te, et excoquem ad purum scoriam tuam, et auferam omne stamum tuum, et restituam judices tuos ut fuerunt prius, et consiliarios tuos sicut antiquitus, post haec vocaberis civitas justi, urbs fidelis552. Dans ces mots, l’Esprit-Saint a indiqué par le prophète la rigueur de cette purification, en même temps que la perfection toute particulière à laquelle l’âme contemplative — c’est à elle que ces paroles s’adressent — parvient à travers ces creusets divins.

Dans ces mots du prophète, on trouve les trois séparations, ou dépouillements, qui, selon saint Thomas, doivent précéder l’union divine, sommet de notre félicité et de notre perfection, auquel ces purifications conduisent : in anima est unio amantis ad amatum sed est ibi triplex divisio553. Le premier dépouillement est celui des vices acquis, et cela comprend les habitus désordonnés de nos défauts, qui plongent leurs racines dans l’appétit sensible du désordre des passions non réprimées ni mortifiées, et qui développent leurs branches dans la partie spirituelle, l’inclinant également par ces habitus au même désordre des passions.

Le second dépouillement est celui de l’imperfection naturelle, qui comprend tous les défauts que le péché a laissés dans la nature viciée, lesquels sont appelés « vêtements du vieil homme ». L’âme doit en être dépouillée pour que se produise en elle cette rénovation merveilleuse que l’Apôtre a indiquée par ces mots : « renouvelez-vous en l’esprit de votre jugement, et revêtez-vous de l’homme nouveau créé selon Dieu, en la justice et la sainteté de la vérité. » Le troisième dépouillement est celui de notre amour propre désordonné, afin que s’introduise l’amour de Dieu par lequel se mesure la perfection de la vie chrétienne : secundum charitatem specialiter attenditur perfectio christianae vitae554. C’est pourquoi l’Apôtre l’appelle « lien de la perfection », et il enchaîne et relie en l’âme toutes les autres vertus en tant qu’il est leur perfection prochaine : gratia autem est sicut perfectio prima virtutum, sed charitas sicut perfectio proxima555.

L’Esprit-Saint a mentionné le premier de ces trois dépouillements dans les paroles d’Isaïe que l’on a rapportées ; elles sont accompagnées d’une exclamation qu’il faut noter : « Hélas ! », ce qui est une expression de douleur et comme de désolation devant quelque défaut ; et appelant notre attention sur ce ton, il ajoute : « Voici ce que dit le Seigneur Dieu des Armées et le Fort d’Israël : “je me consolerai de mes ennemis et je me vengerai d’eux.” » Ces ennemis de Dieu et les idoles que nous adorons, ce sont nos affections désordonnées envers les créatures, en lesquelles nous mettons l’amour qui se doit à Dieu seul ; aussi promet-il ici qu’il va se consoler en se vengeant d’eux, les arrachant de l’âme et les détruisant chez celui qu’il dispose pour être sa cité et sa demeure fidèle. Et à ce propos, saint Augustin applique ces paroles au psaume quatre-vingt-dix-huit, dans lequel, parlant de quelques-uns des saints patriarches et des faveurs que Dieu leur a faites, David range celle-ci parmi les plus signalées ; voici ce qu’il dit : « ils conservaient tes commandements et tes préceptes, et c’est pourquoi, Seigneur Dieu, tu les écoutais et tu leur a été propice, te vengeant de tous leurs attachements. » Tout cela permet de voir quel grand bénéfice Dieu produit dans l’âme qu’il met en ce creuset divin, où l’on donne à Sa Majesté vengeance de ses ennemis et où l’on ôte de ses yeux les choses qui lui déplaisait tant en elle, afin qu’il ne la considère plus comme une cité infidèle et un repaire de ses ennemis, mais comme une cité fidèle qui les chasse de ses portes. Et l’on voit par là même combien nous devrions estimer les épreuves dans lesquelles cette très juste vengeance est donnée à Dieu, même si elles sont très douloureuses à la faible nature.

Que ce sacrifice soit bien grand aux yeux de Dieu, le livre de la Sagesse nous l’indique ainsi : « Le Seigneur a éprouvé les justes comme l’or dans le creuset, et il les a acceptés comme en holocauste », sacrifice qui lui était le plus agréable parmi ceux de l’Ancienne Alliance, où la victime était tout entière consumée par le feu. Pour autant, traitant de cette purification en laquelle l’action divine purge et perfectionne les âmes à la ressemblance de Dieu, saint Denys l’appelle « sacrifice très divin » : et perfectiva in sacrificio divinissimo secundum ad se ipsam perfectorum immutabilem perfectionem556. Expliquant ces paroles, Albert le Grand dit ceci : « c’est à juste titre que cette purification est appelée “sacrifice très divin” du fait d’une si haute ressemblance, car dans un sacrifice, on offre quelque chose à Dieu pour que la créature retourne à son créateur ; et dans ce sacrifice-là, on trouve ce retour très noble et très intime, et pour autant, il est très divin. » Nous pouvons apprendre de toute cette doctrine combien est acceptable à Dieu l’exercice de la mortification de nos affections, et la négation des choses auxquelles nos passions nous inclinent de façon désordonnée, puisqu’en cela nous donnons à Dieu vengeance de ses ennemis et nous lui offrons un sacrifice si agréable. Et quoique cette mortification qui vient de nous et par laquelle nous nous opposons aux actes vicieux, ne soit pas plus que couper des cheveux qui recommencent aussitôt à pousser à cause de leur racine intacte, faisant cela pour sa part (en plus d’éviter les imperfections et les péchés actuels), l’homme se dispose à ce que le Seigneur accomplisse ce qu’il a dit, à savoir que le sarment qui commencerait à donner du fruit, il le purifierait pour qu’il en donne davantage : il arrachera ces cheveux jusqu’à la racine, et de sa main puissante, il enlèvera à l’âme les habitus vicieux qu’elle a acquis et qui l’inclinent aux choses de façon vicieuse. Et le vénérable Hugues de Saint-Victor a noté ce qui suit dans l’explication de ces paroles de saint Denys : par cette réformation qu’opère l’action divine, l’âme va vers une perfection immuable, alors que la perfection ne dure pas tant que l’âme n’entre pas dans ce brasier et dans ce sacrifice divin, où elle est dépouillée de ses habitus imparfaits.

Saint Thomas nous montre la douleur que provoque en l’âme le fait d’être investie vigoureusement par l’action divine dans le but de la purifier, et non de la délecter, et il nous montre aussi comment cette action arrache de sa partie spirituelle les habitus vicieux qu’elle a acquis ; voici ce qu’il dit : « On emploie encore avec propriété le mot de “passion”, lorsque quelque chose est enlevé à la substance, par exemple lorsque ce qui lui est contraire opère en elle un changement ; cela est propre aux altérations de la partie sensible, et arrive accidentellement dans la partie spirituelle pour ce qui est des qualités nées de la communication avec les sens en la partie intellective, par exemple pour les habitus acquis. » Tout cela est de saint Thomas, et appliqué à notre sujet, nous pouvons en tirer le fondement de cette passion et de cette douleur que l’âme ressent en cette purification spirituelle. En effet, même si ce qui lui est enlevé n’est pas substantiel, mais accidentel, malgré tout, comme ces habitus imparfaits sont enserrés dans la substance même de l’âme et que Dieu les arrache de sa main puissante, pour s’en venger comme des ennemis de son amour qui usurpent en l’âme ce qu’elle lui doit pour le donner aux créatures, l’âme ressent cette séparation des accidents enracinés en elle comme si on lui arrachait quelque chose de sa substance même. Voici ce que dit sur ce point le vénérable Hugues de Saint-Victor, se servant de la comparaison rapportée un peu plus haut : « les cheveux se coupent sans douleur, mais ils s’arrachent avec douleur. » Et pour qu’en opérant de façon imparfaite, l’âme ne se remette pas à faire croître cet habitus au moment où il la maintient en une cure si relevée, Dieu stérilise alors ses opérations non nécessaires et la met comme à la diète, et il la prive de la saveur des choses en lesquelles elle trouvait auparavant du goût, et avec cela son affliction augmente.

Le prophète Jérémie a décrit ainsi cette stérilité de l’âme placée en ce creuset purificateur : « Le Seigneur me dit une parole de sécheresse : “Juda pleurait et ses portes s’enténébrèrent ; un cri s’est levé dans Jérusalem, les notables ont envoyé les gens du peuple chercher de l’eau, il sont allés la chercher là où ils en avaient l’habitude, et ils n’en ont pas trouvé ; ils sont revenus avec leurs outres vides, et ils sont restés confus et affligés parce que la terre était abandonnée, les pluies n’étant pas venues sur elle. » La Glose applique ces paroles à la sécheresse de la dévotion, et elles indiquent très proprement cette sécheresse et cette affliction des contemplatifs. En effet, les pluies et les motions divines qui se communiquaient à l’âme sur un mode illuminatif et savoureux, ne se communiquent plus à elle, et comme les puissances spirituelles (qui sont ces notables dont parle ici le prophète) ne trouvent plus l’eau du ciel en la partie intellectuelle où d’habitude il pleuvait, elles envoient les forces sensibles et inférieures chercher l’eau de la terre au moyen de leurs actes, car celles-ci avaient autrefois coutume de tirer quelque suc de la méditation, mais elles n’en rencontrent pas davantage et reviennent donc avec leurs outres vides du fait de la sécheresse qu’elles trouvent en leurs actes. Avec cela, Jérusalem (c’est-à-dire l’âme) reste triste et plongée dans le deuil et les cris, et les puissances restent confuses et affligées, se croyant rejetées de Dieu et abandonnées par lui.

Je vais maintenant répondre à l’injuste accusation portée par Votre Paternité à notre vénérable Père, visant ce qu’il conseille à l’âme contemplative plongée en cette nuit sèche et dégoûtée. Il lui dit de ne pas se fatiguer à rechercher les sucs de la dévotion sensible par des actes particuliers et sans quiétude, mais de se tenir en présence de Dieu en humilité et quiétude, s’en remettant à lui pour qu’il la travaille et le réforme à son goût. Si donc le Seigneur lui-même maintient de sa main puissante cette âme en cet assèchement stérile des sources divines — et aussi des sources naturelles — dans lesquelles elle avait coutume de tirer par ses actes les sucs de la dévotion, quel profit tirerait-elle de ces mêmes actes si même elle les produisait dans toutes les conditions requises ? Pas d’autre que celui que nous rencontrons très ordinairement en ces âmes quand elles sont dirigées par des personnes sans expérience en ces matières mystiques, même si elles sont instruites dans les matières scolastiques : à force de leur dire qu’elles sont oisives et qu’elles perdent leur temps, et que c’est une tentation que de dire qu’elles ne peuvent produire aucun acte, et qu’elles feraient bien de se forcer à en produire, ils les inquiètent et les affligent davantage. En effet, comme elles ne peuvent pas aller contre l’action divine très vigoureuse qui les maintient en cette diète, et comme elles ne parviennent pas par leur zèle à ce qu’elles voudraient, elles tirent une nouvelle affliction de leur inquiétude, comme d’un travail mal fait, et elles se persuadent encore plus qu’il s’agit d’une tentation, et à vouloir se forcer contre elle-même, elles en viennent parfois à perdre la santé. À d’autres moments, ces directeurs les remplissent de scrupules en leur disant que cela leur arrive à cause de leurs péchés et de confessions mal faites, et qu’elles ont besoin d’une confession générale ; et comme elles sont disposées à croire beaucoup de mal d’elles-mêmes du fait de l’humilité et de la profonde connaissance de leur misère en laquelle l’action divine les maintient, elles veulent bien le croire ; et comme alors elles ne sont pas capables d’examiner leur conscience même quand il le faut, ces directeurs les plongent dans les scrupules et les amertumes, ajoutant aux autres celle d’une conscience à vif, ce qui est une affliction bien grande pour les âmes qui, comme celles-ci, craignent Dieu et désirent beaucoup lui plaire.

Mais supposons que l’action divine ne maintienne pas ainsi ces âmes dans la stérilité, et qu’elles puissent exercer facilement leurs actes comme autrefois : quel profit pourraient-elles avoir à perdre par eux leur quiétude, au moment où Dieu est en train d’opérer si puissamment et favorablement en elles ? Nous pourrons le savoir en nous souvenant de la doctrine de saint Thomas rapportée par ailleurs, selon laquelle deux choses sont nécessaires pour introduire une perfection : la première est de la part de celui qui l’introduit, et c’est que la force de son opération soit à la mesure de la perfection qui doit être introduite ; en effet, ce n’est pas par un petit échauffement que s’introduit la chaleur du feu, mais par un échauffement égal à la chaleur qu’il faut introduire. La deuxième chose est nécessaire de la part de celui qui reçoit la perfection, et c’est que sa disposition soit pareillement proportionnée à la perfection qui doit être introduite. Or, la première chose réclamée de la part de l’auteur de cette œuvre se rencontre ici éminemment, car il est un agent d’une force infinie, et qui agit en cette réforme de façon très vigoureuse et puissante, et qui s’emploie à amener à sa ressemblance celui qui est réformé (agens enim intendit reducere patiens de potentia in actum suae similitudinis557.) ; quant à la seconde chose, elle serait absente de l’âme qui doit recevoir cette perfection, si au lieu de se proportionner à l’opération de son auteur, laquelle est très simple et très quiète, elle se mettait en une disposition contraire par des actes particuliers et sans quiétude. Et pour autant, le même saint Thomas disait que la disposition de l’âme pour recevoir l’opération de Dieu, et avec elle l’accroissement des dons infus, c’est de passer de la multiplicité à l’unité, et de la vie répandue et inquiète à la vie unifiée et sereine.





Chapitre 27 Comment, dans cette fournaise purgative, Dieu dépouille l’âme des imperfections naturelles du vieil homme pour la revêtir de ses splendeurs.

Appliquant à l’âme parfaite ces paroles : Tota speciosa est proxima mea558, le vénérable Hugues de Saint-Victor dit ceci : l’âme qui commence à être parfaite s’est approchée de Dieu, mais elle ne lui est pas si conjointe qu’elle puisse former avec lui un même esprit par union d’amour et ressemblance ; car si elle possède déjà quelque beauté, elle n’est pas encore totalement belle, comme il le faudrait pour être ainsi attachée à Dieu : quæ propinqua est speciosa est, sed adhuc non tota, quæ proxima est tota speciosa est559. Quoique l’esprit ne soit pas renouvelé ni revêtu de l’homme nouveau, créé selon Dieu en justice et sainteté, il faut quand même que l’opération divine, qui se soumet toute chose, en vienne à réformer cette âme à la ressemblance de la gloire du Christ, avec lequel elle doit être unie dans la participation d’un même esprit. En effet, quoiqu’elle soit déjà décantée de ce qu’il y avait de vice acquis en elle, elle ne l’est pas encore des dissemblances du naturel imparfait, et il lui faut l’être de cela aussi, comme saint Denys le dit : opportet itaque, ut existimo, purgandos quidem puros perfici omnino, et omni liberari dissimilitudinis confusione560. Or, dans les paroles d’Isaïe que l’on a déjà citées, le Dieu fort d’Israël promet cette réforme de l’âme en laquelle il a déjà pris vengeance de ses ennemis, en la dépouillant des habitus acquis de ses affections vicieuses ; parlant maintenant de cette second phase, il dit ceci : « Je tournerai ma main vers toi, et je te passerai au feu avec force pour te purifier de tes scories, et j’ôterai de toi toute ton impureté comme on ôte l’étain de l’or. »

De ces paroles de la vérité suprême, nous pouvons tirer deux choses essentielles à notre propos : la première, c’est la perfection vers laquelle avance l’âme contemplative que Sa Majesté plonge en ce creuset divin, puisqu’elle doit en sortir purifiée, non seulement des scories des imperfections acquises qui finissent ici d’être évacuées, mais aussi de l’étain de toutes les dissemblances naturelles, si bien que, réduite à la pureté et à la splendeur de l’or raffiné de l’esprit, elle pourra être unie à la pureté et à la beauté suprême ; la seconde chose, c’est le degré pénible de cette cure, puisque le Fort d’Israël y met sa main puissante, et que l’âme doit être placée en un creuset de l’action divine tellement rigoureux, qu’elle y fond comme l’or pour être totalement purifiée. Pour autant, c’est avec raison que ceux qui en ont l’expérience et sont passés par la rigueur de ce creuset divin, par exemple notre Mère sainte Thérèse et notre vénérable Père, son compagnon, disent que, si l’on peut envier l’âme ainsi passée au creuset, puisque c’est pour son si grand bonheur, d’un autre côté, on doit beaucoup la plaindre à cause de tout ce qu’elle souffre, au-dessus de ce que pourraient supporter les forces humaines, si le Seigneur lui-même qui les met dans ces peines ne leur en donnait la vigueur et la patience.

Dans cette fournaise divine, l’âme est en quelque sorte dénudée de sa forme grossière pour être revêtue d’une autre, qui est divine, comme pour une pierre brute : pour devenir pierre précieuse et pouvoir recevoir la lumière, l’action céleste la dénude d’abord de sa grossièreté matérielle et terrestre. Saint Thomas nous l’explique magistralement en parlant ainsi de ce second dépouillement : Nihil potest in alterum transformari, nisi secundum quod a sua forma quodammodo recedit : quia unius una est forma, quia vero nihil a se recedit, nisi soluto eo quod intra se ipsum continebatur, sicut res naturalis non amittit formam nisi solutis dispositionibus quibus forma in materia retinebatur. Ideo quod ab amante terminatio illa, qua infra terminos suos tantum continebatur, amoveatur561. Voici ce que cela veut dire : de même que l’âme ne peut pas se transformer en Dieu (ce qui est la fin de la vie contemplative) sans se dépouiller en quelque sorte de sa forme propre, il convient que soit écarté d’elle tout ce qui la maintient dans ses limites propres, de telle sorte qu’elle puisse passer à la forme divine par laquelle elle doit se transformer en Dieu ; et c’est ce qui se produit en elle grâce à ce creuset si rigoureux, la dépouillant de toutes les dispositions naturelles imparfaites par lesquelles elle se maintient en son imperfection, afin qu’elle puisse se transformer en Dieu. Il en va comme de la pierre à laquelle on ôte sa grossièreté impure, pour qu’elle puisse recevoir la lumière et s’unir à elle, et devenir ainsi un précieux rubis, ou un diamant, sa forme étant devenue meilleure sans qu’elle cesse pour autant d’être une pierre.

À quel point cela peut être pénible pour l’âme, même si elle s’améliore alors énormément, saint Thomas encore l’a expliqué ailleurs en parlant des deux éléments qui doivent concourir dans une transformation pour que celle-ci soit pénible : le premier, c’est l’altération même du sujet qu’elle dépouille d’une qualité pour le revêtir d’une autre, ce qui de soi est très pénible ; le second, c’est lorsque la qualité qui s’introduit est étrangère, et que celle qui est ôtée est connaturelle ; comme en cela celui qui opère obtient une certaine victoire sur le sujet altéré, le retirant de ses limites propres pour le mettre dans d’autres, cela est cause d’une très grande passion. Tout cela a lieu dans cette transformation de l’âme placée dans cette fournaise divine, où Dieu la dénude de sa main puissante des habits méprisables du vieil homme, pour la revêtir de ses splendeurs divines. Et de là vient l’étrangeté que ces âmes ressentent dans les choses, même en celles qu’elles ont pratiquées toute leur vie ; elles leur semblent désormais d’une apparence autre à cause du changement qui s’introduit en elles-mêmes dans la connaissance et l’appréciation des réalités, nobles ou viles, peu importe, ainsi que dans leur saveur et dans leur goût, ne trouvant plus en aucune de ces choses ce qu’elles y trouvaient auparavant. Et même s’il semble à l’âme qu’on la réduise dans cette fournaise, en réalité on l’y dilate et on la rend plus capable de recevoir les splendeurs de la lumière et de la beauté divine, à la manière de l’air qui devient de plus en plus capable de recevoir l’éclat et la lumière du soleil au fur et à mesure qu’il se purifie et devient plus subtile : Secundum quod anima magis efficitur susceptibilior actus agentis, sicut aer quanto plus attenuatur, tanto fit susceptibilior luminis562.

Et quoiqu’il y ait bien des afflictions que l’âme supporte en ce creuset, comme on le voit en ce qu’en disent le saint homme Job et le prophète Jérémie — et ceux qui sont passés par cette fournaise nous l’ont expliqué, par exemple notre sainte Mère et son compagnon très illustre —, j’en mentionnerai deux en particulier. L’une est une sorte de ligature des puissances pour ce qui est des actes non nécessaires ; en effet, comme par son mode naturel d’opérer, se renforce en l’âme la forme grossière dont Dieu est en train de la dépouiller pour la revêtir de la forme divine, il la stérilise quant à ces actes, comme on attache la main gauche d’un enfant pour qu’il ne s’habitue pas à s’en servir au détriment de la droite ; et cet empêchement est une si grande affliction pour l’âme, qu’on peut la comparer au tourment que supportent celles qui sont en purgatoire. En effet, le feu qui tourmente les âmes du purgatoire, dit saint Thomas, possède une vertu et une force surnaturelle pour les retenir et les lier, les empêchant dans leurs opérations propres et dans les biens qui leur étaient connaturels de par ces opérations, et cela est une très lourde peine par laquelle l’âme est purifiée dans l’au-delà ; de même aussi cette action divine purificatrice a-t-elle la force de lier d’une certaine manière les opérations naturelles de l’âme, si bien qu’il lui semble que ses puissances sont comme attachées, ne pouvant pas exercer ses actes avec la facilité habituelle, tant pour la connaissance que pour l’affection. Le prophète Jérémie a indiqué cela dans une longue énumération des peines de l’âme mise en ce creuset, disant que Dieu avait bouché ses chemins avec des pierres taillées, et bouleversé ses sentiers ; car les chemins et les sentiers de l’âme sont les opérations de ses puissances qui lui permettent d’aller vers Dieu par la connaissance et l’amour.

L’autre affliction, en laquelle cette purification pénible établit l’âme, procède de l’effet que l’action divine produit en elle pour la dépouiller de son amour propre désordonné et de la vaine estime de sa propre excellence, car cela est contraire à l’amour de Dieu qui doit se fonder en elle sur une intention parfaite. Pour expliquer cela, il faut remarquer ce que dit saint Thomas, à savoir que dans la conduite intérieure selon laquelle Dieu meut l’âme, il agit en elle sur la force irascible motrice moyennant la force rationnelle appréhensive, tantôt de façon réconfortante et rassurante, comme dans les communications suaves et consolantes, tantôt de façon désolante et angoissante, comme dans cette nuit purificatrice : Deus influens mediante rationali apprehensiva super irascibilem motivam, vel sub conditionibus confortativis vel disconfortativis563. Ainsi, de même que l’âme perçoit Dieu comme favorable, plein d’allégresse et d’amour, quand il la console, de même l’appréhende-t-elle comme plein de colère dans le creuset de la purification, la menaçant avec une sévère majesté à cause de la gravité de ses péchés passés et de leur châtiment ; et l’illumination divine donne alors à l’âme une connaissance si effective de ses fautes et de ses misères, que l’abattant de la vaine estime d’elle-même, elle la jette dans des peurs et des craintes très pénibles, celles qu’indique le prophète Jérémie plongé dans cet état et qui dit : « Je suis homme qui voit sa pauvreté en la verge de l’indignation de Dieu ; il m’a menacé et m’a mené vers les ténèbres et non à la lumière. »

Avec cela, l’âme appréhende si péniblement ses torts, que son confesseur a beau lui assurer que cette pauvreté et cette amertume où elle se trouve sont pour son bien, que toutes les épreuves de cette nuit montrent plutôt l’amour de Dieu que son indignation, rien ne réussit à l’empêcher de se croire rejetée par Dieu, et elle ne peut rien faire d’autre pour le moment, quelle que soit son estime pour celui qui la console. En effet, tant sa partie appréhensive que sa partie motrice sont inclinées à cela, comme si un sceau divin était imprimé en elles pour y représenter toujours cette figure triste et découragée, jusqu’à ce que Dieu daigne imprimer un autre sceau plus vaillant. Et sur ce point, saint Grégoire commente ainsi le chapitre six de Job : « Parce que les flèches du Seigneur sont en moi, leur indignation a absorbé mon esprit, et les peurs du Seigneur combattent contre moi. » Et parce qu’il semble que l’esprit soit ainsi absorbé et englouti sous ces flèches et ces peurs de la colère divine, au point de ne pouvoir admettre aucune consolation, alors, dit saint Augustin, l’âme se rappelle ce en quoi elle n’a pas obéi à Dieu, et ce souvenir lui est comme un bourreau intérieur qui la torture, et cela d’autant plus que son amour de Dieu est grand et que sa faute se présente plus vivement à elle. Cependant, quand elle provient de l’action divine, cette appréhension découragée opère peur et crainte en son début, ce par quoi l’âme s’humilie et s’abaisse ; et si elle augmente, l’âme en arrive tout au plus à la pusillanimité et à l’abattement, parce qu’elle se laisse entraîner exagérément par ses peurs et par ses craintes, faute d’être guidée par un confesseur expérimenté qui s’emploierait à l’établir fermement dans la confiance en Dieu, en sa bonté et en sa miséricorde, car ce sont là les ancres qui devraient alors la maintenir solide dans cette amère tempête. Mais quand cela provient d’une suggestion ou d’une attaque du démon, l’âme tend à passer au dernier degré du manque de confiance, c’est-à-dire au désespoir. Et l’expérience digne de confiance de notre Mère sainte Thérèse nous a donné la connaissance pratique d’un cas comme de l’autre.

À tout cela s’ajoute l’amertume et le dégoût de l’âme plongée dans ce creuset, comme le prophète Jérémie l’indique ici : « Le Seigneur m’a rempli d’amertume, et il m’a enivré d’absinthe », laquelle est une boisson très amère. Cela lui vient principalement de ce que l’on est comme en train de la réduire dans la fournaise de l’action divine purificatrice, ainsi qu’Isaïe l’a dit dans le passage déjà cité, et avec cela, comme en train de la détacher de sa forme imparfaite pour la rendre parfaite. En effet, si les puissances recevaient déjà une telle douleur alors que l’âme ne pâtissait qu’accidentellement dans la première purification des habitus imparfaits qu’elle avait acquis, que sera celle qu’elles éprouveront dans ce dépouillement qui se fait dans la substance même de l’âme ? Ces purifications sont atténuées dans les âmes que Dieu dispose pour de moindres degrés de perfection, et dans ce cas, elles ne sont pas continues, mais interpolées ; mais en celles qui doivent arriver à l’union divine, pour laquelle une très haute disposition est nécessaire, les épreuves sont plus relevées et plus continues, pour qu’elles soient prêtes plus vite ; et avec tout cela, elles durent ordinairement des années, quoique pas toujours avec la même force, afin que l’âme puisse les supporter. Et plus l’action purificatrice pénètre à l’intérieur et au sommet de l’esprit, plus l’âme la ressent et moins elle peut s’en expliquer. De tous ces effets, l’expérience lumineuse de notre vénérable Père nous a donné une admirable lumière pratique dans tout le second livre de sa Nuit Obscure.





Chapitre 28 Qu’après avoir été purifiée des imperfections acquises et naturelles, l’âme est revêtue sur un mode divin pour être unie à Dieu

Développant la connaissance que Dieu nous donne de cette si redoutable rénovation de l’âme, le prophète Isaïe dit ceci : « je rétablirai ses juges comme autrefois, et ses conseillers comme au temps passé. » Et après cela, l’âme sera appellée « cité du juste » et « république fidèle ». Dans ces mots se trouve contenue la félicité extraordinaire de l’âme en état d’union transformée en Dieu, tant vantée par les maîtres mystiques, sommet de la vie contemplative auquel conduit cette si rude purification. L’âme parvient ici à une perfection si haute, qu’elle est semblable à celle que reçut la nature humaine en sa création, lorsqu’elle est sortie des mains de Dieu parée de l’éclat de la grâce originelle. Aussi le prophète dit-il qu’après ce rude creuset où l’âme est dépouillée, non seulement de ce qu’elle a acquis de vicieux, mais aussi de ce qu’il y a d’imparfait dans sa nature, elle sera rétablie dans le premier état de l’homme, avec la rectitude en laquelle ses puissances furent créées (car ce sont là les juges naturels de l’âme, grâce auxquels elle juge les choses selon son mode humain), et avec la perfection selon laquelle furent enracinés en elle les dons du Saint-Esprit et tous les autres dons infus (car ce sont là les conseils divins que Dieu lui a donnés pour gouverner sa vie surnaturelle, comme la raison et l’habitus intellectuel des premiers principes le sont pour gouverner sa nature). Alors, dit le prophète, la Jérusalem de l’âme (laquelle se construit comme une ville) sera si harmonieuse et si bien ordonnée, qu’elle s’appellera à juste titre « cité du juste », car seul le Seigneur qui l’a créée donnera des ordres en elle.

Et ainsi semble-t-il que cette purification si rude soit très semblable à celle des âmes en purgatoire, les ramenant à la pureté selon laquelle elles furent créées, car rien de souillé n’entre au royaume de la félicité éternelle (Per finalem purgationem reducentur res ad puritatem in qua conditae fuerant564.) ; et c’est ce qu’a dit le Christ Notre-Seigneur à notre Mère sainte Thérèse alors qu’elle se trouvait au cœur de ce creuset divin, ainsi qu’elle le rapporte par ces mots : « Alors que j’étais pleine de crainte dans les débuts, le Seigneur me dit de ne pas craindre, mais de préférer cette faveur à toutes celles qu’il m’avait faites ; car en cette peine, mon âme se purifierait comme l’or dans le creuset, afin qu’il puisse mieux m’appliquer les émaux de ses dons, et alors serait évacué ce qui aurait dû aller au purgatoire. » Toutes ces paroles sont les siennes. Et parlant de l’état d’union transformée en l’un de ses traités mystiques non encore imprimés, notre vénérable Père Frère Jean de la Croix dit que l’âme parvient alors à une pureté semblable à celle que la nature reçut en sa création ; et il la compare à la colombe qui sortit de l’arche de Noé, et qui, après avoir parcouru les eaux du déluge, revint à l’arche comme elle en était sortie, le rameau d’olivier en son bec : la même chose, dit-il, arrive à l’âme en cet état, car après avoir parcouru les eaux des péchés et des dangers, elle retourne à l’union divine avec la pureté en laquelle elle fut créée, et chargée de mérites avec le rameau de la miséricorde de Dieu.

Ces dernières paroles d’Isaïe concernent la troisième division, ou le troisième dépouillement, qui, selon saint Thomas, doit précéder l’union divine, celui de l’amour propre désordonné et de toutes les imperfections qui lui sont alliées, afin que soit introduite la forme de l’amour de Dieu avec toutes les vertus et tous les dons infus qui l’accompagnent. Voici ses paroles à ce sujet : Ex hoc enim quod amor transformat amantem in amatum, facit amantem intrare ad interiora amati, et e contra, ut nihil amati amanti remaneat non unitum, sicut forma pervenit ad intima formati et e converso ; et ideo amans quodammodo penetrat in amatum, et secundum hoc amor dicitur acutus565. L’explication des paroles d’Isaïe lui est apparue comme imprimée en une pierre tirée d’une carrière d’émeraudes, s’accomplissant alors ce que dit l’Apôtre, à savoir que les réalités visibles sont comme des miroirs des invisibles, et les matérielles comme des miroirs des intelligibles. En effet, la première chose que fit en elle l’action céleste fut de lui ôter sa forme grossière de pierre brute, et de la purifier de cette grossièreté et de cette matérialité qu’elle possédait par nature, la rendant subtile et pure comme un cristal très clair. Après quoi, l’action céleste introduit en elle la forme de la lumière avec la couleur verte, rendant précieuse cette pierre ; et avant qu’elle en soit tout entière pénétrée, on la retire de la carrière pour qu’on puisse voir en elle une merveille de l’auteur de la nature, et venir à en connaître une autre supérieure, celle des effets de la grâce.

En effet, après que l’action divine ait dépouillé l’âme contemplative du vêtement du vieil homme lors des dépouillements passés, qu’elle l’ait rendue subtile et fine pour qu’elle puisse être pénétrée des splendeurs du Christ (Ideo hanc divisionem penetrationis praecedit alia divisio qua amans seipso separatur in amatum tendens.566), et être revêtue de la forme divine grâce à laquelle elle doit être unie à lui par amour et ressemblance, cette même action divine la revêt de cette forme et l’en pénètre ; c’est-à-dire qu’elle pénètre l’essence de l’âme des splendeurs de la grâce, par lesquelles, ainsi pénétrée, elle se met à participer étroitement à la nature divine, devenue si comparable à elle, qu’elle se trouve d’une certaine manière réengendréée de façon divine. La puissance intellective est alors pénétrée des splendeurs de la foi et des dons du Saint-Esprit, et la puissance affective l’est de la charité parfaite ; et ainsi l’âme se trouve-t-elle toute divinisée, semblable à Dieu et participant au plus haut point à ses divines perfections, comme lorsqu’elle fut créée : ita etiam per naturam animae participat secundum quamdam similitudinem naturam divinam per quamdam regenerationem sive recreationem567. Et plus la grâce pénètre intensément l’essence de l’âme, la rendant parfaite de façon divine, plus les puissances acquièrent de perfection grâce aux dons et aux vertus qui en proviennent. Il en va comme des rayons qui sortent d’un corps lumineux : ils resplendissent d’autant plus que ce corps s’éclaire, comme on le voit d’une chandelle que l’on a mouchée et qui éclaire davantage la pièce : gratia est perfectio essentiae, et ab ea fluunt virtutes per modum quo diversi radii ab eodem corpore lucente procedunt568. Et lorsque l’âme est de cette manière parfaitement pénétrée de la grâce et des dons infus, se trouvant ainsi toute divinisée, alors se produit l’union divine.

Pour que la forme divine pénètre ainsi l’âme déjà purifiée, le divin artisan se sert de deux moyens, tous deux très efficaces : le premier, c’est l’action de feu des séraphins, et à cause de cette pénétration, saint Denys l’appelle « amour acéré » ; et notre Mère sainte Thérèse en a fait l’expérience lorsque Notre-Seigneur la présenta au séraphin qui enfonça dans son cœur le dard de feu de cet amour ; et notre vénérable Père l’a ressenti comme une flamme très vive d’amour ; et c’est par le même feu que furent faites les plaies corporelles de saint François après que son esprit ait été transpercé d’amour. Le second moyen, c’est de blesser l’âme par le don d’intelligence (lequel est une pénétration aiguë des réalités divines), et par le don de sagesse qui rend plein d’amour ce que pénètre le don d’intelligence. Comme il provient immédiatement de Dieu, ce dernier effet est plus parfait, et lorsque la force divine s’y applique plus vigoureusement, il est très différent de celui de l’action des séraphins, ainsi que l’a indiqué l’expérience digne de confiance de notre Mère sainte Thérèse ; voici ce qu’elle en dit après avoir subi cette seconde action : « Même si j’éprouvais de grands élans lorsque le Seigneur voulut me donner les transports de l’âme (elle parle de l’action des séraphins), cela n’a rien à voir avec ces effets, pas plus qu’une chose très corporelle à côté d’une très spirituelle. » Voilà ce que dit notre sainte.

Cependant, parce que cette action d’une intensité si purifiée la disposait à l’union de transformation parfaite en Dieu, et parce que nous en sommes encore aux premiers actes d’union qui disposent à celle-ci, nous rapporterons ici ce que dit encore notre sainte des effets de son action de lumière immédiate lorsqu’elle est d’une moindre intensité ; il s’agit de ce que les mystiques appellent « attouchements » divins, lesquels disposent à l’union à Dieu grâce à la pénétration intime de la forme divine, et voici ce qu’elle en dit : « Alors que l’âme se met à s’embraser en elle-même dans les angoisses divines, il arrive qu’à l’occasion d’une pensée très légère ou d’une parole qu’elle entend, un coup lui vienne d’ailleurs (sans qu’elle comprenne d’où ni comment), ou comme si lui arrivait une flèche de feu à la vive blessure. Et cela ne se produit pas là où l’on ressent ici-bas les douleurs, me semble-t-il, mais au plus profond et au plus intime de l’âme, là où ce rayon rapide réduit en poussière tout ce qu’il trouve de terrestre en notre nature ; et autant qu’il dure, il est impossible de se rappeler quoi que ce soit de notre être. L’entendement est si vif à ressentir l’absence de Dieu, et Sa Majesté donne une si vive connaissance d’elle-même à ce moment-là, que cela augmente beaucoup la douleur. » Tout cela est de notre sainte. L’épouse du Cantique fait état du même effet lorsqu’elle dit que l’Époux divin la toucha de sa main, et qu’à son contact, elle se mit tout entière à frémir, frémissement qui indique la pénétration de cet effet en l’intime de l’âme : et secundum hoc amor dicitur acutus, et quod vulnerat et transfigit ictus569

Chapitre 29 De l’union transformée en Dieu, où l’âme est rendue au paradis intérieur d’où Adam fut chassé par le péché

Lors de la création du monde, lorsque Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image et ressemblance », saint Thomas déclare qu’il indiquait deux sortes de biens qu’il lui donnait en le créant, car il le créait à son image pour ce qui est du naturel, et à sa ressemblance pour ce qui est du surnaturel gratuit. L’image consistait en ce que l’âme soit une essence en trois puissances, comme Dieu est une essence en trois personnes ; et la ressemblance consistait en ce que l’essence de l’âme soit divinisée par la grâce, laquelle est une ressemblance de la divinité participée en l’homme (gratia est quaedam similitudo divinitatis participata in homine570), et que les puissances l’étaient par les vertus et les dons infus qui procèdent en elles de cette même grâce. Cette ressemblance n’était pas en un degré quelconque chez le premier homme, mais en un degré de perfection, son âme étant pénétrée intensément de cette forme divine ; et puisqu’à après la faute, cette image se trouva si abîmée et défigurée, que même après la régénération du baptême, elle n’a pas été réengendrée en l’homme selon la perfection qui était la sienne en la première création, et cela du fait des nombreuses traces de la faute qui demeurent en la nature viciée, Dieu promit, par les paroles déjà rapportées d’Isaïe, qu’il purifierait de telle manière cette nature dans le creuset divin, qu’elle recevrait une certaine similitude avec la rectitude et la beauté en lesquelles le premier homme fut créé. Elle pourrait ainsi être appelée « cité du Juste » et « république fidèle », en laquelle il n’y aurait de commandement et de pouvoir que du seul véritable Seigneur : il en était ainsi pour l’homme revêtu de la justice originelle, et il en est ainsi dans la parfaite réformation de grâce chez ceux qui, par amour, sont transformés en Dieu, et qui agissent mue davantage par lui que par eux-mêmes, du fait de la perfection selon laquelle les dons divins se sont emparés du sujet. Saint Denys dit que cela est propre à cette transformation, et il l’appuie par ce que disait l’Apôtre : « Je vis, mais non plus moi : c’est le Christ qui vit en moi. »

L’âme purifiée avance vers cette transformation à travers les premiers actes d’union (dans le langage des mystiques, il s’agit des fiançailles spirituelles de l’âme et du Fils de Dieu), et elle monte d’une splendeur à une autre plus relevée encore, grâce aux grandes faveurs que Dieu lui fait alors, jusqu’à ce qu’elle atteigne une pureté si haute, que l’Époux divin l’unit à lui, non seulement en union d’affection, comme la précédente, mais aussi en celle que saint Thomas appelle « union réelle ». En celle-ci, par la grâce et la charité, s’établit entre Dieu et l’âme ainsi disposée une amitié absolument parfaite, non seulement par conformité des affections, mais aussi par union et présence inséparable, autant que cela est possibles. Et c’est pourquoi les mystiques appellent cet état « mariage spirituel », au sein duquel il n’y a pas seulement correspondance des affections, mais bien remise des personnes, d’une certaine manière. En effet, puisque l’office de la grâce est de disposer et perfectionner l’âme, tant pour l’usage des dons créés que pour jouir de leur donateur (Per donum gratiae gratum facientis perficitur creatura rationalis ad hoc quod libere non solum ipso dono creato utatur, sed et ipsa divina persona fruatur.571), lorsque la grâce a intensément pénétré l’essence de l’âme (où elle prépare une demeure à Dieu) et l’a revêtue d’une singulière beauté divine, celle qui convient à l’épouse d’un si grand Roi, celui-ci l’unit à lui en cette union réelle ; il se communique alors à elle avec une telle familiarité, que s’accomplit ce que disait saint Laurent Justinien à ce propos : l’amour, quand il est grand, établit une certaine égalité entre des personnes infiniment inégales, rendant égale en unité d’esprit l’inégalité de nature, car dans le rapprochement qu’opère l’amour, ni la majesté ne méprise l’humilité, ni l’humilité ne se retire de la majesté, puisque l’amour l’élève lorsqu’elle est choisie pour une telle dignité.

Pour expliquer comment l’âme entre en cet état si heureux, le plus élevé de cette terre et sans intermédiaire avec celui de la Patrie, il faut remarquer ce que dit saint Grégoire : l’homme fut créé pour contempler son créateur, pour qu’il recherche sans cesse sa présence et habite en la forteresse de son amour qui est au-dedans de lui-même. Mais rejeté par sa désobéissance hors de lui-même, il a perdu le lieu de la lumière où il habitait, au-dedans de son esprit ; et éloigné de cette lumière, il fut condamné à la chercher par des chemins ténébreux et obscurs au moyen des sens (sed extra se per inobedientiam missus mentis suae locum perdit, quia tenebrosis itineribus sparsus ab inhabitatione veri luminis elongavit572.). En effet, comme dit saint Thomas, même si en son premier état l’homme connaissait les choses sensibles et contemplait en elles aussi les similitudes des spirituelles, il n’en avait pas besoin comme nous autres pour connaître celles-ci ; en effet, cette connaissance lui était donnée par l’action de la lumière divine dans le paradis de son âme, là où demeuraient les puissances supérieures et d’où elles gouvernaient les inférieures. Et de même que Dieu avait fait un paradis matériel plein d’immenses délices pour l’agrément de la partie sensible de l’homme, il avait fait aussi un paradis spirituel plein de délices célestes au plus haut de son esprit, pour l’agrément de son âme, paradis où Dieu s’établirait et où la créature pourrait jouir du créateur, non pas de façon découverte, comme dans la Patrie, mais par des similitudes si illuminées et si expresses, qu’il y aurait là comme un intermédiaire entre cette contemplation claire et la contemplation obscure qui est maintenant la nôtre.

Les Saintes Écritures et les saints donnent différents noms à ce paradis intérieur. Le Cantique des Cantiques l’appelle parfois « cellier des vins mystiques de l’Époux », parfois son « lit fleuri », parfois le « lieu du repos de Salomon » ; saint Denys l’appelle « maison que la Sagesse s’est construite », saint Grégoire et saint Bonaventure, « demeure de la lumière » ; et enfin, le Sauveur l’appelle « le Royaume de Dieu qui est au-dedans de nous », et notre Mère sainte Thérèse fit de cette maison et de ce royaume la septième de ses Demeures. Or, quand Adam fut chassé pour sa faute du paradis terrestre, il fut chassé aussi de ce paradis spirituel, comme saint Grégoire le dit ici, si bien que les puissances, qui auparavant habitaient cette région de la lumière et la maison de la Sagesse, y jouissant du Royaume de Dieu qui est joie et paix en l’Esprit-Saint, s’en trouvèrent exclues, condamnées à chercher la lumière par les sens ; désormais, les puissances ne trouveraient plus d’entrée dans la lumière, pas même en la contemplation divine, si ce n’est en se recueillant beaucoup près de ses portes et en y établissant sa solitude quiète, comme le déclare saint Grégoire : quoniam praesentari interim illi intimae quieti non possunt, hanc apud semetipsos per studium tranquillae mentis imitantur573 ; cette solitude quiète se fait en la partie supérieure des puissances, celle que l’épouse appelle « les celliers de Dieu », là où il donne faveurs et joie aux âmes contemplatives. Et même si l’âme purifiée est introduite en ce cellier des vins mystiques de l’Époux dès les premiers actes d’union (comme l’épouse elle-même l’a indiqué par ces mots : Introduxit me dilectus meus in cellam vinariam, ordinavit in me charitatem574.), cependant, la volonté seule, et non l’entendement, jouit de ce privilège, se réalisant alors ce que le vénérable Hugues de Saint-Victor dit à ce propos, admis par les mystiques comme par les scolastiques : l’entendement guide la volonté jusqu’à la chambre royale de l’Époux, et elle reste là, parce qu’on ne lui permet pas encore d’entrer ; mais la volonté continue d’avancer et entre jusqu’au lit des noces.

Et donc, lorsque l’âme est passée par d’aussi rudes creusets en lesquels elle fut purifiée, et par les premiers actes d’union qui la transformèrent en Dieu en ordonnant en elle la charité, lorsqu’elle est parvenue à une pureté et innocence semblable à celle d’Adam quand il jouissait de ce paradis spirituel, grâce à tous ces moyens si efficaces et divins, alors elle est rétablie (c’est ainsi que parle Isaïe) en ce patrimoine et en cet antique droit d’aînesse dont l’homme avait été privé par la faute. Pour autant, saint Denys dit que ses yeux intellectuels, qui étaient faibles et infirmes, ont été purifiés et rendus subtils par l’abondance de la lumière divine, afin qu’ils puissent entrer dans cette région de la lumière et contempler les merveilles de la Sagesse divine qui lui sont ici communiquées de façon continue ; alors ils pourront ne plus cligner comme ils le faisaient à chaque illumination de ces mystères, l’âme ravie de par l’excès que produit un tel objet sur une puissance faible ; et c’est en vue de cela qu’ils sont rendus plus forts et plus subtiles par la lumière divine proportionnée à cet effet : Oportet illuminandos repleri divino lumine ad contemplativam habitudinem et virtutem, castissimis mentis oculis reducendos575. Et Hugues de Saint-Victor explique : ut mentis oculis castis et mundis contemplationis habeant habitudinem et virtutem : habitudinem videlicet per mentis puritatem, virtutem autem per contemplationis stabilitatem, ut possint contemplari divina, quæ et veraciter apprehendunt et retinent perseveranter576.

En cette entrée des puissances dans le paradis intérieur, pour y jouir du Royaume de Dieu autant qu’il est permis en cette vie, l’âme reçoit certaines grandes faveurs de très haute communication divine. Au chapitre premier de la septième Demeure de notre Mère sainte Thérèse, on peut voir vérifié tout ce que l’on vient de dire, ainsi que l’expérience de toute cette doctrine qui est celle des saints. C’est là qu’elle fut rétablie en ce paradis pour qu’elle en jouisse jusqu’à la mort, en même temps que de la contemplation divine par similitudes expresses qui fut concédée à Adam en son premier état. On peut voir cela encore dans toute cette Demeure, et chez notre vénérable Père Frère Jean de la Croix, depuis la strophe vingt-sept du traité qui commence par « Où t’es-tu caché ? », et qui n’est pas encore imprimé, ainsi que dans tout celui qui le suit et qui commence par « O vive flamme d’Amour ! », et qui est imprimé : l’un et l’autre y traitent d’expérience de ce Royaume de Dieu dont ils jouissaient en ce paradis intérieur, et l’on y verra comment ils jouissaient d’une pureté et d’une innocence semblable à celle d’Adam en son premier état, comment ils jouissaient aussi de certains de ses privilèges, par exemple celui d’être mus par Dieu en toutes leurs œuvres, comme transformés en lui, et celui permettant aux puissances supérieures de se tenir en présence de Dieu sans en être empêchées par l’exercice propre aux inférieures, et celui de pratiquer à la fois et en toute harmonie la vie contemplative de Marie et la vie active de Marthe : unde homo prius non impediabatur per res exteriores a clara et firma contemplatione intelligibilium effectuum, quos ex irradiatione primae veritatis percipiebat577. Et puisque saint Laurent Justinien dit que c’est une chose rare qu’une âme parvienne à la pureté et perfection des fiançailles spirituelles dans les premiers actes d’union, combien plus rare encore sera de parvenir à celle que demande l’union transformée du mariage spirituel ?

Telle est donc la contemplation divine que Dieu a enseignée à ses véritables adorateurs, et tels sont les effets qu’elle produit chez eux. Votre Paternité pourra en déduire à quel point elle est différente de celle des Alumbrados, comme la lumière l’est des ténèbres. Et que celui qui lirait dans les traités de nos deux maîtres que l’on vient de citer, la communication si aimable et si familière de la grandeur divine avec ces âmes transformées en lui par amour, ne s’effraie pas de ce que Dieu étant amour par essence, il commette ces excès d’amour avec des âmes si fidèles et qui l’aiment tant. C’est à ce sujet que saint Denys a dit que même Dieu sortait d’une certaine manière de lui-même pour se communiquer à ses créatures, de par l’abondance de sa bonté amoureuse (Audendum autem et hac pro veritate dicere, quod et ipsa omnium causa per abundantiam amativae bonitatis extra se ipsum fit.578) ; et cela particulièrement si l’on considère que ce degré d’union transformée est le plus haut de cette terre, et sans intermédiaire avec celui de la Patrie ; et ainsi y jouit-on d’une certaine participation de la vie bienheureuse dont on jouira là-bas, en vertu de cette règle générale des mystiques et des scolastiques, selon laquelle le sommet d’un degré inférieur vient à toucher les limites de celui qui lui est immédiatement supérieur, et à en participer, quoiqu’imparfaitement. Et ainsi s’accomplit en cet heureux état ce que dit encore saint Denys, à savoir que les saints hommes très illuminés par Dieu, participent, dès les misères de cette vie, à ce banquet perpétuel et ineffable que Sa Majesté offre aux bienheureux dans le ciel : juxta deiformem epulationem et beneficentiam ineffabilem, in cujus participatione saepe facti sunt et viri sancti per deificos divinarum illuminationum superadventus579. Telle est la table dont l’Esprit-Saint dit qu’elle est dressée pour l’âme en la maison de la Sagesse, et c’est ce qu’ont expérimenté nos deux illustres maîtres qui y ont été introduits : là, il leur fut donné en abondance le vin mélangé servi à cette table, mélange de la divinité et de l’humanité du Seigneur. Et sur ce point, notre sainte Mère dit ceci : « Lorsque le Seigneur introduit l’âme en la septième demeure, d’une façon très continue, elle ne s’écarte pas d’être avec le Christ Notre-Seigneur d’une manière admirable, en laquelle il lui tient toujours compagnie, inséparablement Dieu et homme. » Et au même propos, notre vénérable Père dit ceci : lorsque l’âme entre en cet heureux état, le Seigneur lui communique très fréquemment les mystères de son incarnation, et les œuvres de la rédemption de l’homme.



Table des matières

Table des matières

Jose de Jesus Maria [Quiroga] 5

1562-1628 5

I. 5

Historia de la Vida y Virtudes del Venerable P. F. Juan de la Cruz 5

& Études 5

Dossier assemblé par Dominique Tronc 5

Introduction 7

Première partie : La Vie du Bienheureux Père Iean de la Croix 12

La Vie du Bienheureux Père Iean de la Croix, premier religieux Déchaussé de la Réforme de Nostre Dame du Mont-Carmel, & coadjuteur de Ste Therese 13

Avec une déclaration des degrez de la vie contemplative, par lesquels N. Seigneur l’éleva à une rare perfection ; et du singulier don qu’il eût pour enseigner la divine Sagesse qui transforme les âmes en Dieu. 13

Livre second, chapitres 1-10 sur l’emprisonnement à Tolède 14

Chapitre premier de quelque succès advenu en ce temps entre les deux congrégations de l’ordre de Notre-Dame du mont Carmel, lesquels menaçaient notre bon Père. 14

Chapitre II. D’une assemblée que firent les Pères Carmes Déchaussez en ce temps, pour obvier au dommage qui les menaçait ; et y traitèrent encore d’autres choses qui concernaient le bien de l’Ordre. 15

Chapitre III. Comme les Pères de l’Observance emprisonnèrent notre bon Père à Avila, pour l’amener à Tolède. 17

Chapitre IV. Les diligences que l’on fit à Tolède vers notre bienheureux Père Jean de la Croix afin qu’il prît l’habit des mitigés, et comme ils l’emprisonnèrent et le tourmentèrent pour n’avoir voulu acquiescer à leur volonté. 18

Chapitre V. De quelques travaux qu’il souffrit en la prison, et avec quelle patience il les supportait. 19

Chapitre VI. Comme notre Seigneur fortifia sa patience ès travaux de la prison par quelques consolations spirituelles des plus extraordinaires. 21

Chapitre VII. De quelques visites très favorables et autres grâces singulières que notre Seigneur et la Sainte Vierge lui firent en la prison. 23

Chapitre VIII. Comme il commença ses livres mystiques en la prison, suivant la connaissance expérimentale qu’il tirait des effets que Dieu opérait en son âme. 25

Chapitre IX. Comme la très Sainte Vierge commanda au bienheureux Père Jean de la Croix de sortir de la prison, et lui en enseigna le moyen. 26

Chapitre X. De la sortie de prison de notre bienheureux Père Jean de la Croix, et combien elle fut miraculeuse. 27

Chapitre XI. Des choses les plus remarquables qui lui advinrent à Tolède, depuis sa sortie, jusqu’à son arrivée au couvent d’Almodovar. 29

Livre troisième, chapitres 15 à 23 sur la maladie et l’agonie 32

Chapitre XV. D’une persécution domestique qui s’éleva contre notre bienheureux Père, comme il tomba malade dans ce désert, et fut menée à Ubede pour y être pansé. 32

Chapitre XVI. Comme son mal s’accrut à Ubede, et la grande joie, et patience héroïque dont il le supportait. 33

Chapitre XVII. Auquel sont déduits d’autres grands travaux que notre bienheureux Père souffrit de la part de celui qui gouvernait le couvent. 35

Chapitre XVIII. De l’aimable providence dont notre Seigneur secourut notre bienheureux Père en sa maladie, et en ses travaux. 37

Chapitre XIX. Comme le diable enflamma de nouveau la persécution domestique entre notre bienheureux Père, procurant d’obscurcir l’éclat de ses vertus. 38

Chapitre XX. En qu’elle affliction et détresse cette persécution réduisit ceux qui était affectionné à notre bienheureux Père, et la joyeuse patience dont il la supportait. 41

Chapitre XXI. Comme cette persécution contre notre bienheureux Père prit fin, et comme l’auteur d’icelle fut puni. 42

Chapitre XXII. Comme il eut révélation du jour et de l’heure de sa mort, et comme notre Seigneur lui fit part du calice de sa passion, pour comble des grâces qui lui avaient faites. 43

Chapitre XXIII. De la précieuse mort de notre bienheureux Père Jean de la Croix, et comme il s’y disposa heureusement. 44

Deuxième partie : Historia de la Vida y Virtudes del Venerable P. F. Juan de la Cruz 47

Fortunado Antolin présente la Vida y Virtudes 49

II. LA VIDA DE SAN JUAN DE LA CRUZ 49

La obra 49

Un choix de chapitres du Libro primero 54

Cap. 4. Como fue a estudiar al colegio de su Orden de Salamanca, cuán ejemplar fue allí su vida y cuán frecuente su oración. 54

[…] 55

Cap. 9. De la fundación del Monasterio de Duruelo, principio de los Descalzos de Nuestra Señora del Carmen, cuyo primer habitador fue el padre Fray juan de la Cruz. 55

Cap. 10. Donde se describe el edificio y adorno del monasterio de Duruelo, planta fundamental del Carmelo renovado. 56

[…] 57

Cap. 12. Cómo iba Nuestro Señor perfeccionando el espiritu de nuestro Venerahle Padre, y despojándole de las ropas del hombre viejo para vestirle de sus resplandores. 57

[…] 58

Cap. 15. Como le comunicó el Espiritu Santo el don de maestro de la sabidurfa del cielo y con qué aprovechamiento la ensefiaba a sus discípulos. 58

[…] 60

Cap. 17. De la fundación de religiosos de Pastrana, y traslación de la de Duruelo a Mancera, y jornada del Padre Fray Juan de la Cruz a Pastrana a dar forma primitiva a aquel noviciado. 60

[…] 61

Cap. 25. De las heroicas virtudes del padre Fray juan de la Cruz y cuán ilustrada tuvo la fe. 61

[…] 62

Cap. 30. Que la caridad luminosa de nuestro Venerable Padre era tan intensa en el espíritu que comunicaba algunas veces su resplandor al cuerpo. 62

Cap. 31. De su caridad iluminativa con que a modo de serafin iluminaba y encendia a otros en el fuego en que él ardía 63

[…] 65

Cap. 33. Cuán gran maestro fue de la vida espiritual y cuán acertado conocimiento tuvo de los caminos de ella, para guiar las almas a su perfección. 65

Cap. 34. Del don particular que tuvo de Dios para despenar almas muy trabajadas con dificultades de espíritu o de conciencia. 66

[…] 67

Cap. 36. Que en el gobierno de las almas contemplativas huía de dos extremos con que algunos maestros espirituales abren la puerta a engaños del demonio. 67

[…] 69

Cap. 46. Del gran amor que tuvo a la virtud de la humildad y cómo la ejercitaba en los afectos más dificultosos y contrarios a ella. 69

[…] 70

Cap. 48. de la ilustrada prudencia de nuestro Venerable Padre y cuán provechosamente la exercitaba. 70

Libro segundo, capitulos 1 - 10 sur l’emprisonnement à Tolède (suivi du cap. 14)  72

LIBRO SEGUNDO DE LA HISTORIA DEL VENERABLE PADRE FR. JUAN DE LA CRUZ 72

Cap. 1. De algunos sucesos que hubo en este tiempo entre las dos Congregaciones de Calzados y Descalzos de nuestra Orden que amenazaban a nuestro V. Padre. 72

Cap.3 De la prisión de nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz por los Padres Calzados en Avila para llevarle a Toledo. 75

Cap. 4. De las diligencias que se hicieron en Toledo con el Padre Fray Juan de la Cruz, para que volviese a calzarse, y por resistirlo le encárcelaron y afligieron. 76

Cap. 5. De algunos de los trabajos que el Venerable Padre padeció en la cárcel, y de la paciencia con que los llevaba. 77

Cap. 6. Cómo esforzó nuestro Señor su tolerancia en los trabajos de la cárcel con algunos consuelos espirituales de los muy extraordinarios. 79

Cap. 7. De algunas visitas muy favorables y otras qrandes mercedes que Cristo nuestro y la Vigen su Madre le hicieron en la cárcel. 81

Cap. 8. Que en la cárcel dio principio a sus tratados místicos según el conocimiento experimental, que sacaba de los efectos que obraba Dios en su alma. 82

Cap. 9. Cómo la Virgen nuestra Señora mandó al Padre Fray Juan de la Cruz. que se saliese de la cárcel, y le dio traza para la salida. 84

Cap. 10. De la salida de la cárcel del Venerable Padre Fray Juan de la Cruz, y cuán milagrosa fue. 85

[…] 87

Cap. 14 Que en este tiempo trabajó algunos de los tratados misticos que dejó escritos, y renovó el ejercicio de la contemplación divina, entonces tan poco usada. 87

Libro tercero, cap. 15 – 23 sur la mort, (précédé du cap. 3) 91

Cap. 3. Cómo le hicieron Vicario Provincial de la Andalucia, las cosas de reformación que introdujo en ella, y los peligros de que le libró la Virgen contra el demonio. 91

[…] 93

Cap. 15. De una persecución doméstica que se levantó al Venerable Padre, la enfermedad que le dio en la Peñuela, y como le llevaron a curar a Ubeda. 93

Cap. 15. De una persecución doméstica que se levantó al Venerable Padre, la enfermedad que le dio en la Peñuela, y como le llevaron a curar a Ubeda. 93

Cap. 16. Como se le agravó mucho en Ubeda la enfermedad, y la gran paciencia y alegría con que la llevaba. 94

Cap. 17. De otros grandes trabajos que en esta enfermedad padeció de parte del Prelado que gobernaba el Convento. 96

Cap. 18. De la amable providencia con que soccorió nuestro Señor en su enfermedad y trabajo al venerable Padre. 97

Cap. 19. Como encendió más el demonio la persecución doméstica contra el Venerable procurando oscurecer el resplandor de sus virtudes. 99

Cap. 20. En cuánta aflicción y angustia paso esta persecución a los aficionados del Venerable Padre, y la alegre tolerancia con que él la llevaba. 101

Cap. 21. Del fin que tuvo esta persecución contra nuestro Venerable Padre, y como fue castigado quien la había movido. 102

Cap. 22. Como tuvo revelación del dia y hora de su muerte, y le comunicó nuestro Señor el cáliz de su pasión para colmo de las mercedes que le había hecho. 103

Cap. 23. De la dichosa muerte de nuestro Venerable Padre Fray Juan de la Cruz, y cuán felizmente se dispuso para ella. 104

Edition partielle bilingue de deux chapitres manuscrits (dom Chevallier) 108

« LA PAUVRETÉ DE L’AME QUI CHANTE LE CANTIQUE SPIRITUEL » 108

[Présentation par dom Chevallier] 108

228 108

Capit 18. Como yva nro Senor perfiçionando el espiritu de nro venerable Padre con un fuerte despojo de las ropas del hombre viejo para vestirle de sus divinos resplandores. 108

Capit. 19. Que con este despojo de la ropa imperfecta le yvan vistiendo a la perfecto y el caminando de la vida natural a la sobrenatural. 112

Capit. 20. De las heridas de amor con que nro Seinor, le llago en este tiempo y renovo su espiritu a lo divino para unirle consigo. 116

Troisième partie : Notices et Études 119

FORTUNATO DE JESUS SACRAMENTADO OCD 121

Notice del diccionario Juan de la Cruz 121

José de Jesùs Maria, Quiroga, OCD (1562-1628)  121

Début de l’introduction à l’édition de “Vida y virtudes…” . 124

I. EL P. JOSÉ DE JESÚS MARIA. DATOS BIOGRÁFICOS 124

Superior 125

Procurador en el proceso teresiano 125

El Escritor 126

Obras impresas 126

Obras inéditas 127

Notice du Dictionnaire de spiritualité 130

11. JOSEPH DE JÉSUS-MARIE (QUIROGA), carme Déchaux, vers 1562-1628. 130

JEAN KRYNEN 134

La mystique baroque dans le Carmel de la Réforme 134

CHAPITRE III La mystique baroque dans le Carmel de la Réforme 134

APPENDICE III La postérité de la doctrine de Quiroga en Espagne 155

Max HUOT DE LONGCHAMP 156

Introduction à l’Apologie mystique 156

I - José de Jesùs Maria (1562-1628)/1 156

Il — L’Apologie mystique 157

Circonstances, destinataires, rédaction 157

Quiroga, directeur spirituel 158

III - Notre édition 160

Annexe : choix d’éditions de Quiroga disponibles aujourd’hui sur le net & en impression papier 162

Jose de Jesus Maria [Quiroga] 164

1562-1628 164

Subida del alma a Dios que aspira a la divina Union (1656) 164

Segunda parte: De la entrada del alma al Parayso Espiritual (1659) 164

Don que tuvo sans Juan de la Cruz 164

Repuestas 164

Apología mística en defensa de la Contemplación divina 164

Subida del alma a Dios que aspira a la divina Union (1656) 165

[titre] 166

[début d’ouvrage] 166

PROLOGO. 166

Libro primero 167

Capitulo Prinero. De tres movimientos con que camina el alma en la oracion al conocimiento y amor de Dios. 167

CAPITULO II. Del primer movimiento del alma en la oracion, y como es propio de los principiantes. 167

CAPITULO III. Como en este primer movimiento del alma se exercita la meditacion imaginaria. 168

CAPITULO IV. Que para sacar provecho de la meditacion, se ha de quietar el alma en la ponderacion de lo meditado. 168

CAPITULO V Como despues que el alma ha hecho ponderacion de los misterios meditados, se ha de disponer para que la luz divina imprima ma en ella otra mayor ponderecion dellos. 169

CAPITULO VI. Que los misterios de la vida y Passion de Christo nuestro Señor han de ser los medios mas ordinarios de nuestra meditacion. 169

CAPITULO VII. Quanto tiempo han de estar en estado de meditacion, y como conoceran que pueden passar a contemplacion. 170

CAPITULO VIII. De la especulacion afirmativa de Dios, que es propria deste primer movimiento del alma. 171

CAPITULO IX. Como se ha de aver el contemplativo en la especulacion afirmativa, para sacar provecho della. 173

CAPITULO X. Como se ha de encaminar la especulacion de Dios, para ser ilustrada el alma con sus dones. 174

CAPITULO XI. Como se ha de usar de la leccion devota, para ayudar a la oracion, y no estorbarla. 176

CAPITULO XII. Del exercicio de la mortification, para moderar las passiones con las virtudes morales. 176

CAPITULO XIII. Del segundo movimiento del alma, y a que personas mas principalmente toca. 177

CAPITULO XIV. De tres caminos per donde el alma puede subir al conocimiento de Dios en la oracion, y mejorarse en ella. 178

CAPITULO XV. Con que circunstancias ha de exercitar el alma los actos particulares en este segundo movimiento. 179

CAPITULO XVI. Que se ha de desembaraçar presto el alma de las noticias particulares, aunque sean sobrenaturalmente comunicadas, para bolverse al acto de noticia universal. 180

CAPITULO XVII.Como se han de exercitar en la oracion los actos particulares a modo intelectual, para que sean mas provechosos. 181

CAPITULO XVIII. Del movimiento del alma tercero, en que se exercita la contemplacion perfecta. 182

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[…] 183

[Libro secundo] 183

[…] 183

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Libro tercero de la subida del alma a Dios 183

CAPITULO PRIMERO Como purifica Dios a las almas contemplativas, unas vezes a lo suave, y otras a lo penoso, y quan util es la purgacion penosa. 183

CAPITULO II. De la sustancia desta purgacion, quanto a la Parte sensible del alma. 184

CAPITULO III. Desta misma purgacion, quanto a la parte intelectual, y de diversas aflicciones que causa en el alla, con que la van purificando. 185

CAPITULO IV. De alguna señales desta purgacion, y como no es de una manera en todos los que son purgados. 186

CAPITULO V. Como se ha de aver el contemplativo en esta purgacion, para sacar provecho de ella, sin fatiga del alma. 186

CAPITULO VI. Como ha de resistir el alma en este tiempo a las baterias del demonio, sin daño de la salud. 187

CAPITULO VII. Que para ser perfecta la vida contemplativa, se ha do mezclar con la activa, que toca a nuestra propria reformacion. 188

CAPITULO VIII. De dos medios desta reformación propria: uno de las virtudes morales, y otro de las infusas; y como disieren entre si. 188

CAPITULO IX. Que para alcançar estas virtudes en la oracion, se han de azer diferentemente los que comiençan, y los que ya van aprovechando. 188

CAPITULO X. Que con la contemplacion quieta y abstraida se perficiona mas el alma en la mortificacion y reformacion propria, que con ningunotro exercicio. 190

CAPITULO XI. A quanto mas alta reformación es levantada el alma por el aumento de las virtudes infusas que recibe en la contemplación, que por el exercicio de las virtudes morales en la vida activa. 191

CAPITULO XII. Quanto mas prompta esta el alma para bien obrar con la virtud infusa que alcança en la contemplacion, que con la adquirida por su exercicio. 192

CAPITULO XIII. Como dentro del acto de contemplación se puede mezclar el exercicio particular de virtudes, sin impedir los efectos infusos de la misma contemplacion. 193

CAPITULO XIV. De la presencia de Dios fuera de la oracion, con que se mezcla la vida activa, que toca a la utilidad de otros, con la contemplativa. 194

CAPITULO XV. Que esta presoncia de Dios no ha de ser una misma en los principiantes, y en los aprovachados. 195

CAPITULO XVI. Con que moderacion se ha de user de la presencia de Dios imaginaria, para evitar los daños de cuerpo y espiritu que puede causar. 195

CAPITULO XVII. Quan imperfecta es la presencia de Dios imaginaria, hasta que llega a ser intelectual. 196

CAPITULO XVIII. Que este exercicio de la presencia de Dios, aunque es dificultuoso a los imperfectos, se va falicitando con la mejoria del alma en la propia reformacion. 196

CAPITULO XIX. Que por humilidad se sube a la contemplacion, y que no ay otro camino para llegar a ella. 197

CAPITULO XX. Como han de caminar a alcançar esta humildad, assi los principiantes, como los aprovechados. 197

CAPITULO XXI. De algunos efectos de humildad que tocan a los contemplativos. 198

CAPITULO XXII. En que se cifra toda la perfeccion de un verdadero contemplativo. 199

Segunda parte de la Subida del alma a Dios : De la entrada del alma al Parayso Espiritual (1659) 202

[Brève présentation] 202

Libro primero, de la entrada del Alma al Parayso Espi­ritual 203

CAPITULO I. De las comunicaciones sobrenaturales a que suelen serlebantados algunas almas en la contemplacion Divina muy ilustrada. 203

CAPITULO II. De la primera elevación de la parte sensible, que es recogimiento infuso. 203

CAPITULO III. Que los recogimientos infusos de la parte sensible, son llamamientos de Dios a la contem­plación intelectual. 205

CAPITULO IV. Como se ha de obedecer a los llamamiento a de Dios en estos recogimientos, y acomo­darlos a nuestra segu­ridad. 206

CAPITULO V. De otra comunicación infusa, mas copiosa en el apetito sensitivo, que llaman oración de quietud. 207

CAPITULO VI. De muchas maneras de quietud, que puede aver en la oración, y como disiere la ver­dadera de la falsa. 208

CAPITULO VII. De las circumstancias, que ha de tener la quie­tud en la Oración mental, para la contem­plación y comunicación de Dios. 211

CAPITULO VIII. De los efectos desta oración de quietud infusa, con que se comiença a perficionar el alma en la vida espiritual. 212

CAPITULO IX. De otro recogimiento muy durable del apeti­to sensible entre los exereicios de la vida acti­va, y como se ha de ordenar para que sea mérito io. 213

CAPITULO X. De otra elevación mayor de la parte sensi­ble, que llaman embriaguez es­piritual. 215

CAPITULO XI. Como se han de moderar los exercicios en estas comunicaciones suaves de la parte sensible, para no dañar a la salud. 216

CAPITULO XII. De la gula espiritual de los que en la oración van à gustos sensibles, y no a desnudez de espíritu. 217

CAPITULO XIII. De algunas sequedades de los contemplati­vos, que proceden de no conocer el movi­miento de las potencias, y lo que Dios obra en ellas. 219

CAPITULO XIV. De dos maneras de devoción, y que la prin­cipal se exercita aun entre las sequedades. 221

CAPITULO XV. De algunos favores que en el estado imper­fecto haze nuestro Señor a algunos contem­plativos, para acercarlos mas a si, y esforçarlos mucho. 222

CAPITULO XVI Del peligro que tienen almas imperfectas, favorecidas en la oración, y como se han de vaer para caminar se­guras. 224

CAPITULO XVII De dos estreñios, entrambos peligrosos, que se hallan en algunos Maestros, que goviernan almas de oración, y del medio mas seguro entre estos dos peligros. 226

CAPITULO XVIII. De las primeras ansias de Amor de Dios de las almas contemplativas en estado aun no perfecto. 227

CAPITULO XIX. De otras ansias de amor do Dios mas espiri­tuales en los contemplativos, que van aprovechando. 229

CAPITULO XX. De la contemplación ya mas ilustrada de las almas que han passado por la primera purgación del espíritu. 230

CAPITULO XXI. De la contemplación de mystica Teología, ilustrada a lo sobrenatural. 231

CAPITULO XXII. De otra contemplación deste mismo genero, muy sutil, y poco percebida : y como se ha de aver el alma en ella para lograr sus efectos. 233

CAPITULO XXIII. De otro grado de contemplación de mystica Teología, mas copiosamente ilustrado. 235

CAPITULO XXIV. De otra comunicación muy copiosa de Sabidu­ría mystica, que llaman embriaguez es­piritual los Mysticos. 237

CAPITULO XXV. Que para las comunicaciones Divinas sobrenaturales, se ha de disponer el contem­plativo con humildad y pureza de Alma. 239

CAPITULO XXVI. De los aprietos y tribulationes que padece el alma en el crisol espiritual, donde la pu­rifican para la union Di­vina. 241

CAPITULO XXVII. De otros trabajos y aflicciones que en esta pu­rificación padece el alma, assi de parte del Demonio, como de la influencia Divina. 243

CAPITULO XXVIII. De las ansias de amor inflamado, en que se purifica el alma para la union Divi­na, y comiença a participar della. 245

CAPITULO XXIX. De los toques Divinos de conocimiento y amor de Dios en el alma contemplativa, co­mo disposiciones ultimas para la Divina union. 247

CAPITULO XXX. Como entendieron los Santos este modo de tocar Dios a las almas puras para desper­tarlas a su conocimiento y amor, unirlas consigo. 248

Libro secundo de la entrada del Alma al Parayso Espiritual 252

CAPITULO I. De los primeros actos de union Divina, que son como prendas del Desposorio Espiri­tual del Alma con Dios. 252

CAPITULO II. De algunas calidades desta union Divina, y quan rara es la verdadera disposición para ella. 253

CAPITULO III. De quan mejorada queda el alma con esta Divina union, y de algunos de sus efectos. 254

CAPITULO IV. De una union de nuestra voluntad con la de Dios, a que pueden llegar activos y contemplativos. 256

CAPITULO V. De las joyas Divinas con que en el estado de union hermosea Dios al alma para los desposorios espirituales. 257

CAPITULO VI. De la fragua intensa de los Serafines, donde acendran mas el amor del alma contem­plativa para los Divinos des­posorios. 258

CAPITULO VII. De la nobleza deste fuego, en que cauterizan al alma los Serafines, y quan inclinada la dexan a Dios en el olvido de si mesma. 260

CAPITULO VIII. De la union que causa rapto, donde lebantan al alma al sublime estado de Esposa del Verbo Divino. 261

CAPITULO IX. Donde se declaran algunas dificultades destos raptos, y dos maneras de comunicaciones que ay en ellas. 263

CAPITULO X. De otro rapto mas elevado, y nuevas joyas, que en él conceden al alma con­templativa. 265

CAPITULO XI. Como en estos raptos tan elevados llega el alma contemplativa en el destierro a par­ticipar la vida de la Patria. 266

CAPITULO XII. De otro rapto al cielo Empíreo, en participacion de música Celestial. 268

CAPITULO XIII. Como en el estado de union ordena la volun­tad con el amor de Dios todas las opera­ciones del alma. 269

CAPITULO XIV. De las visiones intelectuales indistintas, en el estado de union suele hazer Dios al alma. 271

CAPITULO XV De otra vision intelectual distinta de Christo nuestro Señor, y de su gran excelencia, que toca a este lugar. 272

CAPITULO XVI. De una participación de Bienaventurança en perfección de virtudes, de que goza el alma en estado de union. 274

CAPITULO XVII. De unas ansias de amor muy espirituales, è intensas, que disponen al alma para la union habitual. 275

CAPITULO XVIII. Que algunas almas contemplativas llegan a ser felizmente informadas a semejanza de la Suprema Ierarquia del Cielo. 277

Libro tercero de la entrada en el Parayao Espiritual : donde se trata de la union habitual, y Espiritual matri­monio. 280

CAPITULO I. Del estado de union habitual, donde el alma es admitida al Parayso interior, que està dentro della. 280

CAPITULO II. Como entendieron los Santos y Maestros sabios esta union habitual del alma con Dios. 281

CAPITULO III. Como en este estado de union habitual es introducida el alma en el parayso espiritual, donde Dios reside en ella. 283

CAPITULO IV. Quando concurren juntas la union actual, y la habitual, y la diferencia que ay entre assistir a Dios las potencias, o estar unidas con èl. 285

CAPITULO V. De la celebración misteriosa del matrimonio espiritual, con personal asistencía del Esposo Divino. 286

CAPITULO VI Quan lebantada, è intima comunicación da Divinas influencias recibe al alma da Dios en el estado de union ha­bitual. 287

CAPITULO VII. Como on este estado es el alma movida de Dios, especialmente en todas sus ope­raciones. 288

CAPITULO VIII. Como las almas transformadas en Dios pue­den exercitar en un mismo tiempo las dos vias activas y contemplativas, sin que la una impida a la otra. 290

CAPITULO IX. Como en este estado de union habitual cessan los arrobamientos y éxtasis, que enagenan. 291

CAPITULO X. Que en este estado dá Dios al alma transfor­mada altissimas noticias de los misterios de su Encarnación, con dulces sentimien­tos dallos. 293

CAPITULO XI. Que en el estado de transformación de amor Divino goza el alma desde el destierro una feliz participación de la vida de la Patria. 295

CAPITULO XII. Del Reyno de Dios, que el alma transformado en èl goza dentro de si misma con gozo y paz de Bienaventurança co­mençada. 296

CAPITULO XIII. De una eminentissima contemplación, que los transformados en Dios exercitan en participación de vida celestial. 297

Don que tuvo san Juan de la Cruz para guiar las almas a Dios 300

Source 300

Apendice III, Don que tuvo San Juan de la Cruz para guiar las almas a Dios, Por el Padre Fray José de Jesús María (Quiroga), Carmelita Descalzo, Primer Historiador General de la Reforma. 301

A guisa de Prologo [Présentation de l’éditeur] 301

DON QUE TUVO SAN JUAN DE LA CRUZ PARA GUIAR LAS ALMAS A DiOS 303

Capítulo primero. Dios ilustró a San Juan de la Cruz con sabiduría celestial para que fuese guía de las almas. Propósito del autor en esta obra. 303

Capitulo II Respóndese por qué no trató el Santo en sus Libros de la meditación ordinaria, y se dice cómo señala tres cualidades que ha de tener el alma para poder llegar a la contemplación. 304

Capítulo III. Enseñaba el Santo prácticamente a sus discípulos las tres partes da la oración, a saber: la representación de los misterios, la ponderación y la aleación amorosa a Dios, Inculcándoles se detuviesen más en esta última. 305

Capítulo IV. Enseñaba a sus discípulos que para llegar a la contemplación era necesario adquirir las virtudes y desarraigar los afectos desordenados. 307

Capítulo V. Decláranse dos cosas que el Místico Doctor proponía para subir a la contemplación, a saber: recoger todas las fuarzas del alma para ser ilustradas de Dios, y no hacer pie en revelaciones. 308

Capítulo VI. Sentía mucho el Santo que algunos maestros espirituales, por no entender !as vías del espíritu, atasen las almas contemplativas a lo sensible, impidiendo con esto la obra del Espíritu Santo en ellas. 309

Capítulo VII. Explica el autor con doctrina del Santo cómo se adquiere el hábito de la meditación y dice que las almas que han llegado a contemplación no deben ejercitarse en actos discursivos como los principiantes. 311

Capítulo VIII. Pruébase que la Orden Carmelitana siempre ha tenido por fin principal la contemplación, y que a éste encaminaba San Juan de la Cruz a sus discípulos. 313

Capítulo IX. Demuestra el autor que los medios porque el Santo conducía a sus dirigidos a la contemplación los sacaba de los fundamentos de la Orden Carmelitana. 314

Capítulo X. Que para la contemplación es necesario purificar el entendimiento de las imágenes y semejanzas de las cosas corpóreas. Dice también el autor que hay dos especies de contemplación. 315

Capítulo XI. Defiéndese con autoridad de gravísimos autores lo que enseña el Santo, de que las almas entradas ya en la contemplación deben cesar en actos particulares y quedarse en una advertencia general amorosa y sencilla. 316

Capítulo XII. Defiende otro pasaje del Místico Doctor, y prueba con su doctrina que para la contemplación debe el alma estar en gran puraza y sencillez, y vestida de la luz de la fe. 319

Capítulo XIII. Pruébase cómo al punto que el alma está dispuesta, sin hacer nada de suyo Dios la comunica la luz divina de la contemplación. 320

Capítulo XIV. Explicase en qué consiste la ADVERTENCIA AMOROSA que enseña San Juan de la Cruz, y se deshacen varios engaños de los que no han comprendido esta doctrina. 322

Capítulo XV. En la contemplación se debe ocupar el alma en sencillos y encendidos afectos. 323

Capítulo XVI. Se explica y defiende lo que dice el Santo que para ser movida el alma alta y divinamente han de quedar antes adormidos sus movimientos naturales. 326

Capítulo XVII. Pruébase que la paz y serenidad con que el contemplativo ha de recibir las influencias divinas es perturbada por la representación de las imágenes del discurso y por el movimiento activo y solícito del alma. 327

Capítulo XVIII. Explícase cómo en la contemplación no está ociosa el alma y cómo en ella se imprimen las virtudes. 329

Capítulo XIX. Pruébase que los términos ACTIVO y PASIVO que usa el Santo Padre son admitidos, no sólo en la Teología Mística, sino también en la Escolástica. 330

Capítulo XX. La mejor disposición para conseguir la devoción y gustar la dulzura y suavidad que Dios comunica en la contemplación es la sencillez y paz del alma. 331

Capítulo XXI. Declárase más la doctrina del capítulo anterior. 332

Capítulo XXII. Se refiere cómo San Juan de la Cruz hizo gran fruto en la Descalzez con su doctrina sobre la contemplación. Tráense a este propósito dos pasajes de Nuestra Madre Santa Teresa. 335

TITRES DE CHAPITRES ADAPTES PAR MERE MARIE DU SAINT SACREMENT: 338

Respuesta a una duda de la doctrina 344

Respuesta a una duda de la doctrina de N'ro. Santo P.e fr. Juan de la Cruz en materia de Oracion. 344

Apología mística en defensa de la Contemplación divina 348

Prólogo al lector 348

(f° VII) TABLA DE LOS CAPíTULOS DE LA APOLOGíA MíSTICA 348

(f° 1) COMIENZA LA APOLOGíA MíSTICA EN DEFENSA DE LA CONTEMPLACIóN 350

Capítulo 1 Que los autores modernos a quien algunos escolásticos se oponen, no enseñaron doctrina nueva de contemplación divina, sino a ejercitar bien la que Dios había enseñado a sus verdaderos amadores 350

Capítulo 2 Cómo hay dos maneras de contemplación divina, una más elevada que otra, y cual de ellas nos persuadieron los santos 352

Capítulo 3 De la falsa contemplación de los Alumbrados y de los grandes desatinos y errores que el demonio les persuadía en ella 353

Capítulo 4 Donde se declara el acto propio de la verdadera contemplación y algunas de las excelencias con que los santos lo engrandecen 355

Capítulo 5 Que a este acto de contemplación hace inseparable compañía la quietud sencilla y veladora donde Dios se comunica a los verdaderos contemplativos 358

Capítulo 6 Donde se declara más esta quietud de la contemplación, y cuan pocos son los contemplativos que la guardan como los santos la aconsejan 361

Capítulo 7 Que el esfuerzo de la voluntad en quietud del entendimiento ayuda a los efectos de la contemplación, y cómo se ha de procurar en ella 363

Capítulo 8 En qué tiempo y con qué circunstancias se ha de ayudar al esfuerzo de la voluntad en la oración para que sea provechoso 366

Capítulo 9 Que en el acto universal y sencillo de la contemplación está el alma toda empleada en Dios y en ejercicio de todas las virtudes 368

Capítulo 10 Donde se responde a algunas objeciones opuestas a esta contemplación deshaciéndolas con la doctrina de San Dionisio emanada de los Apóstoles, y se trata de las visiones sensibles 370

Capítulo 11 De la seguridad y excelencia de las visiones intelectuales que levantan al alma a verdadero conocimiento de Dios y participación de su santidad 372

Capítulo 12 Del concepto supersustancial con que ha de caminar el entendimiento a Dios en la contemplación para participar el alma de sus divinas perfecciones 374

Capítulo 13 Que en la contemplación quieta que llaman los místicos "pasiva", tiene el alma propia operación así en el entendimiento como en la voluntad 376

Capítulo 14 Cuan aconsejada fue de los santos la continuación no interrumpida del acto sencillo de la contemplación para recibir los efectos de ella 378

Capítulo 16 Cómo se han de ejercitar las memorias de la humanidad de Cristo Nuestro Señor dentro de la contemplación sin estorbar los principales efectos de ella 382

Capítulo 17 Que en criando Dios al hombre le comunicó la contemplación intelectual sencilla para que a modo de ángel viador le contemplase y venerase 384

Capítulo18 Que la misma contemplación concedió el Señor en la Ley de Naturaleza a otros santos Padres con particulares favores 386

Capítulo 19 Que cuando dio el Señor a Moisés la Ley Escrita y a Elías la forma de vida perfecta, les comunicó también esta contemplación divina 387

Cómo en otros tiempos de la Ley Escrita nos dio el Señor noticia acreditada por sus profetas de esta contemplación donde él se nos comunica 390

Capítulo 21 Que llegado el tiempo de la Ley de Gracia, enseñó Dios por su boca esta contemplación que antes había enseñado por boca de sus profetas 391

Capítulo 22 Cómo enseñaban los Apóstoles a sus discípulos la contemplación que habían recibido de Cristo Nuestro Señor para que la comunicasen a toda la Iglesia 393

Capítulo 23 De los efectos de la contemplación divina y cómo en ella se recibe la operación de Dios para los bienes sobrenaturales que hacen semejante a él al hombre 395

Capítulo 24 De dos maneras de mover Dios al alma en la oración, una común y otra extraordinaria, y cómo se han de haber en la común para no estorbarla 397

Capítulo 25 De las mociones de auxilios particulares que hace Dios al alma contemplativa, unas veces a lo suave y otras a lo penoso para purificarla 399

Capítulo 26 Que en la fragua de la tribulación va Dios despojando al alma de sus imperfecciones, y primero de los hábitos viciosos adquiridos en la parte espiritual 401

Capítulo 27 Cómo en esta fragua purgativa despoja Dios al alma de las imperfecciones naturales del hombre viejo para vestirla de sus resplandores 403

Capítulo 28 Que después de purificada el alma de las imperfecciones adquiridas y naturales, la visten a lo divino para unirla con Dios 406

Capítulo 29 De la unión transformada en Dios, donde restituyen al alma en el paraíso interior de que fue desterrado Adán por el pecado 407

Fin d’ouvrage 410

Données de mise en forme 410

410

Observation 410

Fin d’ouvrage 411

Données de mise en forme 411

411

L’ORAISON 416

PRÉFACE par la Mère Marie du Saint-Sacrement. 418

DONNEES BIOGRAPHIQUES SUR LE P. DE QUIROGA 424

L’ORAISON SELON SAINT JEAN DE LA CROIX, SAINT THOMAS D’AQUIN ET SAINT DENIS. 425

CHAPITRE I. Saint Jean de la Croix maître dans la science mystique. 425

CHAPITRE II. Trois dispositions nécessaires pour arriver à la contemplation. 425

CHAPITRE III. Les trois parties de l’oraison. 427

CHAPITRE IV. Nécessité des Vertus pour parvenir à la contemplation. 429

CHAPITRE V. La Contemplation de Dieu par une notion de foi simple et amoureuse, but de la méditation. 430

CHAPITRE VI. Des Maîtres spirituels qui entravent la marche des âmes contemplatives. 432

CHAPITRE VII. Du moment où les âmes doivent laisser de côté les actes discursifs des commençants. 433

CHAPITRE VIII. De la nécessité pour les contemplatifs de purifier leur entendement des images sensibles. 436

CHAPITRE IX. Comment les âmes arrivées à la contemplation doivent éviter les actes particuliers. 437

CHAPITRE X. Des actes produits sous la motion divine, qui accompagnent l’attention générale et simple. 439

CHAPITRE XI. Purité et Simplicité oú l’âme doit se trouver pour recevoir la lumière divine. 440

Chapitre XII. Comment Dieu communique à l’âme la divine lumière. 442

CHAPITRE XIII. De certains contemplatifs qui ne savent pas se dégager entièrement de la raison. 444

CHAPITRE XIV. Des Affections simples et enflammées. 446

CHAPITRE XV. Difficultés qu’éprouvent les nouveaux contemplatifs à persévérer dans l’acte pur de la contemplation. 447

CHAPITRE XVI. Comment, pour être mue hautement et divinement, l’âme doit réduire au repos ses opérations naturelles. 449

CHAPITRE XVII. Où l’on insiste sur la paix et la sérénité indispensables à la réception des influences divines. 450

CHAPITRE XVIII. De trois connaissances de Dieu. 451

CHAPITRE XIX. Comment dans la contemplation l’âme n’est point oisive. 453

CHAPITRE XX. Comment l’âme dans la contemplation exerce une opération plus parfaite. 455

Chapitre XXI. De la meilleure disposition pour goûter Dieu dans la contemplation. 455

Chapitre XXII. 457

Chapitre XXIII. Erreur des nouveaux contemplatifs qui se figurent rester oisifs. 458

Chapitre XXIV. Éloges donnés par les Saints à la contemplation simple. Conseils aux nouveaux contemplatifs. 459

Chapitre XXV. Réponse à ceux qui se plaignent que notre bienheureux Père semble condamner la méditation discursive. 461

Chapitre XXVI. Réponse à ceux qui avancent que la contemplation simple est contraire à la saine philosophie. 462

Chapitre XXVII. Réponse à deux autres objections contre la contemplation exercée en négation des formes sensibles et intellectuelles. 463

Table des matières 467

Réponse à un doute 470

(Max de Longchamp) 470

471

Introduction 472

Réponse à un doute concernant la doctrine de notre saint Père Frère Jean de la Croix en matière d’oraison 474

Apologie mystique en défense de la Contemplation divine 477

(Max de Longchamp) 477

Prologue au lecteur 479

TABLE DES CHAPITRES DE L’APOLOGIE MYSTIQUE 480

ICI COMMENCE L’APOLOGIE MYSTIQUE EN DéFENSE DE LA CONTEMPLATION 482

Chapitre 1 Que les auteurs modernes, auxquels s’opposent certains scolastiques, n’ont pas enseigné une doctrine nouvelle sur la contemplation divine, mais à bien exercer celle que Dieu a enseignée à ses véritables amis 482

Chapitre 2 Comme il y a deux manières de contemplation divine, l’une plus élevée que l’autre ; laquelle des deux nous recommandent les saints 485

Chapitre 4 Où l’on expose l’acte propre de la véritable contemplation, et quelques-unes des perfections par lesquelles les saints ont fait son éloge 491

Chapitre 5 Que cet acte de contemplation s’accompagne inséparablement de la quiétude simple et vigilante en laquelle Dieu se communique aux véritables contemplatifs 495

Chapitre 6 Où l’on expose plus à fond cette quiétude de la contemplation, et combien rares sont ceux qui la conservent comme les saints le recommandent 499

Chapitre 7 Que l’effort de la volonté en quiétude de l’entendement aide aux effets de la contemplation, et comment il faut s’y employer en elle 502

Chapitre 8 A quel moment et en quelles circonstances il faut aider l’effort de la volonté dans l’oraison pour qu’il soit profitable 505

Chapitre 9 Que dans l’acte universel et simple de la contemplation, l’âme est toute entière employée en Dieu et en exercice de toutes les vertus 509

Chapitre 11 De la sécurité et de l’excellence des visions intellectuelles qui élèvent l’homme à la véritable connaissance de Dieu et à la véritable participation à sa sainteté 515

Chapitre 12 Du concept super-substantiel par lequel l’entendement doit avancer vers Dieu dans la contemplation pour que l’âme participe à ses perfections divines 519

Chapitre 13 Qu’en la contemplation quiète que les mystiques appellent « passive », l’âme a une opération propre, en l’entendement comme en la volonté 521

Chapitre 15 Comme il convient de varier l’oraison avec profit, et sans empêcher les principaux effets de l’illumination divine 525

Chapitre 16 Comment il convient de mettre en œuvre les notices de l’humanité du Christ, Notre-Seigneur, dans la contemplation, sans en troubler les principaux effets 530

Chapitre 18 Que Dieu a concédé la même contemplation à d’autres saints patriarches dans la Loi de Nature, avec des faveurs particulières 537

Chapitre 19 Que le Seigneur a aussi concédé cette contemplation divine à Moïse quand il lui a donné la Loi écrite, et à Élie quand il lui a donné la forme de la vie parfaite 539

Chapitre 20 Comment, en d’autres temps de la Loi écrite, le Seigneur nous a donné des connaissances accréditées par ses prophètes au sujet de cette contemplation où il se communique à nous 543

Chapitre 21 Que le temps de la Loi de la Grâce étant arrivé, Dieu a enseigné par sa bouche cette contemplation qu’il avait enseignée auparavant par la bouche de ses prophètes 544

Chapitre 22 Comment les Apôtres ont enseigné à leurs disciples la contemplation qu’ils avaient reçue du Christ Notre-Seigneur pour qu’ils la communiquent à toute l’Église 546

Chapitre 23 Des effets de la contemplation divine, et comment se reçoit en elle l’opération de Dieu en vue des biens surnaturels qui rendent l’homme semblable à lui 549

Chapitre 24Des deux manières dont Dieu meut l’âme dans l’oraison, l’une commune et l’autre extraordinaire, et comment il faut se comporter en la commune pour ne pas y mettre obstacle 551

Chapitre 25 Des motions de secours particuliers que Dieu opère en l’âme contemplative, parfois de façon suave, parfois de façon pénible pour la purifier 554

Chapitre 26 Que dans la fournaise de la tribulation, Dieu dépouille l’âme de ses imperfections, et d’abord des habitus vicieux acquis dans la partie spirituelle 558

Chapitre 28 Qu’après avoir été purifiée des imperfections acquises et naturelles, l’âme est revêtue sur un mode divin pour être unie à Dieu 565

Chapitre 29 De l’union transformée en Dieu, où l’âme est rendue au paradis intérieur d’où Adam fut chassé par le péché 567

Table des matières 570

fin 579




fin


























Carmélites françaises à l’âge classique

Histoire et Florilège


D. Tronc, sept. 2005 rév. 2006, août 2010 rév. 2014 :


1.Orientations, été 2006 :


but : présenter de beaux textes pour « lectio divina ».

domaine : mystique ! (ordres et coutumes sont déjà bien couverts – abondance de publications mettant en avant le religieux, ce qui limite au seul public catholique),

plan : chronologique : un réseau de figures en trois « générations ». Ce qui suggère une filiation et - pb annexe - règle la concurrence Acarie (Pontoise)-Madeleine de St-Joseph (Paris).


Pour l’instant on a accolé à des fragments tirés d’une future « Littérature et expérience mystique en France à l’époque classique » (qui forme ici la partie « I Fondations… »), les extraits que nous avons recueillis à Clamart et à Pontoise, ainsi que les saisies faites à Chatou / Concarneau, largement augmenté de celles par sœur Thérèse et communiquées en 2004/5 (partie « II Ecrits et témoignages).

Il faudra compléter et ajouter des extr. d’articles de la revue « Carmel », des saisies de textes…


Ce fichier constituera - par adjonction de saisies futures - les « sources étendues » dont on tirera par sélection le premier mince volume « mystique » …à suivre par un autre volume intéressant plus particulièrement le vécu intra-carmélitain soit l’intégrale des Avis…, etc.


2.Présentation Centre JnX, Août 2010 :


Assemblage révisé en août 10 soit après la fermeture du carmel de Clamart héritier du premier carmel de Paris et le transfert de ses archives à Pontoise, de ses livres à Avon.


Le travail débuta en ~2003. Il était prévu d’ouvrir la collection « Sources Mystiques » publiée aux Editions du Carmel par un volume assez mince, sans prétention historique, mais offrant quelques « belles feuilles » mystiques. (Le volume « Jacques Bertot, Directeur Mystique » prit la place).


Le travail considérable de mise en ordre des archives réalisé par madame Sanson et celui des livres réalisé par sœur Marie-Sylvie, fut achevé en 2010 - juste à temps !

Il m’est en même temps devenu évident que les contributions de carmélites étaient très souhaitables, en se situant au-delà d’une guidance au sein des sources (qui me fut offerte par sœur Thérèse) et de saisies (réalisées par sœur Thérèse et soeur Odile).


La Providence semble de nouveau favorable… On trouvera donc ci-dessous l‘assemblage accompagné d’un choix de sources utiles pour un premier travail. Ces dernières sont signalées comme « Document numéro … » ou « =Doc… » (soit 15 dossiers).


De très nombreuses sources laissées de côté pour l’instant mais disponible dans ma base « MYS. CARMELITES. FSES_17e » seront utiles lors d’un approfondissement - ils serait cependant prématuré de se perdre dans un arbre qui couvre 209 dossiers…


Note : On ajoutera Isabelle des Ange, seule espagnole restée en France : souvent ignorée elle peut prendre place au sein de ce volume : =Doc15.


Enfin nous suggérons de débuter par les transcriptions du manuscrit Doc7_3 Vies… (que nous venons de photographier de nouveau avec haute résolution) et d’un texte imprimé de Madeleine de Saint-Joseph (choix laissé à l’appréciation).

3.Révision 2014, notes:


On a rédigé à partir de la rédaction 2006 ( 2.Présentation 2010 ayant seulement ajoutée des commentaires soulignés et des références = Doc 1 à 15)

le chapitre : 3. Le Carmel « déchaussé », pages 167 à 252 de Expériences mystiques en Occident II L’Invasion mystique des Ordres anciens, Les Deux Océans, Paris, 2012.


On complète maintenant (fév.2014) infra, à l’intention de soeur Marie, par quelques indications relatives à la base entière de données.



En premier lieu : où se trouvent actuellement les documents du Grand couvent de Paris photographiés à Clamart ?


Les Doc1 à 15 se trouvent actuellement (2014) dans notre base sous :

!MY-xE [Mystique – XianismeEtudes] /Et[udes]_carmels/ doc c.Jn X / MYS.Carm.17e_chx.DT_août2010/ !PROJET… & Doc1 à 15

!.... / doc c.Jn X / MYS..Carm.etc_addition_nov2010


Les Doc1 à 15 ont été parallèlement redistribuées en doubles voire en triple dans notre base complètement remodelée, privilégiant les entrées par auteurs plutôt que par domaines :

!MY-xE [Mystique – XianismeEtudes] /Et[udes]_carmels/ Au[teurs] francais / MADEL.ST-JOSEPH [en capitales pour indiquer l’abondance des documents] /Doc4, 5, 9, 10, 11,

!.... / Marie de J(de Bréauté) /Doc7_3, 12

!.... / Marie de l’Incar (Mme Acarie) /Doc2 580

!.... / Brétigny (J de Quintadanavoine) /…=doc1

!.... / Agnès de JM (de Bellefonds) /Doc13 581

!MY-xE [Mystique – XianismeEtudes] /Et[udes]_carmels/ Et[udes] France /Doc_14

!MY-x1 /17e s A / !TEXTES 17e A / Acarie / Transcription CD Pontoise/ Témoignages Acarie TOTAL / Doc8

Doc6 Petite instruction ?

Doc15 ?


Les sources non retenues en 2010 pour un premier travail (dont de précieux manuscrits) figurent maintenant dispersés dans notre base arborescente surtout à proximité des Doc1 à 15: il faudra donc retrouver les documents autres que !PROJET… + Doc1 à 15 + …addition nov2010 en analysant l’ensemble de notre base, aidée en cela par deux outils (gratuits sur web) :

Picasa 3 permet la recherche dans l’immense arborescence par mots clés, par exemple « carmel » affiche tous les noms de dossiers ou directoires le comportant,

TreeSize Free permet d’établir une bonne « table des matières » ou synthèse en choisissant la profondeur d’exploration.


!!! On joint à l’envoi de ce fichier celui de l’arborescence développée de tout notre arbre de données. Son analyse permet la demande de communication de documents complémentaires (ou mieux la communication entière de cette base sous forme d’un DD à envoyer au centre JnX ! )


Voici le début de cette arborescence : utile pour comprendre les regroupements opérés ! :

[Racine commune] /

/ !MY[stique]-h[ors]x[ianisme]////

/ !MY-x1 [première moitié de la base chrétienne classée par siècles et par noms d’auteurs spirituels surtout des mystiques (éventuellement ils sont regroupés alphabétiquement sous /A … /Z) ////

/ !MY-x2 [suite et fin par noms d’auteurs]////

/ !MY-xE[tudes] [base essentiellement chrétienne par études – avec regroupements thématiques : carmels, franciscains…]////

On a donc assez bien séparé sources d’époques par auteurs et études modernes.

! Attention : cette base est complémentaire d’une bibliothèque papier et donc l’essentiel n’apparaît pas forcément (c’est par exemple le cas d’éditions et de traductions disponibles de Jean de la Croix…).




Contents


I. Fondations et figures à l’âge classique.


Introduction


Le thème cher au Carmel est celui de l’humilité, comme celui des franciscains est celui de la pauvreté, les deux ne s’excluant guère dans la pratique. Il est souligné par le rôle exceptionnel et inattendu de sœurs converses, dites du voile blanc : on le voit dès la transmission de l’Espagne en France par le rôle central assumé par Anne de Saint-Barthélemy. Ce thème fut bien mis en valeur par Anne de Jésus, lorsque cette dernière fit passer en tête, le jour de la prise de voile des premières carmélites françaises, deux figures : la laïque madame Acarie aux côtés de l’humble Andrée Levoix, arrêtant ainsi, par quelque inspiration bienvenue, les autres paires de postulantes accompagnées, qui les précédaient à l’entrée solennelle de la cérémonie.

Madame Acarie tout à la fin de sa vie obéira, non sans avoir éprouvée une première résistance, à l’ordre intimement reçu de Thérèse : devenir un jour sœur converse. Madeleine de Saint-Joseph avait demandé d’être converse ; elle restera très discrète, au risque d’apparaître à certains comme l’ombre du cardinal de Bérulle. A la fin du siècle, le frère convers Laurent de la Résurrection inspirera un Fénelon avant bien d’autres. Dans la réforme parallèle dite de Touraine, l’aveugle convers Jean de Saint-Samson assura la formation mystique d’une génération de Grands carmes.

En effet, l’humilité est bien adaptée à la vie contemplative, qui peut abriter un orgueil nourri de l’évidence d’une différence, comme la pauvreté est bien adaptée à une vie active, qui peut se satisfaire des richesses acquises. Dieu cisèle délicatement ce qui convient à chacun.

Il reste à rendre justice à ces figures négligées par suite de leur humilité, de l’effacement volontaire de leurs personnes, qui se retrouvent alors à l’ombre de ceux qui les gouvernent - même si la vérité jointe à l’humilité dans une limpide rectitude permet à une discrète Madeleine de Saint-Joseph d’être ferme et libre dans ses rapports avec les Grands. Aussi nous privilégions ici Anne de Saint-Barthélemy, Jean de Quintadanavoine, madame Acarie, Madeleine de Saint-Joseph et Marie de Bréauté, leurs dirigées… C’estl’intérieur mystique vécu au sein des carmels et non plus les aspects extérieurs et leurs acteurs très visibles, tel le cardinal de Bérulle. Ces derniers ont été largement couverts et mis en valeur par de nombreuses études historiques.

Evoquer le cadre qui a permis la naissance des textes et des témoignages fait l’objet d’une première partie biographique qui présente brièvement les concours qui établirent en deux générations la vie mystique carmélitaine en France (I. Figures et fondations à l’âge classique).

La plus grande partie de présente des textes et quelques témoignages de carmélites du XVIIe siècle, trésors enfouis par humilité (II. Ecrits et témoignages). Une anthologie peut seule en effet refléter la vie mystique, tandis qu’une étude ne peut en être l’expression, même de façon lointaine : il n’y a pas plus de « pensée mystique » que de « pensée » poétique ou musicale. Notre but est de présenter des textes liés à l’expérience vécue, s’adressant au cœur plutôt qu’à l’intelligence.



Une greffe réussie.


L’implantation du carmel réformé en France est un cas exemplaire de l’Invasion mystique chère à l’historien du Sentiment religieux Bremond. Privilégiant ceux qui vécurent « au carmel » ou du moins qui furent en accord étroit avec les religieuses, plutôt que ceux qui l’administrèrent, assure la reconnaissance des figures mystiques, et évite de s’attacher au cadre formel des règles et des conflits compliqués propres à l’histoire de l’institution. Nous commençons par illustrer l’humilité carmélitaine en soulignant le rôle du co-fondateur Jean de Quintadanavoine.

Jean de Quintanadueñas de Brétigny (1556-1634) et ses voyages.

Jean de Quintanadueñas de Brétigny est la figure qui fut la plus active en ce qui concerne l’acculturation du Carmel espagnol en France et en Flandre. Extrêmement humble, ne recevant que tardivement la prêtrise, il a été méconnu - jusqu’à l’étude fine du P. Sérouet, dont l’intérêt va au-delà de Jean car il retrace l’histoire de l’arrivée en France des carmélites espagnoles 582. Prototype du laïc pieux de l’époque - plus profondément, quelques traits discrets suggèrent l’efficacité de sa prière - il apparaît à nos yeux comme le préféré des moniales parmi les nombreux ecclésiastiques qui en assuraient de gré ou de force les directions. Il est apprécié par Anne de Jésus et par Anne de Saint-Barthélémy qu’il accompagnera en France puis à Bruxelles. Il tire une efficacité certaine de son origine, liée au milieu international de Séville et de Rouen. D’intelligence concrète à défaut de facilités intellectuelles, sa double culture espagnole et française s’avèrera très utile. S’y prenant très tôt pour implanter la réforme dans une France plongée encore dans l’affrontement des deux religions, sa constance assurera le succès de l’équipée prise en main par Bérulle. Il ne cherchait par contre aucunement à s’adapter à l’habileté des puissants ecclésiastiques et des politiques, ce qui fut un handicap certain lors des négociations précédant immédiatement la venue en France des premières carmélites réformées.

Reprenons le récit mêlant intimement sa biographie au célèbre voyage assurant l’arrivée en France des carmélites. Long récit de la vie d’un « missionnaire intérieur » allant et venant entre deux royaumes ennemis. Rouen est à l’époque la deuxième ville du royaume. Le milieu de marchands espagnols immigrés, marranes pour la majorité, contrôle le commerce maritime entre Rouen et Séville. La famille vient de Burgos, « l'extension de la firme familiale exige qu'elle soit représentée sur les marchés extérieurs », aussi conserve t-elle des liens étroits avec ses membres demeurés en Espagne. Jean est envoyé à Séville à six ans où il arrive après une navigation dangereuse 583. Il y demeure huit ans. Un événement vaut d’être noté : sa lecture de la vie de François d'Assise. Revenu à quatorze ans à la maison natale de Rouen, fils aîné suivi de deux filles, il est initié aux affaires commerciales. Il ne semble pas avoir de dons intellectuels mais compense cet handicap par une grande détermination : « si Jean n'avait pas de mémoire, il suppléait à cette déficience trop réelle par une extrême minutie et notait par écrit tout ce qu'il avait fait comme tout ce qu'il devait faire 584. » De plus il lui était difficile de composer, ce qui est bien nécessaire dans le commerce, car il « aimait singulièrement la vérité, en sorte que jamais, quoi qu'il fût arrivé, il n'usait d'aucune dissimulation...585 » Il soulage les miséreux, refuse le mariage.

Il entreprend un second voyage en Espagne, l’été 1581, s'occupe efficacement de neuf religieuses flamandes réfugiées, rencontre Philippe II au Portugal, revient probablement à Séville en décembre 1582, juste après l'installation des religieuses à Lisbonne, enfin s'occupe des affaires familiales… Son « coup de foudre » se produit au premier entretien avec Maria de San José, prieure du couvent déchaussé de Séville pendant neuf ans : appréciée de Teresa, cette religieuse fonda le carmel de Lisbonne en 1584 puis en fut prieure, avant de mourir en 1603. Il rencontre le confesseur de Teresa, le Père Gratien (Graciàn) qui « lui fit suivre quelques mois les exercices du noviciat, ce qui était une faveur assez extraordinaire 586. » Ce dernier lui avait raconté qu’avant d’entrer dans les ordres il « allait souvent trouver ces sortes de femmes qui mettent leur honneur à prix d’argent, et leur donnait largement ce qu’elles eussent pu recevoir en faisant le mal, les obligeant à passer ce jour-là sans pécher ; et même passait souvent la nuit en leur chambre, en prières et en oraisons pour leur conversion, pendant qu’elles dormaient…587 » Il s’en inspire – mais sans aller jusqu’à prendre de tels risques ! Compagnot déclare qu’« au lieu d’un monastère de pauvres repenties qui l’appelaient leur père, comme lui reprochait sa cousine et de cinquante enfants que lui souhaitait sa tante, Dieu avait voulu que les religieuses de plus de cinquante monastères … l’appelassent leur père…588 ».

Jean de Brétigny rencontre Jean de la Croix en tant que jeune laïc assistant exceptionnellement au chapitre des carmes déchaussés : « Enfin, tous les problèmes importants ainsi réglés, on fit comparaître ce curieux jeune homme qui avait la bourse si bien garnie et le cœur si généreux. Jean de Brétigny plaida avec ferveur la cause de sa patrie…589 ». Il obtient l’accord du chapitre pour la fondation de couvents de carmélites en France – à la condition qu’un couvent de carmes précède leur établissement, l’état de la France étant peu sûr. Il rentre en France en octobre 1686 après être passé par Madrid, avoir rencontré Anne de Jésus et financé partiellement une édition des Fondations (qu’il traduira plus tard). Ainsi le « fils prodigue … n’avait fréquenté que les prostituées et les carmélites » ! La situation politique troublée - quel roi ? Henri III ? Charles X ? Henri IV ? - ne permet pas de faire avancer le projet du transfert de religieuses espagnoles.

Il fait un nouveau séjour en Espagne en 1593 et 1594. Les carmes, tombés sous la coupe de Doria, refusent de laisser partir des carmélites « en France, où l’on veille à soutenir la foi catholique plus avec les armes qu’avec l’observance régulière de deux ou trois moniales étrangères ; elles ne savent pas la langue et ce n’est pas leur profession de prêcher ni de disputer contre les hérétiques … il faudrait faire accompagner ces religieuses d’une demi-douzaine des pères les plus graves de l’Ordre…590 ». Mais Brétigny tient bon. Il forme une sorte de petite communauté à Madrid avec Etienne Fouquet, prêtre, et Romain Le Doux, serviteur. On y lit à trois l’excellent Art d’aimer Dieu d’Alonso de Madrid. On pratique deux heures d’oraison journalière.

Après de nouvelles tentatives pour instaurer un couvent en France, il reçoit le sacerdoce en 1598, formé par « un jeune curé savant et pieux, Jacques Gallemant ». Ce dernier lui ordonne t-il de faire le sermon à sa place ? il se contente de réciter posément le Notre Père, « ce qui toucha plus les cœurs que le beau sermon de Gallemant. » Il traduit fidèlement Teresa : paraît en 1601 cette première édition française qui demeurera longtemps la seule. Il assure la délicate réforme du couvent de bénédictines de Montivilliers (qui sera attribuée à Gallemant par les historiens).

Des réunions prennent place à Paris chez madame Acarie, dans la cellule de dom Beaucousin et dans la chapelle publique de la chartreuse de Vauvert, réunissant : Père vicaire, Gallemant, Duval, Bérulle (cousin de Mme Acarie), Brétigny. Occasionnellement les Pères Pacifique et Archange, capucins ; enfin François de Sales (devenu le confesseur de madame Acarie) : « Il laissait discuter tous ces grands personnages … quand on avait besoin d’un renseignement pratique, il était seul à pouvoir le fournir, le seul qui connut vraiment le sujet…591 ». Finalement l’affaire est prise en main par un « triumvirat d’ecclésiastiques, Messieurs Gallemant, Duval, Bérulle … on se défiait de lui. On pensait qu’il considérerait sa mission de supérieur comme une charge provisoire » . « Jean de Brétigny reprit sa correspondance avec les carmes espagnols. Ce n’était pas chose facile de leur expliquer qu’on allait fonder des monastères de carmélites en se passant d’eux : on leur demandait des sujets de valeur pour ces fondations, dont on serait bien reconnaissant de ne plus s’occuper par la suite ». On réquisitionne le terrain du prieuré bénédictin à Saint-Germain des Prés pour construire le nouveau monastère mais il « n’aimait pas négocier en menaçant l’autre partie des foudres royales ou papales » 592.

Le voyage d’Espagne qui ramènera les carmélites a enfin lieu (1603-1604). Jean parti en premier fait montre d’une apparente inaction suite à la lettre comminatoire de Bérulle :

Contentez-vous, s’il vous plaît, de mettre le pied dans le pays … sans vous adresser ni au roi, ni à la reine, ni à monsieur le nonce, ni à monsieur l’ambassadeur, ni même aux pères de l’Ordre…593.

Quand Bérulle et Gaultier arrivent :

notre bienheureux Père de Quintanadoine eut un grand champ pour exercer sa patience et charité en ce pays, car n’y ayant que lui et mademoiselle du Pucheuil qui y fussent connus, tout tombait sur lui, il fallait qu’il répondît et rendît raison de tout … y introduire Monsieur de Bérulle et Monsieur Gaultier, qui faisaient toutes les affaires 594.

La famille de Jean se porte caution d’une forte somme pour financer le retour des mères espagnoles dans le cas où il se produirait avant deux années. A quarante-huit ans, Jean voit enfin son rêve exaucé. « On n’a plus besoin tellement de lui au carmel de Paris », mais il sera encore actif pendant trente ans. Fondation du Carmel de France à Paris (1604), de celui de Pontoise. Il s’entend bien avec Anne de Saint-Barthélémy qui écrit  en février 1605 : « Je ne sais comment il se fait que l’on vous laisse si longtemps là-bas. Ce doit être pour nous mortifier … Que ceci soit pour vous seul, parce que, si l’on pense que nous le désirons, ce sera pis ». Il escorte les trois religieuses salmantines (on n’est pas mécontent de les voir quitter Paris) pour la fondation de Dijon, car il a toute leur confiance. C’est à ce moment qu’il traverse une « nuit spirituelle la plus noire ». Il est le confident d’un « ténébreux passage » vécu par la mère Isabelle des Anges 595.

Il fait un séjour préparatoire pour la fondation du carmel de Bruxelles en 1606, car il connait bien l’Infante Isabelle. Il va ensuite à Dijon porter la lettre de l’Infante à Anne de Jésus. S’ensuit le départ de sœurs pour la Flandre. Bérulle et Duval nomment Gallemant comme accompagnateur d’Anne de Jésus, mais ce dernier passe outre à leur souhait en inscrivant le nom de Jean sur le bref… Supérieur des carmels des Pays-Bas (1607-1610), il prend part aux trois fondations de Bruxelles, Louvain et Mons, sans oublier de fonder le Carmel de Rouen (1609).

Il eut la tentation de partir comme missionnaire au Congo, à l’époque de sa nuit car « considérant ma tiédeur … Il me ferait [ainsi] la grâce de me pardonner mes péchés. » Mais il demeure en Bourgogne à Dole de 1614 à 1622, car cette ville dépend de l’Espagne tout en étant près de Dijon, enfin à Besançon. Les voyages entre Rouen et Bourgogne sont fréquents tandis que la tentation du Congo revient. A soixante-cinq ans son activité est inlassable : « Ce sont mes folies, mais, comme elles sont faites par amour, elles sont dignes de pardon 596 ». Au service des carmélites de 1622 à 1634, il s’efface au moment de la « crise des années 1620 », liée aux règles.

Le cercle de madame Acarie.

L’introduction à Paris de la réforme espagnole fut l’œuvre conjointe d’un grand nombre de religieux et laïcs rassemblés autour de madame Acarie, même si le premier ouvrier fut Brétigny ; outre François de Sales et le cardinal de Bérulle, sur lesquels nous reviendrons, et laissant de côté Beaucousin et ses chartreux actifs par leurs traductions et leurs conseils, se détachent quatre figures dévouées à la cause du carmel. L’élan apporté à l’œuvre commune par madame Acarie lui donne droit au titre de « fondatrice du carmel français ».

Commençons par deux membres du « triumvirat » qui sera chargé de la direction des carmélites. La forte personnalité du groupe, le futur cardinal de Bérulle, sera abordée lors d’un prochain chapitre, mais brièvement (ce n’est pas un mystique). Les deux autres membres sont Jacques Gallemant et André Duval.

Jacques Gallemant (1559-1630) 597 « souple et nuancé, prudent et désintéressé, sait … montrer avec les carmes une condescendance qui contraste avec l’attitude de Bérulle ou de Marillac. Doctrinalement, il est dans le sillage de Benoît de Canfield », ce qui est remarquable compte tenu de l’opposition entre christo-centrisme carmélitain et mystique « abstraite » rhéno-flamande, illustrée par le combat de Graciàn contre les capucins de Flandre.

Gallemant sera aux côtés de Duval contre Bérulle, et saura libérer Brétigny en le faisant nommer à sa place supérieur en Flandres. Enfin il est profondément spirituel :

La mère Marie de Hannivel de la Sainte Trinité, la première carmélite professe de France m’a assuré … qu’elle était entièrement persuadée, que pas une de ses pensées, ni les plus déliés mouvements de son cœur, ne lui étaient point cachés. Il connaissait même pendant ses visites, ce que la grâce opérait dans un monastère, dès qu’il s’en approchait. … Dieu lui mettait dans les mains en ces conjonctures [les ministères de la pénitence et de l’eucharistie] comme une balance, dont il pesait les âmes. Ce sont les termes dont il a déclaré confidemment cette haute prérogative. Il y voyait d’ordinaire les formes différentes que la grâce y prenait … le point de Justice où elles arrivaient … il y ressentait avec des peines horribles, les indispositions criminelles de ceux qui lui demandaient avec des consciences de démons les dons de Dieu 598.

André Duval (1564-1638) protège Vincent de Paul en opposition avec Bérulle et s’oppose au vœu de servitude que ce dernier voulait imposer aux carmélites. Il est le conseiller et le biographe de madame Acarie qu’il soutint lors du dernier terrible affrontement à Pontoise. Il approuva, comme Gallemant, la Règle de perfection de Benoît de Canfield : ainsi la fortune de l’école abstraite « s’explique en bonne partie par la protection active du « bon monsieur Duval » enseignant pendant plus de quarante ans » selon Dodin. Bérulle et Condren furent ses élèves 599.

Le vécu mystique de Madame Acarie, (première) Marie de l’Incarnation.

Nous allons retracer brièvement la vie de Madame Acarie en me centrant non sur son rôle historique mais sur les seuls aspects personnels. Puis nous aborderons quelques thèmes en essayant de cerner son vécu sans recourir à des grilles d’analyse psychologiques, c'est-à-dire en la respectant en s’appuyant sur les témoignages nombreux recueillis lors d’un procès de canonisation qui ne put aboutir par suite de querelles qui affligèrent le carmel réformé français 600. Il existe également de nombreux témoignages moins directs 601.

Barbe Avrillot est née en 1566 à Paris pendant les guerres de religion - elle a six ans lors de la Saint-Barthélemy. Elle voulut être religieuse à l’Hôtel-Dieu mais on la maria à seize ans et demi à Pierre Acarie, âgé de vingt-deux ou vingt-trois ans. Sa vie est agréable : ils sont amoureux l'un de l'autre, et la belle-mère chérit sa belle-fille. Elle eut six enfants entre dix-huit et vingt-six ans, dont elle s'occupa très bien conjointement avec sa servante Andrée Levoix, puiqu'ils restèrent tous vivants. Ils furent élevés très strictement, apprenant très tôt à donner et haïssant le mensonge. La belle Acarie aimait les fêtes, lisait Amadis de Gaule, éprouvait beaucoup de déplaisir à rencontrer plus belle qu'elle.

À vingt-et-un ou vingt-deux ans, elle lit cette maxime : « Trop est avare à qui Dieu ne suffit », et c'est le choc qui la fait basculer vers l'intériorité. Jusqu'à sa mort, elle sera sujette à des états mystiques profonds où elle pense « mourir de douceur ». Bien qu'elle ait honte de montrer ces états, elle ne peut les cacher et elle reste sans mots, « hors des sens ». Les médecins ne savent qu'en penser et prescrivent des saignées qui l'anéantissent. Elle craint beaucoup de se tromper, d'autant plus qu'à cette époque la peur du diable est répandue. En témoignent les crises et les conversions non dénuées de crainte de contemporains : le jeune François de Sales, les mystiques Benoît de Canfield, Augustin Baker, Marie des Vallées. Heureusement le père Benoît de Canfeld reconnaît en elle la présence de la grâce.

A l'époque du siège de Paris par Henri IV elle se dévoue pour soigner les blessés et les malades comme pour nourrir les affamés.

Puis viennent de nombreuses épreuves qu'elle assume avec grand courage : son mari dévôt choisit la Ligue, est retenu prisonnier en 1594, lorque Henri IV entre à Paris. Leur maison est saisie, Barbe et ses six enfants se retrouvent sans ressource. On voit alors son extrême patience dans l’adversité. La carmélite Marguerite du Saint-Sacrement, raconte comment sa mère fut obligée de demander de l'argent à une relation 602 :

Elle se mit à genoux, lui supplie lui faire la faveur lui prêter au moins cinq sols pour lui avoir du pain, lui remontrant sa nécessité et la charge de ses enfants, lui pensant amollir le cœur ; au contraire avec paroles piquantes lui fait refus et lui dit qu’elle ne mettait ses enfants en métier chez quelque cordonnier ou savetier - l’aîné de tous avait environ huit à neuf ans - et la renvoya de la sorte sans lui bailler un sol.

La même Marguerite témoigne du calme de sa mère dans l’épreuve 603 :

Et un jour pendant qu’elle prenait sa réfection les sergents entrèrent en sa maison qui saisirent tout même les plats qui étaient sur la table jusqu’à l’assiette qui était devant elle sans qu’elle s’en émut aucunement. Et nous a dit qu’elle ressentit une joie très grande de se voir réduite à cet état de pauvreté…

Elle a un très grave accident : au retour d’une visite à son mari, autorisé à se rapprocher de Paris, elle est désarçonnée et trainée longuement par son cheval ce qui provoque la rupture du fémur en trois endroits : elle marchera dorénavant avec des béquilles. Deux autres chutes qui succèdent à la première la rendront définitivement infirme.

En 1599 elle obtient d’Henri IV la grâce de son mari et l'hôtel de la rue des juifs leur est restitué. Il devient un centre de la spiritualité catholique fréquenté en particulier par Bérulle et par François de Sales. Ce dernier confia au P. Jean de Saint-François :

quand il approchait de cette sainte âme [il s’agit de Barbe], elle imprimait en la sienne un si grand respect à sa vertu [au sens latin de virtus], qu’il n’eut jamais la hardiesse de l’interroger de chose qui se passait en elle…

A trente-deux ans Madame Acarie demeure toujours belle, gaie et agréable. Elle déploie une grande activité, par exemple en faveur de prostituées.

Son premier contact, à trente-cinq ans, avec l’œuvre traduite en 1601 de Thérèse d’Avila ne l’emballe pas : trop de visions ! Mais la sainte se manifeste intérieurement par deux « visions » espacées de sept à huit mois - Barbe n’utilise pas un tel terme mais celui de « vues de l’esprit » 604 - et le projet d’introduire le Carmel réformé féminin en France prend forme : les futures jeunes carmélites françaises se placent sous sa direction, réunies à l’hôtel de la rue des Juifs. Les travaux du premier monastère de Paris commencent en 1603, dirigés et financés par Barbe (et par Marillac). Les sœurs espagnoles arrivent enfin le 15 octobre 1604 après l’équipée célèbre de Madrid à Paris. Le second monastère est ouvert à Pontoise dès janvier 1605. Barbe est liée aux nombreuses fondations suivantes.

Pierre meurt en novembre 1613. Barbe entre au carmel d’Amiens à l’âge de quarante-huit ans comme sœur laie, suivant le vœu exprimé par Thérèse, en février 1614. Elle aide à la cuisine. On rapprochera Marie de l’Incarnation du frère Laurent de la Résurrection : « tous deux sont affectés à des travaux dits abjects à cette époque, […] avec un handicap physique lourd : Laurent avait une jambe de bois et madame Acarie des « potences » pour suppléer à l’infirmité de ses jambes. » 605. Elle ne peut être prieure comme le désiraient les carmélites et la nouvelle prieure imposée, qui gouverne « à la Turque », lui interdit de guider les autres sœurs sans les prévenir de cette interdiction… Elle est finalement transférée à Pontoise en décembre 1616 où elle peut donner conseil aux novices : tout est paix. Mais elle est fondamentalement opposée à toute idée de servitude, et le conflit né du vœu à Jésus et Marie demandé par Bérulle lui est particulièrement pénible.

Elle est très malade et là encore sa patience est totale. Sa fille raconte :

En ses maladies sa vertu paraissait en elle par-dessus tout autre temps. Jamais je ne l’ai ouï plaindre par mouvement d’impatience et comme j’étais toujours en sa chambre et y couchais, je l’entendais la nuit se lever seule et chanter des Hymnes à Dieu pour ne se laisser aller à donner plaintes pour les grandes douleurs qu’elle souffrait de sa jambe rompue. 606.

Lors de sa dernière maladie, Agnès de Jésus - des Lyons

a remarqué qu'Icelle Sr Marie de l'Incarnation fût vingt-deux jours et vingt-deux nuits sans reposer aucunement et néanmoins demeura si tranquille et unie à Dieu qu'elle disait quelquefois la nuit : « Mon Dieu je n'en peux plus, pouvez pour moi. » 607

Barbe Acarie, devenue la converse Marie de l’Incarnation, meurt le mercredi de Pâques 1618.

Elle aurait détruit ses écrits. On ne possède que quinze lettres ou extraits de lettres, un petit opuscule des Vrais exercices…, enfin des dits rapportés dans les témoignages, en particulier par le P. Coton, André Duval, etc.  D’où l’importance des témoignages que nous présenterons dans les textes qui suivent cette introduction.

« Le » voyage d’Espagne.

Présentation

Ayant présenté les deux principales figures de Brétigny et de madame Acarie, nous pouvons revenir sur l’histoire de l’implantation carmélitaine. Nous serons bref, n’oubliant pas que tout ce déroulement n’est qu’un des moyens mis en œuvre pour faciliter l’essor de la vie mystique. Tout commence par le voyage qui, après ceux de Brétigny, assure enfin le transfert de six religieuses espagnoles en France. Nous avons déjà placé cet événement dans le contexte de la biographie de son premier ouvrier. Outre le récit de Bremond et l’approfondissement - mais cela est-il vraiment utile ? - des politiques et des querelles, il est plaisant de revivre par leurs propres récits les aventures et les traverses surmontées par les principales intéressées 608.

Un contexte plus parisien, débordant l’infatigable protecteur des carmélites Brétigny placé dans l’ombre de la forte personnalité de Bérulle, montre le rôle central de madame Acarie qui découvre en 1601 les récits des fondations de Teresa (il semblerait toutefois que cette dernière ait dû intervenir ensuite directement pour convaincre la future Marie de l’Incarnation !). A la seconde assemblée à la chartreuse de Paris, en 1602, « tout le monde est là » : dom Beaucousin, Mme Acarie, Jacques Gallemant (figure méconnue qui saura « équilibrer » Bérulle), André Duval (docteur de la Sorbonne, toujours utile), Jean de Brétigny, Pierre de Bérulle (dans toute l’énergie de la jeunesse) et François de Sales (brièvement lors de son passage à Paris) 609.

On n’oubliera pas le rôle très important de Michel de Marillac (1560-1632), futur garde des sceaux au destin tragique. Il était familier de Pierre, le mari de madame Acarie, ayant fréquenté le même collège de Navarre. Il avait eu indépendamment l’idée d’établir la réforme en France, et se joignit ainsi à madame Acarie pour l’aider à obtenir les lettres patentes du roi, obtenir la permission du pape 610, enfin faire hâter les travaux de construction du futur monastère :

Je ne sais si j’ose dire … que j’ai toujours vécu avec elle dans la plus grande et la plus entière amitié qui peut être entre deux personnes et plus liberté et de franchise qui s’en puisse avoir 611.

Les négociations commencent, elles sont compliquées par la politique de l’époque où les catholiques dévôts sont écartelés dans leur fidélités : au pays de France ou à la religion hispano-romaine ? Henri IV sera un temps excommunié et finalement assassiné par un dévot fanatique 612.

Jean de Brétigny, son compagnon serviteur Jean Navet, René Gaultier (le futur traducteur de Jean de la Croix) et son domestique Claude, Mme Jourdain qui deviendra en religion Louise de Jésus (1569-1628) 613, une cousine de Brétigny et une servante, future carmélite, forment l’équipe qui part de Paris à la fin septembre 1603. A l’exception de Gaultier et de son domestique, l’équipe prend le bateau à Nantes à la mi-octobre, arrive au pays basque espagnol le 20 novembre après une tempête prévisible en la saison - la saisie des livres au débarquement par l’Inquisition locale, dont Thérèse en français, l’était moins - enfin voyagent par temps de neige pour arriver à Burgos et à Valladolid le 30. Gaultier et Bérulle les rejoignent trois mois plus tard. Les négociations furent difficiles.

Enfin, le 15 septembre 1604, passent au retour, à Irùn, six sœurs espagnoles et non des moindres, comptant parmi elles Anne de Jésus, Anne de Saint Barthélémy, Isabelle des Anges (1565-1644) qui ne quittera plus la France et demanderait à être mieux connue : elle vécut en France quarante ans et « exerca une influence discrète mais puissante », fondant de nombreux carmels ; mais elle ne laissa aucun écrit : « Nos actions n’ont pas à être multipliées, mais perfectionnées » disait-elle 614.

Un mois plus tard le convoi arrive à Paris car les français sont moins sauvages que ne le craignaient les sœurs. Elles pensaient (ou désiraient ?) être martyres aux mains de protestants. Accueillies par les bénédictines de Montmartre, elles sont dès le lendemain installées dans le monastère de Notre-Dame-des-Champs en voie d’achèvement.

Le récit d’Anne de Saint-Barthélemy (1608).

Le récit de la religieuse espagnole Ana de San Bartolome qui eut la plus grande influence sur la naissance du carmel thérésien en France est resté inédit en français jusqu’à maintenant 615, tandis que celui de madame Jourdain devenue par la suite la vénérable Mère Louise de Jésus est disponible 616.


§1. Un de nos supérieurs m’a ordonné d’écrire ce qui s’est passé au cours du voyage d’Espagne mais je ne sais si je me souviendrais car il fut très long, il s’y est passé bien des choses.

§2. Il n’y a ni terre, ni lieu si abandonné que Dieu ne lui envoie quelque Moïse pour prier et élever les mains et le cœur vers le ciel comme nous le voyons dans le cas de la France. Quand tout paraissait perdu, Dieu laissa en elle, non un seul Moïse mais beaucoup qui devaient intercéder pour leur peuple avec des veilles, des mortifications et des larmes.

§3. Comme je l’ai déjà dit, en ce temps de souffrances et de désolation pour les catholiques – car il y avait beaucoup de bons et d’excellents chrétiens – voyant qu’en Espagne s’était levée la grande Thérèse, la sainte Mère des carmélites, qui avait un grand zèle pour Dieu et à qui – pour cela—Dieu avait donné la grâce et le charisme pour réformer et renforcer son Ordre avec la rigueur nécessaire pour que celles qui s’y réuniront, comme elle le dit dans ses livres, soient toujours en oraison, en exercice de mortification et de pénitence pour aider le Christ et les catholiques dans la conversion du royaume de France. Elle portait toujours en son âme un vif désir qui la poussait à l’implorer pour lui. C’est vraiment une chose que se racontent beaucoup de ceux qui en ont été témoins que le jour même où fut fondé le premier monastère – jour de la saint Barthélemy – ce jour même eut lieu une si grande bataille entre chrétiens et hérétiques que dans les rues de beaucoup de villes de France le sang de ceux qui mouraient coulait comme de l’eau tant il y en avait 617. Bien que de part et d’autre beaucoup moururent, les chrétiens eurent la victoire. Depuis ce jour, à cause de ce pauvre petit monastère que cette sainte avait élevé, on ne voit aucune église, si petite soit-elle, qui ait été détruite

§4. Après avoir fonder beaucoup de monastères de sœurs et de frères, Dieu lui donna de jouir du fruit de ses travaux et permit la séparation de la Province. A sa mort, et depuis, comme Dieu voulait la faire connaître ; il se fit beaucoup de miracles.A ce moment là, il y avait beaucoup de français catholiques en Espagne qui désiraient le salut de leur peuple. Parmi eux Dieu avantagea un de ses bons serviteurs appelé Monsieur de Brétigny 618qui, avec beaucoup d’ardeur, s’efforçait d’emmener des religieuses. Mais à ce moment là il ne put y arriver et donc emporta les livres de la Sainte et les fit traduire en français. Elle y parlait de la France si favorablement que les dévots s’intéressèrent à elle et prirent courage.. Ils réunirent des jeunes filles dans quelques villes pour les instruire selon l’esprit de cet Ordre. Voyant qu’elles étaient dans de bonnes dispositions, ils demandèrent licence au Roi de fonder ce monastère de Paris avec le désir d’y amener des religieuses et si cela ne pouvait se faire d’apporter les Constitutions et d’instruire celles qui étaient réunies et de leur donner l’habit de l’Ordre de notre Sainte Mère.

§5. A partir de cela, ce serviteur de Dieu dont j’ai parlé, retourna en Espagne et prit avec lui trois dames honorables 619 pour que –si on lui donnait les religieuses – elles reviennent en leur compagnie et leur apprennent la langue. Il y eu aussi don René 620 . C’est au grand péril de leur vie qu’ils prirent la mer. Sa Majesté éprouvait leur courage en toutes sortes d’occasions mais ils étaient si fidèles au dessein de Dieu que rien ne les abattit.

§6. Ils restèrent en Espagne quelques mois sans pouvoir obtenir ce qu’ils désiraient, c’est à dire que l’Ordre leur donne des religieuses. Voyant cela Monsieur de Bérulle vint et tous y travaillèrent presque une année. Avant d’obtenir la permission de l’Ordre, ils supportèrent de gros affronts et difficultés car on ne les reconnaissaient pas comme les bons serviteurs de Dieu qu’ils étaient. Ils le sont beaucoup, les œuvres et le zèle pour l’honneur de Dieu qu’ils ont montrés, témoignent de leur grand esprit de foi, mais pour que leur vertu soit éprouvée, Dieu permettait qu’on ne les reconnaissent pas comme tels. Certains disaient qu’ils étaient hérétiques ou d’autres choses semblables, qu’ils allaient tromper leur monde. Ils supportaient tout avec grande patience et humilité et, persévérant malgré tout, obtinrent ce qu’ils désiraient. Il y avait en Espagne beaucoup de serviteurs et de servantes de Dieu à qui Dieu avait révélé que c’était sa volonté qu’elles aillent en France. Notre Seigneur dit à quelque une d’entre elles 621 qu’elle dise aux français que ce qu’ils faisaient lui plaisait beaucoup et qu’une bonne couronne leur était réservée.

§7. Les religieuses qui devaient partir se réunirent au premier monastère fondé par notre Sainte Mère, à Saint Joseph d’Avila. Ce fut chose merveilleuse de voir que cette réunion eut lieu le jour même où elle l’avait fondé : jour de Saint Barthélemy, apôtre. Elles restèrent là sept ou huit jours jusqu’à l’arrivée de notre Père Général 622 et d’autres pères de l’Ordre pour donner le coup d’envoi à ce voyage.

§8. En fait elles partirent d’ici le jour de la décollation de Saint Jean 623 Notre Père Général, frère François de la Mère de Dieu, les accompagna une partie de la première étape et quand il fit ses adieux, elles lui demandèrent de les bénir. Il le fit avec beaucoup de peine tant de sa part que de celle des religieuses : lui de voir partir des filles qu’il aimait, seules en terre étrangère, avec des personnes étrangères. Bien que ceux-ci étaient et sont grands serviteurs de Dieu, comme je l’ai déjà dit, notre Père ne connaissait pas à ce moment là ce qu’était leur vertu et les filles et le Père faisaient un grand sacrifice à Dieu. Il ne faut pas s’étonner de cette peine et de ces larmes car leurs cœurs ressentirent très violemment la peine de cette séparation. Elles quittaient pour toujours leur pays et des supérieurs – si religieux - et étant de faibles femmes et plus sujettes au changement que les hommes, elles ne pouvaient manquer de craindre et de se demander si ce voyage était l’œuvre de Dieu bien qu’il y eut beaucoup de raisons de l’espérer. Les cœurs bien qu’ils sentaient cette faiblesse étaient par ailleurs forts et remplis de détermination pour endurer et souffrir pour Dieu et le bien des âmes jusqu’à la mort. Je sais de quelqu’une 624 que pendant tout le voyage, elle avait la certitude que Dieu était avec elles, aussi sûrement que si elle le voyait avec les yeux du corps. Elle le voyait aussi avec les yeux de l’âme et recevait très souvent bien des grâces particulières au cours desquelles Dieu l’assurait que venue de toutes ces religieuses devait lui être très agréable.

§9. Deux religieux, grands serviteurs de Dieu, 625 venaient avec nous ainsi que deux prêtres français 626, un autre gentilhomme 627 et trois cavaliers plus quelques espagnols. Il y avait aussi trois françaises 628, seules dans un coche et dans un autre les six religieuses ensemble.629. Nous nous retrouvions seulement dans les auberges et elles nous apprenaient la langue mais nous ne sommes pas arriver à la maîtriser et bien que la plupart d’entre nous la comprenons, nous ne la parlons pas bien si ce n’est pour quelques expressions. Notre Seigneur nous a mortifiées mais je crois que c’est pour un bien car parler peu n’a pas eu qu’un mauvais côté : chaque nation a ses usages et ceux qui y habitent en possèdent les caractères, ils ne désirent pas toujours, ni ne trouvent bon de les changer. Aussi cela a été mieux pour eux que nous ne parlions pas bien pour que les choses aillent avec plus de douceur. Cependant en ce qui touche la rigueur et le respect de la Règle qu’elles gardent très scrupuleusement, elles nous comprennent bien mais c’est en d’autres choses que cela manque. Ainsi le silence est une bonne chose pour toutes.

§10. Revenons à notre voyage. Il se poursuivait avec bonheur et contentement mais le mauvais esprit voyant que ceci pourrait nuire à ses prétentions , commença, Dieu le permettant, à semer le trouble et le désordre. Ce ne fut pas une petite peine pour les françaises que vienne à quelques unes des religieuses une grande tentation de mécontentement et le désir de s’en retourner car il leur semblait qu’elles allaient à leur perte. Ceci troubla tout le monde car le voyage était déjà commencé et tout était organisé. Mais le Seigneur, bien qu’il éprouve, ne laisse pas le démon arriver à ses fins. Bien que les trois 630 étaient très perturbées et avaient le plus de poids, les trois autres ne voulaient pas et disaient qu’elles poursuivraient la route, faudrait-il mourir. Ainsi fut désamorcée la tentation parce que la volte face des unes et non des autres aurait donner lieu à des rumeurs et pardessus tout Dieu le voulait. Pendant tout le trajet jusqu’en France, elles ne manquèrent pas de peine et de déplaisir mais elles décidèrent de rester un an et après avoir fait faire profession à quelques françaises, de repartir. Telle était leur idée, mais Dieu en avait d’autres et a dirigé les choses autrement et jusqu’à présent – cela fait quatre ans que nous sommes sorties d’Espagne – aucune n’est retournée ni, je crois, ne retournera. Elles ont fait et font beaucoup de bien car elles ont traversé et traversent beaucoup de difficultés, chaque jour, mais c’est inévitable parce que c’est l’occasion de beaucoup de conversions et de paix dans les Royaumes631 et comme on dit : « Qui divise en sort toujours blessé. » mais ces blessures sont pour le salut des âmes.

§11. Je crois que toutes mes compagnes sont des saintes et le montrent par leurs œuvres, leur patience et leur persévérance au milieu de tant de contradictions. Je pourrais facilement en dire beaucoup et aussi au sujet de ce qu’elles ont souffert pendant le voyage mais j’en ai déjà parlé ailleurs et d’autres écriront ce qu’ils en savent et le feront comprendre mieux que moi.

§12. On ne peut imaginer la difficulté pour des femmes et qui plus est des religieuses, que ces grands voyages. Obligatoirement on devait faire à pied beaucoup de trajet et à découvert, il fallait se servir du premier venu capable d’aider à sortir des périls quand on se voyait au milieu d’obstacles et de la boue. Mais il faut louer le soin et de la vertu des français qui nous emmenaient : leur prévenance pleine de délicatesse pour nous rendre service nous confondaient toutes car pendant tout le voyage, on ne remarqua en eux aucune parole déplacée, ni impatience, ni quelques légèretés causées d’habitude par la fatigue des grandes routes car cette fatigue même égaie et fait dire des impertinences. Ceci me fait beaucoup rendre grâces à Dieu et admirer la sainteté et la perfection qu’ils montaient en respectant l’habit de la Vierge et de la sainte Mère, notre fondatrice Thérèse de Jésus. Tout ceci est pour nous un exemple de vertu et un motif de confusion.

[…]

L’essor.

Madeleine de Saint-Joseph (1578-1637), une vie cachée.

Notre connaissance de la vie en clôture de cette religieuse est par chance excellente, grâce à de très nombreuses sources 632. Les « brouillons » des carmélites qui déposèrent en vue du procès de béatification donnent de précieuses informations car les plus intéressantes d’un point de vue intérieur ne sont pas retenues dans les dépositions d’un procès exigeant des faits objectifs et le summarium du procès présente donc peu d’intérêt 633. La belle biographie par Louise de Jésus, à compléter par des études particulières, demeure incontournable 634. De nombreux écrits nous sont parvenus grâce aux sources manuscrites, aux citations de ses biographes, aux publications faites au XVIIe siècle à l’intention des carmels nouvellement fondés 635.

Née à Paris en mai 1578 elle habite en Touraine et fait connaissance au cours de l’hiver 1603-1604 de Bérulle : ce dernier travaille alors à introduire les carmélites en France. Madeleine décide de se joindre à la fondation : elle fait profession le 12 novembre 1605, soit treize mois après l’arrivée des espagnoles ; immédiatement chargée des novices, elle prendra effectivement cet emploi au printemps 1606. Son père désire fonder un couvent à Tours sous la direction d’Anne de Saint-Barthélemy qui s’y rend. Madeleine de Saint Joseph est alors élue prieure du premier couvent de Paris en avril 1608, puis réélue en 1611. Déchargée en 1614, elle fonde en 1616 le carmel de Lyon. Elle est rappelée en 1617 pour établir le deuxième couvent de Paris, rue Chapon, dont elle est prieure pendant six ans.

Sa vie intime est traduite par quelques notes « échappées à son humilité destructrice ». Elle peint ainsi un état de séparation et de mort mystique :

la vérité qui est en elle lui montre que de faire quelque chose, c’est dérober à Dieu. Et lors l’âme dit : Je ne dois pas Seigneur, me trouver en quelque lieu, puisque je ne suis pas 636.

Elle est assistée dans cette nuit :

Le 15e janvier 1622, il me fut montré que le degré de gloire que je devais posséder dans l’éternité était arrêté, et qu’au moment de ma mort, il me serait appliqué une grâce conforme à ce degré de gloire, sans égard à la longueur ou à la brièveté de ma vie. Je vis aussi que je mourais à moi-même dès ce moment, que ma vie serait désormais pour les autres et non plus pour moi-même  637.

Sa biographe ne doute pas d’une filiation dont les chaînons sont Jean de la Croix, Anne de Jésus, Madeleine de Saint-Joseph  638, Marie-Madeleine de Jésus  639.

En 1624 Madeleine est de nouveau élue prieure du premier couvent, qu’elle gouverne pendant onze ans. Elle ne nous apparaît pas comme une créature soumise aux cardinaux de Bérulle et Richelieu. Elle est estimée de ce dernier 640, tout en ne manquant pas de courage politique 641.

Elle fut longuement malade :

Ses douleurs atteignaient parfois une telle acuité, « qu’elle se trouvait obligée de s’écrier … « Mon Dieu, patience ! » … Son esprit était dans une aussi grande paix, et sa conversation avec les sœurs aussi libre que si elle n’eût rien souffert 642.

Le premier médecin de la reine lui ayant demandé quelque chose sur ses maladies, lui offrant de la traiter, elle se contenta de sourire et lui répondit qu’elle savait un bon remède qui était la résurrection, détournant ainsi l’entretien … elle en faisait de même à nos sœurs … si je meurs de ce mal, je ne mourrai pas d’un autre 643.

Elle meurt en avril 1637. Cette vie en communauté sous la clôture, et donc sans événements particulièrement originaux qui nous soient parvenus, cache une action très profonde qui assure le développement et l’unité des carmels par la formation intérieure de leurs fondatrices.

La direction spirituelle.

Une « élévation » ou courte homélie faite par Madeleine à ses religieuses, ainsi qu’une « instruction » ou méditation proposée pour la semaine constituent des témoignages intéressants sur la spiritualité des carmélites, au-delà de la présentation d’une d’entre elles. Le caractère de joie qui en est la marque mystique disparaîtra malheureusement dès la fin du siècle par l’arrivée d’influences du (second voire troisième) jansénisme.

Dans l’« Elévation » proposée par Madeleine de Saint-Joseph à ses religieuses à l’occasion de la fête de saint Jean l’Evangéliste :

Nous devons faire ce que vous commandez, rien de plus, sans nous mettre en peine de ce que votre sainte volonté ordonne à l’égard des autres, n’étant point à nous à entrer dans vos secrets ; votre disciple bien-aimé nous en a donné l’exemple, n’ayant pas voulu pénétrer votre dessein sur lui, s’y abandonnant sans le connaître, il a eu le privilège de reposer sur votre sein en la Cène, c’est là où il a puisé les vérités si relevées qu’il nous a laissé par écrit, ce qui nous fait voir que ce sera par un humble repos en vous, dans l’Eucharistie, que nous connaissons bien mieux les vérités saintes, que par toute autre étude […] ce repos de saint Jean sur votre sein est l’image du repos que tous les chrétiens doivent trouver en vous et le modèle du silence intérieur où ils doivent se tenir, pour vous écouter parler, que de parler eux-mêmes extérieurement aux hommes ; car on peut dire, que comme la vie du Ciel est un amour tranquille dans la vue et connaissance que les esprits bienheureux ont de vous, celle du Chrétien sur la terre doit être dans un amour et repos en vous. Je vous adore au Très saint Sacrement comme mon repos, faites-moi la grâce que je ne le cherche qu’en vous seul, et que je trouve toutes mes délices dans l’union intérieure avec vous […] Exaucez-moi, Seigneur, puisque votre miséricorde est si prête à faire du bien et tournez vos regards sur moi selon la grandeur de vos miséricordes. Psal.68. 644 »

D’autres « Elévations » montrent une visée directe vers Dieu sans concession et affirment une unité possible :

aller en haute mer, cela marque l’état de perfection … [les âmes] doivent toujours chercher ce qui est plus parfait … vous voulez entrer en mon âme comme vous entrâtes en la barque de saint Pierre et vous me recommandez comme à lui de m’éloigner de la terre 645

Quoi que je ne sois que poudre et cendre, j’oserai dire, appuyée sur l’autorité de l’Ecriture Sainte, que je ne suis qu’un seul esprit avec Vous, pourvu que je sois attachée à Vous. Ainsi que l’est un de ceux qui demeurent en Votre amour, c’est-à-dire en Vous-même, comme Vous demeurez en eux … celui qui est uni à Dieu n’est qu’un seul esprit avec Lui. Si donc vous disez, mon Seigneur, « Je suis dans mon Père et mon Père est dans moi », l’homme a l’avantage de pouvoir dire aussi, « Je suis en vous mon Dieu et vous êtes en moi, et nous ne sommes qu’un seul esprit 646.

Sa direction journalière demeure toujours en référence à la grâce divine et traduit un recours à Dieu dans un élan renouvelé 647 :

Eprouvant toujours plus son impuissance … [elle] recourait aussi toujours plus à Dieu … elle consacrait ses journées presque entières à l’oraison … ne faisait point d’action … qu’elle n’eût été faire prière au chœur.

A propos d’une personne qui disait « Ma voie est de cette sorte », elle déclare :

J’ai déjà cinquante ans, et je ne pourrais parler de moi avec cette assurance … Rien ne m’appartient … nous allons à Dieu comme nous pouvons … cette voie n’est pas circonscrite si exactement … que Dieu n’y puisse renfermer d’autres sentiers … Que peuvent savoir ces âmes parmi les ténèbres de ce monde, qu’elles puissent dire avec assurance : telle est ma voie ? Peut être le disent-elles au moment même où cette voie leur est ôtée.

L’on passe la vie comme l’on peut ; l’on tombe, l’on se relève ! Le propre de la terre c’est l’inconstance et la diversité. Dieu, qui voit cela, excuse la faiblesse de sa créature. Il faut vivre en liberté d’esprit, nonobstant la vue et l’expérience de ces choses, et se confier en la divine bonté. … Oh que si les âmes pouvaient voir combien Dieu les aime et est prêt de les aider et leur faire miséricorde, elles marcheraient bien d’un autre pas qu’elles ne font ! … Mes enfants, or sus ! Ne nous lassons jamais de commencer, et novices et professes ! Il faut toujours commencer jusqu’à la mort.

Son gouvernement de 1624 à 1635 montre une grande autorité jointe à la douceur et au souci de prêter toute son attention à autrui 648 :

[Elle avait une] grâce toute extraordinaire … pour assister ses filles en ce dernier passage … Elle dit à plusieurs de nous sur la mort d’une de nos sœurs, que comme nous ne sommes toutes qu’unes [sic] en Jésus-Christ, nous devions regarder notre sœur comme quelque chose de nous qui était allé à Dieu. Continuant ce discours, elle disait : Nous devons … nous appliquer beaucoup à Dieu pour elle, afin de lui aider à faire son chemin … Les âmes qui sont séparées du corps languissent de ne pas voir Dieu, de telle sorte que cela ne se peut comprendre … Aussitôt qu’une autre de mes sœurs eut rendu l’esprit, cette servante de Dieu dit tout haut dans l’infirmerie : maintenant cette âme est dans un parfait amour et une parfaite souffrance !

Je n’ai jamais vu [la mère] en émotion d’esprit ni de corps. Si elle reprenait, c’était avec tant de douceur, des termes si charitables et une façon si affable qu’elle donnait grande humiliation … Elle le faisait à voix basse … après … il ne lui en restait plus rien ; elle était tout de même vers la personne qu’elle avait reprise … et lui parlait avec plus de tendresse et de charité … Elle agissait en ce sujet, selon ce que j’en ai pu reconnaître, tout à fait divinement

Notre Mère Madeleine portait Dieu en soi et le répandait avec efficace dans les âmes qui s’en voulaient rendre dignes …je sentais, lorsque j’approchais d’elle, qu’elle répandait dans mon âme je ne sais quoi de divin … ses paroles … ont fait en un instant en moi ce qu’elle voulait de moi.

Elle sépare l’Essentiel de l’accessoire :

Ayant été élue prieure au loin, cette religieuse vint, avant son départ, passer quelque temps auprès de la Mère Madeleine pour profiter de ses conseils. Or la mère l’entretenait souvent, mais toujours de sa sanctification personnelle…  « Je lui fis paraître quelque petit étonnement de ce qu’elle ne me disait rien du tout de la charge où l’on me mettait … - Ma fille, rien n’est important que d’être à Dieu, je veux que vous y soyez. La charge n’est qu’un accident ; et en vérité quand vous serez à Dieu par état, vous verrez que ce n’est rien d’aller ici ou là. Ne vous en occupez point. » 649

Enfin un « exercice de retraite » montre comment la méditation de la Passion propre à la tradition du carmel espagnole est revêtue de douceur tourangelle dans la Petite Instruction … à faire l’Oraison 650 :

L’ordre des points que l’on prendra pour la méditation de la Passion de notre Seigneur Jésus Christ chaque jour de la semaine…

[…] Et voyons seulement la préparation [de l’oraison mentale]. Voir et se représenter que l’on est devant cette Majesté Divine qui est ce grand Tout que nous pouvons seulement adorer et aimer, et que les anges même ne pouvant comprendre, tous ravis de sa gloire, ne peuvent plus dire que cette parole : « Saint, saint, saint est le Seigneur. » Ainsi l’âme demeure Angélique par la présence de son Dieu, L’admire, Le révère et se remplit tout de Lui, ne pouvant plus parler.

[…] Et puis si l’âme pénètre dans cet amour divin qui fait pâtir et qui fait désirer souffrir encore davantage à ce Seigneur impassible, et que l’amour de nos âmes tient ici si patient. Sur ces sujets donc, qui sont sans nombre, l’âme un peu désireuse de son Époux trouvera bien de quoi s’occuper et s’en approcher, lui rendant grâce et donnant mille bénédictions pour ses infinies miséricordes. […]

Mais pour ce que les dispositions de l’esprit sont diverses, ceux qui auront moins de facilité à ce que nous venons de dire, soit par la faiblesse ou incommodité du corps, ou sécheresse, pourront se servir d’un moyen bien aisé à l’âme qui a quelque fidélité et amour vers notre Seigneur. L’âme pourra donc prendre son point sans user de discours, mais par un œil et douce inclination, et regard vers notre Seigneur, souvent elle lui ouvrira l’intime et fonds de son âme, désirant L’aimer au plus profond de soi, et se lier à Lui par l’effort doux et paisible de sa volonté, qui est seule en Sa puissance, et dont parfois même, il lui semble ne pouvoir entièrement user si l’amour n’est pas assez puissant pour l’assurer de ce que dit saint Paul : « Qui nous séparera de la charité ? »

Que si l’âme parfois se trouve ne pouvant rien faire de ceci, elle peut néanmoins souffrir ses peines en sa présence, et avec Lui se résigner ainsi qu’il fit, s’humilier comme elle le voit abaissé, être patiente, et enfin exercer toutes les vertus à son exemple.

Sœur Catherine de Jésus.

Madeleine de Saint-Joseph écrivit la vie de cette jeune religieuse dont elle avait été maîtresse des novices et prieure 651 : Catherine de Jésus (1589-1623) est une figure attachante, typique des vies brèves sans histoire de carmélites, intentionnellement proposée par Madeleine comme modèle. Voici quelques « dits » qui situent l’esprit qui anime la mystique carmélite en ses débuts français :

Je me jette en Dieu comme dans un abîme profond pour faire de moi des choses qui semblent n’avoir point de limites ni de fin. […] il me suffit que Dieu est suffisant à Lui-même 652

Il est en tout ce que vous portez ; c’est Lui qui vous soutient ; encore que vous ne Le voyiez ni ne Le sentiez pas. Nous en savons par sa grâce de bonnes nouvelles que je ne vous écris pas, parce qu’Il ne ne veut pas. Entrez … dans la voie inconnue […] J’ai eu quelque vue que votre âme se doit perdre toute dans l’amour pur […] Je dis donc que cette perte nous fait retrouver en Dieu et que c’est une très heureuse perte, mais qu’elle doit être persévérante ; elle ne doit avoir fin qu’avec notre vie […] C’est un travail sur lequel on trouve peu à dire, mais beaucoup à faire 653.

Dieu me montra […] quelle netteté et simplicité il me faut avoir pour être transformée en cet amour 654.

Elle témoigne dans sa lettre dix-neuvième d’un rapport étroit avec Madeleine de Saint-Joseph, portant sur sa vie mystique :

il y a eu plusieurs choses […] auxquelles Dieu s’est servi de notre mère Prieure, pour m’y assister ; et elle m’y a beaucoup aidée. Ensuite il me fut présenté de me perdre en Dieu […] Je donnai mon consentement à cette perte, avec la permission de notre mère Prieure ; et depuis l’avoir donné, je me vois comme dans un abîme, où je ne puis trouver le fond ; et cela sans connaître où je vais 655.

Une religieuse témoignera par ailleurs de l’efficience spirituelle de la mère depuis sa mort :

Elle m’est demeurée fort présente, depuis ce jour-là, et je la sens toujours proche de moi, avec plus de certitude que si je la voyais en la terre ; elle me met dans une continuelle présence de Dieu […] Je la ressens vers moi comme une Mère […] Je la vois comme une guide, que Dieu m’a donnée pour aller à lui… 656.

Marie de Jésus de Bréauté (1579-1652).

Marie-Madeleine de Jésus (1579-1652) fut la compagne très proche de Madeleine de Saint-Joseph 657. Mariée à dix-huit ans au marquis de Bréauté, brillant dans le métier des armes, et qui lui plut davantage qu’un prétendant prudemment éconduit, elle se trouve veuve avec un enfant de treize mois, le 5 février 1600. Elle rencontre madame Acarie et rentre au Carmel le 8 décembre 1604. Elle est à l’infirmerie, puis sous-prieure en 1606, responsable des novices en 1608, lorsque Madeleine de Saint-Joseph devient prieure. Prieure à son tour en 1615, elle fait bâtir une infirmerie. Elle exprima l’ardent désir de ne plus accepter de charge en 1624. A la fin de la même année, son fils meurt en combat singulier : 

Je sais par expérience … les efforts que le diable fait dans les âmes … afin de les porter au désespoir … lorsque Dieu nous traite plus rigoureusement 658.

Depuis 1641 sa santé était ruinée : elle disait « n’avoir pas assez de mal pour mourir et en avoir trop pour appeler cela vivre. » Elle meurt le 29 novembre 1652. Son portrait nous est donné par ses lettres

Il [Dieu] ne nous donne pas toujours en nous-mêmes toute la lumière dont nous avons besoin pour notre conduite, Il la met souvent en autrui afin de nous lier les uns avec les autres d’une plus grande charité 659.

Ne sentant rien de Dieu pour assister les âmes … [il suffit de] lui demander par ce regard que ce soit lui qui fasse votre charge, puisque vous n’êtes, et ne pouvez rien, et puis faites doucement selon votre conscience … sans faire tant de réflexion sur vos actions pour voir comme vous avez fait, car ce n’est que perte de temps 660.

l’abandon que l’âme doit faire continuellement à Dieu de tout ce qu’elle est … nous n’avons pas le droit de lui rien demander, sinon la grâce de le bien servir … nous ne devons faire autre chose que recevoir tout de sa main 661.

Je rends grâces très humbles avec vous à notre Seigneur, de ce qu’il lui plaît vous donner pour mère au ciel, celle qui l’a été en la terre, elle ne vous y sera pas moins utile qu’elle était ici, et même il se peut dire qu’elle vous la sera davantage parce que sa condition l’enfermait entre quatre murailles dont elle ne pouvait sortir, et ne pouvait humainement savoir le besoin des âmes absentes que par lettres, ce qui était quelquefois un peu long : mais maintenant elle écoute les prières, voit les besoins, et y remédie. Grand nombre de religieuses de cet Ordre l’ont déjà éprouvé en divers endroits, et ce m’est une grande consolation que vous en soyez une 662.

Des lettres montrent son intelligence des situations tout autant que sa profondeur spirituelle : elle n’a pas trop d’illusion sur le monde et sait se battre pour préserver les vocations :

En faisant le service du roi, il est bon, Monsieur mon neveu, de conserver la vie des hommes autant qu’il se peut, ils l’ont reçue de Dieu pour chose grande, et il ne faut pas la leur faire prodiguer sans grande nécessité. Je sais bien que peu de généraux d’armée s’y appliquent pour y penser, mais quand vous seriez un peu meilleur que le commun, il n’y aura pas de mal 663.

Ces personnes-là n’ont d’autre dessein que de vous amuser et gagner du temps, sachant bien que vous ne pouvez, étant privée de toute assistance, persévérer en vos bonnes intentions [de quitter le monde] si vous ne sortez promptement du lieu où vous êtes, et en cela ils ont raison. C’est pourquoi, ma très chère fille, il vous faut bien garder de prolonger le temps que vous avez donné quoique l’on vous puisse dire pour vous le persuader. Si la plupart de nous autres religieuses avions écouté quand nous quittâmes le monde, tout ce que nos amis et nos parents nous disaient, et faisaient dire par des personnes de très grande piété et doctrine, pour nous y retenir, et cela sous de beaux et apparents prétextes, il n’y en a guères qui n’y fussent demeurées. Pour moi, j’avais un fils qui n’avait pas encore six ans, qui apparemment pouvait avoir besoin de moi, il y avait bien des choses à dire là-dessus pour m’empêcher de le quitter, et on ne manquait pas de me représenter que lorsque je l’aurais mis dans un état plus assuré, je pourrais après me faire religieuse. Mais Dieu me fit la grâce de me fortifier contre ces tentations, et d’entrer où je suis depuis quarante-cinq ans, malgré toutes leurs raisons, et je vous assure devant Dieu que je ne m’en suis jamais repentie, et que j’aimerais mieux être morte de cent mille morts, que d’y avoir manqué 664.

Ma fille, il court un bruit chez vous que la personne que vous savez a bien plus d’espérance sur votre sujet que de coutume, que vous lui avez parlé avec bien plus de douceur que par le passé, que vous commencez à changer un peu votre habillement et votre coiffure, et que vous portez maintenant des gants d’Espagne. Mais comme nous connaissons la facilité que le monde a de parler, nous ne prenons pas garde à ces discours … Je vous prie, ma fille, de ne point croire ceux qui vous disent qu’il est nécessaire que vous voyez cette personne pour essayer de le convertir, c’est une tromperie. Jamais Dieu ne vous prendra pour faire cette œuvre-là, il n’y est pas disposé, au contraire votre vue et vos paroles entretiennent sa passion, et ne peuvent faire nul bon effet que de lui donner des espérances très préjudiciables pour vous. Votre âge ne vous permet pas de connaître le monde comme moi, c’est pourquoi je vous supplie de croire en cela mon conseil, et d’être toujours le plus retirée et solitaire que vous pourrez, hormis la visite des Eglises qui ne vous peut être qu’utile, pourvu que vous n’y entreteniez que celui que vous y allez chercher. Je suis bien aise que vous ayez un bon confesseur pour votre âme comme vous me mandez, mais je ne sais s’il est vrai ce que l’on m’a dit, qu’il y a un autre religieux qui vous voit tous les jours, et qui est envoyé vers vous sans que vous le sachiez par ceux qui désirent détruire vos bons desseins. Prenez-y bien garde, s’il vous plaît, il est très propre à faire ce métier-là, et très adroit pour le faire, en sorte que vous ne vous en apperceviez pas jusqu’à ce qu’il ait trouvé moyen de faire son coup. Si j’étais à votre place je diminuerais peu à peu ces communications jusques à ce qu’elles soient réduites à une fois le mois. La lecture des deux livres que je vous ai mandé vous sera bien plus utile que son entretien ; vous n’avez besoin que de fidélité à Dieu pour poursuivre ce que vous avez commencé jusques à son accomplissement…665

D’autres informations, dont de nombreuses précisions biographiques intéressantes, demeurent manuscrites 666 :

Elle dit à la Mère Marie-Madeleine de Bains : « J’ai vu … que notre union ne périra pas et qu’elle sera stable pour l’éternité, et j’ai une grande consolation de voir que ma mort n’y changera rien. C’est Dieu qui l’a faite et je l’emporte, elle ne s’évanouira pas. Oh ! que j’en ai de joie et que c’est une grande chose que cette volonté de Dieu ! Elle conserve elle-même tout ce qui vient d’elle. »

Agnès de Jésus Maria de Bellefonds (1611-1691).

Elle fut supérieure durant trois périodes couvrant dix-neuf années et eut la charge de maintenir intérieurement vivante la communauté. Elle semble être la dernière grande spirituelle de la filiation. Ses réponses à la (future) sœur Anne Marie d'Epernon s'avèrent intéressantes, en particulier sur la prière :

...la vraie oraison est un entretien de l'âme avec Dieu et une parole intérieure par laquelle l'âme se communique à Dieu et Dieu se communique à elle, mais comme c'est chose si grande, il ne faut pas penser que nous la puissions acquérir par nous-même, quoique nous devions y employer tous nos soins ; mais il la faut demander à Dieu avec beaucoup d'humilité et de connaissance que nous ne la méritons pas, l'attendre avec patience et confiance et la recevoir avec action de grâce 667.

Marguerite du Saint-Sacrement de Beaune : quelle mystique ?

Nous avons approché d’autres figures, dont les deux célèbres carmélites de Beaune, Marie de la Trinité et Marguerite du Saint-Sacrement, avec lesquelles Gaston de Renty était en relation suivie. Nous y avons trouvé des manifestations de la dévotion, mais sans « dits » rapportés qui laisseraient transparaître une vie intérieure mystique et surtout qui la justifieraient par une exemplarité des comportements de la vie quotidienne. L’instrumentalisation de sœur Marguerite dans divers milieux est suspecte. Marie de Jésus de Bréauté se serait opposée à l’impression de la vie de la sœur Marguerite 668.

Le lecteur curieux est invité à recourir à la Vie rédigée par Amelote  669, un prêtre de l’Oratoire par ailleurs fort savant, qui fut chargé de la réédition d’un Nouveau Testament largement distribué dans le royaume après la révocation de l’Edit de Nantes. Nous y relevons bien des déformations et caricatures de la « sainteté mystique » et l’adoption sans aucun sens critique des représentations propres à l’époque : diables bérulliens, almanach évangélique. Les « dits » rapportés sont très généralement incolores.

La liste qui suit constitue une anthologie étonnante. Elle est donnée ici parce que ses excès sont typique des publications dévotes du siècle : Cette liste avec l’indication des paginations souligne la valeur des témoignages mystiques sobres, que nous avons concentrés dans ce manuel au point de fatiguer le lecteur par leur répétition, mais qui sont en réalité très largement minoritaire au sein du surabondant genre littéraire dévôt…

Le pus d’un malade est léché et avalé  « deux ou trois heures » (15) : on ne peut donc trop reprocher ce topos de l’excès ascétique repris par Marie de l’Incarnation (du Canada), comme par la jeune madame Guyon, grande lectrice de textes religieux ; leurs excès sont modérés en comparaison. Puis les spectres apparaîssent (20), ainsi que « la fumée d’enfer » (41), tandis que la sainte éprouve convulsion et assoupissement (43), affrontant les bataillons de malins esprits (51). Il s’ensuit bien naturellement convulsions, traitées par un cautère sur la tête (59), lequel est remplacé fort efficacement par le camail de Bérulle ! (65). Mais la « rage des diables » (ou « épilepsie » ?) perdurent (67). Une attestation médicale décrit une tétanisation hystérique (76).

Dans la partie consacrée aux visions, « le Fils de Dieu habitait en elle comme dans son temple » (142), ou bien elle est « enfermée dans la croix » (163). Aussi « dix jours pâmée de douleur, les mains et les pieds attachés l’un sur l’autre […] elle ne cessa de prier pour les Ordres Religieux… » (167). La puanteur de l’enfer  se manifeste à nouveau (185). Elle fait de nombreux « voyages » au jardin des Olives, pour assister à la capture du fils de Dieu, pour rencontrer Anne ou Caïphe, etc. (285 sv.). Ceci annonçe la reprise du même genre visionnaire par A.-C. Emmerich assistée de C. Brentano  au début de la période romantique.

On n’oubliera pas « la pesanteur du péché de Judas et de celui des Juifs » (227). Des dévotions sont organisées avec une minutie étonnante  (316sv., 350sv., 391sv.). Elle obtient « les grâces sublimes » pour Renty  (383). Suivent des questions puériles : « s’ils avaient cherché l’étable de Bethléem », etc. (428-453). On respire enfin dans les dernières pages (627, 630, 716 citée ci-après).

Dans ce dernier beau passage, l’on retrouve heureusement exprimée (introduite toutefois par des « Il faut… Il veut… », et sous forme d’une injonction à son confesseur) la grande humilité propre au carmel, caractéristique dont l’évocation ouvrait ce chapitre :

Il faut que vous viviez selon Lui, dans une très grande pureté, simplicité et humilité de cœur… attentif à la grâce pour le faire … comme s’il n’y avait que Lui et vous au monde … Il veut que vous conserviez une égalité ferme et stable, soit dans l’intérieur ou dans l’extérieur, en sorte que vous ne vous éleviez en aucun bon succès, ni ne vous laissiez emporter à la joie, et que vous ne vous abbatiez dans les disgrâces et désolations. Il faut que vous vous laissiez entre Ses mains divines, afin qu’Il dispose de vous, pour la vie et pour la mort, pour la santé et pour la maladie, pour l’estime et pour le mépris … que vous Lui laissiez tout ce que vous êtes … il vaut bien mieux penser à Dieu et à Ses divines perfections, qu’à nous-mêmes et à nos fautes et misères.


Contraintes et influences.

Constitutions et confesseurs.

Nous serons encore plus bref sur ce sujet qui a fait l’objet de nombreuses études 670. Il souligne la difficulté d’assurer un minimum de liberté intérieure à des femmes qui prennent une voie mystique en choisissant le cadre carmélitain. Les frictions entre Anne de Jésus et Bérulle (1575-1629) commencent bientôt : Anne (1545-1621) avait déjà dû lutter en Espagne pour préserver les Constitutions de la fondatrice, contre la volonté des carmes de régenter leur vie intérieure en s’imposant comme confesseurs ; elle a cinquante-neuf ans lorsque l’étranger Bérulle en a vingt-neuf et veut régenter les abords d’une vie intérieure dont il méconnait la profondeur :

Bérulle aurait pu remarquer dans les carmels thérésiens la place donnée à l’oraison, à l’humanité du Christ, au silence, à la joie des récréations … non : il souligne l’abnégation, « la mortification extrême de la nature », cet anéantissement … renoncement à cette autonomie illusoire qui empêche la nature d’être totalement disponible dans les mains de Dieu 671.

Et les mains de Dieu passent par ses clercs. Se greffe le problème des Constitutions : faut-il adopter le premier texte élaboré par Thérèse entre 1562 et 1567 (il est perdu, probablement détruit en 1567), la forme approuvée en 1567 par Rubeo, les constitutions d’Alcalà de 1581 (introduites par Gracian donc acceptées par Thérèse ; elle meurt en 1582), l’édition corrigée de 1588, la traduction castillane de l’édition latine de 1590 modifiées sous l’influence de Doria, approuvées par le pape en 1592 qui constitueront le texte législatif légal ? Toutes ces dates montrent la pression permanente subie, c’est pourquoi nous les énumérons. Anne de Jésus est arrivée en France avec les constitutions de 1588 (traduites par Brétigny vers 1590, donc accessibles aux carmélites françaises) bien décidée à défendre l’esprit de la mère Thérèse. Se pose enfin le problème du choix parmi les confesseurs imposés : carmes espagnols ou supérieurs français (le triumvirat Gallemant - Duval - Bérulle) ?

Pour faire vite en ce qui concerne l’histoire complexe des rapports entre espagnoles et français, nous résumons ainsi : des fondations multiples (Pontoise, Dijon, etc.) vont faire éclater le noyau des espagnoles ; Anne de Jésus part à Dijon – elle y rencontrera au parloir la baronne de Chantal 672 – puis dès 1607 décide de quitter la France à ses yeux hostile 673 pour les Pays-Bas espagnols ; elle est accompagnée des deux sœurs espagnoles dont nous n’avons pas cité les noms et de quatre sœurs françaises, pour fonder à Bruxelles. Anne de Saint-Barthélémy paraît plus souple - elle ne fut longtemps qu’une simple converse, même si elle accompagna Thérèse sur tous les chemins d’Espagne – et elle l’est – au début, d’où une incompréhension de la part d’Anne de Jésus. Mais se rendant compte de tentatives de manipulation 674, elle se rebiffe et part à son tour : d’abord à Tours en 1608, puis aux Pays-Bas en 1611. Seule Isabelle des Anges reste : elle fonde en province, à Amiens, Rouen, Bordeaux, Toulouse, Limoges où elle meurt en 1644.

Une vie mystique en péril.

A partir de la fin du siècle et culminant dans la première moitié du XVIIIe siècle, des influences tarissent la vie mystique : nous ressentons l’angoisse de religieuses soumises alors à une prédication que l’on peut résumer ainsi : Vous qui avez reçu tant de grâces, vous devrez en rendre compte au jugement de Dieu… 

Les « livres » des carmélites portées sur elles-mêmes, où ces dernières transcrivaient des textes aimés et mystiques (on trouve dans l’exemplaire que nous avons analysé des textes de Bernières puis de Milley), ainsi que des notes de leurs retraites annuelles de dix jours. Ces notes montrent comment la mystique vivante des années ~1640 laisse place à la « vertu de crainte » un siècle plus tard. Une monographie analysant les centaines de feuillets écrits dans ces livres intimes, par des mains anonymes qui se sont succédées entre les années 1650 et 1750, dont certaines sont admirables, éclairerait l’involution de la spiritualité carmélitaine en conservant une grande intensité, et dans le rendu mystique, et dans le rendu d’angoisse - involution parallèle à celle plus générale d’une censure étouffant les mystiques. Les sources “externes” imprimées demeurent en comparaison bien pâles 675.

Voici un terrible témoignage tiré de l’un de ces recueils 676. Il est annoncé comme « 3e point » de « Méditations sur les peines de l’enfer ». Il traduit l’angoisse inscrite au cœur de malheureuses femmes soumises à de mauvais directeurs. Il illustre la source de l’assèchement mystique qui atteindra les carmels à la fin du siècle et au début du XVIIIe siècle :

Un ver immortel : Ce ver n’est autre chose qu’un souvenir fixe et funeste des grâces et des moyens de salut qu’on aura eu durant la vie, et un reproche rongeur de l’abus qu’on en aura fait par sa négligence et par ses crimes, c’est proprement le supplice des chrétiens et des religieux. L’enfer de l’enfer, dit le chrétien intérieur, c’est d’avoir pu si aisément éviter l’enfer et de ne l’avoir pas voulu faire. Qu’est-ce qu’il faut pour me délivrer de cet abîme de douleur, revenir à Dieu par une sincère et prompte pénitence […] Que vois-je ici de tous côtés sur moi, une pluie de sang, ou des ruisseaux de feu, l’un et l’autre tout ensemble, c’est le sang de Jésus-Christ qui coule de toutes ses plaies transformé en des torrents de flammes et de colère.

La situation fut redressée autoritairement en 1748 677, peu avant les effets, dévastateurs en ce qui concerne les communautés, de la grande Révolution.

Influences exercées par les carmels.

Nous clôturons ce chapitre sur les influences issues des carmels : la rencontre à Dijon d’Anne de Jésus orienta dès le début du siècle la grande mystique Jeanne de Chantal et des liens se tissèrent ensuite entre visitandines et carmélites dont on trouve des traces dans les « livres » que portaient sur elles ces dernières.

Madame Guyon eut une correspondance avec le Grand carme Maur de l’Enfant-Jésus et le rencontra ; on a conservé vingt-et-une lettres qu’il lui adressa 678. D’autre part, si l’on ajoute les passages cités de Jean de Saint-Samson à ceux de Jean de la Croix et de Thérèse, ainsi que ceux de quelques carmes « secondaires », l’ensemble carmélitain représente la moitié du nombre de passages mystiques cités dans l’anthologie des Justifications 679 (1694). Elle attribuait beaucoup d’importance au Carmel comme étant l’école mystique récente antérieure à sa filiation. Fénelon connut directement frère Laurent, comme l’atteste ses lettres à la mère du Saint-Sacrement, Catherine de Bar.

De nos jours l’influence des fondateurs de l’école carmélitaine déborde le cadre chrétien, comme le montre la présentation d’une réédition récente des œuvres de Jean de la Croix 680.

Une « filiation » ?

Il est plus important de faire vivre les figures intérieures aux couvents du carmel, directement en prise avec l’aventure mystique, que de retracer les péripéties des traverses qu’elles durent surmonter et le détail de règles diverses auxquelles elles se soumettaient volontiers dès lors qu’on leur laissait leur liberté intérieure sans exercer une inquisition des âmes.

Nous avons présentés, dans la section consacrée à l’Espagne, les figures des deux carmélites espagnoles les plus proches de Jean de la Croix et de Thérèse d’Avila : Anne de Jésus (1545-1621) et Anne de Saint-Barthélémy (1549-1614). Elles contribuent brièvement mais de façon décisive à la transplantation du carmel en France. Anne de Saint-Barthélémy fut chargé du noviciat du premier carmel de l’Incarnation. Elle était remarquable par sa douceur non dénuée de fermeté 681.

Dès sa nomination comme prieure, elle désigna Madeleine de Saint-Joseph (1578-1637) pour la remplacer comme maîtresse des novices ; elle gardera une « estime particulière » pour Marie de Jésus (de Bréauté), intime de Madeleine et pour Marie de la Trinité (Sevin). Nous allons sortir de l’ombre ces trois figures. Madeleine de Saint-Joseph est la plus importante d’entre elles car la majorité des fondatrices de carmels en France se forment sous la direction spirituelle de cette maîtresse des novices puis supérieure du couvent de Paris.

On devine un réseau spirituel symétrique du réseau que nous mettrons en évidence chez les pré-quiétistes normands puis parisiens où se mêlent religieux et laïcs dans le monde. Mais dans le cas du carmel il est délicat d’en trouver des preuves explicites parce que tout se passe au sein de communautés réglées et fermées ne livrant que peu de traces écrites personnelles tandis que dans le monde ouvert, où vivaient un Bernières ou plus tard une Madame Guyon, l’échange de lettres de direction palliait à l’éloignement physique.

Nous pensons qu’une filiation mystique existe chez les carmélites réformées comme chez les grands carmes. En témoignent indirectement des textes normatifs expliquant la « demeure » intérieure ou le sens mystique de l’Ecriture, des lettres même si ces dernières remplissent d’abord une fonction de contact intercommunautaire, des dépositions faites à l’occasion de procès de béatification même si les témoins ont en vue de souligner la sainteté plutôt que l’activité mystique (les témoignages retenus dans les procès n’incluent pas ce qui reste du domaine « psychologique » tandis que les miracles sont considérés comme des faits « objectifs » pouvant avancer la cause d’un procès). Puis ces traces disparaissent à la fin du siècle, comme c’est le cas pour la génération qui suit les disciples directs de Jean de Saint-Samson, tandis que l’on perçoit une involution ascétique dans les « livres » de religieuses, sous l’influence jansénisante.

Les influences passent d’Espagne en France selon un réseau dont nous situons les figures en deux tableaux complémentaires, à la fin de ce chapitre. Une chaîne passe par Pierre d’Alcantara - Teresa et Jean de la Croix - Ana de San Bartolome et Ana de Jesus - Madeleine de Saint-Joseph … sans préjudice d’influences adjacentes, convergentes ou divergentes dont se détachent les figures de Madame Acarie co-fondatrice du Carmel français, de Gallemant… Elle irrigue les fondations religieuses de Jeanne de Chantal et de la Mère Mectilde du Saint Sacrement. Parallèlement (mais sans contact semble-t-il) Jean de Saint-Samson, carme de la réforme dite de Touraine (réforme française indépendante de celle de Jean de la Croix) initie des disciples dont Maur de l’Enfant-Jésus. Ce dernier - comme plus tard la Mère du Saint Sacrement - seront en relation avec Madame Guyon. Enfin, des influences probables venant « de l’extérieur » ne sont pas répertoriées, puisque nous nous limitons à l’ordre du Carmel : influences de conversos sur Teresa ; influences possibles venant du vieux fond islamique sur Jean de la Croix ; influences certaines des « mystiques du Nord » sur Jean de Saint-Samson.


[cette étude constituée pour le moment de « collages » empruntés à un projet historique est à reprendre : insister sur Anne de Saint-Barthélemy ! adjoindre un ou deux diagrammes utilisants le fascicule des fondations des carmels réalisé à Cherbourg! articles du quatrième centenaire…etc.]

II. Ecrits et témoignages


La première génération :

Madame Acarie.

Une « Centurie » ?

Reprenant le titre souvent donné aux recueils des dits de Pères du désert, une trentaine de « dits » amorcent une telle collection :

Je Vous offre, mon Dieu, ma volonté, que je ne veux plus faire et suivre, mais remettre totalement à la Vôtre, afin que je n’en aie plus du tout. (E26).682

C’est pourquoi je prendrai la hardiesse de demander non seulement vos dons et vos grâces, mais aussi Vous-même. (E27).

Je les jette [les péchés], mon Bien-aimé, dans le feu admirable de votre divin amour, afin qu’il Vous plaise les anéantir et consumer entièrement. (E31).

Je ne sais, Seigneur, que vous rendre, sinon ce que Vous m’avez donné. (E81).

Je reconnais que tout ce que je pourrais faire jusqu’à la mort, n’est rien : c’est pourquoi je vous supplie de tout mon cœur de vous glorifier en moi, selon que vous trouverez plus expédient, et en la manière que vous rechercherez . (E139).

Je me tiens ici avec une profonde révérence et une très grande reconnaissance de mon néant. Je ne suis rien, je ne puis rien, je ne sais rien. (E140).

Ô mon Dieu, tirez-moi à Vous pour me brûler de ce feu très ardent de Votre Amour, dans lequel je sois toute consumée et anéantie. (E143).

Je Vous supplie de regarder avec Votre œil de miséricorde ma désolation, la grande disette que j’ai de Vos grâces, le grand aveuglement où je suis. (E144).

Pour la vertu, il suffirait que nous en ayons l’usage, sans en vouloir la possession. (v64).683

Il est vraiment trop insatiable celui à qui Dieu ne suffit pas. (v64)

L’office de Marthe était bon, mais c’est du trouble et de l’inquiétude qu’il faut se garder. (v71).

Ceux qui sont fervents tant que dure la dévotion sensible et après demeurent là sans courage, sont tout comme les bêtes qui suivent seulement ce à quoi leurs sensations les porte (s. Anne de Saint-Laurent de Saint-Lieu, Pontoise).(v72).

(Mère Agnès de Jésus des Lyons, Pontoise, lui demande si elle a dormi cette nuit :) Oh ! non ma mère.Mon esprit travaille [souffre] fort. il est question d’une âme qui nese donne à Dieu qu’à demi. et je désire la mettre tout en Dieu. Il faut que ce soit aujourd’hui ; je vous supplie, laissez-moi pour suivre cette affaire. (v74).

une âme ne peut jamais bien faire, si elle ne se jette à perte de vue entre les bras dela Providence divine… (v76).

Il ne faut pas vouloir trouver en nous ce qui ne peut pas y être si Dieu ne l’y met pas. (Mère Françoise de Jésus de Fleury, Amiens)(v81).

Il faut être humble et dépendre en tout de sa Providence. (s. Marie du Saint Sacrement de Marillac)(v88).

(Dans sa dernière maladie :) Ceux qui sont au faubourg entendent bien les joies de la ville mais c’est leur tourment de n’être pas dedans. (v99).

Mourir et n’avoir pas aimé ! (v112).

Il faut se dégager peu à peu de tous ces respects, ne regarder que Dieu, arriver à la parfaite simplicité d’esprit où l’âme est en une merveilleuse liberté. (v128).

On ne peut se fier aux moyens humains, mais à la Providence. Mais il faut se fier aux moyens humains comme s’il n’y avait pas de Providence. (v133).

David disait à Dieu qu’il avait le désir du désir : et qui sommes-nous, qui voudrions paraître avoir quelque chose ? (Mère Marie de saint Joseph Fournier, Pontoise).(v134).

Les fautes doivent servir à l’âme, ce que le fumier sert à la terre, qui est à l’engraisser et la rendre plus féconde. (v137).

Il faut nous étonner, non pas de nous voir tomber, mais de ce que nous ne retournons pas plus vite à Dieu, même plusieurs fois par jour. (v143).

(se tenir devant Dieu :) comme les pauvres gens qui, sur la place, attendent d’être embauchés. (v145).

(je m’étonnais … qu’elle n’en ai rien écrit :) autrefois je l’ai fait, mais j’ai tout brûlé, parce que ce qui part de moi me semble être si fade et si bas. (s. Marie du Saint Sacrement de Marillac)(v151).

Nous ne sommes devant Dieu que comme un pauvre pot de terre tout sale, lequel sera bien riche, si le roi le remplit de ses trésors. (Mère Françoise de Jésus de Fleury, Amiens)(v153).

toujours prête d’entreprendre de grandes choses ! Mais c’est en la vue de Dieu et non de soi. (v156).

Dieu est infiniment meilleur que je ne suis méchante, plus puissant que je ne suis faible, plus miséricordieux que je ne saurais être misérable. (v189).

Mon âme hors de la présence de Dieu est comme un poisson hors de l’eau. (v192).

Témoignages du procès informatif.

Tout d'abord Dieu : Madame Acarie connaissait à la fois le Château de l'âme de Thérèse dont la traduction était récente 684, et la tradition rhéno-flamande. On sait que son conseiller spirituel dom Beaucousin et ses compagnons chartreux ont traduit Ruusbroec et la Perle évangélique. Madame Acarie recevait aussi le frère minime Antoine Étienne qui traduisait Tauler. On est donc dans une tradition d'absolue nudité dans l’offrande de soi au divin. Mère Marie du Saint-Sacrement raconte :

Je demandais une fois à cette Bienheureuse la manière et exercice de l’actuelle présence de Dieu. Elle me répondit qu’elle n’en savait pratique que par une continuelle vue et conversion à Dieu et confusion de soi-même Et qu’elle estimait l’actuelle présence de Dieu être l’état des bienheureux au ciel qui sans cesse sont toujours unis et appliqués à Dieu sans nul détour et que l’homme en sa première justice originelle avait cette droiture […] que le remède est aussi une continuelle conversion à Dieu et détour de nous-mêmes par humiliation et propre confusion.685

Mais Dieu seul a l'initiative :

Hélas ! mon Bien-aimé, si vous voulez que je vous regarde, regardez-moi, premièrement 686.

…rapporte le père Duval. Elle n'a laissé aucune description de ses états, et ce que nous en savons provient des témoins qui l'ont vu en oraison :

Son visage était lumineux et si plein de beauté qu'il donnait en même temps de la dévotion et du respect.687

La place où j'étais au chœur durant l'office et l'oraison était tout proche d'elle ; j'avoue que son seul aspect me mettait en recueillement. Elle était toujours comme immobile et cela les heures toutes entières. Elle avait très souvent la face belle et fort enflammée… 688

Elle devenait totalement inconsciente de son entourage :

Un jour après la Sainte Communion étant en oraison à la grille de l'infirmerie devant le précieux Corps de Notre Seigneur je l'appelai par deux fois et voyant qu'elle ne me répondait point je me mis à la tirer pour lui faire prendre quelque chose à cause de son infirmité. Elle ne m'entendit non plus que si elle eut été morte, la voyant ainsi je pris la hardiesse de la considérer. Elle était d'une façon si modeste et anéantie les yeux et la bouche fermés, les mains jointes dessous son scapulaire. Ce qu'elle continua par l'espace d'une heure sans souffler ni remuer. 689.

bien souvent il est arrivé que la deposante allant ayder à deshabiller et coucher ladicte Sr Marie de l'Incarnation, comme la deposante ayant allumé le feu pour la chauffer, et lui ayant osté son voile pour la desabiller, ladicte Sr Marie de l'Incarnation tomboit en extase et ravissement qui lui duroit bien souvant jusques sur le minuit, ores qu'il ne fust que dix heures lorsqu'on l'aloit coucher sy bien que la deposante estoit contraincte de lui remettre son voile, et esteindre le feu jusques à ce qu'elle fust revenue en elle. Pendant lesquels extases la deposante a remarqué qu'icelle Sr Marie de l'Incarnation avoit le visage beaucoup plus beau qu'à l'acoustumé, et estoit son visage tout enflambé… 690.

Et pourtant elle avait honte que ses états se voient et elle les dissimulait le plus possible :

Elle se frottait les mains et les bras pour mettre empêchement à ses abstractions et ravissements auxquels elle eût été quasi continuellement si elle n’y eut apporté ses artifices. 691.

Elle … estoit si fort pressée des visites et des assautz de Dieu, qu’elle jestoit parfois de grands cris comme sy le cœur lui eut voulu crever, puis pour couvrir cela elle s'en prenoit à une cuisse, disant que c'estoit sa cuisse qui de temps en temps lui donnoit des douleurs extremement aigues et fort sensibles. 692

En fait ces « plongées » deviennent une unité vécue où contemplation et action sont indissociables :

En ce mesme temps et longues années depuis elle voioit sans veoir, escoutoit sans escouter et respondoit sans apperceuvoir ses responses, faisant toutes ces choses tellement en Dieu et avec Dieu qu'elle n'en eut sceu rendre compte après pour ce qu'elles estoient faictes sans réflexion ny destour de la veue actuelle et action de Dieu. Et ce néantmoings etoient telles qu'on n'y eut sceu remarquer aucune défectuosité ny presque apercevoir la différence de sa conversation avec les aultres sy ce n'est en la suavité d'esprit, modestie composition du visage qui respiroit saincteté et en l'efficace et secrete energie de ses parolles qui perçoient les cœurs et illuminoient les entendementz de ceux qui lui parloient d'une manière du tout admirable. Ceste disposition Intérieure de l'âme avec Dieu faisoit qu'elle estoit en extaze sans y estre. 693.

L’élan dans ses paroles comme les absences qui touchent la mémoire sont d’autre signe d’un état continu de contemplation :

elle me disait souvent qu’elle était fort étonnée de ce qu’on faisait tant d'état de ses paroles vu que bien souvent elle ne savait ce qu’elle disait, au moins n’y avait-elle pas pensé. (Père Etienne Binet 694).

Une fois elle me dict que quand Dieu lui donnoit de telles lumières qu'après les avoir dictes à ceux à qui elles touchoient elle en pardoit la souvenance entièrement. (Père Pierre Coton).

La raison en était qu'elle ne voulait parler ou agir que sous l'impulsion de la grâce :

Je l’ai vue en plusieurs occasions ou affaires qu’elle n’entreprenait rien et même en ses paroles ne disait rien si elle ne se sentait mue de Dieu. Je lui ai demandé sur divers sujets d’importance et prié de me dire ce qu’elle en pensait et jugeait. Elle me répondit : « Ma mère, en telle et telle chose que vous me demandez, je ne vous puis rien dire ; Dieu ne me donne rien pour cela, et je n’en dois pas parler par moi-même. » (déposition de Marie de Saint-Joseph – Fournier ).

En communauté, elle restait donc très silencieuse :

Elle ne parlait jamais en la communauté des choses de Dieu mais écoutait seulement sans s'avancer d'en rien dire. Et quelquefois notre Mère lui en demandant son avis, elle répondait : « Nous avons ouï dire ceci ou cela sur ce sujet », ne faisant rien paraître d'elle, et encore le disait en trois ou quatre mots dont nous étions grandement édifiées, son humble silence nous instruisant beaucoup plus que n'eut fait sa parole et ne pouvions converser avec elle sans rentrer en nous-mêmes » (Marie de Saint-Joseph – Castellet 695 ).

En réponse à la grandeur de Dieu et à Ses dons, l'humilité est la marque propre de Madame Acarie. C'est d'ailleurs le thème carmélitain par excellence, parallèle à celui de la pauvreté chez les franciscains. C’est ce que voulut souligner Anne de Jésus, lorsqu’elle fit passer en premier, le jour de la prise de voile des premières françaises, deux figures : madame Acarie aux côtés de l’humble Andrée Levoix, arrêtant par quelque inspiration bienvenue les autres paires de postulantes accompagnées, qui les précédaient à l’entrée solennelle de la cérémonie. Les mystiques du Carmel furent souvent des converses ou des convers : Anne de Saint-Barthélemy, Madame Acarie ; plus tard Laurent de la Résurrection ; du côté de la réforme dite de Touraine, Jean de Saint-Samson.

Chez Madame Acarie, l'humilité n'est pas une simple vertu morale, c'est une conséquence de l'expérience mystique : la nature humaine est nue devant la Face divine, et le seul désir du mystique est qu'elle disparaisse pour laisser place à Dieu :

ay ouy dire que pour peu qu'il y eust de l'impur en l'union de l'âme avec Dieu, elle demeuroit ternie comme la glace d'un miroir par le souffle et que cela se sentoit aussy tost. (Père Pierre Coton).

Une image forte fait le point de la situation :

 Elle disait que si un Roi mettait en un chaudron force richesses et pierreries et que puis après il les fit ôter, le chaudron n’en serait pas plus [ou moins] riche. Et qu’ainsi était de nous (Marie du St Sacrement - de St Leu).

Elle appelait ses compagnes à l’humilité en réponse à la grandeur divine, mais radicalement distincte d'une pusillanimité qui rendrait lâche ou craintif 696 :

Une fois, nous étions dans sa cellule avec elle. Elle en vint à nous parler de l’humilité : comme elle retient toujours l’âme en son devoir, lui fait sentir son néant, sa petitesse (qu’elle ne peut rien, qu’elle n’est rien et choses semblables). Elle était si fort plongée dans le sentiment de ce qu’elle disait qu’en parlant de cet abaissement profond où est l’âme qui se connaît en vérité, elle se baissait aussi extérieurement et son visage était fort pâle. Je la regardais attentivement, étant ainsi debout devant elle, sans lui dire un seul mot. Je pensais en moi-même, avec quelque sentiment de dégoût de ce qu’elle nous disait : « Mais celui qui serait toujours ainsi n’aurait point de courage, il n’entreprendrait rien ! » A peine avais-je achevé de penser cela, […] qu’elle se leva comme en sursaut de dessus son siège et, étant droite avec un visage beau et vermeil, elle dit, dans une grande ferveur, en me regardant : « Oh ! l’âme humble est toujours vigoureuse, toujours courageuse, toujours prête à entreprendre de grandes choses, mais c’est en la vue de Dieu et non de soi, car de soi-même elle n’attend rien, mais tout de Dieu. La confiance qu’elle a de Dieu lui fait faire de grandes choses 697.

Pour elle, la grâce entraînait automatiquement l'humilité par une lucidité implacable envers soi-même :

Un jour il y avait une personne religieuse qui […] lui parla de ce qui se passait en elle des dispositions de son âme de son oraison ; quand notre bienheureuse eut tout entendu ce que cette personne lui disait en des termes que notre bienheureuse n'aimait point, elle lui dit qu'elle n'entendait point tout ce qu'elle lui disait, qu'elle n'avait pas la capacité d'entendre ses termes et dit : « Or sus parlons de l'intérieur puisque vous voulez que nous en parlions. Pour moi mon intérieur est de voir le fond de mon orgueil et les passions mal mortifiées qui sont en moi ». (Marie de Saint-Joseph-Fournier).

surtout elle avait une pratique d’humilité admirable qui faisait que voyant quelques âmes qui avaient reçu quelque grande grâce et n’en ayant point la fidélité à pratiquer l’humilité, elle ne pouvait quasi supporter que l’on dît ces âmes avoir reçu telles grâces et sur cela on pouvait bien dire des particularités. » (Jacques Gallement).

Certes cette clairvoyance conduit à un juste réalisme :

 Un jour je lui parlais d'une âme qui d'ordinaire mettait une partie de ses fautes sur la tentation et avait plus de discours que d'œuvres […] elle me dit seulement : « Que voulez-vous, ma mère […] pour y avoir un grain d'amour de Dieu il leur en faut laisser huit d'amour d'eux-mêmes » (Marie de Saint-Joseph - Fournier).

Cette lucidité allait de pair avec une extrême droiture :

Cette bienheureuse avait une si grande pureté et droiture vers Dieu qu’elle n’eût pas voulu faire la plus petite action qu’elle eût pensé ne lui pas être agréable et dirigeait tellement ses intentions qu’elle semblait ne pouvoir rien faire sans une particulière vue de Dieu. (Marie du St Sacrement – de St Leu).

Elle ne supportait pas la plus petite pensée dirigée vers elle-même :

Une fois qu'un des serviteurs de sa maison tombe malade, il lui vint en pensée qu'il en fallait avoir du soin parce qu'il était fort utile au bien de sa maison ; en lui donnant un bouillon elle se sentit intérieurement reprise d'avoir prêté l'oreille à cette pensée, voulant mêler les intérêts de sa maison avec les offices de charité desquels elle se dépouillait entièrement Cela la toucha si fort qu'elle en pleura fort amèrement… (Marie de Saint-Joseph – Castellet ).

Cette rectitude s'appliqua aussi à l'éducation de ses enfants faite,

ne nous parlant jamais de religion. Entre les fautes qu’elle avait le plus d’aversion, c’était le mensonge quoique léger, et ne nous en pardonnait jamais aucun pour le plus petit sujet que ce fût ; elle nous disait souvent à tous ses enfants : « quand vous auriez perdu et renversé toute la maison l’avouant lorsqu’on vous le demandera je vous le pardonnerai de bon cœur. Mais je ne vous pardonnerai jamais la plus petite menterie »… (Marguerite du Saint Sacrement - Acarie)

Cette constante plongée dans la grâce alliée à une lucidité parfaite lui permirent d'assurer la direction de ses sœurs. Les sœurs parlent beaucoup de sa clairvoyance :

Elle avait une si claire lumière pour connaître l'intérieur des personnes et discerner l'esprit dont on était mu en ses actions que souvent on demeurait sans lui pouvoir répondre autre chose sinon : « Il est vrai » et avouer tout ce qu'elle disait. Une fois, elle était entrée en ce couvent avant qu'elle fût religieuse et comme je parlais à elle en particulier elle me dit : « Je parlais une fois à une personne et lui disais telle et telle chose », et par cette manière me fit voir beaucoup de fautes que je connaissais point et quoiqu'elle parlât toujours d'une autre personne, je répondais de bouche et de cœur : « Il est vrai, il est vrai... » (Anne de Saint Laurent - de St Lieu).

Tout comme le pratiquait Jean de la Croix,

Elle écrivait des passages des Evangiles et Epîtres de Saint Paul sur des petits papiers qu'elle donnait comme remèdes et instructions des besoins qu'elle voyait dans les âmes. (Seguier).

Elle répondait ainsi aux besoins spirituels d'une façon qui paraissait quasi miraculeuse :

Il arriva aussi à notre Sœur Magdeleine de la Croix défunte et qui a été la première professe de ce Couvent que ne se pouvant supporter elle-même à cause d'un extraordinaire délaissement intérieur dans lequel il lui semblait que sa conscience fut morte, et que Dieu l'eut abandonnée, et soustrait toutes ses grâces, elle crut que notre Bienheureuse Sœur la pouvait soulager en ses peines et s'en allant la chercher en sa cellule elle la trouva qu'elle écrivait et quand elle eut achevé d'écrire sans attendre que notre Sœur Magdeleine de la Croix eut ouvert la bouche pour lui parler, elle lui mit en main le billet qu'elle venait d'écrire dans lequel notre susdite sœur Magdeleine trouva représenté bien au net l'état de son intérieur, et ce qu'elle devait faire pour se tirer de ses peines dont elle et toutes nous autres qui avons vu ce billet demeurâmes fort étonnées… (Marie de Saint-Ursule – Amiens).

Partout où elle allait elle assurait la direction des âmes, mais sans le vouloir, et tout en pratiquant la plus extrême obéissance envers ses supérieures. À Amiens, la sœur Marie de Saint-Ursule raconte qu'à l’infirmerie, le soir où Madame Acarie était en extase,

arriva Notre Mère Prieure qui était pour lors la Mère Isabelle de Jésus-Christ qui la reprit bien fort de ce qu'elle n'avait pas pris un bouillon, la force de l'obéissance la fit promptement revenir à soi du ravissement qui l'avait reprise et se levant en hâte de sa chaire, prenant ses potences et venant au devant de notre Mère d'une façon si humble qu'il semblait une pauvre criminelle qui demanda pardon, et prit en cet acte son bouillon et comme notre Mère l'interrogeait de ce qui s'était passé en son intérieur elle lui fit réponse : « Hélas ma mère je suis une pauvre créature. » Notre Mère lui répliqua : « Comment dites-vous cela, cette sœur vous a vue, vous a appelée et tirée et vous ne lui avez pas répondu. » (Marie de Saint-Ursule – Amiens).

C’était une direction joyeuse et bien ancrée dans la réalité :

Elle en chargeait fort particulièrement aux novices et le disait aussi aux autres sœurs de faire chaque chose parfaitement en son temps et se bien accoutumer à bien chanter au chœur quand elles y étaient d'être bien ferventes à l'oraison, bien manger quand elles étaient au réfectoire, d'être gaies et se bien réjouir … quand elle en voyait quelqu'une qui ne paraissait pas assez gaie à la récréation elle la regardait doucement et s'adressait à lui dire quelque parole gracieusement. (Marie de Saint-Joseph - Fournier).

Elle combat toute mélancolie (directrice, elle s’opposait au défaut d’espérance) :

Il me souvient qu'une fois cette Bienheureuse me rencontrant en la sacristie du Monastère de l'Incarnation à Paris et me voyant triste et fort abattu, elle me tira à part et me dit : « Il me semble que je vous vois d'une façon fort contraire à la vie des âmes qui sont à Dieu comme vous désirez d'être. » … Elle me dit plusieurs autres choses à ce propos avec tant de grâce et avec un si grand efficace que dès lors cette tristesse s'évanouit. Et du depuis je ne pense pas être tombé en une semblable mélancolie. (Jean-Baptiste).

Joie, liberté :

Elle disait qu'elle n'aimait pas quand on met son principal soin à ne point faire des fautes extérieures que cela souvent procède d'orgueil, qu'il vaut mieux marcher avec une sainte liberté, joie, ouverture de cœur et rondeur parce qu'encore que quelquefois on fit des fautes extérieures, après cela sert beaucoup à humilier l'âme et la rend plus docile et affable (Marie de Saint-Joseph - Fournier).

Elle est optimiste et dynamique :

Elle dit plusieurs fois que les fautes que nous faisons doivent servir beaucoup pour réveiller l'âme, et que ce lui doit être un coup d'éperon pour la faire courir plus vite … Elle nous disait que les fautes doivent servir à l'âme ce que le fumier sert à la terre qui est à l'engraisser et la rendre plus féconde.  (Seguier).

Elle était très sensible à la beauté de la nature comme signe de Dieu :

je dirai que toutes choses portaient cette bienheureuse à Dieu : quand elle allait au jardin, les fleurs, les feuilles tout ce qu'elle y voyait lui servaient à cet effet, elle prenait une feuille et la montrait en admirant la puissance de Dieu, elle s'entretenait quelquefois toute une récréation sur cette feuille et toutes les autres à l'écouter comme si c'eût été un ange qui leur parlait, Elle avait d'ordinaire des feuilles, des fleurs et des feuilles d'arbres dans ses livres et les considérait de temps en temps… (Marie de Saint-Joseph - Fournier).

Le dernier jour de notre voyage, sur les neuf heures du matin, il se leva un très beau soleil de sorte qu’il semblait être au printemps ; lors cette bienheureuse commence si fort à s’enflammer à la considération d’iceluy qu’elle se mit à parler de telle ferveur du grand soleil de justice qu’illumine tous les hommes et des grands effets qu’il cause dans les âmes qui sont en grâce et qu’il illumine (Marie du St Sacrement – de St Leu).

Ce qui a frappé aussi les contemporains est son continuel va-et-vient entre oraison et charité car en réalité les deux ne font qu’un :

à l'Eglise si ravie et absorbée en Dieu qu'elle n'avoit que son chappelet en la main pour contenance, n'usant d'aucune prière vocalle, estant quasi toujours et partout abstraicte en son intérieur, et ni avoit que la charité qui la peut rappeller à soy, vertu si eminente en elle qu'elle a converti pendant ce temps la plus de dix mille ames. Se rendant debitrice à tous ceux qui l'emploioient, sa porte n'estant jamais fermée à personne ni a heure que ce fust elle touchoit si vivement les cœurs par son exemple et remonstrances, que j'admirois ses cochers et lacquaiz bref toute sa famille mieux convertie que s'ils eussent demeuré dix ans en religion… » (René Gaultier).

Sa bonté envers les humbles qu’elle traitait comme des égaux :

La première fois que je fus chez elle pour lui parler du désir que j'avais d'être religieuse, encore que je ne fusse qu'une pauvre fille de basse condition, elle me reçut avec autant d'amour et de charité que si j'eusse été quelque chose ; me donnant autant de temps qu'il en fut besoin avec autant de tranquillité que si elle n'eût eu que moi à satisfaire. Il me semble même qu'il y avait lors des personnes de qualité. Et ne vis point qu'elle leur satisfit premier que moi. (Anne de Saint Laurent – de St Lieu ).

Je m’appelle Marguerin Goubelet, tailleur de pierre …Elle était lors fort incommodée de sa personne et marchait aux potences avec beaucoup de peine, mais elle portait une si grande suavité sur son visage qu’il paraissait bien que son mal lui était bien précieux. J’étais extrêmement consolé quand je lui pouvais parler parce que quoiqu’elle parlât de bâtiment et d’autres semblables choses elle assaisonnait tellement toutes choses de l’esprit de dévotion que tout ce qu’elle disait servait d’édification. » (Goube).

Les pauvres sont l’image de ce que nous devons être pour Dieu :

quand elle allait voir les ouvriers, elle était quelquefois qu'elle s'arrêtait de parler puis elle disait : « Je regarde ces pauvres gens qui sont attentifs à leurs ouvrages. Les voilà comme tremblants devant leur maître. Ils se rendent diligents à lui obéir et à lui agréer pour ce qu'ils dépendent de lui pour gagner leur vie … Elle nous a dit que cela lui a beaucoup servi dès que l'on faisait le bâtiment de Notre Dame des Champs de Paris que quelquefois, y allant du matin avec une personne signalée qui passait par une place qu'elle nommait où sont les gens qui vont pour gagner leur journée, qu'elle les voyait les uns avec un outil, les autres avec un autre, que ces gens sortaient de leurs maisons sans savoir qui les emploierait ni à quoi ils seraient employés. (Marie de Saint-Joseph - Fournier).

Elle se mettra à l’image des pauvres : 

En sa dernière maladie elle buvait dans un biberon de verre, quelqu'une dit qu'un de terre serait plus aisé. Je dis qu'il n'était pas si propre, que je ne les aimais point, que j'en avais vu à l'Hôtel-Dieu aux pauvres de même. Quand elle entendit que les pauvres en avaient de semblables, elle me pria instamment qu'elle eût celui-là et qu'elle était pauvre. Elle s'en servit durant toute sa maladie pour ce qu'il était pauvre. (Marie de Saint-Joseph - Fournier).

Sa charité est active à l’exemple du bon Brétigny de Quintadanavoine à Séville 698 :

Elle s'emploioit fort heureusement à la conversion des filles desbauchées et les assistoit jusques à les retirer en sa maison et les touchoit tellement quelle menoient une vie exemplaire de vertu… (Père Jean Sublet de la Guichonnière).

Et avec les malades, son exigence de perfection dans l’amour des autres a frappé son entourage d’admiration :

Une fois étant à la cuisine elle faisait un bouillon pour une personne malade avec une telle ferveur et y prenait telle peine qu'elle faisait dévotion à la voir. Et après qu'elle y eût bien travaillé, il lui en fallut faire un autre parce que, quoiqu'elle y eût goûté plusieurs fois, il lui semblait toujours n'avoir point de goût. … Elle se remit tout aussitôt avec la même charité à en faire un autre… (Anne de Saint Laurent – de St Lieu).

Elle soigne un malade qui dégoûte tout le monde :

Aussitôt que Sœur Marie de l'Incarnation s'en aperçut elle retira ce malade à part en une chambre séparée du reste de son logis défendant à tous ceux de la maison de s'en approcher sans leur dire pourquoi c'était afin de ne les pas effrayer Elle prit toute seule le soin de le servir. Elle faisait son lit elle pansait cet apostume qui supurait et jetait un pus si puant que le malade même n'en pouvait supporter l'infection Elle lui donnait à manger et le servait avec un si grand soin et charité qu'il en fut tout guéri. (Mère Françoise, 322).

Elle exprime ainsi l’union requise entre la grâce et l’activité :

il faut laisser à la providence divine, comme s'il n'y avait point de moyens humains et travailler et avoir soin comme s'il n'y avait point de providence divine… (Marie de Saint-Joseph – Fournier, 99).

Je concluerai en disant combien Madame Acarie fut une mystique complète : sa vie est totalement unifiée en Dieu. Elle vit plongée dans la Réalité divine, dans l’oubli de soi, allant et venant entre l’oraison et l’action, mais en fait toujours en raison même de l’action. Comme le disait dom Sans, Général des Feuillants :

encore que s'occuper avec Dieu soit une action plus divine et noble et plus douce à l'ame, que s'occuper pour Dieu ; néantmoings quand il est necessaire il fault descendre, et se divertir de Dieu aux choses de ceste vie pour le service du mesme Dieu, ce qui s'appelle laisser Dieu pour Dieu. (Dom Sans de Sainte Catherine, 69).

Constamment plongée en Dieu, elle irradiait l’amour divin autour d’elle comme en témoigne le père Sans :

 …elle allumait les cœurs, détrompait les âmes et changeait les intérieurs, de telle sorte qu’il n’y avait presque personne qui l’allât voir, qu’elle ne s’en retournât touchée extraordinairement par Dieu… 699.

La deuxième génération :


Madeleine de Saint-Joseph.

Lettres.

[1965] [Madeleine de Saint-Joseph], Lettres spirituelles, présentées par Pierre Serouet, Présence du Carmel, Desclée de Brouwer, 1965, 435 pages. [OCR corrigé =Doc6]

Notre choix en fin  du vol. Chatou : en éditant un certain nombre de lettres complètes ou leur début ou leur fin. No pages : 45 46 5152 7273 104105 136 138 149 154 159 186 191 196 199 200 217 218219 224 229 234 238 241242 244 251 253 254255 258 261 265 268 274 291 296 311 à regrouper par thèmes ? prière, direction spirituelle, volonté propre…

On se limitera à une ou deux lettres, compte tenu de leur réédition prévue

Ecrits.

Ordre chronologique

La vie de sœur Catherine… [1628]

[1628] [Madeleine de Saint-Joseph], La vie de sœur Catherine de Jésus, religieuse de l’Ordre de nostre Dame du Mont-Carmel […] decedée à Paris le dix-neuviesme fevrier 1623, Paris, chez Edme Martin, 1624 ; Toulouse, chez Jean Boude, 1625 ; Paris, 1626, 1628 ; Paris, chez Fiacre Dehors, 1631 ; Paris, chez Pierre Le Petit, 1656. 

Voir la section consacrée à Catherine de J

La Vie de la Mère Magdelaine… Senault puis Talon [1645 puis 1670]

[1645] La Vie de la Mère Magdelaine de S. Joseph…, par un prêtre de l’Oratoire [les P. Gibieuf et J.- F. Senault ; la bibliogr. de Louise de Jésus cite seulement Senault, Paris, chez la veuve Jean Camusat et Pierre Le Petit, 1645, 460 pages . [=Doc4b]

Apparaît comme la première source, reprise et augm. par Talon en 1670.

A.S.S K4-89.

[1670] La vie de la Mère Magdeleine de S. Joseph, religieuse carmélite […] / Par un prêtre de l’Oratoire de Jésus-Christ N.S., [Senault], nouvelle édition revue et augmentée [par le P. Talon], Paris, chez Pierre Le Petit, 1670, 756 pages. [=Doc4]

lectures été 06 de et sur Madeleine de SJ :

96 102 144 145/6

149 164 181/2

204 240 241

299-314 (avis)

319 326 329

334-335 (transcriptions écriture)

337

355-361 (mort)

406-408 (la foi)

420-421

425-426 (autres transcriptions de l'écriture)

430-432 (!amour)

439, 443 (influences)

459 (charité)

476 487 505

(ensuite beaucoupde faiblesse chez Talon)

592 599

612-613 (compréhension de l'évangile)

618 (3e recueil de l'écriture)

624 (je suis unepauvre vieille...)

639 655

673-675 (novices sans dots)

693-694 (D lui demande anéantissement)

697 (l'état stable)

700 (présence intérieure de JC)

702 (4e recueil de l'écriture)

712 (ne pas se retourner sur soi)

713 (à 50 ans ma voie : ?)

715 (un fort inexpugnable)

717-718,721 (ne pas jouir ds la voie)

756findu txt

nos saisies antérieures d’extraits :

* commun avec lecture ci-dessus été 06 soit 18* sur 31 presque 2/3 ;

or 83pages retenues /765… = bon accord !


à faire : comparer Senault et Talon ! puis compléter les saisies (chez Senault ou chez Talon ?) : au moins correspondant aux * de notre liste, au plus tout ce qui intéresse s. Odile ! prendre les citations complètes + les débuts et fins de § ouvrant et fermant ces citations (donnent le contexte).

96*,108,144*,146*,149*,181*,182*,197,

204*,213,223,241*,291,320,344,

407*,408*,422,431*,432*,433,443*,455,496,

624*,633,697*,712*,713*,715*,711 ci-après :

La parfaite charité n'est pas dans les sens, elle réside dans le coeur, et ne regarde que Dieu ; et comme elle ne regarde que Lui, elle ne cherche que ce qui peut aider à s'en approcher davantage, et non ce qui peut satisfaire les sens, et qui est conforme aux inclinations de la nature corrompue que nous avons reçue d'Adam. Si vous êtes véritablement animée de cette parfaite charité, vous ne verrez que Dieu dans vos soeurs, vous ne considérerez en elles, que ce qu'il y a de bon et de vertueux pour l'estimer, pour l'aimer, et pour vous y lier. Elle leur disait aussi, Ne soutenez jamais vos pensées mais soyez faciles à les quitter, et à céder à vos soeurs ; car c'est la marque d'une âme vertueuse, et une partie de la charité que nous nous devons les unes aux autres. (96).

Il y a à peu près 25 ans, dit cette servante de Dieu, qu'étant travaillée d'une forte et violente migraine, à laquelle j'étais sujette dès ma jeunesse, je fus contrainte de me mettre sur le lit, avec d'autant plus de peine et de regrets, que c'était un jour solennel, auquel j'étais obligée de faire l'office à matines : notre mère Madeleine me vint visiter, et comme elle était toute remplie de charité, et ne pouvait voir souffrir personne sans y compatir, ayant connu par des marques que je ne pouvais cacher, que le mal était fort pressant, elle mit sa main sur ma tête, et me dit d'un accent qui témoignait bien le tendre sentiment de son coeur : Si j'étais une grande sainte, je vous guérirais. Dieu bénit sa parole, et l'imposition de sa main fut si efficace, qu'au même temps, je me trouvai non seulement guérie, et en parfaite santé, quand au corps, mais je ressentis jusque dans l'intérieur l'effet de cet attouchement, car mon esprit en cet instant reçut une nouvelle liberté, et une nouvelle ferveur, pour m'élever à Dieu avec plus de vigueur, et pour m'occuper de Lui avec une application toute particulière. (108).

Une de ses novices fut un jour enquise par une dame de grande qualité, si les soeurs de ce monastère était de bonne maison : la mère l'entendit et le dissimula selon sa prudence ordinaire : mais au sortir elle dit à cette novice : ma fille, quand quelques-unes vous feront cette demande, répondez-leur, que nous sommes toutes de très bonne maison, puisque nous avons l'honneur d'être filles de roi, soeur de roi et épouse de roi : c'est-à-dire filles du Père éternel, soeurs de Jésus-Christ son fils, et épouses du Saint Esprit ; c'est la maison dont nous sommes à présent, et celles qui se sont données à Dieu, n'en doivent pas considérer d'autre. (144).

Quelquefois, que d'un lui pouvant parler, parce qu'elle était occupée pour des choses importantes, je rappelais dans mon esprit quelques-unes de ses paroles, et je m'en allais aussi contente, et avec autant de peine que si j'eusse eu le bonheur de lui parler, le seul souvenir de ce qu'elle m'avait dit portant une vertu dont je ne saurais pas exprimer la force et le pouvoir, et qui m'élevait à Dieu. (146).

Le quinzième janvier 1622, il me fut montré que le degré de gloire que je devais posséder dans l'éternité était arrêté, et qu'au moment de ma mort il me serait appliqué une grâce conforme à ce degré de gloire, sans égard à la longueur ou à la brièveté de ma vie. Je vis aussi que je mourrais à moi-même dès ce moment, que ma vie serait désormais pour les autres et non plus pour moi-même : et je vis encore que j'étais dédiée à l'amour, que le Verbe porte à son Père dans l'éternité dans le temps. (149).

Ma fille, les âmes qui se laissent aller à tant de choses différentes, ne feront jamais grand fruit, liez-vous à Dieu par une adhérence intérieure et simple, chassez toute autre pensée de votre esprit, et ne vous arrêtez qu'à Lui, sous quelque prétexte que ce soit. Elle lui avoua que ces paroles avaient fait tant d'impression sur son esprit, que plus de douze années qui s'étaient depuis écoulées n'avait pu les effacer ; mais qu'elles lui étaient aussi présentes, que si la mère les lui répétait à chaque moment. (181).

Souvent pendant que j'ai eu la bénédiction de demeurer avec elle, lorsqu'elle me rencontrait en allant par la maison, elle m'arrêtait, et me parlait charitablement sur ma disposition présente, avec autant de clarté que si je fusse venu de lui rendre compte. Une fois sur la fin de mon noviciat, comme je passais auprès d'elle sans lui rien dire, elle connut une grande peine que j'avais dans l'esprit sur le sujet de ma profession : elle m'arrêta tout à l'heure, et me regardant fixement, me demanda ce que j'avais et qu'est-ce qui me troublait. Je lui avouai que tout le jour, j'avais vu cet esprit de ténèbres en une forme épouvantable, jetant le feu par la bouche, et qu'il me suivait partout comme s'il m'eût voulu étouffer, que (182) j'en avais une très grande frayeur, et que la nuit précédente cela m'avait entièrement ôté le sommeil. La bienheureuse me fit le signe de la croix sur le front et me dit: Allez n'ayez pas de peur, ce méchant n'a pas de pouvoir sur vous, donnez-vous bien à Notre Seigneur Jésus-Christ, auquel je vous offre de tout mon coeur. Au même moment je me trouvai délivré de cette horrible vision et de toutes les autres peines et difficultés, me sentant revêtu d'une nouvelle force.

Je me souviens que ne faisant alors que commencer à prêcher, elle m'encouragea et me fortifia extrêmement. Mais elle ne pouvait se lasser de m'avertir que je prisse garde à ne pas altérer la pureté de la parole de Dieu par un mélange affecté des choses profanes et curieuses ; à ne m'attacher pas tant à la délicatesse qu'à la force de mon discours, à ne m'étudier pas tant à contenter un auditoire qu'à le toucher, et à ne chercher pas ma réputation au préjudice de la gloire de Jésus-Christ, du salut des âmes, que je devais uniquement envisager (197) en cette fonction. Elle avait accoutumé de me dire qu'il ne fallait imputer à autre chose qu'à cela, le peu de profit et le peu de succès que l'on voyait des sermons des personnes auxquelles Dieu même avait donné de bons talents, qui ne manquaient ni de doctrine ni d'éloquence, et qui les étalaient dans les chaires avec tant d'ostentation, que c'était des trompettes qui n'avaient qu'un son qui battait l'air et les oreilles sans être porté jusqu'au coeur ; et que prêchant sans dessein de convertir et de sauver les autres, ils se pervertissaient et se perdaient eux-mêmes, selon le dire de saint Paul (I Corinthiens 9,17).

La Mère Madeleine s'appliquait aux bonnes œuvres avec plaisir et joie, et nous y excitait avec des sentiments si pleins d'amour et des paroles si efficaces qu'elles touchaient le fond du coeur (...) Tantôt elle nous exagérait la grande (204) bonté de Dieu a récompenser la moindre des bonnes œuvres que nous faisons. Elle pesait grandement ces vérités et les imprimait fortement à la plupart des dames qui la hantaient, qui étaient les principales de la Cour. Ce fut elle qui me donna la pensée et me sollicita de visiter les hôpitaux pour y servir des malades. Ce fut elle qui porta feu Madame la princesse de Condé et Madame la duchesse de Longueville à entrer dans les prisons pour y consoler et assister les pauvres prisonniers. Et quoique ce fut une chose que les dames de grandes conditions ne pratiquaient pas en ce temps-là, elle représentait néanmoins avec tant de grâce, de force et de douceur, l'excellence ces oeuvres de miséricorde, que l'on était insensiblement contraint de se rendre à ce qu'elle désirait. Je me souviens qu'elle me disait quelquefois : Je n'y puis pas aller, allez-y je vous en prie, pour moi.

J'ai un très grand besoin de vos prières dans les continuelles maladies dont il plaît à Dieu de me visiter ; car il est vrai que c'est chose étrange d'être chargée d'un si grand nombre de filles avec si peu de santé, et il n'y a que la seule obéissance que je dois à Dieu qui m'y puisse faire soumettre ; mais quand je Le regarde, je ne puis que Lui représenter mes raisons et mes misères ; et puis Le laisser faire ; car ce serait le plus grand mal de tous, que de ne pas vouloir ce qu'Il veut puisque toutes choses doivent être assujetties à sa (213) très sainte volonté ; tout ce que je sais faire, c'est de prier et de patienter. Elle fit ce qu'elle dit, elle rentra dans ce pénible exercice par obéissance, elle s'en acquitta avec charité, et l'on remarqua que toutes ces vertus me furent jamais plus éclatantes que dans cette dernière Supériorité.

Quand notre bienheureuse mère était devant le très-saint Sacrement, c'était une chose admirable de voir son humilité, sa gravité, son attention, sa sainte crainte et son recueillement, car toutes ces choses paraissaient rassemblées en elle : et pour moi j'avoue que j'étais plus instruite de la foi en cet état, que mon esprit s'élevait plus promptement à Dieu, et que ma foi étais plus vivifiée de la présence de Notre Seigneur Jésus-Christ au très Saint sacrement, que si j'eusse ouï dire, ou lu, toutes les plus belles choses du monde sur ce sujet. (223)

Mon père, toute mon application est à demander à Notre Seigneur Jésus-Christ que je ne sois qu'une capacité toute remplie de son pur amour. (241)

Comme elle se disposait plus soigneusement au baptême, elle fut si agitée, ce qui auparavant n'était jamais arrivé, que le devant de sa tête répondait au dos et le derrière à la poitrine ; elle roulait les yeux comme une possédée, elle écumait, elle agitait son corps, elle criait "je tremble" et disais à haute voix qu'elle voyait comme dans les ténèbres je ne sais quoi d'épouvantable. La vénérable mère Madeleine connut en France les efforts du Démon, peut-être même avant que le Démon les eut faits, car par une lettre écrite avant, ou environ le temps de ce fait, elle me pria de donner le nom de Madeleine à la fille tourmentée du démon et de l'assister des aumônes qu'elle m'envoyait. Je ne fis pas d'abord réflexion à ceci, lors que je reçus et que je lus sa lettre ; mais après qu'au baptême elle fut nommée Madeleine, et tout à fait délivrée, et que les vaisseaux furent partis, je commençais à songer par qu'elle voie cette vénérable mère l'avait pu apprendre ; je fis réflexion au temps et je conclus que cela s'était fait par une vertu divine, et je louai Dieu qui Se fait voir admirable en ceux qui le servent. / Dieu lui donna même cette consolation que de pouvoir travailler en personne à la conversion de quelques-unes de ces âmes : car les révérends pères jésuites ayant envoyé en France (291) une femme iroquoise, et deux petites canadiennes, cette bienheureuse s'en voulut charger ; elle les retira au logis dss Tourières de son monastère, où elle prenait soin de tout ce qui leur était nécessaire ; mais surtout de leur instruction à notre sainte foi comme si elles eussent été ses enfants. Lors qu'elle vit les deux canadiennes en état de recevoir de sa baptême, elle en eut une extrême joie ; elle pria deux de Messieurs les Evêques de les vouloir baptiser et choisit la fête de la glorieuse manifestation de Jésus-Christ. Cette cérémonie, qui se fit dans l'église de son monastère, avec toute la solennité possible. La reine assista et presque toute la Cour. Après leur baptême elles entrèrent dans le couvent où la bienheureuse leur fit dss caresses extraordinaires ; sa joie la porta à les embrasser en la présence de la reine et cette princesse ayant dit : Ma Mère, vous avez bien de la charité et du courage, car ces pauvres créatures étaient fort sales et ointes (selon la coutume de leur pays, d'une graisse très dégoûtante) Elle répondit agréablement à sa Majesté : Elles sont mes soeurs, Madame, maintenant qu'elles sont filles de Dieu, je les aime, elles sont membres de Jésus-Christ, nous irons tout en paradis ensemble.

Quelques-unes des Mères les plus vertueuses et plus considérables de son couvent, touché des grandes traverses qu'elle souffrait, et particulièrement de ce que l'on disait qu'il fallait la déposer de la manière qu'on le prétendait, ne purent s'empêcher de lui en témoigner leur douleur ; elle répondit à visage content : je vous avoue que si Dieu l'ordonne ainsi, je serais plus satisfaite d'être hors de charge par cette voie, que si j'en étais sorti par (320) mon choix ; je connaîtrai par là, que Dieu veut que j'en sorte maintenant, et je ne serai pas en scrupules d'avoir quitté la croix et les travaux et d'avoir mis notre Ordre en quelque hasard de trouble pour avoir cherché mon repos, lorsque ceux à qui je dois obéir, n'avaient pas dessein de me le donner.

Et ce même jour, comme on l'avertit que Madame la Princesse arrivait, elle ne parut pas entendre la voix de celle qui lui parlait : on le lui dit une seconde fois, à quoi n'ayant pas encore pris garde, cette pieuse Princesse entra dans le Choeur et s'approcha d'elle pour lui dire quelque chose selon sa coutume ; mais leur entretien fut court car la Mère se contenta de lui dire : Eh bien, Madame, que nous direz-vous de la croix et de la mort de Jésus-Christ ? Nous apprendrez-vous quelque chose de ce qui s'est passé sur le Calvaire ? Puis ayant ajouté encore quelques paroles touchant la grandeur de ces mystères et de la vénération qui leur est dûe, elle rentra incontinent dans son silence... (344).

La foi est un don que Dieu fait à Sa créature, par lequel elle croit et adore cette puissance souveraine et lui rend l'honneur qui lui est dû : et comme cette foi est au-dessus de toutes les choses que nous pouvons sentir en la terre, l'âme s'y doit attacher aussi, au-dessus de tout ce qu'elle voit et de ce qu'elle sent. C'est un don très pur, que l'âme doit suivre avec une grande et haute pureté, se séparant même de tous les sentiments intérieurs, ou ne s'en servant qu'autant qu'ils la peuvent fortifier ; encore faut-il qu'elle se fonde toujours sur la foi, quelque lumière qu'elle reçoive d'ailleurs, et qu'elle reconnaisse que c'est (407) un guide, sous la conduite duquel elle ne peut s'égarer ; mais parce que la tentation, et l'obscurité qu'elle produit, nous empêche quelquefois de faire usage de cette vertu, et diminue en nous la liberté de nous élever à Dieu par elle, il faut souffrir avec patience cet empêchement, et ne pas croire que pour en avoir perdu l'usage sensible, nous en ayons perdu l'habitude ; car le don de la foi ne sera jamais ôté quelque chose qui arrive, si nous-mêmes n'y renonçons volontairement ; Dieu sera toujours ce qu'Il nous a enseigné qu'Il est, et Il nous aimera en toute éternité, si nous Le servons, Sa grâce sera toujours présente, jusqu'à la mort, et il faut que l'âme soit fidèle à rendre hommage à son Dieu par cette croyance.

La Foi établit les âmes dans les lumières de Dieu, et les élève au-dessus d'elles-mêmes par une intime union à Dieu, et à toutes Ses divines perfections, pour croire humblement tout ce qui Lui plait de leur révéler de ses grandeurs, de ses conseils, et de ses œuvres, sans consulter la raison, pour agir avec confiance en Lui, et en Jésus-Christ Son Fils, sans s'appuyer sur leurs propres forces, et enfin pour se contenter de Lui, sans chercher le vain supplément des biens périssables. La Foi, poursuivait-elle, demeure aussi bien dans la tempête que dans le calme, pourvu que nous soyons toujours fidèle à Dieu, et que notre volonté soit soumise à la Sienne. (408).

Reconnaissez, ma soeur, le peu de pouvoir qu'à votre âme pour suivre parfaitement la voie par laquelle Dieu veut que vous marchiez : regardez-le humblement, abandonnez-vous toute à Lui, rendez-vous fidèle aux occasions, et entièrement dépendants de Sa bonté, pour Lui rendre ce qu'Il demande de vous, et ainsi appuyée sur Lui, vous espérerez tout de Lui et rien de vous-même. (422).

Dans un papier écrit de sa main : L'état de mon âme est une union avec Dieu si totale, si puissante, et si transformante, que n'ayant pas de terme pour l'exprimer, je m'abstiens le plus souvent d'en parler. Ces opérations sont si intime, et l'amour, au moins ce que j'appelle ainsi, est si secret, que quelquefois je dis : Amour, vu que vous êtes si puissant, comment opérez-Vous avec si peu de bruit ? Et comment êtes-Vous si caché, qu'on ne Vous peut nommer, sinon que Vous-même Vous formiez dans l'âme ce (431) nom d'amour ?

Le plus souvent mon âme se trouve comme la boue des rues, ou comme une chose très immonde, sur laquelle repose une grande pureté ; et comme un jour mon âme demandait à Dieu, pourquoi Il l'aimait ainsi, Il lui montra par une grande vérité, qu'il n'y avait pas d'autre oraison en l'amour, sinon qu'il était amour pur, et qu'il aimait à cause de Lui-même. Je sens un extrême bien que l'on m'humilie par toutes sortes d'abaissements, et j'ai grande dévotion (432) à un passage des cantiques qui dit : "Si tu te méconnaîs, ô la plus belle des femmes, va paître tes troupeaux", c'est-à-dire, comme je l'ai pensé, retourne à ta première condition, rentre dans la connaissance de toi-même, et du peu que tu es devant Dieu, afin que la vue de tes misères t'éloignant de toi-même, te rapproche de Lui. / Rien ne l'étonnait davantage que de penser que Dieu la daignait aimer. Elle disait à ce propos dans un autre papier écrit de sa main. Ma raison et mon intelligence ne peuvent comprendre comme Dieu se veut communiquer à une personne telle que moi...

Il me semblait, il y a quelques jours, que Notre Seigneur me disait que je voulais (432) cacher Sa gloire, pourquoi j'avais tant de contradictions à parler, que ce ne serait pas par moi-même que je me préserverai de vanité. Depuis ce moment je me trouvai si abandonnée à Lui, que Son opération anéantit toutes choses en moi. Or je ne puis dire comme ceci se fait, car je sens l'usage libre de tout mes sens, et je ne me trouve empêchée de nulle action.

Étant un jour accablé une grande tristesse, je demandai à parler à la vénérable Mère : quoiqu'alors elle ne fut pas en bonne santé, elle prit la peine de venir en même temps au parloir : je sentis aussitôt que sa présence dissipait comme un soleil les ténèbres qui offusquaient mon esprit, et par la suite je reconnus clairement que c'était la force de la grâce qui résidait dans son âme qui avait apaisé cette tempête. (443).

Faisant tout le reste avec tant de circonspection et de mesure, elle n'en pouvait garder lorsqu'il était question de servir quelqu'un qui était tombé dans quelque malheur. (...) Une personne de fort grande condition (455), à qui néanmoins, ni la Mère ni son Ordre n'avaient aucune obligation particulière, avait été arrêté et souffrait une fort longue et ennuyeuse prison ; dans le seul mouvement de la charité et par la seule compassion qu'elle eut de l'affliction de cette personne et de quelques-uns de ses proches qu'elle savait être pleins de vertu et de piété, elle osa intercéder plusieurs fois pour lui, auprès de ceux de qui dépendait sa liberté, encore qu'elle connut bien qu'ils n'y avaient pas d'inclination ; que d'en entendre seulement parler leur donnait même de la peine, et cela dans un temps auquel personne n'eût entrepris d'ouvrir la bouche pour parler en sa faveur.

Priez Celui qui vient vous visiter avec tant d'amour, que comme Il s'est donné à toute notre nature, Il se donne à chacune de vos personnes, et qu'en se donnant à vous, Il vous prenne aussi en Lui, qu'Il vous élève, et vous tire en Lui ; qu'Il vous tire de votre pauvreté dans Ses richesses, de votre bassesse et de vos misères dans Son bonheur, et dans Ses grandeurs. Enfin qu'Il vous tire et qu'Il vous élève de tout ce que vous êtes, dans tout ce qu'Il est. Dans un autre entretien qu'elle eut avec elle, elle ajouta encore : Demandez au Fils de Dieu, que comme Il s'est uni à votre nature, Il s'unisse (496) à vos personnes, qu'Il s'unisse à votre esprit, qu'Il s'unisse à votre coeur, qu'Il s'unisse à votre volonté, enfin qu'Il s'unisse si parfaitement à tout ce que vous êtes, que vous demeuriez pour jamais toutes unies et consommées en Lui, et Lui consommé en vous.

Une jeune religieuse prit la liberté de lui dire tout naïvement : Je crois, ma mère, que votre intérieur est bien beau, s'il vous plaisait de nous en dire quelque chose. La bienheureuse se plût dans la simplicité de sa fille et lui répondit en riant : vous dites vrai, ma fille, c'est une belle chose que mon intérieur, il est fait comme celui de plusieurs autres, il y a du bon et du mauvais, un peu de bons désirs et beaucoup de mauvaises oeuvres. Elle ajouta encore. Je suis une pauvre vieille, de qui Notre Seigneur n'attend pas grand-chose, il me laisse aller mon grand chemin. (624)

Quand nous nous abaissons devant Dieu, Dieu s'abaisse vers nous, et c'est alors qu'Il nous regarde, parce que nous nous mettons dans notre véritable lieu. (633).

L'état de mon âme est une union si totale, si puissante et si transformante, que je n'ai pas de terme pour l'expliquer. Ce qui fait voir, que ce qu'elle ressentait (697) en elle-même, n'était pas une disposition passagère, mais un état qui marque quelqus chose de stable et de permanent ; que son âme n'était pas seulement unie à Dieu par quelqu'une de ses puissances, mais par tout ce qu'elle était, que Dieu l'attirait à Lui avec autant de force que de douceur, et qu'enfin ce grand effet allait jusqu'à transformer son âme, en Celui qui était l'objet de son amour.

Elle lui dit qu'un des usages plus continuels qu'elle faisait elle-même, était de se séparer de toute occupation et de tout retour sur les effets de Dieu en elle, et d'aller droit à Lui sans application à aucune autre chose ; afin de ne pas retenir aux voies de Dieu, qu'autant qu'il l'y voudrait tenir par Lui-même, et ainsi d'être toujours pleinement dans Sa main, pour être appliqué et tourner du côté qu'il Lui plairait, et en la manière qui Lui serait la plus agréable. (712).

Je suis toute étonnée de ce que ces personnes parlent avec tant d'assurance de leur voie : pour moi j'ai tantôt cinquante ans et quand mon supérieur et même mon bon Ange m'obligerai à dire quelle est ma voie, je ne le pourrais pas faire ; on va à Dieu comme l'on peut et l'importance est d'y arriver. (713) (et la suite?)

C'est un grand abus en quelques âmes de croire qu'elles ne peuvent pas ce qu'en effet elles peuvent, non pas en leur propre force, mais en celle de Jésus-Christ. Elle se doit souvenir de ces paroles de saint Paul : "Je puis tout en celui qui me conforte", (Filip. 4,13), et quelques combats que l'âme souffre, et en quelque accablement qu'elle se trouve, il faut qu'elle essaie de s'élever et de se donner à Dieu, par-dessus tous les obstacles. (715)

Vous avez raison de n'être pas satisfaite de ces deux soeurs, qui s'occupent si fort des effets de Dieu qui se passent en elles, car c'est un défaut des plus dangereux que les âmes puissent commettre dans la vie intérieure. Elles font justement comme des voyageurs, qui étant bien pressés d'avancer leur voyage, s'amuseraient aux belles maisons et aux autres choses agréables qu'ils trouveraient par les chemins. Nous allons à Dieu, et toute notre vie n'est qu'un continuel voyage dont Il est la fin. Nous ne devons penser qu'à cela, tous nos usages intérieurs, aussi bien que toutes nos actions extérieures y doivent tendre, et c'est une espèce de (711) folie de se laisser arrêter par les mêmes choses qui nous doivent avancer.

Un jour une ancienne religieuse dit à la bienheureuse Mère, qu'elle se trouvait dans une grande pauvreté, et que tout ce qu'elle pouvait faire, c'était de se tenir humblement devant Dieu et de l'adorer selon ce que la foi nous enseigne. Sur quoi la Mère répondit : Jésus ma fille, appelez-vous pauvreté d'adorer Dieu et de l'adorer dans la conduite de la foi ? N'est-ce pas la foi qui nous rend agréable à Dieu ? Et l'adoration n'est-elle pas l'usage le plus saint et le plus important que nous puissions faire ? N'est-ce pas l'occupation de tous les saints dans le ciel, qui sont dans une continuelle adoration et dans un continuel anéantissement devant Dieu et devant Jésus-Christ ? Le même Fils de Dieu en tant qu'homme n'est-il pas dans un état perpétuel d'adoration et de sacrifice à son Père ? O ténèbres ! O incapacité de l'esprit humain ! Il est très petit et borné, et Dieu est infini et immense, et il le voudrait comprendre : il est très bas et Dieu est la souveraine grandeur, et il faudrait en quelque sorte s'égaler à Lui : gardez-vous en bien, ma fille, mais tenez-vous humblement dans cette voie de foi et d'adoration, qui est la plus sainte et la plus solide. / Elle dit à une autre religieuse sur le même sujet : Cette manière d'aider à Dieu est la plus sainte et la plus parfaite, mais pourvu qu'elle soit véritable. Car il y (713) a bien des âmes qui se trompent en prenant leur inutilité et leur inapplication à Dieu, pour une voie qui ne tient rien des sens, mais qui est bien au-dessus, et toute de la foi. Je supplie Notre Seigneur de vous garder de cette méprise et de vous faire la grâce de l'adorer continuellement sous la conduite de la foi tant que vous serez en la terre...

Avis…pour la conduite des novices… [1672]

[1672] Avis de la vénérable Mère Madeleine de S. Joseph, pour la conduite des novices, Paris, de l’Imprimerie d’Antoine Vitré, 1672, 1-74 suivi de Petite Instruction que la V. Mère Madeleine de Saint Joseph, étant Maîtresse des Novices, donna par écrit à quelques unes d’entre elles, pour leur apprendre à faire l’Oraison, 1-5. =Doc9

On a fait un choix indiqué par ** dans la transcription intégrale par s.Thérèse des Avis. On omet la Petite Instruction qui suit.

notre courte saisie :

Avis que notre bienheureuse Mère Madeleine de Saint-Joseph a donné… ms. XVIIe siècle référencé dans “ Vives flammes ”, 1987, 168.

(38)…quoique je nomme ici toutes ces parties de l’oraison et que j’ai dit qu’il soit bon de les faire observer aux jeunes âmes, je n’entends pas pourtant qu’elles s’en servent toujours, si l’on voit qu’elles puissent être occupées d’une seule … tout ce que nous cherchons en cela … est pour éviter l’inutilité dans laquelle plusieurs esprits pourraient être (39) n’ayant pas suffisemment de quoi s’occuper. Mais pour celles qui peuvent facilement s’appliquer à Dieu, il ne faut pas les obliger à cela : car ce serait une grande contrainte et les gêner par trop, et l’on pourrait même, en les assujetissant à cette manière d’oraison les tirer de l’application que Dieu leur donnerait, pour les faire passer en d’autres, où elles ne feraient que se divertir, ayant plus de soin de suivre toutes ces parties les unes après les autres, que de se rendre dans les choses auxquelles sa DivineMajesté les attire, etce serait les faire reculer au lieu de les faire avancer. …

(préparation : se mettre en présence de la Majesté Divine - considération : ‘(42) tant de livres qui en traitent … je dirai seulement qu’il faut bien se souvenir qu l’Oraison est beaucoup plus l’ouvrage de la grâce que celui de la nature’ - l’action de grâces : ‘(43) émouvoir la volonté à adorer Dieu, à l’aimer et à aimer les choses qu’Il nous commande’)

transcription par s. Thérèse des Avis :

AVIS de la vénérable mère MADELEINE

DE S. JOSEPH, POUR LA CONDUITE des novices

Paris 1672

Il ne se peut dire de quelle importance il est que les âmes soient bien élevées dès leur commencement. Pour cela il est nécessaire d'en avoir un très grand soin et de tâcher d'y former et reformer jusqu'aux plus petites choses et il faut veiller sur tous les traits de la nature corrompue pour les effacer et pour y mettre à leur place ceux de la grâce et des vertus.

Quand elles entrent dans le Monastère, si ce sont des personnes qui sortent du grand monde et de la vanité, il faut travailler à le leur faire oublier et à leur en donner de l'horreur parce que pour peu qu'il leur en reste, soit en paroles, soit en façons ou en affections, il est fort dommageable dans la Religion. J'ai trouvé que ces paroles de Notre Seigneur les touchaient fort : Je ne suis point pour le monde mais pour ceux que vous m'avez donnés (Jean 17, 9). Et

celles-ci :: Le monde les a haïs parce qu'ils ne sont pas du monde, comme aussi je ne suis point du monde (id, 14).

J'ai trouvé utile de les accoutumer doucement dès les premiers jours à toutes les choses de la Religion parce que lorsqu'elles viennent elles sont préparées à observer tout ce qui se garde ici, ne croyant qu'il y ait lieu de faire autrement; et si on les laissait pendant quelques jours parler et faire toutes leurs volontés, on aurait après bien plus de peine à les accoutumer à notre sorte de vie. Mais j'entends ceci pour le silence, la modestie, la régularité et l'assujettissement car pour les austérités corporelles, il faut considérer la manière dont les personnes ont été nourries afin de les faire passer plus doucement à celle dont on vit ici.

*Il faut bien employer leur ferveur quand elles en ont. Et si elle sont froides et peu courageuses, il faut essayer de les émouvoir, leur parlant souvent en particulier et quelques fois en commun, et tâchant de leur faire voir et goûter quelque chose des grands avantages qui sont renfermés dans la liaison intérieure de l'âme avec Dieu, de leur en donner envie et de les rendre fort affectionnées à la grâce : car après qu'elles y ont fait quelque progrès, on tire de là tout ce qui est nécessaire pour la pratique des vertus.

Peu après qu'elles sont entrées, il leur faut faire lire une fois le Catéchisme du cardinal Bellarmin et prendre garde qu'elles soient suffisamment instruites de ce qui est de la foi et, si elles ne les sont pas, il les faut en instruire très soigneusement.

Il faut s'enquérir si elles ont été confirmées. Si elles ne l'ont pas été, il les faut faire confirmer et s'appliquer auparavant à leur faire bien entendre la vertu de ce sacrement et à les faire disposer avec beaucoup de soin à le recevoir;

*Il faut les élever dès le commencement à la dévotion et à l'amour de la personne Sainte du Fils de Dieu et de ses Mystères, leur en parler souvent et leur représenter comme c'est l'objet que le Père Eternel nous a donner pour le regarder, pour l'aimer, pour l'adorer et pour nous y conformer en toutes choses. Il les faut porter à élever souvent leur esprit à lui, soit par quelques Actes d'Adoration envers sa Personne Sainte, soit en unissant leurs actions à ses actions, leurs paroles à ses paroles, leurs pensées à ses pensées et à leur montrer jusqu'aux plus petites choses comme elles les doivent toutes faire avec quelque regard envers lui : car il n'y a rien qui soit plus utile aux âmes religieuses (autant que je le puis connaître) que de les porter beaucoup à regarder et à imiter vraiment, et par oeuvres, les exemples et les actions du Fils de Dieu qui est la voie qui nous conduit à son Père et la porte par laquelle nous entrons dans la vie éternelle. (Jn 14, 6 ; 10,9)

Mais encore que l'on doive avoir un très grand soin de les porter généralement à tout ce qui est du Fils de Dieu et à faire qu'elles y ouvrent leurs âmes pour en recevoir les effets, comme pour l'ordinaire il y a quelque chose de sa Personne Sainte et de ses Mystères à quoi il les attire plus particulièrement, on doit aussi prendre un soin particulier de les faire suivre son attrait.

Entre les Mystères du Fils de Dieu, un de ceux dont on doit parler des premiers, et le plus souvent aux Novices, c'est celui de sa sainte Enfance; et il les faut beaucoup porter à u grand amour et application à cette vie commençante de Notre Seigneur et à le prendre dans cet état pour Maître et pour modèle des Vertus auxquelles elles doivent travailler : à la douceur, à l'humilité, à la simplicité et particulièrement à l'assujettissement dans lequel elles doivent vivre et par lequel elles doivent honorer et imiter celui que le même Fils de Dieu a rendu dans cet humble état, non seulement à son Père mais encore à sa Sainte Mère et à son Bienheureux Epoux Saint Joseph (Luc 2,51).

Ensuite, il faut les porter à honorer fort particulièrement la Sainte Vierge dans le même état de son Enfance, leur parlant des Vertus qu'elle y a pratiquées en particulier de sa retraite, de son recueillement, de sa modestie, de son silence et de son humilité; comme aussi à recourir à cette vie commençante de la Vierge afin d'en recevoir grâce pour honorer plus parfaitement celle de son Fils et ensuite pour commencer elles-mêmes la vie sainte et parfaite à laquelle elles sont appelées.

Il faut aussi leur apprendre à être fort soigneuses d'honorer la Vierge dans tous ses états et dans tout ce qu'elle est : la regardant premièrement comme Mère de Dieu, puis comme notre Mère et notre Patronne. Après ce que nous devons rendre à Notre Seigneur Jésus-Christ, notre plus grande application doit être envers Elle, et il nous faut souvenir que, comme la plus grande joie de la Mère de Dieu, c'est de voir son Fils parfaitement honoré de toute créature, c'est aussi l'un des plus grands plaisirs que l'on puisse faire à Notre Seigneur Jésus-Christ que d'honorer sa Sainte Mère.

Il faut avoir grand soin de leur faire entendre les fins de notre Institution qui sont de prier pour l'Eglise, pour la conversion des Hérétiques et pour ceux qui s'emploient à y travailler, à quoi elles doivent joindre, comme notre Mère Sainte Thérèse nous le recommande aussi, les Princes et ceux qui gouvernent les Etats (dont la bonne ou mauvaise conduite est si importante à la gloire de Dieu et au bien de tant d'âmes), les Bienfaiteurs et les autres sujets que la charité et notre Profession nous obligent à recommander à Dieu

Et tous les soirs, après Complies, il faut dire un Veni Creator pour ceux qui se sont recommandés aux prières du Monastère dans la journée et un Sub tuum praesidium ou un Sancta Maria pour toutes les personnes qui sont à l'agonie et qui doivent mourir la nuit.

Quand elles auront été quelque temps dans la Maison, il sera bon de leur enseigner en perfection ce qui est des Cérémonies tant pour ce qui regarde le choeur que pour les humiliations et autres choses extérieures qui s'observent parmi Nous, leur ouvrant l'esprit, et les portant à faire usage de la grâce intérieure que Dieu leur donne pour s'appliquer à cela afin que joignant l'un à l'autre, l'action serve à leur accroître la présence de Dieu et la présence de Dieu leur fasse accomplir l'action avec perfection parce qu'il semble qu'il soit pénible aux âmes intérieures de leur parler de quelque chose que ce soit si l'on ne leur montre, dans cela même, la vertu intérieure.

Il faut leur parler aux Fêtes principales au Noviciat leur donnant à entendre les mystères que l'Eglise célèbre en ces jours-là.

Il faut en leur parlant essayer de leur donner une grande estime des dévotions de l'Eglise, leur faisant bien entendre que ce sont les principales, les plus saintes et les plus solides puisqu'elles lui sont inspirées par l'Esprit de Dieu qui la régit en toutes choses. Il les faut beaucoup porter à les prendre dans les Fêtes qu'elle nous propose pour honorer les Mystères de Notre Seigneur Jésus-Christ, laissant leurs propres pensées sur ces sujets-là pour suivre celles d'une Mère si sainte et si éclairée.

Il faut essayer de leur donner du désir et de l'estime de la solitude et du silence dont nous faisons profession particulière dans cet Ordre, leur faisant connaître les grands avantages qui s'y trouvent, et les accoutumer peu à peu à notre manière de vie et de retraite intérieure avec Dieu à laquelle notre Mère Sainte Thérèse nous exhorte si souvent dans ses Livres.

Dès qu'elles entrent il faut prendre un grand soin de leur faire estimer toutes les choses qui s'observent dans la vie religieuse, leur montrant qu'encore qu'elles soient petites en apparence, elles sont néanmoins très grandes en effet parce qu'elles ont été établies par des Saints et des Saintes qui ont reçu l'esprit de Dieu pour nous donner nos Règles et parce que jusqu'à la moindre petite action, tout s'y fait pour Dieu, qu'ainsi elles n'en doivent négliger aucunes mais les honorer toutes et se rendre fort soigneuses et exactes à les observer. Et comme le Noviciat doit être tout dédié à l'Enfance de Notre Seigneur Jésus-Christ, il faut élever leur esprit à lui et faire qu'en s'assujettissant à tous ces petits règlements, elles le fassent par hommage à l'assujettissement parfait qu'il a rendu à sa très sainte Mère et à S. Joseph, dans cet humble état de son Enfance.

**Une des choses que je trouve plus importantes à faire dans les âmes dès le commencement, c'est de prendre un grand soin de voir ce que Dieu fait en elles et à quoi il les tire parce qu'il conduit les unes d'une façon et les autres d'une autre, et l'on doit suivre exactement ce qu'il fait sans les en détourner. Il faut cultiver la grâce peu à peu dans ces jeunes âmes se servant de leur application vers le Fils de Dieu et des autres choses dans lesquelles elles peuvent être, pour les former en la vie intérieure et parfaite, y faisant un jour une chose et l'autre une autre, et cela selon que l'on voit qu'elles le peuvent porter, usant de grande prudence et de grande adresse pour les conduire doucement dans ce que Dieu demande de chacune : car quelques fois pour trop surcharger une âme, on la recule de bien loin. C'est un grand secret que doivent apprendre celles que Dieu a choisies pour cet emploi que la nécessité qu'elles ont d'attendre avec patience, le temps ordonné de sa Divine Majesté pour faire ses oeuvres dans les âmes : car alors on fait plus en un jour que l'on aurait fait en beaucoup d'années, et cela, je l'ai vu par expérience en plusieurs. Ce n'est pas qu'il n'y faille toujours faire quelque chose, car les âmes commençantes ont besoin qu'on s'applique beaucoup à elles, qu'on leur fasse estimer le prix de la vertu et aimer le joug de Jésus-Christ en leur faisant voir combien c'est chose grande et excellente que de vivre de sa vie, d'appartenir à ses Mystères, de participer à ses travaux et à sa Croix. Mais je dis que lorsqu'on ne voit pas en elles le progrès en toutes ces choses que l'on y pourrait désirer, il ne faut pour cela s'étonner ni faire violence aux âmes pour les contraindre d'entrer dans les dispositions où nous croyons qu'elles devraient être, quoique nous le fissions par grand zèle ce nous semblerait : car cette manière est fort peu utile. Les âmes sont à Dieu ; il les lui faut commettre incessamment et nous souvenir que c'est de lui et non pas de nous et de nos forces que dépend leur avancement. Voyez avec quelle patience le Fils de Dieu supportait les faiblesses et les défauts des hommes, ne se lassant point de voir, même ses Apôtres qui étaient instruits en son école, manquer tantôt en la Foi, tantôt en la Charité et ainsi dans les autres Vertus. Ce qui nous est un merveilleux exemple de patience et nous doit apprendre à la pratiquer envers les âmes, faisant avec douceur ce qui nous est possible pour les faire entrer dans les Vertus en attendant qu'il plaise à Dieu donner bénédiction à nos travaux et les établir parfaitement dans la grâce de leur vocation.

**Il me semble que la manière dont on doit parler aux âmes n'est pas de beaucoup d'étendre à les entretenir sur leur voie. Je trouve que l'on y perd le temps et même que cela ne fait que les divertir et les détourner de la simplicité et droiture dans laquelle elles doivent aller à Dieu et les remplir davantage d'elles-mêmes. Le besoin principal des âmes n'est pas qu'on leur donne lumière dans leurs dispositions mais qu'on leur enseigne à entrer vraiment dans la force, dans la fidélité et dans l'usage parfait qu'elles doivent rendre au Fils de Dieu dans tout ce qu'elles ont.

**Lorsqu'on voit que Dieu donne quelquefois des grâces extraordinaires à des âmes qui ne font que d'entrer à son service, ou bien qui n'ont pas fait grand progrès dans la perfection, il ne faut pas pour cela s'en étonner puisque nous ne devons chercher la raison des effets de la bonté de Dieu que dans sa même bonté envers sa Créature. Il me semble que nous pouvons appliquer à ces âmes-là, ces paroles du Fils de Dieu, et même leur conseiller de les dire : Ita Pater, quoniam sic placitum fuit ante te (Mt 11,26). Ces visites de Dieu leur doivent servir à entrer dans une grande humiliation et confusion, voyant la bonté et la libéralité de Notre Seigneur qui donne même à ceux qui ne sont pas disposés à recevoir, et cela leur doit faire entreprendre avec grand courage le travail de la Vertu. Et si ces dons de Dieu ne produisent en elles ces effets, elles n'en peuvent pas attendre la continuation.

Il faut apprendre aux Novices dès leur commencement, la pratique d'une vertu solide et d'une grande mortification de leurs sens, car sans cela, il n'y a pas grands sujet d'estimer toutes les plus grandes et les plus hautes élévations dans lesquelles elles pourraient quelques fois paraître, parce qu'aucun édifice spirituel ne saurait être solide s'il n'est fondé dans une véritable et constante vertu, et particulièrement dans un continuel renoncement de soi-même, comme il nous parait dans les instructions que le Fils de Dieu nous a données sur ce sujet dans l'Evangile.

Il leur faut montrer qu'elles doivent porter beaucoup de respect à toutes leurs Soeurs, et particulièrement aux Professes, et qu'elles se doivent bien garder de juger de leurs actions.

Il leur faut apprendre à parler humblement et bassement de leurs dispositions, sans aller chercher des termes extraordinaires pour cela; et si l'on voit qu'elles en usent quelques fois, il faut essayer de leur ôter doucement cette manière, parce qu'elle n'est pas conforme à celle que les Saints ont tenu pour parler des choses grandes que Dieu faisait en eux et ainsi les accoutumer dès leurs commencements à dire simplement et naïvement ce qu'elles ont, nommant les choses par leur nom sans y faire aucune autre façon.

Il faut faire voir qu'elles doivent dire tout ce qui est en elles soit tentations, ou sentiments excessifs de penne, ou de consolation, de dérèglement ou d'imperfection, bref qu'elles ne doivent rien avoir qu'elles cachent volontairement, étant nécessaire qu'une âme soit toute ouverte à celle qui la conduit et qu'une Carmélite porte son âme dans sa main.

Il faut aussi leur faire observer cet article des Constitutions qui ordonne aux Novices de dire à celle qui a soin d'elle, toutes leurs nécessités.

Il est nécessaire de prendre bien garde qu'elles ne disent jamais aucune parole légère car l'esprit de Dieu est sérieux et il faut des Ames sérieuses pour le recevoir et pour le conserver. L'esprit malin tâche continuellement de mettre les âmes en légèreté et c'est un des principaux moyens dont il se sert pour dissiper la grâce en elles. C'est pourquoi il faut prendre grand soin qu'elles parlent toujours vertueusement et les accoutumer doucement à faire profit de tout sans se laisser divertir par les choses qu'elles voient. Mais particulièrement il ne faut point souffrir qu'elles disent jamais aucune parole qui sente la moquerie ou la raillerie, pour peu que ce soit.

Il faut prendre un très grand soin d'empêcher qu'elles ne se communiquent jamais les unes aux autres leurs tentations et leurs sentiments imparfaits car cela leur ferait un grand tort parce que notre nature nous incline bien davantage au mal qu'au bien que nous voyons dans les autres, et aussi l'esprit malin qui connaît bien ce défaut, ne vient pas ordinairement dans une âme pour elle seule mais avec dessein de nuire encore par son moyen à plusieurs autres.

Il faut aussi leur enseigner qu'elles ne doivent pas du tout faire paraître leurs inclinations naturelles comme qu'une religieuse leur plaît davantage qu'une autre, qu'elles aimeraient mieux être en ce lieu ici qu'en celui-là, ou être employées à une chose qu'à une autre. Mais qu'elles doivent toujours paraître et être en effet dans une entière indifférence, sans choix, sans retour et sans réplique à tout ce qu'on voudra faire d'elles. Et s'il leur vient quelque sentiment contraire à cette disposition, elles doivent beaucoup s'en humilier et prendre bien garde de n'en témoigner à personne, excepté à celle qui a soin de leur conduite, à qui elles ne doivent rien cacher.

On doit se souvenir qu'une Religieuse devant être une âme parfaite, il faut y travailler beaucoup et voir comme elle fait toutes choses, soit intérieures, soit extérieures, d'obligation ou de perfection, n'oubliant rien de ce que Dieu nous fait voir que nous y devons faire : car la négligence se coule facilement dans les esprits si l'on ne les veille de près.

Il faut traiter les jeunes âmes avec beaucoup de douceur et de charité et leur témoigner quelquefois de la satisfaction de ce qu'elles font pour les encourager davantage au travail de la vertu particulièrement celles que l'on voit qui ont l'esprit timide et craintif.

J'ai trouvé qu'il leur nuisait de les louer les unes aux autres et que cela y mettait quelques petites envies.

Il les faut peu reprendre aux récréations de petites fautes qu'elles y peuvent faire, car pour les grandes on ne les doit pas laisser passer, mais pour des choses légères, il vaut beaucoup mieux les laisser écouler sans leur en rien faire paraître, attendant au Noviciat à leur en parler, parce que, comme elles y viennent avec disposition de dire leurs fautes et qu'on les en avertisse, et que pour l'ordinaire Dieu donne grâce et quelque sentiment de respect particulier aux âmes pour recevoir ce qui leur est dit en ce lieu-là, elles y prennent tout d'une autre façon les représentions qu'on leur fait et elles en tirent un bien plus grand profit qu'elles ne le feraient ailleurs.

Celles que l'on peut rabaisser en entrant en religion jusqu'à leur apprendre comme à des enfants les premiers principes des Vertus, profitent beaucoup dans l'esprit de simplicité et d'humilité religieuse, mais c'est ce que l'on ne peut et que l'on ne doit pas f&ire dans toute âme car il y en a telle, qui venant se donner au service de Dieu et ayant déjà fait quelque progrès dans la Vertu, soit par connaissance, soit par pratique, aurait bien de la peine à être remise à tout recommencer. C'est pourquoi je dis sur ce sujet, comme je l'ai souvent dit sur plusieurs autres, qu'il ne faut pas faire dans toute âme une même chose et qu'on ne le doit pas, car ce qui est bon et utile aux unes, ne l'est pas aux autres et par les mêmes choses par lesquelles plusieurs s'avancent, d'autres reculent. L'expérience nous l'apprend tous les jours et nous fait voir qu'il faut une grande sapience de Dieu pour la conduite des âmes et que c'est une chose fort importante que de faire dans chacune ce qui est nécessaire.

Il faut remarquer qu'il y a des esprits vertueux et portés au bien mais peu intelligents et où l'on ne trouve presque rien à faire pour les choses intérieures. A celles-là, il me semble nécessaire de leur parler souvent - et dès le commencement - d'une très exacte observation De la Règle afin de tâcher que si elles n'arrivent pas à l'un, elles excellent en l'autre.

Il faut leur apprendre dès le commencement à porter les petites peines et indispositions d'esprit qu'elles peuvent avoir dans une grande force et tâcher qu'elles s'y accoutument de bonne heure, car après elles ont bien muons de peine que lorsque elles se sont accoutumées à les porter faiblement et imparfaitement. Et c'est pourquoi il est très nécessaire de leur parler souvent de la grande fidélité que les âmes de Dieu sont obligées de rendre à sa Divine Majesté dans leurs épreuves, ne se laissant jamais aller à en faire paraître aucune chose, ni en leurs paroles, ni en leur visage, ni en leurs actions, mais étant toujours égales et toujours vertueuses quoiqu'il leur arrive. Ce point ici est fort important, car souvent les âmes croient qu'elles ne peuvent se rendre à Dieu et à la vertu dans leurs peines, ce qui est très faux, la grâce de Jésus-Christ leur étant toujours présentée pour leur donner la force qui leur est nécessaire, pour accomplir parfaitement les choses qu'il demande d'elles. Et ainsi il faut leur faire voir qu'elles peuvent beaucoup plus qu'elles ne pensent, n'y ayant rien d'impossible à une âme de Dieu pourvu qu'elle soit fidèle à recourir à lui humblement en toutes ses nécessités. Voyez ce que dit S. Paul : "Je puis toutes choses en celui qui me conforte" (Ph 4, 13).

De la Communion .

Il est bon, ce me semble, qu'elles ne Communient pas si souvent au commencement car quand on les en retient, cela augmente leur ferveur et le désir de travailler à se rendre dignes d'approcher du Fils de Dieu dans le Saint Sacrement, et il me semble aussi qu'il est nécessaire de leur parler beaucoup, je dis à celles qui commencent, et à celles qui sont plus avancées, de l'obligation qu'elles ont, Communiant si souvent, de vivre d'une vie sainte, d'une vie parfaite et qui adore et imite celle de Notre Seigneur Jésus-Christ, leur faisant voir que ce sont les effets que doit produire en elles cette Divine Viande, qu'elles doivent recevoir avec grande disposition et préparation. Il faut bien prendre garde que la fréquentation ne diminue point en elles la ferveur et qu'il ne s'y glisse point de la négligence, c'est pourquoi il est besoin de leur faire beaucoup peser l'importance de se bien disposer à recevoir le Fils de Dieu : car pour l'ordinaire les âmes désirent assez de Communier, mais fort peu travaillent à ce qui est nécessaire pour le faire comme il faut.

Je pense qu'il serait bon que celles qui sentiront quelque froideur aux jours ordonnés pour Communier, demandent si elles le doivent faire dans cette disposition afin de leur faire voir combien il importe de faire cette grande action avec ferveur et désir du Fils de Dieu. Car il est vrai qu'il n'y a rien qui puisse être si profitable que le très Saint Sacrement aux âmes qui en font bon usage et je pense que dans celles-là le Fils de Dieu y venant, renouvellerait chaque jour la vie de l'âme et lui enseignerait la voie et la vérité que lui seul peut apprendre et la conduirait jusqu'à être crucifiée avec lui : à quoi il semble que par tant de manières et de voies, il attire les âmes.

Il faut que le jours qu'elles Communient, elles soient beaucoup plis recueillies que les autres et il faut recommander cela particulièrement aux Soeurs Laies et prendre garde qu'elles l'observent parce que leur condition les obligeant à tant d'action, il est nécessaire qu'elles prennent encore plus de soin de se recueillir que les autres.

De l'Oraison .

Pour ce qui est de l'Oraison, il faut essayer de connaître les conditions de leur esprit et s'enquérir de leur vie passée, et si ce sont des personnes qui aient été fort du monde, il les faut tenir quelque temps à la connaissance de l'énormité du péché, leur faisant regretter leurs fautes passées et faire avec grand soin une Confession générale, s'il en est besoin.

Après qu'elles auront suffisamment arrêté sur leurs plus grosses fautes, il les faut conduire à l'horreur de tout péché, pour petit qu'il soit, et puis de toute imperfection et ensuite de cela, il faut leur donner lumière et désir autant qu'on le peut de la perfection, leur exagérant beaucoup sa beauté, sa grandeur, ses richesses et la gloire qui la doit suivre, particulièrement si ce sont des esprits capables de ses connaissances. Que si ce sont des âmes qui aient déjà quelque commencement, il leur faut faire seulement renouveler le désir de cette perfection prenant sujet sur leur changement de vie en un état plus parfait et il faut avoir grand soin de ceci.

**Selon le temps que l'on verra à propos et les conditions des esprits, on les pourra tenir quelque temps en la considération des bénéfices reçus de Dieu, tant généraux que particuliers, et puis les arrêter aux mystères de la Passion et il faut pour celles qui sont toutes nouvelles, leur ordonner de lire tous les jours ce qu'elles doivent méditer et leur enseigner à observer les parties, la préparation, la considération, les actions de grâces, les offres et demandes et il leur faut parler de toutes ce s choses l'une après l'autre et les leur faire faire afin de tenir leurs esprits occupés pendant le temps de l'Oraison, car autrement les âmes qui ne viennent que de sortir du monde demeureraient en grande inutilité devant Dieu. Néanmoins quoique je nomme ici toutes ces parties de l'Oraison et que j'ai dit qu'il soit bon de les faire observer aux jeunes âmes, je n'entends pas pourtant qu'elles s'en servent toujours, si l'on voit qu'elles peuvent être occupées d'une seule, ou de deux plus ou moins, pendant le temps qu'elles emploient à faire Oraison. Car tout ce que nous cherchons en cela, et que nous devons essayer de faire, est d'éviter l'inutilité dans laquelle plusieurs esprits pourraient être, n'ayant pas suffisamment de quoi s'occuper. Mais pour celles qui peuvent facilement s'appliquer à Dieu, il ne faut pas les obliger à cela, car ce serait une grande contrainte et les gêner par trop et l'on pourrait même, en les assujettissant à cette manière d'Oraison, les tirer de l'application que Dieu leur donnerait pour les faire passer en d'autres où elles ne feraient que se divertir, ayant plus de soin de suivre toutes ces parties les unes après les autres, que de se rendre dans les choses auxquelles sa Divine majesté les attire, et ce serait les faire reculer au lieu de les faire avancer. C'est pourquoi il faut voir avec prudence ce qui est propre à chacune et s'y conduire selon ce que l'on en découvre. Il est bon néanmoins qu'elles sachent toutes ces parties d'Oraison, quoi quelles ne les suivent pas toujours et il leur faut apprendre ce que l'on doit faire en chacune parce qu'elles peuvent être occupées une fois sur l'une, une fois sur l'autre.

La première partie, qui est la préparation, est, comme chacun sait, pour se mettre en la présence de Dieu et il leur faut beaucoup parler du grand respect, de la grande révérence et du profond abaissement dans lequel elles doivent être en la présence de celui devant qui les Anges tremblent. Car comme la plus grand partie de notre vie se doit passer au choeur à parler à Dieu, soit en récitant l'Office, soit en faisant l'Oraison, il faut que nous sachions en quelle manière nous devons approcher de lui en ce saint exercice, et il est d'une importance qui ne se peut dire, d'apprendre aux Novices dès leur commencement, ce qu'elles ont à faire lorsqu'elles vont communiquer avec sa Divine Majesté qui est l'occupation la plus grande et la plus sainte, sans nulle comparaison, qu'elles puissent avoir. Il leur faut enseigner qu'elles doivent bien se souvenir de traiter toujours avec Dieu dans une humilité la plus profonde qu'il leur est possible, qu'elles doivent se regarder comme un néant devant celui qui est, par essence, la grandeur infinie et comme des pécheresses devant celui qui est la Sainteté même. Voyez ce que dit Abraham : "Je parlerai à Monseigneur quoique je ne sois que poudre et cendre" (Gen 18,27) et ce que l'Ecriture dit des plus hauts Séraphins qui semblent être tous honteux de paraître devant cette Majesté suprême et qui ne font autre chose que de confesser sans cesse sa Sainteté dans un profond respect. (Is 6,2) Or il serait bien injuste que de pauvres créatures viles et pleines de souillures et de crimes comme nous sommes, fissent un si mauvais usage de la grâce qu'elles ont d'approcher si souvent de Dieu, que de s'en servir pour le faire avec moins de soin et d'application. C'est pourquoi celles qui sont chargées d'instruire les Novices, doivent extrêmement prendre garde à ce point qui est essentiel et fondamental parce que notre misère est telle que peu à peu, lorsque les choses nous sont ordinaires, quoique très grandes, nous les négligeons et les faisons presque sans y penser.

**Pour la seconde partie qui est la considération, et un discours de l'entendement sur les sujet que l'on a pris pour s'occuper pendant l'Oraison, il y a tant de livres qui en traitent, et si amplement, qu'il n'est pas besoin d'en parler ici. Je dirai seulement qu'il faut bien se souvenir que l'Oraison est beaucoup plus l'ouvrage de la grâce que celui de la nature, que comme il faut prendre un grand soin d'éviter l'oisiveté, il n'en faut pas avoir moins de retrancher les trop grandes activités et empressements de son esprit afin de ne pas empêcher par ses propres opérations celles de Dieu et enfin que dans ce saint exercice, l'âme doit encore beaucoup plus écouter Dieu qu'elle ne lui doit parler.

** La troisième qui est l'action de grâces et les deux autres qui sont les offres et les demandes, appartiennent à la volonté, comme l'on sait bien aussi, car l'esprit ne s'applique à la considération que pour émouvoir la volonté à adorer Dieu, à l'aimer et à aimer les choses qu'ils nous commande, à haïr ce qu'il nous défend et autres choses semblables. Et quand en l'Oraison, la volonté est occupée à l'une de ces chiasses, elle ne doit pas passer à une autre tant que cette occupation durera. Enfin je dis que je ne prétends en aucune façon obliger personne à suivre toutes ces parties d'Oraison, et qu'il n'est nullement nécessaire, sinon en cas que l'on perdit le temps en faisant autrement. Et je redis encore que l'on ne peut donner de règle générale sur ce sujet mais que la meilleure manière d'Oraison et la plus utile est celle qui nous fait davantage entrer par oeuvre dans l'imitation des Vertus de Notre Seigneur Jésus-Christ. Voyez la pensée d'Avila sur ce sujet; il dit que celui qui s'humilie le plus et qui gémit le plus, demandant miséricorde à Dieu, est le plus savant en l'Oraison et non pas celui qui en sait beaucoup de règles. Je ne m'étends pas à expliquer ces Actes parce qu'on peut les voir dans les Auteurs qui ont écrit de l'Oraison, Arias et les autres.

La Passion est le sujet le plus ordinaire dont on se sert pour l'Oraison et il me semble qu'il est aussi le plus utile pour nous porter à l'amour et à l'imitation du Fils de Dieu. Néanmoins comme toutes les âmes ne peuvent pas être appliquées à une même chose, elles peuvent prendre ce qui leur donnera le plus de dévotion et pourvu que ce soit ou des Mystères de Jésus-Christ ou de ses Miracles, ou de ses paroles, ou de ses actions, de ses perfections et autres choses semblables, tout cela est fort bon et il n'y a qu'à suivre l'application que Dieu leur donne là-dessus. Car nous ne pouvons rien faire qui soit plus agréable au Père Eternel que de nous occuper à regarder, à aimer et à écouter son Fils comme lui-même nous l'ordonne, et que d'employer tout ce que nous pouvons et tout ce que nous sommes, en nature et en grâce, à lui rendre de continuels hommages. C'est pour cela que nous sommes créés, c'est à quoi nous oblige la grâce du Christianisme et de plus nous avons une double obligation en cet Ordre où nous avons l'honneur d'être Filles de la Vierge, car la Vierge étant tout ce qu'elle est par rapport à Notre Seigneur Jésus-Christ, et toutes ses grandeurs étant fondées sur sa qualité de Mère de Dieu, celles qui ont l'honneur d'être ses Filles doivent avoir une dévotion toute particulière à son Fils.

En ce même temps qu'on leur parle de l'Oraison et qu'on leur apprend à la faire, on doit aussi leur enseigner la pratique de quelques vertus, et ceci avec grand soin, en leur parlant souvent, et usant de termes enflammés, pour essayer d'émouvoir leur volonté et de leur en donner beaucoup de désir. Il me semble qu'il est bon de s'arrêter plus particulièrement sur celles-ci.

La première sera l'humilité qui est le fondement de toutes les autres et celle par laquelle chaque âme doit commencer pour faire un grand progrès dans la vie intérieure et parfaite. Voyez l'exemple que nous en donne Notre Seigneur Jésus-Christ : sa venue au monde n'est qu'humilité, toute sa vie, toutes ses actions nous enseignent cette grande vertu, ses paroles nous l'ont toujours prêchée et il semble que ses inspirations en nos coeurs nous la demandent sans cesse. C'est cette grande vertu qui nous rend semblable à lui, qui nous dit dans l'Evangile :"Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur" (Mat 11,29). C'est pour quoi il est nécessaire de prendre un grand soin d'y établir vraiment et profondément les Novices, leur montrant que la vraie grandeur en la terre ne se trouve que dans l'humilité. Une âme vraiment humble est toujours retirée au Fils de Dieu en toutes ses actions et, ne voyant rien en elle, va sans cesse à lui comme à sa seule élévation et à sa seule grandeur. Et lui arrive-t-il une occasion de trouble et de renversement au lieu de se divertir à regarder d'où cela peut venir et qui en est la cause, aussitôt elle s'élève à lui et le regarde comme son principe, sa source, le seul nécessaire, comme son soutien, son appui, sa force et sa fermeté. Ainsi l'âme humble est toujours paisible, tranquille, attentive à Dieu et à sa grâce et soumise à toute créature, car voyant qu'elle n'est rien, elle n'a garde d'avoir peine de se soumettre aux autres et de se rendre à leurs pensées et à leurs sentiments. Tant s'en faut, elle le fait avec joie et avec grande facilité, de sorte que dans une âme humble l'on y met tout ce que l'on veut sans y trouver aucune résistance et c'est la disposition où doit être une Novice. Ce qui oblige celles qui ont la charge de les élever d'avoir un très grand soin de les faire avancer de bonne heure dans une vraie humilité parce qu'il est nécessaire d'y mettre et d'en ôter plusieurs choses ce que l'on ne saurait faire si elles ne sont fort dociles, et elles ne le sauraient être et se rendre avec douceur à tout ce que l'on veut d'elles si elles ne sont profondément et solidement fondées dans cette vertu.

Cette disposition est la plus importante et la plus nécessaire aux âmes pour se préparer aux grâces que Notre Seigneur veut leur communiquer et elle ne consiste pas seulement en lumière mais dans les effets, dans un sincère aveu et confession devant Dieu de notre propre bassesse et indignité, dans le désir que nos imperfections soient connues et dans la joie d'être traitées selon ce que nous sommes par nous-mêmes, c'est à dire rien que néant et péché. Or cette vraie humilité doit retrancher en nous toutes les superfluités, les jugements, les curiosités, les paroles inutiles, les vanités, les légèretés et toutes les défectuosités de notre nature imparfaite.

La seconde vertu est l'obéissance qui a été si admirable en la personne de Notre Seigneur Jésus-Christ qu'il dit de lui même dans son Evangile qu'il n'est pas venu pour faire sa volonté mais la volonté de celui qui l'a envoyé (Jn 6,38) et qu'elle l'a enfin conduit à souffrir tant de tourments et jusqu'à mourir sur la Croix. Une âme obéissante est vraiment Fille de Dieu et toujours unie à lui, car, par l'obédience, il la possède et prend en elle son Divin plaisir. C'est pourquoi il faut apprendre aux Novices qu'il leur importe beaucoup, pour acquérir la perfection qu'elles sont venues chercher ici, de se rendre fort exactes en cette grande vertu.

Il leur apprendre à porter un très grana respect à leur Prieure, et à tout ce qui regarde la supériorité comme dérivant de la suprême autorité de Dieu et elles doivent être si fortement établies dans cette disposition que jamais (rien), quoique ce puisse être, ne soit capable de les en faire sortir. Il me semble que ce point ici est très important parce que le défaut de respect envers une Supérieure est cause que l'on fait peu d'estime de tout ce qu'elle dit et ainsi quand cela manque, elle aurait beau faire de belles Ordonnances, elles seraient sans doute bien mal observées.

Elles doivent aussi par ce même respect recevoir toujours fort sérieusement les choses que leur Supérieure leur ordonne de faire et non pas en riant, ce qui ne serait pas une petite imperfection à une Religieuse. Vous savez ce que dit Jésus-Christ dans l'Evangile : "Celui qui vous écoute, m'écoute et celui qui méprise, me méprise" (Luc 10,16). Ce sont ses propres termes; lesquels elles doivent avoir souvent en la mémoire afin que la force de ses sainte paroles les fasse entrer dans un profond respect, dans un assujettissement très grand et dans une simplicité parfaite au regard de l'obéissance, recevant ce que leur Supérieure leur ordonne comme si le Fils de Dieu le leur disait lui-même de sa propre bouche. Et à mon avis cette pensée, qui est une très grande vérité, leur peut servir beaucoup pour les rendre fort affectionnées et exactes à l'obéissance, c'est pour quoi je penserais qu'il serait bien utile de leur en parler souvent pour l'imprimer davantage dans leur esprit.

Il leur faut enseigner que, quand même ce qui leur serait ordonné par leur Supérieure leur paraîtrait impossible, elles ne devraient pas laisser de s'y rendre avec simplicité, leur faisant voir que la perfection de l'obéissance ne consiste pas à se soumettre seulement à ce qui est facile et que notre raison nous montre que nous devons faire, car en cela nous n'avons pas grand mérite, mais nous rendons beaucoup au Fils de Dieu, lorsque que nous captivons notre esprit et que nous l'assujettissons à croire que ce que nous voyons ne se pouvoir faire par nos propres forces, peut néanmoins être fait par obéissance. Voyez ce que dit notre Mère saint Thérèse au livre de ses Fondations (chap.1), qu'il lui est quelque fois arrivé d'ordonner sept ou huit choses contraires à une même Soeur et qu'elle s'en allait sans répliquer un mot, croyant qu'il lui était possible de les faire toutes. Et nous voyons ce qu'elle rapporte dans ces mêmes Fondations (chap. 15) que l'obéissance était si grande parmi les Religieuses de son temps, qu'il fallait que la Supérieure prit bien garde à ce qu'elle ordonnait parce qu'aussitôt, quoique ce fut, il était exécuté. Témoin cette Soeur qui s'alla jeter dans une mare d'eau quoique la sainte ne lui en eut parler qu'en riant. Or nous ne devons pas maintenant être moins exactes à l'obéissance qu'elles l'étaient alors, puisque nous sommes obligées à une même perfection.

Ainsi il faut que la Maîtresse des Novices travaille à les élever dans une grande simplicité à l'égard de cette vertu et à ne faire jamais aucun retour sur les choses qu'on leur ordonne mais à les exécuter dans le même temps et en la même façon qu'on leur dit.

Il me semble qu'il faut les tenir fort assujetties et qu'elles aient leurs exercices réglés sans qu'elles puissent rien laisser, changer ou diminuer, sans permission et qu'il est nécessaire de les accoutumer à cela de bonne heure parce qu'autrement on a bien de la peine ensuite à les faire rendre à cette manière d'agir si opposée à l'esprit humain qui cherche toujours à suivre sa raison, sa lumière et sa volonté en toutes choses.

Pour les perfectionner en cette vertu, il est bon quelque fois de les obliger à observer plusieurs petites choses, mais il se faut souvenir de ne les en pas trop charger et avoir soin de leur en ôter quand on voit que cela les inquiète ou quand elles l'ont suffisamment pratiqué et quand elles en ont retiré l'effet que l'on désirait, car autrement elles quittent ces choses par elles-mêmes et cela leur fait un grand tort.

Oh ! que j'aurais un grand désir que les âmes de cette Maison excellassent en l'obéissance et que l'on pût revoir en chacune d'elles, ce que l'on voyait autre fois en tant de grands Saints qui nous ont devancés et qui ont été éminents en cette vertu. Car enfin nous servons le même Dieu qu'eux et la même grâce qu'ils recevaient pour faire de si saintes oeuvres ne nous sera pas déniée si nous travaillons fidèlement pour nous disposer à la recevoir.

( Cet avis n'a pas été donné à la Mère Marie de Jésus mais à une autre) Il y a une chose que je trouve fort importante et dont je veux donner avis aux Maîtresses des Novices qui est qu'elles soient très soigneuses de les élever dans une grande liaison et amour envers leur Prieure car si elles n'y font pas attention, il arrive quelque fois qu'elles se lient tellement les âmes qu'il semble qu'elles ne connaissent point du tout leur Prieure et que quand la Prieure leur parle, si elle leur dit quelque chose qui ne soit pas conforme à ce que leur Maîtresse leur dit, elles pensent aussitôt qu'elle ne les entend pas et qu'elle n'a pas autant de grâce pour les conduire que leur Maîtresse. Or c'est une mauvaise manière de les élever et qui leur peut faire un très grand tort. Il est bon que la Maîtresse des Novices s'en fasse aimer parce que dans les âmes de Dieu l'on y fait beaucoup plus par l'amour que par la crainte, mais elle doit avoir grand soin qu'elles aient leur principale liaison et leur principal rapport à leur Prieure comme étant celle qui est leur Mère et que Dieu a principalement chargé d'elles et, si les autres y font quelque chose, ce ne doit être qu'en suivant ses pensées et ses avis. Pour cela il faut que la Maîtresse des Novices ait soin de lui rendre souvent compte de leurs dispositions afin de n'y rien faire que ce qu'elle jugera à propos et qu'elle doit bien savoir qu'elle n'est pas dans cette charge pour conduire les âmes à sa mode et selon ses inclinations mais selon ce que la Supérieure lui dit qu'elle doit faire.

Elle doit essayer de les rendre fort libres et familières avec leur Prieure mais d'une familiarité accompagnée de respect. J'entends qu'elle doit les porter, autant qu'elle peut, à avoir leur principal recours à elle dans leurs besoins autant que ses affaires et sa santé le lui permettront, car quoiqu'il soit vrai qu'elle travaille plus souvent que la Prieure dans ces jeunes âmes et qu'elle leur parle beaucoup davantage, elle doit néanmoins les élever en sorte qu'elles aient pour leur Prieure une entière ouverture de coeur et qu'elles soient toujours dans la disposition de lui en faire connaître tous les replis quand l'occasion s'en offrira. Si les Maîtresses des Novices se conduisent de cette façon, je crois que Dieu bénira leur travail et que les âmes profiteront beaucoup dans leurs mains.

Il faut que dans les Maisons de Dieu tout se fasse avec ordre. Or c'est l'ordre que chacun demeure en son lieu et ne passe pas plus outre. Et ainsi la Maîtresse des Novices étant seulement employée à cette charge par la Prieure qui peut choisir qui bon lui semble pour cela, il ne faut pas qu'elle se lie les âmes davantage que ce qui lui convient, c'est à dire qu'elle doit travailler à faire que la Prieure ait toujours le premier lieu dans leurs esprits et dans leurs coeurs et leur faire bien entendre que, s'il arrive que la Prieure leur dise quelque chose qui soit différente des instructions qu'elle leur aurait données, il faut qu'elles préfèrent les pensées et les avis de leur première Mère aux siens, car comme je l'ai déjà dit, il faut que chacun demeure en son lieu, autrement tout serait en désordre

La troisième vertu est la simplicité sur laquelle il faut s'arrêter fort particulièrement étant une vraie vertu des Novices qui ne doivent voir, entendre ni juger volontairement aucune chose que dans l'esprit qu'on leur donne, quelques commencements qu'elles eussent auparavant dans la vie spirituelle. Car puisqu'elles viennent à naître, il faut qu'elles soient comme des petits enfants qui n'ont point encore de jugement ni de raison pour se conduire par elles-mêmes, toutes innocentes, simples et petites, sans fiel ni amertume, plaisantes à Dieu et agréables même à celles qui les voient.

Mais il faut que les Maîtresses des Novices veillent sur une chose dont je leur donne avis, c'est qu'il y a des âmes qui prennent une certaine simplicité affectée qui n'est pas simplicité en effet parce qu'elles voient fort bien ce qu'elles font et ne manquent point d'y faire bien des retours. Or cette sorte de simplicité est aussi préjudiciable aux âmes que la vraie leur est utile et agréable à Dieu.

La simplicité est une vertu si nécessaire aux âmes commençantes dans la vie Religieuse que sans elle on ne peut espérer qu'elles arrivent jamais à la perfection où Dieu les appelle. Et d'ailleurs cette vertu est si difficile à acquérir et à conserver qu'il faut pour l'un et l'autre un très grand travail et une merveilleuse garde sur soi-même. C'est une vertu propre à l'état d'innocence et un des premier effet du péché a été de la faire perdre à nos premiers parents comme il paraît par ce que l'Ecriture nous rapporte de leur chute et de ce qui se passa ensuite (Gen 3,7 et s.)

La quatrième est la résignation qui est une autre grande vertu, toujours nécessaire à l'âme et de grand prix devant Dieu. Elle est toute intérieure et fait naître dans l'âme d'infinies perfections car autant de fois qu'une âme se résigne au divin plaisir, soit pour embrasser des travaux pour la gloire de Dieu, soit pour souffrir des mépris et des humiliations extérieures, soit enfin pour souffrir des peines intérieures comme des sécheresses, distractions, tentations ou de quelque autre sorte, autant de fois elle se rend plus proche de Dieu et change son vouloir au sien.

La cinquième est la patience qui est un habillement dont l'âme doit être toujours revêtue et qui accoise les impétuosités, les promptitudes et les mouvements déréglés qui rendent notre esprit instable et diverti et bien souvent plein d'aigreur, de troubles et séparé de Dieu. L'âme patiente est liée avec le Dieu de paix et a toujours le regard amoureux et paisible de son esprit ouvert à lui.

La sixième vertu est la mortification. Comme la vie religieuse ne doit être depuis son commencement jusqu'à sa fin qu'une continuelle pénitence et mortification, la Maîtresse des Novices doit avoir grand soin de leur apprendre à travailler par elles-mêmes et pour l'amour de Notre Seigneur Jésus-Christ, à vaincre leur nature en toutes choses et elle doit essayer de les rendre fort affectionnées à la pénitence, car il faut qu'une Religieuse abandonne entièrement son corps, ne l'écoutant point, ne s'en occupant point mais le faisant servir fidèlement à Dieu pour qui il est créé, quelque peine qu'il y ait. C'est à quoi il faut les accoutumer de bonne heure et leur en parler souvent parce qu'il est très important, je le redis encore, qu'une âme de Dieu soit dans un entier dégagement d'elle-même et dans la pratique d'une continuelle mortification à laquelle notre manière de vie austère nous oblige particulièrement

Comme c'est un ouvrage où il se rencontre de grandes difficultés, il est besoin qu'on les y encourage beaucoup leur montrant combien est grande la gloire dont sera récompensée un jour la fidélité qu'elles auront rendue au Fils de Dieu dans les petites occasions où elles auront remporté la victoire sur elles-mêmes et sur l'Esprit malin, et plusieurs autres choses semblables pour leur rendre le travail de la vertu facile et agréable. Mais surtout, il faut les porter à regarder le même Fils de Dieu dont la vie n'a été qu'une continuelle pénitence et à faire tout ce qu'elles font pour honorer tout ce qu'il a fait, unissant leurs actions à ses actions très saintes parce que c'est lui seul qui peut les rendre méritoires et agréables à son Père. Ce regard vers Notre Seigneur et cette union que nous devons avoir avec lui, donne un grande force aux âmes pour surmonter toutes les choses les plus difficiles et une grand ferveur pour travailler à l'imiter parfaitement. Et cette ferveur s'augmente ou diminue à proportion de l'application qu'elles ont à la personne Sainte du même Fils de Dieu. Car comme il est seul la voie et la vie de ses Elus (Jn 14,6 ; 15,5) et tout le soutien de sa créature, ce ne sera que dans lui et dans la conformité de leurs petites peines avec la grandeur de ses travaux et de ses souffrances, qu'elles trouveront cette force dont elles ont besoin pour soutenir le faix et la dureté des choses pénibles qu'il faut sans cesse porter dans cette vallée de larmes. Vous voyez aussi qu'il dit : "Venez à moi, vous tous qui êtes travaillés et chargés et je vous soulagerai" (Mat 11,28). Nous faisant voir par ces paroles combien nous devons recourir à lui dans toutes nos nécessités non seulement pour être soulagés dans nos travaux et dans nos peines (selon la vérité de sa parole), mais encore pour recevoir de sa Divine Majesté la grâce de les porter saintement et parfaitement, ce qu'une âme de Dieu doit sans doute estimer bien davantage. Car comme tout le bonheur de ses Elus et de ses serviteurs sur la terre, c'est de pâtir et d'endurer pour lui, leur plus grand désir doit être, non pas qu'il les décharge de leurs croix mais qu'il les aide à les porter, lui qui a daigné, par l'excès de son infinie charité pour nous, se revêtir de nos misères pour compatir à nos infirmités, selon ce que dit l'Apôtre. Ainsi, en faisant voir aux âmes qu'il a expérimenté en sa personne toutes les choses pénibles dont la vie de la créature par sa condition basse, infirme et misérable, est toujours accompagnée, il les faudra porter à aller à lui en toute confiance, le regardant comme leur modèle dans l'exercice continuel des pratiques de la pénitence Religieuse. Par exemple, ont-elles quelque difficulté à être tout le jour dans la solitude et dans le silence, qu'elles regardent Jésus-Christ dans le désert et dans la vie cachée et inconnue aux hommes l'espace de trente ans. Ont-elles de la peine à être privées de plusieurs choses que leur corps et leur nature imparfaite leur pourraient faire désirer, qu'elles se souviennent qu'il a dit que : "Les renards ont des tanières et que les oiseaux du ciel ont des nids, mais que le Fils de l'Homme n'a pas où reposer sa tête" (Mat 8,2 ; Luc 9,58). Ont-elles des difficultés à manger ce qu'on leur donne, qu'elles le regardent en la Croix abreuvé de fiel et de vinaigre. Se sentent-elles abattues et accablées par le travail du corps, qu'elles le regardent las et fatigué du chemin, car l'Evangile ne dit-il pas que quand il fut trouvé par la Samaritaine, il était assis, étant fatigué du chemin (Jn 4,6) et qu'elles le considèrent encore dans les extrêmes douleurs qu'il souffrit allant au Calvaire lorsqu'il était accablé sous la pesanteur de sa Croix. Si elles ont de la peine à se rendre à la mortification et à la pénitence, qu'elles regardent sa vie pendant son séjour sur la terre, comme elle a été pauvre, austère, pleine de grands labeurs, endurant la faim, la soif et les autres incommodités auxquelles nos corps sont sujets et qu'elles se souviennent encore de l'excès de douleur et de souffrance qu'il a porté en sa Passion, par le Couronnement d'épines et par les plaies dont son Corps sacré fut tout couvert à la flagellation. C'est dans ce regard, que je dis, que les âmes doivent avoir vers lui, qu'elles trouveront (si elles s'y rendent fidèlement sans aucun détour sur elles-mêmes) leurs austérités bien légères, voyant la différence qu'il y a entre ce qu'elles font et ce qu'il a fait et, au lieu de la répugnance et de l'aversion que leur nature leur pourrait faire sentir à la mortification et à la pénitence, elles auront de la joie de pouvoir imiter Jésus-Christ en quelque petite chose. C'est pourquoi les Maîtresses des Novices ne leur peuvent trop parler de ce regard vers Notre seigneur pour les accoutumer de bonne heure à dompter leur nature et à renoncer à elles-mêmes pour son amour et pour rendre hommage à la vie pénible et souffrante qu'il a menée sur la terre, qui est l'ouvrage auquel elles doivent travailler avec persévérance jusqu'à la mort.

Or il me semble que la pénitence, dont on doit parler davantage aux Novices, c'est de faire avec perfection toutes les choses de la Règle, leur montrant que c'est la principale, celle qu'elles doivent préférer à toutes les autres et qu'il faut qu'elles commencent par celle-là si elles veulent être dignes d'en faire quelque jour de plus grandes.

Il faut dès le commencement leur composer l'extérieur et leur apprendre que leur corps doit être en tous lieux, et en tous temps, (même dans leur Celle où personne ne les voit), dans la mortification et la modestie Religieuse mais particulièrement au Choeur où elles doivent toujours se tenir dans un très profond respect intérieur et extérieur par hommage au Fils de Dieu présent sur l'Autel, et au parloir où il ne faut point qu'elles lèvent les yeux pour y rien regarder mais qu'elles paraissent comme mortes à toutes les choses de la terre et du monde, par l'entière séparation qu'elles doivent en avoir.

Enfin, comme l'âme de toutes les vertus, c'est la Charité, il faut sur toutes choses avoir soin d'élever les jeunes âmes dans la vérité et la perfection de cette vertu et dans un grand amour les unes envers les autres qui est ce que le Fils de Dieu nous recommande davantage dans l'Evangile : "Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés et en cela tous connaîtront que vous êtes mes disciples" (Jn 13,34-35). Et saint Jean nous dit dans ses Epîtres pour nous montrer la grandeur et l'excellence de la Charité : "Que Dieu est Charité et que ceux qui sont en Charité, sont en Dieu et que Dieu est en eux" (1Jn 4,16). Ce point de s'entr'aimer les uns les autres est grandement important à tout le Christianisme mais surtout dans les Maisons de Dieu, pour conserver la parfaire union que doivent avoir ensemble les Epouses de Jésus-Christ, à l'exemple des premiers chrétiens qui n'avaient tous qu'un même coeur et une même âme, comme enfants d'un même Père et serviteurs d'un même Maître, et c'est une des choses auxquelles la Maîtresses des Novices doit travailler davantage dès le commencement qu'à les établir profondément dans cette charité parfaite. Mais il ne faut pas qu'elle oublie de leur bien faire entendre que cette charité n'est pas dans les sens, ni selon les sens mais qu'elle est en Dieu, selon Dieu et toute pour Dieu, leur faisant remarquer que son Fils unique, en nous commandant de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés nous oblige de former notre charité sur le modèle de la sienne très sainte, très pure et très parfaite. Ensuite il leur faut montrer que pour l'honorer et pour s'y conformer, selon qu'elles le peuvent dans leur petitesse, il faut qu'elles rendent à leurs soeurs tous les effets d'une véritable charité qui seront en leur pouvoir, qu'elles aient un grand soin de les soulager en tout ce qu'elles pourront, jusqu'à donner leur vie pour elles, s'il en était besoin, puisque Jésus-Christ a donné la sienne pour tous. Qu'elles ne appliquent jamais à leurs fautes mais qu'elles les estiment toutes ne voyant rien en elles que ce qui est bon, que ce qui est vertueux et non tout le reste. Ainsi elles seront parfaitement unies les unes aux autres; se fortifiant et s'encourageant à la perfection comme Filles de Dieu, comme Filles de Grâce et de Sanctification.

Il leur faut aussi apprendre à ne jamais soutenir leurs pensées contre celles de leurs Soeurs mas à être grandement faciles à quitter leur sens. C'est la marque d'une âme humble et vertueuse que de préférer toujours, autant qu'elle le peut, selon Dieu, les pensées des autres aux siennes et même une partie considérable de la charité que nous nous devons les uns aux autres.

Enfin il faut travailler de tout son pouvoir à mettre dans ces jeunes âmes une vraie et parfaite charité parce que c'est ce que le Fils de Dieu nous commande uniquement et par ce que ce qui rend une Communauté plus ou moins parfaite, c'est ce qu'il y a plus ou moins de charité.

Après qu'on leur aura parlé quelque temps des Vertus, on leur doit appliquer cela en pratique, selon leurs besoins, soit aux temps de consolation, soit en ceux de sécheresses, de tentation, peines et autres choses semblables, qui arrivent souvent dans cette pauvre et misérable vie. Et à celles qui ne peuvent point avoir de discours à l'Oraison, il leur faut montrer qu'elles peuvent au moins pratiquer et produire des actes des Vertus, s'abandonnant et se résignant à Dieu, demeurant patientes, humbles, douces et soumises à lui dans leurs peines. Il me semble que cette sorte d'Oraison ne fait point de mal et qu'elle est la plus profitable.

Il faut prendre soin de leur parler plusieurs fois d'une même vertu parce que si on la leur change avant qu'elles aient pris quelque habitude, elles quitteront la première vertu pour prendre la seconde et ainsi elles n'y entreront que fort superficiellement.

transcription par s. Thérèse de la Petite Instruction :

PETITE INSTRUCTION

que la vénérable Mère Madeleine de Saint Joseph, étant Maîtresse des Novices, donna par écrit à quelques unes d'elles pour leur apprendre à faire l'Oraison.

L'ordre des points que l'on prendra pour la méditation de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ :

- Le Lundi, la prière au Jardin des Oliviers.

- Le Mardi, la prise et toutes les confusions reçues en ce jour-là.

- Le Mercredi, la Flagellation et le Couronnement d'Epines.

- Le Jeudi se doit employer tout au Saint Sacrement.

- Le Vendredi, le Crucifiement et la mort en la Croix.

- Le Samedi, la Sépulture et les douleurs de la sainte Mère de Dieu.

- Le Dimanche, la Résurrection glorieuse de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Prenant donc tous les jours au matin un de ces points, l'on tâchera de s'y occuper, selon la grâce que l'Esprit-Saint nous donnera, nous employant fidèlement de notre part à donner lieu à l'infusion de la Grâce qui ne nous sera point déniée, si ce n'est par notre faute, en l'une ou l'autre des parties, ou manières d'Oraison, que nous dirons brièvement ci-après.

Il faut donc savoir qu'il y a plusieurs parties en l'Oraison mentale et que le sujet de la Passion est une chose si admirable, si grande et si ample qu'il contient en soi tout ce qui peut former les plus hautes et les plus parfaites pensées que nous puissions avoir.

Voyons seulement la préparation :

Voir et se représenter que l'on est devant cette Majesté Divine, qui est ce grand Tout que nous pouvons seulement adorer et aimer et que les Anges même ne pouvant comprendre, tous ravis de sa gloire, ne peuvent plus dire que ces paroles : Saint, Saint, Saint est le Seigneur.

Ainsi l'âme devenue comme Angélique par la présence de son Dieu l'admire, le révère et se remplit toute de lui. Mais si l'âme peut voir que ce Seigneur si puissant, abaissant sa grandeur infinie, se fait homme ainsi que nous, souffre des douleurs, prie son Père avec angoisse et sueur de sang et porte tant d'autres souffrances, quel coeur ne sera touché d'amour pour cet admirable objet ?

Et si nous voyons pour qui, pour l'homme misérable, de qui chacun en particulier voit en soi le démérite et les défectuosités, et puis, si l'âme pénètre un peu dans cet amour immense qui fait tant pâtir ce Seigneur impassible dans sa nature Divine et qui lui fait désirer de souffrir encore davantage pour nos âmes, que ne sentirait-elle pas ?

Sur ces sujets donc, qui sont sans nombre, l'âme un peu désireuse de son Epoux, trouvera bien de quoi s'occuper et s'en approcher, lui rendant grâces et lui donnant mile bénédictions pour ses infinies miséricordes et s'offrant à lui en sacrifice, en résignation, en vraie obéissance et le suppliant aussi de lui accorder quelqu'une des vertus qu'elle aura vue reluire le plus au mystère auquel elle aura pensé le jour.

Mais parce que les dispositions de l'esprit sont diverses, celles qui auront moins de facilité à ce que nous venons de dire, soit par la faiblesse ou incommodité du corps, soit par la sécheresse de l'esprit, pourront se servir d'un moyen bien aisé à l'âme qui a quelque amour et quelque fidélité envers N.S.

L'âme pourra donc prendre son point, sans user de discours, mais par une douce inclination et un regard de respect et d'amour vers Notre Seigneur souffrant, lui ouvrir l'intime et le fonds d'elle-même, désirant de l'attirer au plus profond de soi et de se lier à lui par l'effort doux et paisible de sa volonté, qui est seule en sa puissance, et dont parfois il lui semble même ne pouvoir entièrement user, si l'amour est assez puissant l'assurer de ce que dit S.Paul : "Qui nous séparera de la Charité de Jésus-Christ, sera-ce la tribulation ou l'angoisse etc... e suis certain que ni la mort, ni la vie etc... ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de la charité de Dieu qui est en Jésus-Christ Notre Seigneur" (Rom 8,35, 38-39).

Elévations

Elévations… sur tous les Evangiles… [1684] 

[1684] [Madeleine de Saint-Joseph], Jesus, Maria, Theresia. / Elévations au Fils de Dieu, sur toutes les Evangiles des Dimanches, Carêmes, Quatre-temps et Fêtes de l’année, / Tirées en partie des Pensées des Saints Pères, p.1-394 et retraite p. 1-89, 1684. Suivi d’une Paraphrase du Magnificat. =Doc5 [Page de titre sans nom d’auteur ni d’imprimeur car relié avec d’autres txts ; les approbations etc. ont été enlevées ; la note :

« L’ouvrage qui suit… est attribué à …Madeleine de Saint-Joseph par le décret de 1789 sur ses écrits … rarissime… 29 pages qui ont été suppléées à la main. Le tout a été relié – après la Révolution – avec divers autres opuscules qui n’ont aucun rapport… prêté par le carmel d’Aix en 1932… »]

lectures été 06 :

un très grand nombre d'élévations : 'je vous adore...’ en gral 3 pages

= en choisir une ou deux!

9-12 (humilité de Jn le baptiste)

70-73 (l'aveugle)

78-80 (le vaisseau 4e age de la vie)

96-98 (Thabor)

128 (l'aveugle né)

142-144 (la divine amante)

146-148 (trouble)

162-164 (Emmaus)

175-177 [le sépulcre ds cette vie)

188-190 (JC médiateur)

199-201 (la pierre mystique)

220-222 (pardon)

225-228ms (amour)

176-179 (le samaritain)

298-302 (esprit simple immortel)

356 Quis ut deus St Michel

389fin txt

suivent autres txts ‘sans rapport’ selon la note ms :

suit la Consécration à la SteVierge paginée [1 à 4 )

suit Retraite sur l'amour de Dieu paginée 7 à 60

qui continue par Cantique d'amour

paraphrase du Magnificat 61 à 80 (peu de car /p) ! très belle = voir à la fin des oeuvres car probablement pas de Mad de SJ

suit Amende honorable à Jésus-Christ [1 à 12] ‘L’esprit de réparation…’

sélection 2001 sv. :

55 57 7980 88 104105 159 161 166 186 191192 198 200201 203 212213 216217 253256 319320 323+ 380

ajout 11.01 : 319320 323ss : oui ! 380 ; autres pages d’intérêt : 16-19 22 33 57

Je vous adore, ô mon Seigneur Jésus-Christ, entrant dans une barque comme Maître Divin, apprenant à vos disciples à ne se pas étonner dans les périls. Vous permettez qu'ils tremblent dans les dangers du naufrage, et vous avez voulu en même temps que par le danger dont vous les avez délivrés, leur apprendre à ne pas perdre le courage ni la confiance dans les maux, vous dormiez dans cette barque durant la tempête de la mer pour nous marquer votre présence dans les plus grands périls, et que nous vous laissons dormir dans notre coeur, en laissant dormir la foi que nous avons en Vous ; ce n'est donc pas un mal, lorsque nous sommes dans cet état d'assoupissement, qu'il nous arrive quelque affliction, pour nous réveiller et pour recourir à (58) vous comme les Apôtres, vous disant, "Domine salva nos perimus", cette tempête nous marque le trouble que les passions excitent quelquefois en l'âme, et lorsque nous nous en sentons agitées, nous devons vous prier de faire goûter le calme et la douceur que sentirent vos Apôtres, lorsque vous commandâtes à la mer de se calmer et arrêter ses flots, d'imprimer en nous comme vous fîtes en eux, une haute idée de Votre toute-puissance, avec laquelle vous rendez en un moment la paix à nos âmes : Vous éprouvez souvent ceux qui sont à vous, Vous entrez dans leurs cœurs, Vous y dormez comme dans la barque, permettant qu'aussitôt il s'y lève des tempêtes pour voir s'ils vous seraient fidèles, et auront recours à vous avec confiance. C'est en la sainte Eucharistie où vous n'êtes pas seulement comme endormi, mais comme mort, quoique vous n'y soyez ni mort ni endormi, mais plein de vie pour la donner abondamment à ceux qui Vous cherchent et à ceux qui se confient en Vous, Vous trouvant toujours veillant sur tous leurs besoins. Vos yeux sont ouverts sur notre état, et Vos oreilles (59) attentives à nos prières, si nous sommes dans l'affliction Vous êtes notre consolateur, si nous sommes faibles Vous êtes notre force, si nous sommes troublés Vous êtes notre paix, si nous sommes en quelque danger Vous êtes le seul tout puissant pour nous en retirer; je vous adore dans le très Saint sacrement où vous vous donnez à nous comme un Vaisseau pour me recevoir, soutenir dans la tempête et conduire au port de salut. Mon Seigneur, faites-moi s'il Vous plaît ressentir le calme de mes passions, qui s'élèvent dans mon coeur comme autant de tempêtes qui me menacent de la mort, et puisque Vous êtes le même qui d'une seule parole calma la mer, et que je reçois votre corps qui est le même qui marcha sur elles et foula aux pieds ses ondes les plus irritées, je n'ai qu'à m'abandonner à Vous, ne pouvant douter de Votre présence et de Votre puissance ; je dois tout espérer de Votre miséricorde et de la vertu de Votre sainte Eucharistie. Vous voyez, Seigneur, le vaisseau de mon coeur agité de violentes tempêtes, que mes cris vous empêchent de dormir dans mon âme, ou qu'ils Vous réveillent, afin qu'étant en (60) moi vous disiez à cette tempête qui m'afflige, de se calmer, "verba mea auribus percipe Domine, intellige clamorem meus", Seigneur prêtez l'oreille à ma parole et écoutez mes cris. (Psalm. 5).

(79) …Me voici déjà à la quatrième veille de la nuit, cad sur le déclin de ma vie, sans avoir rien fait …entrez maintenant dans ce pauvre navire

(88)…mon cœur pour être votre Temple vivant, exercez, s’il vous plaît en lui le même zèle qui vous fit autrefois chasser du Temple les vendeurs et acheteurs

que la pauvreté, l’abandon des créatures et les maladies sont utiles …(105) pauvre Lazare …dans la paix et le silence jusqu’à ce que vous-même m’en retiriez, je vous expose les ulcères de mon âme…

(159)…roulez s’il vous plaît la pierre de mon âme, ôtez-en la dureté …il faut qu’un Ange cad votre vertu invisible renverse la pierre afin que mon âme donne une libre entrée à votre grâce, afin que vous ressuscitiez en elle et que je puisse dire (160)…que j’ai pris une nouvelle vie en vous

(161)…que je me puisse regarder comme mort au péché et comme ne vivant plus qu’en vous pour vous et mener une vie non seulement sainte et innocente, mais aussi céleste et toute divine.

(198)…l’oraison n’est pas un effort de notre propre esprit mais une faveu spéciale de votre miséricorde…

(200)…la pierre mystique de laquelle je vous supplie de faire sortir l’eau, l’huile, le feu et le miel …l’eau pour purifier, …l’huile pour adoucir… le feu pour consommer …le miel pour nourrir

J'adore, ô mon seigneur Jésus-Christ, ces paroles que vous nous avez dit, « personne ne peut venir à moi que mon père ne le tire » ; nous sommes attirés à vous par la voie intérieure et toute-puissante de Dieu votre Père, par la foi et la charité, l'un et l'autre est un don singulier et particulier de Dieu ; si nous voulons être à Vous mon Seigneur, il ne suffit pas de penser à Vous, mais il faut à tout moment avoir le coeur et l'esprit élevé vers Vous, et prendre garde à ne s'engager dans l'amour à aucune chose créée, pour ne pas rompre cette chaîne céleste et divine, qui nous doit toujours tenir unie et liée à Vous ; Vous n'avez pas dit mon Seigneur "duxerit" mais "traxerit", cette violence se fait qu'au coeur et non au corps ; aimons, et nous serons attirés, ne croyons pas que l'on nous attiremalgré nous, l'esprit est aussi attiré par l'amour comme le coeur, je vous supplie mon Seigneur de m'attirer et me (213) faire sentir cette douce violence "trahe me per te", faites moi sortir de ma langueur, excitez-moi afin que je coure, entraînez-moi en quelque sorte malgré moi afin que je coure ensuite volontairement, il m'est bien plus avantageux que vous m'entreniez (sic) et que vous me fassiez quelque violence, ou en m'épouvantant par vos menaces ou en m''exerçant par vos châtiments ; que non pas que vous me pardonniez, et laissiez en paix dans ma langueur.

une même divinité dans laquelle il se passe trois merveilles admirables, la première que Dieu est tellement seul qu’il n’y a que lui et il ne peut y avoir jamais autre Dieu que lui, la seconde qu’il (217) garde un très profond silence mais pourtant il ne cesse jamais de parler ; la troisième qu’il est dans un très parfait repos et il agit perpétuellement…

aller en haute mer, cela marque (254) l’état de perfection … [les âmes] doivent toujours chercher ce qui est plus parfait et aller si avant … qu’elles ne voient plus la terre ! …(255) …vous voulez entrer en mon âme comme vous entrâtes en la barque de saint Pierre et vous me recommandez comme à lui de m’éloigner de la terre… (256)… dans cette grande Mer de grâces, [une âme] en devrait faire une pêche abondante…

Vous dites « mon père et moi ne sommes qu'un » : moi aussi comme dit Saint-Bernard ; quoique je ne sois que poudre et cendre, j'oserai dire, appuyé sur l'autorité de l'Ecriture sainte, que je ne suis qu'un seul esprit avec Vous, pourvu que je sois attachée à Vous : ainsi que l'est un de ceux qui demeurent en Votre amour, c'est-à-dire en Vous-même, comme Vous demeurez en eux, parce qu'ils vous mangent et qui sont mangés par Vous : car c'est de cette union si étroite qu'il est dit, que celui qui est uni à Dieu n'est qu'un seul esprit avec Lui. (323).

323+ : Quoi que je ne sois que poudre et cendre, j’oserai dire, appuyé sur l’autorité de l’Ecriture Sainte, que je ne suis qu’un seul esprit avec vous, pourvu que je sois attaché à vous. Ainsi que l’est un de ceux qui demeurent en votre amour, cad en vous-même, comme vous demeurez en eux … celui qui est uni à Dieu n’est qu’un seul esprit avec lui. Si donc vous disez, mon Seigneur, ‘je suis dans mon Père et mon Père est dans moi’, l’homme a l’avantage de pouvoir dire aussi, ‘je suis en vous mon Dieu et vous êtes en moi, et nous ne sommes qu’un seul esprit’. Faites-moi la grâce de le dire avec vérité et qu’il n’y ait rien qui soit capable de rompre cette union sainte avec vous.

Élévations ms. révisée par Louise de J :

A comparer les 5 pièces « M » à l’imprimé ! (paginations en marges du ms facilitent le travail). Transcrire la pièce sûre ou plus.


=Doc10

M.S.J / R no 4

[d’une écriture ancienne 17e s. ; paginé 1 à 317, pages petites

+ annotation en p de garde : “ Les 2 livres in-8° dont la transcription suit [1933] sont mentionnés par le décret d’approbation des écrits de la V. … parmi les Œuvres imprimées que l’on croit être de la servante de Dieu (4e classe, nos 4 & 5) … sur des exemplaires prêtés par les carmélites d’Aix.  Elévations in-extenso, Recueil… partiel ” [car première partie tirée de la Vie de la V. ou des Avis pour la conduite des novices]

+ table des matières probablement de la main de Louise de J qui marque d’un M rouge ce qu’elle pense être de Madeleine de SJ. outre des discours du Cal de Bérulle : 5 discours “ probablement d’elle ” : pages 215-221 Incarnation ( ?), 257-262 Transfiguration ( ?), 278-283 Simplicité (oui ! confirmé été 06 ), 292-296 ordre des points transcrits ici (oui), 302-306 Visite (oui) : la pièce sûre p293 « L’ordre des points que l’on prendra pendant la méditation de la passion de NSJC chaque jour de la semaine » : passion mais aussi ‘douce inclination’…


(16)

(21) …les anges ne vous offrent point des présents, ils ne font que vous adorer pour nous apprendre que le principal et l’essentiel de la Loi nouvelle consiste dans l’adoration intérieure de Dieu, en esprit et en vérité, qui peut nous suffire pour opérer notre salut, lors que nous sommes dans l’impuissance d’exercer les bonnes œuvres

(28) [ nous transcrivons une élévation entière pour exemple:]

Jour de saint Jean l’Evangéliste. S. Jean c.21 v.19 :

Je vous adore, ô mon Seigneur Jésus-Christ, disant ces paroles à saint Pierre sur le sujet de saint Jean; si je veux [p39 du texte original] qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que vous importe-t-il pour vous, suivez-moi : nous devons faire ce que vous commandez, rien de plus, sans nous mettre en peine de ce que votre sainte volonté ordonne à l’égard des autres, n’étant point à nous à entrer dans vos secrets; votre disciple bien-aimé nous en a donné l’exemple, n’ayant pas voulu pénétrer votre dessein sur lui, s’y abandonnant sans le connaître, il a eu le privilège de reposer sur votre sein en la Cène, c’est là où il a puisé les vérités si relevées qu’il nous a laissé par écrit, ce qui nous fait voir que ce sera par un humble repos en vous, dans l’Eucharistie, que nous connaissons bien mieux les vérités saintes, que par toute autre étude; les hommes ne nous peuvent faire entendre que des paroles, s. Jean même, tout éclairé qu’il a été, n’a pu faire passer en nous que le fors des vérités qu’il nous a dites, mais non pas les vérités mêmes qu’il comprenait; c’est de vous seul dont il les a aprises, que nous les devons recevoir, au moins par petites gouttes. Ce grand saint que nous honorons en a reçu la plénitude dans le repos qu’il a pris sur [40] votre poitrine sacrée, c’est le lieu qu’il prit pour sa retraite le reste de ses jours, ce repos de s. Jean sur votre sein est l’image du repos que tous les chrétiens doivent trouver en vous et le modèle du silence intérieur où ils doivent se tenir, pour vous écouter parler, que de parler eux-mêmes extérieurement (29) aux hommes; car on peut dire, que comme la vie du Ciel est un amour tranquille dans la vue et connaissance que les esprits bienheureux ont de vous, celle du Chrétien sur la terre doit être dans un amour et repos en vous. Je vous adore au Très saint Sacrement comme mon repos, faites-moi la grâce que je ne le cherche qu’en vous seul, et que je trouve toutes mes délices dans l’union intérieure avec vous, rien ne sera capable de m’en détourner si j’ai soin de m’enfermer dans votre sein, il n’y a que mes infidélités qui m’en puissent retirer, et faites moi la grâce de n’y point adhérer. Exaucez-moi, Seigneur, puisque votre miséricorde est si prête à faire du bien et tournez vos regards sur moi [41]selon la grandeur de vos miséricordes. Psal.68.

(41)

………….! à faire. Table p.271 (de la copie)


sûr : pp.293-296 

que nous transcrivons comme exemple de la méditation carmélitaine au début du 17e s. et qui est de Madeleine car contenu dans les Elévations !

D désigne : [1684] [Madeleine de Saint-Joseph], Jesus, Maria, Theresia. / Elévations au Fils de Dieu, sur toutes les Evangiles des Dimanches, Carêmes, Quatre-temps et Fêtes de l’année, / Tirées en partie des Pensées des Saints Pères, p.1-394 et retraite p. 1-89, 1684


La Petite Instruction incluse dans les Elévations imprimées et ms. se trouve également dans Avis… : voir plus haut la transcription par s. Thérèse : donc trois versions à comparer ! Compte tenu de la solidité de ces sources faut-il revenir sur notre décision antérieure de l’écarter ?


Petite Instruction …à faire l’Oraison.

(293) L’ordre des points que l’on prendra pour la méditation de la passion de notre s jésus christ chaque jour de la semaine.

Le premier la prière au jardin. / Le 2 la prise et les contusions reçues ce jour-là. / Le 3 La flagellation / Le 4 doit être employé au st sacrement / Le 5 la mort de la croix / Le 6 la sépulture et les souffrances de la sainte Vierge. / Le 7 la Résurrection.

Prenant donc tous les jours au matin un de ces points, l’on tâchera de s’y occuper, selon la grâce que l’Esprit de Dieu (nous add D) donnera, nous employant fidèlement de notre part, à donner lieu à l’infusion de la grâce, qui ne nous sera point déniée, si ce n’est par notre faute, en l’une ou en l’autre des parties ou manières d’Oraison que nous dirons brièvement ci-après.

Il faut (donc D) savoir qu’il y a plusieurs parties à l’oraison mentale, et que le sujet de la passion est une chose si admirable, si grande et (si D) ample, qui contient en soi (294) (toutes les perfections et tout omis D) ce qui peut former les hautes et parfaites pensées que nous puissions avoir.

(Et omis D ; dorénavant on corrige parfois en suivant D) voyons seulement la préparation. Voir et se représenter que l’on est devant cette Majesté Divine qui est ce grand tout que nous pouvons seulement adorer et aimer, et que les anges même ne pouvant comprendre, tous ravis de sa gloire, ne peuvent plus dire que cette parole : st, st, st est le Seigneur. Ainsi l’âme demeure (comme D) Angélique par la présence de son Dieu, L’admire, Le révère et se remplit tout de Lui, (ne pouvant plus parler omis D).

Mais si l’âme peut voir (que D) ce S si puissant, abaissant sa grandeur (infinie D), se fait homme ainsi que nous, souffre (des D) douleur(s D), prie son Père avec angoisse et sueur de sang, et (porte D) tant d’autre(s D) souffrance(s D). Quel cœur ne sera touché d’amour de ce si fort objet. (d’amour pour cet admirable objet D)

(295) Que si nous voyons pourquoi, (Et si nous voyons pour qui, D) pour l’homme misérable de qui chacun(e ms) en particulier voit en soi le démérite et les défectuosités.

Et puis si l’âme pénètre (un peu D) dans cet amour divin (amour immense D), qui fait (tant D) pâtir et qui fait désirer souffrir encore davantage à ce S impassible, et que l’amour de nos âmes tient ici si patient.(et qui lui fait désirer de souffrir encore davantage pour nos âmes, que ne sentira-t’elle pas ? D)

Sur ces sujets donc, qui sont sans nombre, l’âme un peu désireuse de son Epoux trouvera bien de quoi s’occuper et s’en approcher, lui rendant grâce et (lui D) donnant mille bénédictions pour ces infinies miséricordes. Et s’offrant à Lui en sacrifice, en résignation et (en D) vraie obéissance, et le suppliant aussi de lui accorder quelqu’une des vertus qu’elle aura vu le plus reluire (vues reluire le plus D) au mystère, où elle aura pensé le jour.

Mais pour ce (parce D) que les dispositions de l’esprit sont diverses, ceux (celles D) qui auront (296) moins de facilité à ce que nous venons de dire, soit par la faiblesse ou incommodité du corps, ou sécheresse (soit par la sécheresse de l’esprit D), pourront se servir d’un moyen bien aisé à l’âme qui a quelque fidélité et amour vers (envers D) n S.

L’âme pourra donc prendre son point sans user de discours, mais par un ?œil et douce inclination, et regard vers notre S, souvent elle lui ouvrira l’intime et fonds de son âme, désirant L’aimer (de l’attirer D) au plus profond de soi, et (de D) se lier à Lui par l’effort doux et paisible de sa volonté, qui est seule en sa puissance, et dont parfois même, il lui semble ne pouvoir entièrement user si l’amour n’est pas (pas omis D) assez puissant pour l’assurer de ce que dit saint Paul : qui nous séparera de la charité (de Jésus-Christ, sera-ce la tribulation, ou l’angoisse etc. Je suis certain que ni la mort ni la vie etc. ni aucune autre créature ne poura nous séparer de la Charité de Dieu qui est en Jésus-Christ Notre Seigneur D complète ainsi la cit.)

Que si l’âme parfois se trouve ne pouvant rien faire de ceci, elle peut néanmoins souffrir ses peines en sa présence, et avec Lui se résigner ainsi qu’il fit, s’humilier comme elle le voit abaissé, être patiente, et enfin exercer toutes les vertus à son exemple. (cette dernière phrase omise D)

(ms serait plus proche de la source que D)

Recueil… Aix [1689]

[1689] [Madeleine de Saint-Joseph], Jésus, Maria, Joseph. Theresia. / Recueil de plusieurs paroles et sentiments de piété sur les Mystères du Fils de Dieu, tirées de la Vie de la Vénérable Mère Magdeleine de Saint Joseph…, à Aix, chez Charles David, 1689. =Doc11

lectures été 06 :

Recueil d’Aix imprimé 1689 « M.S.J. »

annotation en p de garde

avant-propos : ‘tiré du livre de sa Vie’

en marges paginations crayon (de la Vie, à vérifier : concordance exacte ?)

suit une précieuse table ms de Louise de J

dont ‘c’est le chap XXIX de Talon p717’

première sélection :

contient ensuite : Recueil de quelques avis, Table, p.294-296 ; Applications… ‘sur notre bienheureuse mère [Thérèse]’ & qq. autres txts p.297-388. [informatique : / Recueil Aix 1689].

(5) …tiré du livre de sa Vie [de Talon ? cf. numéros crayon marge et table ms. ajoutée d’une main moderne]

peu d’intérêt ? se limiter à citer le Recueil en bibliogr.

Oraison [1937]

[1937] [Madeleine de Saint-Joseph], L’oraison à l’école de la V. Madeleine de St J., opuscule, Clamart, 1937, 46 pages. [Lettre à la prieures d’un carmel p. 5-10 ; Avis pour la conduite des Novices p. 10-22 ; Lettres à des Novices p. 22-26 ; divers extraits de lettres… p. 22-46 ; annonce d’un vol. d’œuvres en préparation ! ; Chatou impr.]

l"oraison n"est pas l"ouvrage de la nature mais celui de la grâce – l"enfant prodigue – il faut tj commencer et toujours continuer et ne jamais finir. Toutes nos actions dans le service de Dieu ne sont que des commencements tant elles sont faibles… - l"oraison …cet unique nécessaire … votre vraie vie – quand vous vous trouvez dénuée de toutes les vertus, allez à Notre Seigneur comme à vos richesses et la source - cette manière est la plus sainte et la plus parfaite, mais pourvu qu"elle soit véritable, car il y a bien des âmes qui se trompent en prenant leur inutilité et leur inapplication à Dieu pour une voie qui ne tient rien des sens mais qui est bien au-dessus et toute de la foi. – une lumière fort extraordinaire est néanmoins tj une chose passagère … qui ne subsistera point ds l"éternité.


pour une « Centurie » ?

Centurie en faisant un choix dans les transcriptions suivantes dûes à s.Thérèse !

(et retrouver les sources !),soit Avis… + Table et txt thématiques extraits de Lettres + Txts du procès (ce qui permet d’introduire les perles des lettres dans une présentation alternative de ces dernières) :

Avis que notre Bienheureuse Mère Madeleine de Saint Joseph

a donné tant à ses religieuses

qu’à d’autres personnes

sur des dispositions et besoins différents

1. Puisque l’homme n’ a été créé de Dieu que pour l’honorer et le servir, il est obligé pour ne se point détourner de la fin pour laquelle il a reçu l’être, de bannir de lui toute autre pensée, tout autre désir, tout autre amour et tout autre intérêt et il doit employer toute sa puissance, qui est si petite, à honorer un Dieu qui est si digne d’honneur.

2. Comme la puissance de Dieu sur sa créature est infinie, la créature lui devrait rendre une soumission infinie si elle en était capable, mais comme elle ne l’est pas, au moins doit-elle s’y soumettre autant qu’elle peut, en tous temps, en tous lieux et en toutes choses, sans aucune réserve.

3. L’âme se doit rendre toute au désir de la gloire de Dieu et de l’accomplissement de ses volontés, quelque contraire qu’elles soient à ses inclinations, car elle n’est pas créée pour se contenter elle-même mais pour contenter Dieu.

4. Dans les divers événements de cette vie, nous ne devons pas nous arrêter à ce qui se passe sur la terre, mais il faut élever nos esprits à ce qui est caché dans la Sapience, adorer ses desseins et nous y rendre fidèlement autant que nous le pouvons connaître.

5. Dieu demande de sa créature un retour continuel vers lui de tout ce qu’elle est, de tout ce qu’elle a, de tout ce qu’elle fait et de tout ce qui lui arrive, comme étant la source de son être, de sa vie, de sa voie et de sa perfection.

6. En tous lieux, en tous temps et en toutes choses, ne pensez qu’à rendre à Dieu ce qu’il y demande de vous et il aura soin de disposer de tout pour votre sanctification.

7. Il ne faut pas nous donner, mais seulement nous prêter, aux choses créées puisque nous ne sommes pas à nous-mêmes mais à Dieu qui a seul le droit de disposer de nous.

8. Il ne faut jamais, où il s’agit de l’intérêt de Dieu, regarder celui des créatures, ni si on leur plaît ou si on leur déplaît, mais il faut toujours faire ce qui est le plus droit devant Dieu, et lui qui est l’auteur des vraies joies saura bien contenter sa créature autrement que nous ne pouvons penser.

9. Nous ne devons jamais remplir nos esprits de nous-mêmes, de ce que nous faisons, de ce qui se passe en nous ou de ce qui nous arrive, mais oublier tout cela comme chose de néant et nous occuper du Fils de Dieu et de ce qu’il a opéré en la terre pour notre salut qui doit faire toute notre plénitude.

10. Toutes nos richesses sont la vie, les actions, les paroles et les mystères du Fils de Dieu et nous nous devons tenir heureuses de passer le cours de notre pèlerinage sur la terre à contempler, à adorer et à imiter ces choses si grandes et si divines, comme ce sera une grande partie de notre bonheur dans l’éternité de les voir à découvert.

11. Les mystères de Jésus-Christ doivent être honorés non seulement par de bonnes pensées mais principalement par la pratique exacte des vertus chrétiennes et religieuses qui sont les plus remarquables dans les mêmes mystères.

12. Lorsque vous vous sentirez plus distraite et plus pauvre dans la prière, demandez à l’âme sainte de Jésus Christ qu’elle daigne vous donner quelque part aux hommages qu’elle lui a continuellement rendu sur la terre, à sa révérence vers lui, à ses adorations, à son amour et à ses louanges et unissez-vous y de tout votre pouvoir.

13. Si vous voulez parler des choses intérieures, parlez du Fils de Dieu qui est à l’intérieur de tous les intérieurs, le principe et le soutien de toutes les bonnes dispositions où les âmes peuvent être.



14. Comme le Fils de Dieu s’est donné à nous par la Sainte Vierge, il veut aussi qu’elle nous soit vie et moyen pour aller à lui.

15. Nous devons beaucoup demander à la très Sainte Vierge qu’elle nous apprenne à adorer et à aimer son Fils et nous souvenir que le privilège incomparable de sa divine maternité lui donne un droit et un pouvoir qui vont infiniment au delà de tout ce que nous en pouvons comprendre pour nous faire accomplir ces grands devoirs avec perfection.

16. Bien que le Fils de Dieu soit le Dieu de la Sainte Vierge, il est aussi son fils et comme il a toutes les perfections à un degré plus éminent sans comparaison qu’il ne les a répandues dans ses créatures, il aime et il honore sa Mère plus que nous pouvons penser. Liez-vous donc à cet honneur et à cet amour qu’il lui rend, pensant qu’il n’y en a point d’autre digne d’une Mère de Dieu.

17. Nous ne pouvons rien faire qui soit plus agréable à la Sainte Vierge que de pratiquer la vertu qui l’a rendue digne d’être la Mère de Dieu, qui est l’humilité.

18. Demandez beaucoup à la Sainte Vierge qu’elle vous donne part aux dispositions de son âme lorsqu’elle dit ces paroles : « Ecce ancilla domini » et souvenez-vous que plus vous serez esclave de Dieu par amour, et que plus toutes vos actions porterons la marque de cette servitude, plus vous serez en possession de la véritable liberté de ses enfants.

19. Il faut beaucoup demander au grand Saint Joseph qu’il exerce sur nous sa qualité de père, laquelle il a sur toutes les âmes ensuite de ce que le Fils de Dieu l’a voulu reconnaître pour père sur la terre et, nous autres carmélites, avons un droit particulier de le regarder en cette qualité.

20. Il faut avoir grand recours aux saints dont on porte le nom puisque Dieu nous les a donnés pour avoir soin de nous.

21. La charité est une vertu si précieuse et si nécessaire, et elle nous a été si particulièrement recommandée par le Fils de Dieu, que nous ne devons point laisser passer de jour sans la lui demander. Lui-même l’a demandée pour nous à son Père quand il lui a dit : « Qu’ils soient tous un ainsi que vous, mon Père, êtes en moi et que je suis en vous afin qu’eux aussi soient un en nous. »

22. La vertu de charité est grande et tout ce qui la regarde est grand aussi, pour petit qu’il paraisse, c’est pourquoi il faut bien prendre garde de n’y pas manquer dans la moindre de nos actions, de nos paroles et même de nos pensées.

23. Il faut aimer toutes sortes de personnes quoique de partis contraires et d’humeurs différentes car la charité de Dieu unit tout en lui.

24. Soyez douce vers autrui et rigoureux vers vous-même et quand il se présente quelque chose de pénible, chargez vous en toujours pour en décharger les autres.

25. Il ne faut jamais parler de personne que pour dire ses vertus, et faire le contraire c’est donner lieu à la malignité de notre nature et aller ouvertement contre l’obligation de la charité.

26. C’est une chose très périlleuse de juger de son prochain quand on n’en a pas le droit car bien souvent ce que nous jugeons imperfection en autrui ne l’est pas et, quand il le serait, nous ne devons pas faire une chose que Dieu nous défend si expressément : « Ne jugez point et vous ne serez point jugé. »

27. On verra souvent dans une personne 50 vertus auxquelles on ne pensera point et s’il y a en elle la moindre imperfection, on la remarquera, mais tout au contraire s’il y avait dans le prochain 50 imperfections et qu’il n’y eut qu’une seule vertu, il faudrait fermer les yeux à celles-là et s’arrêter à celle-ci pour l’en estimer selon ce que dit Saint Paul de la charité : « Elle ne pense point en mal, elle ne se réjouit point de l’iniquité mais elle se réjouit de la vérité. »

28. Nous jugeons bien souvent des âmes qui nous jugeront un jour. Les supérieurs même, qui ont droit de juger ceux qui leur sont inférieurs, ne le peuvent bien souvent faire néanmoins sans danger.

29. Tant qu’une âme s’occupe à remarquer les défauts des autres, dont Dieu ne l’a pas chargée, elle ne saurait être parfaite.

30. La parfaite charité que nous devons à nous-même consiste en grande partie à nous refuser continuellement ce que notre nature imparfaite nous demande.

31. C’est une grand chose que l’humilité de cœur. Il y a vraiment peu d'âmes qui soient de ces humbles et de ces petits dont parle Notre Seigneur dans l’Evangile et cependant c’est cette vertu qui lui prépare dans l’âme une demeure agréable et sans laquelle toutes les autres ne lui peuvent plaire.

32. Ce qui nous fait croître en humilité nous doit être grandement agréable et nous devons tenir plus chère une humiliation de quelque part qu’elle nous arrive, que si l’on nous donnait la possession de quelque grand trésor.

33. Recherchez toujours les choses les plus humbles et les plus basses et vous réjouissez quand vous serez méprisées.

34. Dieu n’a que faire de notre esprit pour avancer ses œuvres et lorsqu’il veut s’en servir, il commence par l’humilier et l’abattre à ses pieds car c’est par ces dispositions d’abaissement, de destruction et de mort à soi-même qu’il veut préparer à entrer dans ses conseils et si nous voulons nous en rendre digne il faut suivre fidèlement sa conduite sur nous.

35. S’il vous vient des pensées ou des sentiments contraires à l’humilité, adressez-vous à la sainte Vierge qui a su s’abaisser jusqu’à la qualité d’esclave, lorsque même Dieu l’élevait jusqu’à celle de sa mère, et lui demandez qu’elle vous apprenne à pratiquer cette grande vertu.

36. Comme c’est une marque d’une âme vraiment humble d’aimer à être méprisée de tout le monde, c’est un orgueil intolérable et une espèce de folie lorsqu’étant tout remplis de fautes, nous ne voulons pas souffrir que l’on nous en fasse voir une seule.

37. C’est une joie aux enfants d’Adam d’être exaltés et d’entendre dire leurs louanges et de parler d’eux-mêmes à leur avantage, mais au contraire c’est la joie des enfants de Dieu d’être humiliés et méprisés, d’entendre dire leurs défauts et de les faire connaître eux-mêmes.

38. Regardez-vous comme la dernière de toutes et obéissez à toutes vos sœurs comme vous voyant leur inférieure et la plus imparfaite.

39. Tenez pour règle de suivre toujours plutôt la volonté et les pensées des autres que la vôtres, autant que vous pourrez selon Dieu, vous souvenant que sans la soumission d’esprit et la démission du propre sens, l’on ne peut être à Jésus-Christ selon sa parole que « l’on ne peut être son disciple ni le suivre si l’on ne renonce à soi-même. »

40. Lorsque les âmes sont assez dociles pour être toujours en disposition d’apprendre de tout le monde, celui qui est la sagesse même et le docteur des humbles ne manque point de leur enseigner la science du salut et le chemin de la vie éternelle.

41. La qualité d’enfants de Dieu que nous avons reçue au baptême et qui nous a été acquise par le sang de Jésus-Christ, nous oblige à renoncer continuellement à nous-même et à tout ce qui est du péché, pour vivre de la vie des enfants de Dieu, laquelle n’est pas une vie de délices mais de souffrances, de croix et de mort

42. La souffrance est le chemin que le Fils de Dieu nous a enseigné dans sa vie, dans ses actions et dans sa mort. C’est ce qu’il a laissé en partage à ses enfants et à ses élus pour les sanctifier et plus particulièrement ceux qui lui doivent appartenir davantage dans l’état de la grâce et dans celui de la gloire.

43. Souvenez-vous que Jésus-Christ a choisi la voie des souffrances pour entrer dans sa gloire et qu’il les a laissées pour partage à ses élus voulant que leurs richesses en la terre fussent l’assujettissement, l’humiliation et la croix par laquelle il faut qu’ils se lient à celui qui est mort pour eux.

44. Jésus-Christ n’a pas dit à ceux qui possèdent des biens, vous serez bienheureux, mais il l’a dit à ceux qui sont pauvres et à ceux qui souffrent pour son amour.

45. La vie des saints est accompagnée de beaucoup de travaux. Il faut couler le temps en patience et en humilité jusqu’à ce que nous soyons faits dignes de recevoir la couronne de vie que le Saint et le Véritable a promise à ceux qui lui auront été fidèles jusqu’à la mort.

46. Beaucoup cherchent la croix de paroles et de désirs qui après la fuient dans les occasions. Or il faut qu’ils se souviennent que ce n’est pas aux paroles ni aux désirs qu’est promise la récompense de la vie éternelle mais aux œuvres.

47. Portez humblement vos petites peines sans vous en occuper et sans en rien faire paraître au dehors. Elles ne vous sont pas données pour vous en entretenir ni les autres, car le conseil de Dieu en vous éprouvant n’est pas de vous dissiper mais de vous élever à lui en silence, en patience et dans l’ oubli de vous-même.

48. La patience est grandement nécessaire dans la vie tant pour porter ses propres misères que pour toutes les autres choses difficiles qui s’y rencontre continuellement.



49. Lorsque l’on se trouve dans de grandes peines, il faut se souvenir de ces paroles que le Fils de Dieu a dit à ses apôtres au jardin des Olives : « Ne sauriez-vous veiller une heure avec moi » et en tirer force pour demeurer veillant et souffrant avec lui.

50. Quand il nous arrive des afflictions intérieures ou extérieures, il nous faut souvenir que  ce sont des peines dues à nos péchés et que bien loin d’avoir à droit de nous en plaindre, nous avons sujet d’admirer la bonté de Dieu et de lui rendre grâces de ce que, méritant de si grands châtiments pour nos crimes, il se contente de nous en envoyer de si petits.

51. Il nous faut bien souvenir que nous sommes appelées à la religion pour suivre de plus près le Fils de Dieu et pour participer davantage à sa croix qui est une très grande grâce. Il vous est donné, dit Saint Paul, non seulement de croire en Jésus-Christ mais aussi de souffrir pour lui.

52. La vie religieuse ne doit être depuis le commencement jusqu’à la fin qu’une continuelle mortification et si nous manquons d’y travailler, nous serons religieuse seulement d’habit et non pas en effet.

53. Si vous ne mortifiez pas votre nature, elle prendra le dessus et vous serez enfin pénible à vous-même et aux autres.

54. L’âme qui se résout à travailler courageusement à se vaincre elle-même et qui en effet met la main à l’œuvre, emporte cet avantage que si aujourd’hui elle se surmonte en une chose, demain elle aura plus de force pour se surmonter en une autre et ainsi la nature meurt et la grâce vit. L’âme se rend la maîtresse et les sens demeurent soumis.,

55. Quand la mortification cesse, la grâce se perd et la grâce quoique très grande se retire quand nous abandonnons les œuvres.

56. L’on doit avoir un grand recours au Fils de Dieu dans la tentation et regarder en lui les vertus contraires aux imperfections dont l’on se sent combattu.

57. Quand vous serez attaqué de quelque tentation, entrez dans un profond abaissement devant le Fils de Dieu et, avec cette disposition, retirez-vous dans son âme très sainte comme dans un refuge assuré afin qu’elle vous environne, qu’elle vous protège et qu’elle vous défende des desseins et de la puissance de vos ennemis.

58. Les âmes qui ont quelques tentations ou peines d’esprit se doivent bien garder de se servir de ce prétexte pour s’exempter d’obéir ponctuellement, car en tous temps l’on doit s’assujettir mais particulièrement en celui-ci où l’âme étant plus combattue a besoin de se tenir plus fortement à la grâce qui est renfermée pour elle dans la pratique de l’obéissance et des autres vertus.

59. Les saints n’ont pas acquis l’entrée au Royaume de Dieu pour avoir été tentés mais pour avoir été fidèles dans leurs tentations en les portant fortement et en travaillant sans cesse à les vaincre.

60. La prière et la patience sont les armes avec lesquelles il faut vaincre toutes les adversités de cette vie.

61. La prière donne beaucoup de force à l’âme. En priant et en cherchant l’âme trouve selon la promesse de Jésus-Christ :« Demandez et vous recevrez, cherchez et vous trouverez .»

62. L’âme devrait toujours désirer l’oraison comme un pauvre qui est affamé désire manger, car l’oraison est la nourriture de l’âme.

63. Il ne faut jamais quitter la prière sans grand sujet, car c’est par l’oraison que nous recevons les grâces de Notre Seigneur et que nous sommes unis en ses mains pour faire ses œuvres.

64. Souvenez-vous toujours que c’est le conseil du Fils de Dieu que, tout ce qu’il a demandé pour nous à son Père, nous le demandions aussi avec lui, et dans la même demande qu’il lui en a faite afin que nous soyons exaucés.

65. Pour obtenir de Dieu ce qu’on lui demande, il faut accompagner sa prière d’une profonde humilité et une des principales causes pour lesquelles nos oraisons ne sont point exaucées, c’est qu’elles ne sont point assez humbles.

66. Quand nous prions ou demandons pardon à Dieu pour les pécheurs, il nous faut mettre toujours les premières du nombre.

67. Si vous vous trouvez dans la facilité, servez-vous-en pour travailler fidèlement à la vertu et si vous vous trouvez dans la peine et dans la souffrance, alors soyez forte pour rendre à Dieu ce que vous lui devez en cet état et allez à lui en patience et humilité.

68. Quand vous vous trouvez dénuées de toutes les vertus, allez à Notre Seigneur Jésus-Christ comme à votre richesse et la source inépuisable de tous les biens et le priez qu’il vous en remplisse. Il ne lui faut ni des mois, ni des jours pour le faire. En un moment il peut vous enrichir, selon ce que dit l’Ecriture, qu’il est facile à Dieu de revêtir un pauvre tout d’un coup.

69. Dieu n’est pas comme les rois de la terre, lorsque vous leur faites une demande pour plusieurs, cela vous empêche d’obtenir pour vous-même, mais au contraire ce Roi souverain, plus on lui demande et plus la charité par laquelle on le prie est étendue, plus il se rend libéral à accorder.

70. La vraie retraite ne consiste pas seulement à être tout le jour seule, mais bien à retrancher toutes les pensées, tous les désirs et toutes les occupations vaines et inutiles.

71. Si les âmes veulent avancer dans la vie intérieure, il faut qu’elles prennent un très grand soin d’éviter toute légèreté et dissipation car l’esprit de Dieu est sérieux et il faut des âmes sérieuses pour le recevoir et pour le garder.

72. Notre Seigneur prend grand plaisir à voir les âmes qui sont à lui, passer leur vie en silence, en patience et en prière.

73. Aimez la retraite, priez beaucoup, parlez peu et soyez humble car c’est ce qui met les âmes dans la voie sainte et les dispose à l’accroissement des dons de Dieu.

74. Parlez beaucoup à Dieu et peu aux créatures. Le silence est une grande chose et très nécessaire pour acquérir la perfection

75. La langue nous est donnée pour louer Dieu et pour dire les choses nécessaires et non pour en dire d’inutiles. C’est pourquoi il la faut soigneusement garder et vous voyez aussi que Notre Seigneur n’a pas dit seulement : « Quand vous médirez, quand vous mentirez, vous en rendrez compte au jour du jugement » mais que « vous rendrez compte de chaque parole oiseuse que vous aurez dites. »

76. Un des usages par lesquels nous pouvons honorer le Fils de Dieu comme Verbe et Parole de son Père, c’est la parole. C’est pour cela que nous devons avoir un très grand soin que toutes celles que nous sommes obligées de proférer, soient saintes et parfaites et comme paroles de Dieu, selon ce que dit saint Pierre.

77. Soyez fort reconnaissante des charités que l’on vous rend, vous ressouvenant que la justice vous y oblige et que Dieu hait autant l’ingratitude qu’il aime la reconnaissance.

78. Les âmes qui vont simplement et innocemment sont remplies de la plénitude de Dieu et vous voyez que son Fils lui rend grâce « de ce qu’il a caché ses secrets aux sages et aux prudents et les a révélé aux petits qui sont les simples et les humbles. »

79. Il n’y a rien que l’homme ne craigne davantage que l’assujettissement, ni rien qu’il aime mieux que la liberté, c’est pourquoi Dieu veut qu’il lui en fasse un sacrifice et pour moi je ne fais nulle estime de toutes les dévotions d’une âme si elle n’est assujettie.

80. Lorsque les âmes se retirent de l’assujettissement, elles entrent dans une fausse liberté et sortent de la liberté des enfants de Dieu que l’on ne reçoit que dans le parfait assujettissement à Dieu et aux hommes pour son amour.

81. Il ne faut rien demander, ni rien refuser, mais être disposé à tout ce que l’obéissance voudra faire de nous.

82. Les vraies carmélites doivent faire toutes choses par amour.

83. La perfection à laquelle sont appelées les âmes chrétiennes et religieuses ne consiste pas seulement en la pratique de quelque vertu et pour un temps, mais à les pratiquer toutes, en tous temps, en toutes occasions et quelque difficulté que l’on y rencontre de la part de la nature ou de la tentation.

84. Comme Dieu peut agir sur le néant et en tirer quelque chose, il pourrait bien mettre en nous les vertus en un moment et sans qu’il nous en coûtât rien, mais il ne lui plaît pas d’agir de cette sorte que très rarement, car il veut que nous les acquérions par un long et pénible travail joint à l’opération de sa grâce sans laquelle tout ce que nous pourrions faire de notre part serait vain et inutile.

85. Travaillez sans cesse à toutes les vertus mais particulièrement à l’humilité et à la douceur, vous souvenant que le Fils de Dieu nous les a singulièrement recommandées lorsqu’il a dit à ses apôtres : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. »

86. Une âme qui veut suivre Jésus-Christ ne doit jamais chercher le repos, mais travailler continuellement sans se lasser jusqu’à la mort.

87. Souvenez-vous que la terre n’est pas une région de clarté mais de ténèbres, que ce n’est pas le lieu où l’on voit mais bien celui où l’on travaille et ainsi résolvez-vous à le faire quoique vous n’ayez point de lumière.

88. La perfection chrétienne n’est pas l’œuvre d’un jour, elle ne s’acquiert que par un long travail et en se renonçant et en se mortifiant soi-même en toutes choses petites et grandes et cela sans relâche. Elle ne consiste pas en belles paroles, en bon dessein, ni en bonnes résolutions mais en œuvres saintes et parfaites.

89. Ne vous y trompez pas, la perfection chrétienne est très difficile à acquérir et si quelqu’un la croit facile, il fait bien voir non seulement qu’il ne l’a pas acquise mais même qu’il n’y a pas essayé, et néanmoins cette difficulté ne vous dispense pas d’être parfaite puisque le Fils de Dieu nous y oblige dans l’Evangile lorsqu’il dit : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »

90. Ce n’est pas la peine mais l’indisposition de l’âme qui l’empêche de travailler à la pratique de la vertu, car la grâce de souffrir n’empêche jamais celle de se rendre à toutes les choses auxquelles on est obligé.

91. Dieu se plaît quelque fois à se cacher à ses élus pour éprouver leur foi, leur amour et leur fidélité, et alors il faut qu’ils prennent double soin d’agir en l’intérieur et à l’extérieur, non pas selon ce qu’ilssentent mais selon ce qu’ils croient conformément à ce que dit saint Paul : « Le juste vit de la foi. »

92. Pour l’ordinaire, Dieu nous fait désirer ce qu’il veut nous donner, c’est pourquoi quand l’âme ressent quelque désir particulier pour quelque vertu, elle doit aussi travailler avec un soin particulier à l’acquérir et espérer que celui qui peut tout ce qu’il veut, bénira son travail et l’accompagnera de sa grâce.

93. Quand on reçoit quelque grâce de Dieu, il ne faut pas s’y arrêter pour en jouir, mais l’accepter par amour vers lui et pour l’honorer davantage, retranchant la part que notre amour propre y pourrait prendre.

94. Toute la vie nous est donnée pour commencer à servir Dieu. La pratique d’une vertu est une disposition pour en acquérir une autre. Après la mort on commencera une vie de gloire dans le ciel qui durera toujours et où tout sera parfait, mais en la terre, il faut toujours et à tout moment commencer. David était un grand prophète, néanmoins il disait :« Ecce nunc coepi. Maintenant je commence. »

95. Quand on veut se résoudre à travailler pour acquérir la perfection, il ne faut pas regarder à son âge, car ce n’est pas l’âge qui donne les vertus, mais la seule grâce de Dieu suivie de la fidélité de l’âme à y correspondre.

96. Soyez fort fidèle à la parole intérieure de la grâce, car la grâce a une parole et les âmes doivent être très attentives à l’écouter et très promptes à se rendre à ce qu’elle demande.

97. Souvent les âmes se trompent beaucoup croyant des choses impossibles qui leur seraient faciles si elles avaient plus de soin de recourir à Dieu, dans leurs besoins et plus de courage et de fidélité pour bien user de la grâce qu’il leur présente pour se surmonter elle-même et pour se rendre à leur devoir.

98. Lorsque quelque chose du service de Dieu ou de votre perfection vous paraîtra extrêmement difficile, ne vous arrêtez pas à regarder cette difficulté, mais dites dans votre cœur ces paroles de saint Paul : « Je puis tout en celui qui me conforte ». Recourez humblement à lui et vous souvenez qu’il ne refuse point sa grâce à ceux qui persévèrent à la lui demander avec humilité et confiance.

99. Si les âmes n’ont un grand soin de se rappeler souvent à l’estime et à l’amour du joug de Jésus-Christ, non seulement elles n’arriveront jamais à la perfection car elles en demeureront toujours très éloignées, mais elles ne trouveront jamais le vrai repos que le cœur de l’homme désire et cherche continuellement, car Jésus-Christ ne donne sa paix qu’à ceux qui aiment son joug et qui s’y assujettissent de toutes leurs puissances.

100. Il importe peu que l’on soit dans l’action ou dans le repos, mais il importe beaucoup que l’on soit séparé de soi-même dans l’un et dans l’autre.

101. Il nous importe peu que l’on nous loue ou que l’on nous blâme, que l’on ait bonne ou mauvaise opinion de nous, car les hommes passeront en un moment, alors toutes leurs pensées passeront, c’est pourquoi nous ne devons faire estime que du jugement qui demeure éternellement.

102. Il n’importe pas à l’âme de savoir en quelle voie Dieu la met, mais il importe infiniment en quelque état où elle soit d’y être à Dieu et d’y accomplir parfaitement toutes ses saintes volontés sur elle.

103. Faites plus d’état de la pratique solide de la vertu que de plusieurs visions et révélations, car si elles ne sont accompagnées d’une grande humilité, mortification et soumission d’esprit, l’âme se pourrait perdre dans ces dons extraordinaires.

104. Quand vous rendez compte des dispositions de votre âme, il ne faut pas que ce soit pour recevoir de la satisfaction de ceux à qui vous parlez, mais pour recevoir la grâce que Jésus-Christ vous a méritée et qu’il vous veut donner par cette communication.

105. Le besoin le plus ordinaire des âmes n’est pas de recevoir de nouvelles lumières mais bien de faire un saint usage de celles qu’elles ont déjà reçues.

106. Il ne faut pas que les âmes fidèles reviennent à deux fois à demander avis sur une même chose, une seule doit suffire et en peu de paroles.

107. Ceux qui ont la conduite des âmes doivent leur parler non par leur esprit propre mais par celui de Jésus-Christ qui est bénin et tout ensemble fort et puissant, selon ce qui est écrit de la Sagesse de Dieu qui est si son même Fils, qu’elle atteint d’une extrémité jusqu’à l’autre fortement et dispose toutes choses suavement.

108. C’est une chose si dangereuse que la direction des âmes, que si l’on envoyait les périls, bien loin de s’y ingérer par son propre choix, lors même que l’on serait contraint de s’y rendre pour se soumettre à l’ordre de Dieu, l’on ne le ferait qu’avec crainte et tremblement.

109. Il faut, travailler soigneusement à retrancher en nous jusqu’à la moindre petite imperfection, car puisqu’il n’y en a pas une qui, en quelque manière, ne nous détourne de Dieu, nous n’en devons négliger aucune.

110. Jamais imperfection ne donne de joie à l’âme qui s’y laisse aller, au contraire elle lui laisse une certaine tristesse qui ne peut s’exprimer et elle ne la lui fait pas ressentir seulement pendant qu’elle est dans le monde mais aussi lorsqu’elle en sort, et encore plus quand elle en est sortie, si bien qu’une âme imparfaite porte la tristesse de son imperfection dans la vie, dans la mort et jusqu’après la mort, et au contraire les âmes vertueuses ont toujours joie et paix en elles-mêmes, quelque sujet de trouble et de tristesse qu’elles puissent avoir au dehors.

111. Lorsque nous nous laissons aller à quelques imperfections, nous manquons non seulement aux vertus mais aussi à Jésus-Christ qui en est l’auteur.

112. Il ne faut point écouter la nature qui tend toujours du côté de l’imperfection mais quand elle veut quelque chose conforme à son inclination dépravée, il la faut faire obéir à la grâce et entrer dans l’assujettissement à la loi de Dieu car c’est notre devoir et notre ouvrage.

113. Lorsque nous manquons à Dieu dans les petites décisions, c’est un grand abus de croire que nous ferons mieux dans les plus importantes car, comme la fidélité que nous lui rendons dans ces petites choses nous dispose à lui en rendre dans les grandes, ainsi les légères imperfections où nous tombons nous font un chemin pour passer à en faire de plus grandes.

114. C’est par les petites choses que le Fils de Dieu nous veut élever aux plus grandes selon cette parole qu’il dit dans l’Evangile : « Bon serviteur et fidèle qui avez été fidèle en peu de choses, je vous constituerai sur beaucoup. »

115. Quand nous sentons notre nature émue et dans quelque passion, il faut peu parler afin d’éviter de dire quelque chose qui soit conforme à ses sentiments imparfaits, ce qui serait encore un plus grand mal et un sujet de nouveau trouble pour l’âme, mais il faut aussitôt aller au Fils de Dieu chercher notre remède.

116. Il ne faut pas se décourager à la vue de ses fautes, mais il faut s’en humilier. C’est le propre des enfants d’Adam de tomber et celui des enfants de Dieu de se relever et de tirer profit de leurs chutes, selon ce qu’il est dit qu’ « à ceux qui aiment Dieu, toutes choses coopèrent en bien. »

117. L’âme ne doit jamais s’abattre en sorte qu’elle manque à l’espérance que Dieu veut qu’elle ait de jouir de lui et de le posséder éternellement, et pour témoigner combien cette espérance lui est agréable, il nous y oblige sous peine de péché.

118. Quand vous aurez fait quelque faute, demandez-en pardon à Notre Seigneur Jésus-Christ avec une profonde humilité et le remerciez de ce qu’il a donné son sang pour l’effacer puis rentrez dans la paix et dans la confiance en Dieu et recommencez de nouveau comme si vous n’aviez rien fait.

119. Lorsque nous recevons l’absolution de nos fautes, il faut nous lier aux actes de contrition que Notre Seigneur Jésus-Christ a fait pour nous quand il était sur la terre et supplier son Père que pour l’amour de lui, il daigne nous regarder non plus comme des ennemies mais comme ses filles et servantes.

120. Il faut avoir une grande confiance en Jésus-Christ comme en celui qui peut seul remédier à tous nos maux, et qui ne se lasse jamais de nous faire du bien.

121. Souvenez-vous que plus nous avons soin de nous-mêmes et de ce qui nous regarde conformément à l’inclination de notre amour propre, moins Notre Seigneur en a et que moins nous en prenons pour nous abandonner à sa providence, plus il en prend par sa bonté infinie.

122. Il faut être égal en tous temps, ne se laissant aller ni à la joie, ni à la tristesse et toujours soumise à ce qu’il plait à Dieu d’ordonner sur nous, acceptant également le travail et le repos, la peine et la facilité. Un jour vient que nous entrerons dans une autre vie et dans une autre terre où la joie et la paix seront éternelles.

123. Nous devons passer chaque jour comme si c’était le dernier de notre vie et faire chaque action comme si c’était la dernière que nous eussions à faire.

124. Prenez toujours le moment présent pour en faire un bon usage car vous n’avez que cela entre les mains. C’est un effet de notre pauvreté et de notre bannissement en la terre que nous ne possédons ni pour nous, ni pour les autres que le monde où nous sommes, car ce qui est passé n’est plus en notre pouvoir et personne ne nous saurait répondre de l’avenir.

125. Comme notre corps tend continuellement à la terre de laquelle il a été tiré et en laquelle il doit en fin être réduit par la mort, notre esprit doit de même, et à bien plus forte raison, tendre à Dieu continuellement lui qui est son principe et sa dernière et souveraine fin.

126. Le temps de la mort étant si terrible et si incertain et « la porte du ciel si étroite » comme le Fils de Dieu nous l’apprend, il est nécessaire de veiller et d’être toujours sur ses gardes afin de ne point se détourner de Dieu et de n’être pas pris à l’impourvue de cette dernière heure.

127. Il ne s’y faut pas tromper, jusqu’au dernier moment de notre vie il n’y a point d’assurance non seulement pour la perfection car il n’y a point d’âme pour avancée qu’elle soit qui puisse croire y avoir fait le premier pas, mais même pour le salut, c’est pourquoi nous devons travailler sans cesse jusqu’à la mort sans nous lasser et opérer notre salut en crainte et tremblement comme nous l’apprend l’Ecriture et vous savez ce qu’elle dit ailleurs que « l’homme ne sait s’il est digne d’amour ou de haine. »

128. Cherchez la paix, souffrez de tout le monde et vous réjouissez dans l’espérance des biens à venir que Dieu a préparés et promis à ceux qui l’aiment.


Table et txt thématiques extr. de lettres

par Sœur Thérèse !

Abandon à Dieu L 37 ; 62

Adoration L 67,3 ; 77 ;

Amour de Dieu pour nous L 2, 2

Amour pour Dieu L 8, 2

Bérulle L 45 ; 47( cf enfance) ; 96 (cf Vierge Marie) ; 97 (cf Monastère –fermeture)

Bonnes oeuvres L 8, 2

Cloture L 64

Combat spirituel L 2, 1 ,2 ;

Conseils pour la vie intérieure L 10 1, 2

Conseils pour la conduite des novices L 11 1; L 22, 1

Conseils à une prieure L 31, 3; L 111, 1-2 ; 112 ; 133 ; 114 ;

Croix de Jésus-Christ L 81

Désinteressement : L 99,1

Dévotions : 109, 2 ; 110

Diable L 2, 2 ;

Douceur L 22, 1; 97 ; 116

Enfance (mystère de l'état) L 47, 2

Foi L 1, 1, 2 ;

Force L 26, 1;

Guerre L 98, 1 ; 117, 2 ; 120,1-2 ;

Homme L 1, 3 ;

Honorer Dieu : L 39 ; 41

humilité : L 1, 1; 8, 2

mort : L 33, 1

Madeleine de St Joseph : L 23, 1 ; L 39, 1 ; 93 ; 95 ; 96 ; 108 ; 115 ;

Monastère : L 97, 3 ;

novices : L 19, 3 ; 69 ;

Obéissance : L 1, 1,2 ;

Pauvreté L 100, 4 ;

Prieures : L 6, 1 ; 9, 1 ; 96

Prière : L 15, 1 ; 17,1 ; 68

protestant : L 1, 1 ;

protestantisme : L 1, 2 ;

renoncement à soi-même : L 80

Saint Sacrement : L 122

Santé : L 100, 5 ; 104, 2 ;

Vierge Marie : L 1, 1 ; 96 ; 98 ; 121 ; 122, 3 ;

Vie religieuse L 2, 3 ;

Voie de Jésus-Christ : L 1, 1 ; 2, 2 ; 49, 2

Volonté de Dieu : L 2, 1 ; L 27, 1;

Zèle des âmes L 1, 3 ; 2, 1; 3, 1 ; 101 ; 117, 4 ; 123 :



Abandon à Dieu L 37 : Il est vrai que c'est une chose étrange d'être chargée d'un si grand nombre de filles avec si peu de santé ; et il n'y a que le seul abandon à Dieu qui me puisse faire soumettre... ce serait le plus grand mal de tous de ne pas vouloir ce qu'il veut puisque toutes choses doivent être entièrement assujetties à sa très sainte volonté.

L 62 : ...Il faut élever son esprit à Dieu et lui laisser conduire la terre comme il lui plait, sans y apporter de notre part autre chose que de la bénignité et de la charité envers tous, les regardant dans celui qui les a crées er rachetés de son sang et qui sait seul la fin et le jugement qui sera fait de chacun..

Adoration L 67, 3 : ...les mytères du Fils de Dieu.C’est à quoi je désire occuper le reste de mes jours adorant jusqu'à ses pas et jusqu'au plus petites particularités de sa vie, s’il y a quelque chose de petit dans celui qui est la grandeur même.

L 77 : Ne vous occupez pas tant à y résister ou à faire des actes contraires, comme à vous élever par ces petites peines, adorer les grandes de Jésus-Christ en sa vie voyagère et en tout ce qu’il a été.

Amour de Dieu pour nous L 2, 2 : Je supplie J-C par la grandeur de son amour qui lui a fait donner son sang et sa vie en la croix pour notre salut ...qui vous appelle depuis si longtemps avec tant d'amour et de miséricorde

Amour pour Dieu: L 8, 2 : saintes âmes qui ont aimé et servi J-C en patience, humilité et bonnes œuvres et en donnant le bon exemple au prochain.

Bérulle : L 45 : entière (éloge de Bérulle)

L 96 : cf Vierge Marie

Cloture : L 64 : ..ne pas demander de permission au Pape pour entrer en ce monastère.

Combat spirituel -vocation : L 2, 1 : Je ne doute point que vous ne soyez bien combattue dans la résolution que vous avez prise de vous donner à Lui 2 mais il faut que cette grâce vous coûte et que vous l'achetiez par la fidélité

L 2, 2 : ...de vous donner la force de quitter la terre avec un généreux courage

Conseils pour la vie intérieure : L 10, 1, 2 : ..la chose la plus nécessaire en la vie et qui nous peut tirer hors de nous et nous élever à la divine Majesté que de se servir des occasions quelles qu'elles soient et les recevoir humblement

Conseils pour la conduite des novices : L 11, 1 : il est nécessaire de tenir quelques sévérité aux âmes, non pas de paroles ni rudes ni sévères, mais avoir un œil à Dieu pour ne pas adhérer aux faiblesses et défectuosités de leur nature

L 22, 1 :j'en au vu plusieurs...en qui la dévotion n'est venue de quelques années même après leur profession... et cela vient avec le temps et quelques fois les humilie et donne par la vertu ce qu'elles n'ont pas par la dévotion...mais enfin N-S fait son œuvre petit à petit et non pas tout d'un coup et sans s'accommoder à la misère et à la petitesse humaine

Conseils à une prieure L 31, 3 : Ne craignez pas de montrer quelque tendresse à ses âmes; il les faut prendre par où elles sont prenables et ne point regarder ni dire les manières conformes à nous-mêmes mais prendre humblement celles que J-C nous donne, c'est à dire celles par lesquelles nous voyons que nous leur pouvons servir

L 111,1 : Je vous recommande cela tant que je peux et de ne jamais dire de paroles dures aux Sœurs mais toujours doucement et avec un visage ouvert et charitable leur parler et leur dire ce qui sera besoin, sur tout élevant votre esprit à Dieu pour elles et sur elles et ne leur parlant pas par l’esprit naturel, mais par l’esprit de Jésus-Christ, qui est bénin, doux fort et puissant, non pour charger les âmes, mais pour travailler avec persévérance jusqu’à ce que vous les ayez mises au point où sa divine Majesté les demande. Offrez continuellement cet œuvre à Jésus-Christ afin qu’il l’élève et qu’il le sanctifie...

L 111, 2 : Pour ce qui est de vous, laissez fa ire à Dieu. Vous serez bienheureuse si sa Majesté vous rend digne de la servir en ses œuvres et que vous puissiez y apporter quelque chose par prières et par patience : ce sont les armes par lesquelles il faut vaincre. Pour toutes les choses qui ne concernent point le service que nous devons à Dieu, il les faut laisser écouler doucement et patiemment. Elles sont une heure et ne sont pas une autre, nous font de la peine et puis n’en font plus. Il faut tout laisser passer, hors Jésus-Christ et ses voies sûres et véritables . Continuez à vous laisser à Dieu et à ne chercher aucune assurance en vous-même, la créature n’étant que bassesse et néant.

L 112 :Nous devons faire trois choses en la vie qui nous la doivent faire écouler et passer dans quelque sorte de disposition que l’on ait : c’est de soumission à Dieu, d’abandon total de nous-mêmes à sa divine conduite et de référence de tout ce que nous sommes entre les mains de Jésus-Christ à ce qu’il nous donne à son Père.

L 113 : Ne vous souciez pas de ce qui vous occupe, si c’est peine ou plaisir, difficulté ou facilité, mais seulement regardez à être droite, simple et pure devant Dieu, jamais ne cessant de vous rendre à lui.

L 114 : Ayez soin de ne pas laisser les voies intérieures sous quelque prétexte que ce soit ; mais en grande patience d’esprit suivez Dieu et ce qu’il demande de vous, soit pat liaison avec lui, soit par une humble pratique des vetus intérieures et extérieures. Il n’y a jamais rien qui nous en puisse empêcher : il faut biern s’établir sure cette vérité afin que nous en soyons pas trompéees et que sous un prétexte ou un autre nous ne soyons toujours à recommencer.

Croix de Jésus-Christ L 81 :c’est chose précieuse que la croix de Jésus-Christ ; et, quoiqu’il lui plaise de nous en départir, il faut la tenir chère. Et ne pas chercher à ; nous en défaire.

Désintéressement L 99, 1 : (Les supérieurs réfutèrent à la petite de V. de faire faire profession avant son âge) Je vousdirai que pour attendre son temps, l’on a pensé perdre tout ce qu’elle donnait, qui était la moitié de notre couvent de Troyes.

Dévotions L 109, 2 : C’est une dévotion que j’ai depuis quelque temps que les âmes soient liées aux saints et aux anges qui ont soin particulier du lieu où elles sont.

L 110 : ...avoir part à l’humilité qu’il donna à sainte Madeleine étant à ses pieds. Ce sont là mes dévotions et mes désirs d’avoir une petite place en la terre et au ciel aux pieds de Notre-Seigneur.

Diable L 2, 2 : ...résistant à toutes les poursuites du diable et en méprisant généreusement tout ce qu'il vous montre

Douceur L 22, 1 : je me suis accoutumée de telle sorte à la douceur que je ne pense pas avoir donnée de pénitence à pas une sœur plus grande depuis six ans que d'une mortification au réfectoire et si, jamais je n'ai au plus de respect et plus d'obéissance véritable et sincère

L 97, 1 : .. faisant entendre avec prudence et respect vos raisons à ceux qui vous traversent, afin de les adoucir. Il est nécessaire dans ces rencontres d’écouler beaucoup de petites choses qui ne sont pas importantes et d’accommoder les autres avec adresse.

L 116 : J’offre votre âme au Fils de Dieu pour recevoir la qualité de sa douceur afin que vous rendiez hommage à cette grandeur que saint Paul nous annonce quand il dit : La bénignité et l’humanité de notre Sauveur nous est apparue etc...(Tite 3, 4)

Enfance (mystère de l'état d') L 47,( Bérulle)Il avait promis à Dieu de porter toutes les maisons de notre Ordre à une particulière application à Notre Seigneur Jésus-Christ en son état d'enfant .

Foi L 1, 1 ; Vous avez changé la foi et la religion qui vous devait accompagner jusqu'au jugement de Dieu....2 chercher les passages dans l'Ecriture pour censurer la vérité de la foi catholique, apostolique et romaine dont la vérité, dont l'antiquité et dont la sainteté rendront à jamais d'autant plus de gloire à Dieu qu'elle a dès le commencement été combattue et que de temps en temps, elle a par nouvel assaut gagné nouvelle victoire

Force : L 26, 1 : vous devez vous séparer de l'attachement que vous pourriez peut-être avoir à celles qui ne sont plus avec vous, ne vous laissant pas aller aux faiblesses de la nature et vous souvenant de cet esprit de notre mère sainte Thérèse, je veux dire de cet esprit de force qu'elle nous a tant désiré et que le Fils de Dieu départ aux âmes qui sont à lui.

Guerre : L 98,1 : Il semble que la charité et la bénignité qui nous sont apparues en Jésus-Christ (Tite 3,4)soient éteintes sur la terre : tout est rempli de guerre, de troubles et de misères dans la France et dans toute l’Eglise....

L 117, 2 : Je vous rends grâces très humbles aussi de la très grande charité avec laquelle vous nous offrez de nous loger. Nous n’avons pas été trop loin de quitter notre monastère pour le grand effroi où l’on était ici de l’armée ennemie ; car on disait que toutes les religieuses seraient obligées de se retirer dans un lieu de sûreté. ( cf. aussi L 120)

Humilité : L 1, 1 ; Je ressens beaucoup l'état où est votre âme, qui est séparée de l'humilité chrétienne...voyez par quelle voie vous avez changé la foi et la religion qui vous devait , accompagner...comme humble sujette de ses commandements.

8, 2 : saintes âmes qui ont aimé et servi J-C en patience, humilité et bonnes œuvre et en donnant le bon exemple au prochain.

Homme Faiblesse L 1, 3 : sachant la faiblesse de l'homme

Honorer Dieu L 39 :Que pouvons-nous mieux faire que d'adorer sa personne sainte et tous les mystères de notre salut qu'il a accomplis ?

L 41 : Rendez hommage au Fils de dieu humilié.

Mort L 33, 1 : je vous dirai qu'elle(la mort) m'est fort présente et qu'il me semble que Dieu m'oblige de m'y préparer. J'essaie de le faire et pour cela d'entrer tous les jours dans les dispositions où je voudrais être en ce temps-là.

Madeleine de St Joseph L 23, 1 : Je sens une grande dévotion à l'amour que J-C porte à son père

L 39, 1 : Pour ce que vous croyez que j'ai toutes choses ensemble, les grandes et les ordinaires, je vous dirai librement ce qu'il en est: je n'ai rien du tout de ces subtilités, mais il est vrai que je puis avoir quelque chose comme les autres, quelques applications, mais la manière dont j'ai les choses est pour y tendre, non pour m'y voir établie et je suis tout étonnée de ces âmes qui tout aussitôt ont tout fait.

L 93, 2 : Il y a certaines personnes qui m’attribuent tout ce qui se fait en notre Ordre qui donne peine à quelqu’un. Je les laisse dire et si Dieu en retire quelque gloire pour petite qu’elle soit, cela me suffit.

L 95, 3 : Je suis toujours dans mes incommodités ordinaires et je marche avec très grande difficulté. Enfin, ma mère, cette vie n’est que travail et il la faut souffrir dans l’espérance d’une meilleure à laquelle nous nous acheminons tous les jours. Je n’en passe aucun où quelque chose ne m’oblige à me disposer à ce que je dois et à ce pourquoi je suis créée, dont je rends grâces à Notre-Seigneur Jésus-Christ, car, quand j’aurais encore beaucoup à vivre, je ne désirerais pas d’autres dispositions ni d’autre part en la terre. Tout ce qui s’y passe me semble maintenant comme un songe et je sens et connais clairement que je n’en suis plus.

4 : Je cache tout ce que je puis de mes infirmités, tant pour ne pas donner de la peine à mes soeurs que pour que ceux qui troublent l’Ordre en tirent des espérfances, quoiqu’il y en ait bien peu de sujet ! car le Fils de Dieu, qui défend ses ouvrages, n’a que faire de ses créatures et moins encore d’une telle que moi pour maintenir celui-ci.

L 96, 1 : Je vous écris pendant que j’ai la vue un peu plus forte

L 108 : Je suis tout étonnée de ce que les âmes parlent ainsi de leur voie car j’ai tantôt soixante ans et si je ne pourrais pas dire cela ; quand mon supérieur m’obligerait et même mon bon ange à dire qu’elle est ma voie, je ne le pourrais pas faire car je n’ai rien et ne sais que c’est de parler ainsi. L’on va à Dieu comme l’on peut. Ce n’est pas que les âmes n’aient une voie, par où elles vont à Dieu, ni qu’elles n’en puissent avoir quelque petite connaissance, tant par la lumière que Dieu leur en donne immédiatement par lui-même que par la personne qui les conduise, mais cette vois n’est pas tellement limitée à une certaine disposition qu’elle n’en enferme beaucoup d’autres selon le vouloir de Dieu qui fait à ses créatures ce qu’il lui plaît, ni l’âme ne se doit tellement approprier sa voie et s’en assurer qu’elle ne pense que Dieu la changera quand il lui plaira : et que peuvent savoir ces âmes dans les ténèbres de la terre, quand ils disent si assurément : ma voie ? Pour être que leur voie est déjà changée quand ils parlent ainsi et les inégalités que nous expérimentons tous les jours dans cde qui se passe en nous nous empêchent bien, ce me semble, de pouvoir parler de cette sorte, car un jour Dieu élève l’âme et lors elle est dans une voie d’élévation par laquelle il faut qu’elle cherche, le lendemain il lui ôte tout et la laisse dans sa petitesse et sa misère et lors c‘est une vois d’humiliation et de patience.

L 115 : Je supplie Notre Seigneur de se donner lui même à vous comme doux et bénin. J’offre de tout mon coeur votre âme à son âme sainte et désire qu’elle entre en la mansuétude et patience de Jésus-Christ souffrant et mourant, étant une des choses dont j’ai plus de désir pour moi-même.

Monastère L 97, 3 :...on presse Messieurs nos supérieurs de défaire le monastère de N (Guingamp) et de détruire une oeuvre de Dieu pour huit religieuses mortes en quatre ou cinq ans....Je crains bien que, si on donnait lieu à ces appréhensions et que l’on commençat à se défaire de nos maisons, l’esprit malin ne s’arrêterait pas pour une. Il lui serait bien facile dans le temps où nous sommes, plein de troubles et de guerre, de tirer profit de cet exemple.

Novices L 19, 3 : (future novice) il faut les élever et accoutumer à être gaie, ouverte et de douce humeur, ne leur endurant jamais de ses renfermer, de faire de petites mines que font quelques fois les enfants, ni de disputer avec les autres enfants.

L 69 : Il faut une grande douceur et quand vous leur parlerez, parlez à vous premièrement. Quand nous reprenons les fautes, il faut aussi parler à nous mêmes plutôt qu’à celle qui a failli,et en cette sorte nos avertissements font de bons effets parce qu’ils sont accopagnés d’humilité.

Obéissance : L 1, 1 : Je ressens beaucoup l'état où est votre âme, qui est séparée de l'humilité chrétienne...voyez par quelle voie vous avez changé la foi et la religion qui vous devait accompagner ...comme obéissante à ses saints apôtres. 2 Mais qui a tiré votre âme de l'obéissance ?

Pauvreté : L 100, 1 :Nous avons grande compassion de votre pauvreté mais nous sommes dans u temps si cher et l’on a tant de peine à vovre qu’il est vrai qu’on ne fait pas tout ce qu’on voudrait bien. Mandez-nous, s’il vous plaît, par quelle voie nous vous pourrions envoyer cent livres que notre Mèr eet nous désirons vous donner.

Prieures - Choix L 6,1: Vous savez que l'on ne peut pas trouver si promptement des supérieures

L 9, 1 :Celle qu'on a choisie est très vertueuse et très propre à cette chose...je vous assure qu'elle est très grande servante de Dieu et fort humble et charitable.

L 96, 1 : ..afin que la grâce s’accroise tous les jours en vous et l‘amour à ses mystères, à sa personne sainte et à l’imitation de ses vertus : de son humilité, en servant ses servantes, et de sa charité en souffrant leurs défauts et les incommodités qui se trouvent ne servant les âmes et en leur enseignant plus par la pratique que par la parole.

L 15,1 : Il nous faut beaucoup prier , car ce sont les armes par lesquelles nous nous devons défendre et combattre nos ennemis

L 17, 1 : Je vous conseille de retrancher toutes les communications que vous ne voyez pas absolument nécessaires ou pour le moins d'en diminuer le temps afin d'en avoir davantage pour la prière; car c'est par l'oraison que nous recevons les grâces de N-S et que nous sommes mis en ses mains pour faire ses œuvres...je vous conseille de ne point passer de jour sans prendre quelque heure d'extraordinaire outre celles de la communauté. Le peu de paroles que vous direz feront plus d'effets que beaucoup de discours étant dissipée vous-même.

L 68,3 : La prière donne beaucoup de force et j’y porte toutes les âmes d’ici le plus que je puis, particulièrement celles qui sont assurées par leur âge de ne plus pouvoir guère vivre..car en priant et en cherchant, l’âme trouve avec le temps et la patience selon la parole de Jésus-Christ.

Protestant : L 1,1 Je ressens beaucoup l'état de votre âme qui est séparée de l'humilité chrétienne. Entrez, je vous supplie, dans le fond de votre conscience et voyez par quelle voie vous avez changé la foi et la religion qui vous devait accompagner jusqu'au jugement de Dieu comme fille de la vraie et ancienne Eglise...2,.Qui vous a enseigné à délaisser la vraie et parfaite voie de Jésus-Christ, suivie par vos pères il y a seize cents ans ?...

Protestantisme : L 1, 2 ; nouvelle et fausse religion

Renoncement à soi-même : L 80 ; Encore que sa divine Majesté ne vous envoie point de croix particulière, il faut porter celle qui est commune et, ce semble, la plus pénible de toutes, qui est le renoncement à soi-même et l’assujettissement à toute créature.

Saint Sacrement : L 122, 1-3 : Je vous dirai que je voudrais que l’on composât un traité du Saint Sacrement. Je désirerais que celui qui  composerait ce livrevmontrât que Jésus-Christ a multiplié sa pré&sence en tant de lieux par desz conseils très élevé&s et cependant peu connus et moins honorés. Je voudrais qu’il fît voir que dans ce Sacrement se trouve l’abrégé de tous ses états et de tous ses mystères. ...

Santé : 100, 5 : La fluxion qui me continue toujours fort fâcheuse sur mon oeil m’empèche de vous donner la consolation de vous écrire de ma main .

L 104, 2 : Je suis fort in commodé de mon mal de jambe et de plusieurs infirmités, qui ne sont, comme je coirs, tant pour me faire sitôt aller voir Dieu, comme pour obliger une âme faible comme la mienne à une pluis particulière disposition pour cela.

Vierge Marie :L 1,1 ; Je ressens beaucoup l'état où est votre âme, qui est séparée de l'humilité chrétienne...voyez par quelle voie vous avez changé la foi et la religion qui vous devait accompagner .. comme servante de sa sainte Mère et de ses saints et saintes.

3, 1 La pensée de servir la Vierge en l'Ordre m'a beaucoup aidé

L 96, 1 : Sur toutes choses ayez soin de les rendre bien dévotes à la Mère de Dieu, leur Patronne. C’est un des plus grands désirs de notre bon Père Monseigneur le Cardinal de Bérulle et il tenait que c’était par cette dévotion que notre Ordre tirerait le plus de grâces et ferait plus de profit.

L 98, 2 : Il faut avoir aussi, tant pour cela que pour toutes les autres nécessités présentes, un grand recours à la sainte Vierge qui est la Mère de Miséricorde et la Mère de l’Eglise. C’est en elle que Dieu a rassemblé tous ses trésors ...

L 121 ... 2 : Demandez lui qu’e’lle vous dispose pleinement à recevoir les effets de sa maternité ? C’est une grâce qui est communiquée en plénitude à très peu d’âmes. Je la supplie par sa grande bonté que nous soyons de ce petit nombre. ...

L 122 ,3 : Dieu ...m’a montré que la Vierge avait une prérogative d’adorer son Fils en tous les lieux où il est en même temps. Et je lui ai demandé qu’elle nous y donnât quelque petite part

Vie religieuse L 2, 3 : vivre ici-bas de la vie des anges, en pureté, en sainteté et en élévation continuelle vers lui.

Voie de Jésus-Christ : L 1, 1 ; Qui vous a enseigné à délaisser la vraie et parfaite voie de Jésus-Christ.

L 2, 2 ; la voie la meilleure et la plus assurée pour arriver au ciel

L 49, 2, 4 ; Qui donc est le plus parfait ? Celui qui est le plus en Jésus-Christ, qui est notre voie. Or nous entrons en Lui par une perpétuelle adhérence à lui soit par notre esprit, soit par nos œuvres en imitant sa profonde humilité, sa patience, sa soumission et obéissance jusqu’à la mort et à la mort de la croix. Nous nous unissons à lui encore par l’adoration de ses mystères....Or si la sainte Vierge n’a par cherché d’autre dévotion que voulons nous nous autres et où pourrons nous trouver rien qui peut en approcher ?

(§ 4) Je sais que tous ne peuvent pas d’appliquer par discours à nos mystères... Je parle d’une adhérence de volonté, ou simple ou plus forte selon la facilité, le don de Dieu et la liberté d’esprit ; je parle d’une adhérence de tout soi-même au Fils de Dieu, je parle d’une patience ayant relation à la sienne et à ses travaux et d’un hommage permanent et continuel qui ne finit qu’avec nous.

Volonté de Dieu : L 2, 1 vous rendre plus facile le passage que vous devez faire pour accomplir sa volonté

L 27, 1 : ...vous ne puissiez être appliquée qu'à une dépendance entière et parfaire de sa grandeur et de sa souveraineté sur ses créatures, en laquelle il ne nous est pas permis de disposer de nous un seul momentmais comme de pauvres néants, nous devons remettre notre être entre les mains de celui à qui il appartient

Zèle des âmes : L 1, 3 ; touchée au vif du désir de vous voir rentrée dans la bergerie de J-C.. je ne sache rien, pour pénible qu'il fut, que je voulusse porter pour votre salut....Je ne sache rien pour pénible qu'il fut que je ne voulusse porter pour votre salut

2, 1 Je voudrais qu'il plut à Dieu de m'envoyer quelque nouvelle croix pour adoucir celle que vous portez et vous rendre plus facile le passage que vous devez faire pour accomplir sa volonté ; je la recevrais avec joie et tiendrais à bénédiction d'augmenter mes souffrances pour diminuer les vôtres.

3, 1 âmes que vous savez qui sont en de si grands besoins, ce que vous (Bérulle) m'avez ordonné de recevoir

L 101, 3 : lequel (Jésus-Christ), s’il nous fait miséricorde, comme je le lui demande et l’espère de sa bonté, nous ne vous oublierons pas ni la moisson à quoi vous êtes appelés. (Le Père Le Jeune s.j.)

L 117, 4 : Nous ne savons kusqu’à quel point ira la colère de Dieu. Je vous supplie de lui faire beaucoup demander l paix de la chrétienté par nos bonns soeurs de votre monastère et de les prier de laisser toutes les autres choses pour s’appliquer seulement à cela.

L 123, 1 : baptême des deux petites Sauvages tant pour la célébrité de l’action que pour la grnade dévotion qu’un grand peuple y témoigna. ( description du Baptême)

NOTES : L 86 (vers 1634) L e con flit avec l’Oratoire s’apaisait après les brefs d’Urbain VIII réglant la visite des carmélites (2 avril 1632 et 29 janvier 1633) ;quand la déposition d’une prieure (celle de Saint Denis ?) fille spirituelle du P. de Condren, vint en novembre 1633 aigrir de nouveau les esprits. La Mère Madeleine surtout fut critiquée car on la regardait comme l’instigatrice d’une mesure qu’elle s’était au contraire efforcée d’empêcher.


Textes sur Madeleine de saint Joseph tirés du procès



Par sœur Thérèse !

les dossiers sont ceux de la malle

BERULLE

2 C 16 ( des Rochers p. 16) Monsieur de Bérulle disait qu'il avait plus appris des grandeurs de Dieu en sa communication qu'il avait fait dans toutes ses études

ABANDON A DIEU

2 C 16 (des Rochers p. 17)toute ma consolation est de pratiquer le conseil de cette bienheureuse qui était un grand abandon à la conduite de la divine providence mais pourtant elle disait qu'il fallait travailler et faire tout ce que l'on pouvait et d'attendre tout de Dieu comme si nous ne faisions rien

CONFIANCE EN DIEU

2 C 2(Gibieuf p.11) Elle disait : "Qu'il est très utile de se défier de soi-même et de faire peu de cas de nos propres pensées, afin que mettant entre les mains de Dieu tout l'ouvrage de notre salut, il en fasse selon sa volonté et qu'étant dégagés d'une infinités de chemins embarrassants, il nous conduise simplement où il souhaitera et qu'il nous donne une tranquillité d'esprit, une longue vie et une assiduité à le prier et avec tous ces avantages nous attendions en repos et avec humilité qu'il nous fasse connaître sa sainte volonté; c'est de vivre selon l'évangile que de prier mais de prier sans relâche

DOUCEUR

2 C 4 - (évêque de Bazas) p. 4 La douceur de son esprit, la force de son entendement, les clartés et les lumières de son âme ,le goût et le sentiment qu'elle avait des choses de Dieu, l'intelligence de ses mystères, le don qu'elle avait de pénétrer les coeurs, de discerner les esprits et pour comprendre toute une sagesse vraiment évangélique...

GOUVERNEMENT :

2 C 12 ( Castaing p. 4 s.) Dans la charge de prieure elle s'est si bien gouvernée dans l'esprit de J-C qu'elle n'agissait jamais que par l'esprit de servitude et non de domination et au lieu d'être maîtresse et supérieure de ses religieuses, elle paraissait et était la servante de toutes en général et de chacune en particulier et sa conduite était si douce et si solide qu'elle imprimait aux religieuses l'amour et la crainte tout ensemble, qu'elles avaient pour elle c'est à dire un amour filial en N-S et une crainte de respect

GRACES INTERIEURES :

D ( Catherine du Saint Esprit) p. 17 "Dieu met en moi par grâce, tout d'un coup et ne fait pas les choses peu à peu, j'ai après un grand travail pour l'établir. cela me consomme toute".

p. 22 : Elle se voyait souvent en un état que l'essence de son âme se voyait séparée de ses sens inférieurs et qu'elle opérait vers Dieu en cette manière et qu'une personne qu'elle lui nomma lui avait voulu donner une conduite conforme à cela mais qu'elle avait plutôt choisi de suivre une voie communue et ordinaire et qu'elle n'cait pas voulu y entrer et que quand cela n'était pas présent qu'elle n'y pensât plus et elle avqit si peu d'estime de tout ce qu'elle avait en elle qu'elle disait que son oraison était de dire un miserere.

p. 24 : An commencement qu'elle se résolut de quitter le monde et de servir (?) entièrement à Dieu, elle lui demanda soigneusement et avec grand désir de le connaître et persévéra longtemps en cette demande après laquelle il lui donna une connaissance particulière de lui comme elle l'a dit elle-même, et qu'ensuite de cela elle pensa : après la connaissance, il faut l'amour au quel elle s'appliqua soigneusement.

Elle dit un jour à Notre-Seigneur :" Voilà une telle personne qui reçoit tant de contentement dans une recherche qu'il fait d'une chose de la terre et moi qui ne veut plus chercher que vous, ne me donnerez-vous rien?" Et lors Dieu lui donna quelque chose de partuculier mais l'on en sait point ce que c'est parce que sa soeur à qui elle dit ces deux choses ne lui demanda pas.

HUMANITE DU CHRIST

2 C 12 (Castaing p. 35) Je ne saurais exprimer l'amour et la dévotion que la servante de Dieu avait à la sainte Humanité du Fils de Dieu et comme son âme en était possédée parce qu'elle en parlait à ses religieuses. elle y faisait une telle impression dans les âmes de cette sacrée Humanité du Fils de Dieu ou pour mieux dire J-C-N-S le faisait lui-même par sa servante que c'était merveille de voir les âmes liées et unies par amour à cette sacrée Humanité et toutes ses appartenances.

MARIE

2 C 2 ( Gibieuf p.13) Combien de fois m'a-t-elle dit et à ses soeurs :"Nous sommes des filles de la Vierge. Notre vocation nous élève et nous attache à la Vierge comme mère et par la Vierge nous entrons dans l'alliance de J-C, c'est là tout l'honneur et la couronne de notre ordre.":

MARIE DE MEDICIS

2 C 2 (Gibieuf p.6)..plutôt que de faire la moindre chose, elle aima beaucoup lieux se voir abandonnée de tout le monde, exilée ...

MORTIFICATIONS

2 C 16 ( des Rochers p. 18) Ses mortifications et pénitences corporelles ne paraissaient pas grands, je sais pourtant qu'elle en faisait.

ORATOIRE

2 C 2 (Gibieuf p.7) ..(sur la fondation) ..à Bérulle : "qu'attendez-vous, est-ce que vous attendez de Dieu des preuves plus certaines que ces inspirations et ces commandements"..

PAUVRES

2 C 17 ( Nicole Bourgoing p. 8) Ma soeur Marguerite Casserat, ma compagne, m'a dit que M. de Fontaines donna une fois à sa fille Notre bse Mère, une somme notable d'écus d'or qui ont duré un fort longtemps et elle en donnait à ma dite soeur Marguerite pour distribuer aux pauvres selon leurs besoins ;;;étant celle que la Ste avait choisie pour avoir soin des pauvres.

TEMOIGNAGES - Madeleine de St Joseph , une autre Thérèse

2 C 2 - (Gibieuf p.5) Michel de Marillac.. a souvent dit que la v.m. était une autre Thérèse et que Dieu avait permis exprès que cette fille entrât dans l'ordre des carmélites pour faire en France ce que Thérèse avait fait en Espagne. Tout le monde sait pour avoir entendu cet oracle d'un véritable homme de Dieu, et comme la suite l'a fait voir, que la v.m. a parfaitement représenté sainte Thérèse tant par ses propres vertus que pour avoir saintement gouverné ses religieuses

2 C 16 ( des Rochers p.12) Mlle Acarie disait qu'elle serait un jour aux religieuses carmélites de France ce que Ste Thérèse était à celles d'Espagne. Elle en avait une très haute estime et qu'elle pourrait être régente

2 C 16 ( des Rochers p. 12) Chancelier de Sillery disait : "Il n'avait jamais connu d'esprit plus digne d'être régent en France qu'elle".

(idem p.16) Ces bonnes mères sont trop heureuses d'avoir ce bon esprit car il est capable de gouverner un empire ( d'autres disent un royaume)

( idem p. 18) M Louytre, doyen de Nantes et visiteur disait :"Cette servante de Dieu que j'estime comme une autre Thérèse".

TOURIERES

2 C 17 (Nicole Bourgoing p.2) Instruction et Règlement du tour

UNION DES MONASTERES

2 C 12 - (Castaing p. 8) (les monastères) avaient recours en toutes leurs affaires temporelles et spirituelles à la Mère Mad. comme si elle restait leur prieure et supérieure... comme si elle n'eut d'autre soin;

il y avait une telle liaison de tous les couvents qui sont en France avec la Rev. M. Mad. et avec le couvent de l'Incarnation dont elle était prieure qu'il semblait que dans toute la France, il n'y eut qu'un couvent..

VOCATION

2 C 16 ( des Rochers p.25) Je lui disais ma chère mère, dites-moi quand nonobstant vous êtes d'avis quand je quitte tout et que j'entre; je le ferai. elle me répondit sérieusement: : "Non, ma fille, je ne le ferai jamais, ce n'est pas à nous à prédestiner les âmes, donnez-vous à Dieu et attendez de lui la connaissance de ses volontés.

VOIX

2 C 17 ( Nicole Bourgoing p.2) J'ai vu souvent Mlle Acarie venir céans demander à parler à notre Bse mère qu'elle aimait fort. Elle venait les faire chanter ici les chants que les mères espagnoles avaient apportés. Notre Bse Mère avait la voix fort douce.

D ( Lezeau p.6) : Elle avait un ton de voix fort doux et agréable. Elle était gaie et joviale dans son entretien.

ZELE APOSTOLIQUE

2 C 1 - (princesse de Condé) Je rends témoignage pour la vérité que c'est la mère Mad. qui m'a donné les premières pensées de l'éternité car avant de la connaître j'étais fort du monde et ne pensais guère de m'en retirer.

2 C 4 - ( évêque de Bazas) p.4 ..Prendre garde de ne pas altérer la pureté de la parole de Dieu par un mélange affecté des choses profanes et curieuses, de m'attacher plus à la délicatesse qu'à la force dans mes discours, à ne pas étudier à plus contenter un auditoire qu'à le toucher, à ne pas chercher ma réputation au préjudice de la gloire de J-C. et du salut des âmes que je devais en cette fonction uniquement envisager.

D (Lezeau p. 11) : Elle m'a dit qu'une fois, voyant la Reine-Mère, Marie de Medicis, entrer dans son couvent, elle résolut d'entreprendre une princesse de grand esprit et fort mondaine qui était à la suite pour la réduire au service de Dieu et qu'elle y employa tous ses meilleurs discours mais qu'elle reconnut bien qu'il n'appartient qu'à Dieu de convertir les âmes.

Textes normatifs

Par sœur Thérèse !

Intructions aux tourières

N’est pas notre objet mais peut être commenté dans une présentation de Madeleine

Instructions et règlements donnés

par la Mère Madeleine de saint Joseph

aux tourières du carmel de l'Incarnation



Tels qu'ils ont été retenus par Nicole Bourgoing, tourière,

et écrits par Soeur Marguerite de Jésus (1646)

(extraits de la. déposition. Cf. malle Dossier 2 C 17)



Que les tourières se levassent à pareille heure que les religieuses.

En s'habillant qu'elles récitassent les litanies de Jésus toutes ensemble.

Elles doivent faire une heure d'oraison quand cela se peut.

Tous les jours entendre la messe et les fêtes et dimanche assister à la grand messe par tour tantôt l'une tantôt l'autre.

Vêpres, celles qui pourront les iront entendre tous les jours.

Les samedis, le salut quand elles pourront ...

Aller faire oraison à l'église à cinq heures du soir comme les religieuses.

Elles diront les Pater et Ave comme les soeurs layes.

Elles doivent aller tour à tour entendre les sermons à l'église du couvent.

Elle nous faisait communier les dimanches et les fêtes qui se rencontrent la semaine, ou le jeudi, et cela selon l'âge de chacune et qu'elle jugeait devoir leur permettre

Elles doivent se confesser au confesseur des religieuses ou à d'autres selon qu'elles auront dévotion. ( nota de soeur Marguerite : Je crois qu'il fallait pourtant demander permission).

Elles feront leur examen de conscience avant le dîner.

Durant le repas quelles fassent la lecture de la vie des saints ou autres livres de dévotion

Le soir, elles se retireront à 9 heures en leur chambre, prieront là Dieu toutes ensemble, diront le Veni Sancte Spiritus, les litanies de la Vierge, le salve, feront leur examen et un petit peu de lecture tout haut, dans les méditations de Dupont ou autres livres de dévotion qu'on leur doit donner du couvent.

Elles garderont le silence tout ce temps là.

(nota : peut-être depuis la fin de complies comme les religieuses)

Et seront couchées à dix heures.

Elle avait donné charge à une religieuse capable de parler à chacune des tourières pour les instruire et voulait que quand il y avait eu quelque petit différent entre elles, elle le disent à cette religieuse, laquelle y remédiait...

La Bienheureuse Mère parlait quelque fois elle-même.

Elle nous portait à ne nous point laisser aller au divertissement

Une parole d'elle faisait beaucoup d'effet.

Elle était douce et quand on lui disait que l'on désirait communier extraordinairement, ou quelque chose semblable, elle acquiesçait.

Elle nous avait prescrit de ne point aller au logis des ecclésiastiques du couvent, mais quand on avait besoin d'eux nous nous contentions de frapper à leur porte sans entrer. eux non plus ni pas un autre homme n'osait entrer dans notre chambre si ce n'était quand quelqu'une de nous était malade, comme le médecin, chirurgien, et le confesseur. cela était de grande édification aux voisins et nous l'observons encore.

Paraphrase du Magnificat.

Dans (voir précédemment) : [1684] [Madeleine de Saint-Joseph], Jesus, Maria, Theresia. / Elévations au Fils de Dieu, sur toutes les Evangiles des Dimanches, Carêmes, Quatre-temps et Fêtes de l’année, / Tirées en partie des Pensées des Saints Pères, p.1-394 et retraite p. 1-89, 1684. Suivi d’une Paraphrase du Magnificat. [Page de titre sans nom d’auteur ni d’imprimeur car relié avec d’autres txts ; les approbations etc. ont été enlevées.] [situé après les retraites ; approbation de 1707 ; cet opuscule n'est probablement pas de la mère Madeleine? voir Louise de Jésus, note en tête du livre]

Ce txt ne serait pas de Madeleine ; à déplacer dans txts génération suivante ?

Cantique d'amour, de reconnaissance et d'humilité. Paraphrase du Magnificat.

I. Mon âme glorifie le Seigneur.

Je suis à Lui. Il n'avait pas besoin de me former pour son bonheur, mais il m'a formée (62).

II. Et mon esprit a été ravi de joie en Dieu qui est mon salut.

Ma joie vient de Lui : il est bien juste qu'elle se rapporte, et qu'elle me rapporte moi-même à Lui. Elle inonde toute mon âme ; elle en pénètre toute la substance et tout le fond, et elle fait par là ce que ne pourraient jamais faire les autres joies. Malheur à (65) l'âme qui les cherche ces autres joies. Malheur encore plus grand à l'âme qui les trouve ; et souverain malheur à l'âme qui les goûte et qui s'y plaît jusqu'oublier la joie pure qui ne peut être qu'en Dieu, de même que le véritable salut n'est qu'en Lui.

III. Parce qu'il a regardé la bassesse de sa servante.

Ne chercher pas (66) ailleurs la cause du bien que vous apercevez en moi. Le regard de Dieu a tout fait. O regard de mon Dieu, source féconde tous les biens ! Ce regard tombe sur la profondeur de l'abîme, et aussitôt on en voit sortir l'Univers. Il est tombé sur ma bassesse, et Il m'a faite ce que je suis. Rien ne n'appartient en propre. Tout est à Lui, jusqu'à moi-même.

C'est à Lui que toute louange est dûe : si vous pensez m'en donner (67) quelqu'une, je m'enfuis dans l'humilité, je me cache dans ma petitesse, et je ne me réserve de toutes les qualités que vous pouvez m'attribuer que celle de "servante du Seigneur".

De là toutes les générations m'appelleront heureuses.

Oui. De ce moment où Dieu m'a regardée d'un oeil favorable : de cet amour (68) de prédilection qu'Il a eu pour moi ; de ce choix qu'Il a daigné faire de moi naîtra comme de son véritable principe le sentiment universel et perpétuel que je suis heureuse. Je n'ai garde de le nier ; je tomberais dans l'ingratitude ; je méconnaîtrais les dons de Dieu ; et d'ailleurs ce bonheur, quoiqu'il me soit donné, retourne encore comme tout le reste à la gloire de sa Grâce. (69)

IV. Parce que le Tout-puissant a fait pour moi de grandes choses ; et son Nom est saint.

Je ne suis heureuse en effet que parce qu'il Lui a plû de me rendre l'objet de Ses grandes miséricordes. J'en suis comblée : mais tout ce que vous pouvez inférer de là, c'est que Son Nom est saint et digne (70) d'une louange éternelle. Que tout ce qu'il y a de créé, quelqu'éclatant qu'il soit à vos yeux s'éclipse et disparaisse en présence de cette sainteté souveraine qui remplit tout.

V. Et Sa miséricorde se répand d'âge en âge sur ceux qui Le craignent.

Au reste ne croyez pas qu'Il ne soit bon, libéral (71) est magnifique que pour moi seule : ses faveurs sont pour toutes les âmes qui voudront Le craindre comme les enfants craignent leur père, et l'aimer comme les épouses aiment leur époux.

VI. Il a déployé la force de Son bras ; Il a dissipé les superbes et tous les desseins qu'ils avaient formés dans leur cœur.

Le Seigneur a une autre (72) puissance bien redoutable ; et ceux qui refuseront d'éprouver ce qu'Il peut en bonté, éprouveront à leurs dépens combien Il est puissant en justice et en rigueur. Voyez-en l'exemple dans tant de rois qui nous ont précédés, et qu'Il a confondus dans leur vains projets ; parce qu'Il n'y trouvait que de la superbe et de l'enflure de cœur.

VII. Il a renversé les Grands de leur Trône, et Il a élevé les petits.

Ces Trônes éclatants et magnifiques où ils étaient placé sur la tête des autres hommes, éblouissait tous ceux qui les regardaient, et attiraient de la part des sujets un hommage mêlé de respect et de frayeur. Le Dieu jaloux a tout renversé, tout réduit en (74) poudre ; et de cette même poussière, Il a tiré par un merveilleux revers les petits et les humbles. Il en a fait les véritables Grands et les véritables rois de son royaume, afin que tout esprit comprenne, et que toute langue publie que Dieu fera à jamais la gloire des humbles et la confusion des superbes.

VIII. Il a rempli de biens ceux qui étaient affamés; et il a renvoyé vides ceux qui étaient riches.

C'est par une suite de mêmes conseils adorables et éternels qu'Il a pris plaisir à rassasier ceux qui étaient pressés par la faim et par la soif : et qu'Il a laissé tomber dans l'épuisement ceux qui étaient dans la plénitude. Pour opérer (76) le premier miracle, il a fallu qu'il tirât de ses Trésors les richesses de la Grâce ; mais pour produire le second effet, il n'a eu besoin d'autre chose que d'ouvrir les yeux à ceux qui étaient remplis de faux biens, pour leur en laisser voir la fausseté ; et conséquemment pour leur faire ressentir leur pauvreté véritable.

Il continuera de faire la même chose dans tous les siècles ; et rien en tout temps ne sera plus propre (77) à nous attirer les richesses de son amour qu'une vive faim et qu'une ardente soif de la justice.

IX. Il a pris soin d'Israël Son serviteur, Se ressouvenant de Sa miséricorde.

Il suffit d'être sous la protection de Dieu. Il conserve avec une fidélité inviolable ceux qui sont à lui, et qui se font un devoir de le (118) servir. S'il paraît les oublier dans de certains intervalles, il les tient néanmoins toujours dans Sa main et sous Ses yeux. Le cours de Sa miséricorde qui semblait interrompu, se remontre bientôt après ; et il n'est pas en nous de meilleur titre pour continuer d'attirer Sa grâce que d'avoir commencé de l'obtenir et de s'efforcer d'y être fidèle. On va de lumière en lumière, et de trésor en trésor : « un jour annonce la nouvelle (119) au jour suivant, et un abîme appelle un autre abîme » encore plus profond.

6. Selon les promesses qu'Il a faites à nos Pères, à Abraham, et à Sa postérité pour jamais.

Le ciel et la terre passeront, mais une seule de ses paroles ne passera pas sans s'accomplir. Heureuse la confiance qui a pour (80) soutient un fondement inébranlable, et pour bornes une éternité. Telles sont les promesses de notre Dieu. L'assurance en est infaillible pour le passé, Il les a faites ; l'exécution en est immanquable pour un certain temps, Il les remplira : et l'effet en est solide et durable pour jamais, elles ne finiront point.

Témoignages.

Déposition de Marie de Jésus ( Bréauté)

Transcription complète par s. Thérèse

Et notre choix (* en tête de§) éliminant surtout la fin

Procès 1647 tome I

[402] Moi, Charlotte de Harlay, dite sœur Marie de Jésus, de l’Ordre de Notre-Dame du Mont Carmel selon la réforme de sainte Thérèse en France et professe du premier monastère de cet Ordre, sis au faubourg Saint Jacques à Paris, ci-devant prieure dudit monastère, âgée de soixante-huit ans et de religion quarante-deux, atteste et certifie pour rendre témoignage à la vérité que la famille de Messieurs de Fontaines d’où est sortie la vénérable Madeleine de Saint Joseph est une des nobles et anciennes de la Touraine. J’ai connu plusieurs parents de cette servante de Dieu et très particulièrement Monsieur de Fontaines, son père, qui s’appelait Antoine du Bois et j’assure que depuis l’année 1604 que j’ai commencé de communiquer avec lui jusqu’en l’année où il mourut (1627) je n’ai rien remarqué ni en sa conversation, ni en la conduite de sa vie qui ne m’ait confirmé en la croyance que j’ai qu’il était un grand serviteur de Dieu, ses paroles étaient pleines de vérité, de vertu et de modestie ; je ne lui ai jamais vu faire [403] ou entendu dire qu’il ait fait aucune action qui ne fût digne d’un très bon et parfait chrétien et d’un homme très religieux ; il visitait souvent les églises et entendait tous les jours la messe et je suis certaine qu’il était grand aumônier [il faisait beaucoup d’aumônes]. Il a fondé notre monastère de Tours et une maison de prêtres de l’Oratoire de Jésus en sa terre de Fontaine pour l’utilité et l’instruction de ses sujets. Je sais qu’il avait un grand amour pour notre mère Madeleine et qu’il fit un si grand sacrifice en se séparant d’elle pour la laisser être religieuse qu’il en fut malade jusqu’au mourir, ce que j’atteste comme l’ayant vu car je le visitai assez souvent pendant cette maladie et suis témoin de sa vertu. Il ne se contenta pas de donner ses enfants à Dieu mais il s’y consacra lui-même dans le saint Ordre de prêtrise et, plus de dix ans avant sa mort, il entra dans la congrégation des prêtres de l’Oratoire où il a consommé ses jours dans une sainte retraite et a assisté les pauvres nécessiteux. Il m’a souvent témoigné qu’il n’avait plus d’autre plaisir en la vie que de s’adonner à ses pieux exercices. Je sais que notre [404] Mère Madeleine de Saint Joseph a beaucoup contribué par ses bons conseils à faire embrasser ce saint état à son père.

Je commençai à connaître cette servante de Dieu en l’année 1604 qui fut lorsqu’elle vint à Paris pour être religieuse. Peu de temps après, elle et moi-même entrâmes en ce monastère à trois semaines l’une de l’autre où nous avons demeuré vingt-cinq ou vingt-six ans ensemble et le temps qu’elle en a été absente pour aller fonder notre monastère de Lyon et celui de la Mère de Dieu en cette ville de Paris, j’ai toujours communiqué avec elle par lettres ce qui m’a donné beaucoup de connaissance de ce qu’elle était, joint qu’elle avait particulière confiance en moi. Il faut pourtant que je dise à la plus grande gloire de Dieu et pour rendre la témoignage que je dois à la vertu de cette sienne servante que tout ce que je pourrais dire et ce que les autres rapporteront de ses vertus, ne sera que la moindre partie de ce qui en serait dire parce qu’elle a toute sa vie rendu une très exacte fidélité à l’attrait que Dieu lui avait donné pour être cachée aux yeux de la créature, [405] parce que aussi elle a observé dans la conduite de sa vie une grande uniformité et égalité d’esprit qui ne se laissait pas aller à ces saillies de ferveur qui rendent les actions plus visibles, enfin parce que, dans cette conduite toujours égale, ses actions vertueuses étaient si pressées que l’attention de ceux qui les voyaient opérer, ne s’attachait pas tant à discerner ses actions particulières comme à considérer la suite continuelle et la raison d’opération d’actions vertueuses de façon que, pour parler dignement et véritablement de la sainteté de cette grande servante de Dieu, il ne la faut pas prendre par le détail de ses actions mais en bloc car on ne saurait parler dignement de sa vertu ni égaler la vérité de ce qu’on pourrait dire à ce qu’elle a fait qu’en disant que toute sa vie a été une constante et continuelle pratique de vertu.

J’ai appris de sa propre bouche que plusieurs années avant d’être religieuse, elle eut par disposition de grâce, un grand éloignement du monde et de la vanité et un si grand désir d’honorer notre Seigneur dans un état d’humilité qu’elle eût penser de passer ses jours dans [406] une vie inconnue demandant l’aumône avec les pauvres qui mendiaient aux portes mais voyant le libertinage des paroles des pauvres mendiants, cela l’en détourna parce qu’ils étaient éloignés de la sainteté de leur condition. Elle était dans sa jeunesse si soigneuse de vaincre ses répugnances qu’elle ne laissait pas de visiter les pauvres malades en des lieux sales et puants et embrassait des pauvres filles fort sales et gâtées de mal, et elle était si courageuse et pénitente que quoiqu’elle fût fort faible et maladive, elle n’a jamais pu regarder pour elle autre religion que celles où il y avait beaucoup d’austérités comme des feuillantines, des capucines, des carmélites ou bien des filles pénitentes à cause de la confusion qu’elle croyait recevoir en y entrant et qui lui était plus dur que toutes les austérités du monde. Je sais cela de sa propre bouche. Enfin elle se résolut d’ être carmélite selon la réforme de Sainte Thérèse. Mais pour exécuter ce dessein elle eut de grandes oppositions à combattre. Monsieur de Fontaines, son père, fut fort longtemps [407] sans y vouloir consentir par le grand amour qu’il lui portait. M. le Chancelier de Sillery, son oncle, fit ce qu’il pu pour l’en empêcher mais le plus violent de ses combats, comme elle me l’a confessé, fut celui qu’elle eut de l’appréhension de ne pouvoir observer une règle si austère que celle de notre Ordre à cause de ses infirmités qui à la vérité étaient grandes et continuelles et il lui fallut un merveilleux courage pour passer par dessus.

Peu de temps après qu’elle fut entrée dans ce monastère, elle tomba gravement malade. Comme la maison était encore fort commençante, Notre Seigneur permit qu’elle fut assez mal secourue ce qui donna sujet à l’esprit malin de lui représenter les soulagements et les viandes qu’elle eut reçus dans la maison de son père et de lui faire beaucoup appréhender les infirmités et l’état de vie austère et pénitent qu’elle embrassait. Mais cette servante de Dieu, ne pouvant souffrir des pensées si lâches, fit vœu de ne point quitter cette sorte de vie où elle avait rencontré la pénitence qu’elle avait tant souhaitée [408]. Son noviciat fut si saint et si parfait qu’elle paraissait une âme toute consommée dans les vertus plutôt qu’une novice commençante. Son obéissance était si exacte que, la regardant de près comme je le faisais, je ne lui ai jamais vu faire un manquement en cette vertu et pour une preuve entre mille autres de son exacte obéissance, il me souvint qu’elle fut une fois un temps notable sans toucher à une dartre vive dont elle était fort travaillée parce que la maîtresse des novices le lui avait défendu, ce qui lui fut une continuelle pratique d’obéissance bien pénible à cause de la grande ardeur et démangeaison qu’elle endurait en cette partie. Elle s’appliquait avec grand soin à tout ce qui regardait la régularité et son esprit était si simple et soumis à tout le monde qu’on n’ a jamais trouvé aucune résistance quoiqu’on eût désiré d’elle. Je l’ai vu en tant d’occasions que le nombre m’en confond la mémoire. Elle était si fervente et allait directement à Dieu ne regardant que lui dans toutes ses actions ce qui faisait qu’elle ne rencontrait rien de si difficile ni de si contraire à ses sens en matière [409] d’obéissance  qu’elle n’accomplît aisément de façon que dès son noviciat, sa vie et son exemple était la règle par laquelle les autres novices pouvaient se régler.

Dieu avait donné à ses paroles un si grand effet de grâce que celles à qui elle parlait se trouvaient beaucoup aidées à s’employer à la perfection de leur vocation.

Elle était très austère et rigoureuse sur elle-même. Il n’y a personne qui puisse dire que dès son entrée en religion jusqu’au dernier moment de sa vie, elle ait fait une action ou dit une seule parole qui ait pu flatter la nature. Elle ne se plaignait jamais de quelque chose qui lui arrivât, il ne lui est jamais échappé de dire par imperfection qu’elle manquât de quelque chose quoique cela arrive souvent dans les infirmités continuelles.

Si on la blâmait de quelque chose comme on a fait quelquefois, toujours à tort, elle ne répondait jamais rien ni pour excuser de ses intentions, ni pour défendre son innocence. Enfin je puis dire avec vérité que je n’ai jamais vu une âme qui eut tant de douceur et de tendresse pour le prochain et tant de rigueur pour soi-même.

[410] Cette servante de Dieu, tout le couvent en est témoin, aimait grandement la sainte pauvreté et la pratique de cette vertu lui était si précieuse qu’elle la cherchait pour tout, comme en sa nourriture, en ses habits et petits meubles de sa cellule, aux livres qui étaient à son usage, jusqu’à ses chapelets et aux croix qui y étaient attachées. Ses habits étaient les plus pauvres, elle les rapiéçait elle-même et ne les quittaient jamais qu’ils ne fussent entièrement usés. Elle était si pauvre dans son manger que dans ses longues maladies qui étaient ordinairement accompagnées de grands dégoûts, elle n’usait jamais que de viandes communes. Elle voulait aussi que ses religieuses fussent nourries pauvrement et les portait par son exemple et par les louanges qu’elle donnait à cette vertu à la pratiquer en toutes choses.

Tout ce qu’elle a fait bâtir dans nos monastères a toujours été avec grande simplicité et pauvreté et meublé de même hormis ce qui regardait l’église. Je suis témoin des choses susdites et qu’elle a reçu quantité de filles, les unes pour rien, les autres avec fort peu de dot et qu’elle n’en refusa pas [411] pour leur pauvreté pourvu qu’elle reconnût que leur vocation fût bonne. Et une fois on lui conseilla de retarder la profession d’une novice très riche afin de jouir du revenu de ses grands biens qui, étant notables, eût beaucoup pu accommoder son monastère qui était fort nécessiteux. Mais elle n’en voulu rien faire disant que pour tous les biens de la terre, elle n’eût voulu retarder d’un moment une âme de se sacrifier à Dieu . Enfin je puis dire en très grande vérité qu’elle était si parfaitement désapropriée de toutes choses qu’on n’a jamais aperçu qu’elle eut aucune sorte d’attachement ou d’engagement ou la moindre inclination à quoique ce soit hors de Dieu et de sa grâce.

Elle avait un très sensible amour pour les pauvres et les appelait ses amis. Elle quêtait autant qu’elle pouvait aux personnes de condition pour soigner les pauvres quoiqu’elle eût naturellement une grande répugnance à importuner. Elle m’a dit que souvent elle se faisait effort à demander l’aumône pour les pauvres à des personnes à qui elle savait bien qu’elle ne faisait pas plaisir.

La vertu de chasteté était éminente chez cette servante [412] de Dieu. Je sais qu’elle a passé ses jours en une si grande pureté que je ne saurais douter qu’elle ne possède dans le ciel la couronne d’une parfaite virginité. Le peu de temps que je l’ai vue dans le monde, elle paraissait extrêmement sage et modeste particulièrement dans ses habits. Elle n’a jamais mis ni blanc, ni rouge, ni aucune sorte de fard sur son visage. Elle portait la pudeur sur le front, sa façon était honnête et fort recueillie, son entretien sage et judicieux, sa parole fort agréable, son esprit par disposition de nature si sage et si sérieux qu’elle n’aimait l’entretien que des personnes capables et qui excellaient en quelques sciences . Je sais que son cœur avait un grand éloignement de toutes les créatures sur quoi elle me disait une fois qu’“ il lui semblait que son âme était entre le ciel et la terre , ce qui lui causait une incroyable dureté de vie pour le grand détachement que cela faisait en elle ”. Elle disait une autre fois  “ Quand j’entends dire qu’on est consolé ou qu’on affectionne quelque créature, je pense : hélas ! comment cela se peut-il faire, les bons et les mauvais doivent tous mourir et moi comment [413] pourrait mon âme rechercher quelque chose pour la perdre à l’heure même. ”

Ce sont là ses propres paroles. Je suis témoin qu’elle a aidé plusieurs âmes à sortir du monde et à rompre les attaches qui les y tenaient arrêtées, qu’elle les avertissait dans l’entretien et par lettres de fuir les engagements et les occasions de péché.

Elle était très attachée à l’observance de la clôture et à ne pas souffrir l’ouverture de la grille.

Enfin cette servante de Dieu m’ayant toujours témoigné une grande ouverture de cœur et m’ayant fait voir le détail de tout le cours de sa vie, je n’ai jamais remarqué qu’il y eût rien d’impur en ses inclinations ni qu’elle ait jamais eu le moindre sentiment d’affection pour personne. Comme “ elle n’aimait que Dieu en la créature ” comme elle me l’a dit, que quoique ses religieuses l’aimassent avec tendresse, c’était néanmoins sans attache et d’un amour par dessus les sens. J’ai expérimenté par moi-même que ce qui était de Dieu dans les âmes les inclinaient à l’aimer d’un amour spirituel et intime et pour cela [414] celles de qui les inclinations ne se mouvaient que par les sens n’avaient pas grande affection pour elle car elle ne donnait rien aux sens si ce n’était que quelquefois elle reconnut que les âmes n’avaient pas les dispositions d’être gagnées par d’autre voie et encore lors attirait-elle les sens par l’Esprit de Dieu de façon que ce n’était pas sa douceur et adresse naturelle qui attiraient les âmes mais la bénignité de Jésus-Christ qui opérait en elle et attirait les âmes à Lui par elle.

Elle avait un si grand respect pour ses supérieurs, une si grande déférence à leurs volontés et à leurs paroles que la voix de Dieu et celle de ses supérieurs lui était une même chose. Elle disait que quand “ on lui aurait ordonné de passer sa vie à coudre des feuilles ensemble, qu’elle tiendrait son temps bien employé, le faisant par obéissance et que nous devions être indifférentes à tout ce qu’on nous fait faire. ” Elle l’accomplissait, comme elle-même disait, “ simplement et sans retour, humblement et sans appréhender le jugement des hommes, généreusement sans intérêt

p. 415 - et sans crainte des difficultés par inclination de son esprit et de ses intentions à Dieu, fermant les yeux à toutes autres considérations. ” Je l’ai vu mille fois le pratiquer ainsi et, quoique ses grands talents l’aient tenue une partie de sa vie dans les charges de supérieure, sa vertu n’a pas manqué d’occasions pour ses saintes pratiques. Aussi, disait-elle, “  qu’elle n’avait point trouvé que sa charge la priva de la bénédiction de l’obéissance et que sous ombre de commander elle avait souvent obéi. ” Et je l’ai vue en diverses sortes de rencontres ou d’affaires où sa charge ne l’obligeait pas à se conduire par elle-même, qu’elle prenait volontiers l’avis des autres et s’y rendant entièrement avouant après en particulier “ qu’elle était bien aise d’avoir de semblables occasions qui tenaient sa raison dans la pratique de la sainte soumission et que c’était un des soins que devaient prendre les supérieures parce que, ne trouvant point de résistance, il serait à craindre que leur esprit ne contracta quelque mauvaise habitude contraire à la perfection. ” Elle enseignait, par son exemple, l’obéissance

p. 416 - à ses religieuses et leur en faisait comprendre l’importance par la relation spéciale que les âmes chrétiennes, et particulièrement les religieuses, ont à Dieu par cette vertu et que c’est rendre hommage à Dieu que de ne pas obéir seulement à ses commandements mais aussi à ceux qui nous commandent de sa part. Elle était si obéissante à nos Règles et Constitutions que je l’ai vue refuser généreusement des personnes de haute condition qui tâchait de l’obliger de relâcher quelque chose de la rigueur de nos observances pour leur accorder quelque privilège.

Quant à la dépendance de Dieu qui est la source de la souveraine obéissance et la première règle à la quelle nous devons rapporter toutes nos actions, je puis assurer cette vérité que je n’ai jamais connu une désappropriation si parfaite ni une plus active dépendance de Dieu que celle que j’ai vue en notre Mère Madeleine de Saint Joseph. Je proteste que je ne lui ai jamais rien vu entreprendre qu’en la pure vue de Dieu et de l’annonce de son royaume dans les âmes, que je ne lui ai jamais rien vu [417] commander qu’après avoir consulté l’esprit de Dieu dans l’oraison, que je n’ai jamais découvert qu’elle eut autre espérance, ni appui qu’en la divine Providence et c’est la conduite dans laquelle elle s’est tenue depuis l’année 1604 que j’ai eu la bénédiction de la connaître et d’entrer en religion avec elle jusqu’à l’année 1637 qu’elle passa à l’éternité.

Cette servante de Dieu était si humble que, se voyant proche de faire profession, elle désira d’embrasser la condition de sœur laye et qu’elle supplia Monseigneur de Bérulle, supérieur de notre Ordre, de lui bien vouloir accorder mais, comme il connaissait les rares talents que Dieu avait mis en elle pour la conduite des âmes et le gouvernement de l’Ordre, l’en refusa et Mademoiselle Acarie à qui elle avait aussi fait la proposition, la dissuada d’insister davantage. Je suis témoin qu’elle a fait profession dans notre monastère le 12ème de novembre 1605 au contentement de [418] nos supérieurs et de toutes les religieuses de cette maison. Elle fit ce sacrifice de soi-même avec tant de disposition qu’elle y reçut des grâces très extraordinaires. Elle m’a dit que “ le lendemain de sa profession, en lisant au chœur le chapitre des vêpres : O altitudo divitiarum, Dieu éleva son esprit en la vue des secrets de sa providence divine et la conduite qu’il tenait sur ses créatures mais particulièrement celle qu’il avait tenue pour la conduire au point où elle était, comme il l’avait soutenue durant son noviciat pendant lequel elle avait été fort durement éprouvée tant par de rigoureuses infirmités du corps comme par de violentes peines d’esprit et par la fureur des esprits malins qui tâchaient à la troubler. ”

Je suis témoin que peu après sa profession, les supérieurs lui donnèrent la charge de maîtresse des novices qu’elle accepta avec beaucoup d’humilité et par pure soumission. Elle l’exerça en bénédiction et avec un incroyable avancement du royaume de Dieu dans les âmes. La crainte qu’elle avait de manquer en une charge si importante la tenait toujours devant Dieu pour y [419] implorer son assistance. Elle était si remplie de grâce dans cet emploi qu’elle portait une odeur de sainteté en tout.. Ses paroles étaient toutes saintes et élevantes à Dieu et si efficaces qu’elles imprimaient sans difficulté dans les âmes les dispositions telles qu’elle voulait. Elle ne disait rien dont elle ne montra l’exemple par ses actions car elle était la première dans la pratique de toutes les vertus.

Sa douceur était admirable car outre qu’elle était naturellement fort douce et charitable, elle l’était encore beaucoup plus par un principe bien plus haut et bien plus saint. J’assure que je l’ai ressenti en moi-même et que je l’ai ouï assurer à plusieurs personnes et qu’on ne la pouvait connaître sans sentir en soi-même impression de sa douceur et de son humilité.

Sa charité pour les âmes et le zèle de leur avancement à la perfection était si pressant qu’elle perdait souvent le manger et le dormir pour satisfaire aux besoins de ses novices et quoiqu’elle fut fort infirme et qu’elle fut travaillée d’un continuel mal [420] de tête auquel le bruit et les continuels entretiens étaient extrêmement contraires. Il n’y a personne qui puisse dire qu’elle se soit jamais plainte, ni qu’il lui soit échappé ni peine ni excuse pour s’en exempter. Cette vérité est connue de toutes les religieuses qui l’ont fréquentée.

Elle ne regardait dans les âmes que le gloire de Dieu et de leur faire rendre à chacune correspondance et fidélité en ce que Dieu demandait d’elles.

Elle avait un grand don de Dieu pour connaître et discerner à quoi chacune d’elles était appelée et les voies par où il fallait les conduire.

Elle pénétrait jusqu’au fond de leurs humeurs et inclinations naturelles et avait admirable adresse pour les séparer d’elles-mêmes et pour les faire aller à Dieu par le chemin de la mortification de la nature et, ce qui était bien remarquable chez elle, c’est que quoiqu’elle fut extrêmement humble, douce et supportante, on ne lui manquait jamais de respect. Dieu avait mis chez elle je ne sais quel air de sainteté qui faisait qu’on ne [421] la pouvait voir sans concevoir de la dévotion et un grand respect pour elle, ce qui ne se perdait jamais quelque fréquentation ou familiarité qu’on eût avec elle. Il n’y a pas une sœur qui ne témoigne de cette vérité.

Les grands talents que Dieu avait mis chez cette sienne servante conduisirent les religieuses de ce monastère de l’élire prieure deux ans et demi après sa profession : ce qui fut fait par le consentement de toutes les voix dont j’étais l’une, le 2ème dimanche d’après Pâques de l’année 1608. Je ne saurais rien dire de la consolation qui s’épancha dans les âmes pour une si heureuse élection mais le succès surpassa encore de beaucoup nos attentes et fut plus grand que ce que nous avions conçu de son esprit et de sa grâce nous en avait fait espérer.

Pour moi je confesse et assure que je voyais une si grande plénitude de Dieu chez elle que je ne la pouvais regarder qu’avec vénération et grand respect et je me [422] voyais en comparaison d’elle si petite devant Dieu que je n’osais approcher d’elle.

Il parut un si grand renouvellement dans tout le monastère lorsqu’elle y fut faite prieure que je puis dire avec vérité qu’il semblait un paradis tant on voyait de ferveur dans les âmes et de désir de la perfection. C’était à qui serait la plus humble, la plus pénitente, la plus mortifiée, la plus vertueuse, la plus solitaire, la plus charitable, bref à qui serait la plus conforme à l’esprit de Notre Seigneur Jésus Christ et tout cela dans une paix, dans une innocence, dans une exaction et dans une élévation à Dieu qui ne se peut exprimer et cette servante de Dieu était parmi nous comme une règle vivante de laquelle nous pouvions apprendre à devenir saintes comme ont fait plusieurs de ses filles dont Notre Seigneur s’est servi pour étendre notre Ordre et l’esprit de notre mère Sainte Thérèse dans la France, dont plusieurs sont mortes très saintement après avoir donné beaucoup d’édification [423] par leurs vertus et leur sainte vie.

Notre vénérable sœur Marie de l’Incarnation, nommée au monde Mademoiselle Acarie, ayant permission de notre Saint Père d’entrer dan ce monastère avec Mademoiselle de Longueville, notre fondatrice, y passa une semaine quelques temps après que notre Mère Madeleine y fut élue prieure et elle s’appliqua selon le grand talent que Dieu lui avait donné par dessus sa condition séculière dans laquelle elle était encore, à remarquer de bien près le train de toute la communauté et la conduite de cette servante de Dieu qui en était la prieure et, à ce qu’elle témoigna depuis, elle trouva tant de solides vertus dans la communauté, et la conduite de la prieure si sage et si sainte, qu’elle en était ravie et n’en parlait qu’avec admiration et, à sa sortie, elle disait avec beaucoup de sentiment : vraiment je sors d’avec des Anges, cette maison est un paradis en la terre.

Notre Mère Madeleine avait une forte [424] application à faire goûter les règles et les constitutions et toutes les coutumes et observances de l’Ordre et d’imprimer l’exaction pour toutes ces choses dans les esprits des religieuses, leur représentant que “ c’était toutes ordonnances que Dieu avait données et que nous n’en devions rien estimer petit de ce qui vient de cette part ” et confirmait par son exemple ce qu’elle nous enseignait de bouche. 

Son affection à la régularité trouvait toujours quelques temps parmi ses plus importantes affaires pour les exercices humbles : c’était ceux qui lui étaient le plus agréables comme de balayer les lieux de la communauté, laver les écuelles, travailler au jardin et autres choses semblables.

Elle disait quelque fois sur ce sujet qu’ “ étant la première en charge, elle devait être la première en l’observance et l’humilité. ”

Elle était si ferme en l’observance des règles et constitutions qu’elle refusait librement les privilèges [425] aux grandes dames qui exigeaient d’elle l’ouverture des grilles et l’entrée dans le monastère même à celles qui lui apportaient les permissions de Rome allégeant la liberté que le Saint Siège laisse aux religieuses d’en user ou de ne pas accepter ses privilèges, conservant en ce rencontre le respect qui est dû au Saint Siège. Je sais ces choses comme témoin oculaire, lesquelles sont connues aussi à la plupart de nos sœurs et à plusieurs amis de l’Ordre.

Elle était fort portée aux pénitences et ressentaient une grande joie quand elle voyait les religieuses animées de cet esprit mais elle mesurait leurs forces avec beaucoup de discrétion.

Elle portait puissamment les âmes à la retraire intérieure et à la solitude. Elle disait que “ c’était l’esprit de notre sainte Mère Thérèse qui avait prétendu que chaque maison de son ordre fut un ermitage. ” Elle nous enseignait comme il fallait vivre avec Jésus Christ et converser avec les Anges. [426] Elle imprimait dans les âmes une grande vénération pour tout ce qui regardait le culte divin et son saint service, une très haute estime pour l’obéissance et un grand respect aux supérieurs comme à ceux à qui Dieu avait commis son autorité sur nous.

Elle avait soin, sur toutes choses, de tenir les esprits dans la paix et dans la tranquillité intérieure et Dieu lui avait donné une grande grâce pour les maintenir en cet état et pour y mettre celles qui n’y étaient pas.

Sur la sagesse de sa conduite et sur les dons que Dieu lui avait fait pour cela, il y aurait des choses infinies à dire. Je sais par les assistances que j’ai reçues d’elle et par ce que j’en ai appris de nos anciennes mères qui sont passées par sa direction, que l’esprit de Dieu nous conduisait par elle. Je n’ai guère eu de recours à elle que je n’ai ressenti les effets de Dieu en moi par l’organe de cette sienne servante.

Ce qu’elle opérait dans les âmes était par un pur [427] esprit de charité mais charité toute surnaturelle qui lui faisait porter leurs peines et leurs afflictions avec plus de sentiment que les siennes propres, aussi opéraient-ils en elle des effets miraculeux comme je l’ai expérimenté en ma propre personne. J’étais fort travaillée d’une grande migraine et cette servante de Dieu m’étant venue voir, connut à mon visage que la douleur était extrême, ce qui lui fit par compassion mettre sa main sur ma tête et me dit en riant : “ Si j’étais sainte, je vous guérirais. ” Au même instant, je fus guérie et je sentis mon esprit extraordinairement élevé à Dieu.

J’ai entendu dire d’une de nos sœurs qui était tombée en de grandes peines intérieures dont elle ne pouvait être tirée parce qu’elle n’avait pas facilité de découvrir son mal, dont cette servante de Dieu étant en peine, elle entendit une voix qui lui fit connaître en un moment l’état de cette âme affligée, elle les lui représenta comme si elle eût lu dans son cœur et lui donna de si bons remèdes qu’elle fût sur le champ hors de [428] ses peines et en une liberté d’esprit par laquelle elle fit de notables progrès dans la vertu.

La sainteté de sa conduite consistait proprement à ce qu’elle ne conduisait pas les âmes par la lumière de son propre esprit mais par celle qu’elle recevait de Dieu en l’oraison. Je dépose de ceci comme de choses que j’ai remarquées en sa conduite et que j’ai apprises dans la communication que j’ai eue avec elle.

Toutes celles qui ont eu le bonheur de sa conduite avouent qu’il y avait tant de saintes adresses en sa douceur et une efficace si puissante qu’elles ôtaient la difficulté aux choses les plus austères et qu’il n’y avait rien de si pénible que sa douceur ne rendît facile. Enfin nous n’avons jamais entendu parler d’une âme qui fit tant goûter la suavité du joug de Notre seigneur Jésus Christ.

Dès le commencement que j’ai connu cette servante de Dieu, j’ai remarqué qu’elle avait un parfaitement bon esprit, mais depuis le temps que j’ai demeuré avec [429] elle et la bénédiction que j’ai reçue d’avoir eu beaucoup de part en sa confiance, m’a encore plus particulièrement fait connaître l’étendue de sa capacité et je puis assurer sur ce que j’en ai pu comprendre qu’elle avait l’esprit selon la nature aussi bien fait que je n’en aie jamais connu mais infiniment meilleur selon la grâce.

Elle avait le sens grand et profond et qui d’abord pénétrait les affaires jusqu’au fond et les démêlait à merveille ; elle avait un grand jugement et qui n’agissait que par de fortes raisons et sur des maximes solides ; elle avait une grande expérience et usait extrême bien du passé pour sa conduite de l’avenir ; elle comprenait les difficultés avec une facilité incroyable ; elle avait l’esprit présent et abondant pour remédier aux fautes et en expédients sur les difficultés qui tranchaient les bons desseins et avec cela si soumise qu'à la moindre parole de ses supérieurs elle quittait toutes ses raisons pour s'abandonner entièrement [430] à leur ordre .Ça a été la conduite de sa vie de laquelle elle ne s’est jamais départie et j’en dépose de science certaine pour l’avoir toujours vu marcher dans cette voie.

Ses conseils étaient fort solides. Elle conseillait toujours ce qui était le plus sûr pour la conscience, disant que ceux qui voulaient se ranger du côté des choses douteuses ne devaient pas venir à elle.

La prudence et tout ensemble la force de son esprit s’est bien fait voir dans les grandes et très fâcheuses affaires de l’Ordre qui sont passés par ses mains dans lesquelles elle a souffert les efforts de très puissants adversaires. Les supérieurs de l’Ordre avec les meilleurs et plus grands esprits de nos amis qui y étaient employés ne faisaient rien que par son avis. Monsieur de Marillac depuis garde des Sceaux de France, l’un des grands personnages de notre temps qui, ayant embrassé fortement nos affaires, avoue qu’il n’avait rien fait en tout cela que par les lumières qu’il avait reçu [431] de cette servante de Dieu.

Je me souviens que dès le commencement que cette servante de Dieu fut religieuse que la grande capacité de son esprit et la sagesse de Dieu chez elle paraissait déjà avec tant d’éclat que les supérieurs de l’Ordre et Mademoiselle Acarie ne faisaient rien dans ce monastère sans l’avis de cette servante de Dieu quoiqu’elle ne fût que jeune novice et les mères espagnoles se déchargeaient sur elle d’une partie de ses compagnes de noviciat.

Ce n’était point sur les règles de la prudence humaine que notre Mère Madeleine formait sa conduite mais sur les lumières du ciel et sur les maximes de l’Evangile qu’elle avait toujours bien présentes. Ses desseins étaient conçus sur une très innocente droiture et elle n’avait d’autre vue en ses intentions que la pure gloire de Dieu et l’établissement de son Royaume dans les âmes, aussi n’a-t-elle jamais formé des desseins ni pris de résolution qu’après avoir consulté l’esprit de Dieu dans la [432] prière et cette conduite lui était si ordinaire qu’elle n’y manquait point. Je parle de cette vérité avec aptitude d’observation que j’en ai faite de tant d’années que j’ai été auprès d’elle sans que je l’ai jamais vu manquer à cela.

Ses désirs de souffrir pour Dieu étaient si grands qu’elle a préféré la vie pénible de la terre à la gloire qui lui était offerte ainsi que je l’ai vu dans un billet écrit de sa main plus de vingt ans avant sa mort où elle dit “ Il m’a été montré que le degré de gloire que je devais posséder dans l’éternité était arrêté et que, si je voulais maintenant sortir de la terre, il me serait appliqué une grâce conforme à ce degré de gloire sans égard à la longueur ou à la brièveté de ma vie. ”

Elle était si pénitente qu’encore qu’il semblât que ses grandes maladies et infirmités habituelles l’eussent dû rendre incapable de ces rigueurs, Dieu lui donnait assez de force et de courage pour en prendre quelque fois au delà de celles de l’Ordre, comme toutes nos sœurs [433] l’ont vu.

Les nœuds de sa discipline étaient garnis de fil de fer et de rosettes. Elle couchait sur une pauvre paillasse et ne se déshabillait pas la nuit du jeudi au vendredi. Elle était austère en son boire et en son manger et ne refusait jamais les choses malpropres ou mal apprêtées qu’on lui donnait. L’on ne l’entendait pas se plaindre de la rigueur des saisons ni de l’incommodité du temps.

Un de ses soins à l’entrée des âmes au service de Dieu, était de les porter à l’oubli du monde, à la mortification des sens et haine de soi-même. Elle les enseignait de s’unir au Fils de Dieu et à ce qu’il avait souffert pour leur salut et disait que “ les âmes ne se relâchaient dans la pénitence que parce qu’elle cessent de regarder Jésus Christ pour se regarder elles-mêmes et s’occuper de leurs misères, que nous ne devons désirer qu’il nous décharge de notre croix mais qu’il nous aide à la porter. ”

La vie de cette servante de Dieu a été une [434] continuelle pénitence tant pas les maladies perpétuelles dont elle a été travaillée dès sa jeunesse jusqu’à sa mort, que par d’autres diverses souffrances : elle avait un continuel mal de tête et cela dès sa jeunesse avec des fluxions en diverses parties de son corps qui la travaillaient extrêmement particulièrement sur les yeux, sur le poumon et sur les jambes, un dégoût perpétuel et au lieu de se plaindre de tous ces maux, elle les dissimulait et les portait avec gaieté et patience admirables, ne voulant point qu’on s’appliqua à lui donner soulagement.

Elle a aussi beaucoup souffert par la malice des démons qui la tourmentaient en diverses manières, tantôt en l’épouvantant par des effroyables apparitions, d’autres fois par des puissantes impressions de troubles intérieurs qui l’affligeait au mourir.

Notre Seigneur par lui-même imprimait d’autres fois des effets de peines intérieures dans son âme. Un jour elle écrivit à Monseigneur le Cardinal de Bérulle et lui mandait entre autres choses “ Dieu m’a [435] mise dans des prisons et dans des liens pour les âmes que vous savez qui sont en de si grands besoins. ”

Elle souffrait beaucoup de la crainte des jugements de Dieu par la vue qu’il lui donnait que c’était chose terrible que de paraître devant lui. Je lui demandai un jour quelle était pour lors sa plus grande souffrance, elle me répondit que “ c’était la crainte de la mort et des jugements de Dieu et que si Dieu ne l’eût soutenue dans cela que la peine lui en eût été insupportable ”.

Je l’ai vu souffrir avec une patience admirable beaucoup de contradictions dans diverses affaires épineuses qu’elle a été obligée de soutenir pour la gloire de Dieu et le bien de notre Ordre ; enfin je l’ai vue surchargée de peines, d’infirmités et d’affaires mais parmi tout cela l’ayant observée, j’ai remarqué que son esprit ne paraissait jamais si fort que quand la nature était sous le faix.

Elle me dit lorsqu’elle fit profession que “ Notre Seigneur lui fit connaître par devant qu’elle prononça [436] ses vœux qu’en la suite de sa vie elle souffrirait beaucoup pour lui. ” Ce qui a été véritablement accompli.

Elle a passé une grande partie de sa vie dans de très fâcheuses traverses et persécutions pour la conservation de l’Ordre.

Elle a eu toute sa vie des charges en la religion et dans des emplois traversés de peines et de contradictions. Ceux qui ont connu particulièrement cette servante de Dieu savent qu’elle avait une humilité parfaite produite chez elle par la grâce de Notre Seigneur Jésus Christ car, quoique naturellement elle méprisait les sujets de vanité auxquels les personnes de sa condition et de son sexe s’attachent ordinairement, elle ne pouvait néanmoins concevoir un vrai mépris de soi-même et de son esprit qu’elle avait naturellement bon et il n’y eut que l’exemple du Fils de Dieu qui gagna cela sur elle mais ces saintes paroles “ Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur ” entrèrent si avant dans son âme que depuis qu’elles eurent fait [437] impression dans son esprit, elle a été fort éloignée de la complaisance de soi-même et de toutes vanités. Ce que j’ai observé en sa conduite et de ses fréquentes communications, m’en fait parler avec cette certitude.

Elle ne se servait des dons de Dieu que pour s’élever à lui et les cachait avec beaucoup plus d’humilité que de discernement disant qu’ “ on devait craindre de les anéantir à force de les considérer et d’en tirer vanité au lieu d’en tirer avantage. ”

Elle me dit un jour “  Il s’est passé un effet dans mon âme si grand et si puissant que si je m’étais appliquée à le discerner, il m’aurait bien donné sujet de parler huit jours entiers mais je ne l’ai pas voulu faire laissant à Dieu de juger de tout et pensant en moi-même qu’au jour du jugement on verrait ce qui en avait été. ”

J’ai remarqué que plus les grâces divines et les lumières croissaient chez elle, plus ses moindres imperfections se représentaient grandes à ses yeux comme des [438] fautes notables. Elle entrait toujours plus avant dans la créance qu’elle était une grande pécheresse et s’en allait plusieurs fois le jour devant le Très Saint Sacrement pour demander le pardon de ses péchés.

Elle priait les sœurs avec beaucoup d’humilité de lui obtenir le pardon de ses péchés. Elle leur dit une fois : “ Ne pensez pas qu’il vaille mieux demander chose plus grande et plus élevée. Si Dieu nous pardonne nos péchés, nous serons dans la véritable élévation étant faits dignes par cette grâce de posséder Notre Seigneur Jésus Christ qui est la seule et souveraine grandeur ” 

Le grand désir qu’elle avait d’être reprise faisait qu’elle priait quelquefois les religieuses de l’avertir de ses fautes et elle-même s’en accusait au réfectoire avec tant d’exagération et d’humilité qu’il semblait qu’elle se devait enfoncer dans la terre.

Lorsque sa charge l’obligeait de reprendre quelqu’une des religieuses, elle n’usait jamais de paroles de mépris. [439] Elle ne parlait à la communauté qu’avec révérence et respect et comme à ses égales, non pas comme à ses inférieures et elle disait bien souvent “ que d’être prieure, c’était être servante des autres et que cette charge ne devait porter qu’humiliation à celle qui y était. ”

Elle était si fortement établie dans l’abîme de son néant que ni l’éclat de tant de grandes choses que Dieu a opérées en elle, ni tant de grâces extraordinaires dont il l’avait prévenue, ni même les miracles qu’il a faits par elle, ne l’ont jamais jetée ni dans les sentiments de vanité, ni dans le moindre retour de complaisance. J’ai reconnu cette vérité chez elle parce qu’elle m’a fait assez souvent voir ses dispositions et parce qu’elle dit une fois à la Mère Marie de Saint Bernard de qui je le tiens traitant avec elle de quelques affaires : “ Depuis que je suis religieuse, je n’ai jamais pris de satisfaction en moi-même ni penser d’estime de quoi que j’aie fait. ” [440] Cette vue continuelle de son néant la rendait très soigneuse à cacher les choses grandes de Dieu qui se passaient dans son âme jusqu’à ce que Notre Seigneur l’en eût reprise comme elle me l’a avoué, de façon que depuis elle les communiquait sans intéresser son humilité lorsqu’elle s’y sentait poussée de Dieu.

Elle aimait tellement d’être cachée que quoiqu’elle fût prieure et qu’en ce temps la reine Marie de Médicis vint quasi toutes les semaines en ce monastère, elle fut plusieurs années avant que la reine la connut particulièrement. Elle me la faisait entretenir et s’éloignait tellement que si la reine ne l’eût recherchée sur ce qu’on lui avait fait entendre de sa sainteté, elle ne l’eût jamais abordée. Toutes nos sœurs en sont témoins.

Elle avait grand soin de cacher ses pénitences et quoiqu’elle se mortifiât en toutes choses, il était bien difficile de découvrir comme elle le faisait.

Elle était fort industrieuse à taire ses vertus cachées [441] et paraître commune et ordinaire en toutes choses.

Pour le dernier temps de sa vie, il parut visible que Dieu la tirait de plus en plus en lui-même, la cachant pour l’ordinaire à ses yeux propres.

Elle lui demandait tous les jours que les grâces que par sa bonté il lui plaisait de lui faire, ne fussent reconnues que de lui seul et nous voyons que d’autant qu’elle augmentait, d’autant plus ce désir aussi augmentait en elle.

Non seulement elle désirait être inconnue et méprisée durant sa vie mais encore après sa mort. Elle disait “ que son corps fut mis sur un fumier si cela eût pu seulement causer une bonne pensée à quelqu’un ou empêcher que Dieu ne fût offensé en la moindre chose. ”

Pour empêcher qu’il ne demeurât aucune mémoire d’elle après sa mort, elle retira les lettres qu’elle avait écrites à Monseigneur le Cardinal de Bérulle et les mit au feu comme aussi plusieurs papiers où elle avait [442] marqué quelques unes des grâces extraordinaires qu’elle avait reçues de Dieu pour lui servir de mémoire.

Son humilité était généreuse qui embrassait les humiliations avec joie. J’aurais beaucoup d’autres choses à dire des exemples et des enseignements que cette servante de Dieu nous a donnés sur cette sainte vertu d’humilité ; mais je les retranche crainte d’être trop longue. Je dirai seulement qu’elle parlait souvent de cette vertu et disait que “ l’humilité s’étend très loin et qu’une âme humble ne se plaint jamais de quoi que ce soit. L’âme parfaitement humble, disait-elle, n’a jamais rien contre personne quelque chose qu’on lui fasse non pas même une seule pensée, elle se met et voit au dessous de tout, elle excuse et estime tout le monde et bien éloignée de condamner ou de reprendre sinon elle-même, n’étant appliquée qu’à ses propres défauts. Que c’est une grande chose, disait-elle, que l’humilité de cœur et qu’il y a peu d’âmes qui l’aient vraiment. ”

Elle avait une très grande connaissance [443] de cette vertu et de très claires lumières pour discerner si les âmes étaient véritablement humbles ou seulement en apparence.

Cette servante de Dieu avait une foi très grande et de très excellentes lumières sur les plus hauts mystères de notre religion. Elle nous faisait souvent des entretiens admirables sur les matières de la foi. Il n’y avait rien d’embrouillé en son esprit ni d’ambigu en ses paroles, au contraire les lumières que Dieu avait infusées dans cette sainte âme étaient si nettes et ce qu’elle disait sur les choses de Dieu était si énergique et si communicant qu’elle ne faisait pas seulement connaître les choses mais il semblait qu’on les vit et qu’on les touchât et avec cette certitude elle imprimait dans nos cœurs une haute estime et une très grande vénération pour Dieu et pour sa sainte parole et pour les mystères de la foi.

Elle avait une continuelle application de son esprit à Dieu et à son admirable présence en tous lieux, qui était [444] la grande règle de ses actions tant extérieures qu’intérieures. Sa dévotion et le respectueux et humble recueillement qu’elle avait en la vue des choses saintes de l’Eglise était admirables et sont des marques très manifestes de sa foi.

Elle me disait souvent que “ la foi est un don de Dieu à sa créature par lequel elle avait ce qu’elle ne voit pas, adore cette puissance souveraine et lui rend l’honneur qui lui est dû, que c’est un don très pur et très grand, lequel il faut aussi que l’âme suive avec une très grande et très haute pureté, qu’il faut pour cela qu’elle se sépare des sentiments intérieurs et qu’elle n’en reçoive que l’usage lequel elle en doit tirer pour fortifier cette foi, sur laquelle elle se doit appuyer, quelque lumière ou autre effet qu’elle reçoive d’ailleurs, reconnaissant que cette foi nous est donnée pour un guide qui jamais ne nous défaudra. ”

Je pourrais rapporter plusieurs autres belles choses qu’elle nous disait sur la foi dont je me tais parce que  ce [445] n’est rien que des paroles auprès de l’esprit qui les animait dans sa bouche et qui nous faisait bien voir que ce qu’elle en disait n’était pas tiré des livres ni étudié mais que c’était des connaissances que le Saint Esprit lui donnait.

Elle ne parlait jamais des choses de dévotion qu’avec respect et modestie et ne pouvait du tout souffrir ceux qui faisaient le contraire disant que “ cela était opposé à la vertu et fort dommageable aux âmes nouvelles dans la piété. ”

Sa foi était vive et féconde en bonnes œuvres comme il a paru en la conduite de toute sa vie et elle était ennuyée des dévotions savantes et qui ne se portent pas à la pratique des vertus.

Nous l’avons vue, et moi en particulier, fort affligée par une fausse dévotion qui s’éleva de son temps qui n’ayant que l’orgueil et certaines formes et subtilités pour fondement, jetait les âmes dans la vanité et dans la fainéantise et les éloignait de la [446] pratique des vertus, leur en faisant mépriser l’application qu’on doit avoir à y travailler. Cette servante de Dieu y fit tant par ses soins qu’elle retira quelques personnes de ces erreurs et empêcha quelques autres d’y tomber. J’en pourrais nommer quelques unes si ce que je dois à leur honneur ne m’en empêchait.

Son zèle pour le salut des âmes et pour l’établissement de la foi embrassait tout le monde. Je ne saurais dire ce qu’elle n’a pas fait pour obtenir de Dieu l’humiliation et l’extirpation de l’hérésie en ce royaume et les grandes prières qu’elle a faites pour ce sujet spécialement pendant le siège de La Rochelle. Elle ne partait quasi point de devant Dieu et fit veiller la communauté grand nombre de nuits en prières devant le Très Saint Sacrement.

Elle employait une bonne partie de ses prières durant les dernières années de sa vie, pour la conversion du Royaume d’Angleterre. Ce fut en particulier à cette intention qu’elle établit la dévotion dans ce [447] monastère qui, par la bonté de Dieu, continue encore à présent, d’exposer le Saint Sacrement depuis les 7 heures du jeudi au matin jusqu’au vendredi à la même heure et que les religieuses tour à tour y assistent jour et nuit.

Elle a rendu grande assistance aux pauvres prêtres écoliers anglais et ibérois pour les aider à étudier et se rendre capables d’aller travailler à la conversion de leur nation.

Dieu avait imprimé en cette sainte âme une dévotion particulière pour le peuple du Canada et pour la publication de l’Evangile parmi ces pauvres sauvages. Elle avait une inclination singulière pour les religieux qui étaient envoyés en ce pays-là pour travailler aux fonctions apostoliques. Elle leur écrivit quelques fois. Entre autre elle écrivit une fois au Père Le Jeune, jésuite, qui était en ce pays-là, d’assister des aumônes qu’elle lui avait procurées, une petite fille canadoise que l’esprit malin tourmentait fort, par où l’on découvrit que [448] Dieu lui faisait connaître par des voies extraordinaires, l’état de cette nouvelle chrétienté car elle écrivit cela en un temps qu’on n’avait point de nouvelles du Canada.

Elle faisait toutes les années des quêtes pour l’entretien de ces nouveaux convertis et de leurs enfants et y contribuait du bien de ce monastère autant qu’il lui était possible.

Une de ses plus pressants désirs était de faire bâtir des églises en ces pays-là. Les pères jésuites lui ayant témoigné qu’un hôpital y était nécessaire, elle persuada Madame la Duchesse d’Aiguillon d’en faire bâtir un et de le renter. Ce qu’elle fit.

On envoya de ce pays-là deux petites filles canadiennes et une jeune femme iroquoise afin qu’ayant été instruites au christianisme, elles puissent servir à l’instruction des autres sauvages. Cette servante de Dieu s’en chargea et les logea avec les tourières de dehors, prit soin de leur instruction et après les fit baptiser avec beaucoup de magnificence. [449] Sa charité embrassait aussi les chrétiens qui vivent parmi les infidèles et spécialement ceux de la Terre Sainte. Leurs nécessités la touchaient jusqu’au cœur et elle faisait des quêtes pour leur soulagement.

Elle ne lassait de prier et de faire prier ses religieuses, disant qu’elles y étaient obligées comme filles de l’Eglise et d’autant plus qu’elles avaient été assemblées par notre sainte mère Thérèse à cette intention et pour aider les ouvriers qui travaillent à la vigne de Notre Seigneur.

Elle appelait les dévotions de l’Eglise les grandes dévotions et réglait les siennes par celles-là. Elle les estimait infiniment par dessus les particulières quand c’eût été des visions et des révélations, disant “ qu’encore que les dévotions particulières soient bonnes, ce qui est de l’Eglise est toujours beaucoup meilleur, que Jésus Christ en est le chef, que le Saint Esprit la gouverne et régit et que en tout nous ne pouvons nous tromper en nous conformant à elle ”. [450] Elle portait un grand honneur à la mémoire et aux reliques des saints martyrs parce qu’ils ont répandu leur sang pour soutenir la foi de Jésus Christ et elle disait “ qu’il avait fallu une grâce extraordinaire et merveilleusement grande pour exposer leurs corps à tant et de si cruels tourments, qu’ils ont enduré et pour se résoudre à mourir pour des biens qu’ils ne voyaient pas, et ne connaissaient que par la foi ”.

Elle disait que “ les miracles que Dieu opéraient par les saints causaient grande consolation parce qu’ils servaient à réveiller la foi ”.

Elle témoignait une grande dévotion au symbole des Apôtres et le disait plusieurs fois le jour et faisait de fort fréquents actes de foi.

Elle ne nous faisait jamais de discours en commun sur les vertus qu’elle ne les appuyât sur l’Evangile et sur la parole de Notre Seigneur qu’elle rapportait si à propos et expliquait si nettement que nous ne pouvions pas douter que le même esprit qui les avait prononcé [451] ne parlât par la bouche de cette servante de Dieu.

Dieu lui fit connaître que tous les mystères de la vie de Jésus Christ sont enclos et enfermés dans celui de l’Eucharistie. C’est pour cela qu’elle nous exhortait et plusieurs autres personnes de ma connaissance, de les y adorer “ car ils y sont, disait-elle, compris en sorte que nous n’avons rien perdu des états de sa vie très sainte pour n’avoir pas été dignes de converser avec lui sur la terre ”.

Elle a eu en divers temps des apparitions de la sainte Vierge, de divers saints et âmes bienheureuses dans lesquelles elle a eu connaissance de l’état des âmes dans la gloire et plusieurs autres choses touchant la conduite de Notre Seigneur Jésus Christ sur son Eglise, plusieurs mystères de la foi et sur les desseins de Dieu tant pour des personnes particulières que pour tout notre saint Ordre.

Il me serait difficile d’exprimer la grande espérance que notre mère Madeleine avait en Dieu, mais je [452] suis témoin qu’elle n’a jamais rien entrepris ni exécuté d’important qu’après de longues prières, faisant voir par là que toute sa confiance était en Notre Seigneur. Elle disait “ qu’il fallait bien prendre garde que les âmes ne manquassent pas à l’espérance que Dieu veut qu’elles aient de le posséder en l’éternité et que Dieu exige tellement cette espérance de nous qu’il nous y oblige sous peine de péché. Qu’il ne faut rien regarder de ce qu’il y a sur la terre ni pour crainte ni pour assurance mais chercher en Jésus-Christ seul notre force, notre appui, notre puissance et nous donner tout à lui, le priant que comme il est venu en terre pour élever les âmes au sein de son Père, il daigne tirer les nôtres selon son bon plaisir et son conseil ”.

Je sais que dans les affaires de notre Ordre pour nous conserver dans la conduite de nos révérends pères supérieurs dont elle porta quasi tout le poids, sa patience surmonta les montagnes de peines et de difficultés et sa [453] confiance en Dieu, demeura immobile parmi les grands orages.

Il se passa une autre affaire fort fâcheuse de laquelle tout l’orage tomba sur cette servante de Dieu qui demeura durant tout ce temps en une paix si profonde qui naissait de sa grande confiance en Dieu qui faisait que nous ne la pouvions regarder sans l’admirer.

Ses espérances étaient souvent suivies de la Providence de Dieu sur elle qui lui voulait montrer que sa confiance en sa protection n’était point vaine car il a fait réussir des affaires selon ses désirs contre toute apparence humaine.

Une grande espérance de cette servante de Dieu paraissait lors principalement qu’elle était en la considération des grands biens que Dieu a réservés à ses élus dans la bienheureuse éternité et des promesses qu’il a faites aux âmes de les assister dans le chemin de leur sanctification. La seule pensée du ciel remplissait son âme d’une joie et d’une consolation si abondante qu’elle s’épandait sur [454] ses infirmités et lui rendait douces les afflictions les plus amères. “ Or sus, disait-elle sur le sujet de ses plus fâcheuses maladies et infirmités habituelles, toutes les misères de la vie passeront et puis nous irons dans ce beau pays de l’éternité où il n’y a ni pleurs, ni douleurs, ni gémissements et où nous posséderons tous les biens dans l’unité du Souverain Bien. Elle avait aussi fréquemment ces paroles pour se consoler de ses maux :“ Béni soit Dieu qui réparera toutes nos misères. ” Je lui ai fort souvent entendu faire ces discours et d’autres que je ne saurais rapporter non plus que la ferveur de laquelle elle les animait. Je dirai seulement ce que j’ai très souvent expérimenté en moi-même que quand elle était dans le discours de l’éternité et du bonheur des âmes que Dieu y attire par le chemin de la croix et du renoncement à soi-même et à toutes les créatures, j’en ai reçu de grandes aides pour suivre Notre Seigneur sur le chemin de la sanctification.

Un jour de Pâques elle me dit sortant d’un [455] ermitage dédié à la sainte Vierge “ que si les âmes savaient ce que c’est que la gloire, elles ne pourraient s’empêcher de la désirer d’un grand désir tant c’est une chose si belle et admirable et ce qui fait que l’on ne la désire pas, c’est qu’on ne la connaît point. ” Elle parlait de cela avec une disposition qui faisait bien connaître qu’elle avait reçu de Dieu ce jour-là quelque lumière bien particulière sur ce mystère.

Cette servante de Dieu m’a souvent fait connaître qu’elle n’avait point de plus grand désir que d’être unie à Jésus Christ et que sa grande et singulière dévotion était à la vie à la mort, aux mystères de Jésus Christ et à tout ce qu’il est en tant que Dieu est homme. Elle en parlait avec tant de ferveur que nous la considérions comme un séraphin qui, par l’ardeur de son amour et par la lumière divine, pénétrait si avant dans la profondeur des mystères qu’elle ne laissait rien passer qui regardât Jésus Christ sans s’y appliquer par amour et par adoration [456] continuelle car elle honorait tout ce qui appartenait à Notre Seigneur quelque petit qu’il pût être. Ses paroles, ses actions, les mouvements de son coeur, ses pensées, ses désirs, les lieux où il avait été, ses pas et les vestiges de ses pieds, les choses qui lui avaient servi et celles qu’il avait touchées. Enfin il n’y avait rien où elle ne trouvât moyen de lui rendre hommage.

Une fois qu’elle me parlait de ses dispositions et de quelques effets de l’amour de Dieu qui se passaient en son âme, ce qu’elle me dit me parut si beau que je le mis par écrit pour n’en pas perdre la mémoire. En voici les propres termes : “ Je ne puis dire combien ce que je sens est éloigné de toutes mes paroles, les opérations de Dieu en nom âme sont si intimes et l’amour, au moins ce que j’appelle ainsi, est si secret que je dis quelquefois : Amour vu que vous êtes si puissant, comment opérez-vous avec si peu de bruit ? Comment êtes-vous si caché ? Comment est-ce qu’on ne peut vous nommer ? Sinon que vous-même formez [457] dans l’âme ce nom d’amour sans qu’elle ait autre connaissance car il la laisse bien peu parler parce qu’il fait qu’elle meure et il me semble que sans cesse mon être ne fasse autre chose et que tout me serve à cela c’est à dire à mourir .” J’ai su de sa propre bouche que sainte Marie-Madeleine lui apparut en notre monastère de Lyon et lui fit entendre qu’elle lui donnait part en son amour en Jésus. Elle me dit aussi “ que cette sainte lui avait fait connaître que l’esprit malin par la haine qu’il porte à cet unique et véritable amour contrefait mille sortes de faux amours dans la monde pour le détruire. ”

J’était une fois en prière pour elle devant le Très Saint Sacrement dans le chœur de ce monastère, j’entendis une voix qui me dit en paroles distinctes et intelligibles : “ Cette âme est appelée à un amour séraphique, elle peut le perdre. Mais elle y est appelée. Ayez soin de prier et de faire prier pour elle car elle porte de grandes épreuves. ” [458] Elle-même m’a fait connaître qu’ “ elle avait une dévotion très particulière à l’ordre des Séraphins ” ce qui me confirme dans la croyance qu’elle avait participation à l’amour de ces esprits bienheureux.

Je puis rendre témoignage que, quoique cette servante de Dieu ait un cœur naturellement doux et affectif et une âme la plus reconnaissante que j’aie vue, parmi tout cela depuis le premier moment que j’ai eu la bénédiction de la connaître jusqu’au dernier de sa vie, je ne l’ai jamais vue attachée à chose aucune que par une très pure, très sainte et très parfaite charité et par une très simple vue de Dieu. Elle a eu toujours une très grande charité pour toutes sortes de personnes spécialement pour les pauvres nécessiteux et un très grand soin de pourvoir à leurs besoins sans en vouloir éconduire aucun, disant que “ elle aimait mieux donner à quelqu’un qui n’avait pas nécessité que de manquer à ceux [459] qui en avaient ”.

En l’année 1631, il y eut une grande cherté à Paris.. Elle nourrit un grand nombre de pauvres, elle fit augmenter le pain qu’on donnait à l’ordinaire à chaque pauvre et eut soin qu’on le fit meilleur et ne voulut pas que, pour cela, on refusa aucun de ceux qui viendraient demander hors de la distribution commune.

Elle était la mère commune des pauvres de ce faubourg et une des tourières du dehors avait charge de les visiter, de reconnaître leurs besoins et d’en rendre compte tous les jours à cette servante de Dieu qui redoublait ses soins pour eux à mesure que leurs nécessités étaient plus grandes. Quand elle savait qu’ils étaient malades, elle leur faisait faire des bouillons, elle leur envoyait des confitures, des matelas, de l’argent et de tout ce qu’elle pouvait. Elle leur donnait si libéralement que les charités qu’elle quêtait et recevait de dehors pour [460] leur distribuer avec ce qu’elle prenait au monastère n’étaient point pour faire les continuelles aumônes qu’elle faisait.

Lorsque les pauvres étaient en danger de mort, elle avait soin de les faire confesser, administrer les sacrements et préparer à bien mourir.

J’ai remarqué chez elle un talent très extraordinaire pour la consolation des affligés parce que, outre la grande compassion qu’elle avait par laquelle prenant part à la peine du prochain il semblait qu’elle partageait l’affliction avec lui et l’en déchargeait d’autant, on sentait en son entretien un certain effet de grâce qui élevait les âmes à Dieu et leur faisait connaître et estimer ce que vaut la croix quand elle se porte avec celle de Notre Seigneur Jésus Christ . J’ai connu plusieurs personnes de diverses conditions qui ont reçu beaucoup d’assistance et de consolation de cette servante de Dieu en leurs afflictions. [461] Sa charité était si générale que je puis assurer qu’il n’y a âge ni condition de personnes à qui cette servante de Dieu n’ait servi autant qu’elle ait pu pour les attirer à la connaissance et au service de Dieu. Je lui ai vu donner de très saintes et très belles instructions à la reine Marie de Médicis, à la reine qui est aujourd’hui régente, à Mesdames, filles de France, et depuis reines d’Espagne, d’Angleterre et duchesse de Savoie. Elle a fait le même à plusieurs autres princesses de ce royaume. Enfin depuis les plus grands jusqu’aux plus petits et jusqu’aux enfants, elle s’appliquait à les faire aimer et servir Notre Seigneur selon leur condition et la portée de leur âge.

Elle retira une fois une fille d’entre les mains de sa mère qui la voulait vendre pour avoir de quoi vivre, la mit pensionnaire aux Ursulines où depuis elle est demeurée religieuse et cette servante de Dieu quêta sa pension et sa dot avec une grande joie [462] d’avoir tiré cette âme d’un si évident danger. La mère irritée de ce qu’on lui avait ôté sa fille, vint en ce monastère dire mille injures à notre mère Madeleine qui parla si efficacement à cette pauvre femme qu’elle s’en retourna toute adoucie et lui promit de s’amender.

Elle avait un soin, pour toutes les sœurs, qui n’est point imaginable principalement quand elles étaient malades notablement. Elle n’oubliait rien de ce qu’elle voyait les pouvoir soulager ou adoucir leur mal. Elle les visitait souvent oubliant elle-même ses propres infirmités et sa faiblesse. Je me souviens que quoiqu’elle fut accablée de mal et eut peine à se soutenir, elle ne laissait pas pour cela d’aider à marcher une sœur paralytique pour lui faire faire 3 ou 4 pas en quoi elle seule réussissait mieux que les plus fortes du couvent.

Elle ne regardait que Dieu dans la charité et la plus pressante nécessité sans s’arrêter à la condition [463] des personnes. Et j’ai souvent remarqué qu’elle s’appliquait aux sœurs laies comme aux premières du monastère selon le besoin de chacune.

Elle avait une dévotion très particulière à la douceur de Notre Seigneur Jésus Christ conversant avec les hommes et j’ai remarqué assez souvent qu’étant occupée en des affaires importantes, elle recevait avec une douceur incomparable les religieuses qui la venaient interrompre pour des choses assez petites : elle s’appliquait à les écouter et leur répondre et à satisfaire à leur esprit avec autant de douceur et de paix comme si elle n’eût rien à faire ; aussi ne voyait-elle pas qu’il n’y eût rien de si important en la vie après ce que nous devons à Dieu, comme de donner la paix et la satisfaction à l’esprit du prochain.

Sa charité était supportante et elle avait un grand soin de pratiquer une sainte maxime que je lui ai souvent ouï dire “ qu’il fallait supporter en toutes sortes de personnes ce qu’il y avait en elle [464] de plus pénible et plus fâcheux et se si bien comporter avec toutes que personne n’eût rien à souffrir de nous .”

Elle nous disait “ que ce n’est pas dans les sens que la charité habite mais dans le cœur, que la charité n’arrête sa vue qu’en Dieu et que par conséquent nous ne devons considérer les unes dans les autres que ce que Dieu y a mis, qui est la vertu et la grâce. ”

Je sais qu’elle a fait de si grandes prières pour obtenir cette grâce que Dieu lui a accordée, comme il a paru en toutes rencontres.

Sa charité était tellement généreuse que rien ne lui semblait difficile particulièrement là où il y allait de l’honneur de Dieu et du salut des âmes. Elle vainquait pour cela toutes sortes de peines et ne se lassait jamais.

Cette servante de Dieu avait grande dévotion à la décoration des églises et à l’embellissement des autels. Tout ce qu’il y a d’enrichissement à l’église de céans, les beaux tableaux, les peintures et dorures, les riches ornements d’autel est le fruit de sa piété. C’est elle [465] aussi qui a fait réparer la chapelle de la Vierge qui est au-dessous le grand autel de l’église de céans où Dieu a fait anciennement un grand nombre de miracles. C’est elle qui l’a fait mettre en l’état où elle est et qui a réveillé la dévotion du peuple qui y accourt et y fait dire un bon nombre de messes à l’autel de la sainte Vierge devant lequel il y a une lampe d’argent allumée depuis plusieurs ans.

Elle avait une grande dévotion pour les saints Lieux que Notre Seigneur Jésus Christ et sa sainte Mère ont sanctifié par leur présence et auxquels ont été opéré les grands mystères de notre rédemption et disait assez souvent que “ si sa condition religieuse lui eût permis de sortir, elle eut employé une grande partie de sa vie à cette sorte de voyage ; elle les faisait en esprit. ”

Elle honorait fort les lieux où reposent les corps des saints et principalement ceux qui sont en plus grande vénération dans l’église. [466] Elle vénérait aussi beaucoup tous les lieux où la sainte Vierge s’est manifestée par quelques miracles et y envoyait des aumônes pour y faire dire des messes.

Elle avait une grande vénération pour les sacrements de l’Eglise et les regardait comme les canaux par lesquels le Fils de Dieu verse son sang sur son Eglise et ses grâces dans les âmes. Elle nous a quelques fois entretenues sur le sacrement du Baptême et sur l’effet qu’il produit dans les âmes nous en disant chose admirable.

Elle a toujours fait paraître combien elle estimait le sacrement de la Confession par le soin qu’elle prenait de le recevoir souvent et celui de l’Extrême Onction, le faisant donner soigneusement aux malades qu’elle savait en danger de mort.

Quand il entrait céans des novices qui n’avaient pas reçu le don de la Confirmation, je suis témoin qu’elle avait grand soin de leur faire recevoir et [467] leur faire connaître la dignité et l’importance de ce sacrement, les effets qu’il produit dans les âmes et les dispositions qu’il faut y apporter.

Pour le Très Saint Sacrement de l’autel, c’était l’objet le plus ordinaire de la dévotion de cette servante de Dieu et de ses adorations et c’était l’occupation la plus forte de son intérieur. C’était tout son recours en ses nécessités, c’était là d’où elle tirait toute la force en la tentation et toutes ses consolations en ses peines et afflictions et pour tout dire j’avoue pour la longue connaissance que j’ai de cette servante de Dieu que si elle a eu quelque sentiment de piété – comme elle en a eu de très grands et très signalés, ce qui en a paru en toutes les autres choses saintes – n’est rien auprès de ce qu’elle a témoigné à l’endroit de ce divin sacrement.

Elle avait les indulgences en grande vénération [468] et grand soin de les gagner. Elle portait avec beaucoup de dévotion les chapelets et les médailles bénites pour les gagner. Nous l’avons toutes vue en une dévotion très particulière aux Jubilés qui ont été de son temps et en de grandes applications à se disposer pour participer à ces grâces et pour en faire usage. Elle nous disait “ que comme les saints nous communiquent l’esprit et la grâce du Fils de Dieu, les indulgences nous en appliquent ces satisfactions ; que la sainte Eglise qui garde en ses trésors ces inestimables richesses en tire de temps en temps pour nous en enrichir ; qu’il n’y a rien en Jésus qui ne nous doit être en vénération singulière et à quoi nous ne devons souhaiter de prendre part.” Elle avait aussi grande estime de l’eau bénite et en prenait plusieurs fois le jour.

Sa charité pour les âmes du Purgatoire était très grande et particulière. Elle avait un grand soin d’insinuer cette dévotion dans les âmes. Quand [469] on apprenait la mort de quelqu’un, elle voulait que d’abord on se mit en prière pour son âme sans s’amuser de s’enquérir des causes ou des accidents de sa maladie.

Cette grande charité mérita qu‘ elle eût la connaissance de l’état de plusieurs âmes qui étaient sorties de cette vie : les unes qui la priaient de les secourir, les autres en reconnaissance du secours qu’elle leur avait rendu se faisaient voir à elle en l’état de la gloire qu’elles possédaient. Elle m’en a nommé plusieurs qui lui ont apparu.

Elle récitait l’office divin avec grande dévotion et disait “ que nous devions beaucoup peser et reconnaître le grand avantage que nous avions d’être appelées à faire en la terre l’office des Anges dans le ciel. ”

Quoiqu’elle eût en vénération toutes les cérémonies et les observances de l’Eglise, il n’y en avait point qui la touchât si fortement et qui réveillait sa ferveur comme celles de la Semaine sainte et celle de la [470] très sainte Messe. Elle ne s’y appliquait jamais qu’elle n’entrât dans les sentiments particuliers de dévotion sur les divines opérations du Fils de Dieu qui nous sont si saintement et si vivement représentées par ces sacrées cérémonies, et ne pouvait pas s’imaginer comme le monde négligeait des choses si saintes pour passer son temps comme il le fait à des choses si vaines comme sont celles de la vie.

Notre mère Madeleine de Saint Joseph a toujours eu un grand respect pour notre saint Père le Pape. Il ne venait rien de sa part qu’elle ne reçût avec honneur et profonde soumission. Elle considérait en lui la qualité de Vicaire de Jésus-Christ en terre et de chef ici de la sainte Eglise catholique, ce qui imprimait chez elle grand amour et estime et elle ne parlait jamais de lui qu’avec une grande révérence.

Notre Saint Père le Pape Urbain VIII ayant donné à ce monastère les indulgences des sept [471] autels de Saint Pierre de Rome, et une autre fois qu’il donna l’indulgence plénière à l’heure de la mort pour toutes les religieuses qui étaient lors en ce monastère, elle reçut ces grâces du Saint Siège avec plus de joie que si on lui eût donné tous les trésors de la terre.

Elle honorait les décrets du Saint Siège et des Conciles comme la parole de Dieu. Elle avait aussi en très particulière vénération le Saint Concile de Trente. Je lui en ai quelques fois ouï rapporter quelque point qu’elle en avait appris.

Lorsque Monsieur le cardinal Barbarin vint légat en France du temps du Pape Urbain VIII, elle le fit supplier de venir donner sa bénédiction à cette communauté, qu’elle reçut avec grande consolation et respect.

Elle a toujours rendu de très grands respects à Messieurs les Nonces, tenait à grand bonheur [472] quand ils lui faisaient la grâce de venir dire la Sainte Messe dans notre église, communier la communauté de leurs mains aux fêtes solennelles et lui donner la bénédiction.

Elle respectait aussi beaucoup Messieurs les Evêques, leur parlait avec une profonde révérence et recevait leur bénédiction avec grande humilité comme je l’ai vu en plusieurs rencontres.

Elle avait en très grande vénération la dignité sacerdotale et respectait comme des Anges ceux que Dieu y avait appelés. Lorsqu’il paraissait en eux quelques défauts, elle avait grand soin de les couvrir. Elle recommandait soigneusement de prier pour eux afin que Dieu fut honoré en eux et qu’il les rendit dignes de leur ministère. Elle avait un grand respect pour les prédicateurs et voulait qu’on les honorât comme venant de la part de Dieu et annonçant sa sainte Parole. Elle ne [473] pouvait souffrir qu’on n’en parlât qu’avec respect. Elle prenait la liberté de reprendre les plus grandes dames quand elle les entendait parler avec peu de dévotion et estime des sermons et des prédicateurs.

Je lui ai souvent ouï parler de la condition religieuse avec une grande estime et vénération. Elle témoignait une grande joie quand quelques personnes l’embrassaient et disait sur ce sujet que “ la grâce de la religion était si grande qu’on n’en reconnaîtrait la grandeur que dans le ciel, que c’était vivre ici-bas de la vie des Anges en pureté et sainteté et en élévation continuelle vers Dieu. ”

C’est dans cette vue qu’elle rendait tant de respect à toutes les religieuses même à celles dont elle était la supérieure, qu’elle ne leur parlait jamais qu’avec douceur et humilité.

C’est aussi pour cela, qu’encore qu’elle ait beaucoup d’humilité en toutes choses et beaucoup de déférence pour les puissants de la terre, c’était toujours sans [474] souffrir aucunes sortes d’avilissement en la condition religieuse qu’elle voulait que tout le monde honorât. Elle reprit une fois une religieuse de ce monastère de ce qu’elle se familiarisait trop avec une princesse encore enfant et de quoi elle souffrait qu’elle lui donnât de petits soufflets en se jouant parce que elle ne trouvait pas cette action assez respectueuse.

Notre Mère Madeleine avait une très grande dévotion aux saints et un grand recours et confiance en leur intercession. Et il y en avait entre autres quelques uns vers qui sa dévotion était plus particulière comme les Saints Apôtres, saint Joseph, sainte Madeleine, saint Jean Baptiste, saint Michel, notre Mère sainte Thérèse était des premières et ensuite quelques autres que je serais trop longue à nommer.

Elle révérait beaucoup les images de Notre Seigneur, de la sainte Vierge et des saints et fit faire quantité de tableaux qui les représentaient. Elle [475] les fit mettre par tous les endroits de ce monastère pour exciter la dévotion et en visitait grand nombre tous les jours.

Sa dévotion envers la sainte Vierge était très grande et extraordinaire. Il me serait difficile de la pouvoir exprimer. Elle en parlait souvent à toutes les religieuses et disait que “ nous devions avoir soin de regarder et honorer la sainte Vierge en tous les mystères du Fils de Dieu et de joindre nos honneurs à ceux qu’elle rendait à son Fils. ”

Elle disait aussi qu’ “ elle honorait tous les jours une des grandeurs de la sainte Vierge, lui demandant quelques unes de ses vertus et qu’elle lui donnât son Fils. ”

Elle faisait ordinairement recourir à la sainte Vierge pour tous les besoins des personnes qui se recommandaient à nos prières.

Elle exhortait les prieures et les maîtresses des novices de l’Ordre de porter fortement les âmes à [476] cette dévotion de la sainte Vierge et disait que “ c’était un des plus grands privilèges de l’Ordre d’avoir pour patronne, pour mère et pour maîtresse la mère du Fils de Dieu et que cela nous obligeait d’avoir un regard très spécial vers elle . ”

Elle fut cause que le Père Gibieuf écrivit le livre des grandeurs de la sainte Vierge.

Sa vénération pour les saintes reliques était très grande. Elle en portait sur elle avec beaucoup de respect et de dévotion. Elle recevait une grande joie lorsqu’on lui en donnait mais sur la fin de sa vie, sa dévotion s’accrut si fort et le désir d’enrichir ce monastère de ces saints trésors, qu’elle n’a rien oublié pour en amasser de tous côtés. Et Notre Seigneur a tellement béni son travail qu’elle en a eu un grand nombre de très belles et fort assurées que la reine Marie de Médicis, la reine à présent régente, la feue reine d’Espagne, plusieurs princesses, prélats et autres personnes de condition [477] lui ont données. Elle les faisait enchâsser fort richement et placer très décemment ainsi qu’il se peut voir dans ce monastère et avait grand soin de les faire vénérer par les religieuses.

Une de ses grandes dévotions – comme elle nous l’a témoigné assez souvent – était d’aller plusieurs fois le jour devant le Saint Sacrement pour rendre honneur à la demeure que Notre Seigneur y a fait parmi nous, pour se lier à l’adoration qu’il rend à son Père et pour y honorer sa très sainte Passion et pour satisfaire à une des grandes obligations des religieuses qui est de suppléer au peu d’amour et d’adoration que les hommes rendent à la Croix et à la mort de Notre Seigneur Jésus Christ.

Depuis qu’elle fut la première fois prieure de ce monastère, Monseigneur le cardinal de Bérulle lui ordonna de communier tous les jours, ce qu’elle faisait avec beaucoup de dévotion.

Sa dévotion au Saint Sacrifice de la Messe était [478] très grande et elle nous recommandait sur toutes choses de nous appliquer à ce qui se fait en cet adorable sacrifice comme à chose grande et importante “ qu’il faut tout quitter pour cela, que nous nous devions souvenir que c’est Jésus Christ qui nous appelle à son sacrifice et que, quand on perd la grâce qu’il y eût donné, on perd beaucoup plus qu’on ne saurait gagner par toutes les meilleures choses que l’on pourrait avoir en la vie et qu’elle estimait beaucoup plus le don que Notre Seigneur nous fait dans le Saint Sacrement que toutes les grâces extraordinaires et les lumières les plus élevées. ”

Cette servante de Dieu employait tous les jours plusieurs heures en oraison mentale et je puis dire selon la connaissance qu’elle m’a donné de son intérieur que sa manière d’oraison était une union de tout ce qu’elle était à la personne sainte de Notre Seigneur Jésus Christ.

Je la voyais souvent avec des effets de Dieu si [479] puissants qu’ils étaient capables de mettre en extase une âme moins forte que la sienne. .Les grands et continuels emplois qu’elle avait, ne séparaient point son esprit de l’application à Dieu. Et quoi qu’elle apportât grand soin à tenir caché les choses grandes et extraordinaires qui se passaient en elle, on ne pouvait pas beaucoup converser avec elle qu’on ne reconnût bien facilement qu’il se passait quelque chose de grand en son âme. J’en parle en témoin de vue.

A mesure que cette servante de Dieu avançait en âge, elle s’adonnait avec plus d’assiduité à ce saint exercice de l’oraison de façon que les dernières années de sa vie on ne la trouvait quasi plus qu’au chœur devant le Saint Sacrement, ce qui est si vrai que les sœurs avaient peine de trouver le temps de balayer le chœur tant elle s’y rendait assidue. Elle disait elle-même qu’ “  elle savait faire état de patience et de prières et que ses infirmités qui allaient accroissant l’obligeaient à recourir à Dieu [480] avec plus de soin que par le passé. ”

Elle disait que “ l’esprit malin faisait tous ses efforts pour détourner les âmes de la prière sachant bien que ce sont les armes que Dieu nous donnait pour nous défendre et pour le vaincre. ”

Elle disait aussi que “ l’opinion qu’avaient certaines personnes que ceux qui ont facilité de s’appliquer à Dieu en tous temps et en tous lieux, n’avaient nécessité de beaucoup prendre de temps pour faire oraison, était une grande erreur puisque Notre Seigneur Jésus Christ qui était toujours en une si haute contemplation ne laissait pas de prendre du temps et de se retirer les nuits pour prier Dieu, son Père, ainsi que le rapporte l’Evangile . ”

Elle disait que “ pour obtenir de Dieu ce qu’on lui demandait, il fallait accompagner notre prière de grande humilité, qu’il y avait peu d’âmes dignes de demander et d’obtenir parce qu’il y en avait peu de vraiment humbles ”. Sa façon en la prière [481] était fort simple, humble et attentive et pleine de révérence.

Cette servante de Dieu était souvent élevée en une très haute contemplation et elle avait des communications et apparitions de Notre Seigneur, de la sainte Vierge, de son bon Ange, de sainte Madeleine, de sainte Blandine et autres saints et de plusieurs âmes bienheureuses et elle m’a fait connaître que ses visions et apparitions lui étaient si communes qu’elle ne s’en étonnait, ni émouvait nullement.

Elle m’a aussi fait connaître que l’application à la personne sainte de Notre Seigneur Jésus Christ a été la plus ordinaire et la plus constante disposition de sa vie, qu’elle avait une très particulière application à l’état du Fils de Dieu incarné et sa première oblation à Dieu son Père et à son état d’adoration et d’immolation au Très Saint Sacrement sur quoi elle a eu de très grandes lumières. [482] Sa grande capacité était la cause qu’on la consultait souvent sur l’oraison et sur les dispositions intérieures. A quoi elle répondait toujours par des avis qui tendaient à la pratique des vertus chrétiennes.

Je l’ai toujours vue fort difficile à asseoir jugement sur des voies extraordinaires, disant qu’ “ il fallait des années pour les considérer et examiner. ” Elle éprouvait beaucoup les âmes qui étaient en ces voies et désirait surtout que la vertu égalât les lumières en elles.

Elle faisait bien plus d’estime de la solide vertu que de plusieurs visions ou révélations parce que, disait-elle “ l’âme se pouvait bien perdre dans ces dons extraordinaires, s’ils ne sont accompagnés d’une grande humilité, mortification et soumission d’esprit. ”

J’ai reconnu en plusieurs choses que cette servante de Dieu avait le don de prophétie dont je ne rapporterai que quelques unes pour éviter la longueur. Elle m’assura une fois de la mort d’un gentilhomme [483] qui avait été tué bien loin d’ici et qu’elle avait appris par des voies extraordinaires, Dieu lui ayant révélé.

Elle disait fort souvent que “ les malheurs des guerres présentes étaient causés par les irrévérences que l’on commet vers la personne sainte de Notre Seigneur Jésus Christ. ” J’ai cru que ce qu’elle en disait venait d’une connaissance surnaturelle.

Cette servante de Dieu a su le temps de sa mort plusieurs années avant qu’elle fut arrivée. Et une fois je la suppliai de me dire combien elle pensait vivre, elle me répondit environ soixante ans, ce qui est ainsi arrivé.

Le même jour qu’elle revint de notre second monastère de Paris pour être la deuxième fois prieure en celui-ci, elle me dit que Dieu lui avait montré clairement que ce serait sa dernière charge et qu’elle avait encore un peu de temps pour se disposer à la mort, ce qui a été véritable, car elle a été deux ans hors de charge devant sa mort. [484] Un an avant son décès, elle écrivit à la Mère Marguerite de Saint Elie qui était fort malade en notre second couvent de cette ville, qu’ “ elle ne mourrait pas de cette maladie, au contraire que c’était elle qui mourrait la première. ” Ce qui fut ainsi car la Mère Marguerite de Saint Elie survécut huit jours cette servante de Dieu.

Je suis aussi très certaine que notre Mère Madeleine avait en un haut degré le discernement des esprits. Je me souviens que lorsqu’elle était prieure en ce monastère, sur le jugement que l’on faisait de la différente capacité de deux de ses religieuses pour la conduite, elle dit à la personne qui faisait le jugement que “ quand celle qu’on estimait le plus serait en charge, on y découvrirait des défauts qui n’avaient pas paru jusqu’alors et au contraire on découvrirait parmi les charges en celle qu’on estimait le moins des perfections qu’on n’y avait pas remarquées auparavant. ” Le temps vérifia ses paroles et comment les autres s’étaient méprises au jugement de ces deux religieuses. [485] La conduite qu’elle a tenu à la réception de plusieurs religieuses a bien fait voir qu’elle agissait par d’autres lumières que celles de la prudence naturelle. Elle reçut entre autre une jeune dame, veuve du comte de Bury, laquelle était d’une complexion si délicate, si faible et si infirme que les médecins ne jugeaient pas qu’elle dut vivre longtemps ni qu’elle put en aucune façon garder aucune des austérités de notre règle. Elle la reçut non seulement pour être du chœur mais pour être sœur laie qui est une condition bien plus pénible et laborieuse. Dieu fit un si grand changement en cette dame que dès lors et toujours depuis elle a eu assez de santé et de force pour garder la règle et pour la charger de la cuisine. J’aurais beaucoup d’autres preuves à donner que je tais pour éviter la longueur.

Je dirai seulement que par la lumière que Dieu [486] lui donnait, elle connaissait des choses très cachées dans les âmes. Il y en a plusieurs de celles-ci qui ont été sous sa conduite, qui m’ont témoigné qu’elle leur parlait des dispositions de leur intérieur et leur en représentait l’état comme si elle eût lu dans leurs âmes et qu’elle avait un grand don de Dieu pour débrouiller les esprits qui, par défaut de lumière, ne pouvaient pas se découvrir.

J’assure que la vie de cette servante de Dieu depuis qu’elle a été religieuse a été une préparation continuelle à mourir comme elle a fait de la mort des saints. La pensée de la mort lui était fort présente dès ses premières années et l’appréhension des jugements de Dieu qui lui a toujours continué comme elle me l’a fait connaître diverses fois. J’ai cru et avec beaucoup de raison que cette pénible appréhension de la mort était un effet de la grâce et non de faiblesse de nature. Et que comme le mystère de la passion de Notre Seigneur Jésus Christ avait [487] toujours été l’objet principal de ses dévotions, que Notre seigneur par opération de grâce en elle lui faisait boire en son calice et participer à l’état pénible de son agonie et aux dispositions avec lesquelles il portait la fâcheuse vue de la mort.

Elle fut quinze jours malade de la maladie dont elle est morte pendant lesquels elle fut tous les matins communier au chœur et y passait plusieurs heures tous ces jours nonobstant l’extrémité de son mal.

Trois jours devant sa mort elle désira aller visiter un ermitage dédié au mystère de l’Incarnation qui est dans le fond du jardin et voulut faire ce pèlerinage à pied quoiqu’il fut très éloigné, qu’elle eut les jambes extrêmement enflées et qu’elle fut si mal qu’à peine se pouvait-elle soutenir pendant ce voyage. Elle adoucissait par la douceur de ses paroles la tristesse des sœurs qui l’accompagnaient, causée par la crainte de la perdre car quoiqu’elle fut en cet [488] état et qu’elle souffrit de très aiguës douleurs, sa douceur, sa gaieté ordinaire et son application aux sœurs n’étaient en rien diminuée et pour ne pas nous affliger de la pensée de sa mort, elle s’empêchait de rien dire qui pût nous y faire penser.

Parmi tout cela elle était dans une humilité si profonde qu’elle prenait occasion de tout d’entrer dans le mépris de soi-même.

Le mercredi, veille de sa mort, elle communia au chœur où, ayant été un temps notable, la faiblesse et le mal la pressait si fort qu’il fallut la remporter à l’infirmerie où elle fut saisie d’une oppression si violente qu’il semblait qu’elle dût mourir. Elle revint de cet accident et voyant notre mère prieure et toutes les sœurs alarmées et éplorées, elle les consola d’une façon douce, agréable et élevante à Dieu.

Le jeudi, jour de sa mort, on lui apporta le Saint Sacrement dans son lit, notre mère prieure l’ayant priée de ne se point lever pour l’aller recevoir au [489] chœur ne jugeant pas qu’elle en eut la force à quoi elle obéit. Elle communia par viatique et reçut ce divin Sacrement avec tant d’amour et dans des dispositions si saintes que la joie qui en rejaillissait sur son visage nous la faisait voir comme un Ange. Elle se tint dans ces sentiments jusqu’environ 10 heures devant midi, sentant sa fin approcher. Elle désira d’aller rendre à Notre Seigneur dans le chœur les dernières adorations de sa vie, mais comme on l’y portait, elle tomba en une si grande faiblesse que nous croyons qu’elle en dût mourir. Elle en revint. Et comme le révérend Père Gibieuf, un de nos supérieurs, était entré pour l’assister en la nuit, elle lui témoigna beaucoup de joie de le revoir, se confessa à lui et lui demanda l’Extrême-Onction.

Monseigneur Bolognety, lors Nonce de Sa Sainteté en France, revint en propre personne, reprendre des nouvelles de la santé de cette servante de Dieu . et quand il sut qu’il n’y avait plus d’espérance de sa vie, il témoigna un fort grand regret et se recommanda à ses prières et lui envoya une médaille de l’indulgence plénière avec la bénédiction de Notre Saint Père, qu’elle reçut avec beaucoup de dévotion et fort grande reconnaissance.

Lorsqu’elle vit arriver le révérend Père Gibieuf portant les sainte huiles de l’Extrême-Onction, elle en témoigna une très grande satisfaction disant : “ Je ressens une grande joie, me voyant sur le point de recevoir la grâce de Jésus-Christ par ce dernier sacrement. ” Elle les reçut avec des dispositions dignes de sa vie et de sa mort et demeura jusqu’au dernier moment de sa vie, l’esprit fort libre et fort tranquille.

Un quart d’heure devant l’agonie, passant sa main sur son visage, elle dit fort doucement ces paroles “ Les inquiétudes de la mort m’environnent. ” Et demeurant le visage fort élevé, elle dit ces autres paroles “ Jésus Christus, filius Dei, miserere nobis. ” et tomba au même temps en l’agonie [491] où elle ne fut qu’environ un quart d’heure, les yeux toujours élevés au ciel, le visage majestueux et plein d’une grande douceur, paraissant si remplie de Dieu et si profondément appliquée à lui que ceux qui la voyaient en cet état et un de nos ecclésiastiques qui accompagnait le Révérend Père Gibieuf en cette action, a témoigné d’avoir été plusieurs jours occupé de ce qu’il avait vu en cette servante de Dieu.

Elle rendit l’esprit entre les mains de Notre Seigneur en cet état d’élévation que j’ai dit, le trentième avril, jour de jeudi de l’année 1637, une heure et demie après midi, âgée de 59 ans moins dix huit jours dont elle en avait saintement vécue 32 et demi dans la religion.

Son corps fut porté au chœur avec les cérémonies accoutumées. Nous récitâmes les prières et suffrages pour satisfaire aux coutumes de la sainte Eglise et de l’Ordre quoique nous nous sentions plus portées [492] à la prier qu’à prier pour elle car sa seule vue portait odeur de sainteté. Notre dévotion et la croyance que nous avions toutes conçue que cette âme jouissait déjà de Dieu fut beaucoup fortifiée par ce qui arriva la même nuit : le corps commença d’exhaler une très agréable odeur qui n’avait en tout rien de commun avec les parfums de la terre et qui les surpassait de beaucoup. Cette odeur dura quelques heures ne se faisant pas sentir généralement à toutes mais à quelques unes. Après avoir cessé elle recommença lorsqu’on chantait la messe et au temps de la communion. Plusieurs sœurs témoignent l’avoir sentie incomparablement plus suave et plus excellente qu’auparavant.

Le concours du peuple fut si grand dans notre église que nous n’en avons jamais vu un tel. On y accourut à la foule de plusieurs endroits de Paris et toutes sortes de personnes. Il y en eut quelques unes des endroits les plus écartés qui dirent céans [493] à une de nos mères qu’ils y étaient accourus sans savoir pourquoi sinon qu’ils s’étaient sentis obligés par un mouvement particulier fort puissant de venir à notre église.

Plusieurs personnes passaient leurs chapelets par la grille priant les religieuses de les faire toucher à ce saint corps. Ils demandaient des fleurs dont elle était couverte et la presse était si grande que les religieuses ne pouvaient suffire.

Les reines et les princesses voulurent avoir quelque chose qui eut appartenu à cette servante de Dieu et le nombre des personnes qui en demandaient était si grand, qu’après avoir distribué ses croix, médailles, chapelets et images, il fallut mettre ses habits en pièce pour satisfaire à la dévotion du peuple. Il s’en trouva qui demandèrent jusqu’aux épingles qui lui avaient servi.

Je sais que Dieu fait beaucoup de miracles par l’intercession de cette servante de Dieu par [494] l’attouchement des choses qui lui avaient servi, ce qui se pourra voir par quelques procès-verbaux qui en ont été faits devant les Evêques quoiqu’on en ait recueilli qu’un très petit nombre en comparaison de ceux que Dieu a opéré par cette sienne servante.

Je sais aussi que Dieu a continué de temps en temps de la manifester par diverses odeurs surnaturelles et moi-même j’ai joui quelques fois de cette faveur.

J’atteste et certifie que tout ce que j’ai dit ci-dessus est très véritable et que l’estime que j’ai des grâces et des vertus de cette servante de Dieu est incomparablement plus grand que tout ce que j’en ai dit et tout ce qui m’en reste à dire. En foi de quoi, je l’ai signé de mon seing en présence de deux notaires apostoliques de Paris en notre monastère de l’Incarnation ce dixième juillet 1647.

Sœur Marie de Jésus.

Déposition de Agnès de saint Michel

Entrée au carmel de l’Incarnation en 1616, Professe du carmel de la Mère de Dieu, prieure à Angers, Procès tome 1.

choix à faire = couper la fin

[690] Michelle Josse, dite sœur Agnès de saint Michel, religieuse de l’Ordre de Notre-Dame du Mont Carmel selon la réforme de notre mère sainte Thérèse, de la congrégation de France, professe du second couvent de la ville de Paris, dit de la Mère de Dieu, et humble prieure des religieuses du même Ordre de la ville d’Angers, âgée de quarante neuf ans et de trente de religion, certifie et atteste que j’ai eu le bonheur [691] d’être instruite pendant mon noviciat par feue notre très révérende mère Madeleine de saint Joseph.

J’ai fait profession entre ses mains et demeuré depuis sous sa conduite quatre ans pendant lesquels j’ai reconnu chez elle tant et de si grandes vertus que je confesse que je n’ai point de paroles suffisantes de les exprimer.

Je fus reçue en notre premier couvent de Paris en l’année mil six cent seize où je trouvais les religieuses dans un si grand esprit de retraite et de silence qu’il semblait que ce fussent des ermites. Et il y avait tant de perfection dans le monastère et la régularité y était si parfaitement observée, qu’il paraissait bien que celle qui avait formé en la vie religieuse tant de saintes âmes était elle-même très sainte et très capable.

Lorsque j’entrais dans le couvent, notre révérende mère Madeleine était allée en établir un en la ville [692] de Lyon par l’ordre de nos révérends pères supérieurs. Elle revint comme j’étais encore en habit séculier et cinq semaines après que j’eus celui de la religion, la fondation du second couvent de Paris fut faite par cette servante de Dieu. Elle me demanda quelque peu de temps auparavant : “ si je voulais bien aller avec elle pour être une des pierres vives de la maison de la sainte Vierge ”. Je lui dis franchement que oui, me sentant très contente de la suivre quoiqu’il y eut si peu qu’elle fut revenue de Lyon et moi si peu que j’étais novice. Je ne pouvais pas en avoir autre connaissance que par l’intérieur de mon cœur que je sentis, dès cette heure, tout à elle. Depuis cet instant je ne m’en suis jamais sentie séparée, au contraire ma soumission, mon respect et liaison vers elle croissaient toujours de plus en plus de sorte que les paroles de cette bonne mère portaient une telle impression en mon âme que, quand elle me disait quelque chose, je la croyais comme si ç’eût été mon bon Ange qui me l’eût dit clairement de la part de Dieu.

[693] Je ne croyais pas qu’on pût avoir tentation ou peine contre elle tant je sentais que sa sainteté et que sa conduite, ses actions et ses paroles étaient remplies de l’esprit de Dieu. En même temps qu’elle me faisait donner à Dieu, je sentais que son esprit était tout en lui et que c’était lui-même qui me parlait en elle. Quelquefois je la priais de me redire ce qu’elle venait de me dire sur mes dispositions intérieures, elle me répondait : “ Je ne peux, que ne les reteniez-vous. ” Ce qui m’a fait voir fermement que Dieu ne lui donnait rien au moment présent que pour la pure nécessité de mon besoin, et elle ne m’en voulait pas dire davantage à l’heure mais elle m’envoyait devant le Saint Sacrement m’offrir à Notre Seigneur pour ce qu’elle m’avait dit.

Ce qui se sentait continuellement, étant avec notre bonne mère Madeleine, c’est qu’elle était dans un respect continuel devant la majesté de Dieu ce qui s’imprimait dans celles qui l’approchaient et les élevait à Dieu. [694] Ce qu’elle disait aux âmes était si profond et si efficace qu’il semblait que ce fut Dieu qui parlât lui-même par sa langue et que sa puissance divine portât ses paroles dans les âmes et dans les cœurs pour les incliner du côté qu’il voulait.

Sa paix et tranquillité étaient chose admirable et dans toutes les grandes affaires de notre Ordre dont elle avait principal soin et celles du monastère qu'elle avait toutes sur les bras et lesquelles lui étaient une charge d'autant plus grande qu'elle n'avait avec elle que des jeunes filles qui ne la pouvaient soulager mais seulement accroître son travail par l’assiduité qu’elle était obligée de rendre à leur conduite, nonobstant tout cela et encore ses grands maux de tête et plusieurs autres infirmités, il ne m’est jamais arrivé qu’une seule fois de l’avoir vue un peu retirée et qu’elle ne m’ait fait l’agrément accoutumé lorsque j’allais à elle. Une fois étant tourière et lui allant porter quelque chose qu’une personne lui envoyait, [695] elle me regarda doucement sans dire mot, ce qui me fit juger que les affaires de notre Ordre étaient en fort mauvais état. J’ai su depuis qu’elle était lors en grande angoisse des affaires de l’Ordre mais c’était de quoi elle ne parlait point que de sa peine et de ceux qui en étaient la cause.

Elle avait aussi beaucoup de peine pour pourvoir au temporel tant pour ce qui regardait en particulier la maison que pour les grands frais qu’il fallait faire pour les affaires de notre Ordre. Mais elle se contentait de recourir à Dieu et d’employer les moyens qu’elle trouvait convenables et n’en parlait jamais à la communauté. Une fois elle me dit qu’une personne qui travaillait aux affaires de l’Ordre la pressait de lui donner de l’argent dont il avait besoin et qu’elle n’en avait point et qu’elle se sentait si chargée de voir que d’un côté on la pressait si fort et que de l’autre elle était sans moyen d’y satisfaire, que les jambes lui en tremblaient.

J’admirais sa grande prudence en toutes choses. Elle [696] s’appliquait aux affaires grandes et petites et toujours élevée à Dieu. Je considérais en toutes rencontres son grand jugement et le grand ordre qu’elle donnait à tout : en trois mots elle résolvait les affaires importantes. Une fois un des amis de ce monastère d’Angers qui avait traité avec elle, me dit en admirant sa prudence, qu’en deux ou trois mots elle avait conclu l’achat de cette maison d’Angers. Il est à remarquer que cette affaire était fort difficile : une dame à qui appartenait la maison ne nous la voulait laisser qu’à condition de nous obliger à plusieurs messes et prières pour les morts, ce qui nous eut été une très grande charge mais la prudence et la charité de notre bonne mère nous en délivrèrent et fut cause que nous avons eu la maison sans cela.

Quoiqu’elle fut chargée de si grandes affaires et si importantes à notre Ordre et qu’elle eut tant d’infirmités, elle ne laissait pas de s’appliquer aux besoins intérieurs et extérieurs des sœurs avec tant de soin que si elle n’eut d’autre chose à faire.

[697] Je peux dire que son seul regard conduisait tout le couvent de la Mère de Dieu (où elle était prieure) qui était dans une grande observance et les religieuses fort élevées à Dieu, et notre bonne mère me dit une fois que : “ C’était la sainte Vierge qui gouvernait le monastère. ” Ce fut au temps que les anciennes de la maison furent choisies pour être prieures en d’autres couvents et qu’il ne demeurait plus que des jeunes avec elle.

Elle était extrêmement exacte à tout ce qui était de la régularité. Il me souvient qu’elle ne me voulut pas faire parler, un jour de fête, à un mien frère Capucin qui était venu à leur chapitre et s’en retournait, quelque prière qu’on lui en fit.

Une fois je lui fus demander durant Prime si j’irais aider à des sœurs qui faisaient quelques affaires de nécessité à la cuisine, elle me dit fort sérieusement qu’il ne fallait pas parler devant que Prime fut dit et ne m’y voulut jamais envoyer.

Cette bonne mère se comportait avec tant de bénignité [698] et de conduite de Dieu avec chacune de nous, qu’il semblait qu’à chacune elle n’eut que celle-là à faire. Avec celles qui étaient d’âge, c’était chose admirable que la douce familiarité avec laquelle elle les traitait et les faisait rendre à la mortification. Il y avait une si grande bénédiction en sa conduite que trois de nos bonne sœurs, qui avaient chacune près de soixante ans, étaient dans toute la régularité car, encore que la servante de Dieu fut extrêmement douce, néanmoins elle voulait que la régularité et la charité fussent toujours observées.

Pour les jeunes, je n’ai point de paroles pour exprimer sa très grande charité vers elles, et comme elle ses rendait à leurs besoins, elle passait des heures entières avec elles, en quoi connaissant la grandeur de son esprit et de sa capacité, je la trouvais plus admirable que si je lui eusse vu faire des miracles : comme elle révérait Dieu dans chaque âme, il n’y avait point de soin et de travail qu’elle ne trouvât bien employé pour les servir tant soit peu.

En mes commencement dans la vie religieuse, Dieu [699] permettait que je fusse travaillée de tentations qui augmentaient la répugnance que j’avais par ma nature imparfaite à me rendre aux pratiques de vertu que Dieu demandait de moi. Quelquefois notre bonne mère me faisait mettre auprès d’elle et s’élevait à Dieu pour moi et de temps en temps me demandait : “ Comment êtes-vous ? ” et ne me renvoyait point que je ne fusse libre de tentation.

Elle avait un très grand soin de nous faire instruire des points de notre sainte foi : toutes les semaines le révérend père Gibieuf, docteur en théologie, dont la capacité et piété sont assez reconnues nous les avait enseignés, une fois chaque semaine. C’était la plus grande dévotion qu’elle nous donnait : elle nous recommandait beaucoup d’adorer Notre Seigneur Jésus Christ en son père, dans son enfance en ses souffrances et en sa croix et d’honorer très singulièrement la sainte Vierge.

J’ai remarqué qu’elle ne souffrait point de bassesses aux âmes, ni attaches à leur propre volonté pour peu que ce fût, [700] mais elle les voulait dans un grand dégagement d’elles-mêmes et de tout ce qui est avec, et dans une élévation continuelle vers Dieu jusque dans les choses les plus petites, et elle avait une grâce très puissante pour les établir dans cette disposition. Pendant mon noviciat ce qu’elle m’enseignait le plus était ce dégagement parfait dont je viens de parler et l’obéissance. Ce fut ce qu’elle me représenta davantage en me faisant faire profession et ce qu’elle enseignait à toutes plutôt par effets que de paroles.

Vers ce temps là, elle offrit elle-même à nos révérends pères supérieurs quasi toutes les anciennes de son couvent pour aller en d’autres de notre Ordre voyant qu’elles y étaient nécessaires pour être en charge. Elle se priva premièrement de sa sous-prieure, puis de la maîtresse des novices qui était une fort sainte âme et en qui elle avait une parfaite confiance, après elle donna l’infirmière qu’elle aimait beaucoup et qui lui était bien nécessaire dans ses grandes infirmités qui n’étaient presque connues que d’elle, enfin elle se privait très volontiers de tout pour la charité.

Une fois, une de nos mères qui allait être prieure à un [701] autre couvent, me demandant si je voulais bien aller avec elle, et lui en ayant fait paraître que je n’en avais point d’envie, notre mère Madeleine m’en reprit et une autre fois lui ayant dit que j’étais prête d’aller partout où on me voudrait envoyer, elle m’en témoigna grande amitié.

J’ai remarqué aussi la droiture et la force de sa conduite en ce que quelque affection qu’elle daigna me porter, jamais elle ne m’a accordé chose conforme à ma faiblesse lorsqu’il m’arrivait lui faire paraître de le désirer, mais toujours elle tenait ferme dans ce qu’elle connaissait que Dieu demandait de moi.

Elle reprochait les fautes avec tant d’efficace que l’on n’y pouvait plus retourner : son regard seulement m’enseignait tout ce que je devais faire. Je peux bien dire que cette servante de Dieu me servait de vraie mère. Encore qu’elle me fit accomplir l’obéissance qui m’envoyait hors d’avec elle, ce fut avec tant d’amour et de charité que quoi que je [702] fisse tout le plus grand sacrifice que j’eusse à faire en la terre, ce fut pourtant avec élévation à Dieu telle que je ne la puis exprimer : il ne me fut pas possible de dire une parole pour en témoigner la moindre répugnance et cela par la grâce que Dieu mettait en cette sainte âme. Elle voulait que la liaison fut selon Dieu et non selon les sens et la donnait ainsi vers elle. Celle que j’y avais toujours eu s’augmenta encore par cette séparation et ma dépendance à sa sainte conduite que, par sa très grande charité, elle m’a continué par ses lettres fréquentes jusque à un mois devant sa sainte mort que je reçus sa dernière, et sa bonté était telle que c’était toujours de sa main quoiqu’elle eut de grandes incommodités aux yeux. Toutes les lettres que cette servante de Dieu m’écrivait, étaient remplies d’une sainte et divine doctrine par laquelle elle m’instruisait de ce qui m’était nécessaire tant pour moi en particulier que pour les âmes dont Dieu m’avait chargée. Elle m’excitait très particulièrement à la charité et à la douceur et me disait “ Je vous recommande cela autant que je peux et de ne [703] jamais dire de paroles rudes aux sœurs mais toujours doucement et avec un visage ouvert et charitable, leur parler et leur dire ce qui sera besoin, surtout élevant votre esprit à Dieu pour elles et ne leur parlant pas par l’esprit naturel mais par l’esprit de Jésus Christ qui est bénin, doux, fort et puissant non pour charger les âmes mais pour travailler avec persévérance jusqu’à ce que vous les ayez mises au point où sa divine Majesté les demande. Offrez continuellement cet œuvre à Jésus Christ afin qu’il l’élève et qu’il le sanctifie selon son conseil très saint et très grand. Je vous offre à lui pour cela selon tous les pouvoirs et vouloirs qu’il a sur votre âme. Pour ce qui est de vous, ma Mère, laissez faire à Dieu, vous serez bien-heureuse si sa Majesté vous rend digne de la servir en ses œuvres et que vous puissiez y apporter quelque chose par prières et par patience : ce sont les armes par lesquelles il faut vaincre. Pour toutes les choses qui ne concernent point le service que nous devons à Dieu, il les faut laisser écouler doucement et patiemment. Elles sont une heure et ne sont pas une [704] autre, nous font de la peine et puis n’en font plus. Il faut tout laisser passer hors Jésus Christ et ses voies sûres et véritables. Continuez à vous laisser à Dieu et à ne chercher aucune assurance en vous-même, la créature n’étant que bassesse et néant.

Nous devons faire trois ou quatre choses en la vie qui nous la doivent faire écouler dans quelque sorte de disposition que l’on ait : c’est de soumission à Dieu, d’abandon total de nous même à sa divine conduite et de référence de tout ce que nous sommes entre les mains de Jésus Christ à ce qu’il nous donne à son père. ”Et disait à une religieuse de notre Ordre de qui je l’ai su  : “ Prenez garde de ne vous pas trop embrouiller en la vue de vos fautes et de n’y appliquer votre esprit qu’avec disposition intérieure et particulière, parce qu’autrement cela vous pourrait aigrir la nature et activer ? l’esprit ou du moins se rendre en coutume en sorte vous y penseriez et en parleriez sans en tirer les effets humbles et véritables que cela doit produire.

Ne vous souciez point de ce qui vous occupe, si c’est peine [705] ou plaisir, difficulté ou facilité, mais seulement regardez à être droite, simple et pure devant Dieu, jamais ne cessant de vous rendre à Lui.

Ayez soin de ne pas laisser les voies intérieures sous quelque prétexte que ce soit, mais en grande patience d’esprit suivez Dieu et ce qu’il demande de vous, soit par liaison avec lui soit par une humble pratique des vertus intérieures et extérieures. Il n’y a jamais rien qui nous en puisse empêcher. Il faut bien s’établir sur cette vérité afin que nous ne soyons point trompées et que sous un prétexte ou un autre nous ne soyons point toujours à recommencer. ”

La bénignité que possédait cette sainte âme était si extraordinaire que je ne peux dire ce que j’en sens. Elle portait celles qui étaient sous sa conduite avec une affection très grande à la pratique de cette vertu comme à une de celles qui les pouvait rendre plus semblables à Notre Seigneur Jésus Christ et à sa sainte mère. Elle m’en a souvent parlé avec très grande efficace. Quelquefois elle priait la sainte [706] Vierge de me faire appartenir à la bénignité de son Fils , d’autres fois elle priait le même Fils de Dieu de m’appliquer cette sienne qualité. Dans une de ses lettres, elle me disait que : “ Je supplie Notre Seigneur de se donner lui-même à vous comme doux et bénin. J’offre de tout mon cœur votre âme à son âme sainte et désire qu’elle entre en la mansuétude et patience de Jésus Christ souffrant et mourant, étant une des choses dont j’ai plus de désir pour moi-même. ”

Encore dans une de ses lettres : “ J’offre votre âme au Fils de Dieu pour recevoir la qualité de sa douceur à qui vous êtes dédiée par son Père Eternel afin que vous rendiez hommage à cette grandeur que saint Paul nous annonce quand il dit : “ La bénignité et l’humanité de Dieu notre Sauveur nous est apparue ” et afin qu’elle remplisse votre âme de l’effet de cette grâce en cette vie et de la gloire à quoi elle est destinée et dont elle sera glorifiée en l’autre. ”

J’ai vu pratiquer cette vertu de bénignité à notre mère Madeleine non seulement pour ce qui regardait l’intérieur mais aussi l’extérieur. Pendant l’année de mon noviciat, comme [707] j’était fort maladroite, il ne se passait guère de jours que je ne rompisse quelque chose comme cruches, plats, écuelles, que je ne répandisse quelque lampe ou autres choses semblables. Notre bonne mère portait cela doucement et m’en disait fort peu de choses. A la fin comme elle vit que cela continuait, elle me prit un jour et me demanda si j’en étais bien fâchée, je lui répondis que oui. Elle me conseilla et m’ordonna dans sa douceur accoutumée de faire quelque petite mortification pour cela et enfin petit à petit cela se passa.

Je peux bien dire que sa charité était sans borne et sans se lasser de la rendre depuis qu’elle croyait que quelque chose était nécessaire pour l’avancement d’une âme. Après avoir travaillé tout le jour avec son mal de tête et ses autres très grandes infirmités, quoiqu’elle fût lasse à n’en pouvoir plus, elle nous donnait (je dis à moi et aux autres jeunes religieuses qui étaient avec elle au couvent de la Mère de Dieu) le peu de temps qui lui restait pour se reposer.

Elle avait un grand soin des malades et lorsqu’elles [708] l’étaient notablement, elle ne partait presque point d’auprès d’elles, les consolant et encourageant à faire bon usage de leur mal, et avait un soin qui ne se peut dire qu’elles eussent tous les soulagements qui leur étaient nécessaires. Elle en avait aussi un très grand de toutes les autres religieuses tant pour l’intérieur que pour l’extérieur : sa charité ne se refermait pas dans son couvent mais s’étendait à plusieurs personnes que Dieu lui adressait pour les conduire dans les voies du salut. Elle a servi aux unes à les retirer du péché et à d’autres à les établir dans une piété fort solide. Entre celles-ci il y en a eu quelques unes de fort considérables comme Madame de Longueville, la douairière, et Madame la duchesse de Longueville, sa belle-fille qui la respectaient comme la mère de leurs âmes et se conduisaient pas ses saints avis. Celles qui étaient de notre temps au couvent de la Mère de Dieu en peuvent rendre témoignage aussi bien que moi

Dieu lui adressait aussi des personnes pauvres et peu [709] considérables selon le monde dont elle avait autant de soin que de celles qui l’étaient davantage parce qu’elle regardait incomparablement plus la grâce de Dieu dans les âmes que les biens, la grandeur et tout ce que le monde a accoutumé d’estimer davantage. Je me souviens entre autre qu’il y eut une pauvre femme boulangère qui fit un grand progrès en la vertu sous sa conduite.

Elle était grandement charitable vers les pauvres particulièrement vers les pauvres filles. Elle a eu soin de plusieurs qu’on les mit en lieu de sécurité pour leur honneur. Et tous les pauvres gens du voisinage qui avaient besoin de quelque chose soit pour vivre, soit de conseil ou de recommandations, s’adressaient à elle et elle n’en renvoyait jamais pas un sans lui rendre toute la charité qu’elle pouvait.

Il ne se peut dire avec quelle charité elle servait toutes nos maisons tant pour l’intérieur que pour l’extérieur. Elle avait un soin très grand que la régularité y fut [710] parfaitement gardée, aidant à cela les prieures par ses saints avis qu’elle leur donnait continuellement par ses lettres en toutes occasions et encore beaucoup plus par ses prières qui étaient continuelles pour obtenir de Dieu qu’il lui plut maintenir notre Ordre dans la perfection où notre mère sainte Thérèse l’avait établi.

Elle aidait aussi nos susdites maisons en toutes leurs affaires extérieures, chacune ayant recours à elle comme à celle qu’elles savaient avoir un cœur de vraie mère pour toutes. Ce que je viens de dire sur ce sujet est reconnu si universellement de toutes nos maisons que je ne crois pas qu’il y en ait une dont on n’en puisse recevoir quelque témoignage. J’en ai en mon particulier fait l’expérience les trois fois que j’ai été en charge du temps de cette servante de Dieu. Sa charité s’étendait jusqu’à nous quêter des livres, tableaux et autres choses de dévotion que mes sœurs et moi désirions avoir. Et enfin je ne m’adressai jamais à elle en quelque besoin que ce fut, petit ou grand, sans recevoir son secours.[711] Sa grande charité s’est encore fait voir en ce qu’elle reçut plusieurs filles sans dot ou si petite que c’était presque rien.

Cette servante de Dieu voulait que nous eussions un fort grand soin de ne jamais rien dire du prochain contre la charité, pour peu que ce fut, et non pas même en nous récréant. Une fois m’étant arrivé de dire quelque petit mot en riant à la récréation sur des dévotes qui avaient des visions, après elle me reprit fort sévèrement. Je n’avais pas encore fait profession.

Celle qui était si remplie de charité et de bénignité, était très rigoureuse vers elle-même : pendant que j’ai été avec elle au second couvent de Paris, quoiqu’elle fut fort faible et eut de grandes infirmités, jamais elle ne voulait manger de viande. Elle venait presque tous les jours à matines, était levée des premières. Elle était fort exacte aux heures d’oraison et à toutes les autres de la communauté quoiqu’elle eut de grandes affaires.

[712] Elle eut durant plusieurs mois une douleur de dents si excessive, qu’elle ne lui laissait point de repos et qu’elle souffrait avec une très grande patience. J’ai vu le chirurgien mettre des fers chauds dans sa bouche pour brûler ses gencives et elle riait pendant ce remède. Enfin durant tout le temps que le grand mal lui dura, ni pour quelque autre mal ou peine qu’elle ait eu, jamais je ne l’ai vu plaindre ni changer de visage et sa douceur à recevoir les sœurs était toujours de même.

Cette grande servante de Dieu avait tant d’amour pour la pénitence, même dès qu’elle était encore séculière. Elle eut désir d’entrer dans l’Ordre des Capucines comme celui qu’elle croyait plus austère et elle-même a eu la bonté de me le dire en particulier. Mais feu Monsieur de Bérulle qui n’était pas encore cardinal, ni notre supérieur, lui ayant parlé de notre Ordre, Dieu lui donna mouvement d’y entrer quoique les austérités de notre règle lui fussent assez difficiles à porter à cause de sa (713] faiblesse et de ses très grandes et continuelles infirmités et ne laissant pas d’y en ajouter d’autres : elle mettait de petits bouts de fer aux nœuds de sa discipline et une sœur m’en a donné par dévotion.

Elle avait un si ardent amour pour les souffrances que c’était sa plus grande joie quand elle en avait : elle les regardait, pour elle, comme un très grand trésor. Il ne se peut représenter avec quelle efficace elle nous enseignait et nous incitait à les aimer. Elle nous faisait dédier très particulièrement au mystère des souffrances de Notre Seigneur Jésus Christ et nous le recommandait continuellement. L’un des usages ordinaires qu’elle nous faisait faire devant le Très Saint Sacrement était de nous unir aux souffrances du même Fils de Dieu et à son amour vers son Père. Son exemple nous était un enseignement encore plus efficace que sa parole et elle nous témoignait tant de congratulation lorsqu’elle voyait quelqu’une de nous particulièrement affectionnée à la croix, à la mortification et à la pénitence que cela nous encourageait à les aimer de plus en plus : et [714] nous semblait en la contentant que c’était Dieu que nous contentions et qui nous faisait sentir avoir agréable le peu que nous faisions pour lui. Il y en avait plusieurs dans le couvent qui faisaient de fort grandes pénitences, entre autres notre bonne sœur Catherine de Jésus et la mère Marguerite de saint Elie. Celle-ci passa tout un carême à ne manger qu’un petit morceau de pain tous les jours qu’elle allait demander comme par aumône à la servante de Dieu et le mangeait au milieu du réfectoire.

Du temps que j’étais au second couvent de Paris, il y eut des dames qui voulurent, le carême, donner tous les jours de la semaine du poisson pour la communauté. La servante de Dieu voulut que l’on achetât le vendredi de la morue salée pour marque de la mortification. Une fois Madame de Longueville leur envoya un grand morceau d’un poisson fort rare et de grand prix, notre mère Madeleine en fit un présent en disant que cela était trop bon pour des carmélites.

[715] Une fois la tourière fit acheter quelque poisson pour la servante de Dieu qui se trouvait mal : elle la reprit si fortement que quand ç’eut été une des plus grande fautes de l’Ordre, je crois qu’elle ne l'eût pas fait davantage et n’en voulut point manger.

Elle avait un si grand mépris d’elle-même que jamais elle n’en parlait, se laissant là comme chose qui ne vaut pas la peine qu’on y pense. Elle ne parlait non plus de ses souffrances ni des dons rares et extraordinaires qu’elle recevait de Dieu et ne pouvait souffrir qu’on la loua. Si c’était personne sur qui elle eut quelque pouvoir qui le fit, elle la faisait promptement taire. Il me souvint qu’une fois étant encore avec le voile blanc, je lui dis qu’elle me faisait souvenir de notre mère sainte Thérèse. Elle me reprit bien sévèrement et me montra que cela lui était fort désagréable. Quand on la priait de donner quelque image ou autres petites dévotions, elle disait : “ Je n’ai rien que du péché . ”. Une fois madame [716] de Longueville, la mère, lui demandant si elle n’avait pas des visions, la servante de Dieu lui répondit fort humblement : “ Madame, je n’ai que du péché. ”

Quelques années devant sa mort, elle me mandait dans une de ses lettres qu’ “ un de ses plus grands désirs était d’avoir part à l’humilité que Notre Seigneur Jésus Christ donna à sainte Madeleine étant à ses pieds ” ajoutant sur ce sujet : “ Ce sont là mes dévotions et mes désirs d’avoir une petite place en la terre et au ciel aux pieds de Notre Seigneur. ”

Lorsque m’en allant être prieure, cette servante de Dieu m’instruisit pour parler aux âmes, elle me dit entre autres choses “ que je le fisse toujours humblement même en parlant des choses de Dieu et me servant de termes communs comme d’abaissement, d’humilité, de patience et que je ne prisse point de termes si élevés dont quelques [717] uns se servaient. ” Elle me recommanda aussi (bien que je fusse prieure) “ de traiter les religieuses avec respect et de prendre garde de ne leur jamais dire aucune parole de mépris ou qui les put offenser. ”

Elle avait la vertu d’obéissance en singulière recommandation. Lorsqu’elle nous expliquait nos constitutions au noviciat, elle pesait davantage ce qui concernait l’obéissance et nous recommandait beaucoup de regarder le Saint Esprit agissant en nos révérends pères supérieurs. L’extrême respect qu’elle leur rendait portait un poids grand en nos esprits et ne se peut dire combien nous toutes avions de révérence et d’amour pour eux. Elle a porté de très grands travaux pour conserver toutes les maisons de notre Ordre sous l’obéissance de nos dits révérends pères supérieurs, ce qui a été reconnu généralement de tous nos monastères.

Son amour vers la sainte pauvreté était très remarquable. Comme savent toutes celles qui ont eu le [718] bonheur de converser avec elle : c’était un dégagement total de tout ce qui touchait sa personne, son vêtement, son manger, sa cellule. Elle était la plus pauvre de toutes. Elle n’avait rien de propre et se privait très volontiers des choses mêmes qui lui étaient nécessaires pour en accommoder les autres. Lorsque nous étions au couvent de la Mère de Dieu, au commencement de la fondation et qu’il y avait encore peu de logement, une religieuse étant tombée malade, la servante de Dieu lui donna sa petite cellule et n’avait pour se retirer qu’un passage exposé au vent.

Elle avait un amour singulier pour les pauvres et leur allait volontiers parler quand ils la venaient demander et leur faisait fort bon accueil. Elle leur témoignait tant de compassion de leurs maux et leur donnait toute l’assistance qui était en son pouvoir. Les pauvres l’aimaient aussi comme si ç’eût été leur mère ; ils lui faisaient quelque fois de petits présents qu’elle recevait avec reconnaissance. Une fois une pauvre femme ayant donné des noix au [719] couvent, la tourière ayant oublié de le dire à notre communauté, afin qu’on la recommandât à Dieu selon ce qui se pratique en notre Ordre à toutes les aumônes qu’on y fait, elle prit soin elle-même de faire recommander cette pauvre femme.

Cette servante de Dieu était dans une si grande pureté qu’elle paraissait un ange. Pour moi je ne sentais que Dieu en elle. Il ne se peut dire la vigilance qu’elle apportait pour conserver ses religieuses dans un entier oubli du monde et de toutes les vanités. Elle avait un très grand soin d’empêcher que celles qui en venaient de nouveau ne disent rien aux autres qui leur en pût rafraîchir la mémoire ou leur apprendre quelque chose qu’elles n’eussent pas su de ce qui se passe dans le monde, et, si quelqu’une de ces nouvelles venues en voulait dire quelque chose, elle leur faisait doucement signe de se taire ou détournait prudemment le discours. Enfin elle disait que nous étions venues en religion pour [720] ne nous occuper que de Dieu et des choses du ciel, qu’il fallait oublier entièrement tout le reste qui nous en pouvait tant soit peu détourner.

Dieu l’avait douée d’une très grande lumière pour discerner ce qui se passait dans les âmes de sorte que bien souvent, sans qu’elles lui disent leurs besoins, elle en avait connaissance : ceci a été si ordinaire que je crois qu’il serait bien aise d’en avoir un très grand nombre de témoignages de celles qui ont eu le bonheur de vivre avec cette sainte âme. J’en ai fait l’expérience en mon particulier et me souviens qu’une fois entre autres, au commencement que je fus religieuse, j’avais quelque tristesse en l’esprit et n’en voulais point du tout parler ayant ouï dire qu’il fallait être toujours contente en religion. Notre bonne mère me demanda comme j’étais, je lui dis que je n’avais rien, elle me pressa fort et m’assura que j’avais quelque chose, ce qu’enfin je fus contrainte de lui avouer comme j’étais où je gagnais [721] beaucoup, car depuis elle prit un grand soin de mon âme qui a reçu abondance de bénédictions de Dieu par son moyen.

Je lui ai vu recevoir quelques filles pour être religieuses qui paraissaient fort peu et que même plusieurs ne croyaient pas être propres, mais comme notre bonne mère avait une plus profonde connaissance des desseins de Dieu sur les âmes et de ce qu’il mettait en elles pour s’en servir, elle ne laissait pas de les admettre et elles ont parfaitement bien réussi.

Dieu lui a aussi souvent donné des lumières extraordinaires sur ce qui la regardait elle-même comme on le reconnut soit par des paroles qu’elle disait sans y prendre garde soit parce qu’elle-même en a quelque fois témoigné à des personnes à qui elle avait particulière confiance. Elle m’écrivit une fois : “ J’ai cinquante ans, je m’en vais me disposer à la mort quoique ce ne sera pas sitôt. ” Ceci fait voir qu’elle savait bien le temps qu’elle devait sortir [722] de la terre, car en effet elle n’est morte que neuf ans après.

Cette servante de Dieu était si remplie de piété qu’elle reluisait en toutes ses actions. Il paraissait continuellement en elle un si profond respect et recherche vers la majesté de Dieu, que cela portait une puissante impression dans les âmes de celles qui l’approchaient, à quoi elle ajoutait encore les paroles, étant la chose qu’elle nous recommandait davantage que cette sainte recherche vers Dieu et de toutes les choses divines.

Elle nous parlait aussi sans cesse du Fils de Dieu incarné et de tout ce qu’il a fait pour la gloire de son père et notre sanctification et nous exhortait avec des paroles toutes de feu à nous oublier nous-mêmes et toutes les choses basses de la terre, pour nous occuper continuellement à le regarder, à l’adorer et à conformer notre vie à la vie très sainte qu’il a menée sur la terre et nous disait que c’était pourquoi le Père éternel nous avait donné son Fils que pour être adoré et imité de ses enfants et élus.

[723] Elle nous recommandait avec soin incroyable de prier pour l’Eglise et que nos dévotions fussent toujours conformes à ce qu’elle nous représente dans les mystères de notre sainte foi. Elle nous disait aussi, pour nous porter à recevoir la grâce que Notre Seigneur Jésus Christ nous voulait donner par les mystères, qu’ils étaient toujours présents pour la répandre dans les âmes qui étaient disposées à la recevoir.

Elle avait une dévotion très extraordinaire à la très sainte mère de Dieu et ne se peut dire avec combien de poids, elle me parlait de l’obligation que nous avions à l’honorer et de reconnaître la grâce que Dieu a fait à cet Ordre la donnant pour mère et pour patronne : quand elle voyait quelque novice fort dévote à la sainte Vierge, elle en avait une joie toute particulière.

Je ne peux exprimer sa recherche vers le saint bois de la Croix de Notre Seigneur Jésus Christ : on lui en donna [724] un morceau assez notable peu après la fondation du couvent de la Mère de Dieu dont elle reçut une si grande joie qu’elle était répandue dans tout le monastère. Elle promit à celui qui lui donna beaucoup de prières en reconnaissance de ce précieux gage et lui fit ériger un oratoire bien pavé et fit enchâsser la sainte Croix dans une croix d’or enrichie de beaux diamants.

Elle était bien aise lorsqu'on lui donnait quelque tableau ou image de Notre Seigneur, de la Vierge ou des saints et leur rendait beaucoup d’honneur : elle nous enseignait cette sainte coutume de leur demander la première fois que nous les voyons quelque grâce particulière.

Elle gagnait les indulgences avec une telle dévotion que je lui ai vu faire des stations d’un Jubilé qu’elle n’en pouvait plus de faiblesse ; elle me dit qu’elle ne pouvait presque dire les Cinq Pater et néanmoins elle voulut les gagner à jeun.

[725] La foi et la confiance en Dieu se reconnaissaient en cette sainte âme en un degré très éminent comme aussi son zèle pour la gloire de sa divine Majesté. Elle ne se lassait point de travailler à ses œuvres quoiqu’il y eut de grandes difficultés. Mais au contraire quand il semblait que tout fut renversé, c’était lorsqu’on la voyait avec un nouveau courage qui nous animait toutes et quand je lis, dans quelques mémoires dressés pour sa vie, les assurances que Notre Seigneur et la sainte Vierge lui ont données de garder l’Ordre, cela m’a fait souvenir du temps qu’on lui apportait souvent des lettres pleines de très fâcheuses nouvelles sur nos affaires et qu’elle les recevait avec un visage serein et gai. Ceux qui la voyaient disaient en eux-mêmes : je ne m’en étonne pas puisque Dieu l’assurait ainsi.

Pendant ce temps même, des affaires de notre Ordre, lesquelles durèrent plusieurs années, elle faisait et faisait faire des prières et des dévotions continuelles pour obtenir [726] le secours divin. Elle ordonna que le jeudi il y aurait toujours une sœur devant le Saint Sacrement, le vendredi toujours une devant la vraie croix, le samedi devant la Vierge. Elle faisait quelquefois exposer le très Saint Sacrement la nuit et y demeurait en prières avec les autres.

Elle avait aussi grand recours à Dieu et aux saints pour tous les besoins publics. Elle faisait faire force prières et processions et exposer les saintes reliques à quoi elle avait grande dévotion. Ceux à qui je me souviens qu’elle avait particulièrement recours sont : la sainte Vierge, saint Pierre aux Liens, saint Paul et sainte Madeleine. Elle m’écrivit quelque temps devant sa mort : “ Je vous prie faites prier aux lieux saints du pays où vous êtes et pour tant de maux qui troublent toute la terre. Je vous prie nous quêter une octave de messes que vous distribuerez aux lieux de dévotion que vous connaissez. Je vous offre aux saints [727] du pays où vous êtes et à la protection de l’Ange de la province. C’est une dévotion que j’ai depuis quelque temps que les âmes soient liées aux saints et aux Anges qui ont soin particulier du lieu où elles sont. ” Elle était fort soigneuse de prier pour les âmes du purgatoire et nous faisait demander à Dieu que par sa bonté, il rendit ces âmes bientôt jouissantes de lui.

Sa grande capacité et sainteté lui avaient acquis une telle estime dans l’Ordre qu’on la consultait de toutes parts tant les religieuses pour les besoins particuliers de leurs âmes que les prieures pour la conduite des maisons qui leur étaient commises et les unes et les autres recevaient ses avis comme si ç’eût été Dieu même qui leur eût donnés tant elles la croyaient pleine de lui et je crois qu’il y a encore bon nombre de religieuses de notre Ordre qui pourraient rendre témoignage qu’elles ont toujours trouvé très grande bénédiction à les suivre

[728] Lorsque la servante de Dieu revint du couvent de Lyon en notre premier couvent de Paris où j’étais encore en habit séculier, je remarquai que toutes les religieuses étaient ravies de joie de son retour et le jour que nous partîmes pour aller à la fondation de celui de la Mère de Dieu, dix des plus anciennes religieuses du susdit couvent de l’Incarnation m’estimaient très heureuse de m’en aller avec une si sainte mère. Celles qui furent choisies pour l’accompagner en cette fondation reçurent cette obédience comme une grâce de Dieu bien particulière. Ma sœur Marie de saint Joseph, sœur de feu monseigneur le cardinal de la Rochefoucauld la demanda avec instance à nos révérends pères supérieurs par le grand désir qu’elle avait de ne se jamais séparer de notre bonne mère. Ma sœur Catherine de Jésus qui a été reconnue, dans notre Ordre et de quantité des plus saints personnages de son temps qui ont conversé avec elle, pour une âme des plus pures et des plus saintes qui ait été depuis son établissement en ce royaume, tenait à grand honneur et [729] bénédiction de Dieu de suivre en toutes choses sa sainte conduite et remerciait beaucoup sa divine Majesté de lui avoir fait la grâce d’être venue avec elle.

Le jour où la nouvelle fondation du couvent de la Mère de Dieu fut transportée en la maison où les religieuses sont à présent, tout le jour le parloir fut plein de personnes de condition qui venaient voir la servante de Dieu et j’ai remarqué qu’elles lui parlaient avec un fort grand respect en particulier Monsieur de Marillac, depuis garde des Sceaux de France, et son fils qui entra quelque temps après dans l’ordre des Capucins où il a vécu en grande réputation de vertu et de religiosité et j’ai appris que ce fut en cet après dîner qu’il prit sa dernière résolution d’entrer dans le susdit Ordre à quoi il avait longtemps combattu.

Nos révérends pères supérieurs la consultaient ordinairement sur toutes les choses importantes qu’ils voulaient faire en notre Ordre. Feu monseigneur le Cardinal de [730] Bérulle en particulier en faisait une estime incroyable. Il disait que c’était un trésor caché dans le sable de son humilité et qu’il admirait sa foi. Une fois, lui parlant de quelques choses particulières qui se passaient en mon intérieur, il me conseilla d’en parler à la servante de Dieu me témoignant qu’elle avait beaucoup plus de lumières que lui pour discerner ce qui se passait dans les âmes.

Feu monseigneur le Cardinal de la Rochefoucauld, feu monsieur le Duc de Mantoue, messieurs de Marillac, père et fils, monsieur de Lezeau, maître des requêtes, monsieur de Crauan, conseiller au parlement, et plusieurs autres personnes tant ecclésiastiques que séculières dont je ne me souviens pas en particulier, la visitaient souvent et témoignaient faire beaucoup d’estime de son grand jugement et de sa rare vertu.

Monsieur le Duc de Mantoue lui fit un présent de deux tableaux de saint Charles et de notre mère sainte Thérèse qu’elle reçut avec grande dévotion.

[731] Monsieur de Roissy l’aimait et l’honorait très particulièrement et elle l’aida beaucoup par ses discours à entrer dans la piété. Il lui donnait quelquefois de bonnes aumônes pour distribuer aux pauvres.

Monsieur de Laubrière (?) président au parlement de Rennes, personne de probité et de capacité et qui était fort des amis de ce couvent d’Angers disait que la mère Madeleine de saint Joseph était le plus grand cerveau de fille qu’il eût jamais vu.

Feu monsieur le Curé de saint Nicolas qui était fort renommé dans Paris pour sa sainte vie et bonnes mœurs, l’aimait et estimait beaucoup et déférait fort à ses pensées comme aussi monsieur Louytre, docteur de Sorbonne et doyen de Nantes et l’un et l’autre ont très charitablement assisté la servante de Dieu et notre Ordre dans les grandes affaires qu’il a eu.

Feu madame du val de Grâce, religieuse de très [732] grandes vertus, désirant de venir établir dans Paris une maison de saint Benoît qui fut dans une parfaite réforme et régularité, celle où elle était auparavant n’y étant pas, avant qu’exécuter ce dessein elle visita notre révérende mère Madeleine et l’entretint plusieurs fois pour prendre ses avis sur tous les règlements qu’elle prétendait mettre dans sa maison et elle lui parlait avec tant de respect et de révérence qu’il paraissait qu’elle la regardait comme une sainte. Elle essayait d’apprendre tout ce qui se faisait au couvent et les religieuses qui l’accompagnaient s’enquêtaient aussi fort soigneusement de tout ce que nous faisions dans les offices pour s’y conformer et prendre nos méthodes.

Madame de Longueville, la douairière, venait souvent visiter notre mère Madeleine et avait une entière confiance en elle particulièrement pour ce qui regardait son âme qui profita beaucoup sous la conduite de notre susdite mère qu’elle respectait beaucoup. [733] Elle était (séjournait) dans le monastère avec grande dévotion et recueillement, demeurant fort longtemps au chœur. Madame la duchesse de Longueville, sa belle-fille, l’imitait en son respect et confiance vers notre bonne mère laquelle s’appliquait de son côté fort particulièrement à la former à la solide piété, et cette dame y fit un tel progrès, qu’étant morte bien jeune, elle a laissé un grand exemple de vertu à toutes celles de sa qualité.

Madame la marquise de Maignelay venait se retirer souvent au couvent où elle entrait comme fondatrice. Elle fit une retraite de dix jours pendant que j’étais au dit couvent, demeurant ce temps-là en silence, sans parler qu’à notre révérende mère Madeleine dont on voyait bien qu’elle prenait conduite pour ce qui regardait son âme et aussi pour ses plus importantes affaires. Elle avait un grand respect pour sa sainteté. Elle eut même dévotion de donner le pain qu’elle mangeait, et toutes les semaines [734] ne manquait point d’en envoyer au couvent pour cela.

Madame la duchesse d’Halluin, sa fille était dans les mêmes sentiments et recevait avec reconnaissance comme encore la comtesse de Fiesque, madame Zamet et madame de la Châteigneraie. Outre cela Dieu se servait de cette sienne servante pour plusieurs autres dames et demoiselles de Paris qui prenaient entière conduite d’elle et y avaient une telle confiance et respect que quand ç’eût été un ange du ciel, elles n’y eussent pas eu, ce semble, plus de révérence et de soumission.

C’est ce que j’atteste être véritable et en témoin de quoi je l’ai signé et sous seing en notre couvent à Angers le seizième jour de juillet mil six cent quarante sept, jour de la fête de Notre Dame du Mont Carmel, à la grille du parloir de notre dit couvent. Ainsi signé : sœur Agnès de saint Michel, religieuse carmélite.

...

sur feuille séparée mais insérée dans le procès :



[738] Je, sœur Agnès de saint Michel, humble prieure des carmélites selon la réformation de notre mère Ste Thérèse au couvent d’Angers, ajoute ce que j’ai omis en la relation que j’ai faite des vertus que j’ai reconnues en notre vénérable (d’heureuse mémoire) mère Madeleine de saint Joseph pendant sa vie en religion. J’ai cru devoir aussi rendre hommage pour la gloire de Dieu et l’honneur de cette bienheureuse âme de ce que j’ai vu et reconnu s’être passé tant à mon regard en particulier qu’au dehors après son décès. Je dis donc :

Que lorsque Dieu tira à lui cette sainte âme, j’étais dans notre couvent de Poitiers et j’avoue que, la nouvelle que j’en reçus me causa la plus grande affliction que j’eusse pu ressentir en ce monde. Aussi était-ce la plus grande perte que je pouvais faire, cette bonne mère ayant toujours eu pour moi un cœur vraiment maternel et un soin continuel de m’assister en tous mes besoins soit que je fusse présente ou absente. Je considérais encore que notre Ordre perdait son soutien en perdant celle qui était le secours général de nous toutes qui, à bon droit, la regardions comme une seconde sainte Thérèse en France à cause des grands et continuels travaux qu’elle avait portés depuis son entrée en l’Ordre pour y maintenir la liberté, la paix et la perfection où Dieu l’avait établi par cette grande sainte en Espagne.

Ma douleur ne fut pas seulement en cette occasion pour ce qui me concerne en particulier et notre Ordre en général, mais aussi pour beaucoup de personnes qui en recevaient assistance parce que je savais que le zèle de cette Ste âme était si ardent pour tout ce qui regardait le service de Dieu, les affaires importantes de l’Eglise et le salut et avancement des âmes qu ’il ne se pouvait [739] faire qu’elle n’y servît beaucoup par ses prières à donner œuvres et en donnant des conseils à plusieurs qui s’adressaient à elle.

Ma douleur fut bientôt adoucie et changée en consolation apprenant de plusieurs endroits que Dieu avait commencé de manifester sa fidèle servante par diverses merveilles et particularités par des célestes odeurs d’une admirable suavité qui furent senties pendant que son corps était exposé à la grille du chœur de notre monastère de l’Incarnation de Paris où elle était décédée ce qui peut être témoigné par plusieurs personnes qui y ont participé.

Il nous faut aussi rapporter par quelques voies de ceux qui avaient vu son corps exposé à la grille qu’ils apercevaient le visage d’une beauté si grave, si douce et si élevante à Dieu que tout le monde en était attiré à dévotion et ne pouvait se lasser de la considérer. Ce qui était plus admirable est que cette beauté augmentait de plus en plus sur son visage jusqu’à ce que son corps fut porté au tombeau.

J’ai encore appris qu’il vint dans l’église pour la voir et l’honorer une grande multitude de peuple et que leur dévotion fut telle que ce fut à qui aurait quelque chose qui eut servi à cette grande servante de Dieu.

Nonobstant la grande douleur que me causa, comme j’ai dit, la mort de notre bonne mère, je sentis mon esprit fort élevé à Dieu et résigné à sa sainte volonté et toutes nos sœurs et moi nous nous trouvâmes portées à la prier et invoquer en tous nos besoins avec grande confiance et plusieurs en ont reçu beaucoup d’assistance en leur âme et en leur corps et même je crois qu’elles en témoigneront volontiers.

Dix ou vingt mois après le décès heureux de cette grande servante de Dieu il se fit un signalé miracle par son intercession à Poitiers en la personne d’un enfant de huit ans lequel ayant[740] l’esprit troublé il revint en bon sens sitôt après que ses parents eurent mis sur lui un linge qui avait servi à la servante de Dieu.

Ce miracle donna commencement à un grand nombre d’autres qui se firent par la suite en la même ville de Poitiers et aux environs dont il y en a de très remarquables bien connus. J’en ai su les particularités que je serais trop longue à dire ici et j’ai même envoyé les dépositions de plusieurs en notre grand couvent de Paris où on les peut voir.

La dévotion de ceux du pays était si grande vers cette servante de Dieu pendant que j’y ai demeuré que je ne peux dire l’abord (l’afflux) du monde en notre couvent pour avoir de l’eau où avait trempé du linge teint de son sang. Les uns venaient faire des neuvaines pour l’invoquer et d’autres en action de grâces de quelques assistances reçues par ses intercessions.

Depuis que je suis en ce monastère d’Angers j’ai appris plusieurs beaux miracles que Notre Seigneur y a opéré par les intercessions de cette sienne servante et je peux dire que si on les voulait tous recueillir, il y en aurait un gros volume. La dévotion et le recours vers elle y continue et augmente tous les jours en sorte que nous avions peine à suffire ( ?). On nous demande souvent de ses images ou quelque chose d’elle aussi bien que les diverses sortes de guérisons qui sont arrivées en suite du recours qu’on y a eu. L’eau où l’on met tremper du linge teint de son sang a une propriété qui a été remarquée par plusieurs : qu’après l’avoir gardée longtemps, elle est aussi belle, saine et fraîche que si elle venait d’être puisée de la fontaine. Aussi avons-nous appris qu’un morceau de linge qui avait touché à cette servante de Dieu, ayant passé par notre tour le troisième juin dernier, pour être envoyé à une demoiselle de cette ville qui avait une grande érésipèle à une jambe et était réduite à l’extrémité, ce linge exhala une odeur si suave que [741] celle qui l’était venu quérir commença à être émue en elle-même et à recourir à cette bonne mère à qui elle n’avait point de dévotion auparavant. En emportant ledit linge à la demoiselle malade, elle sentit toujours cette suave odeur. Toute la chambre en fut parfumée et tout le monde y participa, hormis la malade sur la jambe de laquelle les assistants ayant appliqué le linge, elle en reçut un grand soulagement.

Dans ce monastère d’Angers il y a eu quelques religieuses qui ont été délivrées de leurs infirmités ayant eu recours à cette servante de Dieu et plusieurs qui en ont reçu de grandes assistances intérieures.

On pourra témoigner plus amplement et en particulier des merveilles que j’ai dit être arrivées depuis la mort de notre vénérable mère Madeleine de saint Joseph quand il plaira à notre Saint Père envoyer des commissions pour en informer.

Je ne peux omettre une chose que j’ai apprise en ce monastère, c’est qu’une religieuse de l’Ordre de la Visitation Sainte Marie qui connaissait la servante de Dieu vit une grande lumière au temps de sa mort et en eut un sentiment que Dieu ôtait de ce monde une personne fort remarquable. Elle vint trouver sa supérieure et lui demanda si elle n’avait point reçu de lettres de Paris. Bientôt après elle apprit les nouvelles de la mort de notre vénérable mère Madeleine et cette bonne religieuse lui dit : “ C’est ce que j’ai vu par la lumière qui m’a apparu, étant en prière ” C’est la supérieure de cette religieuse qui a écrit ceci à celle qui était prieure de ce monastère en ce temps-là. J’affirme que tout ce que j’ai dit ci-dessus est très véritable. En foi de quoi je l’ai signé de ma main en présence de deux notaires apostoliques en notre couvent des carmélites d’Angers, ce vingtième jour (742] de juillet l’an de Notre Seigneur mil six cent quarante sept : sœur Agnès de saint Michel, religieuse carmélite.

Déposition de Anne de la Croix (extrait)

Sa douceur à reprendre les fautes étaient admirable et tout ensemble très efficace. J'en éprouvai une fois entre autres un grand effet. Étant infirmière, par mon indiscrétion je pensai donner à une malade un remède pour un autre, et sans une soeur qui survint cela eût été fait, laquelle soeur par charité (17) en ayant averti notre bienheureuse mère elle me vint trouver au lieu où j'étais et fis sortir une soeur qui était présente, puis me dit dans une très grande douceur : "ma soeur Anne vous avez failli de donner à ma soeur telle, un remède pour un autre, si elle l'eusse pris elle était morte, vous auriez un regret pour toute votre vie si un tel accident vous était arrivé prenez-y bien garde, ne donnez jamais aucun remède sans savoir de celle qui la prépare ce que c'est. Elles ne m'en dit pas davantage, mais ce peu servit tout autant et plus, ce qu'une autre qu'elle, moins remplie de l'esprit de Dieu eu pu ajouter ou exagérer. Après cela elle dit à la première infirmière, je lui en ai parlé ne lui en dites rien. Pour mon particulier je puis dire avec vérité avoir expérimenté qu'elle avait une grâce très grande pour conduire les âmes, accompagnée d'une rare prudence et d'une force et puissance merveilleuse pour imprimer ce qu'elle disait, et faire même changer de disposition, et était quasi impossible de lui répliquer, dans sa seule présence imprimer le respect et de soumission à ses pensées. Il m'arriva un jour de lui dire en riant, que dans le changement qu'elle avait fait d'une maîtresse des novices on avait bien pleuré au noviciat. Elle prit cela tout sérieusement et me demanda si je l'avais fait, mes larmes sur le champ lui en confessèrent la vérité. Lors elle me le fit quitter mon ouvrage, me fit approcher d'elle et me dit, dans une force et douceur tout ensemble, "je veux que vous parliez à celle-ci (c'était notre nouvelle maîtresse) c'est une âme de Dieu. Et bien qu' intérieurement je fusse très opposée à cela, néanmoins je me soumis à ce qu'elle me disait et au même instant je changeais et demeurais dans la disposition que la bienheureuse Mère désirait de moi au regard de cette soeur ; même j'y ai (18) eu depuis une liaison très particulière en Notre seigneur, et ai reçu beaucoup de consolation de sa sainte conduite et conversation.

(20) Elle nous dit une fois au chapitre que Dieu nous ayant donné notre libéral arbitre, Sa grande bonté et bénignité nous présentait la grâce et ne nous forcait pas, qu'il était en nous de la prendre ou de la laisser, c'est-à-dire d'en faire usage ou non.

... Dit (28) un jour en riant sur quelque chose de ces habits qui se réeemploient, tout se rompt. Je la vis aussitôt dans un grand recueillement et me répondit, « Ainsi ma fille je décline en toutes choses et c'est grande pitié que de tout ce que je suis. »

Elle nous dit un jour que l'âme vraiment humble était toujours en paix et ne se troublait jamais parce qu'elle voyait toutes choses au-dessus d'elle, et que dans sa bassesse elle s'élevait à Dieu qui était sa véritable grandeur.

(30) Dans ces infirmités qui étaient continuelles et très notables et de tant de sorte qu'il m'est impossible de les exprimer, elle n'en parlait quasi jamais, et j'ai souvent eu la bénédiction de passer de long espace de temps avec elle sans entendre la moindre petite plainte. En une certaine occasion elle dit le jugeant nécessaire, et non pas par manière de plainte que quand elle se mettait à genoux elle était surprise d'une extrême douleur, et d'un tremblement des nerfs depuis la tête jusqu'au pied. Quand elle était plus mal elle tâchait de parler avec encore plus de douceur que son ordinaire et une soeur ayant remarqué cela prit une fois la liberté de lui en demander la cause, que la sainte lui dit tout naïvement en ces termes, c'est dit-elle que ne pouvant rien faire je tâche au moins de parler avec plus de douceur.

Déposition de Bains (authentique 1647)

(Feuillet séparé, pliés en huit avec en adresse : « Songe de la Mère Marie Madeleine où l'intérieur de notre vénérable mère Madeleine de Saint-Joseph me fut montré [d'une écriture tremblante])

+Ceci a été dicté par notre mère Marie-Madeleine de Jésus, c'est d'elle, sur notre bienheureuse mère Madeleine de Saint-Joseph.

L'estime particulière que j'avais de la grande sainteté de notre mère Madeleine m'avait donné désir depuis un long temps de savoir l'état intérieur de son âme, mais pour le très grand respect que je lui portais, n'osant pas prendre la liberté de lui demander, Notre seigneur voulu par Sa bonté satisfaire Lui-même mon désir en cette manière. Il me sembla une nuit que j'étais en quelque lieu où je parlais avec notre mère Madeleine et je lui dis : "ma mère je voudrais bien avoir connaissance de votre intérieur à quoi elle me répondit d'une façon douce et gracieuse : "Bien ma fille je m'en vais vous le montrer. Alors je vis une âme toute revêtue de Jésus-Christ, toute possédée de Jésus-Christ et avec une telle plénitude de lui qu'il ne paraissait rien que Jésus-Christ en elle duquel elle était entièrement pénétrée et je voyait cette âme dans une si merveilleuses gloire et beauté qu'il me serait impossible de le pouvoir faire entendre. Il me sembla que la servante de Dieu me disait : "voilà mon intérieur", c'est-à-dire Jésus-Christ qu'elle me montrait. D'où j'entendis que c'est grande âme était tellement transformée en Jésus-Christ que lui et elle ne faisait qu'une même chose. Je demeurai dans une très grande joie de ce (verso) que j'avais vu, et le lendemain ayant rencontré notre bonne mère je lui dis : "Je ne vous prierai point de me dire votre intérieur car je le sais fort bien à cette heure, le bon Dieu me l'a montré cette nuit. La dessus elle me demanda ce que c'était et lui ayant dit elle répliqua en se souriant, "c'est mon bon ange qui vous a voulu faire voir cela pour vous consoler". Ne me disant rien davantage et ne me désavoua pas que la chose ne fut comme je l'avais vue.

Déposition de Bains (petite déclaration 1648)

(14) Elles passait une partie de sa vie devant le très Saint-Sacrement adorant Notre seigneur Jésus-Christ selon les qualités que je viens de dire, s'offrant à Lui avec toutes les âmes qu'Il lui avait commise et lui demandant avec beaucoup d'instance et d'ardeur qu'il daignât Lui-même les régir en elle et par elle.

(15) Les mêmes personnes témoignent en particulier que l'esprit, la lumière et la grâce de cette grande Supérieure n'était pas bornée à conduire les âmes dans une sorte de voie ou à remédier à une sorte de besoin, mais qu'en quelque voie, en quelque état, dispositions ou besoin que les âmes fussent, elles l'a trouvaient aussi pleine de Dieu et de sa grâce pour y être conduite (16) et aidée puissamment que si son talent propre et particulier eût été seulement pour cette sorte de disposition ou de besoin.

Elle disait que la grandeur des merveilles de Dieu paraissait en ce que l'état des âmes est si différent et ces voies si diverses en elles, qu'on en voie que rarement deux de même, et qu'il ne se trouve pas de saint dans le ciel qui aient été sanctifiés par une voie pareille (...) Qu'on ne devait pas faire même chose dans chaque âme parce que ce qui était bien bon et utile aux unes ne n'était pas aux autres, et que par les mêmes choses par lesquelles les unes avançaient, d'autre reculaient, que l'expérience nous l'apprenait tous les jours et nous faisait voir qu'il fallait une grande grâce et une grande sapiance de Dieu pour la conduite des âmes.

(17) Comme elle était fortement persuadée de ces vérités, outre le recours continuel que j'ai dit qu'elle avait à Dieu pour la conduite des âmes, elle étudiait soigneusement sa voie sur chacune de celles qu'elle avait sous sa charge, et y faisait selon cela, diversifiant sa conduite conformément à ce qu'elle connaissait être du conseil de Dieu sur elles. (...) Aux âmes que Dieu menait par des voies de consolation et de lumière et à qui Il faisait des grâces extraordinaires, elle leur apprenait à recevoir les dons de Dieu avec une humilité profonde et un parfait dégagement d'elles-mêmes, n'y cherchant aucune complaisance ou propre satisfaction, et enfin à ne s'en servir que pour s'élever à Celui (18) qui en était l'auteur.

Déposition de Bréauté

Ce grand amour qu'elle avait pour toutes nos maisons a persévéré en elle jusqu'à la fin, car en ses derniers temps, une des choses qu'elle me recommanda plus particulièrement fut d'apporter tout ce qui serait en ma puissance pour maintenir cette maison en parfaite charité vers les autres et qu'elle fut le recours en toutes choses. Encore peu d'heures avant qu'expirer notre révérend père Gibieuf étant auprès d'elle, elle laissait l'explication de son état mourant pour lui parler de notre ordre avec un coeur vraiment maternel.

(...) Elle faisait et procurait aux pauvres toutes les aumônes qui lui était possible, elle les envoyait visiter par des personnes qui l'avertissaient en particulier de leurs besoins afin d'y pouvoir mieux remédier. Quand ils la venaient demander (54) elle quittait avec joie ses autres occupations pour les aller entretenir et consoler, enfin elle leur donnait toutes sortes de témoignages d'affection, et le faisait d'autant plus volontiers qu'ils étaient plus pauvres et avaient moins de pouvoir de lui en rendre quelque reconnaissance.

Elle avait une dévotion et application toute particulière à l'amour pur que Notre seigneur Jésus-Christ porte aux âmes et désirait beaucoup d'y rendre hommage et d'y avoir quelque part, de sorte que ce qui regardait le salut et la perfection des âmes lui était infiniment plus considérable que tout autre chose. C'est à quoi était employés tous ses soins, c'est à quoi tendaient tous ses travaux, prières, pénitence et bonnes œuvres et à quoi elle nous exhortait souvent avec beaucoup de zèle d'employer les nôtres, disant qu'une des plus grandes obligations des âmes retirées de l'indignité du siècle est de prier pour les grands besoins qui sont au monde (...) (16) Entre tous les usages intérieurs que l'on peut faire vers Dieu celui qui lui était le plus ordinaire et qu'elle conseillait le plus aux autres était celui de l'adoration et elle disait que l'adoration prise dans toute son étendue comprenait aussi l'amour.

Déposition de Marie de la Croix des Champs (Bordeaux )

...et toute la suite, soit 39 ou 41pages? = faire un tri !


[En tête, carré collé sur feuille] notre chère mère disait quelquefois dans le temps des premières traverses de l'ordre, qu'elle pensait au commencement qu'après que les choses seraient passées elle aurait du repos, mais qu'en voyant qu'ensuite d'une chose en venait une autre et que cette vie n'était que pour souffrir, il fallait mieux se soumettre à ce qui se présentait en chaque…

Déposition de notre très révérende, très honorée et très chère mère Marie de la Croix sur ce qu'elle a vu et connu de la vie et des vertus de notre bienheureuse mère Madeleine de Saint-Joseph.

Nous tenons à l'une des plus grandes grâces que nous ayons reçue de Dieu en notre vie d'avoir eu la bénédiction d'être reçue en notre saint ordre par notre bienheureuse mère Madeleine de Saint-Joseph, de qui les exemples nous ont plus instruite que les paroles, quoique l'un et l'autre fusse fort efficace, et imprimasse de très puissants effets de grâce en l'âme, et sa seule présence m'a souvent mise en application vers Dieu, fait sortir de la dissipation et imperfection, et rappelée dedans la disposition, ou nous parlant, elle nous avait dit que Dieu nous demandait, et quoiqu'il y ai plus de dix-sept ans qu'elle est allée à Dieu, le seul souvenir de ce qu'elle nous paraissait en son extérieur porte le même effet toutes les fois que je me la rends présente ; et si je n'étais si infidèle à Dieu comme je suis, produirait de (v°)

Brouillon Gibieuf700 

L'on remarqua en elle, une si solide et parfaite vertus, qu'elle fut élue prieure dans le couvent de l'Incarnation du contentement général de toutes les religieuses, avant que trois ans fussent accomplis depuis sa profession. Notre Seigneur bénit si avantageusement ses travaux, qu'Il a fait de cette maison comme une source abondante qui ne se tarit pas et qui a fournie à toute la France, comme par un débordement qui peut la rendre heureuse, un si grand nombre de saintes filles qui sont : 1. La mère Thérèse de Jésus, qui est aujourd'hui prieure à Lyon, qui a fondé les monastères de Marseille, d'Aix et d'Arles. 2. La mère Geneviève que Saint-Bernard, qui a été prieure à Sens, et qui a fondé le monastère de Chartres. 3. La mère Renée de Jésus Maria qui a fondé le monastère d'Angers, qui a été prieure à Lyon, à Châtillon sur Seine, a Aix et à Arles. 4. la mère Marguerite de Saint-Joseph, qui a fondé les monastères de Nevers, de Bourges, et de Mâcon. 5. La mère Denise de Jésus, qui a fondé les monastères de Chaumont et de Moulins. 6. La mère Catherine du Saintt-Esprit, sœur de la vénérable mère, qui a fondé le monastère de Metz dans lequel elle a été prieure. Je peux encore trouver un plus grand nombre de filles célèbres qui ont fait profit des instructions qu'elles ont reçues de la vénérable mère, lesquelles ont été toutes prieures ; comme : 7. La mère Marie de Saint Gabriel qui mourut à Bordeaux après avoir été prieure à Tours, à (blanc) à Poitiers, à Toulouse et à Bordeaux. 8. La mère Marguerite du Saint-Sacrement, à Tours et au monastère de la mère de Dieu à Paris. 9. La mère Marie de Saint-Bernard, à Orléans, à Tours, à Sens, et à Gisors. 10. La mère Hélène de la Croix, à Châtillon sur Seine, à Bordeaux, et à Saintes. 11. La mère Marguerite de l'Incarnation, qui été prieure à Caen. 12. La mère Agnès de Saint-Michel qui l'a été à Dieppe, à Angers, et à Poitiers. 13. La mère Élisabeth de Jésus, à Nantes, à Chaumont, et à Poitiers. 14. La mère Catherine de la mère de Dieu, à Dieppe et à Caen. 15. La mère Anne du Saint-Sacrement, à Amiens et à St Denis en France. 16. La mère Anne de Saint-Joseph, qui l'a été à Caen, à (blanc), à Amiens et à Compiègne. 17. La mère Marie de Jésus à Orléans. 18. La mère Marguerite de Saint Elie, à [5] Tours. 19. La mère Marguerite de la Croix à Blois. 20. La mère Élisabeth de Saint Paul à Nevers et à Saintes. (20bis). La mère Marguerite de Jésus à Tours et à Verdun. 21. La mère Jeanne de Saint-Joseph à Metz et à Aix. 22. La mère Anne des Anges, à Amiens et à Paris au couvent de la mère de Dieu. 23. La mère Marguerite de la Trinité qui l'a été à (blanc). 25. La mère Élisabeth de Saint-Joseph dans le grand couvent de Bordeaux. 26. La mère Angélique de la Passion, à Nantes et à Orléans. 27. La mère Isabelle de Jésus, à Morlaix et à Amiens. 28. La mère Charlotte de Jésus Maria à Tours. 30. La mère Marie de la Croix, à Moulins. Mais entre toutes les autres il faut éterniser la mémoire de la mère Marie de Jésus qui ensuite de la vénérable mère a été prieure du monastère de l'Incarnation, et de la mère Madeleine de Jésus, qui parfaitement imbu des rares qualités de la vénérable mère elle en a puisé tout le zèle, par lequel elle a tant pris de soin à mettre tout l'ordre dans un haut point de perfection, qu'il n'a rien perdu de sa première ferveur, et présentement dans le couvent de l'Incarnation, on ne l'estime pas seulement comme une prieure, mais comme la plus considérable et dans l'opinion de toutes elle est digne d'avoir succédé la vénérable mère.

Brouillon Melle des Rochers701 

J'avais l'honneur de coucher en sa chambre. Sitôt qu'elle était levée, qui était sur les six heures, elle entrait en son cabinet proche de sa chambre pour y faire oraison. Son heure étant passée elle se venait habiller, pendant qu'on la peignait elle faisait lecture de quelque livre spirituel tant pour elle que pour celles qui la servaient. Après elle allait donner le bonjour à M. son père, de là s'en allait en la chapelle se préparer à entendre la sainte messe et à la sainte communion qu'elle faisait tous les jours.

Je l'ai maintes fois admirée la voyant à genoux un si long temps vu sa faiblesse naturelle ; voyant sortir de ses yeux si grandes quantité de larmes, sans aucun mouvement extérieur.[5] quand elle sortait de la, elle avait un esprit aussi égal et aussi gai que si elle fut sortie de la plus grande récréation du monde.

Brouillon Paul le Jeune702, S.J. 

Secondement une fille âgée de dix ans ou environ laquelle avait pour père un homme tout à fait Barbare, et à ce que l'on disait magicien, était tombée malade ; ému de compassion envers elle, nous demandâmes à son père de nous permettre de guérir sa fille et de la faire élever par une honnête femme à qui nous la commettrions. D'abord le Barbare, n'y voulut consentir, mais se voyant à la veille de perdre sa fille, sur l'espérance que nous lui donnions qu'elle reviendrait en convalescence, nous la donna pour deux ans, à condition que si elle voulait y demeurer après ce temps-là, il ne l'empêcherait pas : peu de temps après, la fille se porta bien, le père la demanda devant le temps dont on était convenu, on la lui refusa. Voire même après les deux ans, elle ne voulut pas sortir de la maison de cette femme qu'elle honorait comme sa mère. Or comme nous avions la pensée, la voyant avancé en âge et bien instruite aux choses de la foi de la baptiser, l'esprit malin s'apercevant que cette proie lui serait bientôt enlevée (nous ne savons s'il s'empara du corps de cette fille y étant envoyé de la part du père, ou bien si lui-même par permission de Dieu, de sa propre malice s'en était saisi) mais nous tenant pour assuré, que lorsque nous la disposions avec tous les soins que nous pouvions y apporter au sacrement de baptême, elle fut tourmentée deux ou trois fois de telle façon que (ce qui ne s'était jamais vu) le devant de la tête répondait au dos et le derrière venaient répondre à l'estomac. Elle tournait les yeux dans la tête comme un démoniaque, écumait, tourmentait son corps, "je tremble" criait-elle et disait qu'elle voyait "Je ne sais quoi d'horrible et d'effroyable à travers les ténèbres". La vénérable mère Madeleine de Saint-Joseph eut connaissance de tels effets apportés de l'esprit malin et peut-être le connut-elle auparavant que le Démon s'était fait connaître car elle me pria par une lettre écrite devant ou durant que (2) cela se faisait, non toutefois rendue, de donner le nom de Madeleine à la possédée, d'abord que je reçus et lus sa lettre. Je n'y pris pas garde mais après cette fille ayant reçu au baptême le nom de Madeleine et ayant été entièrement délivré et après que les navires furent partis je commençai à penser en moi-même par quels moyens la vénérable mère Madeleine avait pu apprendre ce que dessus après avoir pris garde au temps, je reconnus que cela lui avait été révélé du ciel. Je me pris à louer Dieu qui se fait admirer en ses serviteurs.

Brouillon Catherine du Saint-Esprit703

...cette bienheureuses avait une grande grâce pour les âmes. Dès ce temps-là, elle ne tenait autre manière pour faire ce changement que sa grande douceur ordinaire. À ce commencement, comme plusieurs étaient un peu neuves dans la voie de la perfection, elle les assemblait quelquefois pour leur parler de la vertu, ce qu'elle faisait en paroles simples, familières et telle qu'elle la rendait tout facile, qui est une grâce qu'elle avait spéciale et que Dieu lui avait donné très rare. On lui a quelquefois ouï dire : Je voudrais vous pouvoir rendre votre règle toute la plus facile qu'il se peut ; elle ne laissait pour cela d'être des plus exacte à la garder et faire garder, ce qu'elle a continué jusqu'à la fin de sa vie comme aussi cette grâce de rendre toutes choses faciles qui est allé croissant avec ces années car sans qu'elle fit aucune repréhension (sic) mais par une (18) application qu'elle avait à Dieu et une manière d'écouter ce que l'on lui disait sur les imperfections que l'on sentait ou que l'on avait faites sans qu'elle dit quasi rien, demeurant dans sa douceur ordinaire, elle mettait les âmes dans la vertu et l'on sortait d'auprès d'elle fortifiée et liée à Jésus-Christ. L'on amena pour quelque bonne raison une jeune religieuse d'un des autres couvents, laquelle encore qu'elle fut fort bonne fille avait le naturel un peu fort. L'on voulait que cette bienheureuse usât de quelque sévérité vers elle croyant que cela lui serait utile. Elle dit familièrement à une religieuse : "L'on m'a dit que je fisse telle chose à cette bonne religieuse mais j'ai répondu que l'on me le fit à moi-même si on le trouvait bon mais que je ne le pouvais faire à personne. Elle n'usât vers elle que de sa manière ordinaire de douceur et dans une année qu'elle l'eut en sa charge elle devint tout autre et fut tellement changée que la grâce y paraissait particulière, elle était si humble qu'encore que sa manière de traiter avec ses soeurs fut si douce et familière (v°) elle craignait de prendre trop d'autorité tellement qu'elle demanda un jour à une religieuse familièrement ce qu'elle en connaissait. Elle lui dit : "Je vous prie dites-moi si je ne le prend pas trop d'autorité." Cette religieuse qui n'avaient pas pensé de prendre garde à cela ne lui pouvait rien répondre mais elle la pressa. Elle fut contrainte de s'y appliquer ainsi elle l'assura que non; c'était les premières années de sa charge l'on remarqua qu'elle fut élue cette fois le jour de l'Evangile du bon Pasteur. À l'une des visites que l'on fit durant qu'elle était en charge, le révérend père visiteur ne trouvant rien en elle à reprendre lui dit que c'était une incapacité d'être en charge que cette grande douceur qu'elle avait et de ne pouvoir juger d'autre manière. Elle lui répondit qu'il fit tout ce qui lui plairait. Elle était si humble qu'elle se croyait (19) facilement incapable.

Petit cahier :

Disant un jour à notre très honorée mère quelque chose d'une de mes soeurs qui se voyait si pauvre devant Dieu qui lui semblait ne pas pouvoir avoir seulement une bonne pensée elle ne répondit : « Il y a diverses manières d'honorer Dieu, les unes sont avec facilité et les autres avec grand travail et grande peine mais cela n'importe pourvu que cela se fasse et que cela soit. Car c'est là le point et notre pauvreté et notre abondance nous doivent conduire à Lui, la vie de la terre est une vie de ténèbres et d'obscurité et peu souvent l'âme est éclairée et en facilité, mais elle a Jésus-Christ qui lui doit être toutes choses. O quelle richesse, quelle grandeur, quel privilège de l'avoir comme voie, comme chemin qui nous doit conduire à son père, selon les paroles de l'Évangile. Nul ne peut venir au père sinon par moi, l'âme donc le doit suivre elle le doit (v°) regarder sans cesse quoiqu'à travers des voiles bien épais, car la misère et la pauvreté de l'âme lui rendent très difficile ce regard, par ce qu'elle l'attire vers elle-même et (les applique à ses misères dont souvent elle est toute occupée barré) lui applique en étant souvent toute occupée et sans aucun fruit, mais plus nous nous voyons en besoin et plus nous devons recourir à Dieu, et c'est l'usage que nous devons faire, et non pas nous tourner vers nous-mêmes, si ce n'est pour nous humilier, et tirer par notre propre expérience, un sujet de connaître quelles nous sommes, et ce que nous en pouvons attendre. Si Dieu ne se mêle de nos affaires, (ligne blanche)

Souvent sa divine majesté nous laisse dans la pauvreté et est bien aise que nous marchions par cette voie afin que n'ayant nulle confiance en nous, nous l'ayons toute à fait en Lui, et il aime (dte) tant cette confiance en l'âme, qu'Il la voit comme un fondement sur lequel Il veut établir Sa grâce, afin que nous la regardions non pas comme chose méritée par nos services et par nos oeuvres, mais comme un effet de Sa miséricorde, qui paraît d'autant plus grande sur les sujets sur lesquels elle s'applique que plus ils sont éloignés de la recevoir. Je pense quelquefois, et qui est ce qui pouvait être en nous qui peut obliger Dieu à nous enrichir de ses dons, Sa seule bonté en est la cause et non ce que nous pouvions y apporter du nôtre. Cette vérité me console grandement, et il me semble qu'il nous est bien plus avantageux que Dieu nous donne parce qu'Il nous aime, que par nulle autre chose qui peut venir de nous. (Fin de page blanche)

Je pensais l'autre jour toute seule que ce n'est pas sans raison que le fils de Dieu a dit en l'Évangile que la porte est étroite et le chemin étroit qui mène à la vie, car je voyais tant de choses en l'homme (pour le détourner de le suivre barré) pour l'empêcher de le suivre et pour lui en faire prendre un autre, qu'il me semblait que chaque pas qu'il fait qu'il s'en détournait tantôt pour un sujet tantôt pour un autre, aujourd'hui pour un intérêt, demain pour un[e] autre raison et enfin mille choses semblables qui nous arrêtent, qui nous amusent, sans regarder ce chemin qui est le seul qui nous conduit à Dieu. O qu'il y a de chemins écartés, ô que de portes larges par où volontiers nous passons. Car nous n'avons pas de peine à suivre et entrer par celles de nos sens, par celle de la nature et de l'amour (dte) propre et tant s'en faut cela nous plaît grandement et nous est fort agréable mais pour entrer par un autre, il faut sans cesse combattre contre nous-mêmes et contre nos inclinations, et ce combat se donne et se rend en nous et au milieu de nous et c'est ce qui nous le fait sentir si difficile, quand on combat contre un autre la peine et la difficulté qui s'y rencontre est merveilleusement diminuée par la victoire que nous prétendons remporter contre notre ennemi, mais en celui-ci il n'en va pas de même, et nous gagnons en perdant en ce qui nous est le plus cher, et contre nous, de sorte qu'il est bien plus malaisé que l'autre, et nos forces seraient bien petites si Dieu ne nous fortifiait par Sa grâce et ne nous ouvrait les yeux pour nous faire connaître le vrai d'avec le faux, car pour moi il me semble que toutes la vie (page suivante) l'homme sur la terre n'est qu'un mensonge perpétuel aimant ce qu'il devrait haïr, estimant ce qu'il devrait mépriser, louant ce qu'il devrait blâmer, et se détournant sans cesse de Celui seul qu'il devrait chercher, et en comparaison duquel tout ne lui devrait être rien, pour moi je ne m'étonne pas pourquoi nous avons tant de peine à prendre ce chemin étroit que nous disions à cette heure, étant certain que nous avons de merveilleux empêchements à cela, et chacun le sait par sa propre expérience et n'a pas besoin de celle de son compagnon, la sienne propre lui suffisant bien.

Je lui dis une fois lui parlant d'une âme que Dieu conduisait par une voie de grande facilité et à qui Il donnait mille belles choses, elle me répondit : « voilà qui est bien, (mais il faut encore quelque autre chose barré)(dte) mais ce n'est pas assez, et qui n'aurait rien de plus de ferait pas grand chemin, ce n'est pas que cette manière aisée et pleine d'occupation de Dieu, ne puisse produire de très bons effets, mais il faut que cela soit et les effets dont je parle est une grande humilité qui nous fasse désirer le mépris et d'être traité conformément à ce que nous méritons, une grande soumission d'esprit sans laquelle nulle âme ne peut être vraiment à Dieu selon les paroles de l'Évangile, Qui ne renonce à soi-même tous les jours de sa vie ne peut être mon disciple, et c'est ce que nous faisons par la démission de notre propre sens. Or c'est ce que les choses de Dieu doivent opérer en nous, et non une certaine complaisance qui nous fait être bien aise de nous voir ainsi élevés, qui est un piège très dangereux et dans lequel beaucoup d'âmes (page suivante) se perdent, les dons de Dieu ne tendant pas à cette fin et au contraire, ils tendent à les abaisser et à leur faire connaître qu'en les recevant, ils les rendent vains, s'ils ne les réfèrent à Celui qui en est l'auteur. Je dis donc encore une fois que ce n'est pas assez d'avoir application à Dieu, sentiment d'amour vers lui, et choses semblables si nous n'en venons aux oeuvres. C'est là où gît la difficulté et c'est là aussi où le fils de Dieu connaît quelles nous sommes, disant Lui-même qu'au fruit on connaît l'arbre, et cela ne peut être autrement, et ne nous y trompons pas. (Fin de page blanche et du texte).

Brouillon de Bréauté

Ce qu'à dit notre très honoré mère Marie de Jésus sur notre bienheureuse mère Madeleine plusieurs années devant qu'elle sortit de la terre.

(1) C'est une grande sainte. Il y a trente ans que nous nous connaissons, il ne faut pas s'étonner si on lui fait tant la guerre. Je sais bien ce qu'elle est, vous ne devez rien perdre de ce qu'elle vous dit et cela vous servira bien dans les occasions et Dieu vous fait une grande mesure(?) de ce qu'une âme si sainte a charité et liaison pour vous.

Pour nous ma soeur ce n'est pas grand chose que d'avoir liaison avec nous au prix de cette grande servante de Dieu. Cela ne vous peut pas être utile car comme je suis peu tout en est petit.

Parlant sur cette bienheureuse qui alors était en charge, dit : "Notre mère est une âme qui se consomme tout dans l'oeuvre de Dieu et et à qui sa divine Majesté donne une grande puissance en ses paroles. Et le peu qu'elle en dit fait dans les âmes de très grands effets. Il semble que ce silence accroît la puissance que Dieu lui donne dans une application très souffrante dans ce qu'elle fait comme oeuvre de Dieu et à son imitation pour la sanctification des âmes qui lui sont si chères et qu'il a rachetées par le sang de son fils."

(3) Il y a deux choses qui nous doivent consoler dans la perte des âmes saintes que nous avons connues dans la terre et qui ont eu pour nous charité particulière. La première est, être entièrement dépendant de de la volonté de Dieu et voir que c'est Lui qui qui l'a ainsi ordonné. La seconde chose, est de ce qu'on voit leur bonheur et de ce qu'elles jouissent de sa divine Majesté et par cela hors des peines de la vie.

(9) Notre bienheureuse mère nous a dit qu'ayant une fois une grande application sur la bonté de Dieu, et voyant comme elle était grande, elle commença à s'étonner de ce qu'il y avait un enfer (...) Elle vit que Dieu ne n'avait pas fait et que c'était une œuvre hors de Dieu...

Brouillon de Bains

(18) Sa résignation au vouloir divin fut aussi très entière et parfaite ; ne voulant rien choisir pour elle, mais laissant à Dieu à choisir et à ordonner de tout ce qui la concernait, ce qui était plus agréable à sa Majesté. C'est ce que nous avons remarqué en nos rencontres durant sa vie, et qui parût plus clairement lorsqu'elle fut proche de sa mort. Pendant sa maladie elle disait très souvent de bouche et encore plus souvent de cœur, ces sacrées paroles que le Fils de Dieu dit à son père au jardin des olives, "non mea voluntas sed tua fiat", elle nous disait que ce n'était pas chose de grande conséquence de partir un petit plus tôt ou un petit plus tard et que Dieu étant le maître de la vie et de la mort, il fallait nous soumettre à ce qu'il Lui plaisait ordonner de nous. / (19) elle donna encore une grande preuve de sa foi, de sa piété et de son ardent amour pour Jésus-Christ en ce que, durant sa maladie, toute défaillante et mourante qu'elle était, elle se contraignit à ne rien prendre toutes les nuits, et à se lever et tous les matins pour aller communier au choeur et rendre ses hommages au Fils de Dieu jusqu'au pied de son autel, et même elle y retournait encore l'après-dîner, ne se pouvant lasser d'être en la présence de Jésus-Christ à l'adorer et à lui offrir son âme et son corps en sacrifice. Seulement la veille de sa mort elle ne fit pas ce second voyage au choeur, le défaut de ses forces lui en ayant ôté le pouvoir, et le même jour de sa mort sa faiblesse fut si extrême qu'elle fut contrainte de souffrir qu'on lui apportât le très Saint-Sacrement pour viatique à l'infirmerie, lequel elle reçut avec un respect, un amour et une ferveur qui ne se peuvent représenter. Mais quelque temps après et seulement trois ou quatre heures avent mourir, elle se sentit si vivement et si fortement pressée de l'amour extraordinaire qu'elle avait pour la personne sacrée de Jésus-Christ dans l'eucharistie, que quoique déjà mourante, l'amour de ce Dieu dont elle était toute possédée lui donna assez de courage pour nous demander avec insistance qu'on la portât encore une fois dans le choeur pour rendre ses derniers devoirs à Jésus-Christ. Le respect que nous avions pour une âme si éminente en grâce et la crainte de nous opposer aux mouvements de Dieu, nous fit condescendre à ses instantes prières, mais une grande défaillance qui la surprit, obligea celles qui la portaient de s'arrêter au milieu du chemin. Ce repos lui ayant donné un peu de vigueur, le révérend père Gibieuf, un de nos supérieurs qui était revenu (20) de Rouen en grande diligence pour l'assister à la mort, la vint visiter, elle témoigna une extrême joie de le voir devant que partir de cette vie ; ce qu'elle avait beaucoup désiré ; et comme elle avait très ardemment aimé durant sa vie toutes les maisons de notre ordre, elle fit paraître par sa grande application d'esprit et la tendresse d'une vraie mère avec laquelle elle en parla à ce bon père, qu'à l'exemple du Fils de Dieu elle les aimait jusqu'à la fin. Elle voulut se confesser encore à lui, l'ayant déjà fait auparavant; s'étant donc confessée avec une profonde humilité de sa faiblesse, nous contraignit de la remporter dans l'infirmerie pour la remettre au lit, comme elle vit qu'elle ne pouvait satisfaire au désir ardent qu'elle avait d'aller au choeur devant le très Saint-Sacrement, elle pria de la tourner au moins du côté où il reposait, d'où elle l'adora et lui offrit les derniers moments de sa vie. Ensuite on la reporta à infirmerie où étant arrivée et remise dans le lit, elle demanda instamment par deux fois le sacrement de l'extrême onction et le reçut avec beaucoup de révérence des mains du révérend père Gibieuf ; à qui elle dit qu'elle voyait notre très honoré père feu monseigneur le cardinal de Bérulle qui priait pour elle ; et après avoir évoqué plusieurs fois le saint nom de notre Seigneur, elle entra dans l'agonie, laquelle ne dura qu'un petit quart d'heure. Durant ce temps elle eut continuellement le visage et les yeux tournés vers le ciel, et paraissait dans une application si forte et si profonde que je ne crois pas que cela puisse être suffisamment exprimé (...) Chacun était attentif non à pleurer, mais à prier et à admirer la consommation de l'oeuvre de Dieu sur cette grande âme. Ce ne fut pas seulement les religieuses et les ecclésiastiques qui se trouvaient dans ce sentiment, car les médecins ayant encore demandé à rentrer pour voir s'ils ne pourraient pas sinon allonger sa vie au moins lui apporter quelque petit soulagement, lorsqu'ils furent arrivés en l'infirmerie ils se mirent à genoux pour prier comme les autres (...) Durant ce temps une religieuse de ce monastère vit notre seigneur Jésus-Christ, sa très Sainte mère et les saints Anges, qui étaient présents à la servante de Dieu pour l'assister en ce dernier passage et pour recevoir son âme à la sortie du corps, et d'un autre côté elle vit les démons en un coin qui montraient une extrême rage de la sainteté de cette âme et se plaignaient de ce qu'elle leur en avait ravi un très grand nombre.

(38) de son temps il s'éleva de grandes traverses contre notre ordre, certaine personnes s'efforçant de le diviser et de soustraire quelques-unes de nos maisons de l'obéissance des supérieurs qui nous avaient été donnés par les saints Pères en ce royaume. On fit pour ce sujet de grandes poursuites tant en France qu'à Rome et ces poursuites étaient accompagnées de tant de violences, de calomnies et d'injures si atroces contre nos supérieures et d'autres circonstances si aigres et si dures à porter que si nous n'avions dans ce monastère les papiers de toutes les procédures qui vérifient ces choses, il serait impossible de les croire de personnes de la condition de ceux qui les faisaient. Le principal faix de toutes ces fâcheuses affaires tomba sur la servante de Dieu, qui eut à porter durant sept à huit ans qu'elles durèrent d'extrêmes fatigues du corps et d'esprit. Et néanmoins quand tout cela fût passé elle dit en confiance à notre mère Marie de Jésus qui nous l'a rapporté, que durant tout ce temps elle n'avait rien eu à confesser sur ce sujet, ce qui est d'autant plus remarquable qu'elle avait la conscience si tendre et si pure qu'elle se confessait de choses extrêmement légères (...) (39). En l'année 1630 et les suivantes il arriva certaines autre affaires à notre ordre qui furent aussi très fâcheuses et dans lesquelles quelques ecclésiastiques qui y étaient intéressés la désobligèrent beaucoup par leurs paroles et leurs actions...



Mémoire de la mère Marie-Madeleine de Bains « pour une déposition plus en plus »



(19) elle disait que quoique toutes les âmes chrétiennes et en particulier les religieuses et entre les religieuses les Carmélites ont l'honneur d'être fille de la très sainte Vierge, doivent vivre dans un soin continuel d'employer tout ce qu'elles sont à révérer et adorer, a aimer et imiter la personne de Notre Seigneur Jésus-Christ : que pour l'ordinaire il attirait chacune à rendre un hommage particulier à quelqu'un de ses états ou mystères, que l'âme devait être fort fidèle à suivre cet attrait et soigneuse de référer tout ce qu'elle est, tout ce qu'elle fait et tout ce qu'elle souffre, non seulement au Fils de Dieu mais à lui dans ce même esprit, ou mystère et qu'il faut que ce soit son refuge en tout ses besoins. (barré ce qui suit, que l'on retrouve dans l'imprimé ascétisant et favorisant l'activité :) or elle ne voulait pas que les âmes se contentasse de faire ce que je viens de dire seulement par pensées et applications d'esprit, car elle comptait pour rien et plus belle pensée et les meilleurs désirs...

(41) Elle disait que souvent les âmes croient qu'elles ne se peuvent rendre à Dieu ni à la vertu dans leurs peines et que cela est très faux parce que la grâce Jésus-Christ leur est toujours présentée pour leur donner la force qui leur est nécessaire pour porter parfaitement leurs petites épreuves et qu'il n'y a rien d'impossible à une âme de Dieu pourvu qu'elle soit fidèle à recourir à Lui dans toutes ses nécessités. Voyez disait-elle ce que dit que l'Apôtre : « je suis toute chose en Celui qui me conforte. »

Elle désirait que toutes les âmes fussent dans une grande droiture et simplicité et elle m'a témoigné plusieurs fois que cette disposition leur était une des plus nécessaires pour s'établir profondément dans la grâce et dans les voies intérieures, et que lors qu'elle manquait en elle, il n'y avait pas lieu d'espérer qu'elles y fissent de un grand progrès.

(42) sur les âmes commençantes en particulier elle disait que la simplicité était une vraie vertu des novices, et il ne se peut dire combien elle travaillait à l'établir vraiment en elles. Or elle leur faisait entendre que ce qu'elle leur désirait n'était pas de ces certaines simplicités qui font faire par soi-même plusieurs choses sans raison et qui souvent tiennent plus de la bêtise que de la vertu, mais bien d'une disposition par laquelle l'âme n'ayant pour objet que Dieu, et n'écoutant que Lui en ceux qui lui tiennent Sa place, reçoit ce qu'ils lui disent dans une entière soumission de son jugement et sans en penser davantage ni en chercher aucune raison, et ensuite l'accomplir à la lettre sans en rien retrancher ou y ajouter aucune chose du sien.

(44) quand on les interrogeait sur ces mêmes choses elle voulait qu'elles répondissent toujours avec grande naïveté et candeur disant aussi librement leurs inclinations imparfaites que les bonnes et leurs manquements que les vertus qu'elles avaient pratiquées, sans juger qu'on les estimerait plus ou moins pour les choses qu'elles auraient pratiquées, sans penser que peut-être on ne les entendait pas bien (...) Et leur enseignait que cette même disposition mettait l'âme dans un grand d'éloignement de faire aucun jugement sur les actions du prochain puisque même elle lui interdisait de juger des siennes propres et de s'en occuper, outre la nécessité, pour en rendre compte à ceux à qui on doit et s'humilier devant Dieu de ses manquements et que retranchant en elles toute multiplicité, elle lui faisait en tout lieu en tout temps et en toutes choses regarder et rechercher cette unique nécessaire duquel parle Notre seigneur dans son Evangile, et tendre à Lui de toutes... (fin de feuillet)

(45) quoique cette servante de Dieu fût si soigneuse que je viens de dire d'établir les âmes que Notre Seigneur lui adressait pour les former à son service, dans toutes les vertus chrétiennes les religieuses comme je viens de dire, son attention principale était de remarquer soigneusement dès lors commencement ce que Dieu faisait en elle.

(47) Elle disait qu'une des choses qu'elle trouvait plus importante pour la conduite des âmes, c'est de prendre un grand soin de remarquer dès leur commencement ce que Dieu fait en elles et à quoi Il les tire, par ce disait-elle, qu'Il conduit les unes d'une façon et les autres d'une autre et il faut suivre ce qu'Il fait sans leur rien apprendre davantage et cultiver peu à peu ces petites âmes se servant de leur application vers le Fils de Dieu ou autres choses dans lesquelles elles peuvent être, pour les former dans la vie intérieure et parfaite y faisant un jour une chose et l'autre une autre, et cela selon qu'on voit qu'elles le peuvent porter, usant de grande prudence et adresse pour les conduire doucement dans ce que Dieu demande de chacune, parce que quelquefois pour trop surcharger une âme on la recule de bien loin.

Elle disait avoir vu par expérience que c'était une chose très nécessaire aux personnes qui conduit ces âmes, d'attendre avec grande patience le temps ordonné de Dieu pour faire ses oeuvres dans les âmes, et que lors on n'y fait plus en un jour qu'on aurait fait en beaucoup d'années. Qu'il ne fallait pas néanmoins laisser de s'appliquer beaucoup aux jeunes âmes, lesquelles ont besoin d'être cultivées soigneusement, et qu'on leur fasse estimer le prix de la vertu à aimer le joug de Jésus-Christ et qu'on leur fasse voir la grandeur et l'excellence qu'il y a de vivre de sa vie, d'appartenir à ses mystères, de participer à ses travaux et à sa croix. Mais que lorsqu'on ne voit pas en elle de progrès et ... de toutes choses qu'on n'y pourrait désirer il ne faut pas (48) s'étonner pour cela ni faire violence aux âmes pour les contraindre à entrer dans les dispositions où nous pourrions croire qu'elles devraient être. Elle disait que quoique l'on fasse cela par grand zèle (comme il semble) cette manière est fort peu utile. Que les âmes sont à Dieu et qu'il faut les y commettre incessamment et se souvenir que c'est de Lui et non de nous ni de nos forces que dépend l'avancement des âmes.

(52) sœur Anne de Saint-Barthélemy dit à M. Duval que sœur Madeleine de Saint-Joseph avait beaucoup pour les âmes, et que la sainte Vierge lui avait donné à entendre. Mon dit sieur Duval ledit à notre mère (illis...) La vénérable mère Anne de Saint-Barthélemy était lors prieure du monastère et la vénérable mère Anne de Jésus allant en Flandre y passa et séjourna quelques jours. La servante de Dieu assembla ses novices qu'elle désirait qu'elles grandissent compte de leur intérieur à cette vénérable Mère qui était la première prieure du couvent, ce que les novice firent avec tant de naïveté et sincérité que la vénérable mère Anne de Jésus fut ravie de joie voyant l'état des âmes que sœur Madeleine de Saint-Joseph conduisait avec tant de perfection, que cela accrut encore l'estime qu'elle faisaient d'elle, et possible le désir de l'emmener avec elle en Flandre, car elle lui en parla lors... (Fin de feuillet) (en travers : de soeur Marie de saint Jean-Baptiste de Chartres)

dans ceux et celles qui avaient la grâce de l'approcher je l'ai su de plusieurs qui en avait fait l'expérience lesquelles ont rapporté que quelquefois par les saints avis qu'elle leur donnait, quelquefois par sa bénédiction et d'autres par sa seule approche, des tentations impures dont ils étaient fort travaillés ont été dissipées. Quelques-uns m'ont dit qu'étant auprès de la servante de Dieu, ils sentaient comme découler d'elle une certaine pureté qui anéantissait tout sentiment et pensée contraire. Le même est aussi arrivé en plusieurs autres sortes de tentations, ce que je sais comme j'ai déjà dit des mêmes personnes qui ont reçu ces assistances.

... Que le grand talent qu'ils [les supérieurs] connaissaient en elle pour la supériorité leur fit désirer qu'elle instruisit le plus qu'il se pouvait des religieuses qui allaient exercer des charges dans les monastères de notre ordre, de sorte que, outre celles qui étaient professes de celui-ci et qui allaient faire des fondations, ou gouverner des maisons déjà établies, ils en faisaient venir d'ailleurs demeurer quelque temps auprès d'elle pour recevoir ses saints enseignements, (13) la conviant encore de les donner par lettre aux absentes qui ne pouvaient venir jouir de ce bien...

(18) Monseigneur le cardinal de Richelieu disait que c'était un des plus grands esprits qui eût jamais connu et il n'avait pas moins d'estime de sa sainteté, ainsi qu'il le témoignait par le soin qu'il prenait de recommander à ses prières, tant sa personne que les grandes affaires du royaume...



Summarium

Rien d’intérieur.

du procès (deux in-folio), 1655, imprimé à Rome, 1782 & 1785

Vol.1 latin et italien vol.2 surtout en italien.



G. Gibieuf, Vie (ms.)

de la Mère Magdelaine de S. Joseph, Clamart, ms. [cité par Louise de Jésus et par Serouet, art. DS].


Etudes.


[1921] J.-B. Eriau, La Vénérable Madeleine de Saint-Joseph. Essais sur sa vie et ses écrits, Paris, 1921. [voir du même : L’ancien carmel du faubourg Saint-Jacques, 1604-1792, Paris, 1929, surtout le ch. 16]

Louise de J

Reprendre Louise de J (extraits à compléter, bios dont Bréauté) en voyant les notes de relecture, v. réf. en fin de vol. Chatou

[1935] La Vénérable Madeleine de Saint-Joseph, première prieure française du premier monastère des Carmélites Déchaussées en France (1578-1637), sans nom d’auteur [Louise de Jésus], Carmel de l’Incarnation (Clamart), 1935, 612 pages. [dont de nombreux extraits, parfois : v. p. 117-123, 372-386]

cit extraites le plus souvent des dépositions ou de Talon. Extraits :


(204) “ Tandis que l’âme sent en soi quelque résistance à ce qu’on lui commande ou qu’on lui fait faire, elle est bien éloignée … Et même elle a peine de se nommer et de paraître qu’elle est, parce quela vérité qui est en elle lui montre que se faire quelque chose, c’est dérober à Dieu. Et lors l’âme dit : Je ne dois pas Seigneur, me trouver en quelque lieu, puisque je ne suis pas ; mais je dois demeurer comme chose si basse que je sois à jamais ignorée. ”


(208) “ Le 15e janvier 1622, il me fut montré que le degré de gloire que je devais posséder dans l’éternité était arrêté … sans égard à la longueur ou à la brièveté de ma vie. Je vis aussi que je mourais à moi-même dès ce moment, que ma vie serait désormais pour les autres et non plus pour moi-même. ” (Talon p.149)


(212) Filiation Jn de la X – Anne de Jésus – Madeleine


(231) bio de la 2e supérieure française Marie-Madeleine de Jésus


sur la simplicité dans la maladie : (274, 276, 277 : à un médecin proposant ses services : ‘ elle savait un bon remède qui était la résurrection’)


(290) estime de Richelieu


(303, 328) courage politique


(309, 310) protection du démon d’une sœur par bilocation


(312) bio Gibieuf


Ch.17 : La mère au milieu de ses filles. Sa direction spirituelle.

(365) Eprouvant toujours plus son impuissance … recourait aussi tj plus à Dieu … s’efforçait de ne donner aux devoirs de sa charge que les instants strictement nécessaires, et elle consacrait ses journées presque entières à l’oraison …ne faisait point d’action …qu’elle n’eût été faire prière au chœur.

(365) Elle ne faisait point d’action, elle ne se mettait point à parler aux sœurs de leurs dispositions intérieures, qu’elle n’eut été faire prière …les sœurs avaient peine de trouver le temps de balayer le chœur 


Sobriété spirituelle : (367, 369, 371, 373 Thérèse : qu’elle n’avait pas été récompensée au ciel pour ses ravissements mais bien pour ses travaux) Contre les lumières : (371, 373, 375)


(378) “ C’est un grand abus en quelques âmes de croire qu’elles ne peuvent point ce qu’en effet elles peuvent, non pas en leur prorpe force, mais en celle de Jésus-Christ. ”


(367) ...s’il faut donner aux âmes tout le temps qu’elles désirent, je vous dirai que je ne suis pas de cet avis ...assez de parler un quart d’heure ...pour les âmes nouvelles ...elles ont besoin qu’on leur parle davantage pendant quelques années …

C’est une chose si dangereuse que la direction des âmes …on ne le ferait qu’avec crainte et frayeur.


(368) Il faut parler humblement et simplement, et employer les termes les plus communs lorsqu’on parle de soi. …il me semble …quelque désir que l’on estime ce qu’elles disent.


(369) à propos d’une personne qui …disait …Ma voie est de cette sorte. …J’ai déjà cinquante ans, et je ne pourrais parler de moi avec cette assurance ; ni à un supérieur, ni même à mon ange, je ne pourrais dire quelle est ma voie. Rien ne m’appartient …nous allons à Dieu comme nous pouvons …cette voie n’est pas circonscrite si exactement …que Dieu n’y puisse renfermer d’autres sentiers …Que peuvent savoir ces âmes parmi les ténèbres de ce monde, qu’elles puissent dire avec assurance : telle est ma voie ? peut-être le disent-elles au moment même où cette voie leur est ôtée


(371) la servante de Dieu faisait une estime tout autre de la dernière (dirigée sans visions) que de la première (dirigée avec visions et phénomènes). Ce qui me donna quelque sujet de croire que peut-être elle tenait que celle-ci était trompée. Et comme elle m’avait chargée de travailler sous elle à la conduite de ces deux âmes, je voulus m’en éclaircir. Lui ayant donc demandé ce qu’il en était, elle me répondit que ce n’était point qu’elle crût cette religieuse trompée, qu’au contraire, elle tenait que les effets extraordinaires qui se passaient en elle étaient de Dieu ; mais que c’était sa sorte de voie, et que celle de l’autre ne renfermait pas cela. Et en même temps elle me fit entendre que la grandeur de la grâce dans les âmes n’était pas mesurée selon ces choses, et que la religieuse qui n’en avait point ne laissait pas de passer beaucoup l’autre (ce qui se vérifia).


(372-373) (longue cit dans le même sens, à reproduire)


(375) (à reproduire) (les grâces ne sont que semences pour aller)


(383) elle a supporté des années entières …de certaines âmes qui n’avaient nulle dévotion ni entrée aux choses de Dieu, essayant néanmoinsd’y faire toujours petit à petit tantôt une chose, tantôt l’autre


(384) il faut prendre garde à un défaut où la plupart des âmes se laissent aller, qui est de laisser les voies essentielles de leur perfection pour s’arrêter à des choses particulières qui, bien souvent, ruinent la même perfection. [l’immense divin]


(386) L’on passe la vie comme l’on peut ; l’on tombe, l’on se relève ! le propre de la terre c’est l’inconstance et la diversité. Dieu, qui voit cela, excuse la faiblesse de sa créature. Il faut vivre en liberté d’esprit, nonobstant la vue et l’expérience de ces choses, et se confier en la divine bonté. …

Oh que si les âmes pouvaient voir combien Dieu les aime et est prêt de les aider et leur faire miséricorde, elles marcheraient bien d’un autre pas qu’elles ne font ! …

Mes enfants, or sus ! Ne nous lassons jamais de commencer, et novices et professes ! il faut toujours commencer jusqu’à la mort.


Ch. 18 : La mère au milieu de ses filles. Son gouvernement. 1624-1635.


(390) (délicatesse : elle fait intervenir des ouvriers pour ne pas refuser la construction d’une cheminée particulière à une sœur âgée)


(394) elle lui dit (à Marie de Médicis) dans une sainte liberté qu’ayant une religieuse malade, elle ne pouvait guère penser à autre chose.


(394-395) grâce toute extraordinaire … pour assister ses filles en ce dernier passage … elle lui parlait sur les privilèges de cette vie heureuse dans laquelle on aimerait, on adorerait, on louerait sans cesse … Elle dit à plusieurs de nous sur la mort d’une de nos sœurs, que comme nous ne sommes toutes qu’unes (sic) en Jésus-Christ, nous devions regarder notre sœur comme quelque chose de nous qui était allé à Dieu. Continuant ce discours, elle disait : Nous devons …nous appliquer beaucoup à Dieu pour elle, afin de lui aider à faire son chemin … Les âmes qui sont séparées du corps languissent de ne pas voir Dieu, de telle sorte que cela ne se peut comprendre… Aussitôt qu’une autre de mes sœurs eut rendu l’esprit, cette servante de Dieu dit tout haut dans l’infirmerie : maintenant cette âme est dans un parfait amour et une parfaite souffrance !


(397) Elle estimait toutes les âmes et ne les appréciait (sic) jamais, et disait qu’elles sont toutes d’un prix infini …que Dieu a des trésors cachés dans les âmes, lesquels …il ne faut point laisser de les vénérer ; qu’elle ne voyait point d’âme qui n’eût quelque don particulier de Dieu, et en laquelle in ne fut honoré.


(398) maxime du P. Pacifique : vivre avec les parfaits comme s’ils eussent été imparfaits, prenant garde à ne rien dire qui les pût le moins du monde indisposer ; et vivre avec les imparfaits comme s’ils eussent été parfaits, en leur rendant toutes sortes de soumission et de respect.


(401ss.) (nbreux exemples d’indépendance vis-à-vis des puissants)


(407) douceur ..suavité …cachet définitif de son gouvernement et de son action sur les âmes.


(409) Et moi qui à présent n’ai presque plus de capacité d’observer les austérités religieuses, je désira au moins exercer les vertus que nous pouvons toujours pratiquer, qui sont la douceur, la patience, l’humilité et les autres.


(410) il est nécessaire de tenir quelque sévérité aux âmes, non pas de paroles ni rudes ni sévères ; mais avoir un œil à Dieu pour ne pas adhérer aux faiblesses ou défectuosités de leur nature, ains leur parler par la grâce … ne cherchez nulle sévérité en la nature ni par vos industries. Mais élevez votre esprit à Jésus-Christ en parlant et en traitant avec les âmes, et vous donnez à lui pour parler selon lui et selon ses voies, mortes et anéanties.

(411) (témoignage sur sa façon de reprendre) Je n’ai jamais vu [la mère] en émotion d’esprit ni de corps. Si elle reprenait, c’était avec tant de douceur, des termes si charitables et unefaçon si affable qu’elle donnait grande humiliation …Elle le faisait à voix basse …après …il ne lui en restait plus rien ; elle était tout de même vers la personne qu’elle avait reprise …et lui parlait avec plus de tendresse et de charité …Elle agissait en ce sujet, selon ce que j’en ai pu reconnaître, tout à fait divinement (toute la note longue est à reprendre)


(412) (traitement indirect de l’anorexie en reprenant la maîtresse de la novice)


(414) elle ne laissait pas …de se démettre de ses pensées et se soumettre à celles d’autrui : ‘c’est un des soins que doivent prendre les supérieures que de se servir de ces légères occasions, parce que, comme on leur cède toujours, il serait à craindre que l’esprit ne contractât quelque habitude très préjudiciable à la perfection’.


(417) témoignages : “ notre Mère Madeleine portait Dieu en soi et le répandait avec efficace dans les âmes qui s’en voulaient rendre dignes. ” (418) “ …je sentais, lorsque j"approchais d"elle, qu"elle répandait dans mon âme je ne sais quoi de divin …ses paroles …ont fait en un instant en moi ce qu"elle voulait de moi …j"en sens encore la force et la vertu dans le fond de mon cœur, où je les conserve comme une semence de vie éternelle… ” “ …elle avait une puissance d"établir les âmes en Dieu et Dieu en elles …Ceux qui l"ont expérimenté et qui ont reçu l"effet de ces grâces, savent que je dis vrai et que cela ne se peut exprimer. ”


(421) “ Il semblait …qu"elle vit les âmes et tout ce qui s"y passait presque aussi facilement que nous faisons les corps …j"en ai fait l"expérience en tant d"occcasions que je ne puis les nombrer. ”


(428) “ Vers l"année 1634 …je fis la visite au couvent de l’Incarnation [le “ grand couvent ”], où la V.M. Madeleine de Saint-Joseph était prieure, et je sentis qu’elle portait une plénitude de Dieu si présente et si abondante, même pour autrui …je ressentis ce que je dis fort efficacement ”

(429) (influence prolongée jusqu’à la fin du XVIIe s. ; ensuite jansénisme selon note intéressante ! …Dans la première moitié du XVIIIe s.les Carmélites, à la suite de leurs confesseurs… adhérèrent au Jansénisme …mesures énergiques (1748) pour bannir l’hérésie de la maison, qui revit alors quarante ans de prospérité spirituelle…(jusqu’en 1792 ; puis reprise en 1802 jusqu’en 1901 ; 19ans d’exil à Anderlecht-les-Bruxelles ; en 1920 à Clamart)

(429)…la Thérèse de notre France a gravé …dans le cœur de ses filles …ce grand couvent …m’a paru toujours un grand désert, mais un désert dans lequele la grâce parle incessamment au cœur …ce lieu m’a toujours semblé un sanctuaire rempli de tous côtés de la sainteté de Dieu et qui m’excitait à l’aimer… ” (Melle de Budos)


Ch. 19 La V. et les carmélites de France.

(elle apparaît comme le pivot)

(elle a formée une trentaine de prieures…)

(438) Ayant été élue prieure au loin, cette religieuse vint, avant son départ, passer quelque temps auprès de la Mère Madeleine pour profiter de ses conseils. Or la mère l’entretenait souvent, mais toujours de sa sanctification personnelle…  “ Je lui fis paraître quelque petit étonnement de ce qu"elle neme disait rien du tout de la charge où l"on me mettait … - Ma fille, rien n"est important que d"être à Dieu, je veux que vous y soyez. La charge n"est qu"un accident ; et ne vérité quand vous serez à Dieu par état, vous verrez quece n"est rien d"aller ici ou là. Ne vous en occupez point. ”

(439/40)vraie et fausse humilité


Ch.20 (445)… Ch.21…

(481) aspiration : “ Seigneur, vous avez pris ma nature, prenez encore ma personne ! ”

!le livre a été totalement relu 01.01, v. réf en fin

autres

[1966] Th. Bailloud, Sillages de foi, Blois, 1966. [95 pages, Les Dubays de Fontaines, Madeleine de Fontaines.]


[1977] DS, art. “ Madeleine de Saint-Joseph ” par P. Serouet, vol. 10, col. 57-60.


[1987 ?] Madeleine de Saint-Joseph ou l’accomplissement d’une vocation, Stéphane-Marie du Cœur de Jésus ocd, mémoire de licence, Univ. de Fribourg, [200 pages env., 1987 (?) date de la thèse].


histoire du voyage en Espagne ; (45) sur Marie de Jésus (de Bréauté), “ l’amie la plus intime de Mère Madeleine de Saint-Joseph ” ; synthèse des sources surtout concentrées au carmel de Clamart ; dépositions ; annexes : liste des religieuses professes du grand couvent – des prieures – des carmels fondés jusqu’en 1637 ; bibliogr. : les archives du carmel de l’Incarnation sur Madeleine (31 vol. !) + paquets + bibliogr grale.


[1987] Vives Flammes, no. 168 consacré à “ Mère Madeleine de Saint-Joseph, o.c.d. ”, 1987.5 [p.1-34 ; contient huit titres : études et textes ; inform.]


[2000] Stéphane-Marie Morgain, “ La disgrâce de Michel de Marillac, édition critique du Papier envoyé de Lisieux à la révérende Mère Madeleine de Saint Joseph, du 26 décembre 1630 ”, Histoire et Archives, no.7, janvier-juin 2000, 49-80.


1563- aout 1632 - son frère Louis sera exécuté en mai 1632 - sur la mort de Mlle Acarie : “ elle est morte religieuse, mais vous savez l"état de ses dernières années, et comme elle y a été délaissée et semble en quelque mépris, même dans le couvent d"Amiens… ” et note106 explicitant le mépris de la prieure Anne du SS (Viole) favorable à la dévotion de servitude – belle glose ACC note 98 : “ il ne faut jamais prendre un état opposé à l"attrait qui nous attire à Dieu, sous prétexte d"y faire un bien qui n"est point une suite de notre situation actuelle. C"est un écueil très délicat … mais aussi il ne faut pas sortir de l"état où Dieu nous a mis, sous prétexte du déchet de notre âme. Car ce ne sont pas les maux que l"âme voit et sent qui la perdent, ce sont ceux qu"elle porte sans les connaître. Il faut abandonner à Dieu le degré de perfection et les moyens, sûre qu"il nous fera sortir de l"état qui nous est effectivement contraire… (et la suite)


Marie de Jésus, de Bréauté

Biographies

Biographie dans La Vénérable Madeleine de Saint-Joseph, première prieure française du premier monastère des Carmélites Déchaussées en France (1578-1637), sans nom d’auteur [Louise de Jésus], Carmel de l’Incarnation (Clamart), 1935 :

p. 231 (bio en note longue) et 505 (confidente ordinaire de Madeleine de Saint-Joseph)


Carmel, Revue trimestrielle de spiritualité, 1962, II, “ Aux origines du Carmel de France, Mère Marie de Jésus, marquise de Bréauté, 125-147.


Bonne bio. : naissance 8 mai 1579. mariée à 18 ans 17 déc 1597 au marquis de Bréauté, “ brillant dans le métier des armes, [il] lui plut davantage [qu’un prétendant prudemment éconduit] ”. veuve avec un enfant de 13 mois le 5 fév 1600. Rencontre Madame Acarie. Entre au Carmel le 8 déc 1604. Infirmerie. S/prieure en 1606. Responsable des novices en 1608 lorsque Madeleine de SJ devient prieure. Prieure en 1615 ; fait bâtir une infirmerie. “ Exprima l’ardent désir de ne plus accepter de charge ” en 1624. Fin de l’année : mort de son fils en combat singulier. = “ je sais par expérience …les efforts que le diable fait dans les âmes …afin de les porter au désespoir …lorsque Dieu nous traite plus rigoureusement …il agit avec plus d’amour ” Lettres p163. 1629 mort des parents. “ Depuis 1641 sa santé était ruinée… coliques pierreuses et bilieuses… elle disait n"avoir pas assez de ma l pour mourir et en avoir trop pour appeler cela vivre ” Mort 29 nov 1652.

Bonnes références.


Cit : Elle dit à la Mère Marie-Madeleine de Bains : “ …j’ai vu …que notre union ne périra pas et qu’elle sera stable pour l’éternité, et j’ai une grande consolation de voir que ma mort n’y changera rien. C’est Dieu qui l’a faite et je l’emporte, elle ne s’évanouira pas. Oh ! que j’en ai de joie et que c’est une grande chose que cette volonté de Dieu !Elle conserve elle-même tout ce qui vient d’elle. ” réf à la Vie ms de la Mère Marie-Madeleine de Bains, p.385 et suiv.


Vies de MJ Bréauté, AJM de Bellefonds, MJ de Bains

Saisies ds Ms 3A2 vies de MJ Bréauté, AJM de Bellefonds, MJ de Bains (à partir de la table succincte relevée à première lecture)

[= Doc7&Doc7b début de saisie]

Ms. 3A2

Verso couverture : “ I Vie de la Mère Marie de Jésus de Bréauté II p.180 Vie de la Mère Agnès de Jésus Maria (de Bellefonds) III Vie de la Mère Madeleine de Jésus de Bains p195 ”


Après 1691 par un P. de L’Oratoire ? (annot. marg.)


I

4 Cette sainte dont j’ai même éprouvé l’onction quand j’ai voulu en écrire … quelqu’un avait même proposé …qu’on donnât un chronique entière de l’ordre des carmélites … elles [vertueuses Mères] ont répondu qu’il y avait du danger pour elles de si fort publier les grâces que Dieu 5 avait faites à l’ordre

9 (début de la bio I reprise dans l’article résumé ci-dessus – intéressant ex d’intolérance quant aux réformés)

10 (la gouvernante huguenotte)

18 (mort du mari)

20 (et sa tristesse ; l’imprimé effaçe ce côté attachant de l’amour pour le mari)

23 (lecture de Seneca etc. tout ceci repris dans l’article ; il vaudrait beaucoup mieux éditer un choix du ms. qui est plus vivant ; la maladresse “ elle n"était plus athée ” p.151 est levée ds le ms !)

25 cette peine qui la faisait passer à ses yeux pour une athée…

(le ms s’améliore grandement lors que les protestants ou les dignitaires sont loin de vue !)

(il éclaire spirituellement cf. contre terre courbée devant la grandeur de Dieu)

27 s’étant retirée en un coin pour y faire son action de grâces elle y employa trois heures … en sorte …qu’elle commençait à croire que quand elle serait tout à fait engagée ds la dévotion…

28 de deux choses : l’une où nous croyons qu’il y a un Dieu, ou nous croyons qu’il n’y en a pas (et la suite)

31 Beaucousin

34 (nouvelle main) ô que je suis heureuse de n’être point religieuse … croyez mes sœurs… (conversation directe)

35 (proche de Mme Acarie)

38(début d’un récit historique de la fondation du Carmel en France Gallement Duval Berulle etc)

42 (Bérulle manque de se noyer)

44(les sœurs échappent à l’abîme, leur carosse volant en l’air comme Elie !)

44(reprise du récit concernant Mme de Bréauté restée avec Mme Acarie

45 mon fils je vous aime bien mais j’aime encore mieux Dieu que vous

48-49 Coton Bérulle Acarie pour fléchir ce père par leurs prières

50 hélas Mgr vous paraissez bien affligé : vous ne venez pas à un enterrement mais à une noce ! (sur l’exemple qu’elle donne) je ne me sens pas assez de vertu pour être imitée de personne

52 car je m’imaginais que cette confiance en Jésus-Christ me donnait une espèce de droit au mérite de ses œuvres

54 Livre second. (depuis son entrée au carmel)

58 quant aux demandes que je lui fis alors …que jele pusse aimer d’un amour bien pur et bien dégagé de l’amour de moi-même ; car ce mélange m’a toujours fait frayeur ; il est souvent si imperceptible qu’on croit aimer Dieu lorsqu’on s’aime soi-même. D’ailleurs c’est une alliance qui me paraît monstrueuse quand il se trouve qq chose d’humain ds cet amoure de Dieu

59 Magdelaine de saint Joseph

61 que Dieu qui avait pris soin d’elle en prendrait jusqu’au bout

62 (infirmerie, réfectoire)

64 (pruneaux âpres)

67 (prieure)

70 (pb des carmes espagnols des Flandres etc.)

76 (Condren se démet de la charge de visiteur en 1632)

77 une occasion à un nouveau désordre mais qui ne dura pas longtemps (grâce au) bref de …1659 ( !)

78 son humeur pacifique devait être à l’abri de cette tempête. Elle en ressentit pourtant comme les autres descoups de vent…

79 (Magdelaine à Tours)

90 (soin des converses)

97 (marie-magdelaine de J luis succède en 1624)

98 mère et fille

99 une espèce de résolution de n’y jamais rentrer (dans les charges)

101 infirmités 

104 tellement courbé l’épine …elle ne savait en quelle situation se mettre …si maigre et si décharnée que n’ayant que la peau, c’était une de ses peines de demeurer ainsi longtemps au lit

105 regarder cette majesté de Dieu …tous nos maux, quelques grands qu’ils soient, ils deviennent non seulemetn supportables, mais aussi agréables à porter

107 l’intérieur

112 Adieu A Dieu …elle paraissait ne pas entendre ce qu’on lui disait. On lui en faisait un peu la guerre et pour la tirer en quelque façon de ce profond oubli d’elle-même (…)

113 toute dépendance n’étant dûe qu’à Dieu seul (…)

120 (liste de saints anciens et nouveaux dont Magelaine de St Joseph et Lopez)

122ss (revue des vertus etc. selon plan classique des bios = moins d’intérêt)

123 (conversation rapportée avec Magdelaine)

125 (sa comparaison avec frère Elie, Magd étant François)

126 (psy)

131 la marchandise, disait-elle en riant, ne vaut pas grand chose, ainsi ne l’épargnez pas

SS.

148 (recueil de divers avis…)

149 no 8

150 no 24

156 c’est aimer qqchose plus que Dieu, que d’y penser plus qu’à Dieu no 75

160 (bio : maladie et mort)

162 (dits des deux derniers mois)

164 (gangrène, récit de la fin …) 169

175 (fin)

II

178

III

195 (autre main)

212 (à Blois)

213 (lettre : crainte de la mort et du jugement 1647)

231 (maladie prières de Magd et d’autres grâces reçues)

235 (vœux en 1620)

(ds toute cette bio style pâle et pas de ‘dits’ !)

249 (source  : ) que nous nommions le petit logis

253 (union de cœur avec la mère Marie-Madeleine)

254 (combat d’humilité entre ) la Mère Marie Madeleine et Marie de J

254 (élection de Marie de la passion - du Til) la regardant avec la mère Marie de J comme l’âme du monastère, elle ne fit rien sans l’avis de ces deux respectables mères

258 (terrible maladie ) du démon ?

260 esprit … couvert de ténèbres

..sur photos

449 fin du ms. 

Lettres

Lettres de la Révérende Mère Marie de Jésus, seconde prieure française de ce premier monastère de l’Incarnation à Paris, 203pp copie en 1872 d’un ancien ms. des Carmes du couvent de Santa Maria della Vittoria à Rome.

Lettres à transcrire (copie 1872) =Doc12


(4 : je ne crois point qu’une âme puisse approcher de JC à son autel pour quelque besoin que ce soit, et s’en retourner les mains vides… 6 : il ne nous donne pas tj en nous-mêmes toute la lumière dont nous avons besoin pour notre conduite, il la met souvent en autrui afin de nous lier les uns avec les autres d’une plus grande charité. 7 : Quand les âmes font quelques fautes, il vaut mieux les en reprendre charitablement, sans les contraindre par votre froideur à deviner ce qu’elles ont fait, elles s’en amendent bien plutôt et ne demeurent pas peinées comme souvent elles le sont, quand on paraît renfermée à leur égard. 15 : peu de personnes à qui l’on puisse parler de sa disposition utilement, et cela même oblige à se lier davantage à JC et à sa Ste Mère qui ne manquent à personne quand on les cherchent, ils vous le font connaître par eux-mêmes 17 : votre lettre que j’ai trouvée humble et sincère. (26) Ce ne sont pas nos prévoyances et diligences qui font les œuvres de Dieu, c’est sa grâce et l’assistance de son esprit. (42) je suis marrie …du peu de confiance qu’elle a à notre R.P. Gibieuf…

(43ss. A faire…suite depuis p.53 :)


(57) lettre 32 [à une Prieure] : …Quant à la maladie de la mère Madeleine a commençé, nous n’y voyons qu’un mal commun, dans son progrès dangereux, et dans son période mortel. En sorte que sans une grâce très extraordinaire, elle n’en pouvait réchapper, et il semble que Dieu ait fait tout cela pour lui demander la liberté de demander sa décharge, qu’elle avait fort en l’esprit depuis un an. Ce fut moi, qui par l’instante et pressante prière qu’elle m’en fit, en portai la parole à la communauté que je trouvai si docile, si dégagée des créatures, et si soumises à la volonté de Dieu,qu’elles accordèrent ma demande tout aussitôt, quoiqu’elles fussent toutes en larmes.


(65) Lettre 37 : …ne sentant rien de Dieu pour assister les âmes… lui demander par ce regard que ce soi lui qui fasse votre charge, puisque vous n’êtes, et ne pouvez rien, et puis faites doucement selon votre conscience …sans faire tant de réflexion sur vos actions pour voir comme vous avez fait, car ce n’est que perte de temps.

(66)…je vous dirai que Dieu vous a menée en un lieu où vous êtes seule … il veut que vous soyez toute pour lui… Car vous êtes si aisée à vous attacher aux objets vers lesquels vous avez quelque correspondance, que ce bon Dieu a été contraint de vous séparer de tous, tout d’un coup : j’en ai de la joie pour l’amitié que je vous porte, voyant que c’est le plus grand bien qui vous pouvait arriver…

(75) Lettre 42 : …comme la mère Marie Magdeleine de Jésus et moi sommes unies …(76) bienheureux sont ceux qui seront fidèles dans le combat ( …) M. le Cardinal de Bérulle nous ayant appris que nous ne devons faire usage de la tendresse de notre nature que vers l’humanité sainte de Jésus-Christ. …


(87) Lettre 48 à la mère Béatrix à Salamanque : (88) …après notre bonne mère Magdeleine, il n’y est jamais entré personne qui y soit si utile…

(le pb des structures c’est l’exemple que l’on est contraint ou tenté de donner, qui vite met la vertu avant la grâce parce que cette dernière ne dépend pas de notre appréciation de nos besoins)


(93) Lettre 2 à une Sous-prieure : …l’abandon que l’âme doit faire continuellement à Dieu de tout ce qu’elle est … nous n’avons pas le droit de lui rien demander, sinon la grâce de le bien servir … nous ne devons faire autre chose que recevoir tout de sa main…


(95) Lettre 1re à une religieuse : …Je rends grâces très humbles avec vous à notre Seigneur, de ce qu’il lui plaît vous donner pour mère au ciel, celle qui l’a été en la terre, elle ne vous y sera pas moins utile qu’elle était ici, et même il se peut dire qu’elle vous la sera davantage parce que sa condition l’enfermait entre quatre murailles dont elle ne pouvait sortir, et ne pouvait humainement savoir le besoin des âmes absentes que par lettres, ce qui était quelquefois un peu long: mais maintenant elle écoute les prières, voit les besoins, et y remédie. Grand nombre de religieuses de cet Ordre l’ont déjà éprouvé en divers endroits, et ce m’est une grande consolation que vous en soyez une … notre R P Gibieuf est parti d’ici pour aller voir plusieurs de nos monastères, dont le vôtre… c’est un saint personnage en qui repose l’esprit de M. le Cardinal (96) de Bérulle…


(148) Lettre 3e à M. le duc de Villeroy son neveu : …En faisant le service du roi, il est bon, Monsieur mon neveu, de conserver la vie des hommes autant qu’il se peut, ils l’ont reçue de Dieu pour chose grande, et il ne faut pas la leur faire prodiguer sans grande nécessité. Je sais bien que peu de généraux d’armée s’y appliquent pour y penser, mais quand vous seriez un peu meilleur que le commun, il n’y aura pas de mal. …


(177) Lettre 3° à Mlle de M. : …Ces personnes-là n’ont d’autre dessein que de vous amuser et gagner du temps, sachant bien que vous ne pouvez, étant privée de toute assistance, persévérer en vos bonnes intentions (de quitter le monde) si vous ne sortez promptement du lieu où vous êtes, et en cela il sont raison. C’est pourquoi, ma très chère fille, il vous faut bien garder de prolonger le temps que vous avez donné quoique l’on vous puisse dire (179) pour vous le persuader. Si la plupart de nous autres religieuses avions écouté quand nous quittâmes le monde, tout ce que nos amis et nos parents nous disaient, et faisaient dire par des personnes de très grande piété et doctrine, pour nous y retenir, et cela sous de beaux et apparents prétextes, il n’y en a guères qui n’y fussent demeurées. Pour moi, j’avais un fils qui n’avait pas encore six ans, qui apparemment pouvait avoir besoin de moi, il y avait bien des choses à dire là-dessus pour m’empêcher de le quitter, et on ne manquait pas de me représenter que lorsque je l’aurais mis dans un état plus assuré, je pourrais après me faire religieuse. Mais Dieu me fit la grâce de me fortifier contre ces tentations, et d’entrer où je suis depuis quarante-cinq ans, malgré toutes leurs raisons, et je vous assure devant Dieu que je ne m’en suis jamais repentie, et que j’aimerais mieux être morte de cent mille morts, que d’y avoir manqué. …


(186) Lettre 6° à la même : Ma fille, il court un bruit chez vous que la personne que vous savez a bien plus d’espérance sur votre sujet que de coutume, que vous lui avez parlé avec bien plus de douceur que par le passé, que vous commencez à changer un peu votre habillement et votre coiffure, et que vous portez maintenant des gants d’Espagne. Mais comme nous connaissons la facilité que le monde a de parler, nous ne prenons pas garde à ces discours … Je vous prie, ma fille, de ne point croire ceux qui vous disent qu’il est nécessaire que vous voyez cette personne pour essayer de le convertir, c’est une tromperie. Jamais Dieu ne vous prendra pour faire cette œuvre-là, il n’y est pas disposé, au contraire votre vue et vos paroles (187) entretiennent sa passion, et ne peuvent faire nul bon effet que de lui donner des espérances très préjudiciables pour vous. Votre âge ne vous permet pas de connaître le monde comme moi, c’est pourquoi je vous supplie de croire en cela mon conseil, et d’être toujours le plus retirée et solitaire que vous pourrez, hormis la visite des Eglises qui ne vous peut être qu’utile, pourvu que vous n’y entreteniez que celui que vous y allez chercher. Je suis bien aise que vousayez un bon confesseur pour votre âme comme vous me mandez, mais je ne sais s’il est vrai ce que l’on m’a dit, qu’il y a un autre religieux qui vous voit tous les jours, et qui est envoyé vers vous sans que vous le sachiez par ceux qui désirent détruire vos bons desseins. Prenez-y bien garde, s’il vous plaît, il est très propre à faire ce métier-là, et très adroit pour le faire, en sorte que vous ne vous en apperceviez pas jusqu’à ce qu’il ait trouvé moyen de faire son coup. Si j’étais à votre place je diminuerais peu à peu ces communications jusques à ce qu’elles soient réduites à une fois le mois. La lecture des deux livres que je vous ai mandé vous sera bien plus utile que son entretien ; vous n’avez besoin que de fidélité à Dieu pour poursuivre ce que vous avez commencé jusques à son accomplissement… (et toute la suite de la lettre mérite reproduction)


Catherine de Jésus (1589-1623).

Saisie par OCR sur réimpr. Eriau

[1628] [Madeleine de Saint-Joseph], La vie de sœur Catherine de Jésus, religieuse de l’Ordre de nostre Dame du Mont-Carmel […] decedée à Paris le dix-neuviesme fevrier 1623, op.cit.

J.-B. Eriau, Une mystique du XVIIe siècle, sœur Catherine de Jésus, Carmélite (1589-1623), Paris, Desclée, 1929, Introduction, I-XVI, réimpression de La Vie… d’après l’édition de 1656, pages 1-204.


06.02 choix de fragments surtout de Catherine de J, sur Eriau, exempl. À Chatou : pages 43 67 68 125 126 127 135 136 152 176 180 193 soit env. 6kcar ou 3 pages à intégrer ds une brève présentation de ce seul ouvrage publié du vivant de Mad.

Les générations suivantes :


D’autres carmélites.

Agnès de Jésus Maria (1611-1691)

Lettres d'Epernon, contient aussi des réponses à la (future) soeur Anne-Marie d'Epernon par

Saisies lettres qui s'avèrent intéressantes en particulier sur la prière ! =Doc13

extraits:

1ere lettre de sr Agnès : (folios non numérotés) ...la prière est celle qui nous unit avec Dieu et dans laquelle nous tirons force pour surmonter (f2r) ce qui oppose à ses divines volontés, on apprend par la prière à connaitre dieu, à communiquer avec lui, à mépriser les choses périssables et estimer les éternelles, enfin il instruit l'ame de se séparer de tout pour le posséder plus parfaitement et il lui fait sentir que toute abondance qui n'est pas dieu meme est l'indigence meme ... donner soigneusement l'aumone aux pauvres

2e lettre (f2v) : ... je vous conjure de continuer Mademoiselle à avoir recours à notre bienheureuse mère Madeleine car je ne doute point que vous n'en receviez beaucoup d'assistances, elle avait une affection qui n'est point imaginable pour vous... (f3r) ...les choses quoique grandes Mademoiselle doivent néanmoins etre considérées petites par la brièveté de leur durée qui passe à véritablement parler comme un songe... je vous assure (f3v) que dieu récompense si abondamment dès cette vie... Melle du Vigean en rend maintenant un témoignage tout nouveau...

4e lettre (f3r) ...la vraie oraison est un entretien de l'ame avec dieu et une parole intérieure par laquelle l'ame se communique à dieu et dieu se communique à elle mais comme c'est chose si grande il ne faut pas penser que nous la puissions acquérir par nous_meme quoique nous devions y employer tous nos soins, mais il la faut demander à dieu avec beaucoup d'humilité et de connaissance que nous ne la méritons pas, l'attendre avec patience et confiance et la recevoir avec action de grace.

Marguerite Acarie

Ms. : La vie… [1689]

La vie de la V.M. Marguerite Acarie, dite du S. Sacrement … Fille de la B. Sœur Marie de l’Incarnation… Ecrite par M.T.D.C. [Tronson de Chenevière], Paris, Chez Louis Sevestre 1689 [cité et largement utilisé par Bremond, Invasion mystique, 344 ; il s’agit de la seconde fille de Madame Acarie] 416p. (Clamart C3 M.AC 1a 1689)


(31) (lettre à Anne de St Barthélemy) : …J’ai seulement les vertus dans l’imagination … ce qui me fait bien connaître le peu de force que j’ai de moi-même, et qu’elle est toute en Dieu seul.

(61) (en réponse à question, témoignage ! )…si elle n’avait point trouvé de différence dans leurs gouvernements : Il est vrai qu’il y en avait en quelque manière. Notre Sœur Marie de l’Incarnation était fort appliquée à faire travailler les âmes à mourir à leurs sens, à l’orgueil et à la nature. A l’égard de notre Mère Magdelaine, sa grâce et son esprit intérieur faisaient entrer dans une grande séparation de soi-même, et dans une mort à toutes les choses de la terre. Pour notre honoré Monsieur de Bérulle, sa conduite était de lier les âmes à Jésus-Christ, à ses états, et à ses mystères. Je trouvais que ces trois sortes de conduites se rencontraient parfaitement bien pour m’aider…

(149) Lettre (choisie comme exemplaire) du 31 oct. 1634 : …Vous ne devez point régler votre salut dans vos impuissances et misères, puisque vous ne le pouvez pas même acquérir par votre puissance … Ne vous arrêtez pas à vous-même, si ce n’est pour vous élever à lui (Jésus-Christ) par vos misères et par vos impuissances ; car de chercher en vous une autre voie, c’est y chercher ce qui n’y est point. C’est pourquoi il faut que vous soyez à Dieu selon ce que vous y pouvez être, pour demeurer en la vue et en l’impuissance de vous-même sans vous y affaiblir, s’il vous ôte votre puissance ; et ce qu’à votre vue vous trouverez nécessaire de faire, portez cela puisqu’il le veut, et perdez votre âme, puisqu’il vous veut dans cet état ; car il veut que votre âme soit à lui sans acceptation et sans appui ni vue d’aucune chose, hors la puissance de son amour et de sa miséricorde pour nous sauver, afin qu’en toutes choses vous lui sacrifiez tout ce que vous êtes. Il veut vous laisser pauvre sans volonté du bien, afin de voir si vous serez fidèle, et si dans cette nudité vous vous tiendrez attachée à lui par cette nudité même, et par la tentation qu’il permet qui vous arrive, vousmettant presque dans la mécréance de votre salut ; l’esprit malin vous faisant sentir et porter tout ce qu’il lui plaît, selon la permission que Dieu lui donne de vous travailler. …

(172) A M. de Gondy : (Dieu) ne vous contraindra point ; mais il vous charmera doucement par les attraits de sa miséricorde, en sorte que votre volonté se soumettra à ses inspirations ; i lappellera Madame votre femme hors de ce monde dans un tel temps et après sa mort il vous fera entrer parmi les Pères de l’Oratoire…

(178) Au P. de Gondy : Le moins que vous pourrez penser aux événements de la terre, c’est le meilleur … La patience et la bonté de Dieu est l’objet de notre méditation dans tout ce qui se passe… (218) Je me trouve acheminée dans une disposition si séparée de la terre et de toute occupation, que j’achève notre charge comme une préparation à une entière solitude de tout ce qui se trouve ici-bas et dans une vue de tendre à Dieu sans divertissement detoute passion et sollicitude.

(230) tout passe, ma fille, la peine, la douleur, l’affliction et le tourment. Dieu seul demeure comme le centre et le premier mobile de toutes choses. Liez-vous à cette vérité, que Dieu est, et qu’il ne vous peut rien arriver de plus souhaitable que ce qui part de son aimable conduite. C’est une béatitude anticipée de prendre les événements de ce biais.

(250) Il n’y a point, selon mon sens d’enfer, que la privation de l’amour de Dieu. Les autres peiens que les damnés endurent, ne sont rien en comparaison ; et s’il y avait une étincelle de l’amour de Dieu dans ce lieu de ténèbres, et que par son ordre j’y fusse envoyée, j’aimerais mieux y être que dans le paradis.

(291) Lors qu’un jour Monsieur de Lorme son médecin lui promit quelque brevage plus propre que les communs à la désaltérer, et à diminuer cette soif excessive qui la tourmentait sans cesse, elle lui dit tout bas : Je suis bien plus altérée de votre salut. Mais si vous ne m’aidez pas à travailler à ce grand ouvrage, vous deviendrez plus malade que moi ; et votre maladie surpassera d’autant plus la mienne que l’âme est plus considérable que le corps. Et comme si elle eut connu toutes les pensées de M. de Lorme, qui a laissé par écrit ces particularités, elle lui dit ensuite tous les remèdes qu’il pouvait apporter aux passions qui le dominaient alors…

(302) Il faut s’abandonner à Dieu, pour être dirigée par sa sagesse, et pour diriger les autres sur les besoins qu’ils vous communiquent ; et si l’on ne parle en humilité, on est en hasard de tomber en de grands aveuglements ; vu que l’intelligence spirituelle n’entre dans l’intelligence de l’homme que par une grâce spéciale, opérant le plus souvent ses plus admirables effets dans l’ignorance même de celui dont Dieu se sert. Ainsi l’âme n’a autre chose à faire qu’à adorer Dieu, qui est la souveraine intelligence, se désapproprier par désaveu de ses propres pensées, et néanmoins s ‘y abandonner avec humilité, lors que par nécessité elle ne se trouve avoir autre chose.

(362) Je netrouve pas seulement en soixante-dix ans une action raisonnable … je n’y vois qu’abominations.

(373) Je ne souhaite que la volonté de Dieu, et c’est ce que je lui dis dès le matin : mon Dieu, voulez-vous que je vive ? je le veux bien. Voulez-vous que je meure ? je le veux bien aussi : un peu plus tôt, un peu plus tard, il n’importe pas beaucoup, pourvu que l’on fasse la volonté de Dieu…


Conduite chrétienne et religieuse selon les sentimens de la V.M. Marguerite du S. Sacrement… avec un abrégé de sa vie (par Jean Marie de Vernon, selon la fiche Clamart), Lyon, chez François Comba, 1687, 434p.

(Clamart C2 M. AC 1687 2)

(tout à fait différent du vol. précédent)

Préface servant d’abrégé de la vie… non numérotée avec une bio et des dates précises !

Table, approbations…

Conduite…1-434. (Conseils généraux… Excellentes règles… Elévations… Maximes ou pratiques de vertus…)

Réécrit, peu inspirant.


Lettres

Saisies par OCR sur éd. Serouet

Marguerite Acarie, Lettres Spirituelles, présentées par Pierre Sérouet, Cerf, Ed. du Carmel, documents, 1993, 232p.

p.63 65 83 90 120 à faire!!!


Cahiers de retraites et de prières.

Ms. : Association au saint Amour…

Contient des passages jugés beaux ou caractéristiques. =Doc14

Ass. au St Amour, Carmel de Clamart, 701 pages manuscrites à l’exception de l’ « Association au saint Amour » proprement dit.

- voir à part les lettres choisies de Milley p.287-400, à comparer à l'édition : forme contractée ou d'origine ?


Table (5.5p suivie d’annotations personnelles 2.5p)

Association au saint Amour (le seul imprimé de ce « livre » relié au Carmel) paginé 3-34 :

« elle tomba sur la vie de la V. Mère Elisabeth de Brême, prieure de Rambervilliers …sentit ses premiers sentiments [d"amour de Dieu ] se renouveler …les communiqua à deux personnes de confiance, qui lui dirent avoir eu aussi de leur côté des touches assez semblables. C"est ainsi que se forma entre elles cette Association. (réf. A Blémur 2e tome premier éloge) …. 2. L"Association que l"on propose ici, n"est point une Association extérieure et visible, mais une Association qui consiste uniquement à s"unir de cœur et d"esprit entre les fidèles qui aiment Dieu, afin, comme on vient de le dire, de donner plus de vivacité et plus d"étendue à son amour, et d"obtenir, par une communication de prières, la grâce de faire chaque jour de novueaux progrès … 3. Il doit y avoir une très particulière participation de biens spirituels entre les associés et un grand soin de prier en tout temps les uns pour les autres. … 5. La sainte amitié n"étant en rien sujette à la mort, parce qu"elle a pour lien la charité, qui, comme parle saint Paul, ne finira jamais, même après la mort ; cette communauté de biens spirituels se continuera entre les associés… 6. Les associés regarderont la Pentecôte comme leur principale fête… (9) (Marie Forneri fondatrice de l"ordre de l"Annonciade céleste morte en 1617, Magdeleine de Pazzi) (11-13) (liste de saints du calendrier dont Néri, Catherine de Gênes) (13) Maximes du pur Amour : Donnez à Dieu sans réserve et il vous donnera sans mesure. (et d"autres un peu ascétisantes) (17) Sentiments… (19) 6. L"amour divin peut être comparé au grain de moutarde. Une étincelle de ce feu sacré dans un cœur disposé …y croît comme à l"infini… (Bonaventure et frère Gilles) (22) Une célèbre pénitente morte Carmélite en 1710… (23) Quatrains : Pour nous rendre savants, l"amour n"a qu"à paraître, / Ses divines leçons ont de quoi nous charmer, / Il ne nous faut point d"autre maître ; / On sait tout quand on sait aimer. Etc. (30) Extr. d"une lettre du R. Père Surin …que l"espace de six mois notre âme se disposât … à recevoir le Fils de Dieu en sa Nativité, et les six autres mois à recevoir le Saint Esprit à la Pentecôte … » (33) (Prière de saint Bonaventure).


35ss. Manière courte et facile pour faire oraison en foi et de simple présence de Dieu par Mgr Bossuet…

( ! recherche le 29.11.00 > Pierre de Clorivière, Prière et Oraison, Christus, 1961 pp.148ss. : le texte n’est pas de Bossuet (note Rayez) en fait il est « d’une main guyonnienne » (selon l’éditeur de Caussade, Traité…, p. 31) et même (selon nous) de Mme Guyon ! )

« I Il faut s’accoutumer à nourrir son âme d’un simple et amoureux regard en Dieu et en NSJC et pour cet effet il faut la séparer doucement du raisonnement, du discours et de la multitude d’affection pour la tenir en simplicité, respect et attention, et l’approcher ainsi de plus en plus de Dieu son unique souverain bien, son premier principe et sa dernière fin.

II La perfection de cette vie consiste en l’union avec Notre souverain bien et tant plus la simplicité est grande l’union est aussi plus parfaite. C’est pourquoi la grâce sollicite intérieurement ceux qui veulent être parfaits à se simplifier (36) pour être enfin rendu capable de la jouissance de l’un nécessaire, c'est-à-dire de l’unité éternelle ; disons donc souvent du fond du cœur…

III La méditation est fort bonne en son temps … mais il ne faut pas s’y arrêter…

VI La continuation de cette attention en foi lui servira pour remercier Dieu des grâces reçues pendant la nuit et en toute sa vie, d’offrande de soi-même et de toutes ses actions, de direction, d’intention et autres. … »

(Etc. intéressante adaptation à la vie conventuelle)


51ss. Sur la garde du cœur

……

75ss. L’oraison de silence « est une simple et respectueuse vue de Dieu, une amoureuse attention à la présence de Dieu et un doux repos de l’âme en Dieu. … cette simple vue de Dieu n’exprime distinctement aucune connaissance particulière, c’est une notion confuse et universelle du souverain être … Ce simple acquiescement… » (belle description des débuts)

(87) (vraie et fausse oraison de silence) (94) (les empêchements) (manque le maître)

(101) Pieux sentiments du R. P. Rigoleuc tirées de sa vie (assez morne ; mais en bas de page 118, autre main :

« Liaison entre notre âme et le S.Esprit : Le S. Esprit est un sacré soupir du cœur de Dieu qui le comble d’une joie infinie en lui-même ; et notre âme est un souffle de la poitrine de Dieu qui lui donne de la complaisance au dehors de lui-même … notre âme est la dernière de toutes les admirables productions au dehors de lui. O mon âme qui a la gloire de porter l’image de Dieu …qui a ce grand honneur d’être un Esprit de son Esprit, d’être sortie comme de sa poitrine, d’être un soupir de son cœur… »

(il y a trois mains pages 118-119)

(119) Des peines surnaturelles…

(120) Boudon – Simon du ?Bouvez capucin (intéressante description par ce dernier) (126) (Surin catéchisme spirituel)

(142) (autre main a) « V. Mère de Chantal remarquait que les perfections de la Très sainte Vierge ne consistaient pas en des actions extraordinaires et éclatantes, on ne voyait dans sa vie rien que de commun de simple, que cette vie était toute intérieure… »

(143) (autre main b) Avis pour les âmes que Dieu conduit par les voies communes de la grâce (montre l’esprit de la communauté )

(150) (main a) sans titre ; « nous dirons que le vrai amour a quatre ou cinq âges… »(une seule page)

(151) (main b) Retraite de dix jours … (160)  « « je me suis assise à l"ombre de mon Bien-aimé… » C’est à l’ombre d’une foi nue que je me reposerai tout le jour ; s’il me vient des lumières je ne fermerai pas les yeux, mais si mon esprit les voit il ne s’y arrêtera pas… (161) les lumières ne sont donc que des moyens que Dieu nous donne pour augmenter les désirs que nous avons de le posséder …fortifier notre foi… (164) le silence n’est point une inaction volontaire et oisive … pour reconnaître mieux l’infinie disproportion qui est entre son Dieu et elle… (165) sans impétuosité, sans bouillonnement ; dans une paix profonde …pour vouloir toujours faire, je ne fais rien ! la nature se fortifie, et je m’oppose à l’action de Dieu même, il est dans la substance de mon âme… »

(171) (nouvelle main pour une nouvelle retraite, assez plate (collée dans pages percées) mais commentaire profond d’une autre main, celle de la p.150 : ) « le fruit de l’oraison la plus sublime et la plus excellente, c’est de sortir de soi-même et de son amour propre pour suivre sa volonté ou plutôt la perdre heureusement en celle de Dieu même. » (Ste Chantal souvent citée).

(Txt collé parfois bon :) (179) « …ne tirez jamais d’autre avantage de la connaissance de la vérité que celui d’en être plus humble »

(180) (main de la p.150 :) Saint Jure, saint Fr de Sales (182) La mère de l’Incarnation

(184) ! M. de Bernières : « il n"y a pas de plus grande tiranie que celle de la grâce dans une personne qu"elle a entreprise de former à la ressemblance de Jésus-Christ »

(187) (tj en ajout même main) « Dieu est un feu consumant et un Esprit Exterminateur qui ne peut faire alliance avec la créature sans la détruire, s’il ne l’élève ?par quelque qualité divine qui la fortifie, ou s’il ne s’abaisse lui-même en modérant l’éclat de sa Majesté et de sa puissance »

(188) (id) « il faut à une âme immortelle un objet qui soit digne d’elle, qui sans fin la puisse assouvir, un Dieu qui la comble de gloire et la fasse incessamment boire au torrent de son doux plaisir. (et en bas de page) Si ma douleur devient extrême / L’amour rend léger mes tourments. »

(172) !M de Bernières cité aussi pages (173) et (174)

(178) préparation à la mort (Txt collé)

(241) (autre main) Alphabet de préparation à la mort plat

(287) Fragments de quelques [nombreuses !] lettres choisies du R. P. Claude François Milley SJ mort en odeur de sainteté en assistant les pestiférés de Marseille l’an 1720…en particulier à des moniales de la Visitation …lettre 43

(!recherche le 29.11.00 =  DS 10 – 1226ss. par Olphe-Galliard ; nombreux recueils de lettres col.1227)


(403) Lettres spirituelles du P. Rigoleuc (proche de ce que l’on connaît : v. notre table comparative)


(479) Méditation de la mort en général L’enfer etc. ( !déviation, témoignage intéressant : influence janséniste ? nous relevons un passage caractéristique :)

(530) « 3e point Un ver immortel : Ce ver n’est autre chose qu’un souvenir fixe et funeste des grâces et des moyens de salut qu’on aura eu durant la vie, et un reproche rongeur de l’abus qu’on en aura fait par sa négligence et par ses crimes, c’est proprement le suplice des chrétiens et des religieux. L’enfer de l’enfer, dit le chrétien intérieur, c’est d’avoir pu si aisément éviter l’enfer et de ne l’avoir pas voulu faire. (531) …de tous côtés sur moi, une pluie de sang, ou des ruisseaux de feu, l’un et l’autre tout ensemble, c’est le sang de Jésus-Christ qui coule de toutes ses plaies transformé en des torrents de flammes et de colère. »

(puis les vertus, l’obéissance etc. plat)


(634) (autre main) « Celui qui aime véritablement n’a point d’autre soin que celui d’aimer qui n’en est pas un. Il se prête à tout et il peut dire qu’il n’a jamais rien à faire, parce que tout lui est égal et que pourvu qu’il aime, il a toujours réussi quoi qu’il arrive. Le moindre souci qui entrerait dans son âme y ferait le même effet qu’une paille dans son œil : il faudrait l’en chasser. Son amour ne pouvant souffrir qu’il soit en peine pour quoi que ce soit, tandis que tout est réglé par la volonté de celui qu’il aime »

(- à reprendre pour mieux comprendre la « vie intime » carmélitaine au XVIIIe s. ; recueil de choix de lettres, de retraites, d’annotations personnelles ; plusieurs mains se succèdent, dont l’une est particulièrement profonde)

Ms. : Autre cahier de prières.

(intérieur) 7A1 ; ms. 649 p. + env. 25 f° non numérotés

Belles élévations et considérations christocentriques

puis (426) lettres (444) retraite de 10 jours (478) …(499) lettre, avis, pratique, (527)copie de lettre de Thérèse de Jésus de Dole + 1657 etc. etc.

signets : ‘…son esprit ne souffrant rien de sombre, ni de mélancolie, parce qu’elle agit par amour …(427) Dès le premier regard elle va au pur amour… Voilà pourquoi l’esprit de l’Ordre est d’une exactitude si sévère et si étendus. Parce qu’il porte le cœur droit au souverain bien et qu’il n’a pour but que de plaire à Dieu , il ne modifie rien, il ne se dispense de rien, il ne peut supporter de mitigation, il n’accorde rien à la nature, il ne capitule point avec l’amour-propre. Charmé de la noblesse de l’amour divin, il ne trouve rien de difficile. L’Amour lui fait goûter des douceurs dans les plus grandes austérités. (…) Permettez-moi de vous dire à vous et à toutes vos chères sœurs qu’il faut que la grâce maintienne en vous trois dispositions. Premièrement l’amour de la retraite afin que vous puissiez être admise dans le cabinet de Jésus, et y entendre les secrètes paroles qu’il dit aux (433) vrais solitaires. Secondement la perpétuelle ferveur de l’amour, qui ne se contente de rien de médiocre, s’efforçant par une vigilance fidelle de tendre toujours au plus grand bien de la grâce, troisièmeement une affectation particulière pour la vie pénitente de sorte que vous y trouviez non seulement la vigueur de votre esprit mais encore vos délices.’ (lettre à une carmélite, annoncée p.425 ; lettre suivante :) (434) …Thérèse est un feu qui ne s’éteint jamais, c’est une fournaise ardente où l’amour divin fabrique tout ce qui est à son usage… elle devient une excellente Maîtresse. L’école de la théologie mystique est (435) chez elle. … (436) l’éloignement non seulement du monde mais de tout amour propre. Leur caractère est dans exterminer jusqu’à la racine et jusqu’aux moindres fibres, de tendre toujours au pur amour, et faire uen continuelle étude du recueillement intérieur. … (437) elle veut que dès votre noviciat que vous soyez dans une disposition qui semble devoir être le travail de plusieurs années… (439) Voilà ce me semble, ma chère sœur, ce que votre sainte mère attand de vous etc. (fin de correspondance)

(f° non numérotés : ) La ?Synthèse de l’esprit du Carmel : L’Ordre de N.D. du mont Carmel est par choix divin un ordre d’âmes choisies liées au Verbe incarné. Leur vocation est de perpétuer sur la terre sa Vie cachée en qulité de victime, d’aodoration, de ?, de médiateur etc. … Une véritable et parfaite carmélite est et doit être une âme intérieure et d’oraison continuelle fondée et exercée sur une profonde humilité, un détachement universel, une mortification générale et constante, une obéissance parfaite. L’on peut appeler ces quatre vertus les Elémens de la Vie Intérieure. C’est une âme morte et ensevelie au monde… C’est un cœur à Dieu sans partage, un esprit uni à Jésus-Christ sans division. C’est une épouse du verbe incarné substituée à sa place… C’est un cœur mâle et généreux … une médiatrice de la conversion … pour donner soutien et secours aux âmes.

(dans tout ceci et d’autres txts lus ce jour, grande intériorité mais risque d’une part de confir en dévotion, d’autre part d’orgueil caché sous la perfection que l’on se fixe - certes droitement et directement - pour but, enfin problèmes posés par l’efforcement dès que le rôle premier de la grâce est oublié (ce qui n’est pas le cas de passages transcrits) : alors la notion de mérite surnage. S’en tenir fermement à : Il n’y a pas de mérite, tout est donné, nous ne pouvons rien et nous ne sommes rien ! ceci à la pointe de l’âme car le fonctionnement en charité est permis et même recommandé mais de manière spontanée (car donné).)

Ms. : Un cahier de principes et de règles.

Exposition simple et abrégée des principes et des règles principales de la vie intérieure

(contenu dans l’Abrégé des Anonymes 7A1, numéroté de 1 à 279, puis 9 feuillets sans n°s dont des extraits de M de Bernières)

Beaux textes

(4)…s’appliquer constamment à ne suivre que les mouvements de la grâce et que c’est dans cette application proprement que consiste la vie intérieure.

(6) Dieu …se doit à lui-même tout ce qu’il a fait, et en cela il ne peut jamais rien relâcher de ses droits. La créature intelligente et libre n’est pas moins à lui que la créature sans (7) intelligence et sans liberté. … Il est vrai qu’il veut notre bonheur, mais notre bonheur n’est ni la fin principale de son ouvrage, ni une fin égale à celle de sa gloire … il est lui-même sa fin unique et essentielle en toutes choses

(8) c’est vous qui bien loin de recevoir donnez à tout ce qui n’est pas vous-même

Mais pourquoi fîtes-vous toutes ces choses? Elles furent toutes (10)faites pour l’homme,et l’homme fut fait pour vous, voilà l’ordre que vous établîtes : malheur à l’âme qui le renverse et qui veut que tout soit pour elle et qui se renferme en soi! C’est là violer la loi fondamentale de la création.

(11) O néant tu veux te glorifier, tu n’es qu’à condition de n’être jamais rien à tes propres yeux. Tu n’es que pour celui qui te fait être. Il se doit tout à lui-même, tu te dois tout à lui.

(13) C’est sa volonté règle de tout bien qui doit vouloir en nous.

(15) Le dévouement parfait d’où le terme de dévotion a été formé, n’exige pas seulement que nous fassions la volonté de Dieu, mais que nous la fassions avec amour. Dieu aime qu’on lui donne avec joie et dans tout ce qu’il nous prescrit c’est toujours le cœur qu’il demande.

(21 Bourdaloue cité)

Tout fidèle … doit s’appliquer (26) constamment à ne suivre que les mouvements de la grâce, et c’est dans cette application que consiste proprement la vie intérieure.

L’unique affaire … (31) c’est de s’appliquer à ne suivre que les mouvements de Sa grâce. Or telle est la conduite d’une âme véritablement intérieure.

(34) (tout) pour le motif de l’amour surnaturel et souverain

(36) Elle reconnaît même dans ces actions …une bonté morale et de l’Ordre naturel. … (37) L’on ne peut pas s’élever à un ordre surnaturel par les seules forces de la nature : elle sait par conséquent que quelque louable que soit le motif d’un acte quelconque et quand bien même elle croirait s’y déterminer par quelqu’un des motifs que la foi lui découvre, un tel acte n’est pas néanmoins surnaturel si elle s’y porte d’elle-même et par le seul mouvement de sa volonté. (39)…des œuvres toutes naturelles parce que la grâce n’en est pas le principe.

(40) …s’interdire tout acte libre et volontaire auquel elle ne serait excitée que par le mouvement de sa propre volonté, elle s’appplique en un mot à ne suivre que les mouvements de la grâce

(54) demandez et on vous donne

(70) Jamais occupée sans de bonnes raisons ni du temps qui s’est déjà écoulé ni de celui qui est encore à venir, elle s’applique uniquement (71) à être fidèle à Dieu dans chaque moment… Dieu ne lui accorde le secours de sa grâce que pour lui faire accomplir sa (72) sainte volonté, ne lui accorde ce secours que pour le momentou elle peut l’accomplir en coopérant à cette grâce, or le moment présent est le seul où elle puisse y coopérer … ne se permettre aucun retour inutile … de même que toute préoyance inutile

(76) vigilance simple et tranquille … aussi éloignée du trouble perpétuel et de l’inquiétude désolante du scrupule que de la fausse paix

(passages psy très fins sautés)

(83) intimement persuadée suivant l’expression de Mr de Fénelon que tout le bien ainsi que tout le mal est dans la volonté

(86) (ne pas juger par les goûts sensibles ou les sentimens des passions) il ne s’agit pas de ce que l’âme sent mais de ce qu’elle veut.

(87… grande finesse)

(95) L’oubli est le martyre de l’amour-propre suivant la remarque de Mr de Fénelon

(105) qu’avez-vous que vous n’ayez point reçu (et finesse de l’analyse)

(134) admirable simplicité …sans affecter l’air de modestie …de ces personnes qui ne veulent pas montrer ce qu’elles ont de bon, mais qui sont bien aises que les autres le leur découvrent pour avoir l’honneur tout ensemble et de leur vertu et du soin de leur cacher.

(139) Simple enfin dans toute sa conduite,elle n’a qu’une affaire, c’est de se tenir étroitement unie à Dieu …moyen le plus sûr d’attirer le secours surnaturel dont elle a besoin sans cesse

(141) craint toute voie extraordinaire

(nombreuses réf à Teresa d’où attribution à une carmélite par ex 144)

(147 réf Fénelon 155)

(156) le dépit de l’orgueil pour un sentiment de pénitence …comme si l’œuvre de Dieu se pouvait accomplir par notre chagrin! Comme si on pouvait s’unir au Dieu de paix en perdant la paix intérieure.

(157) Soyez seulement fidèle à vous tourner simplement vers Dieu seul

(et beau passage et indique écrit pour une sœur)

vous aurez beau chicaner avec (158) vous-même, ce n’est point avec vous-même que vousdevez prendre vos mesures …qui vous tendra la main …sera ce vous? Hé…

(160) le grand archevêque de Cambrai

(162) Mr de Fénelon

(167) J’ai fais attention mon bon duc, écrivait Mr de Fénelon à un de ses amis… à votre difficulté pour discerner les mouvements de la grâce…(170) Il ne faut pas s’étonner suivant la pensée du même auteur… (171) Mr de Fénelon

(grande finesse d’analyse du scrupule appliqué à la recherche de confirmation de la grâce)

(178) Marchez à la lumière pendant qu’elle luit au lieu d’en examiner la source et les causes. La pratique du vrai amour dissipe tous doutes et dégoûte de tous les raisonnemens spéculatifs. Il faut suivre ce que Dieu met au cœur dit ailleurs Mr de Fénelon (et analyse très fine du risque de fanatisme)

(180) Ce mouvement porte avec soi une certaine conscience très simple très directe, très rapide qui suffit pour agir avec droiture

(181) Marchez comme Abraham sans savoir où; suivez le mouvement de la grâce : mais n’en cherchez point la certitude par raisonnement. Si vous la cherchez avant que d’agir vous vous rendrez juge de votre grâce (182) au lieu de lui être docile et de vous livrer à elle comme les apôtres le faisaient. Ils étaient livrés à la grâce de Dieu dit St Luc dans les Actes (et ce qui suit; accent guyonnien!)

(rédaction en 3 Propositions + 40 articles titrés + conclusion 222)

(223) (se conformer à Jésus-Christ )

(226-234) table détaillée des propositions et articles

(235-266) récapitulation des principes de la vie intérieure

Ms. : « Traité pour conduire les âmes ».

Dans petit volume relié noir intitulé ‘7A1 abrégé’, contenant : ‘Maximes spirituelles de Mr Zamet…’ 3 pages non numérotées, page de garde avec citation ‘En matière de spiritualité il est bien malaisé de s’exprimer d’une manière claire et intelligible et encore plus difficile de le faire avec brièveté Ste Thérèse, lettre 13e tome Ier.’,

Exposition simple… numéroté de 1 à 279, puis

Différents passages de l’Ecriture Sainte et de pieux auteurs’ 267-279 suivi de

9 feuillets sans n°s dont des extraits de M de Bernières, 1 feuillet blanc,

Traité pour conduire des âmes à l’étroite union d’amour avec Dieu pour les y maintenir et faire profiter’/ Recueilly de la doctrine des Sts en faveur de la vraie dévotion… dernière éd. revue corrigé et augmenté, A Paris chez la veuve Denis Thierry rue St Jacques …1669, 1-155 puis 1 feuillet approbation par Alain, évêque de Cahors puis 2 f. table. [Tout le ms. est de la même main ; la seconde partie est une copie d’un livre anonyme ; il en est peut-être de même pour la première partie].

Intéressant !

(77) Seconde partie : Adresse pour se maintenir et pour profiter en la possession de l’union divine.

Quand une âme est parvenue à l’état d’union avec Dieu qu’on appelle déiformité, ou le parfait anéantissement spirituel où la mort à tout nous conduit, elle n’a pas tant besoin de préceptes et d’enseignements particuliers pour se maintenir et perfectionner en ce sublime état comme elle en a besoin pour s’y conduire. L’esprit de Dieu est en elle et la possède et a assez de soin de l’instruire. (78) Il la traite comme son épouse et lui sert de soleil en beaucoup d’occasions, obscurcissant la lumière naturelle dont elle jouissait auparavant comme à la venue du soleil la lumière des astres s’obscurcit pour notre regard. Dieu lui est tout et c’est une chose pour ainsi dire naturelle d’être en Dieu, traiter de Dieu, parler de Dieu, vivre en Dieu, et pour Dieu comme à l’homme de respirer l’air ; et au poisson d’être dans l’eau. Agir pour Dieu est son exercice ordinaire, son manger, son boire et toute sa vie et pour ce qu’elle est comme transformé en Dieu, elle ne pense plus d’ordinaire, ni ne veut plus, ni n’opère plus comme auparavant par conduite et détermination de son esprit naturel, mais par l’Esprit de Dieu, et (79) par le pur amour qui vit en elle son esprit propre étant comme interdit de ses fonctions et de sa charge ordinaire, suspendu en son office et rendu sujet à un Esprit supérieur qui semble être venu gouverner en sa place, s’être coulé en tout l’homme, avoir tout pénétré, pris la conduite de tout en cette âme. Néanmoins comme elle n’est pas ici impeccable ni exempte de toute imperfection et qu’elle peut coopérer aux grâces de Dieu plus ou moins et se perfectionner en son état, aussi la peut-on aider beaucoup par des avis et enseignements convenables, et la volonté de Dieu est qu’elle s’y soumette humblement comme nous dirons à la fin de ce traité. L’humilité et la docilité sont les vraies marques (80) des Enfants de Dieu.

Chap. 2e . Elle doit vivre selon l’esprit et selon la grâce que Dieu lui a communiqué en cet état.

(83)…aussi ne vit-elle plus qu’en Dieu qu’elle regarde seul droitement, qu’elle contemple amoureusement, qu’elle aime fortement, qu’elle honore singulièrement et qu’elle sert tout seul uniquement. Dieu lui a ôté ses yeux de chair, ses vues et ses lumières pour lui en donner d’autres, pour être lui-même son œil et sa vue et sa lumière, c’est pourquoi elle ne considère plus les créatures si elle est fidèle à Dieu qu’avec lui-même, cad comme Dieu les considère, approuvant ce qu’il approuve…

(84) Chap. 3e. Elle ne se doit pas divertir de Dieu…

En cet état excellent l’âme ne se doit pas divertir de Dieu tout à fait ni quitter la manière d’agir avec lui surnaturelle qui lui a été comuniquées. Elle converse avec Dieu non comme elle sait ou peut d’elle-même mais comme notre Seigneur veut et le lui donne par une vue de Dieu confuse et générale, accompagné d’amour. Elle ne s’abaisse ni ne s’élève presque plus par actes exprès si particuliers (85) et si distingués, elle ne s’offre à Dieu ni ne lui demande rien si elle ne s’y trouve obligée et si Dieu ne l’y pousse… (86) …c’est une erreur de penser que l’âme soit alors en oisiveté comme si c’était un tronc ou un marbre, elle agit autant en vérité qu’elle voit et aime et goûte ce que Dieu lui fait goûter voir et aimer de sa grandeur, bonté (87)…

…………(intéressant !)

(réf à S. Grégoire sur Job, solitude sainte = religieux ?)

(133) Chap.14e. Elle doit être parfaitement simple aux yeux de Dieu.

En cet état toutes choses sont indifférentes à l’âme excepté Dieu et sa pure volonté, c’est pourquoi elle accepte tout ce qui se présente de moment en moment, mais avec un contentement doux et paisible qui ne ?dépend pas plus de l’adversité que de la prospérité, qui prend tout comme venant de la main de Dieu (134)…

(155) Conclusion

C’est tout ce que j’avais à dire … la fin et le terme de la perfection chrétienne, la communication divine qui porte le terme d’unité et de consommation en un comme Jésus-Christ même l’appelle, bref la vie parfaite où nous aspirons dans la voie … nos esprits un avec lui en sortent qu’ils se noient dans la mer immense de sa divinité et (156) s’y perdent heureusement pour jamais …

Approbation de Mgr l’Evêque Cahors.

je supprime le nom de l’auteur qui m’est très bien connu … en l’abbaye de la Chancelade / Alain, évêque de Cahors.

Ms. : Manuel de carmélite 7A1

Table :

Ouvrage de très petit format contient relié peau recouvert cuir fermoir :

Règle et constitutions …sainte Thérèse, Lyon, J Gaudion, 1626 : prologue, règle (1-210), table

Advis de sainte Thérèse de Jésus à ses religieuses 1-19

Advis que notre mère sainte Thérèse a donné après sa mort à quelques personnes de son ordre 8 pages

« Pendant que la joie en Dieu durera , le vrai esprit persévérera dans l"âme… »

Advis spirituels du B Père Jean de la Croix 3-41

(ascétique en 58 points)

Cantique d’amour … Thérèse 42-48

(« …que je meure de ne mourir pas »)

Points notables pour un religieux désireux d’acquérir une profonde humilité, Paris, Huré, 1656 1-96

Conduite pour la retraite du mois, Paris, Pierre de Bats, 1675 1-172

(examens…)

Traité… Martial d’Estampes

Suivi de

Homélie de la Magdelaine faite par Origène 264-320

Formulaire de prières 600-639

Oraison à la sainte Vierge 12-16

Litanies 25-42, une centaine de pages diverses

= un « manuel » de carmélite


Ms. : Retraite J M de la Miséricorde 

ms. 18° voire 19° s.

+ en 1735

(2) Explication des cérémonies

(61-389) retraite annuelle (dont lettre de Chardon) de 10 jours : bien écrit, explications sur ces retraites érémitiques personnelles (65) assez religieux « une parfaite carmélite… » …(283) il y a un certain carcan des thèmes etc. qui empêche l’expression de la vie profonde, et une certaine crainte « que rendrai-je au Seigneur… », beaucoup de « réflexions pour servir… » (je comprends ce que l’on peut traduire par « confit en dévotion » sans négativité : une bonté confite)

et tout est très subtilement faussé par le devoir, cependant parfois onction : ‘cette pauvreté que nous demandons et dont nous faisons profession, nous engage à la perfection de ce conseil évangélique, elle consiste en trois choses qu’une carmélite doit demander à Dieu et pratiquer sans relâche : 1° Un détachement universel de toutes choses petites et grandes, intérieures et extérieures ; ayant tout quitté pour Dieu il serait honteux de s’attacher à des bagatelles comme livres, images, cellules etc. ou autres choses dont la possession occupe quelquefois autant que quelque chose de grand. Pour l’intérieur, une dévotion, un secours, un moyen de perfection etc. tout cela est saint dans l’usage pauvre mais non l’attache, qui pourrait s’y trouver et le corrompre comme lien du cœur. Ce n’est pas assez d’être détachées du cœur et sans désir de superflu et d’abondance, il faut être pauvre dans l’usage du nécessaire, un pauvre se contente de peu, de (168) choses simples, il estime richesse et abondance ce qui serait misère et disette pour un riche, il reçoit comme grâce les moindres services qu’on lui rend … voilà notre modèle, ce qui est à notre usage n’est que prêté et une chose d’emprunt se conserve avec soin telle qu’elle est, sans l’accomoder à notre goût comme étant à soi…’


Ms. : ‘Catéchèse’ (table)

Ouvrage ‘catéchèse’ de très petit format contient relié peau (non recouvert cuir) mais fermoir:

(/ / donc au précédent recouvert de peau) imprimés

Catéchèse de la manière de vie parfaite…(3-140 & 1-92 pour la seconde partie)

Exercices sur la vie et passion de Jésus-Christ (au crayon ‘Taulère’) (1-317) ‘Confession très humble et imploration de la bonté divine Ch.I – Dévote méditation et action de grâces de l’Incarnation et vie de Jésus Ch.2 (6) … Marie mère très ennuyée suit son fils très dolent Ch.30 (175) …– Oraison très dévote pour se conformer à la vie très sacrée, et à l’image crudifiée de Jésus-Christ Ch.55 (311)

(en très petits caractères :) Prières chrétiennes (17-28), règles de la vie chrétienne (246-266), Des contemplations d’Idiote, de l’amour divin (119-140) ‘…ta bonté redonde tellement que tu viens au devant, tu nous aimes et ta grande dilections’étend même sur tes ennemis ; tu ne te refuses à aucun, tu ne méprises aucun … tu nous forces quelquefois à revenir..’ (mais le reste est moins bon).

III. Annexes


Historique éclair.

à partir de l’exposé de sœur Thérèse :

1604-2004

4ème centenaire de la fondation du carmel en France

Rencontre de deux désirs.


Désir venant de France


Après les grandes difficultés religieuses, politiques et sociales des guerres de religion, arrive le temps où le royaume retrouve sa stabilité politique avec Henri IV, sacré à Chartres le 27 février 1594.

Le catholicisme bousculé par la réforme protestante a besoin d’une restauration. C’est une époque de discussions théologiques, mais aussi d’enseignement. On peut citer, parmi d’autres, l’évêque de Genève, François de Sales ( 1567-1622), qui dans son diocèse, passé en masse au calvinisme, emploie tout son dynamisme et ses dons à expliquer à chacun la doctrine catholique tout en proposant aux fidèles en quête de vie intérieure un chemin simple et pratique pour vivre sous le regard de Dieu (Introduction à la vie dévote paru en 1608).

En même temps des groupes de catholiques fervents (les dévots) se réunissent et cherchent une voie: leurs efforts tendent à promouvoir une renaissance religieuse tant pour l’Eglise que pour les monastères ou abbayes dont beaucoup sont ruinés ou relâchés. A Paris on se réunit autour de madame Acarie (1566-1618), mère de six enfants aussi connue pour sa beauté et sa sagesse que pour les extases dont elle est favorisée. Chez elle se rencontrent des laïcs, des prêtres, des religieux.

Un hôte assidu, Jean de Brétigny ( 1556-1634) , avait lors de ses voyages en Espagne, rencontré assez fortuitement une des compagnes préférées de la grande sainte espagnole Thérèse de Jésus, Marie de saint Joseph, et vu aussitôt quel service rendrait à la France cette nouvelle manière de vivre la vie religieuse en perfection avec un tel zèle pour la gloire de Dieu et le salut du prochain. Puisque toutes les tentatives qu’il avait faites depuis 1586 pour introduire le Carmel en France avaient échouées, il s’était résolu a faire connaître Thérèse en traduisant ses écrits. En1601, on lit donc à l’hôtel Acarie les œuvres de sainte Thérèse. Après mûre réflexion madame Acarie, l’abbé Pierre de Bérulle (1575-1629) et les docteurs en théologie Jacques Gallemant et André Duval, appuyés par François de Sales, décidèrent alors de faire venir d’Espagne des proches compagnes de la sainte Fondatrice pour établir le Carmel en France et, par leur exemple, aider à la réforme des Ordres religieux et au renouveau de l’Eglise.


Désir venant d’Espagne


La Mère Thérèse de Jésus dès 1562 priait pour la France et encourageait ses sœurs à le faire.. Elle meurt en 1582. Son zèle missionnaire se transmet. Dès que le désir de Jean de Brétigny de faire venir en France des carmélites est connu, un certain nombre se préparent à répondre à l’appel : elles apprennent le français, s’informent. Certaines demandent explicitement à partir comme la Mère Anne de Jésus, d’autre, telle la sœur Anne de Saint Barthélemy a la certitude intérieure que cela se fera et qu’elle-même ira fonder. Ni le manque de santé pour certaines, ni les difficultés du voyage, ni le fait de quitter leur pays et ses coutumes pour d’autres très différents, ni la perspective du martyre en pays hérétique – ainsi était vue la France de l’Espagne - ne font obstacle à ce qu’elles considèrent comme l’œuvre de Dieu.


Les préparatifs


En Espagne :

Madame Acarie écrivait à l’abbé de Bérulle le 18 mars 1604 : « Plus je vais en avant, plus je pense combien il est important que Dieu nous donne des âmes propres pour la conduite de cet édifice ; nous l’attendons du choix qu’il vous fera la grâce de faire... Au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ faites choix d’esprits où reluise particulièrement la vertu de charité qui n’est jamais sans la vraie lumière des cœurs pleins d’amour, des âmes grandement compatissantes aux besoins de leur prochain »

Le choix de porta sur :

- Mère Anne de Jésus (1545-1621) une des plus proches de la Mère Thérèse. De son vivant elle avait été plusieurs fois prieure et avait fondé Grenade. En 1586 elle fonda Madrid. Au milieu des difficultés qui s’étaient élevées dans l’Ordre, elle se montra un chef d’où l’appellation « Capitaine des prieures ».

- Sœur Anne de saint Barthélemy (1546-1626) infirmière et secrétaire de la fondatrice. Elle l’avait accompagnée dans ses fondations les dernières années de sa vie et c’est entre ses bras qu’elle mourut.

- Les sœurs Isabelle des Anges (1565-1644), Béatrice de la Conception (1569-1646), Isabelle de saint Paul ( 1560-1641) et Eléonore de saint Bernard ( 1579-1639) n’avaient pas connu la sainte Mère mais formées à son école, elles portent en elles tous les désirs et les qualités nécessaires à cette fondation qui doit devenir source d’autres fondations.


Le 24 août 1604, 42ème anniversaire de la fondation du carmel Saint Joseph à Avila, elles s’y rassemblent. Elles en partiront quelques jours plus tard avec la ferme détermination d’implanter le Carmel en France. Elles sont accompagnées de Pierre de Bérulle, Jean de Brétigny et de trois dames françaises venues les chercher.


En France :

Madame Acarie avait regroupé autour d’elle des jeunes femmes portant en elle le désir exigeant d’une vie toute consacrée à Dieu. Ce groupe s’appelait «  la congrégation sainte Geneviève ». Les œuvres de Thérèse leur étaient lues, la vie des carmélites leur était expliquée ainsi que les vertus religieuses telles la pauvreté et l’obéissance, on apprenait à réciter l’office. Parmi elles, madame Acarie choisit celles dont les qualités spirituelles et humaines permettaient de penser qu’elles seraient des pierres de fondation capables de recevoir le charisme, de l’intégrer et de le transmettre.


Le 18 octobre 1604


En ce jour les six carmélites espagnoles fondent à Paris, le carmel de l’Incarnation, dans l’ancien prieuré de Notre-Dame des Champs, au faubourg saint Jacques.

La rencontre des fondatrices espagnoles et des aspirantes françaises se révèlera un terreau magnifique qui portera de nombreux fruits. La mère Anne de Jésus écrit : «  Les gens sont surpris de voir une si grande amitié et un si bon accord entre nous et leurs françaises ... Dieu nous fait la grâce que, sans connaître leur langue, nous nous comprenons et vivons bien en paix suivant en tout ponctuellement les exercices de notre communauté. » (lettre de mars 1605)

Elle leur transmet l’expérience de Thérèse en essayant « de leur faire regarder et imiter Notre Seigneur Jésus-Christ car ici on se souvient peu de lui : tout consiste en une simple vue de Dieu, je ne sais comment ils peuvent faire cela tout le temps. » (idem) et leur montrera comment vivre en petite communauté (21 sœurs maximum) dans le silence et la solitude, dans un climat de connaissance mutuelle, de charité fraternelle, de joie qui s’extériorise très spécialement lors des « récréations » (2h. par jour) qui équilibrent une vie nécessairement très simple puisque les sœurs vivent du travail de leurs mains.

Dès mars 1605, 17 novices ont été admises et un carmel a été fondé à Pontoise en janvier. En septembre un autre l’est à Dijon et en mai 1606 un autre à Amiens.

Dès janvier 1607, soit à peine 2 ans et trois mois après la fondation de Paris, la mère Anne de Jésus et trois de ses compagnes partent fonder en Belgique. Elles seront suivies par la mère Anne de saint Barthélemy en 1611 . Une seule fondatrice espagnole restera en France mère Isabelle des Anges. Mais le grain est semé et les françaises assurent la relève.

*Parmi elles Madeleine de saint Joseph ( Madeleine de Fontaines–Marans 1578-1637) douée de rares qualités d’intelligence et de jugement tient une place particulière. Elue prieure du carmel de l’Incarnation à Paris, en 1608 à 30 ans, elle appuya de tous ses dons la rapide extension du Carmel en France. A sa mort en 1637, il y avait 52 carmels et en 1668, ils étaient 63. Elle-même fonda Lyon et le second carmel de Paris (carmel de la Mère de Dieu) mais surtout elle possédait à un degré éminent le don d’éclairer et de diriger les âmes de sorte que non seulement ses sœurs bénéficiaient de sa direction mais que de province les évêques envoyaient celles qui se destinaient au Carmel afin que, formées par la mère Madeleine, elles puissent à leur retour assurer la transmission de l’expérience de Thérèse. Des sœurs de Paris étaient aussi envoyées dans les carmels à leur début. Cela créait tout un réseau qui donna aux jeunes carmels français un riche fond commun. L’avenir et les accidents de l’histoire montreront la solidité de l’édifice.


La postérité


En 1789 les carmels français sont au nombre de 74 en incluant ceux fondés par des carmels italien ou belges. Tous sont fermés et les sœurs expulsées de leurs monastères. En 1794, les 16 carmélites de Compiègne montent ensemble à l’échafaud dans la sérénité montrant à tous la profondeur de leur attachement au Christ et à leur communauté.

Dès 1795 les premières communautés se reconstituent et l’histoire de leur renaissance au milieu d’énormes difficultés est une page de foi et de courage. En 1850 ils sont 72 et en 1901 au moment des expulsions. 132.

C’est au carmel de Lisieux que vivra de 1888 à 1897, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et en celui de Dijon de 1900 à 1906, la bienheureuse Elisabeth de la Trinité dont les messages ont parcouru le monde entier.

Aujourd’hui l’appel existe toujours mais les entrées sont moins nombreuses tant pour des causes démographiques que culturelles. Des regroupements sont devenus nécessaires et il y a en France 97 carmels.

On peut aussi mentionner la grande extension missionnaire des carmels issus de France au 17ème siècle, au 18ème et au 19ème siècles aussi bien en Europe que sur les autres continents, ces nouvelles fondations assurant elles-mêmes de nouvelles fondations.


Tableaux.


Les deux tableaux récapitulent les figures des carmels féminin et masculin, espagnols et français.

Le tableau I : Carmel et milieux associés rassemble les nombreuses figures rencontrées jusqu’ici et à venir, en les regroupant en trois colonnes, les deux premières relatives à la réforme espagnole, la dernière relative à la réforme française dite de Touraine. On y ajoute les influences au-delà du carmel sur les visitandines, les bénédictines du Saint Sacrement, des cercles mystiques quiétistes. On le fait suivre d’annotations faisant ressortir les influences (« > ») et les liens (« ^ »), signalant des noms de figures intéressantes omis dans le tableau, enfin donnant quelques indications quantitatives sur la durée des supériorats exercés dans le couvent fondateur parisien : en dehors de Madeleine et de Marie de Jésus (de Bréauté), du même âge, deux figures se détachent, que nous avons donc étudiées : Marie-Madeleine de Jésus de Bains (1598-1679) et Agnès de Jésus Maria de Bellefonds (1611-1691).

Compléments au tableau I :

Références à des influences ou à des liens :

P. d’Alcantara > Teresa : DS 12.1492b 

Marie-Madeleine de J. < Madeleine de Saint-Joseph (v. La Vén. Madeleine…, 231, 505) 

Marie de Jésus (de Bréauté)  ^ Marie-Madeleine de Jésus (v. La Vén. Madeleine…, app. II)

Anne de J > M de Chantal  (au parloir de Dijon)

Isabelle des Anges > Surin (v. Surin, Poésies…, Catta, Vrin, 1957, 8)

D’autres sœurs dignes d’intérêt ne figurent pas dans ce tableau :

Marguerite Acarie

Anne Marie de J d’Epernon (petite fille d’Henri IV)

Marie de la Trinité d’Hannivel (est l’amie de Mme de Chantal,

v. Eriau, L’ancien carmel…, 442 ; pour sa bio. v. Gosselin, Carmel de Beaune… )

Durées de supériorats dans le couvent fondateur parisien :

Anne de Jésus et Anne de Saint-Barthélémy 4 ans

Madeleine de Saint-Joseph 7+11=18ans

Marie de J de Bréauté 9 ans

Marie-Madeleine de J de Bains 7+4+6+3=20 ans

Agnès de J Maria de Bellefonds 7+6+6=19 ans

Marie du Saint Sacrement de la Thuillerie 6+5=11ans

Autres entre 1604 et 1705 : 16 ans soit seulement 15% de la durée totale


Le Tableau II : Fondatrices du Carmel français présente la population nombreuse des premières fondatrices de couvents en France et date quelques-unes de leurs fondations.

Notes du tableau II :

1 1ers vœux de France 1.11.1605 ; Pontoise

2 vœux 12.11.1605

3 9.09.1605, arrive de Pontoise en 10.1605

4 vœux 24.12.1605

5 arrive d’Amiens fin 1616, + 18.04.1618

6 de Pontoise à Dijon 08.1605

7 après avoir été parmi les 4 premières novices à la fondation de Pontoise

8 01 et 02 puis 08.1605 ; première professe de Pontoise ; sera MN à Dijon

9 Protestante dans sa jeunesse

10 à l’initiative de Mme Acarie

11 à l’initiative de la Mère Anne de Jésus

12 apprend l’espagnol, familière d’Anne de J avec Marie de la T

13 Isabelle des Anges part de Paris le 10.05.1606 avec Marie de la Trinité (Sevin) ; elles iront à Rouen

en 1609 ; Is. fondera Amiens, Bordeaux en 1610, Toulouse, Limoges en 1618 où elle meurt le 14.10.1644.

14 18.05.1608 ; Claire (de Pontoise) SP ; Marguerite de la Trinité

















Imprimé en novembre 2016 sous lulu.com le fichier “Quiroga_Historia & notices_révisé_accentué” 6

Révisé et réimprimé en mars 2017 sous sa forme “…antidotée”: corrigé manuellement imparfaitement pour l’espagnol, par adjonction d’une page source manquante, par table des matières déplacée en fin d’ouvrage, par corrections manuelles diverses.

TABLE REDUITE


Table des matières

Jose de Jesus Maria [Quiroga] 5

1562-1628 5

I. 5

Historia de la Vida y Virtudes del Venerable P. F. Juan de la Cruz 5

& Études 5

Dossier assemblé par Dominique Tronc 5

Introduction 7

Première partie : La Vie du Bienheureux Père Iean de la Croix 12

Deuxième partie : Historia de la Vida y Virtudes del Venerable P. F. Juan de la Cruz 47

Troisième partie : Notices et Études 119

Jose de Jesus Maria [Quiroga] 164

1562-1628 164

Subida del alma a Dios que aspira a la divina Union (1656) 164

Segunda parte: De la entrada del alma al Parayso Espiritual (1659) 164

Don que tuvo sans Juan de la Cruz 164

Repuestas 164

Apología mística en defensa de la Contemplación divina 164

Subida del alma a Dios que aspira a la divina Union (1656) 165

Segunda parte de la Subida del alma a Dios : De la entrada del alma al Parayso Espiritual (1659) 202

Don que tuvo san Juan de la Cruz para guiar las almas a Dios 300

Respuesta a una duda de la doctrina 344

Apología mística en defensa de la Contemplación divina 349

L’ORAISON 417

PRÉFACE par la Mère Marie du Saint-Sacrement. 419

DONNEES BIOGRAPHIQUES SUR LE P. DE QUIROGA 425

L’ORAISON SELON SAINT JEAN DE LA CROIX, SAINT THOMAS D’AQUIN ET SAINT DENIS. 426

Réponse à un doute 471

(Max de Longchamp) 471

Introduction 473

Réponse à un doute concernant la doctrine de notre saint Père Frère Jean de la Croix en matière d’oraison 475

Apologie mystique en défense de la Contemplation divine 478

TABLE DES CHAPITRES DE L’APOLOGIE MYSTIQUE 481

ICI COMMENCE L’APOLOGIE MYSTIQUE EN DéFENSE DE LA CONTEMPLATION 483

Table des matières 571

Carmélites françaises à l’âge classique 583

I. Fondations et figures à l’âge classique. 587

Introduction 587

Une greffe réussie. 587

L’essor. 596

Contraintes et influences. 603

II. Ecrits et témoignages 607

La première génération : 607

Madame Acarie. 607

La deuxième génération : 614

Madeleine de Saint-Joseph. 614

Marie de Jésus, de Bréauté 694

Les générations suivantes : 698

D’autres carmélites. 698

III. Annexes 707

Historique éclair. 707

Tableaux. 709

TABLE REDUITE 711





1 Cuenca est une belle ville médiévale quelque peu isolée. Elle est située à 150 km environ de Madrid, à l’entrée de la région montagneuse du même nom, sur le chemin vers la Méditerranée. Son climat est rude.

2 Et déjà auparavant, le vieux compagnon Antonio de Jesus, marqué par sa vie antérieure comme carme chaussé, penchait vers une activité élargie.

3 Réduit obscur débilitante en été, cette prison conventuelle n’était donc pas réservé au seul grand ennemi des carmes de l’Observance.

4 Malgré ce que rapporte un Quiroga soucieux d’établir la paix au sein de l’Ordre.

5 Le grand sujet de discorde. Ces carmélites sont dirigées par Graciàn, le proche de Teresa rattaché à l’Observance par nécessité à la suite de sa propre éviction des Déchaussés.

6 Mais je n’ai pas accédé à l’étude première de Fortunado Antolin. Ni à ses contributions parues dans la revue « Monte Carmelo » (en réponse à mon courriel adressé en Espagne, elles ne serait plus disponibles aux archives d’ « Editorial Monte Carmelo » !).

77 Dom Philippe Chevallier (1884-1972), moine de Solesmes (étude influente : Le cantique spirituel de Saint Jean de la Croix, Docteur de l'Eglise, 1933).

8 Nouveau foyer de tension : se présente un Baruzi non catholique mais co-rénovateur des études sur un Jean de la Croix dont le rayonnement est devenu universel.

9 Reconnue par des « étrangers » à l’Ordre tels que dom Ph. Chevallier, Jean Baruzi, Jean Krynen, le P. Max de Longchamp.

10 Recours incontournable pour tout travail allant au-delà d’une compilation. Car les éditions de Jean de la Croix ont souffert de manipulations. Ce que soulignait dès 1927 dom Chevallier, moine bénédictin de Solesmes, pour la Vida (je livre infra sa contribution), et de même pour la Subida selon la contribution du Dictionnaire de Spiritualité. Ma demande de reproduction de manuscrit est en cours auprès de la Bibliothèque Nationale d’Espagne.

11 1914, fin du tome III, pages 511-576 : les 22 chapitres de Don… sont suivis d’une brève Repuesta.

12 Une très libre adaptation ! Marie du Saint-Sacrement combine Don… para guiar las almas a Dios et brève Repuesta… qui l’accompagne ; elle redécoupe les chapitres et omet des passages… mais toujours avec profondeur spirituelle. Je donne ses titres de chapitres dès ce dossier du texte espagnol, afin d’assurer une passerelle vers le « Quiroga français ». J’ai exploité des archives restées méconnues depuis leur retour de Bangalore au Carmel de Clamart.

13 La conclusion du chapitre XXII du Don que tuvo san Juan de la Cruz para guiar las almas a Dios justifie l’a volonté d’enrichir spirituellement le récit de la Vida (ce qui est absent des Vida qui suivirent ; par exemple celle de Crisogono excelle par sa précision biographique) : «…en faltando en ella la influencia y magisterio de Nuestro Santo Padre Fray Juan de la Cruz, entraron otros Maestros, que favoreciendo más el discurso de la razón y a la operación inquieta del alma, que los actos sencillos espirituales, donde se recibe la operación divina y los efectos de la influencia sobrenatural que obran nuestra perfección, hacían en sus discípulos tan diferente labor, que saliendo de ellas muchas veces con las cabezas lisiadas, se conocían pocos espíritus elevados. Y como en los noviciados no les enseñaban cómo habían de caminar a la contemplación, cuando estuviesen sazonados para ella, salían de la escuela sin saber lo principal de su vocación, y después se quedaban lo demás de su vida sin saberlo (ici se place une des très rares notes de protestation de l’éditeur de 1914), trabajando en la oración con su operación natural, sin dar lugar a la divina que introduce la perfección en el alma, de la cual procuraba preservar a sus discípulos. »

14 Les fuyards pouvaient terminer sur les galères papales, ce qui faillit arriver à Graciàn [Gratien], confesseur de Teresa qui fut chassé de l’Ordre des Déchaussés et termina dans l’Observance en confessant en Flandre Ana de Jésus.

15 On retrouvera de tels affrontements au cours de tentatives avortées de prise de contrôle par les carmes espagnols des carmélites françaises, exposée par Stéphane Morgain pour la France.

Rappelons que la « Vida y virtudes » interdite en Espagne, où l’on commanda de nouvelles Vida aux rédactions simples et sans vertu, sera traduite plusieurs fois en Italie comme en France. Traductions lues au XVIIe siècle, oubliées apparemment depuis.

Madame Guyon, l’autre grande mystique emprisonnée, en parle ainsi dans les Justifications, tome III, 58, « Scandale » , § 8 : « […] ces personnes de si bas aloi ne sont, en comparaison des spirituels totalement perdus, que terre, que sens, que tout désordre, qu'immortification. Ce qui serait encore bien plus véritable si elles étaient en autorité, (ici se place une note) parce que cela leur donnerait toute licence de faire ainsi. »

[note :] « On rapporte ce propos du bienheureux Jean de la Croix dans sa vie que, dans l'extrémité des peines qu’il souffrit dans sa dernière maladie, le prieur du couvent le traita et le persécuta avec une dureté incroyable, lui refusant tout ce qui pouvait lui donner quelque soulagement, soit dans le corps, soit dans l'esprit, et lui procurant tous les ennuis qu'il pouvait. Voyez la vie du bienheureux Jean de la Croix, écrite par le révérend père Joseph de Jésus Maria [Quiroga], livre 3, chapitre 17. Voyez aussi dans le[s] chapitre[s] 15 et 19 une autre persécution que le définiteur de l'ordre lui suscita environ le même temps. »

16 « Sans traitement, l’évolution de l’érysipèle peut être spontanément favorable, avec une phase fébrile et d’extension durant 1 ou 2 semaines. Cependant, le plus souvent survient un abcès cutané et parfois une septicémie ou une atteinte rénale, avec un décès dans 15 à 40 % des cas. » (Wikipedia).

17 On note une grande impartialité de Quiroga qui probablement ne fut guère appréciée.

18 Juste observation soulignant l’impossibilité de conserver une vie mystique au sein d’une grande communauté compte tenu d’une proportion réduite des âmes appelées à la contemplation. Et de même au sujet de la « contemplation acquise [?] » vs. « contemplation infuse.

19 Desgaire : nonchalance.

20 antojo : caprice.

21 Entrañable : intime.

22 garfio : crochet.

23 empellon : poussée.

24 pisar : marcher sur.

25 cuartón: sapine (planche de sapin).

26 antepecho : garde-fou — accoudoir de fenêtre.

27 almenar : créneler

28 reja : grillage.

29 Sans traitement, l’évolution de l’érysipèle peut être spontanément favorable, avec une phase fébrile et d’extension durant 1 ou 2 semaines. Cependant, le plus souvent survient un abcès cutané et parfois une septicémie ou une atteinte rénale, avec un décès dans 15 à 40 % des cas. (Wikipedia).

30 logro : réussite, succès.

31 sonsacar : soutirer, enjôler.

32 preñez : perspective, attente.

33 taleguilla : petit sac.

34 soga : corde.

35 Philippe Chevallier, OSB, La Pauvreté de l’âme qui chante le Cantique spirituel, Etudes Carmélitaines 24 (1939), I, pp. 226-247.). L’édition donne page après page et en même corps l’espagnol suivi de sa traduction. Ici nous dissocions l’espagnol de sa traduction par les corps.

36 Pagination du numéro des Etudes Carmélitaines.

37 Par contre deux français se sont vivement intéressés à l’Apologie de Quiroga, dont le P. Max de Longchamp dont nous restituons ici le texte espagnol.

De Fortunato Antolin (1923-2006), bibliographie immense :

[file:///D:/B/MY_EDIT/EDITE_auteurs%20F-Z/QUIROGA%20_Espagnol/sources/Fortunato%20Antolin/Dialnet-FortunatoDeJesusSacramentadoCarmelitaDescalzoFortu-2335988.pdf]

dont pour Quiroga nous extrayons les pièces suivantes :

40. El P. José de Jesus Maria (Quiroga) y su doctrina sobre la contemplacion ordinaria. Thesis ad lauream. Roma, Pontifica Faculdad Teologica OCD del Teresianum, 1969, [7], xxiv, 577 p., 27 cm. (Original de la tesis doctoral em forma dactiloscrita)

51. El P. José de Jesus Maria y su herencia literaria. Pars dissertationis ad lauream… Roma, Teresianum, 1971, xvi, 122, [3 ] p., 24 cm

52. El P. José de Jesus Maria y su herencia literaria, en Monte Carmelo 79 (1971) 77-124

53. El P. Quiroga: escritor ascético-mistico, en Monte Carmelo 79 (1971) 213-242

54. El problema de la « Subida del alma a Dios » del P. Quiroga, en Monte Carmelo 79 (1971) 295-338

38 Pages 841-842 del Diccionario de San Juan de la Cruz, director Eulogio Pacho, Monte Carmelo, 2000, 2006.

39 Editeur de la « Vida y virtudes… » partiellement reprise infra dont immédiatement le début de son « Introduciòn » :

40 José de Jesùs Maria (Quiroga), Historia de la Vida y Virtudes del Venerable Padre Fray Juan de la Cruz, ediciòn de Fortunato Antolìn , Junta de Castilla y Leòn, 1992, « Introducciòn » ; 11-17.

41 Escasa : peu abondante

42 Jean Krynen, Mystique chrétienne et théologie moderne/Saint Jean de la Croix et l’aventure de la mystique espagnole, presses universitaires du mirail, france-iberie recherche, 1990.

43 APOLOGIE MYSTIQUE EN DÉFENSE DE LA CONTEMPLATION (APOLOGIA MISTICA)

Texte espagnol et français, introduction, traduction et notes par Max Huot de Longchamp

FAC-éditions, 1990.

44 D. Dionys.c.3.§.I. De Div.nom. [référence en annotation marginale].

45 Idem.c.4.§.Et moveri, de supra D.Th. in 2.sent.dist. 18. Q.2.art.2.in fin. [dorénavant nous omettons les références des sources. On se reportera aux annotations marginales de l’édition conforme de 1675, Google books référée supra.]

46 DS Tome II Première partie, Fascicule 8. Octobre 1938 : contribution « Carmes (Spiritualité de l’ordre des) », col.156 à 209.

47 Pagination de la source.

48 Ce que j’ai vérifié dans un début d’interlinéaire españolfrançais.

49 Et de même déjà en philosophie (Kant).

50 Ordre suivant l’ordre de la saisie photographique (2002, Carmel de Clamart).

51 en el lib. 2. cap. 29. de la subida del monte. [Saint Jean de la Croix, Montée du Carmel, livre II, ch 29, 6]

52 D. Tho. de Veritate q. 12 art. 6. ad. 4. [Saint Thomas, De Veritate, q 12, a 6, ad 4 : "Forma recepta sequitur modum recipientis quantum ad aliquid, prout habet esse in subjecto : est enim in eo materialiter vel immaterialiter, uniformiter vel multipliciter, secundum exigentiam subjecti recipientis."]

53 D. Dion. cap. 9. § Si autem de caeles. hierar. [Denys l'Aréopagite, Hiérarchie Céleste, 9, 3]

54 D. Tho. 3 sent. dist. 35. q. 2. art. 1. ad 1. [Saint Thomas, III Sent., dist. 35, Q 2, a 1, ad 1]

55 2. Corin. 3. nu. 18. [II Co 3, 18]

56 D. Bonav. opusc. de 7. gradib. contempl. [Saint Bonaventure, De septem Gradibus Contemplationis, éd. Vivès, 1864 ss, tome XII, 184 ; cf Apologie, p 155.]

57 D. Dion. cap. 7. § 1. de divin. nominib. [Denys l'Aréopagite, Noms Divins, 7, 1 ; cf. Apologie, pp 29, 30, 45, 57, 61, 62, 82, 153, 156, 157, 164.]

58 D. Tho. opusc. 61. in gradu 10. amoris. [Il s'agit du De decem gradibus Amoris secundum Bernardum, annexe à la première partie du De Dilectione Dei et Proximi, opuscule inauthentique de saint Thomas, éd. Vivès, Opusc. 54, 10 ème degré ; cf Apologie, pp 155, 198.]

59 Idem 1. p. q. 12 art. 5. [Saint Thomas, Somme Théologique, Ia, q 12, a 5 ; cf Apologie, p 29.]

60 D. dion. cap. 4. §. 4. de divin. nomin. [Denys l'Aréopagite, Noms Divins, 4, 4 ; cf. Apologie, pp 157, 166.]

61 D. Tho. 3. sent. dist. 35. q. 1. art. 2. q. 2. ad 2. [Saint Thomas, III Sent., dist. 35, Q 1, a 2, q. 2, ad 2 ; cf. Apologie, p 51.]

62 Idem 2. 2. q. 180. art. 6. ad 3. [Saint Thomas, Somme Théologique, 2a 2ae, q 180, a 6, ad 3 ; cf Apologie, pp 42, 51, 123, 147.]

63 D. Greg. lib. 5. cap. 33. moral. [Saint Grégoire, Moralia in Job, 5, 33 ; cf Apologie p 164.]

64 Idem super illud cant. 1. lectulus noster. [Saint Grégoire, Super Cantica Canticorum Expositio, ch 2, PL LXXIX, 494 A ; cf Apologie, p 164.]

65 Math. 5. nu. 8. [Mt 5, 8]

66 D. Tho. 3. sent. dist. 34 q. 1. art. 4. [Saint Thomas, III Sent., dist. 34, Q 1, a 4 ; cf. Apologie, pp 100, 151.]

67 D. August. de serm. Dni in monte cap. 2. [Saint Augustin, De Sermone Domini in Monte, PL 34, 1232 : "Quam ergo stulti sunt qui Deum istis exterioribus oculis quaerunt, cum corde videatur, sicut alibi scriptum est : «Et in simplicitate cordis quaerite illum.» Hoc est enim mundum cor, quod est simplex cor ; et quemadmodum lumen hoc videri non potest, nisi oculis mundis, ita nec Deus videtur, nisi mundum sit illud quo videri potest."]

68 D. Bernar. cap. 14 de interiori domo. [De Interiori Domo, ch 14. Il s'agit d'un apocryphe de saint Bernard ; le ch 14 aborde bien le thème de la pureté du coeur, mais dans un contexte plus ascétique que mystique. En revanche, l'ensemble de ce passage attribué à saint Bernard résume la thématique du chapitre final (= ch 41) du mème traité, PL 184, 550552.]

69 D. Dion. cap. 4. §. 4. de divin. nomin. [Denys l'Aréopagite, Noms Divins, 4, 4 ; cf. Apologie, pp 64, 166, 169.]

70 Joan. 4. nu. 22. [Jn 4, 23]

71 D. Justinia. cap. 18. de perfect. monast. [Saint Laurent Justinien, De Disciplina et Perfectione Monasticae Conversationis, Venise, 1606, p. 143 a ; cf Apologie, p 168.]

72 D. Tho. opusc. 61. in gradu 10. amoris. [De decem gradibus Amoris secundum Bernardum, éd. Vivès, Opusc. 54, 10 ème degré ; cf supra note 8, et Apologie, p 154.]

73 Idem 3. p. q. 2. ar. 10. ad. 1. & 1. 2. q. 110. ar. 2. ad 2. [Saint Thomas, Somme Théologique, IIIa, q 2, a 10, ad 1; Ia IIae, q 110, a 2, ad 2. Cf Apologie p 198.]

74 D. Dion. cap. 7. §. 4. de divin. nomin. [Denys l'Aréopagite, Nom Divins, 7, 4 ; cf Apologie, p 118.]

75 D. Tho. 2. 2. q. 23. art. 2. [Saint Thomas, Somme Théologique, IIa IIae, q 23, a 2 ; cf Apologie, pp 67, 74.]

76 Idem 1. Sent. dist. 17. q. 1. art. 3. [Saint Thomas, I Sent., dist. 17, Q 1, a 3 ; cf Apologie, p 74.]

77 Idem 2. 2. q. 24. art. 3. ad. 1. [Saint Thomas, Somme Théologique, IIa IIae, q 24, a 3, ad 1 ; cf Apologie, pp 67, 74.]

78 D. Tho. 1. 2. q. 33 art. 3. ad 2.[Saint Thomas, Somme Théologique, Ia IIae, q 33, a 3, ad 2 ; cf Apologie, p 69.]

79 Idem opusc. 61. in gradu 10. amoris. [De decem gradibus Amoris secundum Bernardum, éd. Vivès, Opusc. 54, 10 ème degré ; cf supra note 8.]

80 D. Dion. cap. 10. §. 1. de caelest. hierar. [Denys l'Aréopagite, Hiérarchie Céleste, 10, 1 ; cf Apologie, p 47.]

81 Il a dû en être de même pour dom Chevallier, moine de Solesmes (1884-1972) dont nous utilisons un double carbone, réf. Bibl. Solesmes, MTb /13-2. Elle a dû être préparée pour une édition qui n’eut pas lieu, et avec grand soin, ce que démontre un sondage sur la Subida I (Google, éd. de 1675).

82 Dans la transcription de fragments de la Vida manuscrite par dom Chevalier : « Elle a reçu……………(µ manque une demi page) » ;

Dans la Subida, libro secundo, manquent les nombreuses pages entre 50b et 17 5de la copie carbone Solesmes.

Etc. : >> « µ »

83 Une Retraite sous la conduite de saint Jean de la Croix, en union avec saint Thérèse de 1'Enfant Jésus et soeur Elisabeth de la Trinité, par la mère Marie du Saint-Sacrement, carmélite. Paris. 1927.

84 contemplation acquise et surnaturelle (corr. du réviseur).

85 Sagesse à mode humain. (corr. du réviseur).

86 NDE : le terme vague de « mixte » a été critiqué par le correcteur carme dans une lettre à la soeur. Il a raison s’il s’agit de ne pas confondre ce qui n’est pas mystique de ce qui l’est, mais il semble penser que les deux sont surnaturels. De fait tout est divin donc surnaturel ! On distinguera cependant le vrai don divin de l’effort humain en réservant le terme contemplation à ce qui commence avec l’infuse, considérant ce qui précède comme hors du champ mystique.

87 NDE : En fait une seule est surnaturelle, l’infuse ; confondre et mêler les deux classes revient à ne pas reconnaître cette dernière, « passive dans toute son ampleur et sa plénitude » ; elle peut rester ignorée car son expérience n’est pas commune. Le plus simple est d’ignorer l’acquise, qui n’est ni condition ni même chemin vers le pur don divin infus. Mais on aimerait trouver un chemin ouvert à un grand nombre d’âmes très méritantes mais non mystiques. Il y a heureusement plusieurs chemins qui se retrouvent au même terme de l’amour.

88 Contemplation acquise (corr. du réviseur).

89 « Selon notre mode humain » souligné par le réviseur.

90 Ibid.

91 Commençent à se livrer à cet exercice : (corr. du réviseur).

92 Depuis « C’est ce qui faisait dire… » jusqu’au paragraphe « Ce qu’il nous dit… » barré au marqueur bleu. Nous reproduisons cependant le long passage incriminé : n’invoque-t-il pas la forte et bonne autorité de Ruusbroec ?

93 NDE : Louis Billot, +1931.

94 Depuis « De son côté, le docteur de l’Église saint Basile-le-Grand… » jusqu’à « Aussi bien en donnant en français les textes du P. de Quiroga, n’est-ce pas un bien de famille que nous mettons en œuvre ?, trois pages de texte ici reproduites sont barrées au marqueur bleu.

95 NDE : ce qui justifie l’usage du terme « mixte », la contemplation acquise n’étant qu’une méditation. La sœur se place franchement sur le seul terrain mystique.

96 NDE : le terme.

97 NDE : Faire intervenir notre effort personnel autre qu’un acquiescement (souvent à lui seul difficile !) paraît vouloir apporter une consolation à l’état de sécheresse rencontré après les premières douceurs.

98

Fortement critiqué par le correcteur dans une lettre adressée à la Mère dont voici quelques extraits : « Avon 30 août [19]38. […] mon opinion sur le R. P. Gabriel qui pour plaire à droite et à gauche défend la contemplation]mixte. C’est du pur opportunisme – esprit flottant qui, affirment ses confrères belges qui ont été ses professeurs, manque de précision par défaut de lumière – claudicat pede… Joseph du S.E. qui représente notre école n’enseigne que la contemplation acquise et la contemplation infuse – constituant deux espèces essentiellement différentes à l’exclusion de toute autre. […] » - Le même carme dans des notes datées de 1945 du mêm dossier insiste sur les deux contemplations acquise et infuse : « Saint Jean de la Croix est présenté par notre auteur [Quiroga] comme le maître de la contemplation ordinaire acquise à mode humain, et sainte Thérèse comme la maîtresse de la contemplation extraordinaire, mystique ou infuse à mode surhumain. Ceci est incontestable… » et il conclut légèrement : « L’union mystique donne une expérience divine plus douce, plus directe, plus envahissante. L’union ascétique est plus méritoire sans comparaison que l’union mystique. » - La discussion entre contemplations acquise et infuse mène à confusion, il est plus simple de considérer que l’infuse débute le parcours mystique et oublier l’autre.

99 Reprise du texte non barré.

100

Ici débute un texte manuscrit barré au marqueur bleu, que nous ne reproduisons pas (il correspondrait à une pageenviron) : à juste titre le réviseur explique que l’opinion traditionnelle qui attribuait à Denis une ancienneté apostolique ne peut plus tenir aux yeux de la critique scientifique. La Mère espérait un autre dénouement : « Reviendra t-on de cette opinion [ « des adversaires déclarés de la doctrine dinysienne »] à laquelle, la plupart du temps, on souscrit les yeux fermés et sans donner un regard à la sublime théologie du disciple de saint Paul ? » - En fait le pauvre Denis est devenu le Pseudo-Denys ce qui porte grand tort au moine inspiré du cinquième siècle qui conserve tout le droit à reconnaissance dans le champ intemporel de la mystique. Et peu importe d’établir s’il était ou non influencé par les derniers membres de l’école d’Athènes.

101

Ont été omises des pages manuscrites à caractère peut-être jugé trop personnel. En voici quelques extraits intéressants par leurs témoignages divers : « Ce livre est une perle, il devrait être traduit en plusieurs langues. » ; « Ce manuscrit, il faut absolument qu’il soit publié ! » nous écrivait un autre, en avouant qu’il l’avait dévoré presque tout entier en une nuit. » « Par ailleurs, un autre religieux … nous faisait dire … qu’il appréciait hautement les pages en question, qu’elles seraient certainement utiles à quelques âmes d’élite, mais qu’il les croyait propre à une circulation privée plutôt qu’à une diffusion générale. Vers le même temps, un homme du monde très adonné à la vie intérieure, nous écrivait avoir lu et relu notre manuscrit, non seulement avec le plus vif intérêt mais avec une émotion intense, parce que ce texte précisait pour lui une foule de points qu’il mettait en pratique dans l’oraison avec une certaine inquiétude ; il nous remerciait donc avec effusion de ce qu’il appelait « un incontestable envoi de la Providence ». Une autre personne d’oraison, vivant aussi dans le monde, assurait qu’elle « buvait » ces pages, qui lui donnaient ce qu’elle n’avait jamais trouvé ailleurs… » ; « Par contre, une Supérieure de communauté vouée à la prière et à l’adoration, nous faisait dire que ces très belles pages ne seraient comprises que d’un très petit nombre d’âmes pieuses dans le monde… »

102 De div. Nom. , ch III - 1.

103 Comment. in Libro De div. Nom. Quaest. 180 art. 2.

104 La face découverte.

105 Secundo ut intellectus noster non obumbretur caligine phantasmatum, quod accidit illis qui spiritualia non supra corporalis capere volunt, et qui posuerunt Deum figuratum figura humani corporis. Propter quod etiam impedimur ab ascensu.

106 De div. Nom., Cap. IV, p. 10.

107 Vivo ego, jam non ego ; vivit vero in me Christus. (Galates, 2.20).

108 NDE : importante observation : à l’inverse de l’habituelle croyance en la nécessité d’une pureté préalable obtenue par une préparation ascétique.

109 De div. Nom., Cap.IV, p.4.

110 La Montée du Carmel.

111 De Myst. Theol., Cap. I, p. 2.

112 De div. Nom.,, Cap. I . , p. 2.

113 2 - 2, Quae at. 173, art. 2.

114 De Consideratione, Lib.-V, Cap. II.

115 Ibid.

116 Quid prodest homini si per meditationem quae agenda sunt videat, nisi orationis auxilio et Dei gratia ad obtinenda convalescat? (De Scala Claust., Cap. VII, post med.).

117 Nullum effectum haberet investigatio rationis, nisi ad unitatem intellectualis; seu simplicitatis perduceret (Cap.II, p.2, De div.Nom.).

118 Et post omnem secundum nos Deiformem unitionem, sedantes nostras intellectuales operationes, ad supersubstantialem radium, secundum quod fas est, nos immitimus. (De div. Nom., cap.I, 3).

119 De celest. Hierarch., cap. I.

120 Sup. Cap. IV, p. 5. De div. Num.

121 Ibid. 1-2, Quaest. 32, art. 2.

122 1 Cor., III. 2.

123 Moral. Lib. I I , Cap. IV.

124 2 - 2, Quaest. 161 , art. 6.

125 De div. Nom. Cap.VII, p. 1.

126 De Verit. , Quaest. 12., art. 6.

127 Sup. Cap. IV De div. Nom., p. 2.

128 Effectus divinae gratiae multiplicantur secundum multiplicationem desiderii et dilectionis. Sup. Cap. IV De div. Nom., p. 4.

129 Montée du Carmel, Liv.I, Ch.XIII.

130 2 - 2, Q,uaest. 82, art. 3.

131 De Mystica Theologia, Pars III, Cap. III. paroles de S. Bonaventure semblent en contradiction avec ce qu’on a lu, pendant trois siécles dans les Oeuvres de S. Jean de la Croix, en quatre passages différents (Montée, L.II, Ch.XXXII; L. III, Ch. I ; et Ch. XIV : et Nuit Obscure, L. I , Ch. X) Depuis l’Edition critique des Oeuvres du saint docteur, publiée en 1912 - 1914 avec l’approbation des Supérieurs de l’Ordre, il est établi que ces passages sont apocryphes et conséquemment que, sur ce point comme sur tous les autres, la doctrine de notre Saint est conforme à celle de S. Bonaventure et des autres grands mystiques du moyen-âge.

132 De div. Nom., Cap. II, p. 7.

133 Quaest. 180, art. 6.

134 De celest. Hierarch. , Cap. I.

135 Stimulus Amoris, Pars,III, Cap.VIII.

136 Vive Flamme d’amour, Chap. VIII Strophe III.

137 2-2, Quaest. 80, art. 6.

138 Chap. 5, v. 12-14.

139 Institut divin

140 Magna coecitas […] sed numquam fruentis ? (opus 63, De Beatit., Cap. III, n° 60).

141 Quaest. Unica post Myst. Theol. ad med.

142 1. Sent., Dist. 17, Quaest. 1, art 3.

143 Epist. ad Titum, circ. Medium.

144 Vive Flamme d’amour, Strophe III, Tome III, p.96., Oeuvres de S. Jean de la Croix. Trad. par la Mère Marie du Saint Sacrement.

145 Prolog. ad Myst. Théol.

146 Ubi supra.

147 Ascensiones in corde suo disposuit, in valle lacrymarum… Ibunt de virtute in virtutem ; videbitur Deus deorum in Sion (Ps. , 8.).

148 Château Intérieur, VIe Demeure, Chap. VII.

149 Per speculum in aenigmati. (I Cor. , XIII, 12.).

150 S.Thérèse eut auprès d’elle, au monastère de l’Incamation d’Avila, S. Jean de la Croix et le P. Germain de S. Mathias de l’année 1572 à l’année 1574. La remarque que fait ici le P. Joseph de Jésus-Marie ne manque pas de justesse. Il est bon, cependant de noter que la composition du Château Intérieurest postérieure à cette époque.

151 Vive Flamme d’amour. Str. III.

152Cognitio Dei acquiritur quidem per alia ; sed postquam jam cognoscitur non per alia cognoscitur, sed per seipsum. (2-2, Quaest.27, art.3).

1531. Sent. Prol. art. 1.

154Ibid.

155Quem docebit scientiam ? Et quem intelligere faciet auditum ? Ablactatos a lacte avulsos ab uberibus. (Is., XXVIII, 9).

156

157

158Sup. Cap.III de Div. Nom.

159S. Thomas : 3 Sent., Dist. 34, Q. 1, art.2 – Ricardus : Lib. IV De Contempl. Cap XXIII.

1602-2 Quaest.45, art.5.

161Vie écrite par elle-même, Chap. XII.

162Hug., Lib. II De Arca, Cap.VI – S. Bonav. Itinerarium, III, Dist. 4, art.3.

163Quodlibet, 5, art.9.

164Cap.8, p.1 De Div.Nom.

165Restanto perfectius apprehenditur per aliquam similitudinem, quanto similitudo est magis immaterialis et abstracta. (1 -2, Q. 35, art.7).

166 1. p. Quaest. 105, art.4.

167Apud Suarez, Cap. X, No. 1. et seq.

168Cap. IV, p.7, de Div. Nom.

169 3 Sent., Dist.35, Quaest.2, art. 2, Quaest. 1.

170Quia immobilitas pertinet ad motum circularem (Ubi supra, ad.3).

171Myst. Theol., Cap. , p. l .

172Per veram fider est passus extasim veritatis quasi extra omnem sensum positus et veritati supematurali conjunctus. (Sup. Cap. VII, p.5, de Div.Nom.).

173Beati mundo corde quoniam ipsi Deum videbunt. (Math. ,V. 8).

1743 Sent., Dict. 34.9.1. art.4.

1752 – 2, Q.120, art. 1 , sup. Cap. VII de Div. Nom. , p.1.

176De Relig. Lib.I, Cap.IV, No. 1.

177 Elevatio mentis in Deum.

178 Myst. Theo., Cap.I.

179De Perfectione Filiorum Dei, Cap.X.

180 Montée du Carmel Liv. II , Chap. XIII .

181 Sap., IX, 19.

182 3 Sent., Dist. .35 Q.2, art. 1.

183 Sup. Lib. de Div. Nom., Cap. I.

184 Manifestum est autem quod omne quod movetur, necesse est proportionatum esse motori, et haec est perfectio mobilis, in quantum est mobile: disrositio qua dispointur ad hoc quod bene moveatur a suo motori. (1-2, Q.68, art.1).

185 p.1., Q.12, art.5.

186

187 Montée du Carmel, Liv. II, Chap XIII.

188 De Myst Theol. Cap. XII.

189 De div. Nom., Cap. IV, p.3.

190 De Myst. Theol., Cap. XII.

191 Montée du Carmel, Livre II, Ch. XIII.

192 Epist. ad Caium.

193 P.1., Q.85, art.4.

194 Sup. Cap. De Div. Nom.

195 Lib.I Homil. sup. Ezechiel. ad finem.

196 Sup. Cap. II p. 1 . de Myst. Theol.

197 De Celest. Hier., Cap. II, post medium.

198 De Myst. Theol. , Cap. II.

199 Intelligibiles virtutes nostrae naturalis rationis superfluunt, quando anima nostra Deo conformata imittit se rebus divinis, non immissione oculorum corporalium sed iminissione fidei, scilicet per hoc quod divinum lumen ignotum aud inaccessabile seipsum nobis unit et communicat. (Sup. Cap. IV. De Div. Nom.)

200 De Myst. Theol.,Cap. XII.

201 De Celest.Hier, Cap. XIII.

202 De Div. Nom. , Cap. IV, p. 4.

203 De Div. Nom. Cap.I, p. l.

204 Solíus Dei est rationis praestare gustum et devotionis affectus sed honinis est orandi adinvenire modum. (De Perfect. Monast. Cap. V).

205 Forma recepta sequitur modum recipientis quantum ad aliquid prout habet in objecto ; ut enim in eo materialiter vel immaterialiter, multipliciter vel uniformiter, secundum exigentium subjecti recipientis (De Verit. Q.12, art. 6. ).

206 Ricard, Lib.I, Cap. VI, De Contemp. - S. Thomas, 2-2, Q.180, art. 4. - S.Laur. Justin., De Ligno vitae, Cap.XL, de Orat. - S.Bonav. , Itinerarium, 3, Dist.4.

207 Ab oratione incinere est utile, non sicut trahentas ubique proesentim et nusquam resedentem, sed sicut memorationibus et invoc­ationibus nos ipsos ipsi tradentes et unientes. (De Div. Nom. Cap. III , p. 1).

208 De Div. Nom. , Cap. VII , p. 1.

209 De Div. Nom., Cap. I , p. 3.

210 Revelata mente et ad divinam unitionem aptitudine. (De Div. Nom. , Cap. III in princip.).

211 Ad perfectionem sufficit prout in se apprehenditur ametur: ob hoc ergo consistit quod aliquid plus ametur quam cognoscatur quia potest perfecte amari, etiam si non perfecte cognoscatur.

212 Magnus quippe earum (hoc est animarum) clamor, magnum est desider­i : tanto enim quisque minus clamat quantum minus desiderat ; et tanto majorem vocem in aures incircumscriptí Spiritus exprimit, quanto se ín ejus desiderium lenius fundit... Animarum igitur verba ipsa sunt desideria. Nam si desiderium sermo non esset, Propheta non diceret: Desiderium cordis eorum audivit auris tua. (Mor. , Lib. II, Cap. IV).

213 Ita ut pura oratio magis in jubilum convertatur et appropinquet Deo, perveniat citius et efficius obtineat. (T. II, Lib. De modo orandi, Cap. III.

214Requirit opportunitatem silentii, loci et quietis quo plenius et securius se in Deum effundat affectus. (De Process. Relig., Cap. III).

215 De Process . Relig. , Cap. III, in fine.

216 Divina scientia non est discursiva vel ratiocinativa, sed absoluta et simplex, cui similis est scientia quae ponitur Donum Spiritum Sancti, cum sit quadane participata similitudo ipsius ( 2-2, Q. 9, art. 1).

217 Vacate et videte quoniam Ego sum Deus (Ps. XLV, 11.). Saint Jean de la Croix, Montée du Carmel, Liv. II, Chap. XIII.

218Comment. in Libr. De div. Nom.

219 De celest. Hier., Cap. XV, p. penult.

220Opusc . 63 , Cap. III in fine .

221 De div. Nom., Cap. III, p. 1.

222 Super Cap XXVI.

223 Vive Flamme d’amour, Str. III.

224 De div. Nom., Cap. VII, p. 1.

225 Ibid.

226 1-2, Q.63, art.2.

227 1-2,Q.68.

228 Qui reformabit corpus humilitatis nostrae configuratum corpori claritatis suae. (Phil ., III, 21).

229 De div. Nom., Cap.XI, p.1-2.

230 Sapientiam scribe in tempore vacuitatis, et qui minoratur actu, sapientiam precipit. (Eccli., XXXVIII, 25).

231 De div. Nom. Chap.VII p.4.

232 Quod contra bene per Prophetam dicitur : Super quem requiescet Spiritus meus, nisi super humilem et quietem, et trementem sermones meos ? A terrenis autem mentibus tanto longius Spiritus fugit, quantó apud eos quietem non invenit. (Moral., Lib . XVIII , Cap.XXV.) Et plus loin: Nullus quippe eum plene recipit, nisi qui ab omni se abstrahere rationum carnalium fluctuatione contendit. Unde et alias dicitur : Sapientiam scribe in tempore otii, et qui minoratur actu, ipse percipit eam. Et rursam: Vacate et videte quoniam Ego sum Deus. (Eccli.,XXXVIII, 25 - Psalm.XLV, 29).

233 Alb. Magn. sup. Cap. VII.

234 In pace factus est locus ejus. (Ps . L XXV, 2).

235 Numquam vero commotioni contemplatio jungitur; neque prevalet mens conturbata conspicere ad quod vix tranquilla valet inhiare; quia nec radius soli cernitur cum commotae nubes coeli faciem obducunt nec turbatus fons inspicientis imaginem redit quam tranquillus proprio osten­dit, quia quo ejus unda palpitat, eo in se speciem similitudinis obscurat. (Morales, Lib. III, Cap. XXXIII)..

236 In statu viae, spiritualia et praecipae Deum viragis videmus cognoscendo quid non est, quam apprehendendo quid est. (3 Sent., Dist. XXXIV, Q.1, art.4).

237 Et est rursus divinissima Dei cognitio, quae est per ignorantiam cognita, secundum imitatem, supe mentem, quando mens, ab aliis omnibus recedens, postea et seipsam dimittens, unita est super spendentibus radiis, inde et investigabile Sapientia profundo illustrata.

238 Sedantes intellectuales operationes. (De div. Nom. Cap. II, p. 2).

239 Cum mentis nostrae actiones cohibemus.

240 Cap. VII p.4.

241 Sola autem immobilitas quam ponit (loquitur de Divo Dionysio) pertinet ad motum circularem. (2-2, Q.180, art.6).

242 4 Sent., Dist. 49 ; Q.3, art.5.

243 Sunt enim actus perfecti, et ideo magis assimilantur quieti quam motui ; et propter hoc qui operatur secundum intellectum, vacare dicitur ab exteriorum actione. (3 Sent., Dist. 35, Q.1, art.2).

244 De Contempl., Lib. V, Cap. XI.

245 Totis viribus in Eo qui vere Summus est, immobiliter firmiterque haeret, divinumque adventum sine ulla motione atque materia recipit. (De Ecclest. Hier. Cap. VII).

246 Gratia comparatur ad voluntatem ut movens ad motum, quae est compar­atio sessoris as equum. (1-2, Q.22,art. 4).

247 De Perfect. Monast., Cap. XVIII, No. 30.

248 Vive Flamme d’amour, Ch. XIV, Strophe III.

249 De Div. Nom., Cap. II, n. 4.

250 Ibid., Cap.VII.

251 De Virtutibus in comuni , Q.unica , art. 10.

252 Vide 1-2, Q.63, art.2.

253 Qui reformabit corpus humilitatis nostrae configuratum corpori claritatis suae, secundum operationem qua etiam possit subjicere sibi omnia. (III, 20).

254 Quando vero tam vehementer Deus animam movet, ut statim quamdam perfectionem justitiae assequatur.

255 De Virtutibus in communi. Q. unica.

256 Sup. Cap. IV De div. Nom.

257 De Anima, Lib.V, Cap.XII.

258 Sicut enim cogitione naturali intellectus possibilis patitur ex lunine intellectus agentis, ita et in cognitione supernaturali intellectus humanus patitur ex illustratione divini luminis. (S.Thomas).

259 Non solum discens, sed patiens divina ex quadam doctus divina inspiratione. (De div. Nom., Cap.II, p. 4.).

260De Veritate, Q.27, art.4.

261 Et semper extendit animas ad anterior, secundum ipsarum ad respectum proporcionem.

262 Exhort. ad Virtut., Lib. I.

263 Qui et immunda omnia et pura transcundunt, et omnium sanctarum extremitatum ascensionem superascendunt, et in caliginem introcunt, ubi vere est, est Eloquia agunt, qui est ultra omnia. (De Myst. Theol., Cap. I).

264 Archives déplacées du carmel fermé de Clamart à celui de Nogent, de Nogent à ?

265 1-2, Q.37, art. 1.

266 Ibid., Q.33, art. 3.

267 1-2,Q.12, art.1.

268 Vita contemplativa, quantum ad ipsam essentiam actionis, pertinet ad intellectum; quantum autem ad id quod movet at exercendam talem operationem, pertinet ad voluntatem. (2-2, Q.180,art. 1.).

269 Vita contemplativa est charitatem Dei et proximi tota mente retinere, et soli desiderio Conditoris inhaerere. (Hom.XIV sup. Ezech.).

270 Vita contemplativa, calcatis curis omnibus ad videndam faciem sui Creatoris inerdescit. (Ibid.).

271 1-2, Q.105, art.4.

272 De Myst. Theol., Introd. 13, in princip.

273 Dicebat unus : Ego per quadraginta annos et amplius versavi et reversavi [...] est nobis. (De Elucid. Myst. Theol., Cant. 9).

274 Vacate et videte quoniam ego sum Deus. (Ps. XLV, 11.).

275 De Div. Nom, Cap. I, §1.

276 Sup. Cap. IV, §4 de Div.Nom.

277 Sup. Cap. IV, § 9, de Div. Nom.

278 De Div. Nom., Cap.V, §2.

279 De Div. Nom., Cap.V, §2.

280 De Div. Nom., Cap.XII, §2.

281 Finis autem [...] non ficta. (I ad Tim. I,5) - (S.Thomas, 2-2 Q.44, art.1.).

282 1. Sent. Dist. 17, Q.2, art.2.

283 Marta, Marta, sollicita es et turbaris plurimae; porro unum est necesarium. Maria optimam partem elegit, quae non auferatur ab ea. (Luc, X, 41).

284 Montée du Carmel, L.II, Chap.VI.

285 2 Sent., Dist. 26, Q.1, art.4.

286 Hinc interest inter delectationem utriusque appetitus, quod delectatis appetitus sensibilis est cum aliqua transmutatione corporali; delectatio autem appetitus intellectivi nihil aliud est quam simplex motus voluntatis. 1-2, Q.31, art.4.

287 Luc, IV, 24.

288 Instit., Cap. XXII, ad medium.

289 3 Sent., Dist.34, Q.1, art.4,

290 De Div. Nom., Cap.VII, §1.

291 Omnis actus voluntatis ex aliqua consideratione procedit, ex quod bonum intellectum est objectum voluntatis (2-2,Q.82, art.3).

292 Consideratio importat actum intellectus veritatem rei intuentis (2-2, Q.53, art.4).

293 Requiritur quoddum lumen intellectuale, excedens lumen naturalis rationis (Ibid., Q.171, art.2).

294 S. Grég. : Lib. Moral., Lib. XVIII, Cap.25.

295 De myst. Theol., Cap. II.

296 Tolleret ex quae obscurant et impediment formae latentis aspectum, ipsamque in se dulchristudinem, quae abstrusa est, explicant sola detractione, ut sine tegumentis acernant Caliginem, illum Essentiam superiorem, quae ab omni luce quae in rebus est occultatur (De myst. Theol., Cap. IV).

297 Sicut mens humana in essentiam rei non ingreditur nisi per corporalia et sensibilium similitudines, ut Dyonisius dicit.( Sup. Cap. II de Div. Num.).

298 Fides est cognitio simplex articulorum quae sunt principiae totius christionae sapientiae (3 Sent. Dist.35, Q.2, art.2).

299 3 Sent., Dist. 35, Q.2.

300 Ibid.

301 Intellectus non potest intelligere, nisi secundum quod fit actu per aliquam similitudinem rei intellectae, par quam informatur intellectus ad intelligendum (Opusc. 53, princip.).

302 In contemplatione est necessaria apprehensio, quae est per donum Sapientiae. (3 Sent., Dict.35, Q.1).

303 Château intérieur, Demeure VIe, Chap.X.

304 Château intérieur, Demeure VIe, Chap. II.

305 Divinae mentes ad ignota ascendunt super mentem collatorum conjunctionem, et ita proveniunt, junta proprietatem suam, via et ordine, per immaterialem et simplicem intellectum, ad cum quae est super intellectum unitionem. (De div. Nom., Cap. II).

306 In ultimis autem tetorum ipsi Deo conjungentes in quantum nob siis illi jungi est possibile. (De div. Nom., Cap. final).

307 Theologi nostri ascensum qui per negationes fit anteposuerunt, est qui animum a tibi cognitis familiaribusque rebus abducat, et per divinas omnes noticias atque perceptiones ambulat. (De div. Nom., Cap. II).

308 Table en espagnol avec numérotation de l’édition de 1914 : elle est associé aux titres de chapitres de la traduction par le Mère Marie du SaintSacrement dont on pourra constater les libertés qu’elle a prise.


309 José de Jesús María Quiroga, Apologie Mystique en Défense de la Contemplation (Apología Mística), Texte espagnol et français, introduction, traduction et notes par Max Huot de Longchamp, Paris, Fac-éditions, 1990, 400p.

310 Cf. Fortunato de Jesús Sacramentado, El P. José de Jesús María y su herencia literaria, Burgos, 1971, pp 76 ss.

311 Cf. Apologie, p 13.

312 Montée du Carmel, II, 29, 6.

313 Par exemple Montée du Carmel, III, 6, 3 ; Nuit Obscure, I, 13, 11 ; Vive Flamme, III, 63.

314 La "contemplación endiosada" : chez Jean de la Croix, l'"endiosamiento" indique la transformation spirituelle proprement dite, de sorte que "l'entendement de l'âme devient entendement de Dieu, sa volonté, volonté de Dieu, sa mémoire, mémoire de Dieu, ses délices, délices de Dieu, etc." (Vive Flamme, II, 34)

315 En Apologie, p 154, Quiroga renvoie notamment à saint Augustin, saint Bernard, saint Thomas, saint Bonaventure.

316 Tout le développement de l'image du miroir que fait Quiroga, suppose qu'il s'agisse d'un miroir d'eau.

317 Sur les trois mouvements de l'âme contemplative et leur origine littéraire, cf Apologie, p 42.

318 Le mot "intellectuel", très fréquent chez Quiroga (alors qu'il est très rare chez Jean de la Croix), n'indique en rien un intellectualisme de la contemplation, mais, toujours opposé à "sensible" sur le registre dyonisien qui est le sien, le niveau propre de cette contemplation dans la vie de l'âme, contemplation qui est épanouissement de la connaissance dans l'amour : "Le Fils n'est pas envoyé en l'âme selon n'importe quelle perfection de l'intellect, mais selon cette information de l'intellect qui s'épanouit en affection d'amour." Saint Thomas (cité ainsi au f° 208) la réfère à Jn 6, 45 ("Celui qui entend la voix du Père et s'en instruit, vient à moi."), et il ajoute dans le même passage (ST, 1a, Q 43, a 5, ad 2.), qu'il s'agit là d'une perception du Fils qui experimentalem quandam notitiam significat, d'une connaissance en quelque sorte expérimentale, celle dont saint Augustin (De Trinitate, IX, 10, passage normatif pour toute la littérature mystique latine, cité ici par saint Thomas), dit qu'elle est indissociablement connaissance et amour. De ce fait, au chapitre 11, les visions intellectuelles seront recommandées en tant qu'elles appartiennent à la contemplation proprement dite, sans mélange de formes sensibles, non pas en tant qu'elles appartiendraient à la seule intelligence.

319 Sous l'appellation d'"Alumbrados", il faut d'abord comprendre la déviation quiétiste qui court parallèlement à la véritable mystique tout au long de l'histoire de l'Eglise. Du temps de Quiroga, elle désigne plus explicitement les groupes souvent condamnés par l'Inquisition et qui s'étaient développés en Espagne au XVI° siècle, prétendant à une expérience intérieure affranchie des institutions d'Eglise, et même de la simple morale. Cf. M. Andres, La Teología Española en el Siglo XVI, II, Madrid, 1977, pp. 227-259, 601-603, 612-629.

320 "A laquelle est ordonnée comme à sa fin tout ce qui concerne la vie spirituelle."

321 "Grâce à la paix divine, unissant leurs multiples raisons et les rassemblant en une pureté intellectuelle une, les âmes parviennent, à travers l'intellection immatérielle et simple, selon leur propre voie et progression, à l'union qui est au-dessus de l'intellect."

322 "Ici bas, donc, comme il nous est possible, nous nous servons de signes qui nous sont adaptés pour aller vers les réalités divines ; et à partir d'eux, nous nous portons de façon proportionnée à la vérité simple et une des mystères intelligibles ; et après avoir été unis comme nous le pouvons aux réalités déiformes, mettant au repos nos opérations intellectuelles, nous entrons pour autant qu'il est permis dans la lumière supersubstancielle."

323 "L'investigation de la raison n'aurait aucun effet si elle ne conduisait pas à la vérité intelligible."

324 Cf. Montée du Carmel, II, 13.

325 Dans le vocabulaire scolastique, l'habitus est une manière stable et habituelle de se comporter, acquise par répétition.

326 "... une visée simple de la vérité incréé."

327 Montée du Carmel, II, 13, 4.

328 "... l'esprit découvert et en étant disposé à l'union divine."

329 "Elle illumine tout esprit de sa plénitude, et renouvelle toutes les forces de l'intellect."

330 C'est-à-dire, les philosophes qui n'ont d'autre lumière que celle de la raison naturelle.

331 Les "anges viateurs", comme Quiroga l'explique au chapitre 17, sont ceux qui ne sont pas encore confirmés en grâce, et par conséquent, cheminent dans la connaissance et l'amour de Dieu par un progrès dans l'illumination.

332 "En tant qu'il contemple, l'homme est de quelque manière au-dessus de l'homme, car par la vision simple de l'intellect, l'homme est en continuité avec les substances supérieures, celles que l'on appelle intelligences pures ou Anges."

333 "Lorsque l'âme se retire de toute chose et s'abandonne ensuite elle-même, et qu'elle est unie à la lumière plus que resplendissante, qu'elle en est alors illuminée d'une sagesse insondable ..."

334 De même que connaissance et amour sont deux aspects de la contemplation, intellection et affection (ou "affectus") correspondent respectivement à l'actuation de l'entendement et de la volonté dans la vie spirituelle.

335 "Et cela ne manque à personne qui vive sans péché mortel, car si la nature ne fait pas défaut dans les choses nécessaires, cela vaut bien plus de la grâce !."

336 "De cette façon, quiconque contemple et aime les réalités divines se trouve hors de son esprit, c'est-à-dire en extase."

337 "Celui qui est établi hors de tout sens et qui est uni à la vérité surnaturelle, c'est lui qui éprouve par la foi véritable l'extase de la vérité."

338 "Rechercher les réalités qui sont au-dessus de la raison n'est pas blamable, mais au contraire louable : en effet, l'homme doit s'élever autant qu'il le peut aux réalités divines."

339 "Le souverain bien n'est pas incommunicable, il se manifeste au contraire avec bienveillance à chaque existant, faisant briller sur lui d'une façon qui lui est proportionnée, le rayon supersubstantiel qui demeure de façon unique en lui-même ; et il élève les âmes saintes, à la mesure de leur possibilité, à sa contemplation, à sa communion et à son assimilation, lorsque, comme il est permis et comme il convient aux saints, elles s'y disposent, sans prétendre orgueilleusement s'élever au-dessus de ce que Dieu veut bien leur montrer, mais en se laissant porter plus haut avec une sainte révérence."

340 "L'humilité est comme une disposition pour que l'homme accède librement aux biens spirituels et divins."

341 Les Béghards (représentés surtout dans les pays du Nord au XIII° siècle) et les Turlupins (qui en sont les héritiers au XIV° siècle) furent pour leur époque ce que les Alumbrados sont pour celle de Quiroga, avec les mêmes déviations au nom d'une fausse liberté intérieure. Ils ont été largement combattu par Ruusbroec et Gerson auxquels Quiroga se réferre ici abondamment.

342 Sur l'activité de l'Inquisition en Espagne autour du fameux Index de 1559, cf. M. Andres, op. cit., II, ch. XXII.

343 Cf chapitres 4 à 13.

344 Cf chapitres 17 à 22.

345 Cf chapitres 14 à 16.

346 Cf chapitres 23 à 29.

347 Denys, à la suite d'Aristote, distingue trois mouvements de l'âme, circulaire, oblique (ou hélicoïdal) et rectiligne. Le mouvement circulaire est celui de l'âme parfaitement unifiée et recueillie en elle-même, contemplant sans entrave Dieu en sa perfection ; le mouvement oblique est celui de l'âme qui opère encore ce recueillement par une progression dans l'illumination et la simplification de son raisonnement ; le mouvement rectiligne est celui de l'âme qui en reste à la méditation. Ces trois mouvements correspondent aux trois groupes de spirituels considérés habituellement par les auteurs : commençants (relevant de la voie purgative), progressants (relevant de la voie illuminative), parfaits (relevant de la voie unitive). Cf. DDN, 4, 8-9 et le commentaire qu'en fait saint Thomas.

348 "En tant que toutes les opérations de l'âme sont ramenées à la contemplation simple de la vérité intelligible."

349 "On parle proprement et spécialement de contemplation, à propos des réalités les plus hautes, lorsque l'esprit opère par intellection pure."

350 "Quoique la foi soit complexe pour ce qui est de nous, sa vérité est simple pour ce à quoi elle nous conduit comme à son objet."

351 "... union au-dessus de l'esprit."

352 "... connaissance simple des éléments qui sont principes de toute la sagesse chrétienne."

353 "Selon la divine tradition, nous sommes unis aux réalités mystiques au-dessus de l'opération intellectuelle."

354 "Il vaut mieux appartenir à Dieu qu'à nous-mêmes, car c'est ainsi que les réalités divines nous seront données en même temps que nous serons unis à Dieu."

355 "L'intelligence est cette force de l'âme qui est immédiatement inférieure à Dieu : en effet, elle le perçoit comme souverain, vrai et absolument immuable."

356 "... dans la ténèbre surlumineuse du silence qui enseigne secrètement, qui remplit de ses clartés plus que belles les intelligences aveuglées."

357 C'est-à-dire en l'acte simple de la contemplation.

358 "... non pas sous la raison de quelque attribut particulier, mais en tant qu'il est en lui-même infiniment aimable, sous quelque raison très éminente et très simple, qui comprenne toutes les raisons particulières possibles et pensables de l'aimer."

359 Rappelons que l'angélologie traditionnelle de Denys considère trois hiérarchies correspondant à trois modes d'appréhension de la vérité divine. La première la saisit en tant que provenant de Dieu comme principe universel, la seconde à travers les causes créées universelles, la troisième à travers les causes créées particulières. Chaque hiérarchie se subdivise à son tour en trois ordres subordonnés l'un à l'autre ; ce qui, du Séraphin immédiatement uni à Dieu jusqu'à l'ange qui ne lui est uni qu'à travers tous les autres, donne la répartition suivante : Séraphins, Chérubins et Trônes pour la première hiérarchie, Dominations, Vertus et Puissances pour la seconde, Principautés, Archanges et Anges pour la troisième. Un ange d'un rang supérieur illumine un ange d'un rang inférieur par dérivation à travers lui de la lumière divine.

360 "Chaque esprit humain possède en propre des ordres et des pouvoirs inférieurs, moyens et supérieurs, en vue des réalités divines. Par eux, chacun vient à participer, selon qu'il lui est possible et permis, à la lumière surabondante."

361 "Dans les réalités qui concernent la perfection, l'intensité dépend de leur proximité du premier principe : plus l'une d'elle en est proche, plus elle est intense."

362 "Une cause plus universelle produit un effet plus grand."

363 "Par cette intelligence, la capacité de l'esprit se dilate immensément et le regard de l'âme du contemplatif s'aiguise, de telle sorte qu'il soit capable de comprendre beaucoup de choses, et clairvoyant pour en pénétrer de très subtiles."

364 "... pour nous conduire des réalités sensibles aux intellectuelles, et des figures symboliques sacrées aux sommets simples des hiérarchies célestes."

365 "Et ceux qui la contemple, autant qu'il soit permis, elle se porte vers eux et les unifie selon son unité simple."

366 "... à ce que nous n'en restions pas aux figurations imaginatives."

367 "Seule l'immobilité que suppose Denys appartient au mouvement circulaire."

368 "Le mouvement est l'acte de ce qui est imparfait, comme le dit le Philosophe [Aristote], et c'est pourquoi les opérations mêlées de mouvement s'éloignent d'autant plus de la délectation parfaite, qu'elles en comportent davantage."

369 "Ce sont des actes parfaits, et pour autant ils s'assimilent davantage au repos qu'au mouvement."

370 "Il est absolument sûr, que plus l'âme pourra se mettre pleinement et parfaitement en la profonde paix et tranquillité de l'esprit, plus solidement et fermement elle s'établira par la contemplation en cette élévation de la lumière suprême."

371 "Passons maintenant à la paix divine qui est principe de toute communion, et célébrons-la par des hymnes pacifiques."

372 "... mettant au repos nos opérations intellectuelles, nous entrons pour autant qu'il est permis dans la lumière supersubstancielle."

373 "Selon qu'il est parmis ... selon qu'il est possible."

374 "Lorsque l'esprit se retire de toute chose et s'abandonne ensuite lui-même, il est uni à la lumière plus que resplendissante."

375 "... et dépassent l'ascension des sommets les plus saints."

376 "... c'est-à-dire, qui s'élèvent au-dessus des actes les plus hauts de toutes leurs forces appréhensives actives et quelque soit leur intensité."

377 "Nous somme unis aux réalités ineffables et inconnues par la foi, de façon ineffable et inconnue, selon une union supérieure à celle que permet notre force et opération rationnelle et intellectuelle."

378 "... au-dessus de toute existence, sans origine et sans fin."

379 "Le nom de contemplation désigne cet acte principal par lequel on contemple Dieu en lui-même, alors que la spéculation désigne plutôt l'acte par lequel on considère les réalités divines dans les créatures comme en un miroir."

380 "Cette réflexion sur la créature ne conduit pas par elle-même à l'amour de Dieu."

381 "Ce qui est porté vers les hauteurs ne demeure en aucune réalité terrestre, mais adhère de toutes ses forces, de façon immobile et stable, à celui qui est le sommet véritable."

382 "... sans aucun mouvement ni aucune matière."

383 "... intimement ouvert à l'accueil des dons divins."

384 "La contemplation est au-dessus et sans la raison, quand l'esprit connaît par l'irradiation de la lumière divine les réalités devant lesquelles s'efface toute raison humaine, quand l'intelligence des réalités intelligibles lui fait perdre la raison, et qu'il transcende tout raisonnement et toute intention humaine."

385 "Il ajoute le silence à la paix ; en effet, le bruit et les cris sont généralement le signe d'un trouble de la paix. Et à la paix, il ajoute même l'immobilité.".

386 "... non seulement sans matière, mais aussi sans aucun mouvement."

387 "Ne reposons donc pas en nous-mêmes, de telle sorte que, si je puis dire, l'aile de la contemplation nous élève."

388 "Non pas selon nous, mais alors que nous sommes nous-mêmes établis hors de nous-mêmes et tout entier divinisés. Il vaut mieux appartenir à Dieu qu'à nous-mêmes, car c'est ainsi que les réalités divines nous seront données."

389 "En tout cela, il ne converse assurément pas avec Dieu."

390 Les "similitudes expresses" de Dieu sont ses premières dérivations dans la création, ses ressemblances les plus hautes dans le monde des formes (celle de l'ange, celle du soleil) ; de ce fait, elles appartiennent au niveau suprême auquel nous pouvons le contempler en cette vie ; elles correspondent aux "visions intellectuelles les plus hautes" du chapitre 11 : "Ce que la foi nous présente sur notre mode humain des mystères divins, ... l'illumination du don de sagesse le dévoile en quelque sorte, pour nous découvrir au-dessus de notre mode humain et dans la contemplation absorbée en Dieu, ce que Dieu veut que nous voyions de l'intime de ces mystères. Telle est la contemplation divine que l'on appelle 'contemplation de similitudes expresses', la plus relevée après la claire vision de l'essence divine, très semblable à celle qu'Adam possédait par privilège en l'état premier."(f° 102).

391 "... selon l'esprit, en fonction de sa proportion."

392 "... et par une disposition à l'union divine."

393 " ... en un amour proportionné aux illuminations qui conviennent."

394 " ... que l'affectus de leur amour soit pour les réalités divines qui leur sont manifestées, c'est-à-dire que leur affection s'applique aux réalités par lesquelles ils sont élevés aux réalités divines par des ailes spirituelles."

395 L'ensemble du passage nous suggère l'âme pour sujet sous-entendu, plutôt que la volonté.

396 "L'amour fait que la chose même qui est aimée, soit de quelque manière unie à celui qui l'aime."

397 "Ici-bas, nous aimons Dieu selon son essence, mais nous ne le voyons pas ainsi."

398 "Il convient que la volonté soit mue par l'Esprit-Saint à aimer, d'une manière telle, qu'elle aussi soit active en cet acte."

399 "... plus quelque chose en est proche, plus il est intense."

400 "... comme un feu ardent au sommet de la montagne."

401 "Qu'ils s'élève en aspirant et expirant." L'"aspiration", par analogie avec le mouvement respiratoire qui lui donne son nom, est un élan de l'âme vers Dieu, à la fois bref et intense, qui canalise en quelque sorte ses propres passions dans les sentiments mêmes du Christ en elle ; elle vise finalement à accorder parfaitement l'âme à la spiration de l'Esprit-Saint en elle. Hugues de Balma, ici cité sous le nom de saint Bonaventure, est le grand docteur de l'aspiration depuis le XIII°siècle. Elle tient une grande place dans la mystique carmélitaine, et notamment chez le contemporain de Quiroga, Jean de Saint-Samson.

402 "... car à où est l'amour, là se porte le regard."

403 "La théologie mystique est une conversation très secrète avec Dieu, et qui ne se fait pas par reflet ni par images des créatures. Elle a lieu lorsque l'esprit dépasse toutes les créatures et se dépasse lui-même, et qu'il se repose des actes de toutes ses capacités d'appréhender quelque chose de créé, dans le désir de voir et de tenir celui-là même qui est au-dessus de tout, attendant dans la ténèbre de la privation de toute compréhension actuelle que l'objet de son désir se manifeste, pour autant que celui-ci verra que cela convient à la dignité et à la capacité du désirant."

404 "... par une volonté avide."

405 "Comme les réalités naturelles sont disposées selon la raison divine, c'est celle-ci que la raison humaine doit imiter."

406 "Incliner au bien universel appartient au premier moteur, auquel est proportionnée la fin dernière."

407 "La pensée qui vise Dieu directement, entraîne avec elle la volonté et l'unit à Dieu."

408 "... selon sa force propre."

409 "Il faut donc dire que la mesure selon laquelle la charité est donné, est la disposition liée à l'effort dans les oeuvres."

410 "Lorsque l'âme est mue par l'Esprit-Saint en une très haute contemplation, elle ne doit pas y introduire quelque chose de sa propre action, mais suivre la conduite de l'Esprit-Saint, quoiqu'elle ne fasse pas cela sans une véritable efficience et coopération."

411 "L'âme humble et adonnée aux exercices de la contemplation, doit toujours se soumettre au divin rayon de lumière, se prêtant constamment aux attractions et aux appels de l'Esprit, car celui-ci souffle quand il veut et où il veut."

412 "L'esprit humain doit se soumettre aux motions de l'Esprit, et toujours s'y adapter avec soin. Il faut accepter la direction et l'impulsion selon lesquelles l'Esprit voudra diriger l'âme de celui qui prie."

413 "Celui qui repousse la grâce du créateur ne recevra jamais les dons spirituels. Repousser et ne pas vouloir accepter humblement l'appel de Dieu, ce n'est rien d'autre qu'assécher les sources de la grâce et boucher à son préjudice l'entrée de la dévotion intérieure, c'est appeler puissamment contre soi la colère de Dieu. C'est pourquoi il disait : “il est terrible pour lui, celui qui enlève l'esprit”, et saint Paul : “n'éteignez pas l'Esprit”. Et il est dit aussi ailleurs : “Quand l'Esprit puissant viendra sur toi, laisse-lui la place.”"

414 "Lorsque l'âme est abstraite des réalités corporelles, elle se trouve plus apte à percevoir l'action des substances spirituelles."

415 "Ainsi une sorte de mouvement circulaire vient de ce que le désir de la lumière croît avec la lumière ; et la lumière croît avec l'augmentation du désir."

416 "Comme la volonté tient lieu de premier moteur par rapport aux forces de l'âme, son acte commande celui des autres forces en se portant à sa fin dernière, et elle se sert d'elles pour l'atteindre."

417 "Le supérieur possède parfaitement et totalement ce qui est possédé imparfaitement et en particulier par l'inférieur."

418 "Pour ce qui est de la matière, l'augmentation de la charité vient de ce que la nature qui la reçoit est de plus en plus prête à accueillir la grâce en se rassemblant de la multiplicité à l'unité. Et c'est pourquoi Denys indique toujours la perfection de la sainteté en ce que la vie dispersée s'y ramène à l'unité."

419 "La charité est forme des vertus, et elle conduit tous leurs actes à sa propre fin, en ce que son objet est la fin dernière."

420 "La vertu qui ordonne l'homme au bien en tant qu'il est mû par la motion divine et non par la raison humaine, ne peut pas venir des actes humains, dont le principe est la raison, mais seulement de l'opération divine en nous."

421 "Ainsi les dons divins nous seront-ils donnés."

422 "L'investigation de la raison n'aurait aucun effet si elle ne conduisait pas à la vérité intelligible et à la simple pureté."

423 Nous traduisons "ponderación" par "réflexion" ; elle correspond chez saint Bernard à la consideratio aestimativa, ... scrutans et ponderans ad vestigandum Deum. Elle prend place entre la consideratio dispensativa (le "discours" de Quiroga) et la consideratio speculativa (celle qui porte directement sur son objet, l'"attention simple" de Quiroga.)

424 "Celui qui veut s'adonner à la contemplation de la vérité, il lui faut apprendre à se reposer non seulement de ses oeuvres, mais également de ses pensées. Il y en a beaucoup, assurément, qui savent se reposer quant au corps, mais qui sont incapables de le faire quant au coeur, ne sachant pas observer le sabbat du sabbat."

425 "Quel aveuglement et quelle folie ..."

426 "Par la volonté, le concept de l'esprit est ordonné à un autre que lui-même. Mais quand l'esprit se met à considérer ce qu'il est en train de faire, celui qui fait ainsi se parle à lui-même, et le concept de son esprit s'appelle alors “parole intérieure”."

427 "Il n'est pas possible que le rayon divin resplendisse pour nous autrement qu'enveloppé anagogiquement de la variété des voiles sacrés, et à travers la préparation adaptée qu'opère de par la providence paternelle les choses qui nous sont connaturelles."

428 "Denys parle du début de la révélation des réalités divines, alors qu'elles nous sont proposées en quelque sorte par un discours, à travers des signes et des figures ; mais ensuite, l'esprit est illuminé au sujet de ce qu'il a entendu, par la foi et par le don d'intelligence."

429 "... pour nous conduire des réalités sensibles aux intellectuelles, et des figures symboliques sacrées aux sommets simples des hiérarchies célestes.".

430 "... établi hors de tout sens et uni à la vérité surnaturelle."

431 "... estimant que les formes visibles sont des images de la beauté invisible, que les saveurs sensibles sont des figures de leur diffusion invisible, et que les lumières matérielles sont image de la splendeur immatérielle."

432 "... toutes les lumières divines, ainsi que les sons et les discours célestes."

433 "... cette abondance conduisant par la main de la multiplicité et de la dispersion, à la connaissance ferme et assurée de Dieu."

434 "... par la similitude de réalités privées de forme corporelle."

435 "... mais par des communications intelligibles, ce qui est propre aux anges."

436 "... par la transformation des voyants en la réalité divine."

437 "... car par cette vision, les voyants sont transformés en les réalités divines qu'ils vont connaître."

438 "... grâce à l'illumination, [Dieu] révèle en quelque sorte par cette vision les réalités divines aux voyants, saintement transformés par ces réalités mêmes."

439 "... non seulement parce qu'elles manifestent les réalités divines aux voyants, mais parce qu'elle les rend eux-mêmes divins."

440 "... leur donnant la sainteté."

441 "... car toute l'opération intérieure du diable porte sur l'imagination et l'appétit sensible."

442 "Lorsque notre âme, une fois conformée à Dieu, pénètre les réalités divines, non pas par les yeux du corps, mais par la foi, alors la lumière divine inaccessible et inconnue s'unit et se communique à nous."

443 "La connaissance sous un mode universel est imparfaite."

444 "... afin qu'ils soient conduits à la connaissance des choses."

445 ... selon quelque similitude intelligible, laquelle est parfois immédiatement imprimée, et parfois résulte des formes imaginées à l'aide de cete lumière."

446 "Il est clair que connaître une chose qui en contient plusieurs autres sans avoir la connaissance propre à chacune de celles-ci, c'est la connaître sous une certaine confusion."

447 "Le don de sagesse provoque une certaine contemplation déiforme et en quelque sorte explicite des articles de la foi, lesquels se trouvent en quelque sorte enveloppés par la foi selon son mode humain."

448 "Grâce à une certaine lumière spirituelle divinement versée en l'esprit humain, laquelle était comme une similitude expresse de la lumière incréée, il voyait Dieu."

449 "Et quoique, ici-bas, les immissions de ce genre nous soient ineffables et inconnues, elles ont quand même lieu pour certains hommes, mais pour ceux-là seuls qui sont trouvés dignes des anges mêmes et qui sont déiformes."

450 Saint Jean de la Croix dirait plutôt "union de transformation".

451 "La lumière prophétique est perçue avec davantage de force lorsque les réalités prophétiques sont montrées selon une similitude plus expresse."

452 "Elles ne figurent pas la similitude divine à travers les formes de fictions pieuses et imagées, mais en tant qu'elles approchent Dieu véritablement."

453 "En effet, cette union des esprits divinisés à la lumière suprême se fait dans le repos de toute opération intellectuelle."

454 "Nous te ferons des colliers d'or entrelacés d'argent."

455 "L'intellect ne peut pas s'exercer autrement qu'actué par quelque similitude de la chose intelligée, par laquelle il est informé pour cette intellection."

456 "Nos théologiens ont préféré l'ascension par négations, parce qu'elle élève l'âme au-dessus des réalités qui lui sont connaturelles, et traverse toutes les intellections divines, dont est séparé ce qui est au-dessus de tout nom, de toute raison et de toute connaissance se trouve séparé. Finalement, ces négations l'unissent à Dieu, pour autant qu'il nous soit possible de lui être uni."

457 "... car dans les conditions de cette vie, la connaissance humaine est parfaite lorsque nous saisissons Dieu séparé de toute réalité, au dessus de tout être ; et Moïse est parvenu à cela, lui dont on dit qu'il est entré dans la ténèbre en laquelle Dieu se tenait."

458 "C'est là voir et connaître Dieu véritablement et louer de façon super-substantielle celui qui est super-substantiel, que d'en retrancher tous les existants, comme le font ceux qui fabriquent une statue selon nature, manifestant sa beauté cachée grâce à cette seule action de retrancher."

459 "Leur principal souci et leur application consistent désormais à surtout s'attacher à Dieu."

460 "... en tant que notre intelligence même participe aux réalités divines, c'est-à-dire en tant qu'elle participe à la force intellectuelle et à la lumière de la sagesse divine."

461 "Chaque fois que nous sommes placés super-intellectuellement en la lumière divine, il nous faut retrancher nos opérations intellectuelles, comme saint Denys l'enseigne, ainsi que les similitudes des créatures ; en effet, les opérations intellectuelles et les formes sont des ombres et des obstacles pour l'exercice super-intellectuel."

462 "L'intellection est une sorte de passion."

463 "De même que l'intellect possible pâtit dans la connaissance naturelle du fait de la lumière de l'intellect agent, l'intellect humain pâtit du fait de l'illumination de la lumière divine dans la connaissance surnaturelle."

464 "... non seulement apprenant, mais pâtissant les réalités divines par une certaine inspiration de science."

465 "Il faut considérer que si la force qui est au principe d'une action est mue par une autre force qui lui est supérieure, l'opération qui en procède n'est pas seulement une action, mais aussi une passion, en tant qu'elle procède d'une force mue par une autre plus haute."

466 "... de clarté en clarté, comme par l'Esprit du Seigneur."

467 "... mais les formes qui proviennent de l'agent surnaturel qu'est Dieu, excèdent la faculté de la nature qui les reçoit."

468 "... lorsqu'a lieu cette union des esprits mûs par l'illumination divine avec la lumière divine, une fois suspendue toute action de l'esprit."

469 "Cette infusion de lumière incorporelle ne peut être reçue en même temps que des images de choses corporelles, car tant que des réalités visibles sont pensées, la lumière invisible n'est pas admise en l'esprit."

470 "Car cette illumination a lieu au-dessus de la privation de la connaissance et compréhension actuelle, laquelle est la disposition prochaine pour recevoir la lumière plus que lumineuse."

471 "... mettant au repos nos opérations intellectuelles, nous entrons pour autant qu'il est permis dans la lumière supersubstancielle."

472 "Aucune action ne peut durer longtemps en son sommet".

473 "Or, le sommet de la contemplation est qu'elle atteigne l'égalité de la contemplation divine. C'est pourquoi, si elle ne peut pas durer longtemps quant à cela, elle le peut cependant quant aux autres actes de contemplation."

474 "C'est pourquoi nous pouvons demeurer de façon continue dans les oeuvres de ce genre."

475 "Le souverain bien n'est pas incommunicable, il se manifeste au contraire avec bienveillance à chaque existant, faisant briller sur lui d'une façon qui lui est proportionnée, le rayon supersubstantiel qui demeure de façon unique en lui-même ; et il élève les âmes saintes, à la mesure de leur possibilité, à sa contemplation, à sa communication et à son assimilation, lorsque, comme il est permis et comme il convient aux saints, elles s'y disposent, sans s'abaisser en se soumettant à quelque chose d'inférieur, s'élevant au contraire avec force et invariablement vers ce rayon plus que lumineux lui-même."

476 "Ce qui est porté par un élan divin vers les réalités d'en haut, ce qui n'habite en aucune chose basse, mais qui s'attache de toutes ses forces, avec fermeté et immobilité, à celui qui est véritablement le sommet, voilà ce qui reçoit sans aucun mouvement ni aucune matière la venue de Dieu."

477 "La continuation de l'action d'un agent en augmente l'effet, tout comme celui qui s'approche du feu plus longtemps se réchauffe davantage."

478 Dans tout ce passage, Quiroga joue sur le double sens de "continuación", à la fois "conjonction" et "continuité" : la continuité de la contemplation est liée à la conjonction de l'esprit qui l'exerce et de Dieu.

479 "... non pas en quelque mouvement, mais en intellection."

480 "... lorsque l'âme parvient selon sa propriété, par la voie et l'ordre qui conviennent, à l'union qui est au-dessus de l'intellect."

481 "C'est là voir et connaître véritablement, et louer de façon super-substantielle celui qui est super-substantiel, que d'en retrancher tous les existants."

482 "La raison est en quelque sorte l'intellect voilé."

483 "Une chose est d'autant plus parfaitement saisie selon quelque similitude, que cette similitude est plus immatérielle et abstraite."

484 "Non pas en attirant cette Puissance qui est présente partout et nulle part, mais en nous livrant et nous unissant nous-mêmes à elle en de saintes mémoires et invocations."

485 Les "memorias", notices de la mémoire (nous traduisons parfois simplement "notices" dans ce chapitre et le suivant qui en traitent explicitement), se réfèrent au schéma anthropologique classique des mystiques, selon lequel la mémoire ne désigne pas seulement l'une des trois puissances supérieures de l'âme, mais aussi la zone intermédiaire entre puissances inférieures et supérieures, où sont comme emmagasinnées les données abstraites des sens. Cf. Max Huot de Longchamp, Lectures de Jean de la Croix, Paris, 1981, p. 49.

486 "... pour que l'oraison pure et sans forme se convertisse davantage en joie et s'approche davantage de Dieu, pour qu'elle aboutisse plus vite et obtienne plus efficacement."

487 "La parole mentale qui est en nous n'est pas autre chose qu'une espèce intelligible, ou l'opération même de celui qui intellige."

488 "Il s'agit bien d'une connaissance très divine de Dieu, que celle qui est connue par ignorance, selon une union qui se fait au-dessus de l'esprit."

489 "... de comprendre Dieu séparé de toute réalité et au-dessus de tout ce qui est."

490 "L'intellection par laquelle nous appréhendons les réalités divines, quoiqu'elle ne se mélange pas aux sens par voie d'appréhension, s'y mélange quand même par voie de jugement."

491 "... car l'intelligence, en tant qu'elle est un don, concerne l'intensité, alors que la sagesse concerne le jugement."

492 "... sont illuminés sur ce qu'il doivent faire par une simple vue de Dieu, sans avoir à le rechercher."

493 "... car par les opérations sensibles, la pureté de l'intellect est troublée de quelque manière."

494 "Là, je jouis simplement de tout mon esprit de l'abondance de tout bien."

495 "Il y a deux connaissance de Dieu, l'une de son amour, l'autre de sa perfection. Celui qui aura connu l'amour du Verbe pour lui, s'élèvera facilement à l'intelligence de Dieu."

496 "C'est un ordre contemplatif."

497 "Il ne contemplera pas seulement les symboles sacrés de son point de vue, mais par la science divine des réalités sacrées auxquelles il participe, il sera élevé à la communication divine d'une autre façon, au-dessus de celle du peuple saint."

498 "Selon la sainte tradition, nous sommes unis aux réalités mystiques au-dessus de toute opération intellectuelle : en effet, toutes les réalités divines qui nous sont révélées, nous sont connues à travers des participations, mais quelles qu'elles soient, elles sont au-dessus de notre esprit de par leur principe propre et leur situation, au-dessus de toute substance et connaissance. Et nous adhérons à Dieu par la suppression de toutes les opérations intellectuelles, ne voyant aucune substance qui soit comparable en quelque proportion à la cause séparée de toutes, et cela par un dépassement absolu."

499 "Car ce n'est pas non plus par les mêmes voies que nous, pour qui les perfections invisibles de Dieu se laissent voir à l'intelligence à travers les oeuvres qu'il a faites, que les anges parvenaient à la connaissance de la sagesse. Dès l'instant où ils furent créés, les anges jouissent de la vue du Verbe éternel par une sainte et pieuse contemplation et, regardant de cette hauteur les choses d'ici-bas à la lumière de ce qu'ils voient intérieurement, ils approuvent les actes justes et réprouvent les péchés." (Trad. Bibliothèque Augustinienne)

500 "De par la perfection de la grâce, l'homme en état d'innocence connaissait Dieu par inspiration intérieure en vertu d'une irradiation de la sagesse divine ; par là, il connaissait Dieu non pas à partir des créatures visibles, mais à partir d'une certaine similitude spirituelle imprimée en son esprit."

501 "La foi n'était pas en lui de telle sorte qu'il cherchât Dieu absent comme nous le faisons. En effet, il lui était plus présent par la lumière de la sagesse qu'il ne l'est pour nous, quoique ce ne fût pas autant qu'il l'est pour les bienheureux par la lumière de gloire."

502 "La lumière intelligible évacue toute erreur et ignorance de toutes les âmes où elle pénètre, et elle leur donne à toutes la sainte lumière, elle purifie leurs yeux intellectuels de l'impureté de l'ignorance qui les entoure, elle meut et délivre ceux qui sont enfermés dans toute la pesanteur des ténèbres."

503 "... en énigme, comme elle l'est en cette vie où nous sommes."

504 "... car en connaissant la lumière même de sa propre nature, qui est une similitude de la lumière incréée, il voyait Dieu."

505 "L'homme en l'état d'innocence n'avait pas besoin de ce moyen des créatures ; il avait cependant besoin d'un moyen qui est comme une espèce de la chose visée, car il voyait Dieu par quelque lumière spirituelle divinement émanée en l'esprit humain, et qui était comme une similitude expresse de la lumière incréée."

506 "... comme la lumière de l'aurore quand le soleil se lève et qu'il n'y a pas de nuages."

507 "Dieu inspirant intérieurement, ne montre pas son essence de telle sorte qu'on puisse la voir, mais quelque signe de son essence, c'est-à-dire quelque simillitude spirituelle de sa sagesse."

508 "Dieu s'entretenait avec eux en éclairant leurs esprits de son immuable vérité où leur intelligence connaît simultanément tout ce qui dans le temps ne se produit pas simultanément." (Trad. Bibliothèque Augustinienne)

509 "L'intelligence est cette force de l'âme qui est immédiatement soumise à Dieu, car elle atteint la vérité souveraine et véritablement immuable elle-même."

510 "La gloire du Seigneur semblait un feu ardent au sommet de la montagne."

511 "En effet, quand nous goûtons subtilement par la contemplation la saveur de la vérité infinie, nous percevons comme le sifflement de l'air délicat."

512 "Ce que nous connaissons de Dieu est vrai quand nous sentons pleinement que nous ne pouvons rien connaître de lui."

513 "Telle est la vie des Esséniens, que non seulement les hommes du commun, mais également les rois étaient remplis d'admiration devant eux, honorant la noblesse de cette vie de leurs approbations et de leurs éloges."

514 "En effet, ils pensaient que ceux qui s'abstiennent des noces suppriment la part la plus haute de la vie humaine, c'est-à-dire sa propagation."

515 "... pour que leurs esprits soient pleins de la lumière céleste, et que leur âme, totalement libre des sens et du poids des choses sensibles, recherche la vérité tout en vaquant aux occupations domestiques."

516 "Il allait à Dieu en esprit, puisant avec les yeux du coeur ce que la nature refuse aux regards humains."

517 "Je me tiendrai sur mes gardes, et je resterai debout sur le rempart, je contemplerai pour voir ce qui me sera dit."

518 "En règle générale, Dieu ne parle qu'à l'homme attentif et vigilant, recueilli de toute l'agitation des fantasmes."

519 "En ce silence du coeur, alors que nous veillons intérieurement par la contemplation, nous sommes extérieurement comme endormis."

520 "Nous les ôtons toutes pour connaître sans voiles cette ignorance voilée par tout ce que l'on connaît de tous les existants, et pour voir cette ténèbre super-substantielle et cachée par toute lumière venant des existants."

521 "Ta chambre, c'est la cachette et le secret de ton esprit. Entre dans cette chambre, c'est-à-dire sors du vestibule extérieur de ton corps, et entre entièrement dans les entrailles profondes de ton coeur, et ferme ta porte."

522 "... car la substance de l'âme, en tant que liée au corps, est appelée âme ; mais en tant qu'elle est séparable et qu'elle subsiste séparée, elle est appelée esprit."

523 "... selon cette répartition, l'âme et ce qui est animal reste en bas, mais l'esprit et ce qui est spirituel s'élance vers les hauteurs. Il est séparé des réalités inférieures pour être élevé vers les hauteurs ; il est séparé de l'âme pour être uni à Dieu, car celui qui s'attache à Dieu est un seul esprit avec lui."

524 "Une seule et même nuée donnait de la ténèbre en étant lumineuse, et donnait de la lumière en étant ténébreuse, car elle était lumineuse pour les réalités divines, et ténébreuse pour les réalités humaines."

525 "Nous, cependant, contemplant la gloire du Seigneur le visage découvert, nous sommes transformés en cette même image de clarté en clarté, comme par l'Esprit du Seigneur."

526 "L'esprit découvert, cela veut dire que notre intellect ne soit pas obscurci par les nuées des fantasmes, ce qui arrive à ceux qui ne veulent pas saisir les réalités spirituelles au-dessus des corporelles, ce par quoi nous sommes retenus dans notre ascension en Dieu."

527 "Du fait de l'obscurcissement de la lumière intellectuelle, l'homme est dit rationnel, car la raison est en quelque sorte l'intellect voilé."

528 "... la connaissance des réalités divines ne peut pas se faire par abstraction, mais par participation."

529 "Pour autant, il faut comprendre les réalités divines non pas selon nous, mais alors que nous sommes nous-mêmes établis hors de nous-mêmes et tout entier divinisés."

530 "Il donne d'abord une clarté mesurée, puis à ceux qui la goûtent et qui la désirent davantage, il se livre lui-même davantage et il leur donne sa lumière en surabondance, car ils ont beaucoup aimé."

531 "Rien ne m'a semblé préférable à ceci : les sens fermés, être établi hors de la chair et du monde, recueilli en soi-même, ne touchant aux choses humaines qu'autant que cela soit nécessaire, converser avec soi-même et avec Dieu, menant une vie supérieure aux choses qui tombent sous le regard, porter toujours en soi-même les pures espèces divines, sans aucune forme terrestre et vagabonde, être un miroir absolument pur de Dieu et des réalités divines, être transformé en la clarté du jour et recevoir la lumière par la lumière, c'est-à-dire celle qui est plus claire par celle qui est plus obscure, percevoir déjà en espérance le bien du monde à venir, converser avec les anges, et quoiqu'encore sur cette terre, ne plus être sur cette terre et habiter en esprit dans les hauteurs."

532 "Que les cieux se taisent, que l'âme elle-même se taise, qu'elle se dépasse en ne pensant pas à elle ; que se taisent les songes et les révélations imaginaires, que toute langue et tout mot se taise, et que Dieu seul parle, non pas par tout cela, mais par lui-même ; que nous entendions sa parole, que nous touchions en un éclair de la pensée la Sagesse éternelle qui demeure au-dessus de tout ; que toutes les autres visions d'un genre inférieur disparaissent, et que celle-ci seule ravisse celui qui l'attend, qu'elle l'absorbe et le cache dans les joies intérieures."

533 "Le rayon du soleil est une similitude expresse de la bonté divine."

534 "Elle est une exhalaison de la force de Dieu, et une certaine émanation authentique de la clarté toute-puissante de Dieu."

535 "L'origine de la grâce est par une infusion nuovelle, mais son augmentation vient de ce que l'acte infus passe de l'imperfection à la perfection."

536 "Nous sommes de la même façon cause de l'augmentation de grâce et cause de la grâce elle-même, c'est-à-dire seulement sur un mode dispositif ; mais dans les deux cas, l'efficience vient de Dieu même."

537 "Le Fils n'est pas envoyé en l'âme selon n'importe quelle perfection de l'intellect, mais selon cette information de l'intellect qui s'épanouit en affection d'amour."

538 "Il n'appartient qu'à Dieu de donner goût et affection de dévotion dans l'oraison, mais il appartient à l'homme de trouver la bonne façon de prier."

539 "... car le patient reçoit l'action de l'agent selon sa propre force, et non selon celle de l'agent lui-même."

540 "L'âme est éloignée de la familiarité divine même par les péchés véniels."

541 "Parfois, Dieu meut l'âme de façon si puissante, qu'elle en reçoit aussitôt quelque perfection de justice."

542 Quiroga emploie équivalemment ánimo, mente et spírito, souvent en référence aux auteurs qu'il est en train de commenter, pour désigner le sommet de l'âme ; l'usage français oblige à traduire uniformément par "esprit."

543 "Plus la clarté divine illumine chaque esprit, plus il le rend conforme à Dieu."

544 "... et il les réforme autant qu'il est possible selon sa beauté très divine, il en fait des portraits de Dieu, des miroirs très clairs et très purs qui reçoivent la lumière originelle et le rayon divin."

545 Passage obscur. Nous traduisons d'après l'idée générale de Denys dans le paragraphe cité.

546 "Il est nécessaire, tant à la pleine réalisation qu'à l'intention, que la qualité progresse de l'imparfait au parfait."

547 "... car aussi longtemps que l'homme ne parvient pas à la perfection en la vie active, il ne peut y avoir en lui de vie contemplative, si ce n'est selon un certain commencement imparfait."

548 "... car l'assomption de la science divine est purification, illumination et perfection."

549 "La charité qui est petite au début de la tentation, devient grande à la fin, car Dieu donne toujours son aide à celui qui combat."

550 "Du fait que se produit une certaine transformation de la partie sensitive, quelque perfection s'ensuit aussitôt en la partie intellective, et cela doit se comprendre quant aux habitus acquis."

551 "Comme l'âme est incorporelle, si elle reçoit quelque chose, ce n'est pas par un passage d'un contraire à l'autre, mais par une simple action de l'agent, comme l'air est iluminé par le soleil."

552 "C'est pourquoi, voici ce que dit le Seigneur Dieu des Armées, le Fort d'Israël : “Hélas, je me consolerai de mes ennemis et je me vengerai d'eux, je tournerai ma main vers toi, je purifierai par le feu tes scories, j'éliminerai de toi tout alliage, je rétablirai tes juges comme autrefois et tes conseillers comme par le passé ; après cela tu sera appelée cité juste, ville fidèle.”"

553 "Il y a dans l'âme l'union de l'amant et de l'aimé, mais il y a entre eux une triple séparation."

554 "La perfection de la vie chrétienne est exactement déterminée par la charité."

555 "La grâce est comme la perfection première des vertus, mais la charité en est la perfection prochaine."

556 "... elle confère la perfection en un sacrifice très divin, selon la perfection immuable des parfaits envers elle."

557 "L'agent, en effet, veut amener le patient de la puissance à l'acte de sa ressemblance."

558 "Celle qui m'est toute proche est toute belle."

559 "Celle qui est proche est belle, mais non pas encore toute belle ; celle qui est toute proche est toute belle."

560 "J'estime qu'il faut que ceux qui doivent être purifiés, doivent l'être totalement, et être libérés de tout mélange de dissimilitude."

561 "Rien ne peut se transformer en quelque chose d'autre sans se retirer d'une certaine manière de sa forme : en effet, il y a une forme pour chaque chose, et rien ne se retire de soi-même sans que soit supprimé ce qu'il contenait en soi, tout comme une chose naturelle ne perd pas sa forme sans que soient supprimées les dispositions par lesquelles la forme était retenue dans la matière. Aussi faut-il que soit enlevée de celui qui aime cette détermination qui le réduisait à ses limites propres."

562 "Ainsi l'âme est-elle rendue plus capable de recevoir l'acte de l'agent, comme l'air est d'autant plus capable de recevoir la lumière qu'il est devenu plus subtile."

563 "Dieu agit moyennant la force rationnelle appréhensive sur la force irascible motrice, dans des conditions tantôt consolantes, tantôt désolantes."

564 "Par la purification finale, les choses sont ramenées à la pureté en laquelle elles furent créées."

565 "Du fait que l'amour transforme l'amant en l'aimé, il fait entrer l'amant à l'intérieur de l'aimé, et inversement, pour que rien de l'aimé ne reste non uni à l'amant, tout comme la forme atteint l'intime de ce qui est formé et vice versa ; c'est pourquoi l'amant pénètre d'une certaine façon en l'aimé, et selon cela, l'amour est dit pénétrant."

566 "C'est pourquoi une autre division précède cette division de pénétration, par laquelle l'amant porté vers l'aimé est séparé de lui-même."

567 "Ainsi l'âme, même par sa nature, participe selon une certaine ressemblance à la nature divine, par une certaine régénération ou recréation."

568 "La grâce est la perfection de l'essence, et les vertus s'en écoulent de la façon dont des rayons différents procèdent d'un même corps lumineux."

569 "Et pour autant l'amour est dit pénétrant, et ce qui blesse et transperce est appelé “coup”."

570 "La grâce est une certaine ressemblance de la divinité participée en l'homme."

571 "Par le don de la grâce qui rend agréable à Dieu, la créature rationnelle est rendue parfaite en ce que librement, non seulement elle use de ce don créé, mais elle jouit aussi de la personne divine même."

572 "Mais envoyé hors de lui-même par sa désobéissance, il a perdu le lieu de son esprit, car égaré sur des chemins ténébreux, il s'est éloigné de la demeure de la vraie lumière."

573 "Comme ils ne peuvent plus se présenter à ce repos intime, ils l'imitent en eux-mêmes en s'appliquant à la tranquillité de l'esprit."

574 "Mon Bien-Aimé m'a introduite dans le cellier du vin, il a ordonné en moi la charité."

575 "Il faut que ceux qui doivent être illuminés soient remplis de la lumière divine pour acquérir l'habitude et la force de la contemplation, y parvenant par les yeux chastes et purs de l'esprit."

576 "... de telle sorte qu'ils aient l'habitude et la force de la contemplation grâce aux yeux chastes et purs de l'esprit : à savoir l'habitude par la pureté de l'esprit, et la force par la stabilité de la contemplation, afin de pouvoir contempler les réalités divines qu'ils saisissent véritablement et qu'ils retiennent avec constance."

577 "C'est pourquoi l'homme en son premier état, n'étaient pas empêché par les choses extérieures de contempler clairement et stablement les mystères intelligibles, qu'il percevait par une irradiation de la vérité première."

578 "Il faut oser dire en toute vérité que la cause même de toute chose sort d'elle-même de par l'abondance de sa bonté aimante."

579 "... le banquet divin et la bonté ineffable, auxquels les hommes saints aussi ont souvent participé par les visites divinisantes des illuminations divines."



580 En triple sous : !MY-x1 /17e s A / ACARIE… /Doc2

581 En triple sous : … / Agnès de Jésus Maria (de Bellefonds, carmélite) /Doc13

582 DS 12.2854/56 - P. Sérouet, Jean de Brétigny (1556-1634), Aux origines du Carmel de France, de Belgique et du Congo, Louvain, 1974 = Doc1 ; Quintanadueñas, Lettres de Jean de Brétigny, par P. Sérouet, Louvain, 1971 ; Compagnot, La vie du Vén. Jean de Quintanadoine..., ms. (copie XVIIIe siècle), Clamart [souvent cité par P. Sérouet, Jean…, v. note 1, p.13, etc.].

583 P. Sérouet, Jean…, p.4, 15.

584 Ibid., p. 20.

585 Compagnot cité, Ibid., p.10.

586 Ibid., p. 42.

587 Ibid., p. 44.

588 Compagnot cité, Ibid., p. 45. La cousine l’avait appelé « padre de putas » ! 

589 Ibid., p. 60.

590 Ibid., p. 98.

591 Ibid., p. 148.

592 Ibid., p. 149, 153, 157.

593 Ibid., p. 178.

594 Ibid., Mère Marie de la Trinité, citée p. 181.

595 Ibid., p. 197, 205, 215, 217.

596 Ibid., lettre cit. p. 325.

597 DS 6.75/79 (Dodin), que nous citons ; Discours de M. Gallemant… Toulouse 1835 (28 pages que l’on retrouve au début du ms. Clamart 4 A 51, ainsi que dans Le Trésor du Carmel…, 1879 ; La Vie du V. prêtre de Jésus-Christ M. Jacques Gallemant… par le R.P. Placide Gallemant, Paris, 1653.

598 La vie…, op.cit., « Section I, Ses vues lumineuses des choses cachées », p. 270/1.

599 DS 3.1857/62 (Dodin) ; La Vie de Mr. André Duval, prêtre…, par Robert Duval son neveu, ms. [non daté, écriture du XVIIe s.], 196 pages.

600 Les témoignages du procès informatif, disponibles au carmel de Pontoise, sont cités ici par le nom du témoin suivi du numéro de folio ou de la page relatif au ms. correspondant. Nous nous limitons à moderniser l’orthographe et à introduire une ponctuation conforme aux habitudes modernes. – Voir aussi les Communications à l’Association des Amis de Madame Acarie, 55 rue Pierre Butin, 95 300 Pontoise ; Ph. Bonnichon, Madame Acarie, Une petite voie à l’aube du grand siècle, Carmel Vivant, Toulouse, 2002 ; Madame Acarie, Ecrits spirituels, présentation par Bernard Sesé, Arfuyen, 2004.

601 La Vie Admirable de sœur Marie de L’Incarnation, religieuse converse en l’ordre de Notre Dame du mont Carmel , et fondatrice d’iceluy en France, appelée au monde la Damoiselle Acarie, par M. André Du Val, Docteur en Théologie, l’un des supérieurs dudit ordre en France, 3e édition revue et augmentée, Paris, 1621 =Doc2. [Epitre, Avertissement au lecteur, Approbation, Privilège, Portrait, (1-807) La Vie [en trois parties dont biographie 1-429 à laquelle fait suite les vertus…] ; Vie de la Bienheureuse sœur Marie de L’Incarnation, … par J. B. A. Boucher, Paris, 1800. [xxviii +570 p. En préface, intéressante histoire des Vies écrites dont se détache Duval] ; DS 10.486/87.

602 Marguerite du Saint-Sacrement, 521.

603 Ibid., 538.

604 Sœur Anne-Thérèse, « L’amitié spirituelle de Fr de Sales…», comm. du 14 avril 2002 à l’Association des Amis de Madame Acarie (Pontoise), cite le P. Duval : « Pour ce qui est des visions et des révélations qui lui arrivaient pendant ses extases, on n’en a rien pu savoir, bien qu’elle en ait eu de grandes qu’elle appelait « vues de l’esprit » plutôt que « visions »… ».

605 R. Coté, Vivre en présence de Dieu… », comm. du 27 avril 2003 à l’Association des Amis de Madame Acarie (Pontoise). 

606 Marguerite du Saint-Sacrement, 426.

607 Agnès de Jésus - des Lyons, 52.

608 H. Bremond, Histoire… , II « L’Invasion mystique » : v. chap. IV, §1. Madame Acarie…, §2. Jean de Quintanadoine…, §3. Madeleine de Saint-Joseph…, p. 193-330 : les trois figures clef sont cernées avec justesse ; S.-M. Morgain, Pierre de Bérulle et les carmélites de France, Cerf, 1995 : v. chap. 3 « Les négociations » & chap. 4 « le voyage d’Espagne ».

609 Morgain, op.cit., p. 84. 

610 Sa déposition pour le procès de béatification de Marie de l’Incarnation, ms. Clamart, p.6.

611 Ibid., p.63.

612 Présentation particulièrement vivante du cadre par M. Huot de Longchamp: « Paris, carrefour mystique autour de 1610 », Mélanges carmélitains, vol. 2, 2004, p. 222-242.

613 v. Gosselin, Carmel de Beaune, p. 11 (ainsi que sur le P. Pacifique), et p. 14 (rapports avec Bérulle).

614 DS 7.2055/57 (Sérouet) ; Françoise de Sainte-Thérèse, La vie de la vénérable Mère Isabelle des Anges, Paris, 1658 ; Pierre de la Croix, “Une carmélite espagnole en France: la M. Isa­belle des Anges. Lettres inédites... (1606-1614)”, dans Ephemerides carmeliticae 9 (1958), 196-221.

615 Obras completas de Ana de San Bartolomé, Teresianum, Roma, 1981 &1985, vol I, « I. Escritos historico-autobiograficos », p. 171 sv. – Nous donnons la traduction par sœur Thérèse du début du récit jusqu’à l’arrivée à Paris ; le récit complet comprend 37 paragraphes numérotés.

616 « Le voyage d’Espagne, écrit de la main de la Vénérable Mère Louise de Jésus [Madame Jourdain]  … », Carmel, 1960 (II, III, IV) & 1961 (I, II). =Doc3

617 Plus exactement sainte Thérèse fonda le carmel de saint Joseph, à Avila le 24 août 1562 et le massacre de la saint Barthélemy eut lieu le 24 août 1572, soit 10 ans après.

618 Jean de Brétigny (1556-1634) travailla beaucoup à la venue de carmélites espagnoles en France. Après plusieurs échecs (1585, 1593-1594), il traduisit lui-même les œuvres de sainte Thérèse en français avec l’aide du Prieur de la chartreuse de Bourgfontaine.

619 Il s’agit de Mme du Pucheuil, Madame Jourdain et Rose Lesgu.

620 René Gaultier(1560-1638) avocat du Roi en son Grand Conseil.

621 Sœur Catherine du Christ ( Muñico) sœur converse, professe d’Avila, grande amie de S. Anne de Saint Barthélemy.

622 François de la Mère de Dieu.

623 29 août 1604.

624 Anne de saint Barthélemy elle-même.

625 Michel de saint Firmin et François du Très saint Sacrement firent le voyage jusqu’à Paris.

626 Jean de Brétigny et Pierre de Bérulle.

627 René Gaultier.

628 Madame du Pucheuil, Madame Jourdain et Rose Lesgu.

629 Anne de Jésus, Isabelle des Anges, Béatrice de la Conception, Isabelle de saint Paul, Eléonore de saint Bernard et Anne de saint Barthélemy, sœur converse.

630 Les trois sœurs venues de Salamanque : Anne de Jésus, Isabelle des Anges et Béatrice de la Conception dont les noms étaient écrit sur l’autorisation du Père Général.

631 En France et en Belgique où Anne de Jésus avait fondé Bruxelles en 1607

632 G. Gibieuf, Vie de la Mère Magdelaine de S. Joseph, ms. à Clamart ; La Vie de la Mère Magdelaine de S. Joseph…, par un prêtre de l’Oratoire [les P. Gibieuf et J.- F. Senault], Paris, veuve Jean Camusat et Pierre Le Petit, 1645 ; cette première source, reprise et augmentée devient : La vie de la Mère Magdeleine de S. Joseph, religieuse carmélite […] / Par un prêtre de l’Oratoire de Jésus-Christ N.S., [Senault], nouvelle édition revue et augmentée [par le P. Talon], Paris, chez Pierre Le Petit, 1670. =Doc4 et Doc4b [attention sœur Odile - Doc4b - utilise l’édition 1645 que nous n’avons pas photographiée]

633 Brouillons des pièces pour le procès & Dépositions des carmélites , mss. à Clamart ; Summarium du procès, 1655, imprimé à Rome, 1782 & 1785. 

634 [Louise de Jésus], La Vénérable Madeleine de Saint-Joseph, première prieure française du premier monastère des Carmélites Déchaussées en France (1578-1637), Carmel de l’Incarnation (Clamart), 1935 [ouvrage essentiel, non photographié, disponible bibliothèque de Max] ; J.-B. Eriau, La Vénérable Madeleine de Saint-Joseph. Essais sur sa vie et ses écrits, Paris, 1921. [voir aussi de ce dernier : L’ancien carmel du faubourg Saint-Jacques, 1604-1792, Paris, 1929, ch. 16] ; Th. Bailloud, Sillages de foi, Blois, 1966 [sur les Dubays de Fontaines] ; DS 10.57/60, 1977 (art. « Madeleine de Saint-Joseph » par P. Serouet) ; Madeleine de Saint-Joseph ou l’accomplissement d’une vocation, Stéphane-Marie du Cœur de Jésus [Morgain], mémoire de licence, Univ. de Fribourg, 1987 ; « Mère Madeleine de Saint-Joseph », Vives Flammes, mai 1987 ; « Mère Madeleine … Inculturation et expansion du Carmel en France”, Carmel, juin 2004.

635 Avis de la vénérable Mère Madeleine de S. Joseph, pour la conduite des novices, suivi de Petite Instruction…, Paris, de l’Imprimerie d’Antoine Vitré, 1672 ; voir aussi  le ms. à Clamart des Avis… ; Elévations au Fils de Dieu, sur toutes les Evangiles des Dimanches, Carêmes, Quatre-temps et Fêtes de l’année…, et Retraite, 1684 =Doc5 ; Recueil de plusieurs paroles et sentiments de piété sur les Mystères du Fils de Dieu, tirées de la Vie…, suivi de Recueil de quelques avis, suivi de Applications… sur notre bienheureuse mère [Thérèse] & d’autres textes, Aix, 1689 ; Petite instruction…, ms. Clamart, réf. : “ M.S.J./R n°4 ” [d’une écriture ancienne du 17e siècle ; Louise de Jésus marque d’un “M” rouge ce qu’elle pense être de Madeleine]. – Correspondance =Doc6

636 Louise de Jésus citant Talon, p. 204.

637 Talon, p. 149 ; Louise de Jésus, p. 208.

638 Louise de Jésus, p. 212.

639 Louise de Jésus, p. 230-231, qui la distingue de la grande amie de Madeleine de Saint-Joseph, Marie de Jésus de Bréauté.

640 Louise de Jésus, p. 290.

641 Ibid., p. 303, 328.

642 Ibid., p. 276.

643 Louise de Jésus, p. 277 citant Agnès de Jésus- Maria, dép. min. A, p. 85.

644 Elévations, éd. 1684, p. 40-41.

645 Ibid., p. 254-255.

646 Ibid., p. 323.

647 Citations relevées chez Louise de Jésus, op. cit., Ch. XVII, « …au milieu de ses filles » , p. 365, 369, 386.

648 Ibid., Ch. XVIII : p. 394-395, 411, 417-418.

649 Ibid., Ch. XIX, p. 438. Louise de Jésus cite un « dit » de Madeleine.

650 Cette instruction est certainement de Madeleine, contenue à la fois dans le ms. « Petite instruction… » et dans l’imprimé Elévations…,1684. Ce dernier gomme subtilement ce qui traduit une expérience personnelle. Nous reproduisons quelques extraits, pages 293- 296 du manuscrit.

651 [Madeleine de Saint-Joseph], La vie de sœur Catherine de Jésus, religieuse de l’Ordre de nostre Dame du Mont-Carmel […] decedée à Paris le dix-neuviesme fevrier 1623, Paris, chez Edme Martin, 1624 ; Toulouse, chez Jean Boude, 1625 ; Paris, 1626, 1628 ; Paris, chez Fiacre Dehors, 1631 ; Paris, chez Pierre Le Petit, 1656 ; J.-B. Eriau, Une mystique du XVIIe siècle, sœur Catherine de Jésus, Carmélite (1589-1623), Paris, Desclée, 1929, Introduction, I-XVI, réimpression de La Vie… d’après l’édition de 1656.

652 Eriau, op. cit., p. 43 « La vie ».

653 Ibid., p. 125, 135, 152, « Recueil des pieux écrits et lettres… »

654 Ibid., p.176.

655 Ibid., p.180, « Autres lettres ajoutées… »

656 Ibid., p.193, « Autres lettres ajoutées », « Préface sur les assistances intérieures et extérieures… ».

657 Carmel, 1962, II, “Aux origines du Carmel de France, Mère Marie de Jésus, marquise de Bréauté”, 125-147. - Marie de Jésus de Bréauté (1579-1652) ne doit pas être confondue avec Marie-Madeleine de Jésus de Bains (1598-1679), qui sera prieure durant quelques vingt années, v. tableau I).

658 Lettres de la Révérende Mère Marie de Jésus, seconde prieure française de ce premier monastère de l’Incarnation à Paris, copiées en 1872 d’un ancien ms. des Carmes du couvent de Santa Maria della Vittoria à Rome, p. 163.

659 Ibid., p. 6.

660 Ibid., p. 65, Lettre 37.

661 Ibid., p. 93, Lettre 2 à une Sous-prieure.

662 Ibid., p. 95, Lettre 1re à une religieuse témoignant sur Madeleine de Saint-Joseph.

663 Ibid., p. 148, Lettre 3e à M. le duc de Villeroy son neveu.

664 Ibid., p. 177/9, Lettre 3e à Mlle de M. 

665 Ibid., p.186/7, Lettre 6e à la même.

666 Ms. Clamart, 3A2, p. 385. Il vaudrait d’être réédité. Au verso de la couverture : « I, Vie de la Mère Marie de Jésus de Bréauté, II (p.180), Vie de la Mère Agnès de Jésus Maria (de Bellefonds), III, (p.195), Vie de la Mère Madeleine de Jésus de Bains ». =Doc7

667 Ms. Clamart, Lettres d'Epernon…, f°3r°, 4e lettre.

668 v. J.Roland-Gosselin, Le Carmel de Beaune, 1969 - Ce très beau travail apporte beaucoup d’informations débordant le cadre de ce carmel, en particulier par ses citations et dans ses notes - L’attitude « prudente » de Marie de Jésus de Bréauté est indiquée p. 307.

669 La Vie de sœur Marguerite du S. Sacrement… [par Denis Amelote], Paris, 1655. (744 pages).

670 Depuis le Mémoire sur la fondation, le gouvernement et l’observance des carmélites déchaussées, 2 tomes, Reims, 1894, base toujours utile résumée par Bremond, juqu’à Morgain, op.cit.

671 Morgain, op.cit., p.148.

672 Morgain, op.cit., p.187.

673« …lors de la fondation du carmel de Dijon, la mère Anne rompit entre ses doigts une des fleurs de lys qui ornaient la grille du chœur parce qu’elle gênait la vue de l’autel. Cet incident, interprété comme hostile à la France, nécessita l’intervention du Parlement. » (Morgain, op.cit., p. 189).

674 Son Autobiographia A, p. 343 ss., parle de ses difficultés avec Bérulle : « Cette première année terminée, le démon, père des zizanies, dressa contre moi le cœur des supérieurs, qui jusque là m’aimaient extrêmement ». Cité par Morgain, p. 198, qui décrit ainsi son isolement au sein même du couvent : « Progressivement les carmélites françaises apprennent à se défier de leur prieure … la consigne est sévère. « Ne traitez pas de vos âmes avec la Mère, son esprit n’est pas fait pour vous … » … Par prudence, Pierre de Bérulle refuse à Anne de Saint-Barthélémy, malgré ses protestations, de lui trouver un autre confesseur que lui-même. L’angoisse de la pauvre prieure augmente chaque jour » . « Sa décision est prise de passer en Flandre. Le Christ lui apparaît alors et lui dit : « Ne crains personne, je suis là, je t’aiderai. Reviens au Carmel. » La sentence est rude. » (p. 209).

675 Il faut sauver les rares volumes anonymes qui survécurent à des tris successifs, tel celui qui eut lieu au début du siècle dernier au carmel de Paris / Belgique/ Clamart : d’une trentaine de tels « livres », un ou deux ont été conservés comme « exemples » (comm. s. Thèrèse).

676 Ms. à Clamart 7A1, comportant 701 pages manuscrites, à l’exception de l’Association au saint Amour qui en forme le titre et le seul imprimé, paginé 1-34. Ces livres très personnels se transmettaient en passant de carmélite en carmélite (comm. de s. Thérèse). La citation qui suit, p.530-531, est d’une une main tardive, probablement du XVIIIe siècle.

677 J.-B. Eriau, L’Ancien Carmel du Faubourg Saint-Jacques 1604-1792, 389 sv.

678 Le Directeur Mystique, 1726 ; premier volume de la Correspondance active et passive de Madame Guyon, Champion, 2003.

679 Passages cités par auteur dans les trois volumes des Justifications assemblés par Madame Guyon, aidée par Fénelon : 293 pour Jean de la Croix (qui sera canonisé en 1726 ; ces « passages » sont de plus particulièrement longs), 241 pour Jean de Saint Samson, le maître de Maur de l’Enfant-Jésus, 156 pour Catherine de Gênes, 117 pour Thérèse, 100 pour Denys (le garant de la tradition chrétienne la plus ancienne aux yeux de la majorité des auteurs du XVIIe siècle), etc.  : les trois principaux auteurs du Carmel représentent à eux seuls 40% de l’ensemble des passages pour 76 auteurs cités.

680 Jean de la Croix, Œuvres complètes, Cerf, 2001, v. préface (p.7) et présentation (p. 26, etc.) par D. Poirot de la traduction de Marie du Saint-Sacrement.

681 Morgain, op.cit., p.196.

682 [E] : Madame Acarie, Ecrits spirituels, prés. B. Sesé, Arfuyen, 2004.

683 [v] : Ph. Bonnichon, Madame Acarie, Une petite voie à l’aube du grand siècle, Carmel Vivant, Toulouse, 2002.

684 C. Renoux, « Madame Acarie « lit » Thérèse d’Avila… », Actes du colloque de Lyon (25-26 septembre 1997), Cerf.

685 Mère Marie du Saint-Sacrement – de St Leu, 217. =Doc8 [compilation des diverses saisies faites au carmel de Pontoise ; les nos de pages sont ceux portés dans les saisies]

686 A.Duval, La Vie admirable…, Paris, 1893, p. 353.

687 Marie de Saint-Joseph – Castellet, 398. – Nombreux témoignages parallèles.

688 Seguier -, 830.

689 Marie de Saint-Ursule – Amiens, 447.

690 Marguerite de St Joseph, 59.

691 Marie du St Sacrement - de St Leu, 184 ; nombreux témoignages parallèles dont Marie de Saint-Joseph - Fournier, 103.

692 Père Etienne Binet, 65.

693 Père Pierre Coton, 62.

694 Nous donnons dorénavant les noms des déposants à la fin de leurs témoignages.

695 Témoignage parallèle illustrant les « échanges d’inspiration » fréquents lors de dépositions dans des communautés : « Elle ne parlait jamais en la Communauté en laquelle elle se plaisait grandement des choses de Dieu, Mais elle écoutait seulement sans s'avancer d'en rien dire. Et si quelques fois notre Mère lui demandait son avis sur les sujets dont on traitait, ne faisant point paraître que cela vint d'elle, elle disait : « nous avons ouï dire ou ceci ou cela, et encore c'était en trois ou quatre mots ». Ce qui servait de grande édification aux Sœurs qui l'écoutaient et son humble silence nous instruisait plus que n'eût fait sa parole, et ne pouvions converser avec elle sans rentrer en nous-mêmes et reconnaître combien nous étions éloignées de son humilité. » (Marie de Saint-Ursule – Amiens).

696 J.H. Houdret, « Madame Acarie, un abîme d’humilité », comm. du 5 novembre 2000 à l’AAA.

697 Sœur Marie du St Sacrement, de Marillac (Pontoise) P.A. témoin 102, f° 727 cité par J.H. Houdret, op .cit. – Absent de notre fichier « Dépositions Acarie.doc ».

698 « Au lieu d’un monastère de pauvres repenties qui l’appelaient leur père, comme lui reprochait sa cousine [la cousine l’avait appelé « padre de putas » !] et de cinquante enfants que lui souhaitait sa tante, Dieu avait voulu que les religieuses de plus de cinquante monastères … l’appelassent leur père… » Compagnot, La vie du Vén. Jean de Quintanadoine..., ms. (copie XVIIIe siècle), Clamart, p. 45.

699 Sœur Anne-Thérèse, op.cit.

700 "Du révérend père Gibieuf, prêtre de la Congrégation de L'oratoire de Jésus et premier supérieure des Carmélites qui sont en France", (13 pages grand format serrées ; extraits de la section "A", page 4 - 5 numéros en marge) 

701 "Déposition de Mademoiselle des Rochers [Nicole Bourgoing] sur la vie et les moeurs de notre bienheureuse mère Madeleine de Saint-Joseph qu'elle a connue dès devant qu'elle fut religieuse, ayant même demeuré quelques années avec elle". (extrait pages 4-5).

702 « Déposition du R. P. Le Jeune Jésuite qui a été supérieur de leur compagnie en Canada ». (5 pages)

703 « 2 cahiers 24 et 8 pages notes et fragments ». Sur un papier séparé, et probablement de sœur Louise de Jésus, biographe de mère Madeleine : « Le tout petit cahier pourrait être des souvenirs de la mère Catherine du Saint Esprit de Fontaine. Ce sont ses expressions et sa manière de dire, et son orthographe mais non son écriture ». . Nous transcrivons entièrement ce « tout petit cahier », beaucoup plus intime.

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