José de Jésus Maria Quiroga (1562-1628), carme, est un des disciples
de la première génération qui succède à celle de Jean de la Croix (1542-1591). Il
fut nommé dès 1597 premier archiviste “historiador” de l’Ordre naissant des
Déchaussés. Chargé d’écrire une relation de la vie de leur fondateur, il débute
rapidement son enquête.
Lorsqu’il publie sans autorisation en 1628 son grand travail,
une Vida y virtudes del Venerable P.F.
Juan de la Cruz achevée depuis quelques années, mais qui met en cause le renom de l’Ordre, Quiroga est
destitué. “Exilé” à Cuenca[1], il meurt la même
année. Des confrères carmes seront chargés à leur tour de rendre compte à
nouveau de la vie de San Juan de la Cruz.
Quiroga quant à lui se veut véridique, visite les lieux
d’épreuves, enquête, n’omet aucun des faits vécus par son héros. Formé lui-même
par des novices eux-même formés par Jean de la Croix, il eut accès à tous ces
témoins et à toutes les carmélites, au-delà de leurs dépositions signées. Il les
utilise généralement deux par deux pour confirmer leur force.
Enfin l’historien passionné illustre et défend l’approche
mystique de son Maître. Mais elle ne pouvait être partagée par la majorité des
membres de communautés carmes élargies et diverses[2].
Au mieux, des dirigeants carmes s’abstenaient à juste raison d’imposer les conditions permettant
d’épanouir une vocation mystique. Au pire ils s’y opposaient. Lorsque le Père Jean de la Croix entra en résistance, ils
diligentèrent une enquête sur lui. Il reçut en même temps l’ordre, établi par décision
collective, de quitter l’Espagne pour le Mexique. Mais il entreprit un voyage rendant
son éloignement plus certain.
Quiroga se gardera de condamner ceux-là mêmes qui l’auront
fait tant fait souffrir. En milieu de vie, il s’agissait des étrangers à la
Réforme des Déchaussés, les carmes de l’Observance ancienne qui s'emparèrent
de lui et l’enfermèrent dans la prison conventuelle de leur couvent à Tolède en
Castille[3]. Ensuite il
s’agit de plus proches et précisément de deux carmes de la Réforme des Déchaussés : un jeune enquêteur furent
diligenté en Andalousie et devint la terreur des carmélites tandis que le prieur
d’Úbeda fut de son côté un homme sans pitié assurant une vengeance personnelle.
Mais ces deux méchants ne pouvaient agir sans l’aval des autorités[4].
Toute cette histoire confirme le bien-fondé du silence comme la
condition indispensable à “l’exercice” de l’homme intérieur car aucune protection
des incompréhensions et jalousies des hommes “extérieurs” n’est acquise au sein
d’institutions larges régies par les seules Règles.
Le jeune Jean de Yepes songeait bien à se faire ermite chez les chartreux, mais
il fut convaincu par Teresa (1515-1582) d’étendre la réforme des femmes aux
hommes.
Il s’y consacra sans répit et lui succédera auprès de ses filles
récalcitrantes au contrôle de l’Ordre des Déchaussés assuré par le biais de
confesseurs imposés. C’est la source de ses épreuves les plus lourdes.
Quiroga en rend compte avec précision et “là où ça fait mal”,
respectant la pleine vérité. Sa Vida y
virtudes tranche sur celles qui suivront par le soin méticuleux avec lequel
il rend compte d’épreuves très concrètes vécues héroïquement. Mais toute vérité
n’est pas bonne à dire lorsqu’elle rend évidente une faiblesse collective, même
si l’historien évite la mise en cause du plus haut gardien de son Ordre.
Et il publie sa rédaction sans l’autorisation requise par ses
supérieurs, en 1628 en Flandre espagnole à Bruxelles. On avance qu’elle était
achevée depuis plusieurs années. Des exemplaires envoyés en Espagne par une
carmélite, peut-être responsable et certainement très satisfaite de ce travail,
mettent le doigt sur une plaie ouverte (entre Quiroga et une autorisationglnon
obtenue, entre ces carmélites de Bruxelles et les carmes d’Espagne qui
voulaient sûrement en assurer la direction[5]) S’ensuit le
feu aux poudres, la colère en Espagne et une brutale disgrâce : Quiroga meurt “exilé”
à Cuenca à la fin de sa même année.
On trouvera de rares études le concernant en dernière partie
du présent volume[6].
Car une omerta semble avoir été pratiquée
jusqu’à l’intervention au siècle dernier
de dom Chevallier[7]
suivi d’autres ni n’étaient ni carmes ni Espagnols[8].
Certains étrangers oeuvraient déjà au XVIIe siècle
en contradiction avec les supérieurs espagnols qui avaient ordonné la rédaction
de deux autres Vidas. Ces dernières demeurèrent
espagnoles mais les traducteurs français et italiens choisirent à juste titre
la source primitive par Quiroga.
La “Vida y virtudes” ainsi
lue au XVIIe siècle en français fait apparaître tout le vécu des
épreuves. Cette traduction française mériterait une pleine réédition qui n’eut
jamais lieu.
Je me limite ici à deux “zooms” centrés sur Tolède (1578)
puis sur Úbeda (1591), deux sections comportant chacune une dizaine de chapitres
respectant et leur succession et leur intégralité. On y trouvera des enquêtes
menées avec le plus grands soin et clarté, citant des témoins, incluant tous
détails utiles. Ils sont indispensables pour expliquer sans les excuser comment
prirent place deux grandes “méchancetés” qui semblent à première vue incompréhensibles.
Quiroga nous expose clairement et froidement deux
enchaînements catastrophiques. En homme contemporain de tueries religieuses européennes
ou esclavagistes hispano-américaines, il accepte sans difficulté l’ordre établi
de prisons religieuses (épisode de 1578). Ensuite il expose dans les détails
les plus corporels les effets et le règne d’une souffrance incontournable à
l’époque où un érysipèle d’origine bactérienne conduit souvent à la mort par
gangrène lorsqu’il n’est pas traité par un antibiotique (automne 1591).
Au-delà de précisions qui nous font partager les angoisses
portées par un prisonnier silencieux dans le noir ; puis dix ans plus tard en une
terrible fin de vie, nous comprenons non seulement le comment, mais surtout le pourquoi
d’oppositions. Peut-être Jean de la Croix dans son élan et sa jeunesse n’était-il
guère sensible aux effets d’une règle du jeu propre à l’exercice mystique
appliquée à tous, donc souvent insupportable à ceux qui n’y sont pas appelés
sinon par touches espacées.
Cette histoire menée passionnément, mais sans haine explique
celle de non-mystiques (à la vie irréprochable) qui se retrouvent enfermés
derrière les murailles de couvents lorsque leur nature se retrouve brimée par
des Règles. Il n’en est heureusement
pas plus de même : l’on admet aujourd’hui que l’on puisse vivre comme laïcs une
profonde vie mystique en échappant à de telles contraintes.
Trois parties à mon dossier :
Sections françaises consacrées aux épreuves, rééditées pour
la première fois,
Leurs originaux espagnols augmentés d’un choix de
chapitres issus de l’imprimé (ici
imprimé en petit corps),
enfin les notices et des études sur l’historien Quiroga. Son
oeuvre écrite est importante et méconnue, car l’orientation prise par les
carmes espagnols sous l’influence de Thomas de Jésus s’écarteront, dans une
voie de méditation matinée d’ascèse, de la voie contemplative que Jean de la
Croix enseignait pour conduire à une vie mystique
[9]. Au sein de
larges structures l’élan des fondateurs est converti en règle.
À défaut d’avoir pour le moment recours à des manuscrits qui
demeurent toujours inexploités[10], j’assemble des
sources accessibles, dont celles qui ont été imprimées au XVIIe
siècle.
Quelques informations situant la première des nombreuses
“Vies” de Jean de la Croix composée par l’historien de l’Ordre naissant:
Elle fut éditée (sauvée?) en 1628 en Flandre espagnole? Peut-être
grâce à une intervention de la carmélite qui succéda à Anne de Jésus
(1545-1621), mystique dédicataire du Cantico
qui connaissait bien la Cour de Bruxelles (alors capitale de la Flandre
espagnole). Peut-être par suite d’un auteur qui ne veut pas laisser perdre la
défense de son saint maître et prend tous les risques en se croyant protégé par
cette Cour.
La Vida y virtudes […]
con declaracion de los grados de la vida
contemplativa por don de N.S. le levanto a una rara perfecion en estado de
destierro. Y del singular don que tuvo para enseñar la sabiduria divina que
transforma las almas en Dios, présente le grand intérêt de mêler les faits
biographiques à l’évolution intérieure mystique. Ce ne sera plus le cas des
très nombreuses biographies qui séparent cette première présentation de 1628 de
l’excellente biographie offerte par Crisogono vers ~1938, rééditée en 1974,
traduite en français en 1998.
De taille très importante, la Vida y Virtudes ne peut être entièrement reprise ici. J’ai choisi
de reproduire les ensembles très précis décrivant deux grandes épreuves vécues
par Jean de la Croix. Deux blocs de textes livrent les informations les
plus précises sur la prison puis la mort de Jean de la Croix : Libro segundo, capitulos 1 - 10 sur l’emprisonnement à Tolède (suivi du cap.
14) ; Libro tercero, cap. 15 –
23 sur la mort, (précédé du cap. 3 expliquant pourquoi un si mauvais traitement
fut réservé au saint). Soit : 21 chapitres sur 131 de l’ouvrage complet
(auquel on ajoutera 14 chapitres dans la section espagnole).
Pour souligner combien il faudrait recourir aux manuscrits, je livre les fragments publiés anciennement en bilingue dans la revue Études carmélitaines par Ph. Chevallier, moine de Solesmes, section réservée à des « Textes anciens ».
Ce premier dossier laisse de côté, réservé à deux autres dossiers toujours assemblés à partir des imprimés, en espérant un gros travail sur les manuscrits :
La “Subida del alma a
Dios que aspira a la divina Union…” qui couvre deux tomes. Cette oeuvre
centrale du point de vue mystique est reprise ici. Dans sa seconde partie qui
traite de l’Union, De la entrada
del alma al Parayso Espiritual, Quiroga complémente ce qui nous est parvenu de Jean
de la Croix (on sait que de nombreux écrits de son Maître ont disparu : son
oeuvre nous est livrée tronquée et sa correspondance fut détruite).Un Don que tuvo san Juan de la Cruz para guiar
las almas a Dios fut publié en complément à l’une des éditions intégrales
de l’oeuvre de Juan de la Cruz en 1914 [11]. Elle fut
adaptée par la traductrice carmélite Marie du Saint-Sacrement [12].
L’Apologia mística en defensa de la Contemplación
divina constitue une vigoureuse défense de la vie intérieure. Aussi elle a
été traduite deux fois. L’apport du plus fidèle des disciples de Jean de la
Croix sur le plan du vécu mystique s’impose à tous.
§
On devine l’intention globale de Quiroga : donner aux novices
des réponses aux difficultés rencontrées. Il constate que ses confrères s’écartent
de la vie mystique en mettant en avant la méditation, ce qui deviendra le vécu
de la majorité des carmes par la suite [13].
Aussi n’a t-il pas hésité à donner à sa Subida del alma un titre rappelant la Subida del monte de son Maître. C’est un exposé organisé de la
vie mystique « vue de l’intérieur » : il
faut aider les jeunes carmes à passer rapidement de la méditation (un à trois
mois suffiraient) à la contemplation. Il faut sauter le pas!
§
Avant de fermer le dossier au
risque d’oublier les implications de son contenu, voici une appréciation personnelle
rédigée sans précaution. Elle est née du travail de lecture lente, à fin de reconnaissance
vocale, des deux traductions de « crises vécues ». Deux épreuves
subies par Jean de la Croix, mystique chrétien universellement reconnu, car
s’appuyant sur un Rien commun à tous, tiennent en moins de cent pages.
Le lecteur sera récompensé à
tous niveaux :
Il s’agit d’un concentré excellemment
rédigé par l’enquêteur-historien chargé du travail et qui s’est rendu sur
place pour mesurer dimensions et fenêtre ; attentif et précis à situer un modèle
utilisable par tous, de l’isolement à la fin de vie.
Il s’agit d’un exposé
mystique « par l’exemple » et non par les mots : sans
échafaudage ni appui connexe joint à la Grâce. Un seul exemple parallèle est
offert : la vie et l’épreuve du Seigneur.
Il s’agit d’établir sur la foi
nue une vie mystique véritable extrêmement sobre. Elle s’oppose à des
détracteurs de bonne foi, mais attachés aux croyances.
Quiroga ne nous livre pas
seulement le comment par son exposé
des faits bruts, mais aussi le pourquoi.
Sans y mêler de condamnation,
sinon celle d’une perversité propre aux deux bourreaux qu’il suppose -- ou veut
nous faire supposer – des isolés. L’historien de l’Ordre -- il l‘est encore au
moment de sa rédaction – accepte des conditions admises à l’époque, tel
l’enfermement des récalcitrants en prisons privées au sein de tous Ordres
religieux[14].
Clairement, le Père fondateur
Jean de la Croix est devenu inacceptable dans son Ordre maintenant normalisé, peuplé
par de « braves types » non mystiques, même si certains d’entre eux
ont connu (certains connaissent toujours aujourd’hui) l’« instant »
qui les a fait choisir une voie abrupte. Mais on ne doit ni ne peut
raisonnablement maintenir derrière des murs de jeunes hommes actifs qui pensent,
avec pleine raison aux yeux du monde, avoir mieux à faire que de s’isoler
« égoïstement », par exemple en convertissant par la parole de
sermons et retraites et en assurant le rôle de confesseur, tous moyens humains développés
dans une culture religieuse.
Or, contrainte inacceptable
aux yeux de Définiteurs qui se réunissent en tant que responsables élus pour
prendre des décisions relatives aux orientations de l’Ordre nouveau (à défendre
contre l’Ordre ancien non réformé et en compétition avec bien d’autres
associations religieuses), Jean de la Croix leur retire un monde féminin nombreux
et soumis. Teresa voulait laisser le libre choix du confesseur aux carmélites ?
Elles choisissent « notre vénérable Père » Jean de la Croix au
moment même où l’on veut se débarrasser d’une influence devenue hors saison !
Les Carmes Déchaussés n’ont
plus aucune fonction reconnue si on leur retire celle d’être les confesseurs de
leurs sœurs. C’est la clé, là se situe le noeud de l’affrontement[15],
le choix des Religieuses de prendre Jean de la Croix comme leur directeur
général sans en référer aux responsables carmes Déchaussés. Elles sont intéressées
par la vie mystique, « planche de salut » des femmes à toutes
époques, depuis l’époque des béguines au XIIIe siècle, alors que les
hommes ont plein d’occupations possibles : prêcher, convertir ,étudier…
Aussi il est compréhensible
que l’on envoie Jean le fondateur fonder au Mexique. Cela ne va peut-être pas
suffire s’il guérit de son érysipèle[16].
D’où l’enquête menée pendant sa maladie. Le décès prévisible compte tenu d’une
triste santé règle au mieux la situation. Quiroga essaie bien de préserver à
nos yeux le grand responsable de l’Ordre (le fameux Doria), mais sa défense en
mettant tout sur le dos d’un jeune enquêteur (certes ignoble) ne paraît pas
concluante. Surtout son exposé met à nu une médiocrité humaine allant jusqu’à la
perversité que l’on ne peut mettre sur le compte du Diable.
Sa rédaction qu’on lui avait
confiée est terminée depuis probablement 1626, mais ne doit pas être éditée et
exposer à tous des turpitudes. Quiroga vieillissant franchit enfin le
Rubicon : en 1628 il se croit peut-être à l’abri comme un protégé par la
cour de Bruxelles animée par la sœur du puissant Charles-Quint. Les carmélites
-- nos sœurs, toujours elles -- envoient quelques exemplaires en Espagne. Chiffons
rouges ! L’auteur qui n’a respecté la Règle est aussitôt cassé et expédié
au fin fond de la province : à Cuenca qui est une belle cité perchée à
mille mètres et bien loin de Madrid (deux cents kilomètres d’aujourd’hui), à mi-route
de Valence, accessible par de fort mauvais chemins venteux. Il y neige en ce
moment même de ma très libre rédaction de novembre 2016). Le vieil historien
prend peut-être froid et y meurt (décembre 1628).
La « folie » de son
héros, qui l’aveugle si l’on se place du point de vue des défenseurs de la
Réforma, est d’avoir voulu construire un Ordre des mystiques. On n’a pas le
droit d’imposer à la majorité un comportement adapté à quelques-uns. Tout au
plus peut-on fédérer de modestes groupes ne comportant chacun guère plus de douze
personnes.
Composé en Espagnol par le R.P. ioseph de
Jesus Maria, carme Déchaussé, traduitte cy-devant en François par le R.P.Elisee
de S. Bernard, et nouvellement reveuë par un autre Religieux [Cyprien de la
Nativité], tous deux du même Ordre.
Ayant déjà traité en particulier des vertus de notre bon Père Jean de la Croix, il sera nécessaire pour la continuation et poursuite de cette histoire, de nous ressouvenir de ce que nous avons dit en un autre lieu touchant les visiteurs ou Commissaires Apostoliques qu’il y avait pour lors en quelques Religions ; et ceux qu’on désigna pour celle de notre Dame du Mont-Carmel, d’autant que plusieurs choses s’en ensuivirent, qui doivent servir à notre propos. Ces Commissaires désiraient fort d’exécuter les desseins et satisfaire aux intentions du saint Pontife Pie V et du Roi Catholique Philippe II qui était d’établir une grande réforme dans les Religions : et ainsi il sembla bon au Père Fernandez, auquel on avait assigné la Castille, et au Père François de Bargas, qui était destiné pour l’Andalousie, (leurs commissions ayant été divisées de la sorte) de se servir des Carmes Déchaussez pour introduire la Réforme en tout le reste de l’Ordre, et y remettre par leur vie exemplaire et parfaite, ce qui était déchu ou aboli de l’ancienne observance. Pour cet effet, ils se servirent de quelques moyens, qui à leurs avis, étaient doux et faciles ; mais en l’exécution étaient violents et difficiles : comme de mettre des supérieurs Carmes Déchaussez ès Couvents des Pères de l’Observance, et autres officiers, comme portiers et sacristains, dont on s’assure et se fie davantage ; ce qu’ils firent aux couvents d’Avila et de Tolède, qui étaient les principaux de ce royaume.
Ils donnaient semblablement les maisons des Pères de l’Observance aux Carmes Déchaussez, au lieu de nouvelles fondations, afin qu’ils y fondassent, comme il arriva en Andalousie, où ils leur offrirent le couvent de Jaén (bien qu’ils le refusèrent, pour ne faire déplaisir aux Pères susdits (; et celui de Saint-Jean de Port, lesquels ils acceptèrent, n’étant pas chose de grande conséquence, et l’habitèrent quelques mois, obéissant au Père François Bargas, Commissaire, qui leur commandait cela, et peu de temps après le laissèrent pour les mêmes raisons que celui de Jaén ; à savoir pour éteindre et amortir les ressentiments que leurs frères pouvaient avoir de ces changements, et les assurèrent qu’ils ne voulaient point bâtir sur les ruines d’autrui, ni s’étendre ou accroître aux dépens et détriment de personnes ; tant s’en faut, qu’on les y avait fait entrer avec violence, et qu’ils faisaient de le même quand on les mêlait avec eux pour marque et témoignage de faveur.
Mais quoi que ces moyens fussent odieux, et auxquels les Déchaussez n’obéissaient qu’à regret, les Pères Commissaires en attentèrent encore un autre plus violent, et qui troubla entièrement la paix entre les deux Congrégations, qui fut de subdéléguer leur commission à quelques-uns des Carmes Déchaussez, les faisant Juges Apostoliques des Pères de l’Observance, et les chargeant de visiter quelques-uns de leurs couvents. Pour cette fin, le Père Pierre Fernandez fit choix dans la Castille du Père Antoine de Jésus, premier supérieur des Carmes Déchaussez, et lui commanda de faire quelques visites. Mais lui qui avait tant d’expérience des choses de Religion, et qui ne voulait rien avoir à démêler avec ses frères, contenta les deux parties, faisant si peu de bruit en sa commission, qu’à peine put-on découvrir qu’il fut Commissaire. Le Père François de Bargas voulu faire le même en Andalousie, choisissant et destinant pour cela le Père Balthazar de Jésus, homme docte et grand Prédicateur, qui était parti de Tolède avec quelque religieux pour aller à la fondation de Grenade ; mais il ne voulut accepter cette commission, sachant combien les Pères de l’Observance auraient cela en horreur, et qu’il s’engageait dans un labyrinthe plein de difficultés c’est pourquoi il en prit un autre nommé le Père Jérôme de la Mère de Dieu, qui était nouveau profes, et aurait aussi été à cette fondation avec ceux de Castille, lequel accepta la commission ; et un peu après le Père Fernandez le subdélégua aussi pour Castille, bien qu’avec certaine limitation.
La Congrégation des Déchaussez ressentit grandement cette acceptation du Père Jérôme, tant à cause de l’ennui et déplaisir que cela causait à nos Pères de l’Observance, et qu’ils pouvaient juger de là que les Déchaussez les voudraient déposséder avec leur pouvoir et leur autorité, et les priver de leur liberté ; comme aussi à raison du peu d’expérience qu’avait le Père Jérôme ès choses de Religion pour conduire une entreprise si difficile. Car à peine avait-il achevé son année de noviciat, quand le Père Marian de Saint Benoit le prit pour son compagnon, allant en Andalousie ; et partant ils jugeaient qu’il ferait peu de profit en ses visites, et craignaient en outre qu’avec sa commission, il n’apportât beaucoup de trouble et d’inquiétude à la nouvelle Congrégation des Déchaussez ; à quoi néanmoins ils ne purent obvier, d’autant que l’autorité du Roi Catholique intervenait là-dedans, et que quelques-uns de ses favoris étaient parents du Père Jérôme.
Toutes ces choses donnèrent à penser aux Pères de l’Observance, que l’intention du Pape et du Roi Catholique, était d’accroître et d’étendre les forces des Pères Déchaussez, et de les affaiblir et resserrer pour introduire et établir dans leur Congrégation la rigueur et l’austérité de l’ancienne et première observance, dont ils n’avaient fait profession, comme le Père Jérôme avait déjà tenté de le faire dans la visite de l’Andalousie. Ce qui les aigrit grandement ; et pour y obvier, et pourvoir de remède, ils convoquèrent et assemblèrent un chapitre général à Plaisance en Italie, qui fut au commencement de l’année 1576, suivant ce que l’on peut colliger de la concurrence des choses de ce temps ; et là ils résolurent et déterminèrent que pour affaiblir et éteindre les Déchaussez, il fallait se servir des mêmes moyens que les Commissaires Apostoliques avaient trouvés et intentés pour affaiblir les Pères de l’Observance, mêlant les Déchaussez avec eux sous le titre de Réforme, pour contenter et assurer le Roi catholique, et accommodant leur institut et façon de faire de telle sorte, que peu à peu il fussent tous semblables et conformes, jugeant que selon notre naturel, c’est une chose plus facile de marcher de la rigueur et de l’austérité à la douceur, que d’aller au contraire.
Ils envoyèrent donc en Espagne pour mettre cela en exécution, le Père Jéróme Tosta portugais, homme très capable et très docte, lui donnant le nom de Vicaire général, visiteur et réformateur de toute l’Espagne. Mais comme le Roi Catholique travaillait avec beaucoup de vigilance à ce qui concernait la réformation de son royaume, il eut avis de ce qui s’était passé en ce Chapitre, et de son intention, pour secrète et cachée qu’elle fût. Ensuite de quoi comme le commissaire général arriva en Espagne, il empêcha l’exécution de sa légation, et pria le nonce de Sa Sainteté, Nicolas Hormanet, de commander au commissaire de l’Ordre des Déchaussez de continuer sa visite. Sur quoi il y eut de très grandes difficultés de part et d’autre, qui durèrent trois ans ou environ, lesquelles ne touchent pas une histoire particulière. Ce qui fait à notre propos, est qu’encore que le Commissaire général n’exerça pas sa commission publiquement, d’autant que le Roi l’en empêchait, il tâchait néanmoins couvertement d’écarter les principaux des Carmes Déchaussez, et traita de les faire prendre et emprisonner en quelque lieu qui ne fut su de personnes, jetant premièrement les yeux sur notre bon Père Jean de la Croix, comme le premier et le chef de la réforme.
Aussitôt que les
Carmes Déchaussez eurent su l’arrivée du Père Jéróme Tostat, et le sujet de sa
venue, les supérieurs et les plus avisés de leur congrégation avec le B. Père
Jean de la Croix, (qui étaient encore à Avila, assistant les religieuses du
monastère de l’Incarnation,) s’assemblèrent couvent d’Almodovar, pour traiter
des moyens qu’il fallait prendre pour dissiper cette tourmente qui les menaçait
de si près. Cette assemblée se fit le huitième Aoust de l’année 1576, en
laquelle le Père Jérôme de la Mère de Dieu présida, qui était pour lors
supérieur de tous les Déchaussez de Castille et d’Andalousie, par subdélégation
des deux Commissaires Apostoliques, par laquelle ils prétendirent de livrer et
soustraire les Déchaussez de la conduite et du gouvernement des provinciaux de l’Observance,
d’autant qu’il était plus convenable pour leur établissement et leur
conservation et c’est la première assemblée que nous trouvons avoir été faite de
Déchaussez seulement. Or après une longue conférence, ils trouvèrent bon d’avoir
recours à la fontaine, et que leur cause n’étant pas seulement juste, mais
encore héroïque et glorieuse, ils supplièrent le souverain pontife de leur
donner un supérieur de leur même profession qui les gouvernât, puisque le saint
Concile de Trente l’ordonnait ainsi ; et débutèrent les religieux qu’ils
jugèrent à propos pour faire cette ambassade, et pour informer le pape et les
cardinaux de leur droit.
Après avoir pris résolution touchant la principale affaire, ils traitèrent par après des choses qui étaient convenables pour le bon régime de leur congrégation, d’autant qu’il y avait des sentiments divers entre ceux qui le gouvernaient, chacun suivant son inclination, pour ordonner et établir les choses de religion conformément à icelle. Car comme ils ne reconnaissaient pas pour lors de chef fondamental auquel ils dussent obéir, et que tous n’avaient pas une suffisante instruction de la vie primitive de nos ancêtres, ni que Dieu la voulait ressusciter dans la nouvelle congrégation des Déchaussez ; chacun proposait et délibérait à sa mode, et tournait son avis vers le nord le plus favorable, jusques là même qu’ils étaient divisés touchant les moyens principaux et essentiels que l’ordre doit suivre pour parvenir à sa perfection. Car notre bienheureux Père Jean de la Croix, dans l’esprit duquel Dieu versait ses influences immédiatement, dès qu’il commença d’embrasser la réforme, avait déjà entendu de Sa Majesté, et pareillement notre sainte mère Thérèse, que les nouveaux Déchaussez étaient appelés principalement à la vie contemplative, comme notre premier Père Saint Élie l’avait établi dans son école, par le commandement de Dieu, et selon que les apôtres dressèrent nos anciens dans la forme de vie spirituelle qu’ils leur assignèrent, leur donnant pour fondement de leur état la contemplation divine en une vie singulière non divisée, mais unie à Dieu inséparablement, par connaissance et amour, comme nous le vérifions en un autre lieu par l’autorité de saint Denys. Et que les moyens que notre règle prescrit étaient nécessaires pour vaquer à cet exercice des anges : à savoir la retraite ès cellules, la solitude, le silence, et l’austérité de vie ; de manière qu’on devait ordonner à cela la nouvelle congrégation regardant nos premiers Pères pour les imiter : et quelques-uns des plus parfaits et en petit nombre qui se trouvèrent en cette assemblée, avait le même sentiment comme le Père Gabriel de l’Assomption, le Père François de la Conception, et le Père Brocard, surnommé le vieillard, auxquels se joignit le Père Nicolas de Jésus Maria, lequel à cause de ses rares parties, et de son zèle éminent de perfection, bien qu’il fût nouveau dans la religion, ne laissait d’avoir l’autorité d’ancien.
Mais d’autre part, le Père Antoine de Jésus, comme il était demeuré la plus grande partie de sa vie parmi les Pères de l’Observance qui se portent avec tant de perfection de charité et de zèle, au bien et à l’avancement du prochain et ne se tiennent pas à présent temps obligés à la vie contemplative comme à l’active, avait toujours cette affection et ce désir de s’exercer en une œuvre si pieuse, encore qu’elle fut cause qu’on pratiquât et gardât ces autres moyens avec une observance moins étroite et moins rigoureuse, et pensait être fondé en raison, à cause du titre et du nom de mendiants, que le pape Innocent IV nous avait donné confirmant notre règle. Le Père Jérôme de la mère de Dieu autorisait fort ce sentiment, pour être puissamment enclin à ce zèle de secourir les âmes, et peut porter à la retraite et récollection ès cellules, fondement substantiel de notre premier institut. Et comme la nature raisonnable et sociable désire naturellement la conversation humaine, plutôt que l’abstraction et la solitude ; la plus grande partie de ceux qui gouvernaient et défendaient l’ordre était attirée par ce zèle, et se rendait de ce côté, mettant en oubli ce que les apôtres décrétèrent dans l’institution de nos prédécesseurs ; à savoir, que l’office des religieux dédiés à la contemplation, n’était pas de gouverner et de conduire les autres, mais de persévérer en un état singulier et parfait pour la beauté de l’Église, et le bon exemple des fidèles. Et néanmoins le Père Jérôme de la mère de Dieu, dans le peu de temps qu’il y avait qu’il gouvernait les Déchaussez par subdélégation des commissaires apostoliques, avait déjà commencé à pratiquer le contraire, et étendait les moyens de la communication du zèle des âmes hors de nos monastères : si bien qu’il y avait fort peu de temps de reste, non seulement pour vaquer à la contemplation, mais aussi pour se retirer aux cellules ; et même cela avait lieu jusque dans les déserts, et maisons de solitude, à cause de la quantité des actes communs qu’on avait introduits, et des choses qu’on chantait dans le Chœur ; ce qui était en tout bien différent de ce que nos anciens avaient pratiqué et observé, afin que les occupations étrangères ne portassent pas de préjudice aux propres et domestiques.
Or comme notre bon Père Jean de la Croix a toujours eu une sainte liberté ès assemblées et chapitres où il avait voix, pour dire son avis conformément à la lumière que Dieu lui donnait, encore qu’il vit la plus grande partie de ceux de l’assemblée, même celui qui tenait la place de premier supérieur, être d’opinion contraire : il représenta néanmoins avec un zèle d’Élie, combien la nouvelle congrégation, dès sa naissance, et dès son commencement était déjà éloignée de son principal institut, qui était la retraite ès cellules, pour vaquer à l’oraison et contemplation ; et combien les monastères des religieuses surpassaient en cela ceux des religieux, dans lesquels, tant à cause de la grande liberté qu’il y avait d’aller prêcher et confesser dehors (exercice propre et particulier à d’autres ordres que Dieu a mis en son Église pour cette fin) qu’aussi pour la multitude des actes communs qu’on y avait introduits contre la modération que nos anciens Pères avaient en cela, conformément à notre règle ; et pour avoir embrassé le culte divin extérieur plus qu’il ne convient au culte intérieur, auquel nous sommes particulièrement appelés de Dieu ; on ne pouvait demeurer dans les cellules, et garder la retraite pour y vaquer comme il faut. D’où vient que lors qu’ils s’y retiraient, ils avaient l’esprit tellement suffoqué, et le corps si harassé et fatigué de ces occupations extérieures, qu’ils étaient plus propres à se reposer qu’à prier ; d’où il inférait et concluait qu’il était nécessaire de modérer ces deux sortes d’occupations, laissant et quittant d’icelle ce qui ne peut compatir avec la fin principale, sans attendre que Dieu miraculeusement en retranchât ; ce qui n’était expédient et convenable, comme il avait fait ès siècles passés, envoyant des anges pour ôter quelques moyens du culte divin extérieur, afin qu’on ne manquât à l’intérieur, auquel nous devons aspirer, Dieu nous l’ayant donné pour but principal, dont notre sauveur avait dit (comme parlant à nous autres) que de même que Dieu était esprit, il voulait être adoré en esprit de ceux qui l’adorent en vérité.
Le courage et le zèle dont notre bon Père soutint et défendit les moyens principaux et fondamentaux de notre institut eurent tant de force et de pouvoir sur le cœur des Pères qui étaient là assemblés, qu’ils arrêtèrent et conclure qu’il fallait retrancher beaucoup de ce que l’on chantait au Chœur, et d’autres prières que l’on disait en communauté, outre les sept heures canoniales de l’office divin ; bien que l’on ne modérât pas la multiplicité des actes communs que nos anciens (lesquels nous devons imiter) n’avaient pas pratiquée : car comme le Père Antoine de Jésus les avait établis conformément aux coutumes et exercices des Pères de l’Observance, qui s’occupent principalement en la vie active, il les autorisa et les défendit autant qu’il pût, avec plusieurs autres de l’assemblée, qui avait vécu autrefois dans la mitigation aussi bien que lui. Or pour ce qui concerne la retraite, et la modération du zèle des âmes, conformément à notre institut ; on détermina qu’on garderait dans toute la congrégation des Déchaussez, les premières constitutions qui furent faites à Duruelle : (car jusqu’alors elle ne se gardait pas dans tous les couvents) lesquels favorisent fort la retraite contre la distraction hors de nos monastères ; quoique ce soit sous prétexte de secourir le prochain.
Par ce moyen il semble qu’on remédia à propos à ce manquement de retraite, et de recueillement qu’il y avait pour lors, parce que la constitution qui en traite en parle de cette sorte. « Item, nous ordonnons, quant à la clôture et retraite des religieux que la règle commande, 424 que personne ne puisse sortir au monastère, hormis le procureur et le prédicateur quand il ira prêcher, ou bien pour une occasion d’importance et rare, et non pas autrement, bien que ce soit pour aller aux enterrements, ni pour visiter les parents, non plus que les malades, non pas même sous prétexte de les aller confesser, sauf quelque grande nécessité, qui ferait croire que ce serait contre la charité que de n’aller ouïr cette confession : et qu’alors le prieur ne puisse donner cette licence, si ce n’est du consentement de deux Pères les plus anciens qui se trouveront en la maison, sous peine griève l’espace de trois jours. Et pour plus grande retraite, nous enjoignons que personne de nous autres n’aille quêter par les rues avec des boîtes, ni par les granges avec des besaces, ni en aucune autre manière, qui donne occasion d’être vagabond et de se distraire. »Voilà ce que dit cette constitution faite à Duruelle, laissant à nos monastères la porte ouverte pour aider les âmes qui s’y adresseront ; et défendant la sortie d’iceux pour embrasser des exercices et des occupations étrangères, ce que notre bon Père observa en toutes les maisons dont il eut la conduite et le gouvernement. Ils déterminèrent aussi d’autres choses qui concernaient des couvents en particulier, lesquels ne sont à notre propos ; et nous verrons en un autre lieu un décret de la sagesse divine en faveur de ces choses, que notre bon Père proposa en cette première assemblée.
Notre bon Père étant de retour à Avila, où la sainte obéissance l’occupait pour lors, les religieuses de l’incarnation se sentaient si consolées par sa présence, et se trouvaient si avancées par sa rare doctrine, qu’après que notre sainte mère Thérèse eut achevé le temps de son office de prieure, et qu’elle eut été au monastère de Saint-Joseph de ladite ville pour y exercer la même charge : elles demandèrent au Père commissaire apostolique de leur laisser des Carmes Déchaussez pour confesseurs. Mais comme les Pères de l’Observance mitigée ressentaient vivement que les Déchaussez eussent occupé ce lieu-là, et qu’il considérait que le Père Jean de la Croix en était comme le capitaine et le principal d’entre eux, quand le Père Jéróme Tostat arriva en Castille avec une commission du chapitre général, si peu limitée, et si ample ; entre les autres emprisonnements qu’il décréta fut celui des confesseurs de l’incarnation, et particulièrement du Père Jean de la Croix, outre qu’ils étaient extraordinairement indignés. Notre Seigneur quelques jours auparavant l’avertit en l’oraison de ce que l’on tramait contre lui, lui disant comme on devait l’emprisonner, et le jeter dans de très grands travaux, comme il le déclara par après à la sœur Anne Marie, religieuse du monastère de l’incarnation, et très vertueuse ; laquelle lui répondit, qu’à raison que les pénitences l’avaient tellement gâté et affaibli, il faudrait peu de travaux pour lui faire perdre la vie dans l’état où il était : mais lui voyant qu’elle ne se pouvait persuader qu’on le dut prendre et maltraiter ; il l’assura et lui certifia que le tout arriverait de la même sorte qu’il lui disait. Cette religieuse a déposé cela en sa déclaration sous serment, et remarque et pèse grandement qu’il avait une si grande confiance en Dieu, et qu’il était si fort résigné à ce qu’il ordonnerait de lui, qu’encore qu’il eut pu quitter cet emprisonnement et cette persécution, il n’en voulut jamais rien faire.
Les Carmes Déchaussez savaient assez que les Pères de l’Observance avaient fort à contrecœur qu’ils fussent confesseurs de l’incarnation ; et pour tirer de là les deux Pères qui y étaient avec quelque bon prétexte, et sans donner occasion de plainte aux religieuses, qui était si contentes et satisfaites d’eux, ils firent notre bon Père Jean de la Croix prieur de Mancère. Mais sur ces entrefaites, arriva premièrement à Avila le mandement du révérend Père Vicaire général pour le prendre, lequel les Pères de l’Observance n’eurent plutôt reçu, qu’il sortir de nuit, et s’ne vinrent avec une troupe de gens armés à l’hospice de l’incarnation, où logeaient les Déchaussez : et après avoir enfoncé et mis par terre les portes, ils leur mirent la main sur le collet avec la même furie dont on a coutume de prendre les criminels, et les menèrent prisonniers en leurs couvents, faisant dans l’hospice et par le chemin de très mauvais traitements à notre bon Père. Lesquels il souffrait avec une telle douceur et patience, que les religieuses de ce monastère disent en leurs déclarations, ayant appris par la relation de ceux qui en furent les exécuteurs, qu’avec son humilité et sa patience, il représentait en sa capture celle de notre Seigneur Jésus-Christ. Les religieuses entendirent bien le bruit ; et ayant su le matin ce qui s’était passé, en reçurent une très grande affliction, d’autant qu’elle tenait comme leur Père celui qu’on leur disait avoir été si maltraité.
Aussitôt qu’ils furent arrivés, ils les mirent dans deux chambres séparées, et donnèrent ordre promptement pour les faire sortir d’Avila, craignant le grand nombre de personnes qui leur étaient affectionnées ; et que si on savait dans la ville qu’ils étaient prisonniers, il ne s’élevât quelques grande émeute et tumulte pour les retirer de la prison. Ils envoyèrent donc le Père Germain de Saint Mathias, l’un des confesseurs au monastère de Saint Paul de la Moraleche, où sans lui faire entendre la cause ni la raison, ils lui firent souffrir une longue prison avec plusieurs travaux.
Quant à notre bon Père Jean de la Croix, contre lequel était la plus grande indignation, ils lui ôtèrent par force l’habit de carmes Déchaussez, tant à fin qu’il ne put être reconnu par le chemin, que pour le mortifier davantage, et lui firent prendre leur habit. Le bon Père leur disant sur cela qu’il pouvait bien lui chausser les pieds, mais non pas le cœur, lequel était entièrement Déchaussé. En cet état ils le menèrent au couvent de Tolède avec une bonne garde, pensant qu’en une si grande ville, où l’on fait moins de recherche des choses particulières, et étant si éloigné de la ville où on l’avait pris, il serait plus caché qu’en un petit lieu. Le religieux qui le prit en sa charge en ce voyage, ne devait pas être des plus grands amis des Déchaussez, car il le traitait si rudement par le chemin, qu’un jeune garçon qu’il menait avec lui étant indigné des mauvaises paroles qu’il lui disait, et édifié de la patience et modestie dont le Père souffrait tout sans répondre aucune parole d’aigreur, ni témoigner aucune indignation contre celui qui le traitait si mal, proposa de le délivrer de ses mains, et déclara son dessein en secret au bon Père ; lequel excusant son compagnon, lui répondit qu’il ne le traitait pas si mal qu’il le méritait : et partant qu’il le suppliait de ne se mettre en peine de lui d’autant qu’il était sans affliction et sans aucun ennui. Ce jeune homme néanmoins ne se contenta pas de cela ; car étant arrivé à une hôtellerie, dont l’hôte était fort pieux, il lui conta tous les mauvais traitements qu’on avait fait par le chemin à ce religieux qu’il tenait pour un saint, à cause de la patience dont il les supportait ; et lui persuada de le cacher, disant que la passion avec laquelle on le traitait faisait assez paraître qu’il souffrait injustement. L’autre donc parla à notre bon Père, pour être bien informé de la vérité ; lequel lui répondit qu’il faisait volontiers ce voyage, d’autant que ses supérieurs le voulaient et l’ordonnaient ainsi : et partant qu’il ne fît aucun bruit ou tumulte, ni en ayant pas de sujet, que pour sa bonne volonté il aurait soin de le recommander à Dieu.
Les Pères de l’Observance à Tolède savaient déjà qu’on y devait amener notre bienheureux Père, et avaient ordre du Père Vicaire général de la façon dont il se devait comporter en son endroit à savoir de le faire obéir aux actes secrets qui avaient été faits au chapitre tenu à Plaisance, lesquels furent trouvés parmi les papiers du dit Vicaire général, avec l’ordre qu’il avait du chapitre, quand le conseil royal de Castille les fit saisir entre ses mains, afin de qu’il ne se servit de sa commission contre ce que les visiteurs apostoliques ordonnaient par le commandement de Sa Sainteté. Le principal de l’ordre du Vicaire général était que les Déchaussez ne fissent plus de nouvelles fondations, et qu’il ne reçût plus de novices : et quant à ceux qui l’étaient, qu’il ne fussent pas si différents des autres religieux de l’ordre en leurs habits, et qu’on ne les appelât plus Déchaussés ; en quoi il semble qu’ils étaient fondés sur une constitution de l’ordre fait au chapitre de Venise ; auquel le Père Nicolas Audet, général, présida l’année 1524, par laquelle il était ordonné qu’en chaque province il y eut quelques maisons de religieux réformés qui gardassent la première règle, lesquels étant semblables en habit aux autres, fussent différents en la vie. Or faisant exécuter cela en la congrégation des Déchaussés, il leur semblait qu’ils éviteraient plusieurs inconvénients de ceux qui les menaçaient, et naissaient d’une si grande diversité d’habits et de vie, avec un tel applaudissement du peuple : et pour le reste de l’intention du chapitre, ils en avaient laissé la disposition à la prudence et discrétion du Vicaire général, afin d’éteindre peu à peu les Déchaussés, les mêlant avec les autres sous couleur de réforme, comme il a été déjà dit.
Notre bienheureux Père étant arrivé à Tolède, les Pères de l’Observance le reçurent avec un fort mauvais visage, espérant néanmoins qu’ils le pourraient réduire à leur volonté. Le jour suivant on lui intima les actes du chapitre général tenu à Plaisance en Italie, nous avons parlé naguère ; et particulièrement celui par lequel il était enjoint aux Déchaussés, qu’encore qu’il gardassent en leurs couvents la première règle, ils n’eussent pas néanmoins d’habit différent des autres, et qu’ils se chaussassent. Bref qu’ils ne se nommassent pas Déchaussés, mais contemplatifs, ou primitifs. Outre cela, ils lui persuadèrent de quitter cette manière de vie, qui lui causerait toujours de l’inquiétude, et susciterait des persécutions, se résolvant de prendre l’ancienne en laquelle il avait été élevé : et lui promettaient à ce sujet de l’honorer dans leur ordre. Mais notre bon Père d’un visage serein et d’un esprit constant, comme celui qui était fondé sur la pierre et le ciment, le répondit que l’intention de sa congrégation était de rétablir et de remettre, non seulement la perfection de vie, mais aussi la rigueur de l’habit des anciens Carmes, qui était celui que les Déchaussez portaient. Et qu’outre cela, ils avaient exprès commandement du nonce de Sa Sainteté (c’était encore Monsieur Nicolas Hermanete,) et du commissaire apostolique, de n’admettre ces actes du chapitre général, ni de rien innover en leur manière de vivre, non plus qu’en leur habit ; et d’autant que cette obéissance était plus immédiate au Saint-Siège, qu’il ne pouvait pas aller à l’encontre, pour quelque ordonnance que ce fut du chapitre ou du définitoire de l’ordre ; de sorte qu’il était bien résolu de l’accomplir, encore qu’à ce sujet il dut endurer jusqu’à la mort. Les Pères de l’Observance qui étaient là présents, s’indignèrent fort de cette réponse ; et attendu qu’ils jugeaient que notre bon Père était comme la principale source des dommages qu’ils souffraient, ce leur semblait, à cause de la réforme des Déchaussés, et que pour ne vouloir se soumettre aux décrets du chapitre général, ils le tenaient pour un désobéissant et rebelle aux ordonnances des prélats ; ce qui est estimé dans toutes les religions pour un très grand crime, et qui bat contre le fondement de l’état de religieux, qui est l’obéissance ; personne ne doit s’étonner des mauvais traitements qui lui firent pour ce sujet, encore que le zèle de religion ait été un peu mêlé d’indignation, laquelle il a pour voisine comme les autres vertus les vices prochains, qui ont quelque apparence d’icelle. Ce que notre Seigneur permit, pour épurer et affiner davantage la vertu de son serviteur, par la contradiction des bons, qui d’ordinaire est la plus grande et la plus sensible ; et pour honorer et qualifier sa sainteté par l’une des plus grandes excellences qu’un chrétien puisse acquérir en cette vie, qui est qu’étant bon, il soit tenu et estimé pour un méchant homme : car Sa Majesté accorda ce bonheur au Père Jean de la Croix en cette occasion, pour un grand accroissement de ses mérites, et le perfectionna dans une autre persécution qui précéda sa mort, comme nous verrons en son lieu ; d’autant qu’il le voulait faire son portrait au vif et au naturel.
Les mêmes Pères de l’Observance commencèrent aussitôt à le traiter comme un désobéissant, et exécuter sur lui les peines rigoureuses dont usent les religions à l’endroit des rebelles ; et pour premier sentiment, ils le mirent en une prison fort étroite, que je peux bien décrire pour l’avoir vu, non sans grande vénération, sachant ce qui s’y était passé ; à savoir tant de visite de la très Sainte Vierge, et de notre Seigneur, faites à un serviteur des plus fidèles qu’il eut dans ce siècle, pour le consoler dans les travaux et les afflictions qu’il souffrait d’un si grand et d’un si pur amour pour son service.
Cette prison était une petite cellule bâtie à côté d’une salle, laquelle avait six pieds de largeur, et environ dix de longueur, sans soupirail ni autre ouverture pour recevoir de la clarté, qu’un trou large de trois doigts au haut de la chambre ; qui donnait si peu de lumière, que pour dire ses Heures, ou pour lire un livre de dévotion qu’il avait, il fallait qu’il montât sur un petit banc, afin de voir clair : et même cela ne se pouvait faire que lors que le soleil donnait dans une galerie qui était devant la salle, à laquelle répondait le trou de la cellule ; laquelle ayant été faite pour servir de garde-robe, ou de lieu commun à cette salle, y mettant ce qu’on a de coutume pour ces nécessités, lorsque quelqu’un des premiers prélats de l’ordre y logeait avait été pourvue suffisamment de jour.
Ils mirent un cadenas à la porte de la chambre, afin que personne ne le pût voir ni visiter que le geôlier : mais après quelques mois, ayant eu avis que le Père Germain de Saint Mathias s’était sauvé de la prison ; craignant qu’il n’en arrivât autant de notre bienheureux Père Jean de la Croix, ils ajoutèrent de nouvelles précautions, et une plus sûre garde, fermant à clé la salle qui était au-devant. Le lit qu’ils lui donnèrent était semblable au nôtre, car c’était une table de deux ou trois aix [planches] joints ensemble, avec deux vieilles couvertures. Pour son manger, il était en quantité et qualité fort médiocre, parce que pour l’ordinaire c’était un peu de pain avec quelque sardine ; et quand les religieux avaient du poisson au réfectoire, le geôlier lui en portait quelques restes, car il le traitait en tout comme un rebelle et délinquant ; et tout le temps de sa prison, on ne lui fit pas changer de tunique ni d’autres choses nécessaires.
Tous les vendredis on le menait au réfectoire, et ils le faisaient manger en terre, ne lui donnant que du pain et de l’eau ; et après que tous avaient dîné, pour le dessert et dernier mets, on lui servait une discipline qu’ils appellent discipline de la roue, d’autant que chacun frappe à son tour ; châtiment dont on use en quelques ordres pour punir les religieux atteints de grands crimes, du nombre desquels à leur avis était le bienheureux Père, pour ne vouloir obéir aux actes du chapitre. Les épaules du pauvre patient montraient assez avec quelle pitié et compassion ils lui donnaient cette discipline, puisque les marques y paraissaient encore plusieurs années après sa sortie de prison, comme des indices et des témoignages qu’ils ne l’avaient pas traité de la sorte à regret et à contrecœur.
Une des plus rudes batteries avec lesquelles le diable lui fit la guerre en la prison, et à quoi il eut plus grand besoin de résister, c’était aux jugements qu’il lui suggérait, l’incitant à croire qu’ils lui désiraient la mort : car comme ils le traitaient avec tant de rigueur, et le nourrissaient si maigrement, le diable lui voulait persuader que tout cela n’était à autre dessein que pour se défaire de lui ; et fallait qu’il assaisonnât et donna goût et saveur par quelques actes de charité à chaque morceau qu’il mangeait, de peur de tomber en quelque jugement notable et grief.
Ils l’exhortaient souvent à quitter le parti des Déchaussés, et de se conformer à eux, lui promettant de l’honorer des charges et prélatures de leur ordre ; mais comme il leur répondit constamment qu’il perdrait plutôt la vie, que de changer de résolution, et de quitter ce qu’il avait entrepris et commencé, où il savait qu’il servait beaucoup Dieu et son ordre, ils renouvelaient leur indignation contre lui : et prenant cette constance héroïque, pour une nouvelle désobéissance et rébellion ; ils augmentaient plutôt la rigueur de ses peines, qu’ils ne la modéraient. Tout ceci et le reste qui se dira ci-après, est évidents et manifeste, par les diverses informations qui ont été faites de ces matières, les unes devant le tribunal du nonce de Sa Sainteté, et de quatre assesseurs qui traitèrent avec lui de la cause des Carmes Déchaussés, (dont il est plus amplement parlé dans l’histoire générale de notre ordre,) et les autres faites longtemps après pour sa béatification, outre le rapport de plusieurs personnes de grand crédit qui l’ont ouï dire à lui-même, lesquelles toutes disent les mêmes choses que celles qui sont contenues aux preuves précédentes.
Les Pères de l’Observance, outre le très grand soin qu’il prirent à garder notre bienheureux Père, procurèrent encore autant qui leur fut possible de tenir le tout si secret, que personne ne peut savoir où il était : car comme ils savaient l’estime qu’on en faisait parmi les Déchaussés, ils craignaient que si on découvrait le lieu ils le tenaient prisonnier, ils ne fissent de grandes diligences pour le délivrer. Mais ils usèrent d’une telle retenue et circonspection en ceci, qu’en neuf mois qu’il fut enfermé parmi eux, on ne put savoir s’il était mort ou vif, quoiqu’on y apportât beaucoup de vigilance et de soin ; chose qui affligeait infiniment toute la congrégation, et par-dessus tous notre sainte mère Thérèse : car comme elle connaissait les richesses et les trésors que Dieu avait resserrés et enclos dans son esprit, elle ressentait fort qu’en un tel temps il manquât à son ordre, et encore qu’elle le recommandât continuellement à notre Seigneur, jamais elle n’eut aucune lumière en l’oraison s’il travaillait avec les vivants, ou s’il reposait avec les morts ; ce qui lui faisait dire et répéter souvent, que Sa Majesté en avait pris la charge, puisqu’elle le celait tant à ses amis.
Or pendant que le temps fut tempéré, la peine de la prison lui fut plus supportable ; mais sitôt que le chaud commença, il était en ce lieu comme dans un pénible purgatoire de chaleur et de puanteur : ce qui le tourmentait et travaillait de telles sortes, que ce fut comme un miracle qu’il put vivre quelques jours. Que sera-ce de tant de mois ?
Le geôlier qui l’avait en sa charge était des plus zélés pour sa congrégation des Mitigés, et des moins affectionnés à celle des Déchaussés ; si bien qu’il contribuait pour sa part à la peine du prisonnier, et afin qu’il reçût de l’affliction de tous côtés : outre toutes les peines précédentes, il lui en survint une autre qui le travaillait extraordinairement ; parce que la salle qui était devant sa prison étant comme un logement pour les prélats et les personnes qui étaient de considération dans l’ordre, si bien qu’on les y mettait quelquefois ; et eux, ignorant celui qu’ils avaient pour témoin de leur discours, traitaient pendant la nuit des choses qui étaient les plus communes, et les plus fréquentes pour lors dans l’ordre ; et disaient que la congrégation des Déchaussés commençait à se dissiper et détruire, d’autant que le nonce de Sa Sainteté, Monsieur Philippe Sega, venait de Rome, pour donner liberté au Père Jéróme Tostat, Vicaire général, d’exécuter sa commission, lequel avec l’autorité et faveur du nonce, leur ferait quitter l’habit des Déchaussés, et prendre celui de l’Observance, afin qu’au plus tôt il n’y eût plus de différence entre eux. Outre cela, il connaissait par leurs paroles, la grande indignation qu’avaient contre lui les Pères de l’Observance mitigée, comme contre le principal et le capitaine de la réforme ; et que suivant leur opinion qu’ils donnaient là suffisamment à entendre, il ne sortirait pas de la prison que pour aller au tombeau. Desquels discours le premier lui causait une douleur incroyable ; et le second, une consolation particulière, parce qu’il aimait et chérissait grandement les travaux ; mais en tout, il s’arrêtait et s’appuyait sur la volonté de Dieu, et soumettait à la profondeur de ses jugements son peu de raison et de discours.
Après avoir passé quelques mois dans une si rigoureuse prison, par les incommodités qu’il y souffrait, et le peu de bienveillance et de caresse du geôlier, il devint si faible et si débile, qu’il voyait palpablement qu’il s’en allait passer à une meilleure vie ; et partant il offrait la sienne si libéralement à Dieu, qu’il eut voulu en avoir plusieurs pour les consommer toute à son service, comme celui qui faisait des actes de martyre au milieu des tourments : ensuite de quoi par ce moyen, il parvint dans une occasion si conforme à ses désirs, à ce degré sublime de charité, dont parle notre Seigneur, quand il dit que la plus grande charité qu’on puisse avoir, c’est de donner sa vie pour ses amis ; en quoi il imita la charité de Jésus-Christ, qui offrit la sienne de cette manière. Sur les derniers mois de cette prison, lors de sa plus grande nécessité, notre Seigneur le secourut, faisant venir de Valladolid à Tolède un religieux de l’Observance, homme d’un esprit doux, pitoyable et sans passion, digne de mémoire et d’estime (quoique pour cause je taise ici son nom,) auquel on donna la charge de notre bienheureux Père, à cause de quelque occupation nécessaire qui survint au geôlier ordinaire : et dès lors il commença un peu à respirer ; car en exécutant le mandement, et accomplissant l’ordre qu’il avait de ses supérieurs, il le faisait avec compassion et douceur, ce qu’il montrait soulageant la peine du prisonnier dans le peu qu’il pouvait. Et notre Seigneur conserva la vie de ce bon religieux jusqu’à ce que l’on fit les informations pour la béatification de notre bienheureux Père, et déposa en icelle ce qu’il savait, afin de que ce qu’il rapporte en sa déposition se trouvant conforme à ce que d’autres témoins avaient ouï dire au bienheureux Père, la vérité ne peut être aucunement révoquée en doute : et partant trouver ceci, nous rapporterons quelques-unes de ces paroles. Ce religieux donc répond de la sorte à l’une des premières interrogations qu’on lui fit, traitant en général des vertus de notre bienheureux Père. »Je connus le saint Père Jean de la Croix lors qu’il était prisonnier en notre couvent de Tolède, temps à propos et plein d’occasions pour exercer la vertu, à cause de ses pressures ; et là je jugeais que c’était un homme d’une grande sainteté, et d’une vertu héroïque : car au milieu de ses peines et travaux, il montrait une grande humilité, magnanimité et force ; de manière que de tout ce qu’il endurait, rien ne l’affligeait ou ne causait de l’altération et de l’inquiétude : tant s’en faut, il témoignait par sa grande patience et égalité d’esprit, qu’il avait une âme pure et un puissant amour de Dieu, avec une ferme espérance en sa divine majesté. Outre cela, il était fort reconnaissant de ce que l’on faisait pour lui ; tellement que lors que je lui faisais quelque peu de bien, il m’en remerciait beaucoup. Il montrait aussi qu’il était un homme fort adonné à la pénitence, et ami des souffrances, d’autant qu’il supportait ses travaux qui étaient grands, avec une telle patience, que jamais lorsqu’actuellement il les endurait, ni quand il en était dehors, on ne vit en lui aucune action et on ne l’entendit proféré aucune parole de ressentiment ou de plainte contre personne : mais au contraire, il les souffrait avec une grande tranquillité d’esprit, et avec sa modestie ordinaire, qui était rare et singulière. Et partant de ce que j’ai dit, et du reste que j’ai remarqué en lui, et de ce que j’ai oui diverse fois de ses vertus, je crois pour moi que c’était un saint dans un degré fort sublime et très relevé. »Voilà ce que ce religieux dit en commun des vertus de notre glorieux Père : et à la vérité c’est une chose qui peut bien causer de l’étonnement et de l’admiration, à tout bon et tout sain jugement de voir un tel silence, et une si grande patience, dans des occasions si fortes et si pressantes.
Mais parlant plus en particulier du temps de sa prison, il dit ces paroles : « il fut pris par les Pères de l’Observance de son ordre ; notre Seigneur permettant que son serviteur endurât sans qu’il eût de sa faute, ni de celle des supérieurs. Et la capture se fit à Avila, lorsqu’il était confesseur des religieuses de l’incarnation, qui sont de notre ordre ; et de là ils le menèrent prisonnier à Tolède, où étant, on le jeta dans une petite et étroite prison, et si obscure, qu’elle n’avait de jour que par une canonnière rompue, qui était en un coin d’icelle. Le religieux qui était geôlier du saint Père étant pour lors absent, le Père prieur m’en donna la charge, et pareillement de la petite prison. Dans ce temps que j’en eus le soin, je connus qu’étant tout brisé et maltraité, et à cause de l’incommodité du lieu où il était, fort faible et fort débile, il endurait tout avec une grande patience et silence : car jamais je ne le vis ni ouï plaindre de personne, ni accuser ou blâmer ceux qui l’exerçaient de la sorte. Bref, ni montrer aucune faiblesse ou lâcheté à s’attrister, s’affliger ou déplorer l’état auquel il était réduit ; mais au contraire, il supportait d’un visage serein et content, et avec une grande modestie et tranquillité d’esprit, sa prison et sa solitude.
Sur la fin de son emprisonnement, pendant que j’en avais le soin, on le fit venir trois ou quatre fois au réfectoire, lorsque les religieux y étaient afin de recevoir la discipline, laquelle lui était donnée avec quelque sorte de rigueur, sans qu’il n’ouvrît jamais la bouche pour dire une seule parole ; contraire, il endurait tout avec patience et amour ; et cet acte étant achevé et fini, il s’en retournait aussitôt à la prison. Comme je voyais sa grande patience, et touchée de compassion, j’ouvrais quelquefois la porte de la prison, afin qu’il prît un peu d’air en une salle qui était au-devant d’icelle, et l’y laissait, fermant la salle par dehors, pendant que les religieux s’étaient retirés sur le midi. Et lorsqu’il commençait à sortie au faire un peu de bruit, j’accourais incontinent pour ouvrir la salle, et lui disait qu’il se retirât dans la prison. Et le bienheureux Père est allé aussitôt, joignant les mains et me remerciant de la charité que je lui faisais ; et encore que je ne l’eusse connu auparavant, néanmoins à le voir seulement, et sa façon vertueuse de procéder qu’il gardait là, outre sa patience à supporter un exercice si rigoureux ; je jugeais que c’était une âme sainte. D’où vient que je me réjouissais de lui donner ce petit rafraîchissement : car en ce temps je fus fort édifié de sa sainteté, de sa patience et de sa gratitude, pour le peu que je faisais pour lui. » Tout cela est de ce témoin oculaire est irréprochable, et du temps qui lui fut le moins pénible en la prison.
Outre tous ces travaux qu’il souffrait extérieurement, il en endurait bien d’autres en l’intérieur qui l’affligeaient bien davantage, lesquels il pesait grandement quand parfois il en faisait le récit à ses plus intimes amis et particulièrement deux ; l’un fut une batterie continuelle du diable, sans trêve ni sans relâche, par laquelle il lui représentait qu’il avait très mal fait de quitter l’habit commun, et changer la vie des Pères de l’Observance, pour en mener une particulière et singulière : et lui apportait toutes les raisons que les Maîtres spirituels donnent pour condamner les singularités vicieuses parmi les personnes dévotes, par lesquelles il prétendait lui faire entendre qu’il avait beaucoup déplu à Dieu en cela, causant des guerres civiles en l’ordre et troublant la paix qui y était. Et ne procurait pas seulement de l’affliger, mais aussi de le décourager, afin que renonçant à ce qu’il avait entrepris, il se rangeât et conformât à ce que les Pères de l’Observance désiraient. D’abondance, comme Dieu avait permis qu’il souffrît cette prison pour le purifier davantage, et afin qu’il servît de creuset pour affiner l’or de son âme ; il donnait lieu au diable pour l’exercer avec ces batteries, et semblait qu’il le laissait tout seul dans ses combats, afin qu’il sentît l’affliction de ceux qui aiment grandement Dieu, quand ils sont plongés comme en obscurité dans les craintes et les doutes pour savoir s’ils lui agréent ou déplaisent. Mais lors que l’attaque était si puissante et si furieuse qu’il avait besoin de nouveau secours, notre Seigneur le consolait et fortifiait par un petit rayon de lumière, lui faisant voir le service qu’il lui avait rendu d’avoir embrassé la réforme, et combien ses travaux lui étaient agréables.
La seconde peine intérieure lui venait d’un autre creuset plus véhément, dont parle Isaïe, et duquel nous avons fait mention autre part ; qui fut que notre Seigneur mis de nouveau son esprit dans la fournaise de son influence purgative, et le fit cuire là à bon escient, non plus pour le purger de l’écume des imperfections, comme dans les états inférieurs par où il avait passé, mais pour l’élever par une nouvelle blancheur et pureté à une plus grande ressemblance de Dieu, et une plus rare perfection : car comme il y a une distance infinie entre la plus grande blancheur et pureté de l’esprit créé, pour purger qu’il puisse être, et celle de Dieu, il reçoit une nouvelle purification pour parvenir à une plus grande blancheur et ressemblance divine, comme le dit et l’enseigne saint Denys à notre propos. Or comme la blancheur de notre bienheureux Père devait être en un degré très éminent pour une rare sainteté, il entra souvent dans ce divin creuset ; et quelquefois étant dans la prison, par le moyen duquel on le disposait à de nouvelles faveurs qu’il y devait recevoir.
Les amis de notre bienheureux Père lui ont plusieurs fois ouï dire, qu’il avait reçu beaucoup de consolation de notre Seigneur et de sa très sainte mère dans la prison, pour en supporter avec force et patience tous les travaux et toutes les amertumes ; et quoiqu’il n’ait pas déclaré en détail ces caresses et faveurs, néanmoins on en tire la connaissance de quelques-unes de ses informations, par ce que les témoins lui ont ouï dire, et des autres par le moyen de ses livres ; et partant nous en ferons mention. Premièrement donc il fut consolé par cette rosée de la gloire du ciel, que notre Seigneur, selon Saint-Augustin, à coutume de communiquer à ceux qui sont tentés et fort affligés pour son amour en cette vie, afin qu’ils puissent supporter leurs travaux et leurs afflictions, avec une grande force et courage, et d’une prudente patience. Et saint Thomas dit que les consolations que Dieu donnait dans les tourments aux martyrs, pour les rendre invincibles, étaient de cette espèce ; et notre sainte mère Thérèse ressentait aussi ce même effet avec cette communication divine : d’où vient qu’elle disait que les martyrs n’avaient pas fait grand-chose, souffrant pour Dieu de si grands tourments, supposé qu’il leur donnât dans leur peine un restaurant si cordial. Et ce divin thériaque, secondé des vertus parfaites, desquels son âme était munie, conforta celle de notre bienheureux Père, pour supporter avec cette constance et valeur que nous avons dit les travaux de sa prison.
Le second remède et secours dont notre Seigneur le fortifia en ce temps, afin d’endurer joyeusement toutes ses peines, tant intérieures qu’extérieures, fut une grande connaissance qu’il lui donna de la valeur incomparable des travaux que l’on souffre pour lui : d’où lui venait non seulement cette joyeuse patience, avec laquelle il supportait toutes les traverses et angoisses qui lui survenaient en si grand nombre et si extraordinaires, mais aussi une faim insatiable qu’il lui demeura de souffrir pour l’amour de Dieu : de sorte que la seule mémoire, ou les seuls noms des peines et des travaux lui ravissaient si puissamment l’affection, que d’ordinaire cela le faisait entrer en suspension, comme nous verrons par un exemple ci-après. D’où vient qu’il avait coutume de tenir ce langage à ceux qui le trouvaient quelquefois affligé de ce qu’il souffrait peu de choses pour Dieu. Ne vous étonnez pas si j’aime tant à pâtir, parce qu’étant en la prison, Dieu m’a donné une grande connaissance de la valeur des travaux soufferts pour son amour ; et touchant ces profits et avantages qu’il avait expérimentés en son âme, en souffrant et en pâtissant pour Dieu, il dit en un de ses livres mystiques, que l’âme qui a commencé d’entrer dans les secrets de Dieu, connaît que les travaux du monde sont des moyens pour parvenir aux choses occultes et cachées de la délectable sagesse de Dieu : et partant elle désire de passer par toutes les presses et amertumes qui se peuvent présenter en cette vie ; d’autant que la souffrance la plus pure correspond une connaissance plus pure, et une plus haute jouissance.
Quant à la troisième sorte de consolation spirituelle, dont notre Seigneur le favorisa et recréa en ce temps, ce fut de le faire participant de la béatitude, que l’exercice des vertus cause dans le ciel à ceux qui les possèdent. Et afin d’entendre ceci, il faudra nous ressouvenir de la doctrine de saint Thomas que nous avons rapporté autre part ; à savoir que les béatitudes que notre Seigneur prêcha en la montagne sont les actes des vertus parfaites : de manière que chaque acte de vertu est une particulière béatitude dans le ciel, d’autant plus grande qu’on l’aura acquise avec plus de perfection en cette vie. Et bien qu’en cette vie leurs actes tirent directement au mérite ; et en la gloire, au loyer ; en ce monde, à ce qui perfectionne ; et en l’autre à ce qui délecte, d’où vient qu’en cet exil ils sont pénibles, et là délectables : si ès que nonobstant cela ce saint docteur dit, que les hommes parfaits commencent dès cette vie à jouir du prix et de la récompense de ces béatitudes dans les actes des vertus par une félicitée commencée. Notre bienheureux Père donc en jouit, et nous a déclaré l’expérience qu’il en avait faite en l’un de ses livres mystiques, traitant des effets de l’union divine ; et en parle encore d’autres endroits, bien que ce ne soit pas avec dessein de même qu’ne ce lieu : et partant nous inférerons ici quelques-unes de ces paroles, pour toucher et montrer l’expérience qu’il en avait en ce temps, laquelle lui fut depuis continué dans les communications divines qu’il eut les dernières années de sa vie.
Il parle donc en ces termes à notre propos : [au livre de ses Cantiques. Cantique 1. 26.] « En cet heureux état le vent du Saint-Esprit souffle par cette vigne fleurie et jardins délicieux de l’époux (qui est l’âme transformée en lui par amour et semblance) et donnant dans les dons et les vertus dont elle est embellie et ornée, il les renouvelle et les agite de telle sorte qu’elles exhalent et jettent une odeur suave et admirable, comme quant on remue des parfums, ou des liqueurs aromatiques. Or au temps que se fait cette agitation et mouvement, les vertus épandent l’abondance de leur odeur, laquelle on ne sentait pas auparavant en un tel degré : car l’âme ne sent et ne jouit pas toujours dans l’acte de ses vertus acquises d’autant qu’en cette vie elles sont en l’âme comme des fleurs cachées et resserrées dans leur bouton, où comme des drogues aromatiques qui sont couvertes, dont on ne sent l’odeur que lorsqu’on les découvre et remue. Mais Dieu quelquefois fait que telle grâce à l’âme son époux en cet état ; que soufflant avec son divin esprit par ce jardin de l’âme il fait éclore tous ses boutons de vertus, et découvre ses onguents aromatiques et perfections de l’âme, et ouvrant le trésor et les richesses qu’il y a enfermées, il fait paraître sa beauté à découvert, et pour lors c’est une chose admirable de voir, douce et agréable de sentir la richesse des dons que l’on découvre à l’âme, et la beauté des fleurs des vertus déjà toutes ouvertes et épanouies, et la manière dont chacune d’icelle répand l’odeur de suavité qui lui est propre : laquelle est quelquefois en si grande abondance, qu’il semble à l’âme qu’elle est toute comblée de délices, et plongée dans une gloire indicible : et tellement qu’elle ne le sent pas seulement au-dedans, mais encore il a de coutume dans rejaillir tant au-dehors, que ceux qui savent y prendre garde les reconnaissent ; d’autant que cette âme est comme un jardin plaisant et agréable, rempli de délices et de richesses de Dieu.
En cette aspiration et souffle du Saint-Esprit dans l’âme (qui est une de ses visites) afin de lui donner un plus grand amour, son époux le fils de Dieu se communique à elle d’une manière sublime, et pour ce sujet, il envoie le Saint-Esprit, qui soit comme son précurseur ou son fourrier, pour lui préparer le logis de l’âme son épouse, l’élevant avec des délices du ciel, et mettant le jardin dans la perfection, faisant épanouir ses fleurs, découvrant ses dons, l’ornant de la beauté de ses grâces et richesses : bref, lui donnant à goûter le très doux exercice des actes parfaits de toutes ces grâces et vertus en participation de gloire, laquelle dure en l’âme tout le temps que l’aimé y séjourne, ou l’épouse le va embaumant du parfum de ses vertus, comme elle dit au cantique : lorsque le roi était couché dans son lit (qui est mon âme) mon nard donna l’odeur de suavité, entendant par son nard odoriférant le plan de plusieurs vertus qui sont en l’âme. » Tout cela est de notre bienheureux Père ; en quoi il déclare par son expérience très illuminée, comme en l’état d’union (dans lequel il était au temps dont nous parlons) son âme participait par une illustration particulière du Saint-Esprit, des actes très suaves des vertus, dont les bienheureux jouissent dans les cieux et de la gloire qu’ils leur causent ; et en passant, il nous insinue un autre privilège très singulier dont il jouit miraculeusement en cet état, lequel le pouvait grandement recréer, le tenir content et joyeux dans la souffrance de ces maux ; pour la déclaration duquel il est à propos de vous rafraîchir la mémoire de ce que nous avons dit ailleurs avec l’autorité des grands docteurs mystiques et scolastiques : à savoir que quelquefois par un spécial privilège, Dieu donne aux grands contemplatifs la connaissance naturelle que les anges voyageurs avaient devant qu’ils fussent glorifiés ; à laquelle connaissance appartient de voir sa propre essence, et par icelle, comme par une espèce expresse de Dieu ces esprits angéliques étaient élevés à la contemplation de l’essence divine. Car il semble que notre Seigneur a octroyé quelquefois un privilège semblable à notre bienheureux Père par ces grâces et faveurs, élevant son entendement par des espèces infuses et proportionnées à la connaissance de la beauté de son âme, embellie et ornée de dons et de vertus ; afin que par la joie que cela lui causait, il ne sentît l’amertume de ses peines, voyant combien cette même beauté s’accroissait et se perfectionnait par ces souffrances. D’où vient qu’il dit qu’en ce souffle du Saint-Esprit dans les vergers de l’âme, c’est une chose admirable de voir la richesse des dons que l’on découvre en icelle, et la beauté des fleurs des vertus qui sont déjà toutes écloses, comme aussi de sentir la suavité de leurs odeurs.
Il nous déclare aussi et nous fait entendre en ce même lieu, d’où procédait cette merveilleuse splendeur, avec laquelle on l’a vu tant de fois étant dans cet état, dont nous avons fait mention autre part ; car parlant à ce propos, il use de ces termes. »Et non seulement on aperçoit cela dans ses âmes, quand ces fleurs sont écloses, mais d’ordinaire elle porte aussi quand et soit unie ne sait quoi de grandeur et de dignité, qui cause de la révérence aux autres, à cause du respect surnaturel qui se répand dans le sujet, procédant de l’intime et familière conversation et communication avec Dieu : comme il est écrit de Moïse dans l’exode, où il est dit que les enfants d’Israël ne le pouvaient envisager à cause de la gloire et de la majesté qui lui était demeurée pour avoir traité avec Dieu face-à-face. »De ces paroles nous connaissons que cette splendeur et dignité surnaturelle qu’on a vue et remarquée en lui si souvent, provenait de cette communication divine, si prochaine et si familière ; et de ce que l’époux céleste faisait éclore et mouvoir les vertus quand il venait se recréer dans le jardin de son très pur esprit. Ce qui augmentait fort la beauté et la valeur des mêmes vertus, tant par le singulier effort, que dans cette aspiration et souffle du Saint-Esprit, la vertu divine faisait en la perfection de l’âme ; comme par la disposition de la même âme, réduite si hautement de la multiplicité des créatures à l’unité du créateur : qui sont les deux choses dans lesquelles les docteurs scolastiques mettent l’accroissement des vertus, qui la perfectionnent et l’enrichissent.
Attendu que l’union de l’âme avec Dieu (dans lequel état notre bienheureux Père était en ce temps) d’un côté l’acte suprême de la conformité de l’esprit créé avec son créateur, puisque suivant ce que nous avons vu il vient à à y avoir entre eux une uniformité par participation d’un même esprit (comme dit l’apôtre :) et d’autre part, quel est le lien d’amour qui assemble et joint comme en un les deux unis, afin qu’il y ait entre eux une communication d’amitié. De la vient que la familiarité avec laquelle Dieu traite dès ce temps avec une âme qui est unie avec lui est très grande, et les visites dont il la favorise et gratifie fort fréquentes, comme notre sainte mère Thérèse qui en avait l’expérience ne déclare par ces paroles. »Quand on est parvenue à l’oraison d’union, notre Seigneur a ce soin de se communiquer fort à nous, et de nous prier de demeurer avec lui, si ce n’est que nous ne voulions pas avoir soin de nous-mêmes.
Notre bienheureux Père jouissait en ce temps de cette familiarité de Dieu, avec une autre circonstance qui la comblait d’une plus grande tendreur [sic] et la rendait plus favorable ; à savoir, qu’il souffrait des travaux et des afflictions très pénibles pour son amour et d’autant qu’il a toujours été si sobre et si retenu a déclarer et découvrir cette tendre familiarité, qu’il avait avec le Seigneur d’infinie majesté. Le même Seigneur nous l’a donné à connaître miraculeusement, en l’une des apparitions que l’on voit en sa chair, dont nous traiterons exprès sur la fin du troisième livre, en laquelle on voit un religieux revêtu de la vie des Pères de l’Observance, sans chappe ; (car notre bienheureux Père était de la sorte en la prison) et un petit Jésus qui s’appuyait sur son épaule droite, étant couché d’une façon mignarde et caressante sur le bras du saint Père, et le saint qui paraissait avec une mine riante : par où la divine Sagesse (de laquelle procède ces apparitions) nous insinue que cet enfant Dieu visitait souvent en la prison avec une familiarité et douceur indicible ce sien soldat et fidèle serviteur, lequel souffrait de si grands travaux, et de si grandes incommodités pour son service.
Mais quoique notre bienheureux Père ait été si soigneux de cacher et de taire les visites et caresses qu’il recevait en ce temps de notre Seigneur et de sa sainte mère : néanmoins comme en témoignage de sa gratitude et reconnaissance, il en a découvert quelques-unes à des personnes qui lui étaient très familières, lesquelles les rapportent en leurs déclarations sous serment. L’une d’icelles, et dont il faisait une très grande estime, fut que sa divine majesté lui envoyait parfois une lumière du ciel au lieu de la matérielle qu’on lui refusait : car cette prison étant si obscure comme elle était, joint que le premier geôlier ne lui donnait pas de lumière la nuit, il s’affligeait quelquefois de se voir toujours environné de ténèbres, outre tant d’incommodités, de chaleur et de puanteur, et les étreintes qu’il souffrait. Voilà pourquoi notre grand Dieu touché de compassion des travaux et des peines de son fidèle serviteur, le secourait quelquefois étant en cet état par cette lumière céleste, laquelle ne venait jamais seule, mais accompagnée d’autres consolations intérieures qui recréaient l’esprit, et par une vertu admirable et divine, rejaillissait jusqu’au corps.
Le bienheureux Père découvrit ceci à un religieux qu’il estimait saint, en un long voyage qu’ils firent ensemble : et partant je rapporterai ici ce qu’il dit en sa déclaration sous serment. » Le saint Père Jean de la Croix me raconta un jour comme il avait été mis prisonnier à Tolède, et comme la prison était étroite, obscure et infecte, et que nonobstant cela on ne lui donnait pas de lumière la nuit, ce qui lui causait quelquefois beaucoup peine et d’affliction : mais qu’étant en cet état, notre Seigneur parfois lui envoyait une lumière du ciel qui lui durait toute la nuit. Et je me souviens de deux fois qu’il me donna à entendre en particulier que cela lui était advenu, et que la nuit qu’il en jouissait il était si consolé, qu’elle lui semblait fort courte. L’une de ces nuits étant fort affligé, notre Seigneur lui envoya cette lumière céleste, sans savoir d’où elle venait. Le geôlier le fut visiter alors : et ouvrant la première porte qui était celle de la salle, il fut bien étonné de voir cette lumière en la chambrette qui était plus avant ; car il savait bien qu’il ne lui en avait pas donné, et qu’il le tenait enfermé sous deux clés, où personne ne pouvait entrer s’il n’en avait une fausse. Étant troublé de la sorte, il s’en alla trouver le supérieur, et lui dit ce qui se passait, lequel vint à la prison avec deux autres religieux ; et comme il ouvrait la première porte, cette lumière s’éteignit aussitôt, puis il découvrit celle qu’il portait dans une lanterne, et demanda au vénérable Père qui lui avait donné de la lumière, ayant commandé que personne ne lui en portât. Le Saint-Père lui assura que personne du couvent ne lui en avait donné, et qu’il n’y avait aucun moyen de lui en donner : bref, qu’il n’avait là ni chandelle ni lampe, où il pût avoir cette lumière. Ce qui fit croire au supérieur que le geôlier s’était abusé par quelques imaginations qu’il avait eues ; et partant il ferma les portes et s’en retourna. »
Pour ce qui est des visites, dont notre Seigneur et sa très sainte mère favorisèrent et consolèrent leur serviteur dans la prison, qui endurait tant de travaux pour leur amour et service.
Les témoins des informations qui ont été faites pour sa béatification, qui étaient de ses plus familiers et intimes, disent l’avoir ouï dire à lui-même, et que plusieurs fois ils l’encouragèrent et animèrent pour sortir, lui promettant de lui être propices et favorables. Et d’autant qu’il y en a une, dont ils font mention particulièrement, nous la rapporterons pareillement ici. C’est le propre de l’état d’union auquel se trouvait notre bienheureux Père, qu’entre le divin époux et l’âme son époux uni de cette manière avec lui, il y ait ces subtilités de retour d’amour, et comme aiguillons spirituels qui apportent tant de profit à l’âme (comme a remarqué et pesé saint Laurent Justinien) lorsque pour la porter à un plus grand amour il semble que l’aimé se cache ; car le feu d’amour se vit et s’accroît, davantage par la privation, et sa plaie se fait sentir vivement par l’absence. Notre bienheureux Père donc se plaignant un jour amoureusement à notre Seigneur de ce qu’il se cachait de lui après l’avoir blessé ; il vit soudainement la prison resplendissante d’une très belle et très agréable lumière ; laquelle combla son âme d’une joie si haute et si excellente, qui lui semblait être en gloire. Et notre Seigneur répondant à ses plaintes lui dit : je suis ici avec toi pour te délivrer de tout mal. Avec ces doléances amoureuses procédantes de ces subtilités d’amour, le bienheureux Père commence le traité des effets d’union, lesquels il avait expérimenté en son âme, et l’ébaucha en la prison, comme nous dirons ci-après.
Le frère Martin de l’Assomption, qui a été son compagnon plusieurs années, et que le bienheureux Père chérissait à cause des rares et signalées vertus qu’il reconnaissait en lui, en particulier nous fait foi d’une visite, dont Notre-Dame le gratifia et consola en cette prison, comme l’on peut voir par ces paroles tirées de sa déclaration. »Le saint Père (dit-il) voulut m’exciter à la dévotion de Notre-Dame, me compta comme un jour le supérieur entrant en la prison, accompagné de deux religieux, il le trouva à genoux, et prosterné en oraison. Et d’autant que pour les incommodités de la prison, et pour les mauvais traitements qu’il recevait, il était si affaibli, qu’à peine pouvaient-ils se remuer ; il demeura en cet état, se persuadant que c’était le geôlier. Lors le supérieur le considérant, et voyant qu’il ne se levait pas pour le saluer, le toucha du pied, lui demandant pourquoi il ne se levait pas étant en sa présence ; à quoi le saint répondit qu’il le priait de lui pardonner, d’autant qu’il ne savait pas que ce fut lui, et qu’il ne pouvait se lever si promptement, à cause de ses incommodités. Le supérieur lui demanda par après : à quoi pensiez-vous à cette heure que vous étiez tant absorbé ? Je pensais (dis le saint) que c’était demain la fête de Notre-Dame, et que ce serait une grande consolation si je pouvais dire la messe. À quoi lui répliqua le prieur que ce ne serait de son temps, et s’en alla, laissant le saint fort affligé de ces nouvelles, de ne pouvoir, ni dire, ni entendre la messe en un jour si solennel (qui était selon la concurrence des choses celui de l’Assomption de la Vierge) quoique le témoin n’en fasse pas de mention.
La nuit suivante Notre-Dame lui apparut très belle, et pleine de splendeur de gloire, et lui dit : ayez patience, mon fils, car vos travaux finiront bientôt, et vous sortirez de la prison, et direz la messe, et vous serez consolé ». Tout cela est de ce témoin, qui l’avait su et entendu de notre bienheureux Père : tellement que ce lieu, bien que petit et humble, est digne de toute révérence, tant pour cette visite que pour les autres, qu’il a dit y avoir reçu de notre Seigneur et sa sainte mère ; et lorsque j’entrais, je le regardais avec une dévote vénération, sachant ce qui s’y était passé. Ce témoin avec d’autres, rapporte aussi pour chose notable, que quand notre bienheureux Père disait quelque chose des travaux qu’il avait soufferts en la prison, il ne blâmait et n’accusait jamais personne, non seulement à cause de sa modestie, mais aussi d’autant qu’il voyait que ceux qui lui procuraient ces peines étaient excusables. Car tout ainsi que ceux qui se gouvernent par une conscience erronée, tiennent les moyens injustes pour licites de même aussi ces bons Pères jugeaient que c’était une chose juste, que de punir et tourmenter celui qu’ils tenaient pour désobéissant à leur chapitre général, n’admettant pas les défenses qu’il alléguait pour sa justification, qu’il fondait sur une autre obéissance supérieure, qui lui commandait de ne rien faire de tout ce qui avait été ordonné au susdit chapitre général, laquelle obéissance était très connue et très manifeste.
Notre bienheureux Père étant si maltraité des hommes en cette prison, et tant caressé de Dieu, il commença par illustration divine à bâtir l’édifice de ses livres mystiques, si éminent et si profitable aux personnes spirituelles, comme on collige d’iceux, le fondement desquels doit être pris de ce que dit saint Denys : à savoir que le divin Iérothée instruit et enseigné par inspiration de Dieu, très sublime et très relevée, connaissait les choses divines ; non seulement par une étude humaine, mais encore en les endurant par union de l’affection avec elles ; et de cette manière il parvenait à cette connaissance mystique et savoureuse, qu’on ne peut enseigner par autre voie. Qui est autant à dire, selon saint Thomas, que par les effets qu’il recevait de Dieu en la volonté, l’entendement était élevé à la connaissance pratique que l’on ne peut enseigner par la spéculation. Et pour l’explication de ce lieu, il se sert d’un exemple, disant que comme celui qui est vertueux par l’habitude qu’il a en la volonté, est perfectionné pour juger directement des choses qui concernent cette vertu : de même celui qui est uni par affection aux choses divines, reçoit surnaturellement et divinement une vraie connaissance, et un jugement droit des mêmes choses. D’où nous tirons à notre propos, que cette connaissance expérimentale des choses divines, qu’on ceux qui leur sont unis et qui les goûtent aussi d’une manière divine, est différente de celle qui s’acquiert par l’industrie et l’étude des hommes, comme étant reçue de Dieu d’une façon singulière, dans une étroite et favorable communication. D’où vient qu’on doit une certaine vénération et respect aux écrits des personnes qui ont grandement aimé Dieu, et qui ont été évidemment illuminé de lui, esquels ils nous donnent une doctrine assurée et salutaire, touchant les divins mystères qui nous sont cachés ; comme ont été notre sainte mère Thérèse, et notre bienheureux Père Jean de la Croix, afin qu’aucun, pour docte qu’il soit en la science spéculative, ne prenne la hardiesse de les censurer, s’il est ignorant de cette divine sagesse, pratique et secrète, que Dieu enseigne aux hommes purs et humbles, qui l’aiment en vérité.
Or comme en ce temps le divin époux mettait si souvent l’âme de notre bienheureux Père dans la cave des vins mystiques pour l’unir avec lui, et l’enivrer de ses influences célestes : il lui arrivait ce que notre sainte mère Thérèse recréée de Dieu de cette manière, disait de son expérience par ces paroles : « O mon Dieu, comment est une âme qui est en cet état, elle voudrait être convertie toute en langue pour louer notre Seigneur ; elle profère mille folies saintes et extravagances amoureuses, tendant toujours à contenter celui qui la tient en cette manière. Je sais une personne, laquelle bien qu’elle ne fut poète, faisait sur-le-champ plusieurs vers excellents et fort judicieux, par lesquels elle expliquait ses peines ; non qu’elle l’fit avec l’entendement, mais c’était seulement que pour jouir davantage de la gloire que cette agréable et savoureuse peine lui donnait, elle se plaignait d’elle à son Dieu. Voilà ce que dit notre sainte ; et le même arrivait à notre bienheureux Père, car quand Sa Majesté le favorisait de semblables visites, il sentait son esprit enclin et comme ému et poussé à faire retentir les louanges de Dieu, non seulement en prose, mais aussi en vers, exprimant et signifiant l’affection que les influences divines qu’il recevait, causaient pour lors en son âme. Car quelquefois quand la communication était de l’illumination du don de l’entendement, qui produit en l’âme un amour angoisseux d’une grande blessure, comme nous avons vu autre part : sévère expliquait et déclarait la peine si savoureuse qui lui était demeurée, comme dit ici notre sainte : d’autrefois quand cela procédait de la communication du don de sagesse, qui cause un amour satisfactoire, les vers étaient plein de louanges en Action de grâces de tant de faveurs ; et ainsi les uns et les autres étaient enveloppés dans la substance de ce que recevait pour lors la volonté. Et notre sainte maîtresse à parler fort à propos et très pertinemment ès paroles ci-dessus alléguées, tant en disant que l’affection qu’elle avait pour lors, lui faisait faire des vers excellents, esquels elle se plaignait de sa peine à son Dieu, comme ajoutant que ce n’était pas son entendement qui les faisait : car la saveur et le goût que contiennent ces vers, comme il se vérifie en ceux de notre bienheureux Père, témoignent assez que celui qui n’eût été actuellement goûtant ce qu’il signifiait par iceux, ne pouvait leur communiquer ou donner une chose si particulière. Et bien que ce fut l’entendement qu’il les composait, ils ne laissaient néanmoins de procéder de la très douce influence divine, qui caressait et délectait sa volonté, et en elle toute son âme ; comme il arrivait au prophète David, quand il composait les vers de ses psaumes.
Ce que Cicéron rapporte des sibylles prophétesses, qui parlèrent par le même esprit, était semblable à ce que nous venons de dire, lesquelles étaient comme absorbées en contemplation divine, quand elles prononçaient ces vers, par lesquelles Dieu a voulu découvrir plusieurs de ces mystères à l’aveugle Gentilité ; et le même auteur ajoute que les gentils ne tenaient pas pour vers de prophétie partie de l’esprit de Dieu, ce que les sibylles prononçaient quand elles n’étaient pas élevées et absorbées de cette façon. Et presque la même chose arrivait à notre bienheureux Père en ses cantiques, car il les composait après avoir été en quelque très haute contemplation ; et lorsque la volonté jouissait encore de ces très doux effets, et que son entendement avait comme quelques éclats et lueurs des splendeurs précédentes : de sorte qu’il n’avait pas besoin de se peiner pour penser à ce qu’il disait en substance ; mais seulement il se devait comporter comme celui qui va parlant d’une chose déjà sue, et de l’illustration qui durait encore. Ce que saint Augustin et saint Thomas appellent instinct divin, et le tiennent pour une lumière surnaturelle, et comme une façon imparfaite de révélation prophétique.
Mais comme cette connaissance expérimentale procédait des sentiments de la volonté, ces lueurs de l’entendement ne suffisaient pas à notre bienheureux Père pour composer ces cantiques, si ces doux sentiments d’où ils avaient pris naissance, n’eussent toujours demeuré dans la volonté, comme il l’a déclaré lui-même à deux personnes dévotes, en deux lettres qu’il leur écrivit répondant à leurs demandes, qui était qu’il leur expliquât quelque vers des cantiques qu’il avait faits en la prison ; auxquelles il dit que ces cantiques qui avait été composé dans un amour d’intelligence mystique, ne se pouvaient expliquer qu’avec un esprit attendri et pénétré d’amour : si bien qu’il fallait attendre que Dieu lui fit cette grâce une autre fois. Ce qui fut cause qu’il remit et différa tant cette déclaration ou explication, laquelle par après donna naissance à deux de ses traités mystiques, comme nous verrons en son lieu. Nous colligeons aussi que cela arrivait à notre sainte mère Thérèse, comme il appert par ses propres paroles. » Ces manières d’oraison surnaturelle s’expriment mieux et avec facilité quand Dieu en donne l’esprit ou l’intelligence ; il semble que c’est comme celui qui a devant soi un patron ou modèle dont il tire l’art et l’industrie ; mais si l’esprit manque, il n’y a non plus de moyen d’ajuster ou accorder ce langage, que de l’Arabe. Si bien qu’il me semble que ce fut un très grand avantage, comme je l’écrivis, d’être encore en cette oraison ; car je vois clairement que ce n’est pas moi qui parle, d’autant que je ne l’ordonne pas avec l’entendement ; et je ne sais par après comme je l’ai pu dire. » Tout cela est de notre sainte et maîtresse. Or notre bienheureux Père conserva en sa mémoire ces cantiques de matières mystiques, si sublimes et si relevées, qu’il fit en la prison, y étant poussé et aidé de l’influence divine : d’autant qu’il n’avait lors de quoi les mettre par écrit : et outre cela, il lui demeura encore une connaissance que les auteurs mystiques nomment, comme par le moyen d’un voile ou nuage des mystères et des sentiments reçus en la contemplation pour les expliquer en un autre temps, aidé d’une nouvelle illumination, comme il a pareillement fait.
Notre bienheureux Père fut l’espace de neuf mois en ce cachot, souffrant beaucoup de peines et de travaux, suivant ce qui a été dit ; avec une telle retenue et un si grand secret des Pères de l’Observance, qu’en tout ce temps les Déchaussés ne purent jamais savoir s’il était mort ou vivant. Pendant l’hiver et le printemps les incommodités de la prison lui furent plus tolérable ; mais aussitôt que l’été commença, il fut grandement tourmenté des chaleurs, et la mauvaise odeur du cachot lui fut bien plus pénible ; et toutes ces autres peines s’augmentèrent de telle sorte, qu’il n’avait plus déjà d’appétit à manger ; et comme les viandes qu’on lui donnait n’étaient pas de haut goût, mais fort maigres et peu savoureuses, il n’en pouvait avaler un morceau de sorte qu’avec cette faiblesse et chaleur continuelle, ne pouvant prendre aucun repos, il s’allait consommant, et courait vers sa fin. Le geôlier qui l’avait en sa charge, en avait assez de compassion ; mais il n’avait pas licence de lui donner le soulagement dont il avait besoin ; et partant se voyant lié par l’obéissance, et obligé par les règles et les raisons de la confiance, puisqu’on s’était fié à lui de la garde du Père, d’être fidèle à l’ordre qu’il en avait reçu ; il ne lui rendait pas le secours qu’il eut fait volontiers, sans cet empêchement.
Or le jour de l’Assomption de Notre-Dame étant venu, cette très sainte et très pitoyable Dame lui dit qu’il sortit de la prison, et qu’elle l’assisterait ; mais bien que cela l’encourageât et l’animât beaucoup, si est-ce qu’il ne voyait pas le moyen de le mettre en exécution, vu qu’il était si bien gardé, et que sa prison était fermée sous deux clés. Après ceci, notre Seigneur Jésus-Christ lui vint à faire le même commandement ; et notre bienheureux Père lui ayant représenté les difficultés, il lui fit cette réponse : que celui qui avait fait que le prophète Élisée avec le manteau d’Élie, passa le fleuve du Jourdain, les eaux se divisant, le tirerait et délivrerait de tous les obstacles et difficultés qui se présenteraient à sa sortie.
Notre bienheureux Père donc se réjouissant en l’oraison par la mémoire de cette sainte Vierge : un des jours de son octave, elle lui commanda derechef de sortir, et lui fit voir en esprit une autre fenêtre, qui était en une galerie du couvent, laquelle regardait sur le fleuve du Tage, lui disant qu’il descendit par là, et qu’elle l’aiderait ; et pour la difficulté qu’il avait touchant les deux serrures de la prison ; elle lui enseigna aussi le moyen, duquel il se servit par après, comme nous verrons plus bas. Ensuite de cela, tenant sa sortie pour toute assurée, avec un tels secours et protection, il voulut remercier son geôlier de la charité et des bons offices qui lui avaient rendus, pendant qu’il en avait eu la charge, et fit envers lui ce qu’il dit lui-même par ses paroles en sa déclaration. « Un des derniers jours que le Saint-Père demeura dans la prison, il me supplia de lui pardonner tous les ennuis et toute la peine qu’il m’avait donnés ; et quand reconnaissance et Action de grâces de temps de charité qu’il avait reçue de moi, j’acceptasse ce crucifix dont il me faisait présent, qu’une personne très sainte lui avait donné, et qui devait être estimé, non seulement pour ce qu’il était en soi, mais aussi à cause de la personne de laquelle il venait. La croix était d’un bois exquis, qui avait en relief tous les instruments de la Passion de notre Seigneur ; et en icelle, il y avait un crucifix de bronze, que le saint avait coutume de porter dessous le scapulaire du côté du cœur. Je reçus ce don du saint Père, et le garde encore, ne l’estimant pas seulement pour ce qu’il est en soi, mais aussi d’autant que c’est un gage qu’il m’a donné. » Voilà le témoignage et la déposition du geôlier, et le cas que notre bienheureux Père faisait de cette croix, parce qu’elle venait d’une personne si sainte. On croit que ce fut notre sainte mère Thérèse qui la lui donna au monastère de l’incarnation, où il fut pris et mené prisonnier, bien qu’il voulut supprimer son nom, à cause que les Pères de l’Observance en avaient si grande aversion ; à raison qu’elle était le fondement et la base de cette nouvelle congrégation, qui leur donnait tant de peine.
Or le jour suivant que la reine des anges lui avait ordonné et assigné pour sortir, voulant se servir du moyen qu’elle lui avait enseigné, il tâchait par toutes voies de découvrir cette fenêtre qu’elle lui avait montrée en esprit ; et après avoir bien prévu son affaire, il trouva occasion de la voir de cette sorte. Le geôlier qui se confiait déjà en lui, lui permettait de porter son vase au lieu commun, pendant que les religieux soupaient, et cela l’espace d’un quart d’heure seulement : si bien qu’il eut la commodité, avec ce peu de temps, de voir cette fenêtre qu’on lui avait montrée, et remarquer de quel côté elle regardait (d’autant qu’étant hôte, et qui avait toujours été prisonnier, il savait bien peu les êtres de la maison.) Pour y aller, il fallait traverser tout le couvent, parce que la prison était au frontispice du monastère, qui répond à la place de Zocodoner [sic], et la fenêtre était à l’opposite, en une galerie qui regarde sur la rivière du Tage. Le bienheureux Père reconnu le tout le mieux qu’il put, et après se retira en sa prison, où le geôlier le vint enfermer à l’ordinaire. Quand l’heure du souper fut venue, ce religieux ayant apporté sa réfection, sortit pour aller quérir de l’eau ; et en son absence le bienheureux Père lâcha les fers du cadenas, qui était à vis : de telle sorte, que sans qu’il s’en aperçût, ils demeurassent disposés selon son intention, il se confia du reste en Notre-Dame ; à savoir qu’ayant fait ce qu’il pouvait de son côté, elle suppléerait au défaut de son adresse et de ses forces, et lui en donnerait ou enseignerait ce qui serait nécessaire pour l’ouverture de la seconde porte, puisque par sa bonté elle avait procuré et sollicité sa sortie. Et pour l’exécution de ce dessein, il était déjà pourvu et muni de fil et d’une aiguille, le geôlier avait donné pour raccoutrer ses habits, et d’une lampe qu’il lui donnait pour le temps de souper seulement.
Or pour lui rendre la chose aisée, Dieu voulut que le provincial, accompagné de quelques Pères graves de la province, arrivât cette nuit à Tolède ; et parce qu’il n’y avait pas assez de cellules pour les loger, on en mit deux dans cette salle qui était devant la prison ; lesquels à cause de la chaleur qu’il faisait pour lors, vu que c’était au mois d’août, et à Tolède, laissèrent la porte de la salle ouverte, afin de recevoir la fraîcheur d’une allée qui était auprès : si bien que notre bienheureux Père s’aperçut de cela, et jugeant que Dieu l’avait ainsi ordonné pour sa sortie, commença de s’y disposer et préparer, mettant sa confiance en celui qu’il encourageait, encore qu’elle lui semblât bien difficile.
Il avait déjà cousu les deux couvertures par les bouts, et à l’une d’icelles, une vieille tunique que le geôlier lui avait donnée par compassion, dont il se servit pour cette nécessité. Car s’il n’eut prévu son temps, il n’eut pu coudre cela dans l’obscurité et les ténèbres du cachot. Enfin, ayant préparé sa lampe (du crochet de laquelle il se devait servir pour y pendre les couvertures) il se mit en oraison, attendant que deux heures sonnassent, jugeant que ce temps-là serait le plus commode pour sortir sans être aperçu ou découvert des religieux du couvent.
L’heure donc étant venue pour laquelle il avait destiné de franchir les portes de la prison et de la salle, il lui survint une grande difficulté après en avoir vaincu d’autres, qui était qu’il ne pouvait sortir sans que les hôtes ne s’en aperçussent, d’autant que la porte de la salle qui répondait à l’allée, était joignante celle de la prison ; et comme les hôtes avaient mis leur lit prêt de cette même porte de la salle, afin d’être plus fraîchement : il ne pouvait sortir sans marcher sur eux, ni ouvrir la porte sans faire beaucoup de bruit avec le cadenas ; et par conséquent, il jugea qu’il lui était impossible d’exécuter son dessein : mais nonobstant cela, en l’oraison on le pressa tellement de sortir, qu’il se résolut de passer par-dessus toutes les difficultés, tous les obstacles et tous les dangers qui se pouvaient rencontrer en cette entreprise, après avoir mis sa confiance en Dieu, et en la protection de la très sainte Vierge, espérant qu’ils feraient réussir le tout heureusement. Ces deux religieux avaient discouru une grande partie de la nuit ; et comme il y avait quelque peu de temps qu’ils gardaient le silence, le bienheureux Père pensant qu’ils dormaient, poussa la porte de la prison d’une telle force et violence, qu’un des fers tombant par terre, et le cadenas pendant à l’autre, la porte demeurera ouverte. Les deux religieux effrayés de ce bruit, crièrent aussitôt, qui va là ? Mais lui sans dire mot, se tint coi et en repos, jusqu’à ce qu’ils fussent derechef endormis ; ce qu’ils firent tôt ou peu après promptement, car ignorants le trésor qui était là caché, ils tâchèrent de reposer, et le sommeil les reprit incontinent.
Quand notre bienheureux Père jugea qu’ils s’étaient endormis, il prit les deux couvertures et la lampe, et ira vers la fenêtre qui lui avait été montrée, sans que les hôtes s’en aperçussent, bien qu’il marchât dessus eux en passant. Il racontait depuis que la protection divine l’avait tellement accompagnant, qu’on lui disait intérieurement tout ce qu’il devait faire pour sortir ; si bien qu’il ne faisait qu’exécuter ce qu’il entendait. Cette fenêtre avait pour parapet une pièce de bois semblable à une solive, assise sur un mur de brique : et entre ce bois et ces briques, il mit le bout de la lampe, laissant pendre le crochet de cette lampe au-dehors ; et après l’avoir accroché les couvertures le mieux qu’il pût, et s’être recommandé à Dieu, et à sa sainte Mère, coula et descendit le long des couvertures, et après par la tunique ; et quand il fut au bout, il se laissa tomber, croyant qu’il était proche de terre. Mais il trouva étant en bas, que la hauteur ou distance était plus grande qu’il n’avait cru.
Quand il se vit à terre, et qu’il eut considéré le lieu il était tombé sans s’être blessé, il fut surpris d’étonnement et d’admiration, d’autant que c’était sur une pointe de la muraille de la ville qui n’avait pas de carreaux, et qui était toute pleine de pierres que l’on avait taillées pour le bâtiment de l’église du couvent qui en est fort proche ; et le tout était si dangereux à se précipiter et se briser, que s’il se fut détourné deux pieds plus avant que la muraille du couvent, il fut tombé d’un côté où la muraille est très haute et très élevée. Or avec tout cela, il se trouvait dans un grand labyrinthe, car il ne savait que faire ou aller, pour sortir hors de l’enceinte du couvent, vu qu’il était encore assez ignorant de ces lieux ; qui eussent été difficile et pénible à toute autre personne en une telle heure, quoiqu’ils lui eussent été connus bien particulièrement. Et comme la lune ne luisait pas, et qu’il voyait la hauteur de la muraille, outre ce qu’il entendait de si près le bruit et le murmure de la rivière du Tage, qui joignant ce lieu, se va précipitant entre des roches qui sont des deux côtés : tout cela lui causait de la frayeur, et de l’horreur. Étant de la sorte en suspens et agité de crainte, il aperçut près de soi un chien qui mangeait les restes du réfectoire qu’on avait jeté là ; et pensant que ce chien lui pourrait servir de guide, il le menaça afin de lui faire prendre la fuite, et le suivit jusqu’à ce qu’il eut sauté dans une autre cour, joignant celle du couvent où il crut qu’il trouverait quelque issue ; mais la muraille était haute vers le côté d’en bas : et pour lui il était si moulu et brisé par sa grande faiblesse, et à cause de la force qu’il s’était faite pour se tenir aux couvertures, qu’à peine se pouvait-il remuer, et à plus forte raison sauter des murailles. Mais enfin, le péril où il était, et la faveur et protection qu’il avait de la Vierge, lui firent tirer des forces de sa faiblesse, et franchir courageusement cette carrière.
Quand il se vit hors les bornes et limites du couvent, après avoir considéré le lieu où il était ; il connut que c’était une cour du monastère de la conception des religieuses déchaussées de Saint-François, car le geôlier lui avait dit qu’elles étaient leurs voisines ; et cette cour était derrière leur église, bien qu’elle fût hors de la clôture. Il jeta les yeux de tous côtés, pour voir s’il ne découvrirait pas quelque issue, il trouva le tout bien fermé et bien bouclé : car cette cour par les deux côtés qui regardent la rivière du Tage, est entourée du mur de la ville, qui est bâti sur de grandes roches : de l’autre côté elle était joignante au couvent dont il était sorti ; et par celui d’en haut qui regarde la ville, par où il lui semblait que le chien avait passé, elle était environnée d’un rempart si haut, qu’encore que le mur fut tombé par terre, quand je l’allais visiter pour décrire ceci, on n’y pouvait entrer qu’avec difficulté. Cela donna des étreintes et des transes très grandes à notre bienheureux Père, se voyant comme en une autre prison plus dangereuse que celle où il était auparavant, et qu’il n’en pouvait sortir, n’y retournez au couvent, bien qu’il ne perdit courage ni l’espérance, que celui qu’il avait affranchi du premier danger, le tirerait encore du second. Il tâcha donc de grimper sur la muraille, mais sans rien avancer, d’autant qu’il n’en avait les forces, et que la sortie n’était à propos ni commode, bien qu’il en eut eu de suffisantes.
Étant dans cette détresse, il s’en alla visiter les autres côtés ; mais en vain et sans une plus grande espérance qu’auparavant ; et partant il la mit en Dieu seul, le suppliant qu’il achevât ce qu’il avait commencé, puisque se confiant en lui, et lui obéissant, il était sorti du couvent : ensuite de quoi ayant fait toutes ses diligences sans aucun effet, il aperçut auprès de soi une très belle lumière, environnée d’une petite nüe qui jetait une grande splendeur, laquelle lui dit : suis-moi ? De quoi se sentant animé et conforté, il la suivit jusqu’à la muraille qui était sur le haut du rempart, où étant sans voir personne, on le prit et enleva sur le mur qui va droit à la porterie des religieuses, et à la rue qui conduit à la place de Zocodover ; et là cette lumière disparut, le laissant avec un tel éblouissement, qu’il disait depuis que ses yeux avaient autant été éblouis et tremblotants l’espace de deux ou trois jours, comme quand on a regardé fixement le soleil en sa course, et qu’on retire sa vue de ses rayons. Les témoins qui l’ont ouï dire à lui-même, content cette sortie de la sorte, et la déclaration sous serment du geôlier, s’accorde avec cela en substance, duquel nous rapporteront ici quelques paroles qui aident à vérifier combien cette sortie a été miraculeuse.
Il arriva (dit-il) en ce temps, qu’une nuit ayant fermé la porte de la prison avec son cadenas, tous ceux du couvent étant déjà retirés, le serviteur de Dieu sortit par la porte de la prison à la salle, comme on le jugea depuis ; et après, descendit par un parapet qui était en un endroit très haut et fort périlleux ; et je tiens cette descente pour miraculeuse, car le parapet n’avait ni fer ni treillis, ou barreaux, qui pussent résister lors qu’il descendait, vu que ce n’était qu’un petit mur, large seulement d’une demie brique, qui avait au-dessus une pièce de bois de la même largeur, afin que les religieux si pussent appuyer sans gâter leurs habits ; et ce bois n’aurait rien au côté qui le peut arrêter ni tenir ferme.
Or le serviteur de Dieu prenant le fer d’une lampe, il le mit entre la brique et le bois, puis à l’instant, ensemble deux vieilles couvertures qui lui servaient de lit, lesquelles il avait mis en pièces pour le dessein de la sortie, il les attacha par les extrémités à une vieille tunique, ou un lambeau d’icelle ; et ensuite, il pendit le tout par un bout des couvertures au crochet de la lampe, ce qui n’était pas néanmoins assez long pour aller jusqu’à terre, car il s’en fallait bien une toise et demie. Cette descente était en un endroit si dangereux, qu’à faute de descendre tout droit, et pour gauchir et glisser tant soit peu, il fut tombé dans un grand précipice, vu que tout était bouleversé, à raison du nouvel édifice de l’église.
Il descendit donc parla selon l’opinion des religieux du couvent, et selon la mienne, ce que nous jugeâmes, ayant découvert le lendemain qu’il était hors de la prison, et voyant les pièces ou lambeaux qui pendaient à cette fenêtre : en quoi nous fûmes grandement étonnés de deux choses ; l’une de ce que le fer de la lampe ne s’était pas plié par la charge et pesanteur de son corps, d’autant que celle des couvertures était suffisante pour cela ; l’autre comment il s’était pu faire, qu’ayant mis le bout de la lampe entre le bois et la brique du petit mur, ce bois n’étant nullement tenu, ni arrêté en aucune part, avec la force requise, il ne s’était levé et tombé par terre avec lui, vu que le poids des seules couvertures suffisait pour cet effet, à plus forte raison celui d’un corps semblable. Et tout cela étant demeuré de la sorte qu’il a été dit, sans que le bois sortît de sa place, ni que le manche de la lampe qui était là sans aucun artifice se pliât ; et n’y ayant aucun signe, ni trace, ni apparence qu’il fut sorti par là. Et comme je sais certainement qu’il ne pouvait sortir par un autre endroit, je tiens sa sortie pour miraculeuse, et ordonnés de notre Seigneur, afin que son serviteur ne pâtisse davantage, et qu’il aidât et servit sa congrégation des Déchaussés. Et bien qu’on me privât de voix et de place pour quelques jours, nonobstant je me réjouis avec d’autres religieux particuliers de ce qu’il s’en était allé ; car nous avions compassion de ses travaux et de ses peines, lesquelles il souffrait avec tant de vertu. » Le Père qui eut charge de lui rapporte sa sortie de prison en cette manière.
Quand notre bienheureux Père se vit dans la rue, il fut extraordinairement consolé ; et rendant grâce à Dieu, et à sa sainte mère, de sa délivrance miraculeuse, il tâcha de s’éloigner du couvent d’où il était sorti : mais d’autant qu’il était encore nuit, pour n’aller par des rues inconnues, il entra dans une maison qu’il trouva ouverte, qui était à une de ces femmes, qui se lèvent de grand matin pour étaler leurs marchandises en la place. Quand le jour fut venu, il sortit, demandant où était le monastère des Carmélites (d’autant que nous n’y en avions pas encore.) Chacun était tout étonné de le voir en si mauvais état ; à savoir avec un vieil habit, et sans chappe, ayant plutôt la mine d’un fol que d’un religieux. La sacrée Vierge s’était chargée de tirer hors de prison son serviteur, et de l’affranchir et délivrer de tous les autres dangers, qui se pourraient présenter : et ainsi elle disposait le tout comme il était convenable pour sa sûreté : car à la même heure que le bienheureux Père demandait où était le monastère des Déchaussés de son ordre, elle envoya un accident si extraordinaire, et si fâcheux à l’une des religieuses dudit monastère, qu’il semblait qu’elle allât rendre l’âme ; et ainsi elles envoyaient appeler un confesseur au même temps que notre bienheureux Père se trouva à la porte du monastère, et avec cette occasion si pressante, on le fit entrer dedans pour confesser cette religieuse.
Quand les religieuses le virent, elles eurent bien de la peine de le reconnaître, d’autant qu’il avait un vieil habit des Pères de l’Observance, fort gâté et fort sale ; et son visage était si maigre et si défait, qu’il semblait plutôt à un mort qu’à un homme vivant. Enfin, elles furent extrêmement consolées de sa présence, d’autant qu’il y avait neuf mois qu’on en avait appris aucune nouvelle, au grand regret de toute notre congrégation, notamment de notre sainte mère Thérèse ; laquelle dans ce temps étant à Seuille occupée à la fondation d’un monastère de religieuses, par toutes les lettres qu’elle écrivait à ses filles qui étaient dans la Castille, elle leur en chargeait de lui mander ce qu’elles savaient du Père Jean de la Croix.
Il alla donc confesser la malade devant que de se reposer, quoiqu’il ne pût se tenir debout, à cause de sa faiblesse et lassitude : et à peine était-il entré dans le monastère, quand les Pères de l’Observance l’y vinrent chercher ; car ils avaient déjà découvert qu’il s’en était allé, ce qu’ils ressentaient vivement, et pensant que soudain il se serait réfugié au couvent des Carmélites, ils y allèrent le chercher devant que d’aller autre part. Ils visitèrent l’officine de la porte, le parloir, l’église et la sacristie ; et de l’ayant trouvé, ils l’allèrent chercher en d’autres lieux. Le mal de cette religieuse dura autant de temps qu’il fallait qu’il demeurât là, afin qu’on lui fît un habit de carme Déchaussé, et que l’on donnât ordre pour le faire sortir de Tolède, sûrement et bien accompagné. Les religieuses s’affligeaient fort de le voir si débile et si maltraité, et se mirent en devoir de lui apporter quelque chose pour manger, mais à peine pouvait-il avaler un morceau. Elles le prièrent de leur conter quelque chose de ses travaux pour entretenir la malade ; ce qu’il fit avec grande modestie, excusant toujours ceux qui l’avaient exercé ; et il y en a encore aujourd’hui quelques-unes de vivantes de celle qui lui ouïrent faire ce récit. Elles supplièrent par après don Pierre Gonzales de Mendoça, chanoine et trésorier de la sainte Église de Tolède, qui était fort affectionné à la congrégation des Déchaussés, de le mettre dans son carrosse, et de le mener en sa maison (qui était pour lors en l’hôpital de Sainte-Croix, duquel il était intendant cette année-là :) ce qu’il fit étant venu ce soir-là au couvent, et retira quelques jours en ladite maison le bienheureux Père, lui faisant beaucoup de caresses et de bons traitements pour le remettre et le fortifier, afin qu’il pût porter la fatigue du chemin. Ensuite de quoi il le fit conduire par deux de ses serviteurs en notre couvent d’Almodovar du Champ, notre Seigneur l’ordonnant ainsi ; afin qu’ayant déjà instruit par son bon exemple et par sa doctrine les deux Castilles, il fit le semblable aux deux Andalousie ; car des ce couvent il prit la route vers ces provinces. Ceux qui le conduisirent à Almodovar s’en retournèrent si édifiés, qu’il disait depuis que ce religieux donnait des preuves et des marques d’un saint en toutes choses.
En ce couvent, et en tous les autres, où il fut par après quand l’occasion se présentait de discourir de sa prison, et de tous les mauvais traitements qu'il avait souffert, il ne voulait jamais qu’on dise du mal des Pères de l’Observance : mais au contraire, il les excusait toujours, alléguant en leur faveur plusieurs raisons et convenances ; comme disant qu’ils croyaient bien faire, et qu’ils tenaient pour matière de religion, et de juste châtiment les exercices de pénitence qu’ils lui avaient ordonné. Peu de jours après notre sainte mère Thérèse retournant de l’Andalousie arriva à Tolède, laquelle fut remplie d’une joie et consolation très grande de la nouvelle que les religieuses lui donnèrent du Père Jean de la Croix, ayant été tant en peine de lui, et n’ayant su en rien apprendre depuis le temps de sa capture. [fin du chapitre]
Attendu que notre Seigneur imprima en esprit de notre bienheureux Père des qu’il changea de profession, ce qu’il dit lui-même depuis à notre sainte mère Thérèse, que ces Déchaussez traitassent peu avec les séculiers, et qu’ils prêchassent plus par œuvres que par paroles, il tâcha et procura toujours de les y inciter, et acheminer, désirant de les faire prédicateurs du bon exemple : mais il s’en suivit de là que quelques-uns qui n’avaient pas tant d’inclination à la solitude et à la retraite des communications humaines ressentaient vivement que notre bienheureux Père en voulut tant mettre, et établir dans la nouvelle congrégation, jugeant que par la communication, les prédications, et les confessions pratiquées à leur mode, et non suivant l’institut de l’ordre, ils pouvaient profiter au prochain ; ensuite de quoi ceux qui tiraient de ce côté, se montraient peu affectionnés à notre bienheureux Père, entre lesquels il y en eut deux de remarquables [personnes doctes, et de considération dans l’ordre] qui firent paraître du ressentiment de ce qu’il les avait autrefois mortifiés étant provincial d’Andalousie, et encore que l’on n’ait pas reconnu et vérifié les causes de cette mortification, je me persuade et crois bien que ce ne fut pas pour avoir subi quelque peine, ou châtiment d’aucun délit qu’ils eussent commis, d’autant que tous deux étaient des religieux vertueux et exemplaires, mais parce que, comme ils étaient prédicateurs forts célèbres, et qui avaient une inclination à s’occuper démesurément en cet exercice, l’un demeurant les mois entiers hors du monastère pour ce sujet, notre bienheureux Père peut les empêcher et retirer de cette occupation, pour n’y vaquer de la sorte qu’ils faisaient, et afin qu’ils accommodassent le zèle du salut des âmes à notre profession, non pas à l’institut des autres. Car c’était ce qu’il prêchait toujours à ceux qui s’occupaient à l’avancement et au salut du prochain. Or comme notre bienheureux Père en ce chapitre demeura sans office, et que ces deux religieux en furent pourvus, l’un étant élu définiteur de l’ordre, et l’autre prieur d’Ubede comme personnes qui le méritaient bien à raison de leur vertu et de leurs lettres, ils commencèrent tous deux chacun de son côté à exercer la patience de notre bienheureux Père, lequel eut avis, étant encore en ce désert, de quelques mortifications qu’on lui traçait, et préparait, de l’une desquelles il vit incontinent l’effet, car en prenant occasion de ce que les religieuses justifiaient leur cause, le demandant pour commissaire suivant la teneur du bref, dont nous avons parlé, le définitoire traita de l’éloigner et de l’envoyer aux Indes de la nouvelle Espagne avec 12 religieux, pour achever l’établissement de cette province, et y mettre les affaires en bon ordre. Ce qui fut arrêté et conclu à Madrid le 25e de juin de la même année 1591.
Notre bienheureux Père reçu ce décret du définitoire avec l’ordre de son voyage, et encore que l’on connut facilement par cette résolution, que les auteurs d’icelle le tenaient déjà comme un obstacle et personne inutile à la religion, de là il se consolait de ce que ses désirs commençaient à s’accomplir, qui était d’endurer des travaux et des mépris pour l’amour de ce Seigneur, qui en avait souffert de si grands pour lui. Néanmoins il ressentait beaucoup qu’on eut si peu de satisfaction de lui, qu’on ne crut pas ce qu’encore que les religieuses l’élussent pour leur commissaire, qu’il ne l’accepterait jamais, et ne serait le premier qui défendrait et maintiendrait l’état auquel leur sainte mère les avait laissées.
Il avait aussi un grand ressentiment et déplaisir de l’inquiétude que cela causerait dans toute la congrégation, qu’on chassât d’icelle et reléguât aux Indes comme un banni, celui qui était tant aimé et chéri, communément de tous, et qui était tenu pour la pierre fondamentale de la vie primitive, et s’affligeait beaucoup voyant qu’on en devait rejeter la faute sur le Père Nicolas de Jésus Maria Vicaire général de l’ordre, lequel il aimait pour ses rares parties, et son zèle de religion, et que son crédit en recevrait des atteintes à tort et sans cause, parce qu’il savait bien qu’il n’agissait pas par animosité et passion, et qu’en toutes les actions du définitoire il n’était pas maître des voix et suffrages d’autrui, et partant l’une des choses qui lui causèrent le plus ennui en cette persécution, fut de voir accuser ou blâmer le Père Nicolas, tâchant de défendre constamment et efficacement son innocence. Ensuite de quoi afin de de ne pas entendre de plaintes du définitoire, et de les empêcher ès autre couvent, il donna charge au Père Jean de Sainte Anne d’aller à Grenade et autres lieux de cette province, pour assembler les 12 religieux qui devaient aller avec lui, le priant de lui donner avis lorsqu’ils seraient tous prêts, afin de partir et s’aller embarquer, comme nous avons déjà dit autre part discourant de son obéissance. Mais notre Seigneur arrêta le cours de ce voyage par des fièvres qui le saisirent, étant encore dans ce désert du petit rocher, dont il fit si peu de cas, qu’il les supporta l’espace de 15 jours sans s’aliter, ne voulant pas manger de viande ni prendre aucun allégement de malade, bien que journellement il fut attaqué de ces fièvres, mais enfin il fut contraint de se mettre au lit à cause d’une grande enflure qui lui survint en une jambe. Or en ce temps le Père Jean de Sainte Anne lui donna avis de Grenade qu’il avait déjà assemblé les religieux qui devaient passer à la nouvelle Espagne, et qu’ils étaient tous prêts de s’embarquer, quand il voudrait partir. Mais comme notre Seigneur ne disposait pour un plus grand voyage, il ne put lors traiter de celui-là. Son mal croissait de jour à autre, et comme on en eut averti le Père provincial [qui était le Père Antoine de Jésus son ancien compagnon,] il lui écrivit aussitôt une lettre de consolation, et lui envoya une licence pour se faire conduire à Ubede, ou à Baëce qui était tout deux à six lieux de là, pour y être pansé, et manda aussi au Père prieur de ce couvent de l’envoyer promptement à cause du peu de commodité qu’il y avait en ce monastère pour secourir des malades, étant une maison de désert.
Le Père Jacques de la conception qui pour lors en était prieur parle de la sorte en sa déclaration sous serment, touchant le choix que fit notre bienheureux Père de l’un de ces monastères pour y être assisté dans sa maladie. « Voyant qu’il était nécessaire d’envoyer notre bienheureux Père Jean de la Croix en un autre lieu, comme prieur du couvent je traitais de le faire conduire au collège de Baëce et non au couvent d’Ubede à cause que cette maison était plus accommodée et que le Père Ange de la Présentation grand ami du saint en était supérieur. Et au contraire que le couvent d’Ubede était une nouvelle fondation et par conséquent peu commode pour y assister des malades, joint que le prieur qui le gouvernait était fort dégoûté du saint et ne l’affectionnait pas beaucoup. Mais il refusa d’aller à Baëce, d’autant que le supérieur était son intime ami, et qu’il y était fort connu, ayant été comme le fondateur de ce collège, tellement qu’il choisit et préféra le couvent d’Ubede. Vous pouvez colliger de la déposition de ce Père, et de ce choix tant inégal en une si grande nécessité, l’extrême désir qu’avait notre bienheureux Père de souffrir de grands travaux et incommodités pour Dieu, et combien l’amour déréglé de soi-même était banni de son âme, vu qu’en une occasion si juste il refusait la sa commodité et son soulagement.
Il y avait aussi en ce désert frère appelé frère François de Saint Hilarion, qui devait s’en aller en un autre monastère pour s’y faire panser, et comme il craignait d’aller à Ubede, il faisait son possible pour persuader à notre bienheureux Père de ne prendre pas d’autre couvent que celui de Baëce, lui alléguant pour cela de fortes et prégnantes raisons. Mais notre bienheureux Père fit en sorte qu’on l’envoya à Ubede et le frère à Baëce.
Le prieur du petit rocher envoya donc notre bienheureux Père à Ubede avec un frère convers pour l’assister dans ce voyage, lequel il fit avec beaucoup de travail et de peine, à cause qu’il y avait déjà quelque temps qu’il était malade, et par conséquent fort faible, et tellement dégoûté, qu’il y avait plusieurs jours qu’il ne pouvait avaler un morceau, d’où vient qu’il était si débile, qu’il ne se pouvait tenir sur sa monture. D’ailleurs comme les humeurs de la maladie s’étaient ramassées en sa jambe, et qu’elle s’était fort enflée, le mouvement lui causait des douleurs si grandes et si cuisantes qu’il lui semblait qu’on lui coupait cette partie. Pour alléger le mal ils discouraient de Dieu le long du voyage, et étant près du pont de la rivière de Guadalimar, le frère lui dit, mon Père votre révérence se reposera un peu à l’ombre de ce pont, et le contentement de voir cette rivière vous fera manger un morceau. Notre bienheureux Père lui répondit, je me reposerai fort volontiers, car j’en ai grand besoin, mais de parler de manger c’est une chose inutile, parce que de toutes les choses que Dieu a créées, je n’ai appétit que d’une seule dont la saison est passée, à savoir des asperges.
Étant arrivés au bord de la rivière, le frère le mit à l’ombre du pont près de l’eau, ou ils continuèrent leur discours de Dieu, dont ils tiraient un nouveau sujet, voyant la clarté de l’eau et sentant la fraîcheur de la rivière. Sur ces entrefaites ils aperçurent près d’eux sur une petite Roche, une botte d’asperges, liée d’osier, dont la vue causa tant d’étonnement à ce frère, voyant que ce n’en était nullement le temps en ce pays, d’autant que c’était au commencement de septembre, que notre bienheureux Père pour lui ôter cette admiration, et la créance que ce fut un miracle comme il y avait assez d’apparence, fut contraint de lui dire : “Quelqu’un les aura laissés la part oubliant ce, ou bien en sera allé chercher d’autres, voyez je vous prie si vous ne trouverez pas celui à qui elles appartiennent, afin que nous ne les emportions pas sans sa licence.” Le frère fit un tour par ces collines, et n’ayant trouvé personne il s’en revint trouver notre bienheureux Père, lequel lui dit : “Puisque nous ne trouvons pas le maître de ces asperges, mettez sur la même pierre où elles étaient le prix qu’elles peuvent valoir, afin que celui à qui elles appartiennent trouve à son retour le paiement de sa peine. Ils poursuivirent par après leur chemin, emportant avec eux ces asperges, ce qui causa beaucoup d’étonnement et d’admiration au couvent, de voir cette nouveauté en un tel temps.
Quand notre bienheureux Père arriva à Ubede, il fut reçu du prieur avec assez d’ennui et de dégoût, mais avec allégresse et contentement de tous les religieux. Car tout l’ordre l’aimait comme son Père, et le respectait et honorait comme un saint. Son mal en ce lieu s’engagea de telle sorte, les douleurs croissant et l’humeur s’étendant, que non seulement sa jambe était pourrie et ulcérée, mais aussi une grande partie de son corps, joint qu’il s’engendra une certaine matière entre la chair et la peau qui l’allait consommant peu à peu. Or pour vous donner une plus ample connaissance de sa maladie, de ses douleurs, et par même moyen de la patience dont il les souffrait, nous rapporterons ici quelque chose de ce que dit à ce sujet le frère Bernard de la Vierge son infirmier. Prêt de quatre mois, dit-il, le saint Père fut malade d’un érésipèle qui lui vint en une jambe, et lui causait de très grandes douleurs, qu’il supportait avec tant de patience qu’un chacun en était édifié. Il avait cinq plaies au-dessus du pied en forme de croix, que cette humeur où matière avait causés les quatre aux deux côtés, et la plus grande au milieu, desquelles il sortait tant de matière qu’on en emplissait plusieurs plats, et étaient si ouvertes et pleines de fistules, qu’elles le tourmentaient jour et nuit. Il ne se pouvait en aucune façon remuer ni changer côté, d’autant que le gras ou mollet des deux jambes et aussi une des hanches était ulcérée, et le mal après se répandit partout le corps, si bien qu’il faisait compassion à le voir. On avait pendu une corde au plancher de sa cellule, à l’aide de laquelle il se put tourner dans son lit, laquelle par intervalles il prenait des deux mains pour se soulager quelque temps.
Il endurait tout cela avec une patience extraordinaire, sans que jamais en lui n’entendit proférer aucune parole de plainte, ni souffrant ses douleurs, ni dans les martyrs, et très grands tourments que lui causait les remèdes qu’on lui appliquait. Mais au contraire d’un visage égal et content il offrait au Père éternel tous ses travaux en une mémoire continuelle de la Passion de son Fils, et le remerciait de ce bienfait. Il portait avec soit un crucifix du cuivre, et l’amour avec lequel il souffrait était si grand, qu’en étant quelquefois épris et transporté, il l’embrassait étroitement montrant combien il était profondément gravé dans son cœur, et demeurait là plusieurs parties du jour en une tranquille et paisible contemplation. Il avait tellement mis le boire et le manger en oubli, et les autres allégements corporels, que les malades désirent d’ordinaire, qu’on eût dit que c’était seulement un esprit, et priait toujours un chacun de le recommander à notre Seigneur.
D’ailleurs il se confessait fort souvent, et priait humblement le Père prieur de lui faire donner la sainte communion, et toutes ces paroles, et toutes ses actions publiaient qu’il était un très grand saint. Il remerciait beaucoup tous ceux qui lui rendaient quelque service pour petit qu’il fut, et continuellement il demandait pardon à ceux qui avaient soin de lui dans sa maladie. D’où vient que lorsque je me levais la nuit pour l’aider en quelque chose [comme il m’arrivait souvent] il ne cessait de me priait de lui pardonner, mais plusieurs fois il endurait ses étreintes, et angoisse sans les déclarer, afin de ne troubler le repos de personne.” Voilà comme parle son infirmier. Et voyons par même moyen ce que dit de ses douleurs et de sa patience le Père Barthélemy de Saint Basile religieux de cette province qui l’assista fort en sa maladie.
Le saint Père, dit-il, ne souffrait pas seulement toutes les douleurs et martyrs de cette maladie avec patience, mais encore avec joie et allégresse et avec désir (comme il semblait) de n’en voir sitôt la fin. Car au plus fort de cette souffrance il avait coutume de dire ces mots : Haec requies mea in saeculum saeculi, comme priant Dieu que le pâtir pour lui fut éternel. Toutes les paroles qu’on lui entendait dire pendant sa maladie, n’était que des louanges qu’il donnait à Dieu pour son mal, et de ce qu’il lui envoyait qu’elle de quoi souffrir pour son amour, et semblait être toujours en oraison. Outre les maux qu’un chacun connaissait, il en celait et cachait d’autres qu’il endurait jusqu’à ce qu’ils fussent découverts par ceux qui le venait panser, comme il arriva un jour que je le pris entre mes bras pour le mettre sur un matelas, afin de faire son lit, car l’ayant fait, comme je le voulais reprendre pour le remettre au lit, il me supplia de laisser aller tout seul comme il pourrait, ce que lui ayant accordé, il se traîna jusque-là. Mais m’affligeant de le voir aller de la façon, je lui demandais pourquoi il m’avait voulu donner cette mortification, ne voulant permettre que je lui aidasse, à quoi il me fit cette réponse pour m’ôter ce sentiment. »Je l’ai fait dit-il à cause du mal que je sentais aux épaules ». À cette occasion je les voulus voir, et trouvais qu’il y avait une grosse apostume [abcès], dont on tira beaucoup de matière le jour suivant, et je reconnus que je lui avais causé une douleur très sensible, lors que je l’embrassai pour lui faire changer de place, et qu’encore qu’il eut là un grand mal, il n’en avait rien dit ni fait aucune plainte, même quand je le serrais pour le tirer du lit. » C’est ce que rapporte ce témoin oculaire est digne de créances.
Le Père Ferdinand de la Mère de Dieu qui pour lors était sous-prieur de ce couvent, et qui se trouva présent quand le licencié Villareal, qui était le chirurgien qui pansait notre bienheureux Père, lui fit une ouverture depuis le talon jusqu’à la hauteur d’un demi-pied et davantage dans sa jambe ; remarque aussi en sa déclaration qu’il ne se plaignit ni altéra en aucune façon, quoiqu’il fût indubitable que cela lui avait causé des douleurs indicibles, et rapporte semblablement que l’ayant vu panser d’autrefois, où on lui coupait de gros morceaux de la jambe, il endurait tout cela avec autant de constance et de vertu comme si s’eût été un autre que lui, auquel on eût appliqué ces remèdes. Mais celui qui pénétrait plus avant cette patience, et qui la tenait pour singulière et miraculeuse était le chirurgien, d’autant qu’il connaissait mieux la force et la rigueur de son mal. Ensuite de quoi il me dit quelquefois avec admiration qu’il lui eut été impossible de souffrir tant de tourments si Dieu le lu secourut est assisté d’une grâce très surnaturelle. Avec tout cela le désir qu’il avait de souffrir des douleurs et des amertumes pour Jésus-Christ excédait et surpassait de beaucoup ce qu’il endurait. Car il tâchait de le supporter à sec et sans allégements, de peur que l’affliction et la peine et diminua se et n’admettait jamais aucune commodité et consolation qui ne fut précisément nécessaire pour la conservation de sa vie, à quoi il était obligé par la loi naturelle, dont nous avons vu la preuve autre part dans l’exemple de la musique avec laquelle on le voulut divertir en une autre maladie.
Les religieux l’allaient voir, non seulement par charité et compassion, mais aussi à cause de l’édification qu’ils en recevaient, et disaient que pour représenter Job au naturel en sa personne, il ne lui manquait que la tuile dont il raclait l’ordure de ses ulcères, d’autant qu’il était son vrai portrait, tant en la maladie et ès mortifications, comme en sa patience, et servait d’un rare exemple de cette vertu à ceux qui le regardaient, de sorte que ce bienheureux Père par cette voie et par ces paroles prêchait si hautement, que ces bons religieux sortaient de là comme renouvelés, et faisant de grands propos de perfection, et semblait que tout le couvent fut rempli de ferveur, d’autant que ses paroles communiquaient le feu céleste dont il était embrasé. Le médecin sentait aussi le même profit, et ainsi il prenait l’occasion et l’opportunité pour le venir entretenir à cause de la consolation qu’il recevait de l’entendre parler de Dieu, et à moi il me disait [ce qu’il a depuis rapporté dans sa déclaration] que cette communication de notre bienheureux Père l’avait changé en un autre homme.
Il arriva plusieurs choses en ce temps qui nous font voir clairement la licence que le diable avait de Dieu pour affliger notre bienheureux Père selon la quantité et diversité des moyens dont il se servit à cet effet desquels j’en omets une bonne partie, et les laisse dans le silence pour vous entretenir à présent d’une, que je ne puis supprimer sans préjudicier à la vertu de notre saint. Qui fut une suite continuelle des mortifications que le prieur du monastère lui faisait endurer, lesquelles furent si grandes et si éloignées de toute humanité, que l’on connaissait facilement l’auteur qui les excitait, et qu’on pouvait bien juger que Dieu les permettait pour des preuves nouvelles et héroïques de la patience et force de ce sien serviteur, comme il avait fait de celle de Job ès siècles passés, afin de satisfaire au grand désir qu’il avait de souffrir pour son amour. Car ce malade étant ulcéré en tant d’endroits, et si accablé de douleur, lesquels il endurait avec une modestie si grande, et une telle douceur qu’il pouvait faire compassion au plus cruel homme de la terre, et par conséquent beaucoup plus à une personne si religieuse comme était le Père prieur, néanmoins il se revêtait d’un esprit si rigoureux contre ce malade qu’il semblait que ce ne fut pas lui qui l’exerça, mais le diable revêtu de sa forme et partant la grande extrémité qu’il suivit en ceci le faisait excuser, les religieux rapportant à une cause supérieure ce qui ne semblait à leur avis pouvoir arriver par la voie ordinaire, et jugeant que Dieu le permettait pour l’avantage et le plus grand mérite du malade.
Et d’autant que quelques-uns touchés d’affections particulières peu favorables à la vérité, veulent mettre en contredit, ou nier ces travaux et souffrances de notre bienheureux Père, alléguant pour ce sujet qu’il est impossible qu’en une religion aussi sainte où l’on a tant de soin de soulager, et de bien traiter les malades, quand ce ne serait qu’un frère convers de deux jours, sans s’excuser sur la pauvreté ni s’arrêter à la dépense ; il se commit un manquement si notable de charité contre le Père commun d’icelle dans une telle nécessité : et par ce moyen tachant d’obscurcir l’éclat et les splendeurs brillantes de la couronne au préjudice de notre imitation, la privant d’un si rare exemple de patience ; j’affirmerai et rapporterai ici fidèlement quelques paroles qu’ont dit à ce propos des témoins oculaires en leurs déclarations sous serment.
Le Père Jacques de la conception, qui pour lors été prieur du couvent du petit rocher parlera le premier. »Après, dit-il, que le bienheureux Père Jean de la Croix fut arrivé à Ubede, je l’allais visiter et je remarquais que le mal de la jambe laquelle on lui ouvrit pendant que j’y demeurai, lui causait de très grandes douleurs, et qu’il souffrait ces tourments avec autant de joie et d’un visage autant égal que s’il eût été en pleine santé. Il supportait avec la même patience et allégresse la mauvaise humeur du Père prieur de ce monastère, car ayant autant d’obligations au saint comme il avait, les traitements qu’il lui faisait n’y correspondaient aucunement, et quant à moi il me semblait qu’il ne le voyait pas volontiers dans ce couvent, pleurant et plaignant ce qu’il mangeait. Comme je vis son procédé, je lui dis un jour qu’il ne plaignit à ce saint la dépense qu’il faisait pour son regard, et qu’il n’en grondât pas, et ne montrât un visage d’un homme avaricieux et mal conditionné, avec un manquement de charité en un cas semblable : vu même qu’il y avait une personne dévote qui s’offrait de lui envoyer tout ce qui était nécessaire pour le bien traiter, et que si cela ne suffisait, je lui en enverrais de notre monastère, afin qu’il ne se plaignît pas ; et ainsi aussitôt que je fus arrivé au couvent, je lui envoyais six boisseaux de blé pour ses religieux, et six poules pour le malade, et voyant ce qu’il endurait de la part du prieur, je fus épris d’admiration et d’étonnement de ce qu’un homme qui était doué de si belles parties comme il était, fut si sec et usât de ces façons de faire vers un homme si saint auquel je sais qu’il avait beaucoup d’obligation. Et partant je jugeais que notre Seigneur le permettait pour un plus grand mérite et couronne du saint et afin que même parmi ses enfants il trouvât une si grande matière de patience et de vertu. Voilà la déclaration sous serment que ce témoin oculaire fit entre les mains de l’évêque de Jaén ès informations qui furent faites pour sa béatification.
Le frère Bernard de la vierge infirmier de notre bienheureux Père tiendra le second rang, lequel parle de la sorte à ce même propos en sa déclaration sous serment. « Le saint Père Jean de la Croix étant malade à Ubede le prieur de ce monastère avait une très grande aversion de lui, et telle qu’il semblait qu’en tout ce qu’il pouvait lui donner de l’ennui, il le faisait, même en la longue et fâcheuse maladie dont il mourut, commandant que personne ne l’allât jamais voir sans son expresse licence, et pour lui, il entrait souvent dans la cellule du malade, et toujours lui disait des paroles fort fâcheuses, lui rafraîchissant la mémoire de certaines choses qui s’étaient passées comme en prenant la vengeance. Or le cas est que notre bienheureux Père étant Vicaire provincial d’Andalousie fut obligé de le mortifier en quelque chose, et pour cette cause il se mit à l’exercer, et le molester de telle sorte qu’il se passait des choses incroyables touchant cela, et il en vint à tel point que sachant le soin que je prenais comme infirmier de le bien traiter et de le secourir en ses nécessités, il m’ôta l’office d’infirmier, et me commanda sous précepte de ne l’assister en aucune façon, quand je vis cette violence, touché de compassion j’écrivis aussitôt au révérend Père Antoine de Jésus le vieillard, qui pour lors était provincial, lui donnant avis de tout ce qui se passait, lequel vint incontinent à Ubede, et repris aigrement le prieur de son peu de charité, et y demeura environ six jours donnant ordre que le malade fut bien traité, et commanda à tous les religieux de visiter et de l’assister en tout ce qu’ils pourraient. Ensuite de cela il me remit en l’office d’infirmier, me commandant de lui faire toute la charité possible, et en cas que le prieur ne voulût fournir ce qui serait nécessaire, que j’empruntasse l’argent dont j’aurais besoin, et lui en donnasse avis, qu’aussitôt il aurait soin de me l’envoyer. En toutes ces occasions d’ennuis, qui furent en grand nombre, jamais je ne lui entendis dire une parole contre le supérieur, mais au contraire il les supportait toutes avec la patience d’un saint. »
Tout ceci est rapporté par l’infirmier, et l’examinant un jour plus particulièrement, il me dit plusieurs autres circonstances, qui montraient bien davantage la rigueur du prieur, et découvraient plus l’affliction et la patience du malade, comme que n’étant pas content des mortifications qu’il lui faisait par le moyen de l’infirmier, déniant et refusant les choses qui pouvaient donner soulagement au malade : en outre il lui envoyait dire par d’autres religieux des choses très rudes et très fâcheuses ; et qu’il entrait quelquefois lui-même en sa cellule, non pas pour le consoler, comme font d’ordinaire les autres prélats, mais pour lui dire des paroles après pleine d’ignominie, et indignes d’une personne si simple et si vénérable, disant qu’il était un religieux imparfait et relâché qui détruisait l’ordre, regardant trop à ses propres commodités, et se traitant avec excès et superfluité. Chose néanmoins si éloignée de la vérité, qu’il fallait que l’infirmier devinât ses infirmités et disettes pour y pouvoir subvenir. S’il arrivait que quelques personnes dévotes lui envoyassent des douceurs et des viandes de malades à cause de l’estime qu’elles faisaient de sa sainteté, et qu’elles savaient que son mal était violent et extraordinaire, il leur renvoyait, disant que pour la maladie du Père Jean de la Croix, il y avait un peu de mouton en la maison, ce qui suffisait pour sa nécessité. D’autrefois il recevait ses présents et charité, et commandait qu’on en donnât avis aux malades, sans toutefois lui en donner, non pas même pour le goûter, qui était une plus grande mortification que de ne les pas recevoir.
On lavait ses linges et les bandes qui servaient à ses plaies en la maison de quelques personnes dévotes vertueuses, d’autant qu’on ne les pouvait pas laver commodément au couvent. Le Père prieur, voyant que ses linges étaient fort blancs et fort nets, ne voulut plus permettre qu’on continuât à leur donner, disant que c’était trop de délicatesse, et à l’instance de quelques religieux, il ne lui en dit rien. Il avait étroitement commandé qu’aucun religieux n’allât voir le malade sans sa licence expresse, et la refusait à tous ceux qui la lui demandaient, particulièrement à ceux qu’il savait que notre bienheureux Père goûtait davantage. Bref ses paroles et ses actions étaient telles en ce temps qu’on n’eut pas dit qu’il en eût été l’auteur, mais quelque furie infernale, pour provoquer cette sainte âme à quelque impatience. Et le prieur même après la mort de notre bienheureux Père reconnaissait qu’il avait été fortement tenté en cela, et qu’il s’était laissé conduire par les choses que le diable lui persuadait, et s’affligeaient d’avoir fait souffrir des mortifications si étranges à un saint qui s’était retiré en son couvent pour se prévaloir de sa piété, et charité en de si grands travaux, desquelles mortifications plusieurs furent modérées par la venue du Père provincial, avec l’ordre qu’il laissa, afin que sans dépendance du prieur on secourût charitablement le malade dans ses nécessités, et que tous les religieux le pussent visiter à quelque heure que ce fut.
Notre bienheureux Père supportait toutes ces choses, bien que fâcheuses et amères, et plusieurs autres que je passe sous silence, d’une patience si héroïque, que sans consentir qu’on blâmât le Père prieur, il l’excusait toujours, alléguant des raisons en sa faveur avec plus de soin que l’amour-propre n’a coutume de faire pour ses propres excuses ; et ceux qu’il croyait attristés et affligés pour les traitements lui faisait le prieur il les apaisait et consolait. Mais sa charité n’en demeurait pas là. Car il procurait encore par les moyens qu’il pouvait de remédier à quelques désordres qu’il y avait au gouvernement de la maison, afin que le supérieur d’icelle ne se discréditât pas envers les prélats de l’ordre : desquelles actions les témoins parlent aussi en leurs déclarations, et un de ceux qui l’assistèrent davantage en sa maladie, qui fut le Père Barthélemy de Saint Basile, dit ces paroles à ce propos. « Le vénérable Père Jean de la Croix ne consola pas seulement tous les religieux à Ubede, mais encore leur servit beaucoup pour leur perfection, y ayant pour lors peu de paix dans le couvent, les religieux étant aigris à cause de l’humeur et du peu d’expérience du prieur, et par l’arrivée du saint, ils s’animèrent beaucoup à la perfection, et tout demeura dans le calme, encore que le prieur persévérât dans son inclination naturelle, laquelle le saint Père lui modérait d’un côté, et de l’autre exhortait les religieux à la souffrir, d’autant que pour toutes les choses que lui faisait le prieur, jamais il ne lui dit une parole de plainte ou de ressentiment, et n’en dit non plus à aucun autre, supportant le tout avec une rare patience, et un profond silence. Tout ceci est rapporté par ce témoin, et c’est la façon de procéder des Enfants de Dieu, qui sont mus de lui en toutes leurs actions, comme dit l’Apôtre, et que les Saints Pères déclarent, les appelants Dieu par participation, et disant qu’ils opèrent divinement.
Notre bienheureux Père donc étant devenu un pitoyable Job plein d’ulcères, accablé de douleurs, et affligés de mortifications intolérables, supportant tout cela d’une douceur admirable et patience invincible, ayant si peu de petits qu’il ne pouvait avaler chose aucune qui le pût sustenter, et surtout saisi et travaillé d’une fièvre si ardente qu’elle brûlait et embrasait ses entrailles : notre Seigneur incita une dame des principales de la ville, nommée Madame Claire de Benavides, femme de dom Barthélemy d’Ortegue, afin qu’elle prît le soin de le bien traiter. Car quoiqu’elle ne le connut pas, elle était néanmoins fort édifiée du rapport que le médecin et autres personnes lui faisaient touchant la patience avec laquelle il supportait une si grande maladie. Elle en conféra avec son mari lequel le trouva bon. Ensuite de quoi elle se chargea de pourvoir aux commodités et soulagement du malade, de telle sorte que le soin qu’elle mettait en cela était extraordinaire, soit à s’informer de ce qui serait le meilleur et le plus à propos pour lui, soit à épargner ni dépense ni travail pour l’alléger et le bien traiter. Et cette piété que Dieu avait imprimée en son âme, laquelle elle reconnaissait pour un grand bénéfice de sa divine majesté, y jeta de si profondes racines, que son mari étant devenu malade dans ce même temps, lequel elle aimait d’un amour plus qu’ordinaire, il semblait qu’elle le mettait en oubli pour secourir notre bienheureux Père, tant était grande la consolation que Dieu lui donnait en cet exercice de charité.
Après qu’elle eut déposé cela en sa déclaration sous serment, elle me dit quelques circonstances qui arrivèrent dans cette pieuse et charitable sollicitude, par lesquelles il semblait que notre Seigneur lui payait tout comptant le travail qu’elle prenait en cela. Elle mettait au rang d’icelle cette très grande consolation qu’elle sentait en son âme, lors qu’elle ordonnait quelque chose pour lui. Comme aussi le grand profit qu’elle en ressentait, et la facilité avec laquelle on accommodait toutes les choses qui lui étaient nécessaires. Car quand il était question de chercher quelque chose pour notre bienheureux Père, pour difficile et rare qu’elle fût, on la trouvait incontinent et facilement. Mais des choses très ordinaires et très faciles qu’on cherchait pour son mari, ne se trouvaient qu’avec difficulté, et quelquefois on ne les pouvait recouvrer. Toutes les boutiques demeuraient ouvertes jusqu’à la nuit pour le bienheureux Père quoiqu’il fût fort tard, et pour celui-ci on les trouvait fermées quelques heures auparavant, de façon que ses serviteurs mêmes s’en apercevaient et le remarquaient. S’il fallait tirer la substance de quelque viande pour le bienheureux Père, il en sortait toujours la moitié plus que d’une autre semblable, quand on la tirait pour son mari. Et plusieurs autres choses pareilles arrivaient dans les apprêts que l’on faisait pour le ce serviteur de Dieu lesquelles étaient si remarquables, qu’elle connaissait par là [encore qu’elle n’eut pas eu d’autres fondements de la foi] que notre Seigneur avait sa diligence pour agréable.
Les servantes qui lui aidaient à accommoder et assaisonner ce qu’elle devait envoyer à notre bienheureux Père avaient aussi part aux grâces que Dieu lui faisait. Car elles avaient tant de consolation et de joie en cette occupation, qu’elles tenaient à grande faveur que leur maîtresse les employât à cela, et travaillaient comme à l’envi et par forme d’émulation. On recevait pour lors dans le couvent sans contradiction les grands effets de piété à cause de l’ample licence que le Père provincial avait donnée au Père Bernard de la Vierge pour secourir et traiter le malade sans aucune dépendance du prieur. Mais notre bienheureux Père connut bien quelques jours après qu’on eut commencé d’apprêter son manger en la maison de cette dame que ces viandes n’étaient pas accommodées dans le monastère, bien qu’on lui eut toujours caché et celé, d’autant qu’elle n’avait l’assaisonnement ordinaire qu’on leur donne dans nos couvents, et en ayant découverte la vérité, jugeant que c’était donné entrée et commencement à quelque relâche, et qu’il importait moins qu’il mourût que d’être cause qu’une mauvaise coutume fut introduite, joint le zèle de réforme qu’il garda toujours inviolable, il ne voulut jamais consentir qu’on apprêtât des viandes qu’on lui donnait hors le monastère, tellement que depuis, cette dame envoya toujours abondamment tout ce qui était nécessaire pour le bon traitement du malade, et on l’apprêtait au couvent ; elle envoya aussi du linge et de la charpie pour médicamenter ses plaies. Les servantes reconnurent pour lors l’auteur de la joie qu’elles avaient en cette occupation, et s’affligeaient autant de s’en voir privées comme si elles eussent perdu quelque chose de grande estime et tenaient pour châtiment particulier que Dieu leur eut ôté l’occasion de servir ce saint, car elles le nommaient de la façon.
Le malade était si reconnaissant de la charité qu’on lui faisait que comme celle de ses bienfaiteurs était si grande, il ne se pouvait lasser de les en remercier, et les payait en bonne monnaie, les recommandant à Dieu jour et nuit. Madame Claire voyant qu’il avait tant de gratitude et de reconnaissance du soin qu’elle prenait pour lui, le pria instamment de solliciter notre Seigneur de lui donner un accouchement heureux, d’autant qu’elle était fort grosse et avec appréhension. Notre bienheureux Père après avoir recommandé cela à notre Seigneur lui envoya dire qu’elle perdit cette crainte parce qu’elle accoucherait heureusement, et que les fruits qu’elle aurait jouirait de Dieu, comme il arriva. Car elle accoucha sans danger d’une fille qui mourut devant un an et s’en alla jouir de Dieu. Notre Seigneur ne montra pas seulement en cela la providence particulière qu’il avait de son serviteur dans le cours de sa maladie, mais aussi en plusieurs autres choses pourvoyant à ses commodités à mesure qu’il les négligeait. Il y en eut une fort remarquable qui est que le monastère ne pouvant fournir et subvenir aux linges nécessaires, pour médicamenter ses plaies à cause qu’étant souvent pleins de matière, il fallait aussi les changer et renouveler souvent. Notre Seigneur en donna le moyen, et ôta cette difficulté, incitant deux damoiselles vertueuses de ce même quartier nommé Inès et Catherine de Salazar, à se charger de laver ces linges, pour l’estime et la grande opinion de la sainteté du malade qui courait déjà par la ville, et elles ont déposées en leurs déclarations sous serment pour choses mystérieuses qu’étant sujettes de leur naturel au mal de cœur, et faciles à recevoir des incommodités, particulièrement Inès de Salazar pour avoir l’estomac fort délicat, jamais elles n’eurent aucune horreur, ni mal de cœur ou dégoût de tout cela, quoi qu’on leur portât des paniers pleins de ces linges et aussi trempés de l’ordure et matière de ces ulcères, que si on les eut plongés dans l’eau, et quelquefois trouvant dans ces linges des morceaux de chair qu’on avait coupés des parties ouvertes et ulcérées, sans qu’elles sentissent aucune mauvaise odeur de quoi que ce fut. Ce qui leur causait une si grande admiration, reconnaissant leur faible complexion, et la débilité de leur estomac, qu’elle leur dure encore aujourd’hui. La consolation que notre Seigneur leur donnait en cette occupation était si grande, et elles en faisaient si grand cas que Catherine de Salazar l’a exprimé en ces termes dans sa déclaration sous serment. « Quand nous lavions ces linges pleins d’ordures et de matière, nous étions autant affranchies et exemptes de mal de cœur, comme si nous eussions manié des fleurs, d’autant qu’il nous semblait, lors que nous les prenions entre les mains, que nous ne manions pas une chose qui fut seulement de la terre, mais qui avait un je ne sais quoi du ciel. Or on peut facilement connaître que c’était un spécial privilège que Dieu avait donné en faveur de son serviteur, parce qu’ayant une fois mêlé d’autres linges du Père Mathieu du Saint-Sacrement avec ceux de notre bienheureux Père, Inès de Salazar sentit soudain une très mauvaise odeur en les prenant, et un si grand mal de cœur la saisit qu’elle vomit sur-le-champ, et ne les put laver. Ensuite de quoi elle dit à Marie de Molina sa mère : ou le Père Jean de la Croix a quelque accident mortel de nouveau, ou bien il y a des linges de quelques autres malades qui sont mêlés avec les siens. De là à un peu de temps un frère convers vint en sa maison, et lui ayant demandé d’où cela procédait, il lui dit que le linge du Père Mathieu était parmi les autres lesquels on peut séparer facilement de ceux du bienheureux Père par leurs mauvaises odeurs.
Cette grande consolation que les deux sœurs recevaient en ce charitable exercice, et la créance qu’elles avaient que cela était agréable à Dieu, crûrent de telle sorte que chacune désirant d’être préféré à l’autre en ce travail émérite, elles eurent une sainte et vertueuse contention pour savoir laquelle des deux laverait ces linges et drapeaux, car chacune voulait tout laver et n’en faire part à l’autre. Ce qui fut cause que leur mère pour les accorder et rendre satisfaites, ordonna qu’elles les laveraient l’une après l’autre chacune à son tour, afin que toutes deux exerçassent la charité, et participassent aux mérites de cette action. Madame Claire de Benavides désira puis après d’avoir part à cet exercice, tant pour sa consolation, que pour celle de ses servantes, car elles ressentaient et regrettaient fort l’autre occupation qu’on leur avait ôtée touchant l’apprêt des vivres du malade, et voulut qu’on portât ces linges en sa maison : mais les deux damoiselles et leur mère alléguèrent pour leur raison, et défense, qu’elles étaient déjà en possession, et le procès fut renvoyé par-devers notre bienheureux Père Jean de la Croix pour en avoir la sentence décisive, lequel ayant tant de gratitude et de reconnaissance de la propreté, blancheur et netteté avec lesquels les deux damoiselles lui accommodaient ses linges et de la dévotion, et du soin qu’elles montraient en cela, envoya supplier Madame Claire de se contenter de la grande charité qu’elle lui faisait, sans la vouloir accroître par tant de voies ce qu’elle fit. Plusieurs autres personnes ont aussi remarqué que ces linges et drapeaux ne faisaient pas mal au cœur, et ne sentaient pas mal nonobstant la quantité de matière qui sortait de ses ulcères ce qu’elles ont tenu pour une chose très notable, et la rapportent avec admiration dans leurs déclarations. Car quoi que sa cellule fut fort petite, et que l’ordure et le pus de ses ulcères fut suffisant d’infecter un hôpital entier, jamais on n’y sentit de mauvaise odeur, ni chose aucune qui peut donner de l’ennui et causer du dégoût et partant c’était leur créance que cela ne pouvait se trouver naturellement en un corps si pourri et si corrompu.
Saint-Bernard dit que celui qui a déjà acquis la perfection des vertus, a manqué néanmoins d’une qualité pour être parfaitement heureux en cette vie, qui est qu’étant bon on l’estime méchant, afin qu’il ressemble entièrement à notre Seigneur Jésus-Christ vu qu’une créature ne peut avoir une plus grande béatitude et excellence que d’être semblable à son Créateur. Or notre Seigneur accorda cette félicité des âmes parfaites et généreuses à notre bienheureux Père Jean de la Croix, afin qu’il fût tout consommé en la perfection de cette vie, lui concédant à la fin d’icelle qu’étant si vertueux et parfait, il fut tenu pour un méchant homme. Et partant eu égard à la perfection et excellence de sa vie et à la profonde humiliation et abjection de sa mort, cet illustre personnage fut un portrait de Jésus-Christ des plus conformes à son divin original, que nous puissions trouver entre tous les saints confesseurs.
Le diable en ce temps combattit cette petite nacelle primitive par tant de tourmentes, que si elle n’eut eu sa divine majesté pour pilote elle se fut perdue et abîmée dans les ondes. Et partant les belles parties, le crédit, la prudence, et le zèle héroïque de religion du Père Nicolas de Jésus Maria qui pour lors gouvernait l’ordre, trouvèrent beaucoup de matière pour s’exercer et s’occuper. Car il semble que tout l’enfer s’était assemblé et bordé contre elle, et entre autres moyens domestiques dont il se servit à cette fin fut l’inquiétude d’un certain religieux d’autorité et de considération. On avait déjà commencé pour lors une affaire dans notre congrégation pour laquelle, étant nécessaire de faire des enquêtes dans trois ou quatre couvents des deux royaumes de Grenade et de Seuille, le Définitoire en donna commission à un des définiteurs fort peu affectionné à notre bienheureux Père que nous avons déjà dit autre part. Et comme la passion quand elle est véhémente aveugle la raison afin qu’elle juge convenable ses propositions : celle de ce Père se revêtit d’un zèle de religion, puis le trompant comme elle a de coutume d’en séduire plusieurs, il jugea, voyant que le premier dessein d’envoyer notre bienheureux Père aux Indes, lequel il avait fomenté, n’avait pas eu d’effet, qu’il était encore en danger d’être élu des religieuses pour leur commissaire, par conséquent qu’il ferait un grand service à l’ordre de lui faire perdre son crédit parmi elles, leur faisant voir que sa conversation était fort suspecte, afin que par ce moyen il ne pût être leur prélat.
Avec cette résolution quoi que sa commission fut limitée, n’ayant à s’informer que de l’affaire de ce religieux, ils lui donnèrent le nom de visiteur pour plus grande autorité, mais se voyant de l’autre côté de Sierra Morena, il trouve trouva bon d’étendre son pouvoir, et de faire information contre le bienheureux Père Jean de la Croix. Et partant il s’en alla à Grenade où il avait le plus demeuré, et passant par-dessus les lois divines et humaines, commença à faire une rigoureuse recherche de sa vie, outrepassant les bornes de sa commission, tant en la substance qu’en la façon de l’exercer. Car ce fut par forme d’inquisition qui requiert au préalable une infamie publique principalement parmi les personnes prudentes et vertueuses, sans laquelle il ne pouvait faire enquête des délits d’un particulier, ni les témoins déposer à son préjudice. Et quant à notre cas, non seulement il n’y avait pas de note, ou d’infamie, mais au contraire un si grand applaudissement de vertu et de sainteté qu’on révérait la terre qu’il foulait aux pieds. Il excéda aussi quant aux moyens, se servant de quelques-uns si violent en l’examen des témoins, qu’il donna un scandale notable. Et laissant à part plusieurs choses qui ne concernent pas l’histoire, je rapporterai ici seulement ce que disent deux témoins qui ont concouru à cette information.
La mère Isabelle de l’incarnation prieure de nos mères de Jaén sera la première, laquelle ayant juré des mains de l’évêque de cette ville pour d’autres informations dit ceci à notre propos. « Touchant l’information qui fut faite contre le saint Père Jean de la Croix, j’ai remarqué que le Père qui examinait les témoins faisait des demandes fort vaines et fort inutiles, comme je l’expérimentai en celle qu’il me fit, car je vis clairement que tout ce qu’il me demandait ne pouvait se trouver au saint, d’autant que c’était une des plus pures âmes que Dieu eût en son église, et qui semblait un homme sanctifié, et à mon avis le Père Visiteur ne pouvait faire les demandes et interrogations qu’il faisait, ni rechercher choses qui répugnât tant à sa sainte vie, ni en quoi il fut plus innocent, et ainsi tant par toutes les interrogations, et la façon de procéder qu’il pratiqua pour les faire, comme par les offres qu’il faisait d’un côté, et par la peine et la gêne des préceptes et excommunications dans laquelle d’autre part il mettait les témoins, jusqu’à les priver pendant ce temps de la communication de leurs confesseurs, et d’autres personnes, sauf la sienne propre, (car je suis témoin de tout) on reconnut qu’il avait procédé comme un jeune homme (aussi l’était-il assez) et comme précipité, ayant aucun fondement de faire tout cela, et je vis qu’en notre couvent de Grenade toutes les religieuses qui y étaient pour lors, ne perdirent un seul point du crédit et de l’opinion qu’elles avaient du saint, nonobstant toutes ces informations, mais au contraire je puis attester quant à moi que cela me fit estimer davantage sa sainteté, car comme j’ai su depuis au même temps que cela se passait à Grenade, notre Seigneur faisait des miracles par les bandes et les linges qu’on tirait de ses plaies. Un peu après la mort du Saint, le Père Augustin des Rois provincial d’Andalousie dont la sainteté est assez connue, me demanda un jour avec un grand sentiment comment j’avais déposé quelque chose contre un si saint personnage qui était le Père Jean de la Croix, et je lui répondis, “mon Père je ne pense pas avoir rien dit contre ce Saint”, aussi ne le pouvais-je pas, car je n’ai rien remarqué en lui qui ne fut saint, et d’une personne très pleine de vertu et très avancée auprès de sa divine majesté. Il m’assura avoir vu en ma déposition des choses qui n’avaient jamais passé par mon esprit, quoi que je les eusse signés ma main, mais je ne les lus pas, quand il me les fit signer, et partant je ne savais pas ce qui était dedans, et je connus depuis par ce qu’on m’en disait, qu’on n’avait pas écrit fidèlement, ou qu’on avait mal interprété ce que je vais dire en bonne part. » C’est ce que dit ce témoin qui reçut une si sensible affliction, ayant su que sa déclaration n’avait pas servi pour confirmer la sainteté d’un si grand serviteur de Dieu, qu’elle en tomba malade au lit, et le saint qui était déjà mort alors la consola par une apparition de laquelle nous ferons mention en son lieu.
Le Père Balthazar de Jésus, confesseur de nos mères de Malaga sera le second, lequel rapporte en sa déclaration comme cette information se fit, et le dit en cette manière. « Je me trouvai à Malaga au temps que le Visiteur y vint pour examiner deux ou trois religieuses qui étaient venues de Grenade à cette fondation, et je sus de son compagnon et des religieuses (dont j’étais le confesseur) la procédure qu’on gardait en cette information. Et lorsque j’étais au monastère desdites religieuses, une d’icelles nommée Catherine de Jésus qui avait été prieure, me vint trouver, étant scandalisée des demandes que le Père Visiteur lui avait faites touchant notre saint Père Jean de la Croix, et me conta comme d’une œuvre de charité que le saint avait exercée envers elle en présence de toutes les religieuses, il en faisait une chimère pour l’accuser d’un grand péché. À la même heure une autre religieuse nommée Lucie de Saint-Joseph toute confuse et troublée ne vint trouver, et me demanda ce qu’elle ferait touchant ce qui lui était arrivé avec le Père Visiteur contre notre Père Jean de la Croix, et ayant répondu la vérité de ce qu’elle savait, elle avait vu comme il n’avait pas écrit fidèlement ce qu’elle avait déclaré, et partant que sa déposition n’allait pas comme elle devait : sur quoi je lui ai conseillé d’écrire une lettre au révérend Père Vicaire général, lui disant naïvement la vérité touchant ce que le Père visiteur lui avait demandé, et la réponse qu’elle y avait faite. Et toutes ces religieuses ne pouvaient se lasser, ni étancher leurs paroles dans le récit des louanges du saint. Et d’autant que cette information qui fut faite contre notre bienheureux Père Jean de la Croix, est un des plus authentiques témoignages que nous puissions apporter de sa vie pure et immaculée, je rapporterai ici ensuite de ses deux précédentes dépositions, quelques paroles de celle du Père Grégoire de Saint-Ange qui était pour lors Définiteur et secrétaire du définitoire, par les mains duquel toutes ces choses ont passé, lequel parle de la sorte touchant notre propos. Ce commissaire n’avait pas pas licence de visiter plus de trois ou quatre couvents, ni pour autre chose que pour faire information de ce qui concernait ce religieux à quoi son voyage était ordonné ; mais lui, étendant son pouvoir plus avant, visita les deux provinces de Grenade et de Séville, et de son propre mouvement avec beaucoup de fraude fit information contre le Père Jean de la Croix, usant de grande censure envers les religieuses, tirant d’elles par des craintes et autres artifices des choses qui d’elle-même, et par les termes et il les écrivait, faisait assez voir l’envie qu’il avait d’aggraver et noircir cette affaire, voulant leur faire entendre par des paroles graves et sentencieuses qu’il y avait de grands péchés. J’ai vu et lu moi-même quelquefois cette information, et avec un peu d’attention dans laquelle on apercevait assez l’artifice de celui qui la coucha par écrit. Or quand on eut voulu tirer quelque chose de tout cela, il n’y avait pas de sujet pour lequel on lui pût donner une pénitence plus grande que l’ordinaire. Car on ne crut pas tout ce qui était écrit, joint qu’ôté l’artifice, et l’emphase avec laquelle les paroles pouvaient signifier quelque chose de substantiel, il n’y avait aucune apparence ni marque de péché mortel. D’ailleurs suivant ce qu’on apprit, celui qui fit la formation ne procéda pas selon Dieu en icelle. Et j’ai vu quelques religieuses qui avaient fait leurs déclarations en cette matière, lesquels par après quand on leur a fait entendre ce qu’elles avaient déposé, ont répondu qu’elle n’avait pas dit cela de cette manière, ni avec ce sentiment. Et sur ce sujet on écrivait plusieurs lettres au Définitoire, si bien que le Père Vicaire général ne faisant pas de cas de cette information, on ne traita pas aussi des peines d’icelle. » Tout ceci est de ce religieux grave et d’autorité, lequel fait seulement mention des déclarations des religieuses, car bien que le commissaire tenta d’examiner les religieux, comme il vit qu’il prêchait les louanges de notre bienheureux Père avec tant d’affection, et que méprisant les craintes, ils lui demandaient qu’il montrât la commission qu’il avait pour ce sujet (sur quoi il y eut de grandes prises avec quelques-uns,) il en demeura là, et ne voulut poursuivre son dessein.
Notre bienheureux Père avait employé plus de temps avec une religieuse qu’avec les autres à cause que sa nécessité le requérait, et qu’elle eût été en grand danger si elle n’eut été fort avancée auprès de sa divine majesté ; ensuite de quoi le Père commissaire pensait bien trouver là de quoi satisfaire à ses intentions. Or pour l’exemple des confesseurs des religieuses, j’inférerai en ce lieu ce que celle-ci rapporte de cette communication dans la déclaration sous serment qu’elle fit entre les mains de l’évêque de Jaén dont voici sa déposition.
« Tout ce qu’on découvrait au saint frère Jean de la Croix, sa face et ses paroles prêchaient sa pureté, car le très grand et très constant amour qu’il montrait de porter à Dieu, avec la singulière modestie et mortification que je vis en lui, publiaient assez que c’était une âme pure : joint qu’en quatre ans que je conversais fort souvent avec lui, je ne pus jamais remarquer aucune parole qui pût être tenue pour oiseuse, mais au contraire tout ce que je vis en lui était d’un homme saint, et d’une âme grandement pure, et je puis assurer quant à moi que ses discours de Dieu et sa communication du ciel imprimait une certaine pureté et oubli de tout ce qui se trouve dans le monde ; d’où vient que lors qu’il entrait au couvent étant Vicaire provincial pour visiter la clôture, confesser quelque religieuse malade, quand nous avions lui baisé les mains quoiqu’il ne le voulut permettre, il exhalait une certaine odeur qui surpassait toutes les autres d’ici-bas, et qui semblait recueillir intérieurement.
Sa modestie et sa composition étaient telles que son seul regard faisait devenir modeste. Lorsque je l’envisageais je sentais en moi une certaine répréhension de mes imperfections comme si notre Seigneur m’eût repris, et eût parlé à mon cœur, et je demeurais avec un désir de travailler à mon avancement et perfection et le faire beaucoup pour servir Dieu, et d’acquérir quelque chose des vertus qui éclataient en ce saint, et ainsi je le regardais comme l’exemplaire d’icelles. Tellement qu’en ses actions et en ses paroles il me semblait être saint, mais d’une sainteté plus éminente que celles d’autres personnes que j’ai vues tenir et estimer pour saintes. » Tout ceci est de cette religieuse laquelle en plusieurs monastères où elle a été prieure, a fait paraître le fond des vertus qu’elle tira de cette communication, et a beaucoup aidé à la perfection de celles qui ont été sous sa direction et conduite.
Cette information et la rigueur que montra le commissaire en icelle, causèrent une affliction notable à tous les enfants et amis de notre bienheureux Père, sur quoi il entendait le rapport de la plupart des choses qui se passaient bien qu’il le dissimulât par sa patience invincible. Car comme le commissaire était Définiteur, et était envoyé en Andalousie du premier prélat de l’ordre et de son définitoire, et qu’il donnait à entendre qu’il avait commission de de faire information de la vie du bienheureux Père, les religieux et les religieuses se persuadaient que tous les premiers supérieurs étaient grandement indignés contre l’accusé, et mal informés élèves de sa vie innocente et irrépréhensible, vu que leur indignation allait jusque-là que de faire des diligences si sanglantes contre une personne si sainte, et qui était comme le Père commun de toute la congrégation des Déchaussés.
Une autre chose courait aussi pour lors, qui servait beaucoup à ce bruit de l’indignation des supérieurs. Car comme le Père Nicolas de Jésus Maria pendant le temps qu’il fut provincial, et depuis qu’on le fit Vicaire général, s’opposa avec un grand courage et un zèle discret et prudent à quelque relâche de l’Observance primitive, à quoi la douceur démesurée et la trop grande indulgence du provincial précédent avaient donné lieu tant ès couvent des religieux que des religieuses, tous ceux auxquels la réformation donnait quelque atteinte qui était en bon nombre décréditaient le gouvernement du Père Nicolas de Jésus Maria, et du nouveau définitoire, et comme ils savaient qu’ils ne pouvait trouver un meilleur moyen de les mettre mal dans l’esprit de tout ce qui était scellant de la réforme dans l’ordre, qu’en publiant qu’il persécutait le Père commun de la congrégation, ils disaient beaucoup de choses de la rigueur et injustice de cette persécution, assurant que le Père Nicolas était l’auteur d’icelle, et que le commissaire qui était en Andalousie avait eu ordre de lui pour faire cette information, et le moindre effet suivant leur dire que devait enfanter et produire ces diligences, était d’ôter l’habit au Père Jean de la Croix, et ainsi ce bruit fut semé dans les deux provinces d’Andalousie, et de là on le fit courir par lettre en celles de Castille, et non seulement les personnes communes de la religion étaient abreuvées de cette nouvelle, mais même les principaux de l’ordre desquels je l’ai appris qui étaient dans la ferme créance de ce succès, lequel n’avait pas d’autre fondement que les rigoureuses diligences que le commissaire fit en cette information.
Les religieux furent saisis d’une crainte si pressante par ces apparences et indices de l’indignation des supérieurs contre le bienheureux Père, laquelle le diable allait oubliant et persuadant par ses artifices et menées, que ceux qui auparavant estimaient à bonheur de se dire ses enfants, et tiraient gloire de lui être affectionné, vacillaient en cela, craignant qu’on ne les dût aussi persécuter en qualité de ses amis, et partant ils abstenaient de communiquer avec lui. Ensuite de quoi il fut délaissé et abandonné de ses amis en ses travaux, comme notre Seigneur de ses disciples en sa passion afin qu’il en fût le vif portrait en toutes choses. Et le diable fomenta tellement cette crainte des religieux et religieuses, que tous ceux et celles qui avaient communiqué familièrement avec ce Saint Père, pensaient qu’ils seraient en danger, si seulement on leur trouvait son nom écrit en quelque endroit. D’où vient qu’ils brûlaient toutes ses lettres lesquelles ils gardaient auparavant soigneusement, et tenaient comme des choses exquises et précieuses, à raison qu’elles contenaient une doctrine céleste, et qu’elles venaient d’un maître si saint. Ils firent aussi le semblable de quelques portraits que des personnes dévotes avaient fait copier sur ce qui avait été tiré à Grenade lors qu’il était en extase. Cette tragédie des lettres fut une très grande perte pour l’ordre, et un des grands profits que le diable tira de ces tourmentes. Car les ayant écrites pour répondre à plusieurs doutes touchants la vie spirituelle ; en quoi il communiquait la grande lumière que notre Seigneur lui avait donnée pour ce sujet, et d’autant que souvent on n’en trouve faute, même parmi ceux qui se tiennent pour grands maîtres en ces matières de l’esprit, sans doute qu’on a perdu beaucoup par la perte de ces papiers.
Plusieurs témoins oculaires qui communiquèrent pour lors avec lui, nous donnent une ample connaissance en ses informations de la patience invincible, dont il supporta tous ces orages, et aussi des lettres qu’il écrivit en ce temps, faisant réponse à quelques-unes qu’il recevait sur ce sujet. Car quant à lui il était comblé de joie et de contentement, se voyant méprisé et humilié, vu que c’était ce qu’il avait tant désiré, la joie n’étant autre chose que l’accomplissement du désir, mais il y avait deux choses qui lui ravissaient cette joie dans ces tourmentes. L’une était de savoir les grandes offenses qui se commettaient contre Dieu à cause de cette information, lesquelles, d’autant qu’elles déplaisent à Dieu, à qui il désirait tant d’agréer et de plaire, lui perçait le cœur d’outre en outre. L’autre chose qui l’affligeait était de voir que l’on attribuait toutes ces diligences au Père Nicolas de Jésus Maria Vicaire général qui en était innocent, d’où vient qu’il fit entendre souvent à ses amis que leur premier supérieur n’était pas auteur de cette affaire, ni consentant à ses travaux, et qu’il avait un grand ressentiment de ce qu’on lui attribuait et imputait cela. Et même pour le commissaire il excusait autant que le cas pût admettre des excuses ou défenses, attribuant ces diligences aux décrets de la sa divine majesté qui le permettait ainsi pour ses péchés, et pour la satisfaction d’iceux. Il ne voulait en aucune façon qu’on le blâmât ni qu’on traitât de ces matières, sinon pour persuader et faire voir à tous, que ses défauts étaient en si grand nombre, que bien qu’on n’en dit beaucoup, il ne viendrait jamais à les connaître entièrement, et quelquefois il recevait beaucoup d’ennuis et d’affliction quand il avait fermé le passage, ou arrêté le cours de ces matières, et qu’on renouvelait de semblables propos.
Ses amis lui représentaient pouvaient souffrir la façon dont on parlait de son honneur, et les diligences injurieuses que le commissaire faisait pour rechercher sa vie, et lui persuadaient d’écrire au Père Vicaire sur ce sujet, ou bien qu’il leur permit de recourir à lui pour se plaindre d’un grief et outrage si manifeste, mais il ne leur prêta l’oreille en aucune façon, et ne voulut qu’ils fissent aucune de ces diligences, disposant son esprit à recevoir joyeusement toutes sortes de pénitence qui lui seraient imposés pour ses coulpes, comme il le manda au Père Jean de Sainte Anne, lui faisant réponse à une lettre qu’il lui avait écrite, étant fort affligée de ce qu’on disait, qu’on lui ôterait l’habit, en laquelle il lui tint ce discours. Mon fils, ne vous mettez pas en peine de cela, car ils ne me peuvent ôter la vie, si ce n’est que je sois incorrigible et désobéissant. Or je suis tout prêt de m’amender de toutes mes fautes, et de subir toute sorte de pénitence qu’ils m’imposeront.
Après que le commissaire eut fait cette information contre notre bienheureux Père en la province de Grenade, avec tant de démonstration de rigueur, il l’envoya au Père Nicolas de Jésus Maria pendant qu’il passait à la province de Séville pour faire l’enquête qui concernait sa commission, et lui fit entendre l’intention qu’il avait eue, s’embarquant à faire une perquisition des défauts du bienheureux Père. Le Père Vicaire général commença d’en faire la lecture, et en ayant lu quelques pages reconnut aussitôt le venin qui y était, en présence du Père Grégoire de Saint-Ange Définiteur et secrétaire du définitoire, et jeta l’information disant : le Père visiteur n’avait pas de charge de s’entremettre de cela, et tout ce qu’il a prétendu rechercher ne se peut trouver au Père Jean de la Croix, puis témoignant un très grand sentiment de tout ce procédé, il dit qu’il trouvait fort mauvais que le commissaire eût voulu décréditer un homme si saint, et qui était comme le fondement et l’exemplaire de la religion, les blâmât la trop grande licence qu’il avait prise de visiter de province, ayant une commission limitée pour une seule affaire, et dans peu de couvents, mais se contentant seulement de ne faire aucun cas de cette information, il ne traita pas de la correction du commissaire, la remettant au chapitre général, où l’on traite des défauts des Définiteurs et de leur correction.
Le Père Nicolas de Jésus Maria mourut devant le chapitre général, et le Père Élie de Saint-Martin qui lui succéda, fit voir à ce commissaire les excès qu’il avait commis en ce voyage, s’entremettant passionnément en ce dont on ne l’avait chargé, et partant on lui en donna une pénitence, bien que non à l’égal de ce qu’il avait mérité, et la sentence cette condamnation fut enregistrée dans le livre des Chapitres, où je l’ai lu. Le Père Élie content de cela fit toutes les diligences possibles pour avoir cette information, et l’ayant trouvée la fit brûler en sa présence, ayant horreur (comme il était juste et raisonnable) de ce qu’en une religion si sainte il se fut rencontré une personne laquelle imitant Cham fils de Noé procurât de déshonorer son Père. Mais comme Dieu a tant de providence de ses serviteurs, et se charge de la vengeance de leurs injures, comme il dit par la bouche de son prophète, il nous voulut faire voir qu’il n’avait pas pas oublié celle qui avait été faite à notre bienheureux Père le temps qu’il en différa le châtiment. Le commissaire susdit fut élu provincial de la province de Grenade en ce chapitre général (qui était ce qu’il avait désiré, et ses amis aussi,) de quoi les enfants et intimes de notre bienheureux Père s’attristèrent grandement, leur semblant qu’au lieu du châtiment et punition qu’ils attendaient de celui qui avait voulu profaner le temple de Dieu, et obscurcir par ses diligences les splendeurs de cette pure et simple âme, il sortait victorieux et comme triomphant au même lieu ou il avait failli. Et ne pouvant témoigner extérieurement l’amertume qu’ils avaient dans le cœur, ils s’affligeaient fort intérieurement, et se plaignaient à Dieu de ce succès, jugeant que c’était autoriser ce qui avait été fait au préjudice du défunt : (car pour lors notre bienheureux Père était mort,) que de récompenser avec honneur et dignité celui qui l’avait persécuté. Le nouveau provincial entra par après en sa province fort content, et se hâtant pour se rendre au centre d’icelle, qui est la ville de Grenade, où ses amis l’attendaient pour lui faire une grande réception, et beaucoup de caresses, il arriva à Alcala la royale distance à huit lieux de Grenade, et donna de là avis du jour qu’il y entrerait. Cette nouvelle fut agréable aux uns et triste pour les autres, particulièrement pour nos religieuses, car ayant été si fidèles témoins du soin que notre bienheureux Père avait pris pour les faire saintes, et les approcher de Dieu, de diligences qu’avait fait le nouveau provincial pour lui ravir son crédit, elles se lamentaient beaucoup de voir que l’on avait récompensé celui qui méritait un châtiment plus rude. Il y avait entre elles une religieuse, ancienne compagne de notre sainte mère Thérèse qui avait été nourrie et élevée de sa main nommée Beatrix de Saint-Michel fort estimée pour sa grande sainteté et fort illuminée de notre Seigneur, laquelle comme plus obligée à notre bienheureux Père à cause des bénéfices qu’elle avait reçus de lui, l’ayant fort aidé par sa doctrine, était celle qui ressentait plus vivement le tort et l’injure qu’on lui avait fait.
Cette religieuse pleurant un jour devant notre Seigneur en l’oraison sur ce sujet, et soumettant à ses profonds jugements la faiblesse et petite capacité des sentiments humains, ne pouvait s’empêcher de s’attrister de l’allégresse et applaudissements dont on devait recevoir comme Père de la province celui qui auparavant à leurs yeux avait persécuté si injustement le Père commun de la congrégation des Déchaussés. Notre Seigneur pour lors lui dit que le nouveau provincial n’entrerait que mort dans Grenade, en punition de cette information qu’il avait faite contre le Père Jean de la Croix. Elle raconta soudain cette révélation à quelques personnes qui avaient une pareille affliction que la sienne, lesquelles bien qu’elles eussent bonne opinion de son esprit, néanmoins en suspendirent leur jugement, sachant qu’il y avait lettre du provincial, par laquelle il avait mandé qu’il entrerait le même jour dans Grenade, mais enfin la révélation se trouva véritable : car entrant dans Alcala la Royalle il fut saisi d’une maladie si violente qu’en peu de jours il finit sa vie, et fut porté mort à Grenade pour y être enterré. Le provincial qui lui succéda examina ce cas, imposant un précepte formel à la même Beatrix de Saint-Michel sur iceluy (dont j’ai vu la réponse,) et la vérité de ce que nous venons de rapporter fut connue par ce qu’elle dit, et ce que les autres religieuses déclarèrent aussi. Par laquelle vérité et les miracles que notre Seigneur fit en grand nombre par le moyen des choses qui avaient touché le corps du saint Père Jean de la Croix, qui lui avait servi dans sa maladie, notre Seigneur a illustré après sa mort l’opinion de saint qu’on avait conçu de lui lors qu’il était au monde.
L’ordre fut si peu satisfait du peu de charité que le prieur d’Úbeda avait exercée envers notre bienheureux Père, que jamais depuis il ne lui donna aucune prélature, et quoi qu’il occupât à la prédication, il ne se servit pas néanmoins des conseils que notre bienheureux Père lui avait donnés, qui était de l’ajuster et accommodé aux lois de sa profession. Au contraire il procura des privilèges hors de l’ordre pour aller prêcher çà et là sans dispense de ses supérieurs, où étant, la mort l’accueillit hors de la compagnie de ses frères, qui est la consolation et le secours que nous sommes venus chercher en la religion. Or les témoins disent aussi que cette mort avec si peu de consolation et le secours, est un châtiment de Dieu à cause de l’affliction qu’il avait donné à notre bienheureux Père, Sa Majesté le privant du secours de ses frères pour n’avoir pas secouru le Père commun de tout l’ordre.
Notre bienheureux Père ayant demeuré trois mois malades dans le lit souffrant d’une patience indicible et très exemplaire tant d’amertumes et de travaux, notre Seigneur l’en voulant délivrer, et tirer de l’exil pour aller jouir dans le ciel de l’heureuse récompense de ses peines, et de si grands services qu’il lui avait rendus, il le disposa quelques jours auparavant, lui donnant connaissance du jour de sa mort, et aux religieux des conjectures qu’il avait déjà su cette bonne nouvelle. Car au commencement de la semaine qu’il mourut, il avait un grand soin de s’informer combien il y avait de la jusqu’au samedi, et un des jours proches de sa mort le Père Barthélemy de Saint Basile étant avec lui, et d’autres religieux, il leur demanda derechef combien il y avait jusqu’au samedi, et voyant qu’ils ne faisaient pas de compte de cette demande, il ajouta aussitôt, « je le dis parce qu’il m’est venu à présent dans la mémoire le grand bénéfice que Notre-Dame fait en ce jour aux religieux de son ordre, et à ceux qui ont porté son scapulaire, ayant au préalable accompli ce que requiert ce privilège. » Et quoi qu’il voulut dissimuler et cacher le mystère, ceux qui ouïrent ces paroles, et virent l’allégresse dont il les proférait, se doutèrent qu’il savait de bonne part qu’il devait mourir le samedi, et jouir de cette grâce. Ce qu’il fit aussi deux jours devant sa mort, nous insinue cela assez clairement, car gardant soigneusement en un petit sac qui était sous son chevet toutes les lettres qu’il avait reçues pendant sa maladie, de peur qu’on ne les vit, il appela ce jour-là le Père Barthélemy de Saint Basile, et l’ayant prié d’apporter une chandelle allumée il brûla toutes les lettres, comme mettant à l’abri et en assurance ceux qui les avait écrites, à cause du faux bruit qui courait pour lors, que seulement d’être son ami c’était un péché. On sut encore mieux la connaissance qu’il avait du jour et de l’heure de sa mort, au même jour d’icelle, car dès aussitôt que le vendredi fut venu, il eut un grand soin de savoir l’heure qu’il était, et disait de temps en temps qu’il irait cette même nuit chanter Matines dans le ciel, chose qu’il n’eut jamais dite avec tant d’affirmation, étant si retenu et si discret en ses illustrations, s’il n’eut une révélation expresse de l’heure de sa mort, et que de cette infirmité comme de son purgatoire, il s’en irait directement jouir de la gloire du ciel. Un autre indice de ceci, fut que le voyant si bas on lui voulut donner le très Saint sacrement pour viatique plusieurs jours auparavant sa mort, mais il les supplia de ne lui donner que par dévotion, leur disant que lors qu’il serait temps de lui apporter pour viatique il les aviserait : ce qu’il fit quand le temps fut venu, et demanda pareillement celui de l’extrême-onction.
Notre bon Père avait été un vrai portrait de notre Seigneur Jésus-Christ pendant sa vie, où il semble que Sa Majesté ait voulu se figurer, et se représenter plus particulièrement, et ainsi il voulut qu’il fût pareillement son image en sa mort. Car comme notre Seigneur Jésus-Christ pendant sa passion (ce qu’il voulut pour une plus grande démonstration de l’amour qu’il nous portait) souffrit és puissances inférieures de l’âme l’abandonnement et le délaissement de la divinité et la privation des effets de la vision béatifique, dont la partie supérieure jouissait afin de pouvoir sentir la véhémence des douleurs corporelles, et les afflictions de l’esprit très vivement, comme il le donna à entendre par ces paroles douloureuses qu’il dit en la Croix. Mon Père pourquoi m’avez-vous délaissé ? De même il voulut que notre bienheureux Père lui fût semblable quant aux douleurs et abandonnements de la mort, l’ayant tant imité en sa vie quant à l’austérité, aux humiliations et au mépris, si bien que quoiqu’il eût tant souffert en tous ces trois mois de sa maladie, si est-ce que tout cela lui était tolérable avec le recours qu’il avait à Dieu, il trouvait la porte ouverte pour sa douce et favorable communication. Mais le dernier jour de sa vie il fut accueilli d’une suite de douleurs spirituelles si sensibles et si véhémentes (outre les corporelles qu’il endurait) accompagnées d’angoisses, d’afflictions, et d’un si grand abandonnement de Dieu, que son corps était comme cloué en une croix, et son esprit tourmenté en une autre, de sorte qu’il semble que notre Seigneur lui ayant communiqué ses vertus en sa vie, lui communiqua aussi ses souffrances et ses peines en sa mort de sa perfection, par une ressemblance est conformité si étroite d’une créature à son créateur.
Et quoi que quand toutes ces maladies il eut toujours caché et dissimulé ses douleurs par une patience si héroïque, si est-ce que celles de cette journée furent si grandes, si violentes, et si intense qu’elles se publiaient d’elles-mêmes, quoiqu’il fit pour les celer et les taire. Le Père Antoine de Jésus son ancien compagnon, qui pour lors était provincial, arriva cette nuit à Ubede, notre Seigneur l’ordonnant ainsi pour la consolation de tous deux. Or quand il entra pour le voir, bien qu’il se réjouit et consola beaucoup d’être avec le malade, si est-ce que notre bienheureux Père était si pressé de douleurs extérieures et intérieures, qu’il ne peut ouvrir la bouche pour lui parler, ni lui faire une démonstration de réjouissance ; et de peur que le Père provincial pensant que ce fut manque d’affection, il lui dit ces paroles : mon Père pardonnez-moi si je ne vous parle pas, car je suis consommé de douleur. Le Père croyant qu’il se consolerait de ce propos, lui dit qu’il se réjouit, d’autant que le temps s’approchait auquel il y jouir du loyer et de la récompense des travaux qu’il avait soufferts en sa compagnie au commencement de cette réforme : mais le malade qui ne pouvait souffrir aucune estime de ses vertus, ni entendre aucune louange de ses œuvres, s’efforça de secouer celle-là, débouchant ses oreilles de ses mains lui dit : Votre référence (mon Père) ne me parle d’autre chose que de mes péchés, car je n’en je m’en souviens bien à présent, et vo que je n’ai que les mérites de Jésus-Christ pour la satisfaction d’iceux. Le Père Augustin de Saint-Joseph le vint voir par après, et voyant que les douleurs le serraient de si près, pensant encore le consoler lui dit que ses amertumes et travaux finiraient bientôt, et que notre Seigneur le récompenserait de tout ce qu’il avait fait et enduré pour son amour. Mais par un même effort il chassa et rejeta cette consolation lui disant : Mon Père ne me dites pas cela, car je vous assure que je n’ai fait aucune œuvre qui ne me reprenne à présent. Il sembla au Père provincial que les religieux ne venaient visiter et secourir le malade qu’avec certaine retenue et limites, soit qu’ils le fissent par ce qu’ils jugeaient que le prieur ne le trouvait pas bon ou bien pour d’autres craintes qui couraient alors, et ainsi il dit avec quelque sentiment : Mes Pères je vous prie ouvrez ses portes, afin que non seulement le couvent, mais encore toute la ville voit le grand trésor qu’elle a ici et le reconnaisse.
Notre bienheureux Père voyant que l’heure heureuse de son départ s’approchait, commença de se munir des dispositions nécessaires à ce passage. Et bien quand toute sa vie nous eut donné des exemples admirables de douceur et d’humidité, il voulut les renouveler en ce dernier jour. Il demanda ce même soir le Saint sacrement de l’Eucharistie, et le reçut avec grande dévotion et tendreur [tendreté], demandant pardon à tous les religieux du mauvais exemple qui leur avait donné, et par après il envoya supplier le Père prieur, que pour l’amour de notre Seigneur il prit la peine de le venir voir, puis d’une profonde humilité, comme s’il eût été l’offensé, il le pria instamment de lui pardonner l’ennui et l’incommodité qui lui avait donné, et lui demanda que comme pauvre (puisque notre Seigneur les avait tant recommandés) il lui donnât un habit avec lequel on enterrât son corps, et qu’il procurerait envers sa divine majesté qu’elle secourût ce couvent en toutes ses nécessités pour payement des frais qu’on avait faits en sa considération, et qu’il espérât qu’elle lui accorderait cette demande, de quoi il avait déjà signifié quelque chose en un discours qu’il avait tenu un peu auparavant avec le Père sous prieur, touchant la nécessité et pauvreté de cette maison, lui disant que le temps viendrait auquel elle aurait le nécessaire avec abondance, d’où il colligea qu’il en avait déjà prié notre Seigneur, et qu’il avait des arrhes assurées de l’entérinement de sa requête, comme on a reconnu depuis. Car ce monastère ayant été jusqu’alors si pauvre et si nécessiteux qu’on craignait que cette fondation on ne pût passer plus avant. C’est à présent un des meilleurs couvents et des plus accommodés de cette province. Or le Père prieur fut tellement touché de ses paroles et de l’humble affection de notre bienheureux Père qu’il sortit de sa cellule pleurant à chaudes larmes, et comme revenant d’un sommeil léthargique et mortel (car Dieu avait déjà évoqué la licence qu’il avait donnée au diable pour éprouver la patience son serviteur) il connaissait les manquements de piété qu’il avait commis envers ce portrait et exemplaires des vertus, et sans repentait étant déjà affranchi de la mauvaise affection qu’il avait eue contre lui.
Le médecin le vint par après visiter, et connaissant par le mouvement de son pouls qu’il s’en allait au grand pas à la mort, il lui annonça la nouvelle, laquelle il reçut d’une si grande allégresse, et avec un tel contentement que ce congratulant, et se réjouissant en soi-même de ce bonheur, il dit ce verset du prophète roi : Laetatus sum in hic quae dicta sunt mihi, in ddmum Domini ibimus. Le Père François indigne qui se trouve aussi la cette lui demanda si le grand désir qu’il avait de mourir était afin de que ces travaux prissent fin sur quoi le bienheureux Père comme se souriant de ce que l’on donnait une fin si basse à ses souffrances fit réponse, et donna à entendre que le grand désir qu’il avait devoir Dieu lui faisait trouver les heures longues. Or voyant son lit entouré des religieux, avec cet amour paternel qu’il leur avait toujours porté, il les exhorta brièvement avec des paroles amoureuses et efficaces à l’obéissance des supérieurs, et à l’Observance de la règle primitive, puis leur recommanda la charité des uns envers les autres, et les fit ressouvenir que Dieu les avait mis en son Église pour être prédicateur du bon exemple, et imitateurs de la vie apostolique.
Quelques religieux lui demandèrent au gage de l’amour qu’il leur avait porté, il leur donna quelque chose de celles qui avaient servi à son usage ; à quoi il répondit :" Devez-vous demander cela à un carme Déchaussé ? Ne savez-vous pas que j’ai fait vœu de pauvreté, et que je ne peux disposer d’aucune chose ? Avez-vous en révérend Père prieur à qui cela touche s’il vous l’accorde vous emporterez" » quand et quand ma bénédiction. » Son action ordinaire en toute cette journée quand il n’était pas interrompu des allants et venants, était de tenir les yeux fermés et de vaquer à Dieu intérieurement, et de temps en temps il les souffrait et les jetait amoureusement sur un crucifix qu’il avait auprès de soi, comme faisant offre de ses douleurs à ce Seigneur qu’il aimait tant. Sur les huit heures du soir il demanda l’extrême-onction, laquelle il il reçut avec grande dévotion, répondant comme les autres aux oraisons que le prêtre disait. Le Père provincial et quelque religieux anciens voulaient demeurer avec lui, mais il les pria de s’aller reposer y ayant encore assez de temps.
Le Père Barthélemy de Saint Basile qu’il avait assisté en sa maladie et le Père et le frère François qui devait sonner matines matines demeurèrent avec lui. Or un peu après que les autres Pères furent sortis, il prit son crucifix entre les mains, et continuant dans son repos lui baisait les pieds de temps en temps, lui disant quelques paroles amoureuses. Sur les neuf heures du soir il demanda quelle heure il était, et lui ayant été dit, il répondit : Nous irons dire matines au ciel à douze heures. Environ les onze heures il demeura en oraison avec tant de tranquillité que le frère pensant qu’il allât mourir voulut aller faire le signe accoutumé pour assembler la communauté lorsqu’il faut faire la recommandation de l’âme, et l’ayant entendu il lui dit : Quoi les voulez-vous troubler, ne voyez-vous pas qu’il n’est pas encore temps ? Rapportant cela à ce qu’il avait dit auparavant, à savoir qu’il devait mourir à l’heure de matines.
Une heure devant que de mourir il montra une force et vigueur extraordinaire comme signifiant que ses peines intérieures avaient cessé, lesquelles avaient tenu les actions extérieures comme empêchées, et faisant assez paraître que notre Seigneur l’assistait ouvertement et suavement s’étant auparavant absenté de lui. Puis prenant la corde qui pendait sur son lit il se mit en son séant lui tout seul, encore que tous les autres fois il eût besoin d’aide, et d’un visage joyeux supplia les religieux et d’autres personnes dévotes qui étaient là (ayant su que c’était leur de sa mort) de réciter quelque psaume en la louange de notre Seigneur, et lui ayant été répondu qu’il commençât, il dit le Miserere mei Deus, et continuèrent ainsi alternativement, les assistants disant un verset, et le malade un autre, ayant toujours le visage joyeux et serein, baisant de temps en temps les pieds du crucifix qu’il tenait entre ses mains. Après avoir dit quelques psaumes, il les pria de lui réciter quelque chose du livre des cantiques dont il était fort dévot à cause des matières mystiques et des retours savoureux entre Dieu et les âmes qui y sont contenus ; ils lui en lirent un chapitre dont il témoigna une particulière consolation.
Il avait un grand soin de temps en temps quelle heure il était, et lui ayant été dit qu’il était onze heures e demie, il pria qu’on appelât la communauté. Le Père provincial vint aussitôt avec tous les religieux, et dit au malade que tous désiraient qu’il leur donnât sa bénédiction, et que lorsqu’il se verrait devant Dieu, il les recommandât à sa divine majesté. Il répondit à cela, qu’il s’offrait de les recommander à Dieu, mais pour ce qui était de la bénédiction que c’était son office de la donner comme prélat et Père de toute cette province. Sur quoi les religieux faisant instance et le Père provincial lui ayant enjoint, il leva la main du côté des religieux, et faisant le signe de la Croix sur eux, leur donna la bénédiction avec un grand amour. Les religieux ensuite commencèrent à faire la recommandation de l’âme, et à quelque peu de temps de là, le malade dit au Père Alphonse de la mère de Dieu qui la faisait : Mon Père ne vous lassez point, mais continuez à me recommander à Dieu, j’ai besoin qu’on me laisse un peu en repos. Après lui avoir dit cela, il joignit les mains serrant le crucifix qu’il tenait et ferma les yeux comme une personne qui demeure en oraison.
Peu de temps après, l’horloge sonna douze heures, et le frère François qui veillait à cette heure pour sonner matines, sortit promptement pour aller à la cloche, le malade entendant sonner ouvrit les yeux, et demanda pourquoi l’on sonnait, et lui ayant été répondu que c’était pour aller à matines, il dit : Gloire à Dieu. Puis jetant ses yeux sur tous les assistants comme prenant congé d’eux, il mit sa bouche sur les pieds du crucifix disant ce verset du prophète roi : In manus tuas Domine commendo spiritum meum. Et mourut au même instant comme s’il fut entré dans un doux et agréable sommeil, s’accomplissant en lui ce qu’il a laissé dans un de ses livres, que la mort de ceux qui sont transformés en Dieu n’est pas rigoureuse et amère, mais douce et savoureuse. Cela arriva si promptement que le frère sonnant encore le premier coup de matines (comme il le dit en sa déclaration) on lui vint dire qu’il sonnât à la fin pour un défunt, d’autant que le saint Père Jean de la Croix était décédé, ce qu’il fit. Il mourut à la première heure du samedi le 14 de décembre l’an 1591. Son visage demeura très beau et revêtu d’une blancheur semblable à une splendeur, étant auparavant un peu brun et basané. Ce que les témoins oculaires ont rapporté en leurs déclarations pour une des choses remarquables qui advinrent en sa mort. Et au lieu de donner de l’horreur, comme ont de coutume de faire les autres morts, il donnait de la consolation à ceux qui le regardaient, et l’accompagnaient. Il mourut âgé de 56 [49] ans dont il en avait employé la plus grande partie en religion donnant toujours un très bon exemple à un chacun par sa piété et ses grandes vertus. Bref comme toute sa vie n’avait été qu’une oraison continuelle et communication avec Dieu il rendit aussi son esprit en cette même oraison et quiétude.
Aussitôt qu’il eut rendu son âme à Dieu tous ceux qui se trouvèrent là présents, religieux et séculiers, lui vinrent baiser les pieds et les mains comme à un corps saint, et chacun prenait ce qu’il pouvait attraper de ses habits et des bandes et linges qui avaient servi à ses plaies, jusqu’à prendre pour relique la corde qui pendait sur son lit dont il se servait pour se retourner, et d’autres lui coupaient les cheveux de la couronne. Le Père prieur ramassa quelque chose dont le Père avait eu l’usage pour le diviser et distribuer entre ses amis, et donna sa ceinture à Madame Claire de Benavides pour l’assistance particulière qu’elle lui avait rendue, par laquelle puis après notre Seigneur fit quantité de miracles, et à don Barthélemy d’Ortega son mari il lui donna son bréviaire, lesquels présents furent reçus de ces personnes avec grande estime et vénération, et les conservent encore aujourd’hui avec le même honneur et révérence.
Historia de la Vida y Virtudes del Venerable
P. F. Juan de la Cruz
Primer religioso de la reformacion de los descalzos de
N. Señora del Carmen con declaracion de los grados de la vida contemplativa por
don de N.S. le levanto a una rara perfecion en estado de destierro. Y del
singular don que tuvo para enseñar la sabiduria divina que transforma las almas
en Dios.
Compuesta por el P.F. Joseph
de Jesus Maria Religioso de la misma Orden,
En Bruselas, por Juan de
Meerbeeck 1628.
À la Serenisima señora doña
Isabel Clara Eugenia Infanta de España etc.
[Suite de l’Introduction à son édition imprimée ici en petit corps, comme les notes associées dans le fil du texte principal, ici dissociées par identation et sauts de ligne. L’espagnol n’a pu ici être contrôlé très efficacement comme pour le français qui bénéficie du logiciel Antidote.]
En marzo de 1628 se publicaba en Bruselas la Historia de la vida y virtudes del venerable P. Fray Ivan de la Cruz, primer religioso de la reformación de los descalzos de N. Señora del Carmen. Con declaración de los grados de la vida contemplativa por donde N. S. le levantó a una rara perfección en estado de destierro. Y del singular don que tuvo para enseñar la sabiduría divina que transforma las almas en Dios. Salió de las prensas de Juan de Meerbeeck. Un volumen de xxxii-1014-39 páginas en octavo.
La edición estaba prologada por el P. Crisóstomo Enriquez, cronista de la Orden de San Bemardo, que había recibido de la gobernadora de los Paises Bajos, la Infanta Isabel Clara Eugenia, el mandato de editar la obra de Quiroga. En la presentación hacia un juicio encomiástico de la obra de Quiroga. Los hechos de fray Juan de la Cruz, dice, “no pienso pudieran haber hallado más digno cronista, en quien resplandeciesen en tan alto grado la erudición, la elocuencia, la facilidad de ingenio, la profundidad de doctrina y sobre todo la alteza de espíritu con que pinta el de este glorioso Padre” [pp. iv]. No se le ocultaba al erudito cisterciense que en la obra faltaba un requisito necesaño para la publicación de las obras escritas por religiosos. Tal vez a esto se refiere al decir a la Infanta: “Obra es de V. A. este tratado, pues aun antes de salir a la plaza del mundo la recibió por suya, y es propia obligación el defenderla, pues aunque llena de celestial doctrina, no faltará quien ponga lengua en ella. Con grandes trabajos perfeccionó Dios a este glorioso Padre mientras peregrinó en este destierro, no me admiraré los herede el libro en que se representan» [pp. vvi]. El libro se editaba por mandato de la Archiduquesa. Su protección facilito seguramente la impresión, que hubo de costar bastante, pero no excusó al P. Quiroga de las consecuencias de la violación de los requisitos editoriales. De nada serviría la aprobación de la vida por el Doctor Martin Ramirez, catedrâtico de Prima de la Universidad de Toledo, dada en 1625. El hecho patente era que faltaban las licencias de la Orden. Aunque no sepamos exactamente como llegó a Bélgica el manuscrito ni cuando se comenzó la impresión, ciertamente no fue antes de septiembre de 1627. Apenas vio la luz, la Madre Beatriz de la Concepción, priora de las Carmelitas de Bruselas envió vaños ejemplares al General de la Orden Juan del Espiritu Santo/18. Como es de suponer se vio sorprendido con disgusto al observar la falta de aprobación de la Orden, y el asunto se trató en el Definitorio General. Allí se determinó el examen de la obra, que había faltado antes de la edición. Fueron encargados de hacerlo los PP. Francisco de la Concepción y Antonio del Santisimo Sacramento. El examen de la Vida de fray Juan de la Cruz por Quiroga se había acabado ya el 30 de marzo de 1628. Fue un examen sumamente meticuloso. Citando páginas y lineas los censores denunciaban los juicios del P. Quiroga que no compartían y que abarcaban desde lo teológico y mistico hasta lo conventual y casero.
18 Cf. PIERRE SEROUET, Lettres choisies de Béatrix de la Conception, Paris-Bruges, 1967, p. 324. Escribe a Maria de la Encamacién, religiosa de Consuegra: “Si V. R. quiere podrá pedirle a Nuestro Padre General que yo le he enviado doce que se han impreso aquí”. Carece de data.
He aquí una serie de advertencias. Reprochan a Quiroga hacer autora de la Reforma a la Virgen Maria de la que Santa Teresa sería la sustituta. No están tampoco de acuerdo en que S. Elías profeta recibiese en el Monte Horeb la regla de su vida, ni que la regla primitiva impusiese silencio perpetuo. Le achacan el quitar las imágenes y semejanzas sensibles en la meditación; el desaprobar actos comunes que la Religión había introducido y aprobado y el manifestar su preferencia por la vida carmelitana tal como estaba en los monasterios de las monjas. Hacen notar al historiador algunos deslices en materias históricas, e impugnan algunas afirmaciones referentes a la vida interior de San Juan de la Cruz, tales como cierto don de integridad y la ausencia de pecados veniales de advertencia. Como era de esperar no dejan de notar las quejas de Quiroga sobre la manipulación a que le habían sometido la Vida del Hermano Francisco del Niño Jesús, asunto ignorado en general. El juicio global lo manifiestan diciendo que la obra no se debía leer en las comunidades, pues «desayuda a lo que la Religién tiene asentado en los actos comunes que la Religión profesa»/19.
El juicio nos parece demásiado severo. Algunas de las afirmaciones censuradas corrian impresas desde hacia diez aflos en la Relacién sumaria de la vida del Fray Juan de la Cruz, publicada en 1618, y otras no reflejahan con exactitud la opinión de Quiroga.
Segùn el General Juan del Espiritu Santo el P. José fue convencido de su culpa y castigado severamente segùn las leyes de la Orden/20. Estas imponian a los que editaban libros sin licencia la privacién de oficio y de voz activa y pasiva por dos años. Además se le prohibe escribir más. Había que dar un escarmiento. Quiroga aceptó la sentencia en espiritu de obediencia religiosa. Hasta qué punto llegó su culpabilidad en la publicación de esta vida, depende de una circunstancia que desconocemos. Según afirman las Crónicas de la Orden el libro manuscrito fue llevado a Flandes por un pariente del padre Quiroga/21. Hecho que parece ser cierto/22. ¿Se hizo con co
19 Cf. BNM. ms. 18.197 (7°) fol. 35v.
20 Consta de la carta de Juan del Espiritu Santo a Domingo de Jesùs, francés, Cfr. ms. 6.632, fol. 107v de la BNM.
21 Cf. JOSÉ DE SANTA TERESA, Reforma, L.XVII, cap. 25, n. 7.
22 En carta a Maria de la Encamación le dice Beatriz de la Concepción.Su Alteza los ha hecho imprimir que el buen padre le envié, por via de un deudo suyo a Flandes. Debió ser porque saliese más presto. Cf. SEROUET, P. Lettres choisies de Béatrix de la Conception, p. 324.
nocimiento del P. Quiroga? No se sabe. Una cosa es cierta: que los cronistas han tratado de disculparle.
Los Superiores de España quisieron borrar la mala impresión que una obra del género podia producir, mandando escribir otra vida a Jerónimo de San José. La Vida apareceria en Madrid en 1641, pero antes publica el Dibujo, vida breve de fray Juan de la Cruz, que además de publicarse en 1629, acompañaria a las Obras del Santo de 1630 y demás ediciones españolas durante largo tiempo. No contentos los Superiores Descalzos con impedir su lectura en los conventos de España trabajaron para hacer lo mismo en los conventos de Francia y en la Congregación de Italia. Incluso se pensó en hacer gestiones ante la Corte de España y Bélgica. Si se hicieron, no tuvieron éxito.
Ediciones
Con los antecedentes recordados la obra parecía condenada al fracaso. Sin embargo, esta biografia ha sido de las más editadas y traducidas. La Historia del venerable P. Fray Juan de la Cruz se volvió a editar en español en Bruselas con el mismo formato y caracteristicas que la de 1628 a los cuatro años, en 1632. Poco después, en 1638, fue traducida al italiano y publicada en Brescia por Nicoló Cid. Ese mismo año veia la luz en francés en la versión de Eliseo de San Bernardo, y cuatro años más tarde la volvia a publicar Cipriano de la Natividad en Paris. Ya al tiempo de la primera edición española se estaba traduciendo al latin/24. Aunque esta versión latina no se publicó, si lo fue la version latina del P. Andrés de Santa Maria en Colonia en 1663. Pasando el tiempo incluso en la Congregación española se volvió a imprimir, por mandato de los superiores. La edición preparada por el P. Juan de la Resurrección definidor General, se hizo en Málaga en 1717, en la que se incluía una Noticia sobre Quiroga sumamente laudatoria. Y, lo que es mis significativo, es prácticamente igual en el contenido a la de 1628 /25.
23 Cf. JOSÉ DE SANTA TERESA, Reforma, L.XVII, cap. 25, n. 7: “Aunque no pudo presumir de la virtud humilde del P. Fray José alguna malicia o cautela”. JUAN DE LA RESURRECCIÓN en la Noticia de la edición de Malaga de 1717, n. 16.
24 Escribía Beatriz de la Concepción en la ya citada carta a Maria de la Encamación: Ya esta traducido al latin por el Obispo de Amberes. Cf. SEROUET, P. ob. cit., p. 324.
25 Confrontando la edición de 1717 con la de 1628, y teniendo en cuenta las observaciones que se habían hecho al P. Quiroga se ve que ha pasado por alto muchas cosas. Suprime el [suite en fin du texte principale de la page suivante ci-après :]
La ùltima edición en español es de 1927, publicada en Burgos, por el P. Sabino de Jesús. En ella se retoma la Noticia histórica del P. Juan de la Resurrección. Esta edición carece de la Tabla de los lugares aducidos, y además en la impresión del texto se ha procedido con una cierta libertad, que la hace menos fiable que las otras ediciones en español.
Las fuentes
La biografia sanjuanista de Quiroga tuvo una larga gestación. Probablemente sus comienzos hay que remontarlos a 1597 cuando Quiroga hace su viaje a Andalucia buscando datos historiales entre ellos sobre San Juan de la Cruz. Se conserva una relación autógrafa de Bartolomé de San Basilio, enfermero del Santo en Ubeda, dirigida al P. Quiroga que se hallaba en Granada, dándole noticias de la última enfermedad, muerte y milagros del Santo/26. También sabemos que recibió carta de Alonso de Villalva dándole noticias sobre la vida llevada por Juan de Santo Maria en Salamance. El trece de noviembre de 1607 le escribe también Beatriz de Jesús desde Ocaña comunicándole el caso del éxtasis en el locutorio de la Encarnación conversando allí con Santa Teresa. Esto a petición de Quiroga. La recogida de documentación sanjuanista se iba a incrementar de manera notable con ocasión de los procesos en orden a la beatificación del santo fontivererio. Como es sabido fue el General José de Jesús Maria quien promovió estos procesos en sus cartas de 29 de noviembre de 1613 y especialmente en la de 14 de marzo de 1614 en la que mandaba a los Provinciales proceder a ellos, dando las debidas instrucciones. Los Procesos se llevaron a cabo durante los años 1614-1618, y tuvieron lugar en Medina del Campo, Caravaca, Segovia, Avila, Jaén, Baeza, Ubeda, Alcaudete, Malaga y Beas. Los procesos
[fin de note de la page précédente:] párrafo: “Asimismo... entre sus monjas” de p. 6162, pero ha dejado el pàrrafo sobre la reprobación de Santa Teresa de muchos actos comunes (pp. 81-82). Se halla integro el capitulo segundo del libro segundo del que habían dicho: “Todo et capitulo segundo del libro segundo es menester reformar, porque se opone a todo lo que la Religión tiene asentado”. Deja también el capitulo 12 del que dijeron necesitaba “repararse todo”. Incluso está la queja sobre la manipulación en la Vida del Hno. Francisco del Niño Jesús.
26 Cf. su testimonio en Biblioteca Mistica Carmelitana [BMC1, en Obras de S. Juan de la Cruz, vol. IV, Burgos, 1931, p. 394.
27 Cf. QUIROGA, L.I, cap. 4, p. 32. El P. Alonso de la Madre de Dios (Asturicense) en el proceso de Segovia en 1627 remite a Alonso de Villalba. CF. BMC, 14, 336.
28 Cf. BMC, 13, 360.
hechos ante los Ordinarios fueron enviados a Roma, donde fueron bien recibidos. Años más tarde el dos de febrero de 1627 se otorgaron las Letras Rernisoriales y el Rótulo para proceder a las informaciones Remisoriales. Juan del Espiritu Santo, entonces general de los Descalzos, nombraba en fecha de 27 de mayo los procuradores para el proceso, que tuvo lugar en Jaén, Ubeda, Baeza, Granada, Málaga, Segovia y Medina del Campo entre 1627 y 1628.
La importancia de los procesos para las biografias sanjuanistas salta a la vista, y est bien patente en las biografias de Alonso de la Madre de Dios/29 y Jerónimo de San José/30. Ciertamente que tanto el P. José de Jesús Maria como Alonso de la Madre de Dios no utilizaron las almas informaciones. La vida de Quiroga estaba ya acabada en 1625 y Alonso de la Madre de Dios asegura no haberlas visto/31.
Con todo, la utilización de los procesos por parte de José de Jesùs Maria es cierta. Todavia hoy se conservan en el ms. 12738, fragmentos de los procesos de Baeza, Caravaca y Beas. Y en el ms. 8.568 se contienen «fragmentes historiales para la vida de Ntro. Sto. P. Fr. Juan de la Cruz»/32, que son extractos del proceso informativo de Medina, Segovia, Jaén y Ubeda en sendos cuadernillos. Tanto en un manuscrito como en el otro hay documentación sanjuanista, entre ella cartas dirigidas al P. Quiroga.
Independientemente de los procesos canónicos Quiroga vino a estar en posesión de documentación sanjuanista. El P. Alonso de la Madre de Dios (andaluz) en carta de 1615 le dice al destinataño: «La de V. R. recibi y me huelgo se hagan estas diligencias por mi padre fray Juan de la Cruz, cuya vida y virtudes es admirable. Sobre que yo he dicho ya dos o tres veces y están los papeles en poder del padre fray José, el que imprimió el libro de la castidad, adonde las podrá V. R. padre mie, sacar, que son muy buenos, porque no solamente atestiguan de la vida, que le traté algunos ahos, sino también de su buena muerte y de toda la enfermedad que la precedió, etc.»/33. Por su
29 Cf. ALONSO DE LA MADRE DE DIOS, Vida, virtudes y milagros del Santo Padre Fray Juan de la Cruz, Madrid, 1989, Prólogo, p. 49.
30 Cf. JERÓNIM0 DE SAN JOSÉ, Historia del venerable Padre Fray Juan de la Cruz, Madrid, 1641, Prólogo: “Principalmente me he aprovechado de las informaciones juridicas que por orden de la Sede Apostólica se han hecho para la Beatificación del Venerable Padre”.
31 Cf. ALONSO DE LA MADRE DE DIOS, Vida, Prólogo, p. 40.
32 Cf. Ms. 12.738 de la Biblioteca Nacional, pp. 97-261, 271-353, 361-484.
33 Cf. BMC, 13,417. Sobre haber hecho varias veces investigaciones, véase el testimonio de Catalina de S. Alberto, BMC, 13, 424.
parte Ana de San Alberto en carta de cuatro de noviembre de 1614 a Alonso de Jesús Maria habla de la doctrina de fray Juan sobre la negación propia ahadiendo: «Para que esto se eche de ver, léase un papel que yo envié al P. Fr. José de Jesùs Maria, que le llamaba nuestro padre Fray Juan de la Cruz Subida del monte Carmelo, y allí se verá la doctrina que enseñaba./34. Por lo que dice un poco más adelante sabemos que le envio también las poesias «Adonde te escondiste» y «Por cima de las corrientes de que en Babilonia hallaba»/35. Pero el P. Quiroga no solo recibió información sino que los documentos fueron «acotados, respaldados y resumidos con notas oportunas de el P. José. Fue mérito suyo ordenar una cantidad abrumadora de informaciones, abriendo asi el camino a los historiadores futuros que tanto se beneficiaron de sus trabajos»/36.
El primer fruto de sus conocimientos fue la Relación sumaria publicada con las Obras del Santo en la edición de 1618 y 1619. Pero con mayor razón los utilizó en la edición de 1628. El P. Quiroga ha hecho un uso amplio de los testimonios recogidos privada o públicamente.
En la biografia quiroguiana se hallan citados religiosos, religiosas, seglares, de una manera explicita. Sin pretender ser exhaustivos recordamos a Pedro de San Hilarión (II, 19), Juan de Santa Ana (II, 21), Juan de la Madre de Dios (II, 30), Pedro de la Purificación y Francisco de los Apóstoles (II, 34), Diego de la Concepción (III, ), Bernardo de la Virgen (III, 16), Bartolomé de San Basilio (III, 16), Fernando de la Madre de Dios (III, 16), Baltasar de Jesús (III, 19), Gregorio de San Angelo (III, 19), Alonso de la Madre de Dios (III, 33), Lucas de San José (II, 28), Martin de la Asunción (II, 7), Antonio Sagrameha (III, 34), Juan de Vicutia (II, 14), Juan de la Reina (II, 34). En cuanto a las religiosas Ana Maria de Jesús (I, 20), Isabel de la Encamación (III, 19), Maria de la Encarnación (III, 12), Maria de la Concepción (III, 27), Mariana de Jesús (III, 27). De los seglares recoge las afirmaciones de D. Lope de Molina (III, 37), Doctor Ginés (III, 28), Doctor Freilas (III, III, 37), Doctor Lucas Copedo (III, 29), Pedro Arias (III, 39), Francisco Romero (III, 39), el licenciado Villareal (III, 26), Inés y Catalina de Salazar (III, 18), Clara de Benavides (III, 25), Juana Godinez (III, 28).
34 Cf. Ana de San Alberto, en BMC, 13, 400.
35 Ibidem, p. 401.
36 Cf. EFRÉN DE LA MADRE DE DIOS, San Juan de la Cruz y el misterio de la Santisima Trinidad, Zaragoza, 1947, p. 102.
Otras afirmaciones más vagas se refieren a «algunos compatieros de noviciado y colegio que yo alcancé, personas muy graves» (I, 3), testigos que le oyeron contar la salida de la cárcel (II, 7), «un religioso de aquel tiempo» (I, 3); recuerda a los «solitarios» del Calvario (II, 12), al portero de Baeza (II, 19). En otra ocasión menciona «un confesor» (II, 24), un testigo (II, 23); una religiosa de Segovia (II, 27), un caballero (I, 35).
En realidad Quiroga tenía un sólo ideal en sus obras: servir a la verdad/37. Lo repite en más de una ocasión. Al P. Alonso de la Madre de Dios encargaba consultar al Prior de los Carmelitas Calzados de Segovia sobre detalles de la vida del P. Antonio de Jesús (Heredia) «porque aunque parecen menudencias muchas de estas rosas no hay rosa menuda en materia de verdad, pues es el alma de la historia y no querria que la nuestra llevase falta de. ella ni en una jota»". Por eso no satisfecho con lo que decían las informaciones, todavia buscó noticias más personales. Así, por ejemplo, sobre la vida que hacia de estudiante en Salamanca (I, 3), se preocupó por ver el lugar de la prisión del Santo en Toledo (II, 4), y el corral adonde cayó al escaparse (II, 10), tuvo trazas para hacerse con el original de la carta de Báñez a Santa Teresa sobre el proceder de Angel de San Gabriel, maestro de novicios de Pastrana (I, 18); habló con Doria Clara de Benavides sobre la aparición del Santo al morir (III, 24); leyó también en el libro original la sentencia contra Diego Evangelista (III, 21) etc... Como se ve una documentación abundante, que él utilizó.
En la exposición de la biografia se sirvió de abundante literatura espiritual e histórica. No es muy dificil ver las fuentes a que acudió para componer su obra, fielmente reflejadas en el margen de su biografia.
Hay autores que escribieron de historia eclesiástica general como Baronio (I, 1; I, 7), Sozomeno (I, 1; I, 2), Eusebio (I, 19; I, 42), Paladio (I, 7; I, 10). Los Santos Padres se hallan representados con citas de San Agustin (I, 7; III, 7), San Jerónimo (I, 7; I, 18), San Gregorio Nacianceno (I, 11; I, 18), San Gregorio Magno (I, 4; I, 23), S. Epifanio (I, 1), S. Isidoro (II, 7). Hay autores espirituales como Pacomio (I, 18), S. Juan Climaco (I, 18), Joaquin de Fiore (I, 1), Casiano (I, 7 ; I, 10), Metafrastes (I, 44), Gersón (I, 36), San Bernardo (I, 40), S. Antonino (I, 53), Ricardo de S. Victor (I, 29), Hugo de S. Victor (II, 8), S. Lorenzo Justiniano (I, 14), San Buenaventura (I, 15), S. Al
37 nota 3, p. 32.
38 Cf. Ms. 2 711 de la BNM, fol. 147.
berto Magno (II, 14), Pelbarto (III, 7), S. Vicente Ferrer (1, 11). rambiet) se encuentran citas de Josefo (I, 42), de Filón (I, 7; 1, 19), de Ciceron cul, 8), de Boecio (I, 21). Ha tenido en cuenta las ohms de los carmelitas Paleonidoro (I, 7; I, 11), pero sobre todo las obras de Santa Teresa, de la que cita textos de la Vida, Camino de perficción, Fundaciones, y Moradas (I, 12; 1,i. 1, S; I, 10, etc.), y sobre todo de San Juan de la Cruz tanto de la Subida, coin° de la Llama y Ceintico (I, 13; I, 29; I, 23). Aparecen también citados con frecuencia las obras del Pseudo Dionisio y sobre todo de Santo 'l'omis, sin que se eche de menos el recurso a la Sagrada Escritura para iltistrar la doctrina.
Método
Cualquiera que compare la Vida de San Juan de la Cruz escrita por Quiroga con las preparadas por Alonso de la Madre de Dios y por Jeronimo de san José se da cuenta que aun siendo las tres biografias muy documentadas difieren en la presentación. EI P. Quiroga usó en la composición de esta biografia el mismo método que ha usado antes en la Historia de la Orden, es decir la mezcla del elemento histórico con el espiritual. Era un método de escribir historia que sabla no agradaba a todos, por las advertencias que se le habían hecho a su Historia y por et consiguiente nombramiento de otro historiador general. Pero Quiroga respondió: “Acusanme de que mezclo puntos de oración en los historiales, y aunque esto no es un gran delito en un historiador de religión contemplativa, serálo menos si se anduviere la ocasión en que esto se hace”/49. En el caso de la biografia sanjuanista Quiroga distribuye los datos que tiene de San Juan de la Cruz de manera sistemâtica, segùn la idea que tiene de la vida del Santo, cuya vida es un ejemplo perfecto de la vida contemplativa propia del Carmelita Descalzo. Para Quiroga Dios eligió a San Juan de la Cruz como a un segundo Elías donde plasmar de manera vital el espiritu del Carmelo reformacio. Su vida es, por lo mismo modélica. Al escribir la biografia sanjuanista Quiroga tenia una idea clara de lo que era la vida espiritual, segùn lo había escrito en sus obras, manuscritas todavia, de la Subida del alma a Dios y Entrada al paraiso espiritual. Esa evolución hubo de darse en San Juan de la Cruz, por eso su historia es precisamente la evolución de la vida espiritual en el Santo.
39 Cf. Ms.2.711, de la BNM, fol. 231v.
Por otra parte Quiroga estaba convencido del carácter autobiográfico de los escritos sanjuanistas y se sirvió de ellos para ilustrar la vida interior de fray Juan. Por eso se preocupó de establecer, dentro de lo posible, los tiempos en que tuvieron lugar en su alma el desposorio y el matrimonio espiritual con la manifestación de las virtudes correspondientes. Ciertamente él reconocià la dificultad de la empresa y la necesidad de depender del testimonio de los testigos. Escribe: «Como nuestro venerable Padre fue tan cuidadoso en encubrir las mercedes que Nuestro Señor le hacia, aunque tengamos noticia en sus escritos de algunas, no la tenemos del tiempo en que las recibió, ni de otras circunstancias que las acompatiaban. Y asi hemos de sacar lo uno y lo otro de lo que en las informaciones que se hicieron para su beatificación dicen los testigos haber oido a él mismo o visto en sus acciones el tiempo que le trataron»/40. Como es sabido en la vida espiritual se recorren los tres estadios de vía purgativa, vía iluminativa y vía unitiva. Quiroga dedicará un capitulo a tratar de «c6mo iba Nuestro Setior perfeccionando el espiritu de Nuestro Santo Padre despojándole de las ropas del hombre viejo para vestirle de sus resplandores»/41. Se trata del crisol de la parte sensible, de la parte espiritual y de lo supremo del espiritù. Al despojo y purificación sigue la unión divina. El desposorio espiritual piensa lo tuvo el Santo estando en el Galvano, basándose en los testimonios de las monjas de Beas. El matrimonio espiritual lo pone en Segovia “segùn muchos indicios que refieren los testigos en sus informaciones”. Un poco arriesgado era tratar de describir el desarrollo de la vida espiritual del Santo. Con todo esta tentativa ha sido justamente valorada.
Hasta qué punto el aspecto espiritual privaba sobre el meramente historico aparece de la simple comprobación de este dato. San Juan de la Cruz no aparece en el capitulo de Lisboa, del que no habla, poniendo en Patrana la elección del P. Doria en provincial de la Descalcez/42. La vida de Quiroga se muestra sumamente deferente con los adversarios del Santo. Tanto de los Calzados, como de los Descalzos. En vano se buscará en Quiroga el nombre del prior de Ubeda, que trató con tanta sequedad al Santo en su enfermedad, al tratar de ella, y lo mismo se diga del P. Diego Evangelista, autor
40 Cf. QUIROGA, Historia, L.I1, cap. 15, p. 560.
41 Cf. QUIROGA, Historia, L.I, cap. 12.
42 Cf. QUIROGA, Historia, L.III, cap. 3.
del infame proceso contra el Santo. Esta misma reserva notamos sobre el proceder del P. Nicolás en esa ocasión, a quien trata de excusar completamente.
Influjo
Es natural que una vida con tantas ediciones y traducciones dejara sentir su influjo. No podriamos recordar, ni es tampoco nuestra intención, todos los autores que citan a Quiroga al tratar de San Juan de la Cruz. Baste mencionar al P. José de Santa Teresa, quien en su obra Resunta de la vida de N. Bienaventurado P. San Juan de la Cruz, Madrid, 1675, p. 137 después de recordar las vidas de Quiroga, Alonso y Jerónimo de San José y otros dice: «De estos originales y otros compendios que se han impreso en Flandes y España se ha formado la presente». Influjo, pero un tanto vago. Lo mismo repite en su obra Flores del Carmelo, Madrid, 1678, p. 606. Un influjo màs directo se observa en la obra del P. Eustachio de Santa Maria, Breve raguaglio della cita, virtù e miracoli del nostro Beato Padre Giovanni della Croce, Roma, 1716 donde remite varias veces a la vida del P. Quiroga. El P. Silverio de Santa Teresa al escribir el tomo Quinto de la Historia del Carmen Descalzo, Burgos, 1936 cita varias veces a Quiroga (cf. p. 5, 95, 110, 117, 131, etc.). Por su parte el P. Bruno de Jesùs Maria en su Saint Jean de la Croix, Paris, 1929, remite frecuentemente al testimonio del P. Quiroga. También el P. P. Crisógono de Jesús en la biografia sanjuanista publicada en Madrid, en 1946 no sólo al tratar de las biografias coloca entre ellas la de Quiroga sino que vemos también remitir a Quiroga en varias ocasiones (cf. cap. 1, nota 2; cap. 2, nota 7, etc.). El influjo de Quiroga se nota ya en la vida del P. Alonso de la Madre de Dios, que no duda a veces copiar literalmente, párrafos de Quiroga. Cf. L. I, cap. 3, 4, 12, 13, 18, 19, etc. en nuestra edición, Madrid, 1989.
Algunos juicios
Antes de acabar la presentación de la Vida de Quiroga queremos recordar algunos juicios sobre ella.
Seguramente el màs antiguo es el de Jerónimo de San José, quien preguntado por Domingo de Jesús sobre este tema le respondia: «Dictio eius facilis, stilus mediocris, ordo suboscurus, rerum delectus, examen ac iudicium, seu quod historici aiunt, crisis baud omnino exacta. At non ideo omnia ibi contemnenda. Nec quia dissidia aliqua inter nostros olim admissa refert, ideo damnamdus»/43. Años después el historiador José de Santa Teresa escribía: “Trabajó la historia de su santa vida con tan acertado estilo y disposición que pudiera honrarse el Santo con tal escritor, si fuera capaz de ello»/44. Al publicar en 1717 el P. Juan de la Resurrección la nueva edición de la vida escribía: «Muchos han escrito la vida de mi santo Padre. Pero ninguno excede la que ahora se repite a la prensa. Todos historiaron sus virtudes sin extenderse a la explicación de la mistica enseñanza; la doctrina que se halla extensa en sus libros nos la explica Nuestro autor practicada, discurriendo del Santo la vida»/45. El P. Silverio de Santa Teresa dice por su parte: «Salió a luz su Historia del Santo en Bruselas (1628) admirablemente escrita, sobre todo por lo que hace a su vida interior y a los estados misticos de aquella alma privilegiada. Nadie hasta el presente ha estudiado mejor que el P. José este irnportantisimo aspecto del gran Doctor de la Iglesia»/46. De fuera de la Orden recordamos este juicio de L. COGNET, «Même à cette date, Jean de la Croix garde des interprètes plus fidèles. L’un des plus attachants est certainement Joseph de Jesus Marie Quiroga, auteur d’une Histoire de la vie et des vertus du vénérable Père Jean de la Croix, parue a Bruxelles en 1628, qui constitue la première biographie du saint et est extrêmement précieuse.»/47.
43 Carta de Jersónirno de San José a Domingo de Jesús, en ms. 6 632 de la BNM, fol. 92.
44 Cf. JOSÉ DE SANTA TERESA, Reforma, L. XVII, c. 25, n. 7.
45 Cf. JUAN DE LA RFSURRECCION, en la Noticia de la edición de la vida de Quiroga de 1717 en Málaga, n. 13.
46 Cf. SILVERIO DE SANTA TERESA, Historia del Carmen Descalzo en España, Portugal y Améeica, vol. I. Burgos, 1935, p. xxxv.
47 COGNET, L., Histoire de la spiritualité chrétienne. La spiritualité moderne, Paris, 1966, cap. 5, p. 184.
BIBLIOGRAFÍA
Para quienes deseen conocer mejor al P. Quiroga ofrecemos esta bibliografia selecta.
FLORENCIO DEL NIÑ0 JESÚS, El padre José de Jesùs Maria (Quiroga) (1562-1629 en Mensajero de Santa Teresa y San Juan de la Cruz 7 (1929) 306-308.
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— Un libro mariano inédito del P. José Jesùs Maria (Quiroga) en El Monte Carmelo, 48 (1944) 1829, 111116.
— Maria medianera. La mediacion universal de Mana en el P. José de fessas Maria (Quiroga), en El Monte Carmelo 65 (1957) 170-223.
SILVERIO DE SANTA TERESA, Historia del Carmen Descalzo en España, Portugal y América, vol. 9, Burgos, 1940, cap. 17.
FORTUNATO DE JESÚS SACRAMENTADO, El P. José de Jesùs Maria y su herencia literaria, Burgos, 1971, donde se encontrará bibliografia más amplia.
ANTOLIN, F., Aproximación a las biografias sanjuanistas en Teresianum 41 (1990) 473-514.
La edición
La edición que ofrecemos a los lectores no es critica en la presentación del texto. Ciertamente se publica integra, sin recortes de ninguna clase, lo que nos permite captar fielmente su pensamiento. Hemos conservado también generalmente la distribución del material en cuanto a los párrafos. Hemos mudado la ortografia para hacerla más asequible. Ponemos a pie de página las notas que en la edición de 1628 se ponen en los márgenes laterales. Los nùmeros con que el P. Quiroga remitia a la Tabla de lugares los hemos copiado con caracteres especiales en los márgenes laterales de las páginas. En cuanto a las notas de San Juan de la Cruz citadas con cierta vaguedad las hemos controlado remitiendo al Cántico A que usó el autor.
Queremos acabar dando las gracias a la Junta de Castilla y León por la publicación de esta vida, asi como al Centro Intemacional Teresiano-Sanjuanista de Avila que nos pidió este servicio como homenaje a San Juan de la Cruz en el IV Centenaño de su muerte.
Avila 14 de marzo de 1990.
FORTUNATO ANTOLîN
Il s’agit de quatorze chapitres « dispersés » n° 4 9 10 12 15 17 25 30 31 32 34 36 46 48. Ce choix a été établi à ma première lecture de ce qui se révèle le plus long des trois livres de « Vida y virtudes » qui couvre quelques 57 chapitres sur un total de 131 chapitres.
Certains de ces derniers manquent d’une description d’événements qui puisse soutenir l’intérêt du lecteur. Parfois Quiroga frôle l’hagiographie, car il privilégie le vertus comme signes de l’orientation toute spirituelle de son Maître.
Un choix était donc non seulement suggéré par le travail requis par l’édition aux 618 pages dense d’Antolín mais nécessaire. J’utilise le petit corps pour ces chapitres dispersés.
Desde este tiempo hasta que nuestro Venerable Padre fue a Salamanca no hallo escrito nada de la vida que hizo, si no que siempre se iba mejorando, y que conociendo los prelados su ingenio tan acompariado de virtudes, y pareciéndoles que era sujeto de grandes esperanzas, le enviaron a estudiar al colegio de su Orden de Salamanca. De la vida que en él hacia, dicen cosas de muy grau ejemplo algunos de sus condiscipulos, Padres graves de su Orden, a quien yo comuniqué para estas noticias. Los cuales, como testigos de vista, refieren que era mozo en la edad, pero lleno de canas en el reposo, en la prudencia y en toda la buena disciplina religiosa, en la vida tan inculpable que nunca se halló en él qué reprender, sino era el rigor con que se trataba y las muchas penitencias que hacia, en lo cual le daban larga mano los prelados por conocer de sus fuerzas que podia llevarlas, y de su espiritu que las pedia. Sus ayunos eran casi ordinaños, particularmente los de la Regla, que son la mayor parte del año; sus disciplinas muy continuas y rigurosas, hasta sacar con ellas mucha sangre; los cilicios asperisimos, y entre otros usaba un jubón hecho de esparto afiudado a manera de las redes que suelen poner en las ventanas de los gallíneros, aunque eran los nudos más espesos y unos zaragüelles de lo mismo. Todo lo cual traia a raiz de la carne, y con ser penitencia tan rara y hallada pocas veces aun en los grandes penitentes antiguos, a él le parecia que traia muy regalada su carne.
La celda en que vivía era estrecha y oscura, tan apetecida de él cuanto desechaba de otros por ser muy a su propósito, asi por la representación de pobreza y penitencia, que tan bien asentaba en su espiritu, como por una ventanilla que tenía con una vidriera que salia hacia el Santisimo Sacramento, desde donde gozaba el espiritu con anchura de las cosas del cielo, aunque el cuerpo estaba en lugar tan estrecho. Y para poder estudiar las horas que la obediencia ordenaba, tenía hecho un agujero en el tejado que cala sobre la mesilla donde estaban sus libros. Y con tanta luz espiritual como Dios allí le daba echaba poco menos la que le faltaba del sol visible, contentándose con sola la suficiente para cumplir la obligación de los estudios. Su cama era a manera de un cuezo algo más largo que los que suelen hacer para amasar yeso, en cuya cabecera estaba clavado un madero en hueco que hacia oficio de almohada, y aqui dormia sin colch6n, que por ser forma de sepultura que representaba la muerte muy al vivo debía de agradarle más que la tabla rasa.
Era grande su silencio, al cual sólo la obediencia o conocida necesidad interrumpia y tan ejemplar su recogimiento que cuando no estaba en su celdilla era serial que había acto de comunidad a que asistiese, porque para solos éstos salia de ella. Lo que en este tiempo más le molestaba, era no poder esconder todas sus penitencias de sus compaiieros, porque aunque él lo procuraba, no podia tanto encubrirlas por ser cosas exteriores que una vez o otra no se trasluciesen. Y esto y que le tuviesen en más opinión de virtuoso que la ordinaria, le daba notable pena; aunque no era sin provecho de sus comparieros, que por su ejemplo andaban fervorosos en el cumplimiento de sus obligaciones, y después les lucia la virtud que allí habían adquirido, porque algunos de ellos ayudaron mucho a su Religión, asi siendo súbditos como prelados. Con todo eso, para soltar Fray Juan de la Cruz más la rienda a la fuerza de su espiritu solitario y ser menos notado en sus obras, deseaba pasarse a la Cartuja, cuando hubiese acabado sus estudios.
Procuraba de tal manera acomodarlos al fin que sus prelados pretendian, que era a que ayudase con ellos a las almas, que en primer lugar cuidaba del estudio que había menester la suya, gastando algunos ratos en leer libros espirituales donde su alma hallase pasto saludable. Y como leia en los autores andguos que tratan de la vida perfecta y alentada de nuestros monjes solitaños, que su continuo ejercicio era la contemplación divina, y por eso los llamaban por excelencia contemplativos, y que a esto mismo se ordenaba el fin principal de la regla primitiva, mezclaba entre las materias escolásticas que estudiaba, particular lección de autores misticos, particularmente de san Dionisio y de san Gregorio, para sacar de ellos la sustancia de la contemplación, en que por blanco de su instituto debía ejercitarse, y hallaba tan encontradas la doctrina Antigua de estos y otros Santos que la Iglesia de Cristo tiene como por lumbreras clarisimas de sus verdades, y las opinions nuevas que en rnateria de oración mental conian en este tiempo, que gast6 mucho en averiguarlas para sacar en limpio la esencia verdadera de la contemplación provechosa, que era como fundamento de la vida que profesaba. Y hallaba poca resolucién de esto en las personas espirituales que comunicaba, por estar ya muy desusada la verdadera contemplación que ensefiaron los Santos, por otros modos nuevos de orar que maestros modernos habían introducido, fundados más en artificio humano que en los recibos de la operacién divina, sobre lo cual y cuánto le lastimaba hizo el Venerable Padre un excelente discurso. Y como queria Nuestro Señor que fuese maestro de la verdadera comunicación divina y que resucitase en nuestro siglo la contemplación endiosada ejercitada por nuestros mayores en los siglos antiguos, poniale un gran deseo de inquirirla en los Santos y experimentarla en si mismo.
Andando con este cuidado, como estudiaba por santo Tomás las lecciones que oia en escuelas, llegó a aquel lugar de la primera parte de sus obras donde dice el Angélico Doctor que como es imposible que un mismo cuerpo sea en mismo tiempo figurado con diversas figuras, asi lo es también que un mismo entendimiento sea informado de diferentes formas y semejanzas en un mismo tiempo/1. Alegróse mucho con este lugar del Principe de la Teologia Escolástica, que pone las verdades de ella en regla filine; y de aqui se acabó de persuadir lo que hallaba en los grandes maestros de la Teologia Mistica, que para los recibos de la influencia divina sobrenatural a que la contemplación se ordena, se han de dejar todas las semejanzas del conocimiento natural; y a esto mismo le inclinaba también la misma influencia divina en la oración. Confirmóse más en esto con lo que dice san Gregorio, que la influencia de la luz divina no se compadece con las semejanzas de las cosas corporales/2. Y asi, dejando opiniones nuevas de artificios humanos, hizo asiento, como en doctrina apostólica, en lo que dice san Dionisio y santo Tomás declarándole, que el conocimiento de las cosas divinas para participar de chias no ha de ser por medio de semejanzas de las cosas que conocemos, sino por luz de fe en negación de todas esas semejanzas/3. Y de esta manera ejercitó en quietud de ánimo la divina contemplación de allí adelante, y se dispuso para recibir de Dios altisimos dones de perfección y sabiduria divina que comunicó después a otros. Y como la suavidad espirituai de estos recibos divinos abundaba en su alma, andaba en el colegio tan abstraido de todas las cosas de la tierra, que no parecia que vivía en ella, y podia decir con el Apóstol, que su comunicación era en el cielo. Y asi le miraban sus condiscipulos como a hombre muy ilustrado y favorecido de Dios. Porque aunque él procuraba mucho encubrir sus ganancias interiores, sus virtudes exteriores las estaban publicando.
/1 S. TH., /, q. 8, a. 4.
/2 S. GREGORIUS MAGNUS, Liber I, hom, 17 super Ezechielem adrinem.
/3 Ps. D1ONYSIUS, De DN, cap. 2, S. 4. Para las citas del Pseudo Dionisio usamos estas siglas: DN De divine nominibus ; CH De celesti Hierarchia ; EH= De Ecclesiastica hierarchia ; MT= De mystica Theología.
Cuando fue tiempo de partir nuestra madre santa Teresa de Medina a la fundacién de Valladolid, descubrió al padre Fray Juan de la Cruz la revelación que había tenido de Nuestro Setior acerca de la elección que había hecho de él para que fuese el primero que se descalzase y diese principio a la vida primitiva del nuevo monasterio, y que, para que esto se pudiese hacer convenientemente y sin estorbo del padre Fray Antonio de Heredia, había pensado llevarle consigo a Valladolid con ocasión que viese la vida que ella y sus monjas hacian/1, para tomar de ella Io que le pareciese, y que desde Valladolid, alcanzadas las licencias de los dos Provinciales y del Obispo, se iria derecho a Duruelo sin tocar en Medina. El Padre Fray Juan de la Cruz, dando crédito a un espiritu tan ilustrado de Dios, y de persona escogida de él para dar estos medios de la refonnación de su Orden y ejecutarlos, se sujetó a seguir su parecer en todo, y asi se dispuso para acompafiarla. De este acto que se celebré entre las dos columnas del nuevo Carmelo, tenemos noticia milagrosa (demás de la historia) en las informaciones que se hicieron en el tribunal episcopal de Jaén donde viene verificado que, entre las demis apariciones que alti se vieron en la came de nuestro Venerable Padre, de que hicimos mención en otra parte, estaba en una figurada perfectamente nuestra santa Madre y junto a ella el padre Fray Juan de la Cruz, y sobre las cabezas de entrambos estaba el Espiritu Santo en figura de paloma blanca, y el Venerable Padre tenía indinada la cabeza hacia santa Teresa, como obedeciendo lo que de parte de Dios le proponia. En todo lo cual ya se ve, cuán milagrosamente est figurado lo que de este acto queda referido.
Abreviando la Santa las cosas que la detenían en Medina, partió a Valladolid, acompafiada del Venerable Padre; del cual y de su espiritu estaba tan pagada que ponderaba a sus monjas que pudiera decir de él lo que Dios había dicho de David: Que había hallado un hombre conforme a su corazón y hecho a su voluntad y asi se consolaba mucho de comunicarle. Para lo cual tuvo mucha ocasión en esta jomada, como ella lo dice por estas palabras: « Como en esta fundación de Valladolid estuvimos algunos días con oficiales sin clausura para recoger la casa, había lugar para informar al P. Fray Juan de la Cruz de toda nuestra manera de proceder para que llevase bien entendidas todas las cosas»/2. Pues en estos largos ratos no sólo platicaba con él las cosas que ella y sus monjas habían abrazado de rigor y perfección, más también lo que había entendido de Dios del fin que Su Majestad tenía en esta Reformación, que era (como la misma Santa lo tocó en algunas partes de sus libros) resucitar en nuestro siglo la vida primitiva retirada y fervorosa, que nuestros mayores habían hecho en los siglos antiguos con tan gran hermosura y utilidad de toda la Iglesia, imitando desde la tierra la vida y contemplación de los ángeles. Y lo mismo que ella sentia en esto había Nuestro Serior asentado en el espiritu del Venerable Padre. Y mientras que se sacaban todas las licencias le hizo nuestra santa Madre hábito de Descalzo para que entrase en Duruelo a modo primitivo, pues lo había de ser la vida según Nuestro Serior lo tenía ordenado.
Alcanzadas ya las licencias con buena diligencia de nuestra madre santa Teresa, asi la de los Provinciales (a quien la del General venia subordinada), como también la del Obispo, partió a Duruelo el padre Fray Juan de la Cruz, con orden de nuestra santa Madre que no entrase en Medina del Campo; y llevó consigo un padre de su Orden y de buenos deseos, llamado Fray José de Cristo, para que le ayudase en la nueva vida; y entre los dos Ilevaban algunas cosas de casa pobre que nuestra santa Madre les había dado. Y usando ya el padre Fray Juan de la Cruz de las licencias que llevaba de sus prelados, se descalz6 de pie y pierna y se vistié un hábito grosero y penitente, con que se puso en figura de primitivo. Avisé luego de su ida al padre Fray Antonio de Heredia, el cual no pudo salir tan presto de Medina, porque como hombre que daba buena cuenta de si en todo lo que tenía a su cargo, estaba aguardando al padre Provincial que viniese a visitar el monasterio de santa Ana de Medina, donde era prior entonces, y hasta que viniese no podia ir a Duruelo. Lo cual ordenó también Nuestro Serior para que con esto se encaminase suavemente lo que Su Majestad tenía determinado que el padre Fray Juan de la Cruz fuese el primero que subiese al muro primitivo y asentase en él la bandera reformada.
Llegados los dos religiosos a Duruelo trataron de aliriar la casa y lo que de ella había de ser iglesia y coro, y comenzaron a hacer una vida nueva,
/1 S. TERESA, Fundaciones. 12. Asi la cita de Quiroga. Parece se trata de 10, 4.
/2 Cf. la nota anterior.
imitadora de la antigua, según lo que en Valladolid se había tratado con nuestra santa Madre y segùn el concepto que el padre Fray Juan de la Cruz había hecho de ella, sacado de nuestra Regla y de los autores antiguos, acomodándola al fin principal que la regla mira. Decían sus maitines rezados a media noche con devoción y buena pausa, y después se recogian a sus celdillas, donde oraban o reposaban seer' su devoción o la necesidad lo pedian. A la mafiana tenían su oración de comunidad, y después de ella decían las cuatro horas menores, según la observancia antigua, y lo que conforme a ella había asentado en sus monasterios nuestra santa Madre. Después de las horas decía misa el padre Fray José de Cristo3, porque el padre Fray Juan de la Cruz aCin no era sacerdote. Y todo lo demás de la mariana gastaban en las celdas en oración y meditación de la ley del Serior, como manda la Regla. Cumpliendo también en esto lo que manda la constitución antigua, enviada por el ángel a san Pacomio, de que se hizo ya memoria, la cual ordena de esta manera el tiempo de la mariana. A este modo acomodaban también el tiempo de la tarde después de dichas visperas hasta la hora de la tarde que habían de tener oración en comtln. Después de colación decían completas y se recogian a las celdas, donde rezaban sus devociones y tenían oración en particular, como disposición devota del suerio que tomaban para levantarse a maitines. Y esta fue la vida de Duruelo en todos aquellos dias que el padre Fray Antonio se detuvo en salir de Medina, aunque no pusieron el Santisimo Sacramento, aguardando que él lo pusiese como prelado de la casa.
Después que el padre Provincial llegó a Medina e hizo allí su visita renunció el P. Fray Antonio el oficio de prior y la Regla mitigada y profesó la primitiva en manos de su provincial, y tomando hábito de Descalzo como su compariero partió al nuevo monasterio lleno de gozo, llevando consigo algunas pobres alhajas, y llegó a Duruelo a veinte y ocho dias del mes de noviembre de mil y quinientos y sesenta y ocho, adonde fue alegremente recibido de los que allí le aguardaban. En aquel dia y en el siguiente aliriaron devotamente la iglesia para poner en ella el Santisimo Sacramento el dia del glorioso Apóstol san Andrés, que es a treinta de noviembre, en cuya fiesta cayó aquel año la primera Dominica de Adviento, y asi se hizo con mayor solemnidad espiritual que adorno suntuoso de cosas materiales. Pusieron por nombre al nuevo monasterio nuestra Seriora del Monte Carmelo a imitación del antiguo de Palestina, cuya perfección se pretendia resucitar juntamente con el nombre. Celebrada la fiesta y acabada la misa, renunció el padre Fray Juan de la Cruz la regla mitigada y profesó la primitiva. Y desde este dia se cuenta la fundación de este monasterio, cuando se puso en él el Santisimo Sacramento, y no desde el dia que se hizo en él vida primitiva.
La que se había hecho hasta entonces de vida común, consultada con nuestra madre santa Teresa, a imitación de la antigua, y de la que ella había asentado entre sus monjas, la alter6 luego el padre Fray Antonio de Jestls (que asi se llam6 de allí adelante) y tenía la autoridad de prelaclo, para lo cual le movieron dos razones entre otras, La primera por no exasperar tan a los principios a los padres Calzados, con ver que se apartaba tanto de ellos en la vida comiln no contraria a la regla. Y la segunda, porque como entonces no estaba tan conocido el espiritu ilustrado de nuestra santa Madre, temió que había de ser mal recibido en la Provincia, que en cosa tan grave como asentar vida religiosa se gobernase por una mujer y no por lo que habían ordenado capitulos generales de la Orden. Y asi asentó en Duruelo los mismos actos comunes en que se había criado, vistiéndolos en lo demis de vida más reforrnada y mis conforme a la Regla. Y el padre Fray Juan de la Cruz sujetó su sentimiento al que conoció en su compariero, aunque el suyo quedó siempre en los deseos, y lo ejecutaba cuanto podia en su persona, donde Dios había impreso la verdadera forma de la vida primitiva, que en todos los siglos de nuestra Religión hizo tantos y tan grandes Santos, como en el primer tomo de nuestra Historia General verificamos. Comenzaron luego a pedir el hábito algunos que Dios movía para esto con tan gran fervor como había menester la aspereza de vida que allí se abraz6, de manera que en poco tiempo pudo haber comunidad formada.
/3 Ya hemos indicado la falta de exactitud, Cf. cap. 6, nota 1. Además José de Cristo no era sacerdote sino diácono. Vf. Fundaciones, 14, 7. El que no cambió hábito fue el P. Lucas de Celis.
Para describir este solar de primitivos y la vida que
hacian los primeros habitadores de él, es a propósito lo que dice nuestra madre
santa Teresa por estas palabras: « El
primer domingo de Adviento de este agio de sesenta y ocho se dijo la primera
misa en aquel portalico de Belén, que no me parece era mejor. La Cuaresma
adelante, viniendo a la fundación de Toledo me vine por allf. Llegué una
maitana y como entré en la iglesia quedé espantada de ver el espfritu que el
Serlor había puesto allf. Y no era yo sola, que dos mercaderes que habían
venido de Medina hasta allf conmigo, que eran amies, no hacfan otra cosa sino
llorar. Tenta tantas cruces, tantas calaveras... Nunca se me olvida una cruz
pequefia que tenta para el agua bendita, que estaba en ella pegada una imagen
de papel con un Cristo, que parecta ponta más devoción que si fuera cosa más
bien labrada. El corn era el desvdn que por mitad estaba en lo alto que podian
decir las boras; más habfanse de bajar mucho para entrar y para otr misa.
Tenfan allía los dos rincones hacia la iglesia dos ermitillas, adonde no podian
estar sino sentados o echados, llenas de heno, porque el lugar era muy frfo; y
el tejado casi les daba en la cabeza, con dos yentanillas al altar y dos
piedras por cabeceras y alti sus calaveras y cruces.
Supe que después que acababan maitines hasta prima no se tornaban a ir sino allf se estaban en oración, que la tenfan muy grande, y les acaecfa ir con harta nieve los h ábitos cuando iba a prima sin haberlo sentido. Decfan sus boras con otro padre del Paiio que se fue a estar con ellos, aunque no mudó hábito, porque era muy enfermo, y otro fraile mancebo que no era ordenado, que también estaba allf. En tan poco tiempo era tanto el crédito que tenfan que a mf me hizo grandfsimo consuelo cuando lo supe. 'ban a predicar a muchos lugares que estaban por allf comarcanos sin ninguna doctrina; y con ir legua y media y dos leguas descalzos, que entonces no trafan alpargatas, que después se las mandaron poner, y con harta nieve y frfo, después de haber predicado y confesado, se tornaban a corner a su casa bien tarde, y con el contento todo se les hacta poco »/1
Esta es la descripción que hace nuestra gloriosa Madre del nuevo monasterio y de sus habitadores, y como entre ella y el padre Fray Juan de la Cruz habían tratado tan de propósito de la vida que se había de asentar en el nuevo monasterio, acomodándola principalmente a los ejercicios de la vida contemplativa de nuestros mayores y vio que se abrazaba tanto de la activa que había de ocupar la mayor parte del tiempo del dia y de la noche, estrarióla mucho; y aunque mostré la novedad que le hacia, no la contradijo, antes hablando con veneración de lo que hacian, alabó su fervor, aunque rogándoles que moderasen mucho de lo que habían tomado de peso, para que lo pudiesen llevar los hombres flacos, pues en la vida comün no podian ser todos gigantes. Y no fue la vicia penitente y áspera la que extranó, pues la misma había abrazado ella entre sus monjas y la persuade en muchos lugares de sus libros, a imitación de nuestros monjes antiguos, sino que por haber abrazado tantos actos de ocupaciones ajenas, se había de faltar después a la del fin principal que Dios queria resucitar en esta Refonnacién, que era la contemplación divina, que pedia no sólo tiempo, más también ánimos no ahogados con muchas ocupaciones, y cuerpos no moliclos con el trabajo de ellas. Porque con ser tan pocos los religiosos que había entonces, cantaban todo el oficio divino, aunque fuesen ferias, y abundaba tanto el fervor que todo lo que veian loable de actos comunes en las otras Religiones, que profesan diferentes reglas y para cliferentes ejercicios, lo abrazaban.
Esto que tan a los principios temió nuestra gloriosa Madre, vio después de algunos años que se iba cumpliendo, y que por embarazarse mucho con las ocupaciones ajenas se faltaba a la propia; y asi lo decía algunas veces, y en uno de sus libros lo significó, aunque con su modestia acostumbracla, por estas palabras: Aunque todos los que traemos este hábito sagrado del Carmen somos llamados a la oración y contemplación, porque éste lue nuestro principio, de esta casta venimos de aquellos santon padres del monte Carmelo, que en tan gran soledad y en tan gran desprecto del /'ulula buscaban este tesoro, esta preciosa margarita de que hablamos. Con todo eso, pocos nos disponemos para que nos la descubra el Señor»/2 Esto dice nuestra maestra, y experimentánclose en la Religión que no se compaclecian con el ejercicio quieto y abstraido de la contemplación clivina y vida angélica tantas ocupaciones ajenas para que Dios tenía ya otras Religiones en su Iglesia, las fue moderando, particularmente lo mucho que se cantaba del oficio divino y
/1 S. TERESA, Fundaciones, 14, 6. Quiroga pone el cap. 13.
/2 S. TERESA, Mor. V, 1, 2.
las ocupaciones ordenadas al bien de los fieles fuera de nuestros conventos en que se ejercitan con tan gran provecho otras Religiones dedicadas a esto. Todo lo cual es tan conforme a lo que Dios quiere de nosotros que cuando nuestros mayores se ocupaban mucho en otras ocupaciones, aunque fuesen del culto exterior de Dios, enviaba Su Majestad ángeles que lo moderasen. Y la causa que daban de esta moderación era para que cumpliesen lo que manda la Regla de estar de dia y de noche en contemplación en sus celdas; de lo cual hallamos gravisimos ejemplos en los autores antiguos de la Iglesia/3.
Volviendo, pues, a nuestro solar primitivo ariadiremos a la devota descripción de nuestra gloriosa Madre, la que hacian los primeros que allí tomaron el hábito. Uno de los cuales, persona muy santa y de gran crédito que le tomó el mes de septiembre del atio siguiente de mil y quinientos y sesenta y nueve, dite que cuando llegó a Duruelo habían hecho dormitorio del aposento bajo, quitando de él lo que fue menester para hacer dos confesionaños hacia la parte que cala a la iglesia, para la gente que de la comarca acudia a confesarse. Las camas eran un poco de heno que servía de esteras del aposento, y algunos necesitados tenían una mania, y todas eran viejas, dadas como por desecho en aquellos lugarejos. Las almohadas eran una piedra o un madero que servía de cabecera. Y los que por algún achaque no podian tener esto, gozaban de la comodidad de una almohada de sayal grosero con paja o heno dentro; porque el uso de la lana en esto se tenía por falta de pobreza.
De la cocina hicieron dos partes, quitándole la mitad para refectorio, cuyo adorno era sola una tabla sobre que ponian la comida, y unas medias calabazas, empegadas por de dentro que servían de tazas, y cualquier cántaro viejo y jarro quebrado que los labradores tenían ya echado al rincón por cosa desaprovechada y lo daban a los religiosos para tener agua y vino, porque de todas estas alhajas ninguna se compraba. Y todo esto era el ajuar del refectorio. El de la cocina era un par de ollas en que se cocian unas hierbas y alguna vez un poco de ablejo. El coro todavía permanecia con su teja vana y ésta tan maltratada que cuando nevaba o llovía entraba fácilmente la nieve y el agua dentro. La ventana del coro por donde entraba la luz era una teja que quitaban de dia del tejado y la volvían a poner de noche. Y és • te era todo el monasterio y su aparato rico.
Quien mirara esta obra de Dios con solos ojos de carne, sin hacer debida reverencia a la profundidad de los misterios divinos a que no puede dar
/3 PALLADIUS, In historia Lausiaca, sect. 35; C.AssIANus, j., L. 2, cap. 5. Institutionum.
alcance, tendria razón de admirarse de tan flacos fundamentos para tan gran edificio, y desconociendo la obra decir lqué tiene que ver esta pobreza, esta desnudez y este desabrigo con aquellas grandes que Dios tenía ofrecidas a esta Reformación? Pero si la conferimos con otras cosas grandes que Dios ha hecho en el mundo, hallaremos que por estos principios caminaron, mostrando más su poder en alcanzar victoria del mundo y del infierno scon instrumentos flacos y despreciados que si la alcanzara por otros de mayor majestad y grandeza. No trato ya de la pobreza humilde con que el Hijo de Dios vino a ganar el mundo, revelado contra su natural Setior sin querer reconocerle, ni de las fuerzas flacas de los capitanes que escogió para esta empresa, sino de otros ejemplos semejantes al nuestro. Porque, quién dijera que en aquella humilde choza, aunq9e por susthabitadores venerable, en que el glorioso san Francisco antes de mudarse a la PorcitIncula vivía con sus discipulos en tanta desnudez y pobreza (retrato en todo de nuestro Carmelo recién nacido) estaban las generosas primicias de tan ilustre familia de la Iglesia?/4. Y iquién con sola razón humana hiciera muy alto concepto de aquellas dichosas cuevas y cabarias, principio heroico del monasterio de Claravallís, y ejemplarisimo fundamento de la religión de San Bernardo?/5. De esta manera, pues, introduce Dios sus mayores obras en el mundo, para que toda la gloria sea suya y no se atribuya a la suficiencia de los arcaduces por donde se encaminan.
Trató luego el padre Fray Antonio de Jesùs que el padre Fray Juan se ordenase de misa, para que le ayudase a confesar y predicar en utilidad de aquella gente inculta de toda aquella comarca. Y entraba el Venerable Padre con tan gran temor en esta dignidad por tenerse por indigno de ella que fue menester obligarle por obediencia. Este temor le apretó aún más el primer dia que dijo misa. Y como Dios le daba tan gran luz de la pureza de vida que había menester para ministro de tan inefable misterio, le pidió afectuosamente cuando le tenía en sus manos, que pues sin pretenderlo él le había dado la dignidad, le diese también la pureza de vida que había menester para ejercitarla. Y tuvo prendas milagrosas que Dios se lo había concedido, con una incomparable merced, de que haremos más particular memoria, cuando en el orden de sus virtudes, tratemos de su felicisima inocencia y angélica pureza.
/4 S. BONAVENTURA, In vita S. Francisci, cap. 4, apud Surium.
/5 SURIUS, L., In vita S. Bernardi, cap. 15.
La vida de nuestro padre Fray Juan de la Cruz es de las cosas que dice san Dionisio/1 que no tienen historia muerta sino perfección vital, y que asi las habemos de considerar menudamente, y venerar en Io visible de ellas lo secreto de las determinaciones divinas que en chias est encerrado. Porque como Nuestro Señor escogió a Nuestro Venerable Padre para maestro de perfección y guia acertada de verdaderos contemplativos en su tiempo, como sus mayores lo habían sido en los antiguos, no sólo le infundió lo que de virtud singular y altisima sabiduria había menester para este oficio, más también hizo en su misma persona un perfecto dechado y ejemplar vivo de los grados por donde se sube como por escalera mistica de la vida contemplativa a la cumbre de la perfección del destierro, imitadora de la felicidad de la patria. Y por esto nos corne obligación, concurriendo con este fin de Dios, a ir caminando en la historia de nuestro Venerable Padre por estos grados de perfección directivos de la nuestra, al arrimo de lo que él nos dej6 escrito de su fiel experiencia, aunque pasaremos por ellos de corrida, tocando solamente lo que baste para dar noticia de las mercedes que Dios le hizo y de la perfección grande a que l'ego por ellas, lo cual es una parte muy principal de su historia. Y para subir en esta noticia a los grados superiores, donde fueron mayores estas mercedes, es forzoso tocar algo de los inferiores que son sus fundamentos.
Tiene nuestra alma sus órdenes y como esferas de diferentes grados de potencias al modo de las jerarquias celestiales, por donde en la contemplación va subiendo, como dijo el Profeta/2 de una iluminación y participación de Dios a ocra mayor, hasta ilegar a unirse con él, aqui por felicidad comenzada y en el cielo consumada/3. Y es la regla general en la subida a estos aumentos de perfección que para subir proporcionadamente de un grado a otro ha de ser purificada el alma, segùn lo pide la excelencia del grado de
/1 Ps-Dionysius, Epistola ad Titum, ante medium
/2 Ps. 83, 8.
/3 PSD1ONYSIM De CH, cap. 10, §. 2.
participaciôn divina que en ella ha de ser comunicada/4. Y como nuestro Venerable Padre fue levantado por todos estos grados de la vida contemplativa, hasta llegar al supremo de la union y transformaciôn en Dios, como se verâ adelante, forzosamente habia de pasar por todas estas disposiciones. Y aunque fueron muchos los crisoles divinos en que purificaron y acendraron su espiritu, de solos tres haremos memoria brevemente, por lo que él refiere muy a lo largo en sus tratados misticos sacados de su experiencia, como él lo dijo en algunas cartas, que han llegado a mis manos, escritas a personas muy familiares suyas.
El primer crisol en que le purificaron fue el que significó el profeta Isaias cuando dijo Que a las destetadas de las pechos de las casas sensibles les enseñaría el Señor la sabiduria y les abriría el oído para que pudiesen percibirla/5. Pues para esto pusieron a nuestro Venerable Padre en esta primera cura de la parte sensible donde están las pasiones, para sazonarla y, en cierta manera, espiritualizarla, porque con su desorden y materialidad no impidiese al espiritu el vuelo de la contemplación divina. Y en esta cura fue afligido muchas veces con grandes desconsuelos y sequedades que le causaba de parte de la divina influencia, y con apretadas tentaciones del demonio, por ser la cura en parte donde pueden alcanzar sus baterías. Porque como Dios le daba licencia para que le afligiese, como se la dio en et santo Job, y con su impugnación ayudase a labrar sus coronas y este enemigo le tenía tan entrañable odio, le dio por muchos caminos cruda guerra, particularmente con tentaciones contra la fe y esperanza, cargándole tanto de escrúpulos y desconfianzas que le parecia que vela el infierno ya abierto para tragarle. De los cuales trabajos trata muy en particular el Venerable Padre por todo el libro primero de su Noche Oscura, sacando de su penosa experiencia el consuelo y ensefianza de las almas por este camino atribuladas.
Con esta primera cura le fueron disponiendo para la segunda, la cual fue en la parte espiritual cuando a los hábitos viciosos que en ella se habla adquirido de la comunicación de los sentidos y desorden de las pasiones/6. El cual beneficio significó el Salvador, cuando dijo: Que él era vid, y que el sarmiento que diese fruto le purgaría para que fructificase más/7. Porque
/4 psD1ONYSIUS, De CH, cap. 13, 5. Docuit.
/5 Is. 28, 9.
/6 S. TH., De Verit., q. 26, a. 3, ad 12.
/7 In. 5, 1.
esta purga, como ya es en la parte espiritual, se hace por sola la influencia divina. Y como estos hábitos adquiridos, de que van desnudando al alma, están abrazados con la sustancia de ella/8, aunque el quitarlos es alteración solamente accidentai, siente et alma tanto dolor en el apartamiento de estos accidentes entrariados en ella, como si le arrancaran algo de la misma sustancia/9. La cual purificación fue muy apretada en nuestro Venerable Padre como disposición para grandes recibos de Dios. Y le metieron en este crisol divino no una vez sino muchas; de que él mismo nos dio noticia experimental en los primeros capitulos del libro segundo de su Noche oscura.
El tercer crisol fue en lo supremo del espiritu, donde esta la imagen de Dios en nosotros/10, para lo cual le metió Su Majestad en aquella eficacisima fragua de su influencia, donde él dice por Isaías que cocería a la alma para purgarla de su escoria, y desnudarla de todo su estaño, hasta dejarla con la pureza que la naturaleza humana tuvo en su primer estado/11 . En las cuales palabras significó que le acabaria de purificar de la escoria de lo vicioso adquirido y la desnudaria de lo natural imperfecto, que son las ropas del hombre viejo, para vestirla de la inocencia y pureza del hombre nuevo, Hijo de Dios, con quien ha de ser unida; como quien quita a la piedra tosca su forma grosera, para que penetrada de la luz y unida con ella, quede hecha piedra preciosa; sin el cual despojo, como declaran los Santos/12 no puede el alma ser unida a Dios. Cuán penoso sea esto para el alma de esta manera cauterizada, se puede fácilmente conocer por lo que padecía en el crisol pasado. Porque si allí sentía tanto dolor con no padecer más que accidentalmente, en cuanto los hábitos adquiridos estaban abrazados de la sustancia de la alma, ?cual será el dolor que resultará a las potencias de este otro crisol, donde por despojarla en cierta manera de la forma natural, cuanto a lo imperfecto de ella, padece en la misma sustancia de ella?
De este penoso crisol y cómo cocieron y purificaron en él el espiritu de nuestro Venerable Padre, trata él mismo muy a lo largo por todo el libro segundo de su Noche Oscura, declarando con su experiencia, cómo se sentia allí atormentar y deshacer, como si una fiera le hubiera tragado y le estuviera
/8 S. TH., De Verit., q. 26, a. 1, ad 5.
/9 S. TH., In I Sent., Dist. 17, q. 2, a.1, ad 5.
/10 S. TH., De Verit., q. 10, a. 1.
/11 Is. 1, 24.
/12 S. TH., In III Sent., Dist. 27, q.1, a. 1, ad 4.
dirigiendo con angustias de muerte en su vientre tenebroso, que con esta comparaci6n declara Io que en este crisol sentia. Y con ser éste tan gran tormento, otros mayores dice que sentia en él, como la aprehensian vehementisima de que estaba aborrecido de Dios y desechado de El. Al cual tormento acompariaban otras penas que alli refiere, y tan profundo conocimiento de su intima perdicion y miseria, que no halla con qué encarecerlo, sino con decir que le parecia que se veia como condenado ya y en su riltima perdician. Y como juntamente con esto le tenia la influencia divina como atadas las potencias para el ejercicio de su obrar imperfecto en todo lo que no era necesario para la vida humana u obras de obediencia, hasta introducir en el alma con la forma divina el modo de obrar a lo perfecto, como quien ata al niño la mano izquierda, para que se acostumbre a obrar con la derecha; y con esto se hallaba como privado de los bienes que a su modo grosero alcanzaba por medio de sus operaciones naturales, recibia con este atamiento tan gran pena y aflicci6n que se puede comparar a la que dicen los Santos que padecen las almas en el purgatorio con semejante afliccion e impedimento/13. Estas y otras penas y aflicciones que aqui se cuentan tan de paso, estuvieron en el Venerable Padre tan de asiento que le duraron muchos años. Y con estos crisoles le fue disponiendo Dios para asentar en su espiritu ya acendrado sus divinos esmaltes, como el mismo Serior lo dijo a nuestra madre santa Teresa, cuando estaba en lo muy apretado de esta tercera fragual/14.
/13 S. TH., De Verit., q. 26, a. 1.
/14 S. TERESA, Vida, 20, 16
Parece que se hubo Nuestro Serior con las dos primeras columnas de esta Reforma para la propagación de la Orden de Elías renovada, al modo que se hubo con sus Apóstoles para la propagación de la ley de gracia. De los cuales dice santo Tomás/1 que aunque antes tenían ya el Espiritu Santo en sus almas con gracia particular con que eran perfeccionados en si mismos, se les comunicó el dia de Pentecostés con gracia más universal, que los perfeccionaba para aprovechar a otros y propagar la fe. Y otro tanto podemos considerar en nuestros dos maestros, que para su particular perfección ya tenían en su alma al Espiritu Santo desde la gracia bautismal que los iba cada dia ilustrando y perfeccionando en si mismos. Y como Su Majestad los había escogido para ayudar mucho a las almas y trasladar de sus espiritus, como de pechos apostólicos, la perfección de la vida religiosa a muchos reinos y provincias; cuando quiso que tratasen de esto, les dio más favorablemente al Espiritu Santo con gracia más universal, con que habían de ser criados los nuevos hijos del Carmelo.
De esta merced tuvo nuestra madre santa Teresa prendas conocidas y milagrosas, como ella misma lo refiere en el capitulo 38 de su vida. Y porque nuestro Venerable Padre cuidó mucho de encubrir las mercedes que recibía de Dios, y no fue apremiado por obediencia, como nuestra santa Madre, a dar cuenta de ellas a sus confesores, y por eso no se supieron en vida, ordenó Nuestro Serior que se manifestasen muchas de ellas después de muerto por caminos milagrosos. Uno de los cuales es las apariciones de cosas divinas que se ven en su carne, que como las unas son significadoras de misterios escondidos, asi también ocras son como noticias historiales que nos estaban escondidas, para que (como ponderan en sus informaciones algunos hombres sabios), de las cosas milagrosas que él por su humildad había callado, hubiese testigos también milagrosos, que en su misma came nos la manifestasen. Y de esta manera se manifiesta esta merced que Dios le hizo en darle su divino Espiritu, como la había dado para el mismo fin a su ilustrada compariera. Y asi en diferentes pedazos de su carne se aparece el
1 S. TH., In IV Sent., Dist. 7, q. 1, a. 2, q. 2.
Espiritu Santo, al modo que le pinta la Iglesia, como testificando que fue muy singular la asistencia que le hizo; como adelante verernos, cuando se trate de estas apariciones milagrosas, y de la calificaciéen que en contradictorio juicio se hizo de ellas por ministros de la Iglesia a quien tocaba.
Y que este divino Espiritu se le comunicase con plenitud grande de sus dones, se puede fácilmente conocer por el ejercicio milagroso de ellos, con que tanto aprovechó no solo a los hijos de su Religión, más también a innumerables almas que llegó a Dios por caminos extraordinarios, esclareciendo con su doctrina y ejemplo las sendas de la perfección cristiana y haciendo triliadas las del espiritu, que antes estaban como incultas y poco descubiertas. Y porque en otra parte se ha de tratar de estos dones que recibió del Espiritu Santo, aqui solo haremos memoria del don singularisimo que tuvo de ensefiar gente espiritual, como escogido de Dios para guia de espiritus verdaderamente contemplativos, que en la vida y en el ejercicio imitasen a los Angeles.
Para cuyo ministerio les concedió Su Majestad a él y a su ilustradisima compafiera el grado de maestros de la sabiduria del cielo, que contó el Apóstol entre las gracias gratis datas/2 concedidas de este divino Espiritu. El cual grado consiste en conocer en la contemplación altos misterios divinos y poderlos declarar a otros y encaminarlos a Dios por reglas divinas/3. Y de esta singular merced que del Serior había recibido hace mención nuestra santa Madre cuando dice en muchos lugares de sus libros, que antes que la recibiese, de ninguna manera podia darse a entender a sus confesores en las mercedes que Dios le hacia en la oración; y después que se la concedieron hablaba de ellas con tanta distinción, como si con los ojos corporales viera lo que Dios obraba en su alma. Y lo mismo vemos en los escritos de nuestro Venerable Padre y lo experimentaban las personas que con él comunicaban sus espiritus. A las cuales daba tan gran luz de sus caminos y de las cosas muy intimas y dificultosas de espiritu, que se puede decir de él aquello del Eclesiástico:/4 «Como la estrella de la mafiana en medio de la niebla y como la luna llena y sol resplandeciente, asi éste resplandeció en el templo de Dios y bermoseó su siglo como las rosas a los días de la primavera, y como las azucenas cerca de las corrientes de las aguas, y esparció
/2 I Cor. 12, 8.
/3 S. TH., 22, q. 45, a. 5.
/4 Eccl. 50, 6.
su olor como el incienso en los días del estío». Porque todas estas calidades le cuadran muy al propio, como al antiguo Simón de quien primero se dijeron. Y como nuestra santa Madre recibió este don antes de fundar el primer monasterio de sus monjas, como se saca de sus libros, para que en teniendo hijas pusiese luego doctrinarlas, asi también parece que se lo concedieron a nuestro Venerable Padre antes de la fundación del primer monasterio de sus Descalzos pues se vio en la experiencia cuán acertadamente comenzó luego a instruirlos por el camino del espiritu y vida contemplativa.
El estado en que estaba este magisterio espiritual, cuando este maestro de la contemplación divina vino a dar forma acertada de ella, lo significó nuestra Madre santa Teresa después de una larga y penosa experiencia por estas palabras: «Siempre oïmos cuán buena es la oración y tenemos de constitución tenerla tantas horas y no se nos declara más de lo que podemos nosotras, y de cosas que obra el Señor en una alma declárase poco» /5. En las cuales palabras significó bastantemente la oración mental que corría entonces, que era la meditación imaginaria y el discurso movido de la razón. Y esto no como principio de este ejercicio y preámbulo necesario para grados más perfectos, sino como fin de él, fundando el aprovechamiento espiritual en los actos de la razón y no en la disposición para los recibos de Dios, que es la quietud de los mismos actos, como lo enseñan las divinas letras/6! y los Santos muy ilustrados de Dios. Y de que esto corría asi es indubitable prueba lo que la misma Santa dice en el libro de su vida por estas palabras: «Este libro que ensenaba camino de recogimiento tuve por maestro, porque yo no ballé confesor que me entendiese, aunque le busqué, en veinte años/7! Y todo lo demás que dice en este capitulo son seriales muy conocidas que le hacia el Serior el beneficio que significó por Isaías/8! de destetarla de las comunicaciones sensibles, para que subiese a recibir la sabiduria mistica en la contemplación intelectual sencilla de fe sobre los actos de la razón, y no halló quien la pusiese en ella; y asi los diez y ocho años que ella pondera en este lugar haber padecido sequedades, no eran propiamente sequedades, sino falta de quien le diese a conocer los Ilamamientos de Dios.
/5 S.TERESA, Mor. I, 2, 7.
/6 Eccl. 38,5
/7 S. TERESA, Vida, 4, 7.
/8 Is., 28, 9.
Pues en este tiempo tan estéril de gulas experimentadas en la vida contemplativa, nos dio Nuestro Serior este maestro tan ilustrado de la luz superior, que llevaba con gran acierto las almas que gobernaba, como otro Moisés su ganado, a lo interior del desierto y a los verdaderos pastos del espiritu. Y asi, mientras él vivió, se experimentaron en nuestros conventos, asi de frailes como de monjas (que a todos se extendia su magisterio) aventajadisimos frutos de su doctrina, y se vela claramente cumplido lo que dice san Dionisio que a los que siguen en su Orden el blanco que Dios los puso, como tienen al mismo Serior por guia de su camino, los va reformando a semejanza de su hermosura y haciéndoles perfectas imágenes divinas/9. Porque no había monasterio de frailes primitivos, donde la influencia de este ilustrado maestro alcanzaba, en que no hubiese espiritus muy aventajados, que entre los demis se serialasen mucho. Y lo mismo sucedia en los monasterios de monjas, de que nos da noticia nuestra santa Madre en diferentes lugares de sus libros/10. Los cuales efectos no se conocen con estas ventajas, después que influyeron asi en los frailes, como en monjas otros maestros con doctrinas diferentes de la que enseriaba nuestro Venerable Padre.
Y porque ésta con estar tan acreditada con la de los Santos, y con la Teologla mistica y escolástica, había de tener muchos contrarios; quiso Nuestro Serior para mayor crédito, calificarla a lo milagroso en una de estas apariciones que se ven en su carne. Porque una de las mis repetidas en los testigos jurados que las vieron, asi en Medina del Campo como en Jaén, donde se examinaron, es una figura de Cristo crucificado sin cruz, cuya cabeza y brazos estaban cubiertos con una nube, y en lo alto de la nube se aparecia el Espiritu Santo en figura de paloma como despidiendo rayos. Y pues estas figuras (como se probará adelante), proceden de la sabiduria divina, y como tales son todas misteriosas, parece que éstas aqui referidas son como un decreto divino, con que el Espiritu Santo aprueba y acredita la doctrina mistica que nuestro Venerable Padre enseriaba y la dejó escrita en sus libros. Porque la figura de Cristo crucificado sin cruz, a juicio de muchos hombres doctos, significa que los misterios de la Humanidad de Cristo Nuestro Serior, y de su vida y pasión se han de meditar por semejanzas distintas, pero sin cruz, esto es, mis a lo intelectual y sencillo que a lo imaginario y material, como conocimiento mis a propósito para la penetración de estos misterios y para el amor agradecido que habemos de sacar de ellos: (que a esto ordenaba la meditación nuestro Venerable Padre). Y lo mismo ensetió también a lo milagroso a san Buenaventura segùn él refiere/11. El estar cubierta con la nube la cabeza y los brazos de Cristo (que significan su divinidad y operaciones divinas) nos ensetia que la contemplación donde lo uno y lo otro se ejercita, no ha de ser a lo distinto de nuestra razón, sino a lo indistinto de fe, como lo ensefiaba nuestro Venerable Padre en concordancia de los Santos/12. Y sobre la nube está el Espiritu Santo, como testificando que esta doctrina, que él comunicó a san Dionisio y a los demis doctores de la Iglesia, la había comunicado también a nuestro Venerable Padre, y que la ensetiaba como instrumento suyo.
/9 PS-DIONYSIUS, De CH, cap. 3, S. Interpretatio.
/10 S. TERESA, Fundaciones, 4, 8; Mor. V, 1, 2.
/11 PS-BONAVENTURA, Stimulus amoris, cap. 1.
/12 PS-DIONYSIUS, De DN, cap. 1, S. 1.
Después de fundado el convento de Duruelo, solicité nuestra madre santa Teresa la fundacién de frailes de san Pedro de Pastrana, que fue el segundo de nuestros Descalzos y un plantel celestial de otros muchos de la Orden. Porque, como Nuestro Serior había concedido a esta ilustradisima esposa suya el titulo de fundadora, asi de monjas como de frailes primitivos le concedió también la fundación de los dos monasterios primeros de sus frailes que habían de ser como seminaños de todos los que después se habían de fundar en diferentes reinos y provincias. Y como el Padre Fray Antonio de Jesús, prior de Duruelo, era el primer prelado de ella, y persona tan acreditada entre los Padres Calzados por las muchas prelacias que había tenido entre ellos, le enviá a llamar nuestra santa Madre para que autorizase la fundación de Pastrana con su presencia, aunque había ya licencia de los prelados superiores de la Orden, y se habían descalzado ya algunos religiosos y tomado la posesión del nuevo monasterio a nueve de julio del año de mil y quinientos y sesenta y nueve, poco más de siete meses después de fundado el monasterio de Duruelo. Y condescendiendo el padre fray Antonio con los ruegos de nuestra Santa Madre, hizo esta jornada, dejando por vicaño del convento de Duruelo a nuestro venerable padre Fray Juan de la Cruz. Con cuya influencia, asi en lo temporal como en lo espiritual, recibieron nueva renovación los ánirmos de los nuevos primitivos, porque no sólo con sus palabras, sino también con su ejemplo predicaba perfección a todas horas. Y echábase de ver que había puesto el Espiritu Santo fuego divino en su lengua, como en las de los Apóstoles, segùn le prendia en los corazones de quien le oia. Y asi decían no sólo los religiosos sino también los seglares, que era tal su eficacia que lo que persuadia de virtud con sus palabras, lo asentaba en los ánimos, de manera que quitaba todas las dificultades para ponerlo por obra, al modo de las palabras de Dios que obran lo que dicen.
Como se fue conociendo por toda la comarca de Duruelo y en las ciudades convecinas la vida renovada de los nuevos primitivos, y para los que acudian a profesarla, asi de los padres Calzados, como de los del siglo, estaba aquello muy angosto, les ofrecieron muchos caballeros puestos más acomodados en su lugares, deseando cada uno, como a porfía, tenrelos por vecinos. Pero entre todas las comodidades ofrecidas, la que más agradó al padre Fray Antonio de Jesus, fue la que le ofrecia don Luis de Toledo, señor de Mancera en aquella villa. Y asi se fundó alli tan a prisa monasterio, que a once du iulio de mil y quinientos y setenta se puso en él al Santisimo Sacramento, por traslacion alti del convento de Duruelo, que no había servido más que de humilde nacimiento del nuevo Carmelo, y como representación del nacimiento de Cristo, que asi Io dice nuestra santa Madre tratando de esta fundación. Acudieron a tomar luego el hábito de Descalzos en Mancera muchos novicios, en quien ejercitó nuestro Venerable Padre su magisterio con tan gran utilidad de los gobernados, que fue aquella casa una escuela perfecta de gente espiritual muy aprovechada.
Su vida era para los demás como regla viva, porque todo lo que la escrita ordena, lo velan puesto en ejecución en su persona. Era tan puntual en acudir a los actos comunes, que a ninguno faltaba, por muchas ocupaciones que tuviese, y cuando oía la campanilla que hacia señal para ellos, decía que era la voz de Dios, y que no se podia dejar de acudir adonde llamaba, aunque faltase a otras cosas, y particularmente al coro y refectorio; en aquellos para hallarse presente a las alabanzas divinas y procurar que se celebrasen con gravedad y devoción; y en éstos para seguir la vida común e igual a seditos y prelados y procurar que la siguiesen todos; porque de esta igualdad fue toda su vida celosisimo, asi cuando era prelado como cuando súbdito, en lo uno para reprenderlo, y en lo otro para advertirlo; e igualmente le daba pena que no se acudiese a las necesidades de los religiosos sin excepción de personas, y que hubiese desigualdad entre prelados y súbditos, asi en salud como en enfermedad, mirando más respetos que la menor o mayor necesidad, sin la cual igualdad, decía, que no se podia conservar la perfección religiosa y la pobreza evangélica con total descuido de los religiosos en sus comodidades. En los actos humildes de comunidad, como fregar, barrer y otros semejantes, no solo era puntual, sino también continuo, en los cuales se hallaba de los primeros y los continuaba hasta que se acababan. Y con verle delante en las incomodidades y en los trabajos, andaban los religiosos contentos y fervorosos en ellos, y en todo lo demás del cumplimiento de sus obligaciones.
Fra tan notable la dulzura con que hablaba de Dios, que afervorizaba y recogia los ánimos de los que le oían, y vestia los interiores de tan firmes propósitos de nueva vida que sólo oirle bastaba para hacerlos de tibios fervorosos. Y como las recreaciones ordinarias eran siempre de estas materias, tenta en ellas tan entretenidos a los religiosos, y salian con tanto aprovechamiento de ellas como de otro cualquier ejercicio de devoción, y el tiempo que duraban estaban como suspensos en una admiración suave de lo que oían, asi de las perfecciones divinas (de que hablaba con singular excelencia) como de los efectos de las virtudes y de su dignidad y ejercicio; con lo cual no solo recibía su alivio el cuerpo, para volver con nuevo aliento a continuar la carrera de la vida religiosa (a cuyo efecto se ordenan estas recreaciones) más también el alma nueva luz y renovado esfuerzo para no desfallecer en ella. De todo lo cual dan larga noticia muchos de sus discipulos en sus informaciones. La prudencia con que los gobernaba excedia los términos del común magisterio, porque como le había concedido Dios tan singular don de discreción de espiritus, según adelante veremos, conocia por luz superior no sólo la calidad de los naturales, más también los caminos por donde había de guiarlos provechosamente. Y porque adelante habemos de referir muchos casos de este don que tuvo, aqui referiremos sólo uno.
Tomó nuestro hábito un novicio venido de Salamanca, muy docto en Derechos y con tanta estimación de su ciencia, que había echado menos que en la libreria común no hubiese muchos libros de ella. A los primeros toques que el Venerable Padre dio a su espiritu conoció cuán vestido estaba de la estimación de sabio, y queriendo curarle con medicina proporcionada a su dolencia, le hizo quitar todos los libros de devoción que se suelen dar a uso a los novicios, y ponerle en la celda sola una cartilla donde estaba la doctrina cristiana. Y dijole que para caminar a la sabiduria ciel cielo que había venido a buscar, no aprovechaba todo lo que había estudiado en el siglo, sino saberse hacer nirio en la ignorancia e inocencia, que a esa manera se entraba en el cielo. Y poniéndole un puntero en la mano, como a los niños que comienzan a leer, le mandó que fuese deletreando en aquella cartilla y rumiando con ponderación devota la doctrina que ailli se enseñaba, y que aquel fuese su ejercicio hasta que le pusiesen en otro, pues tan ignorante era en las cosas de perfección. Obedeció el novicio y en este ejercicio gastaba grandes ratos, cumpliendo lo que le habían mandado por muchos dias. Y en él le dio Nuestro Serior más luz que había tenido antes en la oración, y tan gran devoción y ternura que derramaba muchas lágrimas. Con la cual y con otras pruebas de virtud que en él hizo su maestro, salió tan esforzado Descalzo, que fue después Provincial de aquella provincia.
Mientras nuestro Venerable Padre queda tan de asiento en Avila, ejercitando en obras provechosas el gran caudal de espiritu y luz divina que Dios le había comunicado, denos el lector licencia para que nos detengamos un poco en referir en particular algo más de sus virtudes, pues nos le dio el Señor a los religiosos de esta Reformación por dechado y forma de vida primitiva, coma nuestra madre santa Teresa lo fue para las religiosas. Y aunque las principales virtudes, de donde toman su valor las demis, que son las teologales (por cuyo medio se junta el alma con Dios y se introduce en ella la verdadera santidad)/1 solo aquel divino Espiritu que se las infundió puede conocer cuanto le ilustraron, todavia por los resplandores que reverberaban de ellas a lo exterior, y por los actos que producian sus hábitos se conocia cuán intensamente estaban arraigadas en su alma.
Tenía tan viva fe que no sólo no apetecia ninguna de las experiencias con que ella se esfuerza en pechos flacos, cuales son las milagrosas, más también sentia mucho ver tan llevados a los espirituales del afecto de estas cosas y de visiones y revelaciones. Del cual afecto procuraba desnudar a las personas contemplativas que él gobemaba, para que caminasen a Dios por fe viva y desnuda de estas experiencias. Y muchas veces les platicaba aquella doctrina de santo Tomás, que el deseo de visiones y revelaciones y otras seules milagrosas es falta de fe/2, y que cuanto más se arriman a ellas tanto más se desarriman del ejercicio sustancial de la fe (que es hábito oscuro) y del merecimiento de ella, segùn aquello de san Gregorio que la fe no tiene merecimiento cuando la razón la experimenta a lo humano y palpable/3. Y esto mismo nos dejó escrito en sus libros, y que sola la fe oscura, desnuda de las semejanzas palpables de la razón es para los contemplativos el medio pr6ximo y proporcionado para unirse el alma con Dios. De la cual dijo el Profeta que puso Dios en las tinieblas su habitación, para esconderse de nuestros ojos en la vida de destierro.
/1 S.TH., 12, q.68, a.8.
/2 S.TH., q.43, a.1, ad.3
/3 S. GREGoitius MAGNUS, Hom.26 in Evangelia.
Trabajaba también mucho con sus discipulos para vestirlos de la gran estimación que él tenía de esta incomparable merced que Dios hizo a los hombres en darles esta antorcha divina, con la cual nos hace participantes de la felicidad de los bienaventurados en su conocimiento, pues entre la luz de la fe y la de gloria no hay más diferencia, que mostrar ésta a los de la patria al descubierto lo que por fe creen los del destierro/4. Y con ella decía que nos había concedido Dios una como llave maestra de su cárnara real para entrar el alma contemplativa a comunicarle a todas horas dentro de si misma, donde él por medio singular habita en los que están en gracia, y la fe le abre la puerta y la une a sus divinos rayos para que sea iluminada de ellos/5. A sus súbditos y a las almas que gobemaba les enseñaba este camino breve para su perfección de vivir en fe con total resignación en Dios sin otra dependencia alguna, y lo mismo persuade en sus escritos. Y decía que como el orar en fe y vivir en fe tenían a Dios por autor, granjeaban grandes bienes al alma y le daban paz y seguridad en todos los sucesos; y, por el contrario, que todas las turbaciones y desconsuelos de esta vida venian de no estar la nave del espiritu humano asida a Dios con esta áncora sagrada de la fe.
Y como él estaba tan aferrado a ella, se espantaba de cuán pequeñas ocasiones bastaban para turbar y afligir a los que se gobenaban por sus discursos y providencias y no por la fe firme en Dios. Y cuando acudian a él a consolarse en sus trabajos les ensanchaba el corazón de manera con sus palabras vestidas de fe que, como el viento cierzo limpia el aire de nubes y le vuelve sereno, asi serenaba el alma de sus aflicciones. Referiré un ejemplo de los que cada dia sucedian acerca de esto. Siendo priora del monasterio de nuestras religiosas de Segovia Maria de la Encarnación estaba muy afligida de una dificultad que se le ofrecia de las mayores que a su parecer se podian ofrecer a una prelada en materia de gobiemo, y apretóla tanto su turbación que en toda aquella noche no había podido pegar los ojos. Fuela a ver a ruego suyo el padre Fray Juan de la Cruz, que entonces presidia en el convento de Segovia, y habiéndole dado cuenta de su pena, pensando que también él había de alterarse mucho, por ser cosa que tocaba a lo universai de la Religién, él se quedó muy sereno y como riéndose de verla tan turbada y tan poco fundada en fe, y le dijo que no le diese pena, que todo
/4 S.TH., 22, q.1, a.5.
/5 Ps-Dionysius, De DN, cap.7, §. Propterea.
aquello no era más que un nublado que con cualquier aire se deshace, porque a la providencia de Dios nadie pocha contrastar, y asi sucedia como él Io dijo.
Las sequedades y trabajos interiores que a los contemplativos fatigan y desconsuelan tanto, a él le eran de consuelo, porque en ellas más que en los sentimientos dulces iba arrimado a la fe en la oración. En sus mayores trabajos y apreturas esta fe le tenu consolado, y aunque viese como cerrados todos los caminos de la esperanza, la fe abria puerta al alma afligida para que respirase. De manera que con haber tenido apretadisimas aflicciones. siempre caminaba segura su confianza al arrimo de la fe. Cuando la navecilla tierna de la Congregación primitiva padecía naufragios tan furiosos que parecia que iba a anegarse, sola la fe de nuestro Venerable Padre estuvo entre los Descalzos firme. Y asi las cartas que se hallan suyas de aquel tiempo publicaban bonanza en medio de la mayor tormenta. Tenía por tan ciertos los socorros de la fe viva y firmemente asentada en el alma, que hablaha de ellos con tanta seguridad, como si ya los viera presentes en la experiencia, y asi más parecian profecias que efectos de su confianza segün era cierto su cumplimiento.
Cuando caminaba (que siempre era a pie mientras tuvo salud, si las jornadas no eran muy largas) la provisión que llevaba para el camino era la providencia de Dios librada en su fe. Y saliale tan cierta que de lo que le sobraba de las limosnas que le daban, proveía los hospitales y pobres donde llegaba, como lo dicen en sus declaraciones los compañeros que llevó él algunas jornadas. Y dábale notable pena ver grandes providencias en algunos religiosos, fuesen súbditos o prelados, y que habiéndonos Cristo, Nuestro Serior, asegurado que nos daria como por añadidura lo necesario para la vida humana porque sólo cuidásemos de buscar el reino de Dios, fiásemos tan poco en sus palabras. Este modo de caminar a lo apostólico persuadía a sus súbditos, particularmente si eran mozos o de buena salud, asegurándoles que no les faltaria lo necesario en los caminos, si se fiaban de Dios. Y en muchos casos había cosas tan notables de la abundancia con que Nuestro Serior los socorria, que experimentaban bien el cumplimiento de sus palabras, de que referiremos algunos de los muchos que hubo de esto.
Siendo vicario provincial de la Andalucia, llegó a Córdoba y hallando en aquel convento muchos novicios que habían tomado allí el hábito, mandó al hermano fray Martin de la Asunción que llevase siete hermanos coristas y un donado al convento de Sevilla. Estando para partir a pie y con sus báculos, como viese el hermano Fray Martin que no le daban nada para el gasto, se lo acordó a nuestro Venerable Padre, diciéndole que eran muchos para ir pidiendo limosna. Y el Venerable Padre le respondió: Buena alforja llevan, pues los acompaña la providencia de Dios. Tengan mucha fe que Su Majestad los proveerá tan bastantemente que sin sacar nada del convento, vuelvan a él con dineros sobrados. Salieron de Córdoba de esta manera todos a pie, sin otra providencia que la fe de su prelado, y salióles tan cierta que no llegaban a parte donde no hallasen quien, sin pedirle ellos, los proveyese de dineros y regalos. En lo cual, cuenta el mismo hermano Fray Martin en su declaración jurada notables sucesos de la providencia favorable de Dios, y llegaron tan sobrados a Sevilla que, después de haber hecho el gasto, volvió el hermano Fray Martin a Córdoba con trescientos reales que le habían sobrado. Llegó a tomar la bendición de nuestro Venerable Padre y le dio cuenta de la jomada y et dinero que le había sobrado. Y mandándole que lo diese al procurador del convento, le dijo: Más quisiera que volviera muy santo con haber padecido menguas y trabajos por amor de Dios que tan proveído y sobrado.
Esta misma fe ejercitaba también en las elecciones que estaban a su cargo, en las cuales evitaba cuanto podía toda negociación, aunque fuese ordenada para la buena dirección de ellas, diciendo que ya el Hijo de Dios, sabiduria eterna nos había asegurado que donde se juntasen dos o tres en su nombre, allí estaba él entre ellos/6, y que asi no les había de faltar si se juntaban a elegir puesta la intención y confianza solamente en Dios; y que las muchas diligencias en las elecciones pocas veces se fundaban en fe y en desnudez de propias comodidades, y que en castigo de nuestras providencias interesadas permitía Dios que se errasen las elecciones, y que cuando Su Majestad las hacía, aunque no saliesen tan a satisfacción de los hombres, él daba el caudal necesario a los electos, lo cual no sucedia en las elecciones de los hombres. Y asi en los conventos donde había de hacer elección, hacia dueño de ella al Espiritu Santo, y daba plena libertad a los electores, después de haberlos dispuesto con admirable doctrina para que se desnudasen de si mismos y de sus propias comodidades, y se vistiesen del verdadero celo de Dios y del bien de la Religión. Y por esto solía hacer las elecciones en entrando en los conventos, por dar menos lugar a diligencias interesadas con capa de celo religioso. Esta misma doctrina enseriaba a los
/6 Mt. 18,20.
prelados de la Religión que le eran más familiares, asegurándoles que con esta fe sencilla y confiada en Dios y no con nuestras providencias y diligencias demásiadas se habían de acertar las elecciones y conservar la Religión en su perfecta observancia y que en abriendo la puerta a estas diligencias violentas, la abrian también a la ambición destruidora de la perfección religiosa.
Finalmente, todos lo que conocieron y comunicaron mucho a nuestro Venerable Padre celebran en sus declaraciones juradas la firmeza de su fe por una rosa rara y pocas veces vista. De lo cual no nos espantaremos si consideramos algunas circunstancias que en ella concurrían; porque cuanto el sujeto en quien está la fe participa más del objeto de ella que es la primera verdad/7 y de sus misterios, tanto estas en él más perfecta esta virtud, asi cuanto al entendimiento por la mayor certidumbre y firmeza, como cuanto a la voluntad por la mayor prontitud, devoción y confianza. Y por todo esto fue la fe de nuestro Venerable Padre de grado superior a la fe común de los demás cristianos, porque tuvo tan ilustrado el entendimiento con luz sobrenatural para el conocimiento de los misterios divinos que la fe nos representa, que se puede decir de él lo que los Doctores sagrados dicen de los ángeles viadores y de Adán en el primer estado, que estuvo en ellos la fe tan ilustrada que de muchos misterios divinos tuvieron conocimiento no sólo creido sino también manifieste. Porque de esta manera le tuvo nuestro Venerable Padre, como se ver cuando tratemos de cuán ilustrado estuvo del don de sabiduria y de la luz profética. También de parte de la voluntad fue su fe muy reforzada, por haber sido la caridad de nuestro Venerable Padre de grado superior y al modo de la caridad de los serafines, como adelante veremos; y como la caridad es forma de la fe, cuanto más intensamente estuviera arraigada en el alma, tanto mayor devoción y prontitud habrá en ella para creer, y mayor confianza en lo que creyere. Todo lo cual se verificaha con tan gran propiedad en la fe de nuestro Venerable Padre que por eso la juzgaban por cosa tara los que le comunicaban mucho.
Por lo más acendrado y perfecto de la caridad de los serafines pone san Dionisio/1 el holocausto de amor, cuando el espiritu está ya tan penetrado de este fuego divino y tan transformado en él que como en el madero hecho ascua todo lo que se ve en él parece fuego. Y las señales que el mismo Santo da del espiritu de esta manera transformado y hecho holocausto de amor son que tenga propiedad resplandeciente, e iluminativa, perseguidora de las tinieblas y manifestadora de ellas. Todas la cuales señales hallamos en nuestro serafín terreno viviendo allí en carne mortal, y con la declaración de ellas quedarán sabidas algunas nuevas excelencias de su fogosa caridad e ilustradisimo espiritu. Cuanto a la primera, que es ser resplandeciente, fue tan conocido en nuestro Venerable Padre que algunas veces salian sus resplandores de la esfera espiritual y redundaban al cuerpo, queriendo Dios que se descubriesen en lo exterior por modo milagroso los grandes incendios de amor que en lo interior de su espiritu había.
De este efecto milagroso que en nuestro Serafín se descubria nos dan harta noticia muchos testigos de vista de los que se examinaron en las informaciones para su beatificación. Los cuales declaran haberle visto muchas veces (particularmente los últimos años de su vida) como a otro Moisés cuando salia de hablar con Dios, resplandeciéndole el rostro y vestido de cierta majestad más que de hombre, que daba reverencia y edificaba, unas veces más y otras menos, según la dispensación divina en favor de la caridad que ejercitaba el alma. Verificaremos esto con palabras de algunos de estos testigos más acreditados.
Uno de los cuales lo declara de esta manera: « Este amor interior que tenía a Dios el santo Fray Juan de la Cruz se echaba de ver algunas veces exteriormente en el aspecto, porque le salía del rostro un resplandor sobrenatural que causaba devoción y compunción a los que lo miraban. Y más particularmente sucedía esto cuando acababa de decir misa o salía de oración o cuando hablando de Nuestro Serior se quedaba suspenso de alguna cosa que le había hecho mayor fuerza. Esto mismo notaron en él
/1 Ps-Dionysius, De CH, cap.7, S. Mobile.
otras personas. Y tratando yo de ello con el doctor Villegas, canónlgo penitenciario de la iglesia catedral de Segovia y gran siervo de Dios, que había comunicado mucho al padre Fray Juan de la Cruz cuando estuvo por vicario del convento de aquella ciudad, me dijo que algunas veces de las que iba a hablarle a su monasterio, veía salir de el una divinidad y resplandor que le ponía admiración y reverencia, respetándole no a lo humano sino por lo que veía de Dios en él ». Esto que dice este testigo del Doctor Villegas, muchos se lo oyeron a él mismo, y fue el que mejor pudo testificar de esto, porque, como sentía tan gran provecho en su alma con la comunicación espiritual de nuestro Venerable Padre, la iba a buscar muchas veces, y saliéndose los dos a la huerta del convento, se solían estar sentados en el suelo, arrimados a alguna perla, hablando de Dios la mayor parte de la tarde. Y como allí se meneaba la leña de este fuego en el horno del espiritu, salian a lo exterior de nuestro Serafin estas luminosas llamaradas que ponian en admiración devota al compañero.
Estos efectos luminosos de intensa caridad/2 fueron más conocidos en nuestro Venerable Padre los postreros años de su vida por haberse acercado más su espiritu a Dios en quien estaba transformado, y participaba de más cerca del fuego de la caridad increada y con mayor abundancia. Y demás de esto, algunas veces le favorecia Nuestro Serior con algunas inundaciones extraordinarias de los efectos de este fuego, particularmente de su resplandor, o para manifestación de su santidad o para utilidad de los que le comunicaban. Lo cual experimentaron algunas personas dignas de todo crédito cuando iban a confesarse con él; que en entrando en el confesonario veían salir por el rallo un gran resplandor de luz extraordinaria y no de ésta común, de la cual quedaron algunas de ellas tan movidas que siendo antes profanas, fueron después cuidadosisimas de sus almas. Entre éstas fue notable la mudanza de vida que hizo una doncella de Segovia bien nacida, llamada Angela de Alemán, muy hermosa y muy profana, y después tan ejemplar que de ella habemos de hacer memoria adelante. Y el principio de esta rara mudanza le resultó de esta maravilla que vio en el padre Fray Juan de la Cruz. Por que yéndose a confesar con él cargada de joyas y de galas profanas, vio en entrando en el confesonario donde el Venerable Padre estaba, que salía por los agujeros del rallo un resplandor de luz celestial que
/2 PS-DIONYSIUS, De CH, cap.10, S.1.
le penetró el alma de manera que de allí salió movida a dejar las galas y vestirse de un saco, como en su lugar diremos.
Y porque ella era ya muerta cuando se hicieron estas informaciones declaran en ellas el licenciado Antonio Alemán, canónigo de Segovia, su sobrino y licenciado Diego de Riofrio, con otros muchos testigos, habérselo oído a ella misma; y que este resplandor que salia del confesonario del padre Fray Juan de la Cruz cuando se iba a confesar con él, lo había visto muchas veces, y fue mujer de tanta verdad y virtud que murió con opinión de santa. Y fuera del confesonario le vio algunas veces con el mismo resplandor, y de una testifica el doctor Villegas haberlo sabido de la misma. Otro testigo de estas informaciones dice que tres veces que se fue a confesar con el Venerable Padre, en abriendo el confesonario donde estaba, salia de él tan gran resplandor que le deslumbraba la vista, y una vez le preguntó qué era aquello. Y mostrando disgusto el Santo que lo hubiese notado quiso deshacer el misterio y después le mandó que no lo dijese a nadie.
De esto mismo nos dan noticia personas muy acreditadas de nuestra Orden, y en particular dicen algunas monjas que cuando el Venerable Padre las comulgaba al fin de la misa, entraba por la ventanilla del comulgatorio un extraordinario resplandor que salia de su rostro y les causaba devoción. De los efectos que esta maravillosa reverberación hizo en algunas personas que la vieron, referiré sólo un caso por ser de original muy acreditado y haberlo referido el mismo a quien sucedió a toda una comunidad de nuestros frailes. Un religioso grave de la Orden de santo Domingo (cuyo nombre por su humildad callo) siendo aún seglar entró un dia en un monasterio nuestro, bien descuidado de tomar otro estado más perfecto y encontróse con el padre Fray Juan de la Cruz que acababa de decir misa, y sabla de su rostro tan admirable resplandor que le deslumbró los ojos, y pasando al corazón le pegó el fuego de donde el resplandor procedia, con tan eficaz moción que desde allí salio resuelto a ser religioso, y fuelo tan de veras que cuando contó esto era maestro de novicios de un monasterio grave de su orden, y muy de ordinaño decía a nuestros religiosos que a la nuestra debía su vocación.
De estos efectos de fervor y luz favorecidos de Dios tan a lo milagroso en las ocasiones que aqui serialan los testigos, se conocia que eran muy intensos los actos de caridad que nuestro Serafin ejercitaba asi en orden a Dios como en orden a los prójimos; pues la moción de la parte inferior por redundancia de la superior, dicen los teólogos que es serial muy conocida que es muy intenso el acto de la voluntad/3 de donde procede esta alteración de la parte sensible. Y de aqui se nos descubre un muy extendido campo de aumentos de caridad del Venerable Padre con la intensión de los actos de ella/4 pues, como ya vimos, el fervor que procede del acto intenso de caridad, siempre aumenta la esencia de ella. Y como estos actos eran tan frecuentes, también lo eran sus aumentos, de lo cual era forzoso que se siguiese una rara santidad. Conociase también en esta redundancia luminosa cuán crecido era el fuego de amor de Dios que ardia en el espiritu de este Serafin terreno con la influencia de los celestiales, pues tales llamaradas y resplandores despedia de si que de esta manera redundaban al cuerpo. Porque esta influencia divina primero se recibía y ejercitaba en la voluntad, como en sujeto de la caridad, y de allí redundaba al apetito sensible que está en el corazón /5, desde donde comunicaba a lo milagroso su fogosa eficacia hanta lo exterior del cuerpo.
Como la caridad mira principalmente a Dios y secundariamente al prójimo/1, entrambas cosas se hallan en los serafines como lo que entre los espiritus celestiales arden más en este divino fuego de la caridad. Y de estos dos efectos de arder en si y encender a otros, dice san Dionisio/2, que se denominan. A lo primero llama calidad luminosa, y a lo segundo iluminativa. Y a la operación que ejercitan en los inferiores llama, por esto mismo, reductiva y activa. Reductiva, porque los reduce a Dios con el fuego de la caridad en el vuelo de la contemplación/3. Y activa, porque los compone en si mismos segùn la voluntad de Dios y ordena a él todas sus operaciones. Y añade el mismo Santo en los tocados de este fuego una calidad muy propia de prelados, que ellos mismos en su modo de obrar dan forma y ejemplo de estas cosas a sus inferiores. Todo lo cual hallamos con particularisima excelencia en la operación de nuestro Serafin terreno, que no sólo era luminosa en si misma, sino también iluminativa para otros, y de lo que enseñaba a sus súbditos daba en si mismo forma ejemplarisima, predicando no menos con las obras que con las palabras. Y pues en el capitulo pasado tratamos de su caridad luminosa, en éste trataremos de su caridad iluminativa, valiéndonos para esto de lo que algunos de los testigos examinados en sus informaciones dicen de este efecto en sus declaraciones juradas.
Una religiosa antigua y muchas veces prelada, de quien nuestra madre santa Teresa tenía muy gran crédito, dice acerca de esto en su declaración de esta manera: «La fuerza de las palabras del padre Fray Juan de la Cruz manifestaban bien cuán lleno andaba de Dios, parque bastaban para trocar a quien las oía y dejar a un alma renovada y otra de la que había ido a sus pies. Esto experimentélo yo diversas veces en nuestro convento de Segovia, adonde cada vez que iba parece que había prendido fuego de amor de Dios en todas las religiosas, a quien él hablaba, según quedaban fervorosas. y si alguna tenía alguna tentación o trabajo, en hablándole se le
/3 S, TH., De Verit., q.26, a.2.
/1 S. TH., 22, q. 25, a.1.
/4 S. TH., In I Sent., Dist.17, q.2, a.1.
/2 PsDIONYSIUS, De CH, cap.7,§.1.
/5 S. TH., I2, q. 56, a.6.
/3 Idem ut supra, S. Mobile.
quitaba luego; y así hizo notable provecho en muchas almas. Imprimía en el corazón con eficacia las verdades que otras veces se habían oído casi sin reparar en ellas, que pegaban olvido y menosprecio de las cosas de la tierra, y gran aprecio y deseo de las del cielo ».
Otra persona de no menor crédito dice de este mismo tiempo que estuvo en Segovia estas palabras: « Tenía el santo Fray Juan de la Cruz tanta eficacia en persuadir a cosas de virtud, que con sus palabras parecía que daba al alma un esfuerzo invencible para procurar la virtud que persuadía. Y era esto de manera que algunas veces que él me animaba a llevar los trabajos con esfuerzo sucedía vestirme el alma de tal aliento y de tan gran fortaleza que quisiera tener presente la muerte para acometerla en ejecución de lo que me persuadía. Y esto era con tan notable fervor y conocimiento que me parecía que habían hecho poco los mártires en ofrecer la vida por Cristo, si ellos se sentían con el esfuerzo que yo entonces. Y admirándome de verme tan fuerte en un instante después de tanta flaqueza y cobardia, decía entre mi. No sé qué hombre es éste, que parece encantador a lo divino, que juntamente con persuadir las cosas parece que infunde la ejecución de ellas. Porque era tan dueño de los afectos ajenos para moverlos a las cosas de virtud, que mostraban bien sus palabras tener fuerza sobrenatural para inclinarlos a lo que querfa y vestirlos de tan gran fervor que parecia abrasaba las almas. Y en todo lo demás era un vivo retrato de la vida y ejemplo de Cristo». Todo esto es de este testigo tan acreditado, y casi lo mismo dicen otros de los que se examinaron en Segovia. Y añaden que en las comunicaciones de los prójimos parecia que adivinaba el trabajo interior que cada uno tenía, porque luego encaminaba la plâtica a aquella necesidad hasta dejarlos con mucha paz o por lo menos consolados.
Del tiempo que nuestro Venerable Padre estuvo en Granada dicen también mucho nuestros religiosos y religiosas de este provecho que con su comunicación hacia en las almas. Una de estas personas de muy gran virtud que por ella y por su buen caudal ha sido prelada muchas veces, refiriendo en su declaración lo que experimentó de estos efectos dice asi: «Las palabras de nuestro santo padre Fray Juan de la Cruz tenían tan particular sustancia que pegaban inclinación a la virtud y fuego de amor de Dios, como en mí lo experimenté muchas veces. Porque encendían tanto los deseos de servir y amar a Nuestro Señor que el corazón parecía que no me cabía algunas veces en el cuerpo, con ansias de agradar a Dios tan eficaces que me hacían esconderme y a solas arrojarme en la cella delante de alguna imagen de Cristo para descansar de aquel afecto. Otras veces de dolor y pena de que no era agradable a Dios; y estos mismos efectos de fervor y calor oí decir a otras religiosas que hacía su comunicación en ellas. Y no sólo sus palabras vivas más también las escritas tenían esta eficacia, por bullir en sus razones no sé qué de Nuestro Señor que alentaba y hacía particular operación en el alma. Y así cuando él estaba ausente de la ciudad de Granada y me escribía acerca de mis dudas, sentía el mismo efecto con sus cartas que con sus palabras».
Esto dicen las monjas de Granada, y otra noticia semejante nos dan en sus declaraciones las monjas de Beas del tiempo que acudió allí a confesarlas. Y una de ellas de mucho crédito añade a los efectos ya dichos otros, diciendo: «Tanta gracia dio Nuestro Señor al santo Fray Juan de la Cruz en edificar y afervorizar con su santidad, presencia y plâticas que traía las monjas a la perfección con muchos medios esforzados, como mortificaciones, penitencias, trato de espíritu, olvido del mundo, amor de Dios y mucha puntualidad y observancia en las cosas de Religión. Y así puedo afirmar por lo que vi que nunca el monasterio de Beas llegó a la perfección de aquel tiempo que este santo fue allí maestro y padre ». Todas estas palabras he referido de nuestras religiosas por ser dichos casi de conventos enteros de ellas que por diferentes palabras dicen una misma sustancia.
Esta gracia tan sobrenatural que el Venerable Padre tenía para afervorizar las almas y moverlas con extraordinaria eficacia a la virtud, tenía bien conocida nuestra gloriosa madre santa Teresa, por una larga experiencia que había hecho de lo que renovaba las personas que le comunicaban, y asi procuraba mucho que tratase a sus religiosas para que les pegase espiritu y fervor. Y cuando le tenía donde ella podia comunicarle, con él trataba sus dudas de espiritu como con persona que ella tenía por tan ilustrada de Dios, y en ningún otro maestro hallaba tanta luz. Y acordándose de lo múcho que había padecido en sus dificultades tantos años .sin hallar maestro que la entendiese, como ella lo dejó escrito en uno de sus libros/4, decía (como dando gracias a Dios que le había dado dentro de su Religión lo que no había hallado fuera de ella): Andome por aqui y por allí buscando luz y todo lo hallo junto en mi Senequita. Llamándolo asi por la gran sabiduria que estaba atesorada en tan pequerio cuerpo. Y cuando él estaba ausente y lejos
/4 S.TERESA, Vida, 4, 7 y 9.
de donde ella podia comunicarle, encarecia mucho la falta que le hada y envidiaba a las que le tenían cerca. Y asi escribía a sus monjas, donde él acudia, cuánto debían estimar que él las comunicase.
Siendo prelado en los dos monasterios del Calvario y de Baeza, iba algunas veces a confesar las religiosas de Beas, convento de aquel partido, y escribiendo la madre Ana de Jesús a nuestra madre santa Teresa la falta que en aquel lugar había de personas espirituales que supiesen guiar a sus monjas, le respondió la Santa estas palabras: «En gracia me ha caído, hija, su queja teniendo alla a mi padre Fray Juan de la Cruz, que es un hombre celestial y divino. Pues yo le digo, hija, que después que se fue allá no he hallado en toda Castilla otro como él, ni que tanto afervorizase en el camino del cielo. No creerá la soledad que me causa su falta. Miren que es un gran tesoro el que tienen allá en ese santo, sepan estimarlo. Todas las de esa casa traten y comuniquen con él sus almas y verán cuán aprovechadas se hallan y cuán adelante caminan en espíritu y perfección; que le ha dado Nuestro Serior para esto particular gracia». Esto es de esta carta y la misma estima mostraba siempre que se le ofrecia tratar de él.
También nuestros religiosos dicen mucho en sus declaraciones de lo que edificaba con su vida y doctrina a sus súbditos en los conventos donde era prelado, ejercitando la caridad con ellos de mil maneras, particularmente en encaminarlos a la perfección por las sendas derechas de ella. No se contentaba, como otros, con hacerles plâticas comunes, sino comunicándolos en particular muy a menudo examinaba su aprovechamiento interior para enderezar lo que fuese torcido, y mejorarlos en la vida espiritual, según la disposición que hallaba en cada uno. Si estaban afligidos, los consolaba y sentia mucho verlos melancólicos, teniéndolo por gran estorbo del camino de la virtud y cosa muy ajena del consuelo que da Dios a los que le sirven. Siempre que acudian a él los recibía con rostro alegre, y jamás se le vieron torcido para ningún súbdito, hallando todos en él acogida de padre. Procuraba mucho aficionarlos a la soledad y retiro de creaturas, compariero de la oración y trato familiar con Dios. Para esto los sacaba algunas veces al campo y a lugares solos, y después de haberles alegrado allí un rato, les decía que se dividiesen por la soledad para gastar aquel tiempo en oración y en hacer exclamaciones afectuosas a Dios sin más testigos que los ángeles.
Y siendo tan largo en estas salidas a la soledad que él mismo las solicitaba, era muy estrecho en las que le pedian para la ciudad o para los lugares, y sentia mucho que se ordenasen a cumplimientos de correspondencia humana de que por nuestro estado estábamos excusados. Cuando era forzoso salir algunos de sus religiosos a los lugares, les encargaba mucho el buen ejemplo fuera de casa, diciéndoles que en nuestra Religión todos habían de ser predicadores de vida reformada con la modestia y reformacián de la suya, que para eso los había puesto Dios en su Iglesia. Que guardasen silencio en las palabras, mortificación en los ojos y modestia en todas sus acciones; que evitasen comunicaciones de mujeres, y que donde fuesen más conocidos allí acudiesen menos veces y que con esto predicarian más que otros con largos sermones de agudos conceptos. Y finalmente, ahora hablase, ahora callase, siempre predicaba virtud y reformación, porque sólo verle edificaba y componia. Y éste es el común lenguaje con que hablan de él todos los que le conocieron.
Esta misma doctrina escribía muchas veces a nuestras religiosas en sus cartas. En una que llegó a mis manos acabando este capitulo, escrita a las monjas de Beas, disculpándose que les escribía pocas veces, les dice estas palabras: «Hijas mías, harto esta dicho y escrito, si lo pusiésemos por obra en silencio y amor. Que el hablar distrae, y el callar y obrar recoge y da fuerza al espíritu. Y asi, en sabiendo una persona lo que le han dicho para su aprovechamiento, ya no ha menester oír ni hablar, sino obrarlo de veras en caridad callada y desprecio de sí. Y el querer saber cosas nuevas más es satisfacer al apetito que aumentar la virtud interior; y es como quien come sobre lo indigesto, que no se convierte en sustancia sino en mal humor. Para aumentar la virtud del espíritu no hay mejor medio que padecer, obrar y callar, cerrar los sentidos en soledad y olvido de toda creatura y de todos los acaecimientos humanos, aunque se hunda el mundo, que quien esta divertida en ellos, muy poco advertida esta en Dios. Porque cuando lo esta, con fuerza le tiran de dentro a callar y huir de toda conversación. Porque más quiere Dios que el alma se goce en él que con ninguna criatura por aventajada que sea». Esto dice nuestro Venerable Padre; y a este modo eran todas sus cartas llenas de doctrina sustancial y desengariada.
Todos
los que comunicaron de muy cerca a nuestro Venerable Padre y trataron con él
sus almas, afirman haber sido uno de los más excelentes maestros de espiritu
que ha tenido Dios en su Iglesia. Y como la sabiduria que comunicaba a las
almas emanaba de Dios a su espiritu tenía aquellas dos propiedades que los
Doctores sagrados declaran de esta divina sabiduria: que es iluminación para el
entendimiento y fuego de amor para el afecto con cierta renovacién de espiritu
en los así iluminados/1; porque todo esto se verificaba en el magisterio
espiritual de nuestro Venerable Padre. De esta sabiduria divina procedia el gran
don que tenía de conocer espiritus, que a pocas palabras que hablase con
cualquiera persona espiritual conocia luego et camino por donde iba, y si
caminaba acertadamente o si iba errada. Y asi muchas veces decía a sus
comparieros (como ellos testifican) cuando a instancia de ellos o de otros
comunicaba fuera de confesión algunas personas: Esta alma va por este camino y no va bien, y si fuese por éste iria por
donde Dios la llama. Y experimentaron muchas cuánto había acertado en
guiarlas, por los provechos que ellas conocian haber hallado por el camino en
que las había puesto. Asimismo cuando se trataba de personas que deseaban
servir a Dios (cuya vocación y espiritu él había examinado) le oyeron decir en
muchas ocasiones: Este será religioso,
éste no. Este perseverará en la Religión, éste volverá atrás en lo que ha
comenzado. Y todo lo veian después cumplido con tanta puntualidad como si
hablara de cosa ya pasada.
Declararemos
esto con algún ejemplo. Siendo vicario provincial de la Andalucia y Ilegando al
convento de Granada, dijéronle el prior y los religiosos que habían dado et hábito
a dos buenos sujetos, el uno de misa y el otro de Evangelio, mostrando estar
muy contentos con ellos. Quiso verlos el Venerable Padre, y subiendo al
noviciado, estuvo con ellos un rato. Y cuando bajó, dijo al prior y al maestro
de novicios que el de Evangelio les había de dar un mal rato y al fin se iria a
su casa. Y fue asi; porque de alti a pocos dias, cansado ya de la vida
penitente, fingió una apoplegia y alborotó el convento. Vino el médico e
hicieron remedios, y al fin se conoció que era
/1 S. TH.,/, q.43, a.5 ad 2 et 6 in
corp. et ad 2.
fingido
el mal para tener ocasión de salirse, y le quitaron el hábito. Estando en
Segovia se confesaba con él un mancebo de aquella ciudad, llamado Miguel de
Angulo, y llegaron sus buenos deseos a querer ser fraile de nuestra Religión. Y
el Venerable Padre le dijo que no le queria Dios para ese estado. Continuábanse
sus deseos, y viendo cerrada la puerta en nuestra Orden, para cumplirlos trató
de serlo en la de san Francisco, y consultándolo con el padre fray Juan de la
Cruz, le dijo que no se cansase, que no seria religioso. Porfió en ello, e hizo
sus diligencias hasta sacar licencia del Provincial para que le diesen el hábito.
Y teniéndolo ya como por hecho, se le ofrecieron tantas dificultades en la
ejecución que claramente conoció que era verdad lo que el santo Padre le había
dicho, y que se cansaba sin provecho. Y asi se quietó y procuró servir a Dios
por otro camino, persuadiéndose que había dado luz a nuestro Venerable Padre de
lo que más le convenia. Todo lo cual refiere en su declaración jurada.
Tenía
para esto tan a la mano la luz divina que cosas muy secretas de los sujetos que
pedian el hábito, le estaban a él manifiestas, y se aprovechaba del
conocimiento infuso no para descubrirlas hasta que et tiempo las hiciese públicas,
sino para que se procediese con acierto en las elecciones, como se vert también
en un ejemplo. Estando en Granada, siendo vicaño provincial, vino a nuestro
convento un hombre de buena suerte a pedir et hábito de religioso, y viéndole
el prior y los conventuales, y sabiendo que era buen estudiante, se contentaron
tanto de él que se determinaron a darle el hábito. Comunicáronle con el
Venerable Padre, y él les dijo que no convenia dárselo. Y como ellos porfiasen
en su intento dando razones de conveniencia, y deseando saber las que había en contrario,
les certificó el Santo Padre que, si le daban el hábito, verían presto la razón
porque no convenia dárselo. Al fin se le dieron por estar muy agradados de él.
Y pocos dias después vinieron al convento la mujer y dos hijos del novicio (que
era casado) y la mujer pedia a su marido y los hijos a su padre, y asi le
quitaron el hábito, y tuvieron otro ejemplo más del ilustrado espiritu de su
prelado.
El
conocimiento que tenía de los espiritus que gobernaba pasaba tan adelante, que
cuando había de hacer alguna ausencia larga, les decía lo que adelante había de
pasar por ellos, como si ya lo viera presente, y les advertia cómo se habían de
haber en cada tiempo. Para lo cual tenía particular luz de Dios, y dentro de su
alma como en un espejo divino (en que él miraba las de otros que tenía a su
cargo, aunque estuviese ausente y muchas leguas de ellos) conocia sus trabajos
y peligros, y los avisaba de ellos y cómo se habían de haber en los unos y en
los otros. De lo cual referiremos muchos casos muy notables, cuando tratemos
del don que tuvo de profecia, como en su lugar propio. De manera que las
personas que le tenían por guia, después de haberle comunicado sus espiritus y
ejercicios y recibido de él sus advertencias, aunque después les faltase, no tenían
necesidad de otro maestro sino gobemarse por lo que les había dicho. Y cuando
alguna cosa nueva se ofrecia, las gobemaba por cartas, unas veces respondiendo
a las dudas que le habían propuesto y otras, avisando de cómo se habían de
haber en ellas antes de haberlas escrito.
Personas
muy fatigadas de tentaciones o pasiones muy vehementes, en poniéndose en sus
manos se hallaban otras, según el aprovechamiento que sentian con los medios
con que las socorria, para lo cual tenía prudencia y sabiduria del cielo. Y
para desahogar y dilatar corazones apretados y afligidos tuvo tan particular
don, que cualquiera persona afligida que llegaba a él, quedaba con su
comunicación tan consolada y libre de lo que la afligia coma si no lo hubiera
tenido. Y hacianle tanta lástima personas de corazones apretados que tenía
particular consuelo en acudirles, y parece que a modo de ángel ejercitaba su operación
en ellas, que a los que iluminan les dan luz y juntamente los confortant para
que puedan recibirla y obrar con ella; porque otro tanto se experimentaba en su
comunicación según estas personas quedaban alentadas después de haberle
comunicado. Y de este efecto dicen mucho los testigos en sus declaraciones. Y
aun después de muerto experimentan sus devotos esta piedad con los afligidos,
según son muchos los casos milagrosos que hallamos probados de este socorro, de
algunos de los cuales haremos memoria adelante, cuando tratemos de las cosas
sucedidas después de su muerte.
Para
socorrer éstas y otras necesidades, le había dada Dios demás de luz un no sé
qué gratuito a que no sabían dar nombre, que convidaba a las almas a participar
de esta luz y a descubrirle todos los rincones de ellas, casa muy dificultosa a
todo género de persona, y mucho más al de las mujeres honestas. De cuyo
encogimiento se vale el demonio unas veces para encumbrir los pecados o
disfrazarlos, de manera que se hagan malas confesiones; y otras para no
manifestar las tentaciones y peligros. Pues estas personas en viéndose a sus
pies se hallaban coma secretamente movidas a paner en sus manos sus almas
quitados todos los velos y rebozos. Y por este camino hizo a Dios muchos y muy
grandes servicios, unas veces de conciencias muy manchadas y otras de almas mal
encaminadas. Decían estas personas que la mansedumbre recatada y la afabilidad
severa que en él conocian, les daba seguridad y juntamente osadia para
descubrirle sus conciencias. Y otras que considerándole un ángel en la vida y
en el espiritu, les quitaba el encogimiento que pudieran tener de un hombre.
Pero sobre todas estas buenas propiedades de la seguridad humana caia el
particular don divino. Y algunas veces queriendo Nuestro Señor remediar por su
media algunas almas le daba luz del estado en que estaban y antes que ellas
descubriesen la dolencia, mostraba haberla conocido y les aplicaba conveniente
medicina, de que referiremos algunos casas cuando tratemos del don de profecía.
/2 S. TH., De Verit, q. 9, a. 1.
Las grandes dificultades de espiritu y las tempestades que suelen padecer las almas que Nuestro Serior quiere levantar a grados muy altos de su comunicación y amor, en nuestro Venerable Padre como en puerto seguro hallaban su satisfacción y reposo. Y asi era muy ordinario acudir a él personas que habían andado muchos años atormentadas en los ejercicios espirituales sin haber hallado quien las entendiese, y en comunicándole conocia luego el camino por donde el Serior las llevaba, y en la luz que les daba hallaban su descanso. Para lo cual tenía grandisimo caudal de sabiduria ilustrada por muchos caminos. Porque, lo primero, tenía a lo muy eminente (como tocamos en otra parte) aquel grado del don de sabiduria que contó el Apóstol entre las gracias gratis datas/1, por el cual el iluminado con él no sólo recibe el conocimiento de misterios divinos muy levantados, más también habilidad para declararlos a otros y ordenar la dirección de los actos humanos en si y en los demás según las reglas divinas. Tenía asimismo la sabiduria de Dios aprendida en las letras sagradas, en que era tan versado que de ordinario traía la Biblia en las manos, leyendo y meditando en la ley del Serior y en sus divinos misterios. Había también bebido en su pureza la sabiduria celestial escondida a los del mundo y concedida en la contemplación a los amadores de Dios, la cual recibía sin estorbos como tan gran maestro de ella. Y tenía, finalmente, la sabiduria experimental con que se perfeccionaba su magisterio. De manera que se podia decir de él lo que san Dionisio del divino Hieroteo/2 que no sólo conocia las cosas divinas más también las padecía; porque de los efectos que en la voluntad experimentaba de ellas, se perfeccionaba más en su conocimiento. Porque había pasado por todos los grados de la escala mistica y por los efectos de las influencias divinas muy particulares, ya penosas, ya sabrosas, por donde Nuestro Señor va levantando a las almas contemplativas bien dispuestas hasta unirlas consigo en caridad perfecta. Y de aqui venia que en cualquier grado de esta escala celestial en que el contemplativo estuviese, y en cualquiera dificultad
/1 S. TH., 22. q.45, a.5.
/2 PsDiorrYstus, De DN, cap.2, S.4; S. TH., In III Sent., Dist.15, q.2, a.2, q. 2.
que en su camino se le ofreciese, a dos palabras que le dijese lo entendia luego, y con su doctrina le daba luz práctica y guia acertada para caminar seguro.
Pudiéramos verificar esto con innumerables ejemplos de personas que habían andado atormentadas muchos años sin hallar quien entendiese el camino por donde Dios las llevaba en la vida espiritual hasta que encontraban con nuestro Venerable Padre; pero contentaréme con sólo referir unas palabras de la santa virgen Maria de Jesús, una de las dos primeras novicias y fundadoras del monasterio de Beas (a quien nombro con veneración por su rara virtud) la cual de su experiencia dice asi: «Cuando vi la primera vez al santo padre Fray Juan de la Cruz había algunos años que padecía grandes trabajos de espíritu dados de Dios y sin alivio porque no los entendían los confesores; y en viéndole, me llenó luego el alma, y con la satisfacción que quedé, me confesé con él y declaré mi alma. Al punto la entendió, y me aseguró el camino y dio ánimo para padecer lo que quedaba, y por su parecer me regia hasta que murió, aunque estuviese ausente. » Esto dice esta santa religiosa, y la misma experiencia hizo también de él nuestra madre santa Teresa después que le trató, y de la claridad con que le habló en todos los grados de la escala mistica, por donde ella había pasado, conoció cuanto tiempo había perdido, y cuantos trabajos había padecido por falta de guia en aquellos veinte años que ella dice que no halló confesor ni maestro que la entendiese/3.
Entre las almas de oración que gobernaba dos maneras de sujetos le daban mucho que trabajar por caminos contrarios: unos muy discursivos, y otros que no podian discurrir. Los primeros alegaban que por padecer tanta dificultad en quietar el entendimiento en una cosa sola no eran capaces de ser contemplativos, y que asi les cuadraba aquella doctrina de nuestra madre santa Teresa que, pues no podian todos ser contemplativos, se contentasen con oración mental/4. A los cuales respondía que lo mismo les aconsejaba él, pero que advirtiesen que nuestra santa Madre llamaba oración mental a la contemplación que nosotros podemos ejercitar a nuestro modo por medio de la luz de la fe y los auxilios comunes de la gracia. Y que sólo llamaba contemplación a la infusa que Dios concede sobre nuestro modo humano, a lo cual era bien que ellos no aspirasen, contentándose con la
/3 S.TERESA, Vida, 4, 6.
/4 S.TERESA, Cam. 17, 2. Autógrafo de Valladolid.
otra. Pero que guardasen las condiciones que nuestra santa Madre ponía para que esta oración mental fuese provechosa, y serían de veras contemplativos. Las cuales son: que acallen el entendimiento y se queden en quietud mirando a Dios y advirtiendo que él los mira y le acompañen y se regalen con él, todo lo cual se hace con el conocimiento sencillo de la fe, porque esto mismo era lo que él las enseñaba en la contemplación ejercitada a nuestro modo humano. La cual todos podían ejercitar, porque el ejercicio de la luz de la fe se nos concede a nuestro modo humano y la iluminación del don de sabiduria que anda con los auxilios comunes de Dios a ninguno de los que están en gracia se niega, como afirman los santos/6. Y que pues no había más dificultad para esto que quietar el alma en el conocimiento sencillo de la fe, y ésta se vencia con la perseverancia y ejercicio continuado, se había de pelear por la virtud contra la inquietud del alma, como se peleaba contra otros vicios de la naturaleza; pues el discurso sin esta quietud donde él se logra era de poco o ningún provecho.
Los otros, por el camino contrario, como no podian discurrir, les parecía que, aunque más atentos estuviesen a Dios en la oración con deseo de agradarle, que estaban perdiendo tiempo, y era menester trabajar con ellos para persuadirles que en quedándose delante de Dios en la oración con la advertencia amorosa y sencilla de fe (que es el acto de contemplación que él enseriaba a la gente sencilla) recibían la iluminación divina y sus efectos, aunque ellos no los percibiesen. Y asi los unos como los otros con la larga espera y continuación de trabajar con ellos se iban mejorando, y algunos, después de este trabajo, llegaban a ser grandes contemplativos, cumpliéndose en ellos lo que dice nuestra santa Madre a este propósito por estas palabras: «No por esta dificultad desmaye ni deje la oración ni de hacer lo que todas, que a las veces viene el Señor muy tarde, y paga tan bien y tan por junto como muchos años ha ido dando a otros/7». Y pone el ejemplo en si, que en catorce años no pudo meditar, y después le dio el Serior la contemplación infusa muy ilustrada y continua.
Del buen logro de este trabajo de nuestro Venerable Padre pondremos también algûn ejemplo. Había en el monasterio de nuestras monjas de Segovia una religiosa, llamada Maria de la Cruz, que tenía tan gran dificultad
/5 S.TERESA, Vida, 13,22.
/6 S. TH., 22, q. 45, a.5.
/7 S.TERESA, Vida, 17. En realidad es Cam. 17,2.
en la oración mental que no le era posible recogerse, aunque lo procuraba con muchos medios. Y como era trabajo éste ya de muchos años, estaba tan desanimada que pensaba no trabajar ya más en esto. Un dia que fue a confesarlas nuestro Venerable Padre le dio cuenta de esta dificultad y luego conoció de donde le procedia, que era ser su natural poco discursivo y llamarla Nuestro Serior a la quietud sencilla de luz de fe sin discurso, donde Su Majestad se comunica a las almas sin estorbos de semejanzas sensibles. Y asi comenzó a alentarla a esto con esperanza que en poco tiempo podia ser muy contemplativa y tener grandes recibos de Dios en su alma. A los principios padeció con ella mucho trabajo, porque hasta que el paladar espiritual, templado a lo sensible, se fue saboreando a lo intelectual en los recibos de la divina influencia, le parecia que en la quietud sencilla, aunque más atenta fuese a Dios, estaba ociosa y perdiendo el tiempo, y asi se afligia y ejercitaba la paciencia del Maestro. Pero al fin con su gran espera y perseverancia en guiarla y animarla, llegó a hacer tan provechoso asiento en la oración que vino a ser una gran contemplativa, y por este camino una de las religiosas más aventajadas que hubo en el convento de Segovia, como lo dicen en sus declaraciones juradas las religiosas que la conocieron.
Con esta misma sabiduria y prudencia socorria también nuestro Venerable Padre a las almas afligidas en los aprietos de conciencia de cualquiera calidad que fuesen, y nadie llegaba a sus pies que no hallase la satisfacción que buscaba, porque demás de la sabiduria infusa, em también docto en la adquirida; de lo cual refiere un ejemplo en su declaración una persona de gran crédito por estas palabras: «Tenta el padre Fray Juan de la Cruz particularisimo don para tratar conciencias dificultosas. Una vez llegó a mi una persona de autoridad muy congojada, diciéndome que tenta un negocio gravisimo de conciencia y lo había tratado con muchos confesores y ninguno le había satisfecho de manera que la quietase y por esto padecía notable aflicción. Yo, doliéndome de ella, la llevé al padre Fray Juan de la Cruz y habiéndose confesado con él quedó tan quieta que nunca más le dio pena lo que antes; y hasta hoy me da las gracias del bien que le hice en haberla encaminado a quien le había dado tan eficaz remedio ». De estos ejemplos se pudieran referir muchos, y asi dice en su declaración una persona sabía que le había tratado mucho, que la boca del santo padre Fray Juan de la Cruz era un minero de riquezas del cielo que nunca se agotaba.
Pero aunque nuestro Venerable Padre velaba mucho sobre las almas contemplativas que gobernaba para guardarlas de las asechanzas y engaños del demonio, particularmente si eran de las que en la oración tenían recibos muy sobrenaturales, con todo eso las encaminaba de su seguridad por un medio prudente y acertado entre dos extremos muy dañosos que se hallan muy de ordinario en maestros espirituales poco experimentados, de los cuales iba siempre huyendo. El uno es de los que en siendo cosa sobrenatural todo lo condenan a poco más o menos sin tener para ello fundamento. Y el otro de los que todo lo aprueban sin el prudente examen y reposado juicio que estas cosas piden. Y de estos dos extremos no le parecia que era fácil juzgar cual abria más presto la puerta al demonio para sus engaños; porque asi como la incauta seguridad de los unos hace menos recatada al alma contemplativa de sus daños, asi también los espantos y asombros de los otros en oyendo recibo sobrenatural, la amilanan y espantan, y con esto cierran la puerta al buen consejo y echan uno como candado a su boca para no atreverse a dar cuanta de estas cosas a quien la guia, que es lo que el demonio pretende para armar sus redes.
De éstos se queja mucho nuestra madre santa Teresa en
diferentes lugares de sus libros por lo mucho que padeció con ellos. En uno los
llama media letrados espantadizos. En otro dice que lo que ellos no alcanzan,
no lo quieren conceder a Dios ni creer de su bondad que regale tanto a las
almas que le sirven. Y en otro encarece tanto los trabajos que padeció con
ellos, que dice que a un maestro solo de estas teme más que a todos los
demonios del infierno. Finalmente, en otro lugar donde la misma Santa trata de
esta materia más de espacio, y muy a provecho de las almas muy ilustradas de
Dios dice a este propósito estas palabras: «Parece
hace espanto a algunas personas sólo oir nombrar visiones o revelaciones. No
entiendo la causa porque tienen por camino tan peligroso el llevar Dios a una
alma por aqui, ni de donde ha procedido este pasmo. No quiero ahora tratar de
cuales son buenas o matas ni las sefiales que he ofdo a personas muy doctas
para conocer esto, sino de lo que será bien que haga quien se viere en
semejante ocasión. Parque a pocos confesores irán que no las dejen atemorizadas;
que, cierto, no los espanta tanto decirles que les representa el demonio muchas
blasfemias y cosas deshonestas, cuanto se escandalizan de decirles que han
visto o hablado a algùn àngel o que se les ha representado Jesucristo
crucificado/1. »
Y dando la misma Santa doctrina saludable de su ilustrado espiritu a los maestros de poca experiencia en estas materias misticas, los dice asi: «Como es cosa ésta que no se puede alcanzar sin experiencia, yerran muchos en querer conocer espiritus sin tenerle. No digo que quien no tuviere espiritu, si es letrado, no gobierne a quien le tiene; mas entiéndese en lo exterior e interior que va conforme a via natural por obra de entendimiento, y en lo sobrenatural que mire vaya conforme a la Sagrada Escritura. En lo demàs no se mate ni piense penetrar lo que no entiende, ni ahogue los espiritus, que ya en cuanto a aquello otro mayor Señor los gobierna, que no estan sin superior. No se espanten ni les parezcan cosas imposibles, que todo es posible al Señor, sino procuren esforzar la fe y humillarse de que hace el Señor en esta ciencia a una viejecita mas sabia por ventura que a ellos, aunque sean muy letrados. Y con esta bumildad aprovecharan mas a las almas y a sî mismos que con tenerse por contemplativos sin serlo./2 Todo esto es de nuestra Maestra en que condena la libertad con que algunos ignorantes de esta sabiduria escondida juzgan luego de ella sin màs consulta, confesândose por insuficientes para penetrarla los grandes santos que Dios puso por lumbreras de esta luz en su Iglesia.
Pues como nuestro Venerable Padre era tan experimentado y advertido asi en la sabiduria de escuelas como en la del espiritu, por eso guiaba las almas contemplativas sin estos espantos y muy a lo provechoso y seguro, ahora fuese en los grados muy altos, ahora en los muy halos de la escala mistica. Y de lo que cuidaba mucho era de apartarles en la oraci6n las po-tencias de los arcaduces sensibles, donde el demonio puede armar sus redes y ordenarlas a Dios en actos intelectuales y sencillos. Que esto dice San Dionisio/3 que pretende Dios en las comunicaciones sobrenaturales que concede a modo sensible a los contemplativos; y a esto mismo los inclina la divina influencia en estas comunicaciones, como lo experimentaba nuestra santa Madre en una de ellas, cuando decia que el entendimiento no queria atender
/1 S. TERESA, Fundaciones, 8,1.
/2 S. TERESA, Vida, 34,11.
/3 PS-DIONYSIUS, De CH, cap.1, S.Visibiles.
a más que una cosa ni la memoria ocuparse en más. Y de este preservativo usaba nuestro Venerable Padre con estas almas, no sólo en las comunicaciones sobrenaturales que derechamente se hacen al entendimiento, como son visiones y revelaciones, sino también en las que se comunican al afecto de suavidad y sentimientos dulces, siguiendo en esto la doctrina de san Buenaventura que a este propésito dice que como el demonio puede contrahacer estos sentimientos dulces de la parte sensible, es necesaño, para caminar a lo seguro, levantar la vissa del entendimiento a la contemplación sencilla e indistinta de Dios4. Porque con esto se pone el espiritu en lugar sagrado y seguro donde el demonio no puede alcanzar/5. Y por eso dijo el Sabio que por demás era armar redes a las que tenían alas para volar de esta manera a Dios y huir de las fuerzas sensibles donde este enemigo tiene mano. Con esta preservación les daba también a entender nuestro Venerable Padre que con ella no solo se ponian en seguridad, más también acudian al llamamiento de Dios, que suele conceder estos consuelos para levantar a su modo las almas imperfectas al conocimiento intelectual, donde él se comunica con las que de veras le buscan.
Procuraba también en las visiones y revelaciones guiar de manera a las almas que las tenían, que caminando con seguridad en ellas, y evitando todo lo que puede ser engaño, gozasen el fruto de las que son de Dios. Para esto escuchaba con apacibilidad y sin espantos a las personas que se las referian y, después de haberlas oido, les declaraba lo que podian tener de utilidad y lo que de daño aquellas cosas, para que abrazando lo uno, se evitase lo otro. Para lo cual les daba la doctrina que él dejo escrita en uno de sus libros de esta manera/6. Pues todas estas aprensiones y visiones imaginarias y otras cualesquiera, como ellas se ofrezcan debajo de forma o inteligencia particular ahora sean falsas de parte del demonio, ahora verdaderas de parte de Dios, no se ha de embarazar ni cebar el entendimiento en ellas para goder el alma estar desasida, pura y sencilla, como conviene para la divina unión, la cual impide cualquiera inteligencia distinta y particular. Y si por algan caso se hubiesen de admitir estas visiones y detenerse en ellas, era por el provecho y buen efecto que las verdades hacen en el alma. Pero para esto no es necesaño admitirlas, antes conviene, para gozarlo
/4 PSBONAVENTURA, Stimulus amoris, P.2, cap.8.
/5 S.TH., I2, q. 80, a.2.
/6 S. JUAN DE LA CRUZ, Sub. 11, 24, n. 8.
mejor, desnudarse
eI entendimiento presto de ellas. Porque el bien que pueden hacer en el alma
estas visiones, ahora sean corporales, ahora imaginarias, es comunicarle
inteligencia, amor o suavidad, el cual efecto hacen en el mismo instante que se
representan y lo recibe el alma pasivamente, sin ser ella parte para lo
impedir, como tampoco lo fue para lo adquirir. Y así cuanto más el alma se
desnudare de las aprensiones, imagenes y figuras en que vienen envueltas estas
comunicaciones espirituales, tanto recibirá con mayor abundancia, claridad y
libertad de espíritu las buenos efectos de ellas quitadas todas aquellas aprensiones,
que son como cortinas y velos que encubren Io más espiritual que en ellas
viene.
De esta manera daba a entender nuestro Maestro a estas personas cómo el efecto para que Nuestro Señor comunica a las almas contemplativas estas visiones en el mismo instante que se las representan lo reciben. Y para que él se continue y aumente, que el medio más proporcionado es dejar estas representaciones particulares y distintas y quedarse atendiendo a Dios en luz sencilla de fe a lo indistinto y no conocido, con que se pone el entendimiento cerca de la fuente divina para recibir de más cerca y con mayor abundancia estos efectos. Y para templar en estas almas la estimación de estas visiones, les declaraba que el comunicárselas el Señor a lo sensible, era señal que estaba el alma todavia imperfecta, pues a las almas aprovechadas se comunica Su Majestad a lo espiritual y sencillo, como él lo dijo por san Juan/7. Con estas y otras semejantes exhortaciones conservaba estas almas en humildad, y dejaba abierta la puerta de la comunicación para que le fuesen avisando de cualquiera aprensión nueva que tuviesen para ayudarles con nuevos avisos en ellas.
Y no sólo de estas visiones imaginarias más también de las espirituales distintas y de otras cualesquiera aprensiones que suelen acaecer acerca de cosas criadas procuraba desnudar a las almas que gobernaba. Y también de las revelaciones de secretos escondidos y sucesos venideros o que tocan a terreras personas, asi por el embarazo que pueden hacer al alma para caminar a la unión divina y a los grados de contemplación más levantada (cuyo medio próximo y proporcionado es sólo la luz oscura de la fe), como también por los engaños que el demonio puede hacer por este camino, de que dejo admirable doctrina en uno de sus libros. Y les ponia riguroso silencio para que de ninguna manera diesen cuenta a nadie de ninguna cosa de
/7 Jn. 4,24.
éstas/8, para lo cual les declaraba lo poco que les importaban todas estas noticias para su propio aprovechamiento y perfección y cuánto se podian dañar con ellas estimándolas. Asimismo les ponderaba lo que dicen los teólogos/9 que de mayor momento es para el alma el aprovechar en un solo grado de aumento de caridad ordenada a mayor unión con Dios, que todas las visiones y revelaciones que pueden tener no sólo los hombres sino también los ángeles si no incluyen en si este aumento de caridad y unión divina/10. Al cual se camina derechamente por la luz oscura de la fe en negación de todas estas noticias particulares y distintas, y a hacer este ganancioso trueco se encamina muy gran parte de los libros de nuestro Venerable Padre, como también de los de san Dionisio, como él lo dice en uno de ellos/11.
De esta manera, pues, se había nuestro Venerable Padre con las almas sencillas que gobernaba, apartándolas suavemente de los lazos encubiertos, sin privarlas de los aprovechamientos que de las verdaderas comunicaciones sobrenaturales podian tener en el magisterio del Espiritu Santo, que es el principal maestro de ellas, cerrando la puerta al demonio y dejándola abierta al divino Espiritu. Lo contrario de lo cual hacen muchos por querer ser maestros de un oficio tan dificultoso, en que apenas son discipulos. De las diligencias que el Venerable Padre hacia en reprender a los que aprobaban fácilmente estas cosas con daño y peligro de las almas que guiaban, trataremos en otra parte, por haberse de tocar historia que no tiene ahora su lugar. Finalmente, después de muchos atios de gobierno de almas espirituales y de tan largas experiencias, tenía el mismo sentimiento que aquel varón sabio y de tan madura experiencia en estas cosas que tan gravemente trató este punto, persuadiendo a los que se encargan de ser guias de personas contemplativas/12: que han de estar muy versados en la lección de los Santos que tuvieron de esto ciencia y experiencia; y que no han de ser fáciles en condenar en las almas devotas lo que no hallan contrario a la fe y a las buenas costumbres, sino que consulten sobre ello a los que tuvieron luz de Dios en estas cosas, para abrazarla con humildad o las remitan a quien mejor las guie.
/8 S. JUAN DE LA CRUZ, Sub. II,16,n.6.
/9 SUAREZ, Fr., In I Partent, L.2,cap.15, n.17.
/10 S.TH., In I Sent., Dist. 17, q.2, a.2.
/11 PsDlowistus, De CH, cap.15 in fine.
/12 GERSON, I., De mystica Theologia speculativa, Cons.18.
Entre las virtudes morales que militan en el apetito sensitivo para que se mueva conforme a la razón tiene la humildad la rienda de la propia excelencia para sujetar el hombre a Dios y enfrenarle para que no se levante a mayores; y por esto es muy cercana a las virtudes teologales/1 y la que en cierta manera esfuerza a las demás removiendo la soberbía que las enflaquece. Esta virtud tuvo nuestro Venerable Padre tan entrafiada en el corazón que como la estimación soberbía de otros anda buscando siempre que disfrutar de propia alabanza en obras y palabras, asi su humildad y desestima se inclinaba continuamente al abatimiento y menosprecio de si mismo. Lo cual era como un testimonio muy acreditado de que su humildad era perfecta y no superficial solamente de los actos exteriores, sino que su movimiento procedia del hábito de ella perfectamente arraigado en el ánimo y de la elección del Espiritu en querer ser desestimado y abatido/2. Y asi muy de ordinario se veian en él muchos efectos exteriores procedidos conocidamente de esta elección interior aplicada con eficacia al menosprecio de la estimación que más suele apetecer el corazón humano, cual es la de la nobleza de la sangre en pocos perfectamente humillada, y en él heroicamente vencida; para lo cual no basta la virtud ordinaria sino la que procede de los dones del Espiritu Santo, que levantan al hombre a actos superiores a los de las virtudes, de que pondremos a este propósito un ejemplo.
Siendo el padre Fray Juan de la Cruz vicario provincial de la Andalucia y hallándose en Granada donde le estimaban por santo grandes y chicos le fue a visitar un provincial de cierta Religión, persona gravisima y pariente muy cercano de un grande de Castilla. Y aunque por su perpetuo recogimiento no pagaba visitas le importunaron tanto los religiosos a que pagase ésta que lo fue a visitar. Recibiólo el Provincial con mucha honra y habiendo trabado conversación con él, le preguntó cómo se hallaba en el convento de los Mártires, que asi se llama en aquella ciudad el de nuestra Religión. Respondióle el Venerable Padre que muy bien por ser casa de soledad y
/1 S. TH., 22, q.161, a.5.
/2 S. TH., 22, q.161, a.1 ad 2.
por esto muy a su propósito. Dijo a esto el Provincial con mucha gallardia y desenfado: Vuestra Paternidad debe de ser hijo de labrador que tan amigo es del campo. Respondió a esto nuestro Venerable Padre con mucha mesura y rostro sereno: No soy, Padre Reverendisimo, sino hijo de un tejedor de lienzos. Dice el padre Fray Diego del Santisimo Sacramento, compañero suyo en esta jornada, que esta confesión de sangre humilde tan contraria a la estimación humana causó tan gran admiración a los religiosos que allí se hallaron que se quedaron mirando unos a otros, no sin harta confusión del Provincial, que después de haber renunciado al mundo estaba tan hinchado con su nobleza; y decían después que con razón llamaban santo a nuestro Venerable Padre.
A este mismo afecto de humildad tocan las ganancias que hacia de esta virtud con un hermano que tenía en Medina del Campo (de quien se hizo ya mención en otra parte) llamado Francisco de Yepes, muy rico de virtudes pero tan pobre de bienes temporales que le sustentaban de limosna. A este hermano enviaba a llamar nuestro Venerable Padre de cuando en cuando a las casas donde era prelado, particularmente en las que él recibía mucha honra de seglares, como en la de Segovia y de Granada. Y cuando le veía llegar con su capa raida y deslucida persona como de hombre que no tenía juros ni rentas y que trataba más de ser virtuoso que bien aliñado, se alegraba tanto de verle, como otro se alegrara de ver a un hermano con gran ostentación de galas y criados. Esta alegria que con la venida del hermano mostraba le nada no tanto del vinculo de la carne y sangre, porque tenía el corazón muy libre de todas las aficiones humanas, sino de la ocasión que tenía para hacer con él muchos actos de humildad de los que más rehusa el desvanecimiento humano, aun después de haberse vestido una mortaja para morir al mundo. Y asi en viniendo al monasterio alen caballero u oidor a visitar a nuestro Venerable Padre, luego le ponia delante a su hermano con su hábito pobre, sin consentir que se le mudase, aunque estuviese muchos dias en el convento. Y templando con esto la mucha honra que todos le hacian, decía al que le visitaba: Conozca, vuestra merced, a mi hermano, que es la prenda del mundo que más estimo. Si había alguna obra en el convento, le ocupaba en ella o en la huerta con los demás peones, particularmente en el tiempo que presidió en el convento de Pastrana. Y cuando el Duque le iba a visitar sacaba el padre Fray Juan a su hermano de donde andaba trabajando para que el Duque le conociese, diciéndole quién era y que trabajaba de peón para sustentarse. Por esta ocasión que tenia en su hermano para humillarse, holgaba mucho tenerle consigo, y cuando se iba lo sentia notablemente, como codicioso mercader de las ganancias del cielo, porque le faltaba ocasión tan propia para hacerse rico de estos bienes.
En oyendo decir cosa de alabanza suya, luego atajaba la plâtica. Y si era de cosa que le parecia que había de quedar memoria de él sentialo tanto, que con ser un retrato de modestia en todas sus acciones, parece que la perdia en estas cosas: tal era el afecto que a la humildad y desestima de si tenía. En tres tiempos hallo en sus informaciones que le vieron mohino y alterado, y todos tres por conocer que había estima de sus cosas, que ninguna otra le daba pena. La una fue tratando el padre Fray Antonio de Jesús, cómo los dos habían sido los primeros que habían dado principio a esta Reformación; lo cual era contra lo que los dos tenían concertado entre si que mientras el padre Fray Juan de la Cruz viviese no se tratase de tai primacia por la pena que le daba oirlo y que se conservase la memoria de esto entre los hombres, diciendo que bastaba que lo supiese Dios que en ellos lo había obrado y él sólo había de premiar lo que en ello le hubiesen servido. La segunda vez que le vieron notablemente mohino fue cuando supo que estando él en Granada arrobado en oración habían traido un pintor para retratarie, de lo cual recibió tan notable pesadumbre que no podian apaciaguarle. La tercera vez fue aún mayor su alteración y la demostración que hizo de enojo. Y fue la causa que estando él malo de la dolencia de que murió, se le hicieron cinco bocas en una pierna y la una de ellas en la misma parte del pie donde hincaron el clavo a Cristo, Nuestro Serior, para clavarle en la cruz. Y con poca advertencia dijo burlando un religioso que le había Nuestro Serior comunicado el dolor y las seriales de sus llagas. Con lo cual como si ya le atribuyeran el favor milagroso concedido a San Francisco, se indignó tanto que el religioso se quedó todo turbado y afligido viendo la pena que con una palabra dicha en risa había dado a enfermo, no habiendo él abierto la boca para quejarse con tantos dolores y martirios como había padecido en las curas que le habían hecho cuando le abrieron la pierna por tantas partes, como en su lugar veremos.
Hallamos también en la humildad de nuestro Venerable Padre otro grado muy profundo y de gran dificultad en la naturaleza del hombre, que es sufrir con humilde mansedumbre las injurias. Porque, como dice San Gregorio, no es cosa grande humillarnos a los que nos honran, que esto también lo hacen los seglares, pero humillarse uno a los que lo injurian, es acto heroico de esta virtud. Pues este grado ejercitó nuestro Venerable Padre no sólo con los iguales más también con los inferiores, que es aún humildad más profunda, de que referiremos un ejemplo, que lo puede ser también de su prudencia. Reprendiendo una vez a un religioso súbdito suyo una falta a solas, estaba tan mal templado que se encolerizó mucho contra su prelado y le dijo palabras libres y descorteses. El Venerable Padre viéndole tan impaciente y cuán dispuesto estaba para desperiarse, si no le detenía, se postró en el suelo con la boca en la tierra (que es acción religiosa propia de culpados que reconocen su culpa cuando los reprenden y se humillan por ella), y de esta manera se estuvo hasta que el subdito dio fin a sus palabras descompuestas. Entonces se levantó el Venerable Padre diciéndole: Sea por amor de Dios. Y se fue de allí sin decirle más palabra. Quedó el religioso tan confundido con aquel humilde espectáculo y tan compungido de su yerro que le bastara esto por castigo. Y vuelto sobre sí, se fue a echar a los pies de su Prelado, confesando su culpa y dándole gracias por la espera que había tenido en castigarle para que no se perdiera. De esta misma humildad dio rarisimos ejemplos los postreros meses de su vida humillándose a los que injustamente le perseguian y disculpándolos con caridad, siendo personas que le pagaban buenas obras con injurias/3.
/3 S. TH., In III Sent. dist. 34, q.1, a.1.
Entre las virtudes cardinales (que son las principales de las morales) tiene el primer lugar la prudencia por ser regla general de ellas, que da a sus actos forma virtuosa y los ordena conforme a la razón. Y asi de lo que habemos visto de la perfeccién de otras vistudes de nuestro Venerable Padre (a cuyos actos de la prudencia modo y forma) se puede echar de ver cuán ilustrada estaba de ella su alma, y asi nos detendremos poco en verificar esto, como cosa tan llana. Sólo nos detendremos algo en dar a conocer que como las demis virtudes estuvieron en él en grado superior, comunicado a pocos, la estuvo también la prudencia; la cual procedia en él de singular ilustración de los clones del Espiritu Santo que levantan al hombre a actos más perfectos y heroicos que las virtudes y superiores al modo común humano. Con esta luz superior estaba tan señor de las acciones humanas para juzgar acertadamente de ellas y enderezarlas por medios proporcionados a su fin, como quien habitaba en una coma atalaya divina para reconocer las cosas que pasan en la plaza del mundo, y renia dirección de Dios para encaminarlas y ordenarlas. particularmente Ios postreros años de su vida que estuvo unido y transformado en Dios. De los cuales es propio, como declant Santo Tomás/1, juzgar con acierto de las casas humanas y ordenarlas a modo superior; no por especulación y discurso de que se vile la prudencia humana sino de lo intima de si pot. moción e ilustración divina, como quien esta unido con la verdadera luz.
De este modo tan superior de sabiduria y prudencia con que juzgaba de las casas, como a la sobrenatural y divino, se le originaron muy grandes trabajos; porque como los ingenios son diversos y comúnmente abundan más los hombres en la prudencia humana especulativa que en La infusa/2, y Nuestro Señor influïa en nuestro Venerable Padre como en forma viva y original de la vida primitiva renovada las casas que queria asentar en esta Congregación no proporcionadas asi por junto con todos las demis ingenios, y
/2 s. TH., 2-2, q.47 a.13.
tras esto fue tan constante en lo que entendia que era gusto de Dios y bien de la Orden, tuvo grandes dificultades en persuadirlo y mayores en conservarse en ello contra tantos juicios opuestos a su sentimiento, y algunas cosas de las que hoy hacen más provecho, que él defendió y no acabaron de asentarse en su vida, se asentaron después de muerto, dando Nuestro Señor a los prelados que después vinieron, después de largas experiencias, los mismos sentimientos que él había tenido; y otras que todavia faltan por asentar y las desea toda la Religión tiene Dios guardadas para otro tiempo de renovado celo e ilustrado espiritu.
Dejado, pues, estos actos superiores de su prudencia, y haciendo alguna memoria de los que son más imitables, tuvo particular don para hacer suaves las cosas ásperas (cosa muy necesaria en Religiones reformadas y penitentes) y sentia mal de los prelados que con su modo áspero y desabrido hacian la virtud de mala cara, siendo de suyo tan hermosa, y el yugo de Dios pesado, siendo tan llevadero y suave. Tenía grande espera asi en las almas que gobemaba siendo prelado, como en las que guiaba en el confesonario, contra lo que hacen algunos maestros poco experimentados que por querer luego perfectas las almas que tratan, las desaniman en el camino de la virtud para que vuelvan atrás en lugar de caminar adelante; antes las alentaba con darles esperanza de victoria de sus imperfecciones caminando cada dia algo hacia su reformación, aunque fuese poco. Y les aconsejaba que no acometiesen todas las dificultades por junto sino por partes y poco a poco, que como un muro fuerte no se puede romper por junto y piedra a piedra le deshacen, asi les sucederia en las imperfecciones, trabajando contra una hasta vencerla, y peleando después contra las otras.
Las personas turbadas le hacian mucha lástima, como tan enfermas y dispuestas a desperiarse, y no aceleraba la medicina necesaria a su dolencia hasta que el sujeto estuviese sazonado para recibirla y ayudábale con su oración, pidiendo a Dios lo dispusiese, como lo verificaremos en un ejemplo. Siendo definidor primero de la Orden y vicario del monasterio de Segovia, tenía echado sermón para el segundo dia de Pascua de Resurrección y convidados a la fiesta los Fundadores y otras personas graves. Llegado el dia y habiendo comenzado ya la misa, envió desde el coro un religioso que fuese a acompariar al predicador al púlpito, con el cual había hecho el demonio tan buena diligencia que le tenía persuadido a no predicar por algún enfadillo que debía de haber tenido, y respondió al religioso que no podia predicar porque no estaba bien dispuesto. Preguntó el padre Fray Juan de la Cruz al religioso si estaba en la cama el predicador, y sabido que no, volvióle a enviar otro recado diciéndole que mirase la falta que hacia a tanta gente como estaba convidada al sermón y que se animase a predicarlo; pero no por eso mudó de intento. Conoció el Venerable Padre lo que con aquello pretendia el demonio, que era moverlo a alguna impaciencia con que apretando en aquella ocasión al pobre religioso le clesperiase. Por lo cual sin hacer mudanza ninguna ni en la voz ni en el semblante envié a decir al que decía la misa que pasase con ella adelante, que el predicador estaba mal dispuesto. Hizole guardar celda unos quince dias, y a los que venian a buscarle, le excusaban con su indisposición. Y el Venerable Padre le encomendaba a Dios para que le dispusiese, con esto le fue sazonando para que conociese su culpa, y al cabo de este tiempo, sabiendo que estaba ya compungido de ella, le sacó al capitulo y se la reprendió con una severidad extraria y le dio buena penitencia; la cual él aceptó con lagrimas de arrepentimiento, confesándose por merecedor de otra mayor, y se hacia después lenguas, alabando la prudencia y tolerancia del Venerable Padre con que le había remediado. Porque si le apretara en aquella sa zón en que el demonio le tenía tan ciego, le diera ocasión de perderse.
Entre los actos que ha de sazonar la prudencia no es el menos dificultoso el de las recreaciones honestas y alivios corporales que las Religiones usan, y el acomodarlos de manera que dándose para respirar del trabajo, se saque de ellos provecho espiritual sin fatiga del ánimo. Y esto se conseguia en los actos de recreación donde nuestro Venerable Padre presidia, como lo tocan por cosa notable muchos testigos en sus declaraciones, uno de los cuales dice asi: «Este mismo estilo de mezclar palabras de Dios entre las humanas usaba también el santo padre Fray Juan de la Cruz en la recreaciones que la Religión permite, para que puedan hablar los religiosos unos con otros. En las cuales con cosas espirituales mezcladas entre las indiferentes a este modo suave entretenfa con gusto y provecho a toda la cornunidad. Y muchas veces eran bien menudas las cosas de que sacaba este provecho, porque las espiritualizaba de manera que ensefiaba cosas muy alias de Dios con ocasión de estas pequefias, y asi parecia su lengua un manantial peipetuo de cosas del cielo, por donde Dios comunicaba tantas noticias divinas de su grandeza, como le otamos. La cual gracia fue muy particular en él, porque otros prelados que querian imitarle en este modo de recrear cansaban a los religiosos y en lugar de salir consolados como de las recreaciones espirituales de nuestro Santo Padre, salfan enfadados y con menos aliento para el trabajo que antes que entrasen en cl acro de recreacción, al cual aliento ella se ordena». En esta misma sustancia hablan otros testigos acerca de este acto.
Variaba la recreación de muchas maneras y siempre a modo alegre y provechoso, y dicen de su experiencia algunos testigos que tenía allí particulares ilustraciones de las necesidades interiores de los religiosos segùn acomodaba las plâticas a estas necesidades. Y asi sucedia muy de ordinario ir algunos religiosos a la recreación fatigados de alguna tentación o desconsuelo y salir de ella alegres y consolados por haber ordenado a esto la plâtica con tal doctrina y remedios tan proporcionados a lo que cada uno había menester como si le hubiera comunicado su trabajo. Y hablan de esto los experimentados como de cosa muy ordinaria. Y de esta y otras experiencias misteriosas estaban persuadidos que conocia los interiores, y los hacia andar con cuidado; de lo cual se ha de tratar adelante más de propósito en el don de profecia.
Otras veces ordenaba en la recreación algunos juegos que
pudiesen servir de alegrar los religiosos y juntamente de sacar de ellos
doctrina. Uno de estos era decirles: Vengan
acá hijos, vistamos a uno de virtudes y ponemoslo muy galano, y cada uno le dé
alguna con que agrade mucho al Señor. lban por orden dándole virtudes cada
uno la que le parecia, y el Venerable Padre las iba calificando y levantando de
punto y de camino los iba aficionando a ellas. Y con tal gracia y prudencia
hacia esto que los tenía con sus palabras provechosamente entretenidos, y con
lo mismo los cansara otro que no tuviera este don de Dios. Y asi solía llamar a
sus palabras el venerable padre Fray Nicolás de Jesus Maria, primer vicario
general de esta Reforma, granicos de pimienta que dan calor al estómago, y
saborean el gusto de los manjares; porque sus palabras encendian el afecto y
saboreaban todas las materias que trataba por muy secas que fuesen y sin jugo.
Habiendo
tratado ya en particular de las virtudes de nuestro Venerable Padre Fray Juan
de la Cruz, ser necesario para continuación de su historia que nos acordemos de
lo que se tocó en otra parte de los Visitadores o Comisarios Apostólicos que
por este tiempo había en algunas Religiones, y los que se señalaron a la de
nuestra Señora del Carmen, por haberse ocasionado de ellos muchos de los
sucesos que están por referir de nuestro asunto. Deseaban mucho estos Comisarios
enderezar las cosas de su legacia a los intentos del Santisimo Pontifice Pio V,
y del Católico Rey Don Felipe II, que era de una gran reformación de las
Religiones. Para esto, les pareció al Padre Fray Fernández en Castilla, y al
Padre Fray Francisco de Vargas en la Andalucia (que de esta manera estaba
dividida su comisión), que eran a propósito los nuevos Descalzos de esta Orden
para introducir con su vida ejemplar y reformada, la reformación que se
pretendia de todo lo demás de la Orden, en lo que se había dejado de la
observancia antigua. Con este intento usaron de algunos medios que les parecian
fáciles y suaves, y en la ejecución eran violentos y dificultosos: como poner
en conventos de Calzados, Prelados Descalzos, y otros oficiales, como porteros
y sacristanes, que eran los de más confianza. Lo cual se hizo en Castilla en
los dos Monasterios de Avila y Toledo, que eran los principales de este Reino.
Asimismo,
en lugar de fundaciones nuevas de Descalzos, les daban casas de los Padres
Calzados para que fundasen en ellas, como se intentó en la Andalucia, donde les
ofrecieron el Convento de Jaén (aunque no lo quisieron aceptar por excusar
sentimientos de los Padres Calzados), y el de San Juan del Puerto, que por ser
de menos autoridad le ocuparon los Descalzos algunos meses, obedeciendo al
Padre Comisario Fray Francisco de Vargas, que se lo mandaba, y poco después lo
dejaron por atajar estos sentimientos, y asegurar a sus hermanos que no trataban
de aumentar su congregación con menoscabo de nadie, sino que violentados habían
entrado allí, y que lo mismo hacian cuando por muestra de favor los mezclaban
entre ellos.
Pero
aunque estos medios eran odiosos[17]
y en que los Descalzos obedecían de mala gana, otro medio intentaron también
los Padres Comisarios más violento, y con que se acabó de perturbar la paz
entre las dos Congregaciones: que fue subdelegar su comisión en algunos de los
Padres Descalzos, haciéndolos jueces Apostólicos de los Calzados, y encargándoles
algunas visitas de sus conventos. Para esto, echó mano el Padre Fray Pedro Fernández
en Castilla, del Padre Fray Antonio de Jesús, primer Prelado de los Descalzos,
y encomendóle algunas visitas. Pero él, como tan experimentado en cosas de religión,
y no queriéndose encontrar con sus hermanos, cumplié con entrambas partes
haciendo tan poco ruido en su comisión, que casi no se supo que era comisario.
Lo mismo quiso hacer el Padre Fray Francisco de Vargas en Andalucia, y para
esto intentó valerse del Padre Fray Baltasar de Jesús, hombre docto y gran
predicador, que con algunos religiosos había ido de Castilla a la fundación del
Monasterio de Granada. Pero como él sabla cuán odioso era esto a los Padres
Calzados, y que se metia en un muy dificultoso laberinto, no quiso aceptar la
comisión. Por lo cual echó mano del Padre Fray Jerónimo de la Madre de Dios,
recién profeso, que también había ido a esta fundación con los de Castilla, y
éste la aceptó; y poco después le subdelegó también para Castilla, el Padre
Fray Pedro Fernández, con cierta limitación.
Sintié
mucho la Congregación de los Descalzos esta aceptación del Padre Fray Jerónimo;
asi por causa del sentimiento que se daba a los Padres Calzados, y de que
juzgasen de los Descalzos, que se les querian alzar con el imperio y quitarles
su libertad, como por la poca experiencia que el Padre Fray Jerónimo tenía de
cosas de Religión para encaminar convenientemente empresa tan dificultosa.
Porque apenas había acabado de tener en Pastrana el atio del noviciado, cuando
el Padre Fray Mariano de san Benito le había sacado de aquel Convento para
llevarle por su compariero a Andalucia. Y asi se prometian poco aprovechamiento
en los visitados con su experiencia aún no sazonada, y temian que había de
causar con su comisión grandes inquietudes a la nueva congregación Descalza;
aunque no lo pudieron remediar por estar de por medio la autoridad del Rey Católico,
y ser algunos de los privados, parientes del Padre Fray Jerónimo.
De
todas estas cosas y de palabras que se habían oido a los Comisarios, penetraron
los Padres Calzados, que el intento del Papa y del Rey Católico era extender
las fuerzas de los Descalzos y estrechar las de los Calzados, para introducir
en su congregación mitigada cosas de rigor y observancia primitiva, que clos no
habían profesado; y lo había comenzado ya a intentar et Padre Fray Jerónimo en
la visita de la Andalucia. Con lo cual se exasperaron notablemente, y para
tratar de su remedio juntaron capitulo general en la ciudad de Plasencia de
Italia; que según la concurrencia de las cosas parece que fue al principio del año
de mil quinientos sesenta y seis/1. En el cual se determinó, que para enflaquecer
a los Descalzos e irlos extinguiendo, se usase del mismo medio que los Comisarios
Apostólicos habían intentado para enflaquecer a los Calzados; mezclando
Descalzos en Conventos Calzados a titulo de reformación por asegurar al Rey Católico,
y acomodando su institución de manera que en poco tiempo fuesen todos unos;
pareciéndoles más fácil segùn nuestra naturaleza caminar del rigor a la
suavidad que lo contrario.
Para
ejecutor de esto enviaron a España al Padre Maestro Fray Jerónimo Tostado, de
nación portuguesa, hombre de gran capacidad y de muchas letras, dándole nombre
de Vicario general, visitador y reformador de toda España. Pero como el Rey Católico
tenía gran providencia en las cosas de reformación de su reino, por muy secretó
que corría el fin del capitulo de Italia, tuvo aviso de él en España; y en
llegando a ella el Padre Comisario general le impidió la ejecución de su
legacia y ordenó al Nuncio de su Santidad Nicolao Ormaneto, que mandase al
Comisario Descalzo que continuase su visita. Sobre lo cual hubo grandes
dificultades de entrambas partes que duraron casi tres años, y no son de historia
particular. Lo que de citas toca a nuestro intento es que, aunque en lo público
no ejercitaba el Padre Comisaño general su comisión por estar impedida por el
Rey, pero en secreto procuraba quitar de por medio los principales Descalzos, y
trató de prenderlos y encárcelarlos donde no se supiese de ellos. Y en primer
lugar ponia los ojos en nuestro venerable Padre Fray Juan de la Cruz, a quien tenía
por el principal caudillo de la reformación primitiva.
1 El
capitulo de Plasencia tuvo lugar en mayo de 1575.
Cap. 2. De una junta que se hizo de Descalzos
en este tiempo para remedio de los daños que los amenazaban, y tratar de otras
cosas convenientes a su congregación.
En
sabiendo los Descalzos la llegada a España del Padre Maestro Fray Jerónimo
Tostado y los intentos con que venia a ella, se juntaron los Prelados y hombres
de buen consejo de los Conventos primitivos en el de Almodóvar; y nuestro
venerable Padre Fray Juan de la Cruz (que todavia asistia en el monasterio de
la Encarnación de Avila), para tratar de oponerse a esta tormenta que tan de
cerca los amenazaba, y tomarla resolución más conveniente para evitarla. Fue
esta junta a ocho de agosto del año de mil quinientos sesenta y seis, y presidió
en ella el Padre Fray Jerónimo de la Madre de Dios, Prelado entonces de todos
los Descalzos de Castilla y Andalucia por subdelegación de los dos Comisarios
Apostólicos, por la cual pretendieron librar a los Descalzos del gobiemo de los
Provinciales Calzados no tan conveniente para ellos, y fue la primera junta que
hallamos de solos Descalzos. Después de una larga conferencia que sobre el caso
tuvieron, les pareció que convenia acudir a la fuente y que pues seguian causa
no sólo justa más también heroica, suplicasen al Pontifice les diese prelado de
su misma profesión que los gobernase, pues lo ordenaba asi el Concilio
Tridentino/1, nombraron personas para esta embajada, cuales pareció que
convenian para informar de su justicia al Papa y Cardenales.
Después
de haber tomado resolución en el negocio principal, trataron los congregados de
otras cosas convenientes al buen enderezamiento de la congregación primitiva,
de que había entre los que la gobernaban diferentes sentimientos, dejándose
llevar cada uno de su inclinación para asentar conforme a ella las cosas de
Religión. Porque como entonces no reconocian cabeza fundamental a quien
siguiesen, y no todos tenían suficiente noticia de la vida primitiva de
nuestros mayores, ni de que Dios la queria resucitar en la nueva congregación
de Descalzos, cada uno arbitraba a su modo y tenía su parecer por el Norte más
acertado, y hasta en los medios fundamentales estaban divididos. Porque nuestro
venerable Padre Fray Juan de la Cruz (en quien Dios inmediatamente influia),
desde que se descalzó había entendido de su Majestad, como también nuestra
Madre Santa
1/ Cf.
Conc. Trid. Sess. 25, cap. 21.
Teresa/2,
que los nuevos Descalzos eran llamados principalmente a la vida contemplativa, segùn
el Profeta Elías nuestro Padre fundamental la había asentado por mandato de
Dios en su escuela, y según después los Apóstoles instituyeron a nuestros
mayores en la forma de vida espiritual que les señalaron, dandoles por
fundamento de su estado la contemplación divina en vida singular no dividida,
sino unida a Dios inseparablemente por conocimiento y amor; como en otra parte
lo verificamos con la autoridad de San Dionisio. Y que para este ejercicio de
Angeles, eran necesarios los medios que pone nuestra regla de recogimiento de
celdas, soledad, silencio y aspereza de vida; y que a esto se había de ordenar
la nueva congregación, mirando a nuestros Monjes antiguos para imitarlos. Este
mismo sentimiento tenían algunos pocos de los muy perfectos que allí se
hallaron: como Fray Gabriel de la Asunción, Fray Francisco de la Concepción,
Fray Brocardo, que llamaban el Viejo. Y a lo mismo se inclinaba también el
Padre Fray Nicolás de Jesús Maria, que aunque era nuevo en la religión, tenía
ya autoridad de antiguo por su gran caudal y excelente celo de perfección/3.
Por
otra parte el Padre Fray Antonio de Jesús como había estado la mayor parte de
su vida entre los Padres Calzados, que tan loablemente acuden al consuelo y
aprovechamiento de los fieles; y no se tienen ya por tan obligados a la vida
contemplativa como a la activa; predominaba todavia en él, este afecto de
ejercitarse en esta obra tan piadosa, aunque fuese con menos rigurosa
observancia de estos tres medios. Y pareciale hallaba para ello razones, por el
titulo de mendicantes que el Papa Inocencio IV en la confirmación de nuestra
regla nos había dado. A este mismo sentimiento ayudaba mucho el Padre Fray Jerónimo
de la Madre de Dios, por ser poderosamente inclinado a este celo de acudir a
las almas, y poco llevado del amor del retiro y recogimiento de la celda,
fundamento sustancial del instituto primitivo de nuestra Orden. Y como la
naturaleza racional y sociable apetece naturalmente más la comunicación humana
que la soledad abstraida[18],
llevaba este celo en pos de si la mayor parte de la nueva congregación, entre
los que la gobernaban y lo defendian; olvidados de lo que decretaron los Apóstoles
en la institución de nuestros mayores, que el oficio de los Monjes dedicados a
la contemplación, no era guiar a otros, sino perseverar en un estado singular
2 S.
TERESA, Mor. V. 2.
3
Esta afirmación es inexacta. Nicolás Doria no entró en la Descalcez carmelitana
hasta 1577. Profeso el 25 de marzo de 1578.
y
perfecto para hermosura de la Iglesia y buen ejemplo de sus fieles. Lo contrario
de lo cual había comenzado ya a poner en práctica el Padre Fray Jerónimo de la
Madre de Dios en el poco tiempo que hacia que gobenaba a los Descalzos por
subdelegación de los Comisarios Apostólicos, y extendia los medios de la
comunicación del celo de almas fuera de nuestros Conventos; de manera que había
poco tiempo, no sólo para vacar a la contemplación, pero ni aun para entrar en
las celdas. Y hasta a las casas de soledad alcanzaba esto por los muchos actos
comunes que se habían introducido, y lo mucho que se cantaba en el coro, muy
diferente todo de como nuestros mayores lo habían observado, para que las
ocupaciones ajenas no estorbasen a las propias.
Y como
nuestro venerable Padre tuvo tan santa libertad en las juntas y capitules donde
tenía voto para decir su parecer segùn la luz que tenía de Dios (aunque vio que
la mayor parte de los que alla se habían congregado y también et que hacia las
veces de prelado superior, eran de contrario sentimiento), ponderó con un celo
de Elías, cuán relajada estaba ya la nueva congregación tan a los principios de
su corriente en lo principal de su instituto, que era la asistencia en las
celdas para vacar a la oración y contemplación, y cuánto se aventajaban en esto
los Monasterios de las Monjas a los de los Frailes. En los cuales, parte por la
mucha mano que se daba para salir por los pueblos a predicar y confesar
(ejercicio propio de otras Religiones que tiene Dios para esto en su Iglesia),
parte por los muchos actos comunes que se habían introducido contra la moderación
que en esto tuvieron nuestros mayores favorecida de nuestra regla; y haber
abrazado más del culto divine exterior de lo que se compadece con el culto
interior, a que somos llamados de Dios particularmente, no se podia asistir en
las celdas para vacar a él; y que cuando entraban en ellas iban tan ahogados
los espiritus y tan cansados los cuerpos con estos actos exteriores, que más
estaban para descansar que para orar. De todo lo cual sacaba cuán necesario era
reparar esto con moderar estas dos maneras de ocupaciones, dejando de ellas, lo
que se compadece con la principal, sin aguardar que Dios a lo milagroso lo
moderase, como lo había moderado algunas veces en los siglos antiguos enviando
Angeles, que cercenasen los medios de culto divino exterior para que no se
faltase al culto interior, a que habíamos de aspirar como dado de Dios por
principal ocupación, de la cual, (como hablando con nosotros), había dicho el
Salvador, que como Dios era espiritu, en espiritu queria ser adorado de los
verdaderos adoradores de Dios/4.
4
In. 4, 23.
De este
esfuerzo con que nuestro venerable Padre apoyó en esta junta los medios
fundamentales de nuestro instituto, resultó moderar mucho de lo que se cantaba
en el coro, y otras cosas que se rezaban en comunidad fuera de las siete Horas
Canónicas del oficio divino. Aunque no se moderó la multiplicidad de actos
comunes que nuestros mayores, (a quienes tenemos que imitar), no habían tenido;
porque como el Padre Fray Antonio de Jesùs los había asentado al modo de la
Congregación mitigada, que se ocupa principalmente en la vida activa, los
defendió y le ayudaron mucho de los que concurrieron allí que habían sido
también Calzados. Para lo del recogimiento y moderar et celo de las almas segùn
nuestro instituto, se determin6 que se guardasen en toda la congregación de los
Descalzos las primeras constituciones que se hicieron en Duruelo (porque hasta
entonces no se guardaban en todos los Conventos), y favorecen este recogimiento
contra la distracción fuera de nuestros Monasterios, aunque sea con ocasión de
ayudar a los fieles.
Con
esto parece que se reparó convenientemente esta quiebra de recogimiento que
entonces había, porque la constitución que trata de él, dice de esta manera: «Item, ordenamos cuanto a la clausura y
recogimiento de los Religiosos, que manda la regla, que ninguno pueda salir de
casa excepto el Procurador y el Predicador cuando fuere a predicar, o en algùn
casa grave y raro, y no en otra manera aunque sea a entierros de difuntos, ni a
visitas de parientes ni enfermos, ni aun con titulo de ir a confesarlos, sino fuere
ofreciéndose algùn caso de tan grave necesidad, que parezca que es contra la
caridad dejar de ir a la tal confesión. Y aun de esta manera no pueda el Prior
dar licencia si no fuere con el consentimiento de dos Padres los màs ancianos
que estuvieren en casa, so pena de grave culpa por tres dias. Y para mayor
recogimiento, ordenamos que no pueda haber entre nosotros quien ande por las
calles pidiendo con bacinetas, ni con alforjas por las eras, ni de otra
cualquiera manera que sea ocasión de distracción y vaguear./5 Esto dice
esta constitución hecha en Duruelo dejando abierta la puerta para ayudar a las almas
que vinieren a nuestros Monasterios, y cerrandola a salir fuera de ellos; lo
cual guardó siempre nuestro venerable Padre en todos los que gobenó. Otras
cosas tocantes a Conventos particulares se determinaron en esta primera junta
que no hacen a nuestro intento; y en otra parte veremos un decreto de la divina
sabiduria en favor de estas cosas, que nuestro venerable Padre propuso en esta
junta.
5
FORTUNATUS-BEDA, Constitutiones Carmelitamm Discalceatorum, Roma, 1968, p. 18,
recogido en Constituciones de Jerónimo Gracián.
Vuelto
nuestro venerable Padre a Avila donde la obediencia le tenía entonces, hallaban
se tan consoladas con él y tan aprovechadas con su doctrina las Monjas del
Monasterio de la Encarnación, que habiendo acabado nuestra Madre santa Teresa
su oficio de priora de este Monasterio, y lo fue a ser del de San José de la
misma ciudad, pidieron al Padre Comisario Apostólico que les dejase allí los
Confesores Descalzos. Y como los Padres de la Observancia mitigada llevasen tan
mal que los primitivos tuvieran ocupado aquel lugar, y miraban al Padre Fray
Juan de la Cruz como al principal de ellos, en llegando a Castilla el Padre
Fray Jerónimo Tostado con tan ancha comisión del Capitulo general, entre otras
prisiones que decretó fue la de los Confesores de la Encarnación, particularmente
del Padre Fray Juan de la Cruz contra quien estaban grandemente indignados.
Algunos dias antes le previno nuestro Señor en la oración de lo que contra él
se urdia: cómo le habían de prender y poner en grandisimos trabajos. Y él se lo
dijo a Ana Maria, Monja de singular virtud en la Encarnación. Y coma él estaba
tan flaco y gastado de penitencias, le respondió ella que pocos trabajos
bastarian para acabarle la vida estando él como estaba. Y viendo él, que no se
persuadia a que hubiesen de prenderle y maltratarle, le certifico que sucederia
sin falta lo que le decía. Todo esto dice esta religiosa en su declaración
jurada, y pondera mucho que estaba tan confiado en Dios, y tan dejado a lo que
ordenaba de él, que aunque pudo huir el cuerpo la prisión, de ninguna manera
quiso, ni excusar la persecución.
Ya sabían
los Prelados Descalzos, cuán mal llevaban los Padres Descalzos que fuesen
confesores en el Monasterio de la Encarnación los dos Padres primitivos, y por
sacarlos de allí con algùn buen color y sin queja de las Monjas que estaban muy
halladas con ellos, eligieron al Padre Fray Juan de la Cruz por Prior de
Mancera. Pero llegó primero a Avila el mandato del padre Vicario general para
prenderle. En recibiéndolo los padres de la observancia fueron de noche con
mano armada a la hospederia de la Encarnación donde los Descalzos posaban, y
derribando las puertas les echaron mano con la furia con que suelen prender a
los hombres facinerosos, y los llevaron presos a su convento, haciendo en la
hospederia y por el camino muy malos tratamientos a nuestro venerable Padre, y
llevándolos él con tanta mansedumbre, que dicen en sus declaraciones las Monjas
de aquel Monasterio por relación de los ejecutores, que con su humildad y
paciencia iba representando en su prisión, la de Cristo. Oyeron las Monjas el
ruido, y sabido a la mariana el suceso lo sintieron con gran extremo; porque
todas tenían como por Padre, al que oian haber sido tan maltratado.
En
llegando con ellos al convento, los pusieron en celdas apartadas una de otra, y
dieron luego orden de sacarlos de Avila, temiendo los muchos aficionados que allí
tenían, y que si en la ciudad se entendia que estaban presos, se levantaria
algùn gran alboroto para sacarlos de la prisión. Al Padre Fray Germán de santo Matia
(que era el uno de los dos Confesores), le llevaron al Monasterio de san Pablo
de la Moraleja; adonde sin hacerle cargo ni darle la razón por la que le tenían
preso, le hicieron padecer una larga prisión con hartos trabajos. Al venerable
Padre Fray Juan de la Cruz (contra quien era la mayor indignación), le quitaron
por fuerza el hábito de Descalzo, porque no fuese conocido en el camino, y
también para mayor mortificación suya, y le vistieron hábito de Calzado,
diciendo él: que bien le podian calzar los pies pero no el corazón, que todo lo
tenía descalzo. Y de esta manera le llevaron con buena guardia al Convento de
Toledo, pareciéndoles que estando en lugar grande donde hay menos registros de
las cosas particulares, y tan lejos de donde le habían prendido, podia estar
mets encubierto que en lugar pequeño.
El
religioso que en esta jomada le llevó a su cargo, no debía ser de los más
aficionados que los Descalzos tenían, y asi le trataba por el camino con tan
poca blandura, que indignado un mozo que llevaban consigo de oir las malas
palabras que le decía, y edificado de la paciencia y modestia con que el Padre
Fray Juan las llevaba sin responderle palabra desabrida, ni mostrar indignación
contra quien así le molestaba, trató de librarle de sus manos y se lo dijo en
secreto. Pero el venerable Padre disculpando al compañero respondió, que no le
trataba tan mal como él merecía que le tratasen, y que así perdiese el cuidado de
él, que muy sin congoja iba. No se contenté con esto el mozo, y llegando a un
lugar donde le pareció que el mesonero era hombre piadoso, le dijo el mal
tratamiento que por el camino se había hecho a aquel religioso que él tenía por
santo, según la gran paciencia con que lo sufría, y persuadía al mesonero que
lo escondiese, que la pasión con que le trataban, mostraba que padecía
injustamente. Habló el mesonero al Padre Fray Juan para enterarse si era verdad
lo que el mozo le había dicho.
Y él respondio que de buena gana hacia aquella jornada, por ser voluntad de los Prelados, y que asi no hiciese ningùn alboroto que no habia para qué, y que por la buena voluntad le encomendaria a Dios.
Ya en Toledo sabian los Padres Calzados que habian de llevar alli al venerable Padre, y tenian orden del Vicario general, de como se habian de haber con él, que era hacerle obedecer las actas secretas que se habian hecho en el Capitulo de Plasencia, las cuales con el orden que el Padre Vicario general traia del Capitulo se hallaron entre sus papeles, cuando el Consejo Real de Castilla le hizo embargo de ellos, para que no usase de su comisiân contra lo que los Visitadores Apost6licos iban haciendo por orden de su Santidad. Lo principal de esta orden era que no se fundasen mâs casas de Religiosos primitivos, ni se recibiesen novicios, que los que ya lo eran no se diferenciasen tanto de los demâs Religiosos de la Orden en el habito, ni se llamasen Descalzos. En todo lo cual parece que se arrirnaban a una consti-tucion de la Orden hecha en el Capitulo de Venecia donde presidio el General Fray Nicolàs Audet, el año de mil quinientos veinticuatro, donde se ordenaba que hubiese en cada provincia algunas casas de Religiosos reformados que guardasen la regla primitiva, y siendo en el hàbito iguales con los demàs Religiosos se diferenciasen en la vida; y con ejecutar esto en nuestros Descalzos les parecia quitaban muchos de los inconvenientes, que de tanta diversidad de hâbito y vida con tan gran aplauso del pueblo se les seguian, y lo demâs del intento del Capitulo se habia dejado a la prudente disposici6n del Vicario general, para ir extinguiendo poco a poco a los Des-calzos mezclândolos con los Calzados con voz de reformaci6n, como ya se ha tocado.
liegado
a Toledo nuestro Venerable Padre le recibieron con rostro torcido los Padres de
la observancia, todavia con esperanza de poderle reducir a su intento. Otro dia
de como Ilegó, le intimaron las actas del Capitulo general de Plasencia de
Italia, de que poco ha se hizo memoria, particularmente las que mandaban a los
Descalzos, que aunque en sus Conventos guardasen la regla primitiva, usasen el
mismo hábito que los Calzados, y que se calzasen y no se llamasen Descalzos
sino contemplativos o primitivos, y otras cosas del intento del Capitulo. Tras
esto le persuadieron que dejase aquella nueva vida en que había de andar
siempre inquieto y perseguido, y se volviese a la antigua en que se había
criado, que ellos le honrarian en su congregación. Pero el venerable Padre con ánimo
constante y semblante sereno, como quien estribaba sobre cimiento firme, les
respondió que el intento de su congregación había sido resucitar, no sólo la
perfección de vida más también el rigor de hábito de los primitivos antiguos,
que era el que los Descalzos traian. Y que demás de esto tenían expreso mandato
del Nuncio de su Santidad (que todavia era Ormaneto), y del Comisario Apostólico,
que no admitiesen estas actas del Capitulo general, ni innovasen cosa alguna de
vida ni hábito de lo que usaban los Descalzos. Y que por ser esta obediencia más
inmediata a la Sede Apostólica, no podian ir contra ella por ona ninguna
emanada del Capitulo ni Definitorio de la Orden, y que así la había de cumplir,
aunque por ello padeciese hasta la muerte.
Se
indignaron mucho de esto los Padres de la observancia que alli se hallaron; y
como juzgaban a nuestro venerable Padre como causa fundamental de los daños que
les parecia que padecían por la reformación de los Descalzos, y por no querer
obedecer las actas del Capitulo general, le tenían por inobediente y rebelde a
las ordenaciones de los Prelados (que en todas las Religiones se tiene por
gravisimo delito contra el fundamento del estado religioso que es la
obediencia); no debe nadie maravillarse de los malos tratamientos que por esto
hicieron al venerable Padre, aunque el celo de religión se haya arrimado un
poco a la indignación que tiene por vecina, como las demás virtudes a los
vicios cercanos que tienen apariencia de d'as, Lo cual nuestro Señor permitió
para afinar más la virtud de su siervo con la contradicción de los buenos que
suele ser la mayor, y calificar su santidad con una de las mayores excelencias
que en esta vida puede alcanzar un cristiano, y en que se hace semejante a
Cristo nuestro Señor, la cual es, que siendo muy bueno sea tenido por muy male.
Y esta dicha concedió su Majestad al Padre Fray Juan de la Cruz en esta ocasión
para gran aumento de sus merecimientos: y la perfeccionó en otra persecución
que precedió a su muerte, como allí veremos, porque le queria hacer un retrato
suyo muy al vivo.
Comenzaron
luego los Padres de la Observancia a tratarle como inobediente y a ejecutar en
él, las penas rigurosas que las Religiones usan contra los rebelles; y para
principio de ellas le pusieron en una cárcel muy estrecha. La cual yo puedo
describir por haberla visto, no sin harta veneración, por lo que sabía que había
sucedido en ella, con tantas visitas de Dios y de su soberana Madre, hechas a
un siervo de los más fieles de su siglo para consolarle en las aflicciones que
por su servicio estaba padeciendo con amor tan fino. Era esta cárcel una
celdilla puesta al lado de una sala; tenía de ancho seis pies y hasta diez de
largo. sin otra luz ni respiradero sino un agujero en lo alto de hasta tres
dedos de ancho, que daba tan poca luz que para rezar en su breviario o leer en
un libro de devoción que tenía, se subía sobre un banquillo para poder alcanzar
a ver, y aún esto había de ser cuando el sol daba en el corredor que estaba
delante de la sala hacia donde este agujero cala. Porque como se había hecho
esta celda para retrete de esta sala en que poner un servicio cuando aposentaba
en ella algún prelado grave, no le habían dado más luz.
À la
puerta de esta celda pusieron un candado para que nadie pudiese verle ni
visitarle sino fuese el cárcelero. Y después de algunos meses de prisión
tuvieron nuevas, que el Padre Fray German de santo Matia se había soltado de la
cárcel en que estaba en san Pablo de la Moraleja; y temiendo otro tanto del
Padre Fray Juan de la Cruz pusieron nueva fortaleza a su cárcel añadiendo al
candado de la celdilla otra llave en la sala para tenerle más seguro. La cama
que le pusieron era a la usanza de los Descalzos, unas tablas con dos manticas
viejas, y la comida bien moderada. Porque la ordinaria era un poco de pan y
alguna sardina; y los dias que se comia pescado en el refectorio le llevaba el cárcelero
algunas sobras de él, porque en todo le trataban como a delincuente; y en todo
el tiempo de su prisión nunca se mud6 túnica ni otra ropa.
Los
Viernes le llevaban al refectorio y le daban de comer en el suelo pan y agua, y
después que todos habían acabado de comer le daban por plato de postre una
disciplina, que llaman de rueda, en la que todos tienen parte; castigo propio
de graves delitos en las religiones, y por tal se tenía éste de no obedecer las
actas del Capitulo. La piedad con que se daba esta disciplina se echaba de ver
en las tristes espaldas del paciente, pues muchos años después de salido de la
prisión duraban en ellas las señales de los azotes, como testificando, cuán de
buen gana se los habían dado. Una de las baterías con que el demonio le hizo
mayor guerra en la cárcel y en que él tuvo mayor necesidad de resistir, fue en
los juicios que le ofrecia de que le deseaban la muerte. Porque como el
tratamiento era tan aspero y la comida tan desabrida, procuraba el demonio
persuadirle que con ella pretendian acabarle; y cada bocado que comia había
menester saborearle con actos de caridad para no caer en algùn juicio grave.
Exhortábanle
muchas veces a que dejando el partido de los Descalzos se conformase con ellos,
y que le honrarian en sus prelacias. Pero como él les respondia constantemente,
que antes perderia la vida que volver atras en el propósito comenzado, en que
sabia que servia mucho a Dios y a su orden, se indignaban de nuevo contra él; y
teniendo esta heroica constancia por nuevos actos de inobediencia y rebeldia,
antes se aumentaba el rigor de su tratamiento que se mitigaba. Todo esto y lo
demás que se dira adelante consta de diversas informaciones que se hicieron de
estas materias: unas para el tribunal del Nuncio de su Santidad y de cuatro
adjuntos que trataron con él la causa de los Descalzos; de que se trata más de
propósito en la historia general; y otras mucho después en orden a la
beatificación de nuestro Venerable Padre; y también de muchas personas de gran
crédito que se lo oyeron al mismo, y concuerdan entre si todas estas
relaciones.
Pusieron
los Padres de la observancia grandisimo cuidado no sólo en la guarda de nuestro
Venerable Padre, más también en tenerle con tanto secreto que de ninguna manera
se supiese donde estaba. Porque como sabían cuán estimado era entre los
Descalzos, temian que en alcanzando a saber donde le tenían preso, habían de
hacer fuerte diligencia por librarle. Y guardaron en éste, tan extraordinario
recato, que en nueve meses que estuvo alli encerrado, ni se supo de él si era
vivo o muerto, aunque se hacian hartas diligencias para esto; y aunque era muy
grande la pena que daba a todos este silencio, mucho mayor a nuestra Madre
santa Teresa, que como conocia tan bien las riquezas del cielo que en él tenía
Dios encerradas, sentia mucho que faltase en aquel tiempo a su religión. Y aunque
le encomendaba a nuestro Señor continuamente, nunca tuvo luz en la oración, si
penaba con los presos o descansaba con los muertos. Y así solía decir que muy a
su cargo le tenía Dios pues tanto lo celaba a todos sus amigos. El tiempo de su
prisión, que hizo templado, lo pasó menos mal, pero en entrando los calores del
verano estaba en aquel lugar como en un penoso purgatorio de calor y mal olor;
y fatigábale tanto lo uno y lo otro que fue como milagro poder vivir pocos
dias, cuanto más tantos meses.
El cárcelero
que le tenía a cargo era de los muy confidentes en el celo de la congregación
mitigada y poca afición de la primitiva, y así ayudaba por su parte a la aflicción
del encárcelado y a las incomodidades que padecía. Y para que por todas partes
fuese afligido se aumentaban a todas estas penas otra, que mucho le
desconsolaba. Porque, como la sala que estaba antes de la cárcelilla de su
prisión era como hospederia de prelados y gente grave de la orden, los
hospedaban alli algunas veces, y no sabiendo a quien tenían por testigo de sus
plâticas, trataban de noche, de las que entonces eran más frecuentes en la
orden; y dechan que ya la congregación de los Descalzos se deshacha; porque ya
venía el Nuncio de su Santidad, Felipe Sega de Roma, para poner en libertad la
comisión del Vicario general Fray Jerónimo Tostado, el cual con la autoridad y
favor del Nuncio los había de hacer calzar para que presto fuesen todos unos.
Tras esto, conocia de estas plâticas la gran indignación que contra él tenían
los Padres de la observancia mitigada, como contra Capitán de los primitivos; y
que según la opinión de ellos allí significada no saldriá de la prisión sino
para la sepultura. Lo primero era para él de increíble dolor, y lo segundo de
particular consuelo por lo que amaba los trabajos; y en todo se arrimaba a la
voluntad de Dios, y rendiá a la profundidad de sus juicios la pequeñez de su
razón y discurso.
Después
de pasados algunos meses de tan apretada cárcel llegó con las incomodidades de
ella y poca amistad del carcelero a estar tan flaco y debilitado, que
conocidamente echaba de ver que se le iba acabando la vida. Y así como quien
hacha actos de martirio entre los tormentos, la estaba ofreciendo a Dios tan a
lo liberal, que quisiera tener muchas para ofrecerlas todas a su servicio. Con
lo cual llegó en esta ocasión a aquel sublime grado de caridad que el Salvador
significó cuando dijo: que la mayor caridad que uno podiá tener era poner uno
la vida por sus amigos, y en esto imité la caridad de Cristo, que de esta
manera ofreció la suya. A los postreros meses de esta cárcel cuando la
necesidad era más apretada, le socorrió nuestro Serior con traer desde el
monasterio de Valladolid al de Toledo a un religioso de los Padres de la
Observancia de ánimo piadoso y desapasionado, digno de memoria aunque no lo
nombro. Al cual, por una ocupación forzosa del cárcelero propietaño, le dieron
el cuidado de nuestro Venerable Padre, y desde entonces comenzó a respirar
algo; porque ejecutando el mien que tenía de los Prelados lo hacha con blandura
y piedad, y la mostraba en aliviar el trabajo del encárcelado en lo poco que podiá.
Y conserve) nuestro Serior la vida de este religioso hasta que se hicieron las
informaciones para la beatificación de nuestro Venerable Padre, y dijo en ellas
su dicho, para que concordando en las cosas que refiere en él con lo que otros
testigos oyeron al Venerable Padre, quedase la verdad más comprobada; y así
pondremos aqui para esta comprobación algunas de sus palabras.
Dice este religioso en una de las primeras preguntas tratando en universal de las virtudes de nuestro Venerable Padre estas palabras: « Conoci al santo Padre Fray Juan la Cruz cuando estuvo preso en nuestro convento de la ciudad de Toledo, tiempo ocasionado para ejercitar las virtudes por su apretura, y alli hice concepto de él, que era hombre de heroica virtud y de gran santidad. Porque en medio de su apretura mostraba gran humildad, magnanimidad y fortaleza, de manera que nada de lo que pasaba por él, le tenía inquieto, ni se acuitaba ni afligía, antes mostraba gran tolerancia e igualdad de ánimo, y ser un alma pura y que tenía grande amor a nuestro Señor y firme esperanza en su Majestad. Tras esto era muy agradecido a lo que por él se sabia, y asi cuando yo le hacia algûn pequeno be-neficio, me lo agradecia mucho. Mostraba también ser varron penitente y de mucho sufrimiento: porque sus trabajos (que eran grandes), los Ilevaba con tanta paciencia que jamàs, ni cuando actualmente los padecia ni cuando estaba fuera de elles, se vio en la accion ni se oyo palabra que oliese a sentimiento ni queja de persona alguna, antes los Ilevaba con gran quietud de ànimo y con una gran modestia que tenia. Y asi por le dicho y por lo de-màs que vi en él, y por lo que diverses veces he oido de sus virtudes, tengo para mi, que fue santo en grado muy aventajado.» Esto dice en comùn de las virtudes de nuestro Venerable Padre, y puede causar admiraciein a cual-quiera buen juicio tanto silencio y tan gran paciencia en ocasiones tan fuer-tes y apretadas.
Pero hablando màs en particular del tiempo de su càrcel, dice de esta manera: «Fue preso por los Padres Calzados de su orden, permitiendo Dios que padeciese este siervo suyo sin culpa de él ni de los superiores. Y fue la prision en la ciudad de Avila estando él por confesor de las Monjas de la Encarnacion, que son de nuestra orden; y de alli le llevaron preso a Toledo, donde le pusieron en una pequeria y estrecha càrcel, y tan oscura que no tenia màs luz que la que le entraba por una saetera rasgada, que venta a estar en un rincon de esta carcelilla. Faltando en este tiempo el religioso que era carcelero del santo Padre, el Prior me dio cargo de él y de la carcelilla; y asi en el tiempo que le tuve a cargo le vi, que estando roto y maltratado, y con la incomodidad del luger en que estaba muy flaco, lo Ilevaba todo con gran paciencia y silencio. Porque jamas le vi ni of quejarse de nadie ni culpar a los que asi le ejercitaban, ni mostrar flaqueza en acuitarse, lastimarse ni llorar su suerte; antes, con gran serenidad, modestia y com-postura Ilevaba su carcel y soledad ».
«En este tiempo que le
tuve a cargo (que fue ya a lo postrero de su prision), le bajaron a refectorio
tres o cuatro veces estando en él los frailes para que recibiese alli
disciplinas. Las cuales se le daban con algùn rigor sin hablar él jamàs
palabra, antes lo Ilevaba todo con paciencia y amor, y acabado este acto luego
se volvia a la càrcel. Corne yo vela su gran paciencia compadecido de él, le
abria algunas veces la puerta de la càrcel para que saliese a tomar aire a una
sala que estaba delante de la puerta de la carcelilla, y le dejaba alli
cerrando la sala por de fuera. Y este era mientras los religiosos se recogian a
mediodia, y en comenzando ellos a bullir, volvia yo a abrir la sala y deciale
que se recogiese. Y el bienaventurado padre le hacía luego poniendo las manos y
agradeciéndome la caridad que le hacía. Y aunque yo no le había conocido de
tiempos antes; de sólo ver su virtuoso modo de proceder que alli tenía, y la
paciencia con que llevaba su ejercicio tan riguroso le tuve por un alma santa;
y por esto me holgaba de darle este poco de alivio, porque en este tiempo me
edificó mucho su santidad y paciencia y su agradecimiento en lo poco que con él
hacía». Todo
esto es de este testigo de vista tan acreditado, y del tiempo que mejor pasó el
santo en la cárcel.
Demás
de estos trabajos en que exteriormente le ejercitaban, otros padeció en este
tiempo interiores, que le afligian más; como él lo ponderó muchas veces a sus íntimos
amigos, particularmente dos. El uno fue una porfiada y muy continua batería del
demonio con que le persuadia que había hecho mal en apartarse de la vida y hábito
común que en la religión entonces se usaba por hacer vida singular. Y le traía
para esto todas las razones que dan los maestros de la vida espiritual para
condenar las singularidades viciosas de la gente devota. Con lo cual pretendía
hacerle entender que había desagradado mucho a Dios, causando guerras civiles
en la Orden y perturbando la paz que había en ella. Y con esta batería no solo
procuraba afligirle más también desanimarle, para que cesando en lo comenzado
se conformase con lo que los Padres Calzados le persuadían. Y como nuestro
Serior le había permitido esta cárcel para purificarle mis en ella, y que le
sirviese de crisol para afinar el oro de su alma, daba lugar al demonio para
que le ejercitase con estas baterías, y parecía que le dejaba a solas en ellas
para que sintiese la aflicción de los grandes amadores de Dios puestos como a
oscuras entre temores y recelos si le dan gusto o le desagradan. Pero cuando la
batería se esforzaba tanto que había menester nuevo socorro, se le daba nuestro
Señor con algún rayo de luz; de cuánto le había servido en haberse descalzado,
y que le cran agradables sus trabajos.
El
segundo trabajo le procedía de otro crisol más apretado que significó el
Profeta Isaías /1, y de que se hizo mención en otra parte: que fue meter
nuestro Señor de nuevo su espíritu en la fragua de su influencia purgativa, y
cocerle allí muy intensamente; no ya para purgarle de la escoria de las
imperfecciones como en los estados inferiores por donde había pasado, sine)
para levantarle con nueva blancura y pureza a mayor semejanza de Dios y
1
Is. 1, 23.
perfección
màs rara. Porque como de la mayor blancura y pureza del espíritu criado a la de
Dios haya infinita distancia, aunque más purgado esté, recibe nueva purificación
para mayor blancura y semejanza divina, como a nuestro propósito lo significo
San Dionisio/2, y como la blancura de nuestro Venerable Padre había de ser de
grado superior para una rara santidad, entró en este divino crisol muchas
veces, y algunas estando en la cárcel, con lo cual le disponían para nuevas
mercedes que había de recibir en ella.
2
PS-DIONYSIUS, De CH, cap. 13, S. Docuit.
Muchas
veces oyeron decir a nuestro Venerable Padre sus amigos cuán consolado había
sido de Cristo nuestro Señor y de la serenísima Virgen su madre en la cárcel
para llevar los trabajos de ella; y aunque no dio por menudo noticia de estos
consuelos, algunos se sacan de sus informaciones por palabras que los testigos
le oyeron, y otros de sus libros, y así haremos memoria de ellos. Fue lo
primero recreado allí con aquel roció de la gloria celestial que dice san
Agustín que suele comunicar nuestro Señor a los tentados o muy afligidos por él
en esta vida para que lleven con alentada fortaleza y prudente tolerancia sus
trabajos y aflicciones/1. Y de este género, dice santo Tomás, que eran los
consuelos que nuestro Señor daba a los mártires en los tormentos para hacerlos
invencibles/2. Y este mismo efecto sentía nuestro Madre santa Teresa con esta
comunicación divina y asi dice de la fortaleza que con ella recibía su alma,
que por entonces le parecía que no habían hecho macho los mártires en padecer
por Dios tales tormentos, si en ellos les daban victima tan confortativa para
el corazón/3. Y ésta, ayudada de las virtudes perfectas con que estaba
fortificada su alma, confortó la de nuestro venerable Padre para llevar con
tanto valor, como ya vimos, los trabajos de la cárcel.
El
segundo socorro con que nuestro Señor le esforzó en este tiempo para llevar
alegremente estos trabajos así exteriores coma interiores, fue un gran
conocimiento que allí le dio del incomparable valor de los trabajos padecidos
por él. Y de aquí le procedía no sólo esta alegre tolerancia de los que allí se
le ofrecían siendo tantos y tan grandes, más también el hambre insaciable que
le quedó de padecer trabajos por Dios, que sólo la memoria de ellos o las
palabras con que los nombraban le arrebataban tan poderosamente el afecto, que
solía quedarse suspendido, de que veremos adelante algùn ejemplo. Y así solía
él decir a los que le veian algunas veces afligido
1 S.
AUGUSTINUS De Genesi ad litteram, L.12, c. 26.
2 S.
TH., De Verit., q.13, a.13 ad 9.
3 S.
TERESA, Vida, 16, 4.
porque
padecía poco por Dios: no se espanten de que ame tanto el padecer, porque me
dio el Señor en la cárcel gran conocimiento del valor de los trabajos padecidos
por él. Y de la ganancias que de este padecer trabajos por Dios había
experimentado en su alma, dice en uno de sus libros misticos /1: que el alma
que ha comenzado a entrar en los secretos de Dios conoce que los trabajos del
mundo son medios para llegar a lo escondido de la sabiduría delectable de Dios,
y por eso desea pasar todos los aprietos y amarguras que se le puedan ofrecer
en esta vida, porque al más puro padecer corresponde mis puro entender y más
subido gozar.
En la
tercera manera de consuelo espiritual con que le recreó en este tiempo, le hizo
participante de la bienaventuranza que en el cielo causa el ejercicio de las
virtudes a sus poseedores. Para lo cual, nos acordemos, de lo que se tocó en
otra parte, de la doctrina de santo Tomás: que las bienaventuranzas que Cristo
nuestro Señor predicó en el monte, son actos de virtudes perfectas /5, de
manera que cada acto de virtud en el cielo es una particular bienaventuranza,
tanto mayor cuanto más perfectamente la hubiere alcanzado en esta vida. Y
aunque acá tiran derechamente al mérito sus actos, y en la gloria al premio, en
esta vida a lo que perfecciona, y en la otra a lo que deleita, y por eso acá
son trabajosos y allá son gozosos; con todo eso, dice este santo que los
varones perfectos comienzan desde esta vida a gozar del premio de estas
bienaventuranzas en los actos de las virtudes con felicidad comenzada /6). Pues
de esta felicidad gozó en este tiempo nuestro Venerable Padre, cuya experiencia
nos declaró él en uno de sus libros misticos tratando de los efectos de la unión
divina, y la toca en otras partes aunque no tan de propósito, y así referiremos
aquí algunas de sus palabras por tocar su experiencia a este tiempo, y se fue
continuando después en las comunicaciones divinas muy favorables, que tuvo los
postreros años de su vida.
Dice,
pues, a este propósito de esta manera: «En
este dichoso estado sopla el viento del Espíritu Santo por esta vina florida y
huerto regalado del esposo, (que es el alma transformada en él por amor y
semejanza), y tocando en las virtudes y dones de que está adornada, las renueva
y mueve de suerte que den de si admirable fragancia y suavidad, al modo de
cuando
4 S.
JUAN DE LA CRUZ, En el tratado Adónde te escondiste? canc. 35, [CA 35, nn. 8 y
9].
5 S.
TH. In 1 Sent. Dist. 34, q.1., a. 4.
6 S.
TH., 12, q.69, a.2.
menean las especies aromâticas. Pues al
tiempo que se hace esta moción derraman las virtudes la abundancia de su olor,
el cual antes no se sentía en tanto grado. Porque las virtudes que tiene el
alma adquiridas en sí, no siempre las está ella sintiendo y gozando en acto,
por estar en el alma en esta vida como flores cerradas en cogollo o como
especies aromâticas cubiertas, cuyo olor no se siente hasta que las descubren y
mueven. Pero algunas veces hace Dios tales mercedes al alma, su esposa, en este
estado, que aspirando con su espíritu divino por este huerto del alma abre
todos estos cogollos de virtudes y descubre estas especies aromâticas de
perfecciones del alma; y abriendo el tesoro y caudal que ha encerrado en ella,
descubre toda su hermosura. Y entonces es cosa admirable de ver y suave de
sentir la riqueza de los dones que se descubren al alma y la hermosura de
flores de virtudes ya abiertas todas, y de manera que cada una da de sí el olor
de suavidad que le pertenece. La cual es algunas veces en tanta abundancia que
al alma le parece estar vestida de deleites y bañada de inestimable gloria.
Tanto que no sólo ella lo siente de dentro, más también suele tanto a fuera,
que lo conocen los que saben advenir; por estar tal alma como un deleitoso
jardín lleno de deleites y riquezas de Dios /7.
En este aspirar del Espíritu Santo por el
alma, (que es visitación suya para enamorarla más), se le comunica en alta
manera el esposo Hijo de Dios, y por eso envia al Espíritu Santo primero, que
es su aposentador, para que le prepare la posada del alma su esposa,
levantándola en deleite celestial y poniendo en perfección el huerto; abriendo
sus flores, descubriendo sus dones, adornándola con la hermosura de sus gracias
y riquezas, y dándole a gustar el suavísimo ejercicio de los actos perfectos de
todas ostas gracias y virtudes en participación de gloria. La cual dura en el
alma todo el tiempo que el amado asiste allí de esta manera, donde la esposa le
está dando suavidad en sus virtudes, según ella lo significó en los Cantares,
diciendo: como
estuviese el Rey recostado en su reclinatorio, (que es mi alma), dio olor de
suavidad mi arbolillo oloroso. Entendiendo
aquí por arbolillo oloroso el plantel de muchas virtudes que hay en el alma"
/8.
Todo
esto es de nuestro Venerable Padre, donde con su ilustradísima experiencia
declara, como en el estado de unión, en que estaba en el tiempo
7 S.
JUAN DE LA CRUZ, En el tratado de sus
Canciones, canc. 26. [CA, 26 nn. 1.61.
8
Cant.1,11.
de que
vamos hablando, participaba su alma por ilustración particular del Espíritu
Santo de los actos suavísimos de las virtudes, que en el cielo gozan los
bienaventurados y de la gloria que les causan. Y de camino nos significó otro
singularísimo privilegio de que a lo milagroso, gozó también en este estado,
que grandemente pocha recrearle y hacerle muy alegre la tolerancia de sus
trabajos. Para cuya declaración, nos acordemos de lo que se tocó en otra parte
con la autoridad de los grandes doctores de la Iglesia, misticos y escolásticos/9,
que algunas veces concede Dios por particular privilegio a los grandes
contemplativos, el conocimiento natural que tuvieron los ángeles viadores antes
de ser glorificados. Al cual conocimiento pertenece ver su propia esencia, y
por ella como por semejanza expresa de Dios cran levantados a la contemplación
de la esencia divina. Porque semejante privilegio parece que concedió nuestro Señor
algunas veces a nuestro Venerable Padre con estas mercedes, levantando su
entendimiento a conocer por semejanzas infusas proporcionadas, la hermosura de
su alma adornada de dones y virtudes, para que con la alegría que esto le
causaba no sintiese la amargura de sus penas, viendo cuanto se aventajaba con
ellas esta misma hermosura. Y así dice que en este aspirar del Espíritu Santo
en el vergel del alma es cosa admirable de ver la riqueza de dones que se
descubren en ella, y la hermosura de flores de virtudes ya abiertas todas, y sentir
la suavidad de su olor.
Declarónos
también en este lugar, de donde procedía aquel maravilloso resplandor, con que
tantas veces le vieron en este estado, de que se hizo mención en otra parte, a
cuyo propósito dice así: « Y no sólo cuando estas flores están abiertas se echa
de ver esto en estas almas, más también ordinariamente traen en sí, un no sé
qué, de grandeza y dignidad que causa acatamiento a los demás por el respeto
sobrenatural que se difunde en el sujeto de la próxima y familiar conversación y
comunicación con Dios, cual se escribe en el Éxodo de Moisés: que no podían los
hijos de Israel mirarle al rostro por la gloria y honra que en su persona
quedaba, de haber tratado cara a cara con Dios. De estas palabras se conoce que
aquel resplandor y dignidad sobrenatural, con que tantas veces le vieron en lo
exterior, procedía de esta comunicación divina tan familiar y cercana, y de
este abrir y menear el esposo celestial las flores de las virtudes, cuando
entraba
a
recrearse en el huerto de su purísimo espíritu. Con lo cual se aumentaba mucho
la hermosura y valor de las mismas virtudes: as! por et singular esfuerzo que
en este aspirar del Espíritu Santo hacia la virtud divina en la perfección del
alma; como en la disposición de la misma alma reducida tal altamente de la
multiplicidad de las criaturas a la unidad del Creador, que son las dos cosas
en que los Doctores escolásticos ponen el aumento de las virtudes que la
perfeccionan y enriquecen /10.
9 S.
TH., In II Sent., Dist. 23, q.1. a.l.
10
S. TH. In I Sent., Dist. 17, q.2, a.2.
Como la
unión del alma con Dios (en cuyo estado venia nuestro Venerable Padre en este
tiempo), es por una parte el acto supremo de conformidad del espíritu criado
con su Creador, pues como ya vimos, llega a haber uniformidad entre ellos con
participación de un mismo espíritu, como dijo el Apóstol /1. Y por otra parte
el lazo de amor que junta como en uno a los dos unidos, para que haya
comunicación de amistad entre ellos. De aquí viene que es muy grande la
familiaridad con que desde este tiempo trata Dios al alma unida consigo, y muy
frecuentes las visitas que le hace, como lo dice la experiencia de nuestra
Madre santa Teresa por estas palabras: «En
llegando a tener oración de unión anda el Señor con este cuidado de comunicarse
con nosotros, y andarnos rogando que nos estemos con él, si nosotras no nos
descuidanzos»/2. Pues de esta dichosa familiaridad con Dios gozaba en este
tiempo nuestro Venerable Padre, con otra circunstancia que la hacia más tierna
y favorable, que era estar padeciendo por él trabajos y aflicciones tan
penosas. Y porque él fue muy escaso, por su gran recato, en damos noticia de
esta familiaridad tierna que con el Señor de majestad inmensa tenía, nos la da
el mismo Señor a lo milagroso en una de las apariciones que se ven en su carne,
de que trataremos de propósito adelante. En la cual se representa un religioso
con el hábito de los Padres Calzados de nuestra Señora del Carmen, sin capa
(que de esta manera estaba nuestro Venerable Padre en la cárcel), y un niño Jesús
arrimado a su hombro derecho como echado al desgaire[19]
sobre el brazo del santo Padre, y el santo, como que se estaba riendo. Con lo
cual nos significó la sabiduria divina (autora de estas apariciones), cuán
familiar y tierna fue la compañía que este niño Dios hacía en la cárcel a su
soldado, que estaba por él padeciendo tantas incomodidades y fatigas.
Pero
aunque el Venerable Padre cuidó tanto de encubrir las visitas y regalos que del
Hijo y de la Madre recibió en este tiempo, con todo eso, a algùnas
1 S.
TH., 22, q.180, a.8, ad 2.
2 S.
TERESA, Mor. VII, 3,9.
personas
de las que le eran más familiares les dijo algunas, como mostrándose agradecido
a las mercedes que en la cárcel había recibido de ellos, y las refieren en sus
declaraciones juradas. Una de las que el Venerable Padre hacia muy grande
estima fue, que como la cárcel era tan oscura de día y no le daba luz, de noche
el primer carcelero; se afligía algunas veces de verse en tan continuadas
tinieblas, sobre las demás incomodidades de apretura; calor y mal olor que padecía;
y cuando estaba de esta manera afligido, le socorría nuestro Señor algunas
veces regalándole con luz celestial en lugar de la material que le negaban. La
cual nunca venia cola sino con otros consuelos interiores que recreaban al
espíritu y redundaban al cuerpo.
Esto
contó el Venerable Padre a un religioso que tenía por santo en una larga jornada
que con él hizo, y así referiré aquí lo que él dice en su declaración jurada de
esta manera: «Contóme el santo Padre Fray
Juan de la Cruz la prisión que había tenido en Toledo, y como la cárcel era
estrecha, oscura y de mal olor, y no le daban luz de noche; y que algunas veces
que estaba muy afligido le enviaba nuestro Señor la luz del cielo, que le
duraba toda la noche. Y de dos veces me acuerdo, que me dio en particular
noticia haber sucedido esto, y que la noche que la tenía estaba tan consolado que
le parecía muy corta. Una de estas noches estando muy afligido, le envió
nuestro Señor esta luz celestial sin saber de dónde venta. Fue el carcelero a
reconocer la cárcel y abriendo la primera puerta, que era de una sala, como vio
luz en el aposentillo que estaba más adentro le causó novedad porque él no se
le había llevado y le tenía bajo de dos llaves; donde ningùno podía llegar sino
con llave falsa. Con esta turbación se fue al Prelado y le dijo lo que pasaba;
y el Prelado fice a la cárcel con otros dos religiosos y abriendo la primera
puerta se apagó la luz que había dentro. Abrió luego la segunda y descubrió la
que el traía en una linterna y dijo al Venerable Padre, que quién le había dado
luz, habiendo él mandado que nadie se la diese. Pero el santo Padre le afirmó
que nadie del convento se la había dado, ni había por donde pudiesen dársela,
ni allí tenía vela ni candil en que la pudiese haber. Con lo cual, juzgando el
Prelado que había sido antojo[20]
del carcelero se salió y volvió a cerrar las puertas».
De las
visitas que Cristo nuestro Señor y la serenísima Virgen su Madre le hicieron en
la cárcel para consolar a su soldado, que por elles estaba afligido, dicen
también los testigos de estas informaciones más familiares suyos, habérselo
oido a él mismo, y que muchas veces le animaron a que saliese de la cárcel, que
ellos le ayudarían. De una de estas visitas de Cristo nuestro Señor hacen en
particular memoria; y así también aquí la tocaremos. Es propio del estado de
unión en que el Venerable Padre se hallaba, haber entre el esposo divino y el
alma su esposa de esta manera unida con el, aquellas finezas de retornos de
amor y como estímulos espirituales de tantas ganancias para ella, como ponderó
san Lorenzo Justiniano /3, cuando para enamorarla más, parece que se esconde el
amado; porque el fuego del amor con la privación más se aviva, y la llaga de
él, más se siente con la ausencia. Estándose, pues, quejando una vez el Venerable
Padre tiernamente al Señor, que habiéndole herido se le escondía, vio de repente
resplandecer la cárcel con una luz tan hermosa y suave, que le Ilen6 el alma de
gozo tan superior, que le parecia estar en la gloria; y respondiéndole el Señor
a sus querellas, le dijo: aquí estoy contigo para librarte de todo mal. Con
estas querellas amorosas precedidas por estas finezas de amor, comienza el
Venerable Padre el tratado de los efectos de este estado de unión, que él había
experimentado en su alma; y le comenzó en la cárcel, como adelante diremos.
De otra
visita de la Virgen nuestra Señora nos da noticia en particular, el hermano
Fray Martin de la Asunción, persona de gran virtud y compañero de mucho tiempo
de nuestro Venerable Padre, y a quien el amaba por esta virtud que en él
conocía. El cual dice a este propósito en su declaración jurada de esta manera.
«Deseando el Santo Padre hacerme muy
devoto de la Virgen, me contó, que entrando una vez el Prelado con dos
religiosos en la cárcel, estaba el santo de rodillas y postrado en oración, y
como de la prisión y malos tratamientos no podía casi menearse, se estuvo así
pensando que era el carcelero. Como el Prelado le vio así y no se levantaba a
hacerle cortesía, le dio un puntillazo diciendo que, por qué no se levantaba
estando él allí; respondió el santo, que perdonase que no le había conocido, ni
podía levantarse muy aprisa por sus achaques. Preguntóle el Prelado: ¿Pues, en
qué pensaba ahora que tan embebido estaba? Respondióle el santo: estaba
pensando que mañana es día de nuestra Señora, y me consolara mucho de decir
Misa. A lo cual dijo el Prelado que no sería en sus días. Con esto se salió
dejando al santo Padre muy afligido con aquellas nuevas, y no poder en día tan
solemne (que según la concurrencia de la cosas, aunque el testigo no lo dice,
era el de la Asunción de la Virgen), decir Misa ni oír la. La noche siguiente
se le apareció nuestra Señora hermosísima y llena de resplandores de gloria, y
le dijo: hijo; ten paciencia, que presto se acabarán estos trabajos, y saldrás
de esta prisión y dirás Misa y te consolarás». Todo esto dice este testigo
que supo del mismo Venerable Padre; y asi por esta y otras visitas que él dijo
había tenido allí del Hijo y de la Madre, es digno aquel humilde lugar de toda
reverencia, y cuando yo entré en él, le miré con veneración devota, por lo que
sabía que en él, había pasado.
Dicen
también por cosa notable, así este testigo como otros, que cuando el Padre Fray
Juan de la Cruz refería algo de los trabajos que había padecido en la cárcel,
nunca culpó a nadie; no sólo por su gran modestia, más también porque hallaba
disculpa en quien se los procuraba. Porque así como los que se gobiernan por
conciencia errónea juzgan por lícitos los medios injustos, así también, éstos
juzgaban por cosa justa afligir al que tenían por inobediente a las actas del
capitulo general; porque no le admitían la obediencia superior que él tenía
contra ellas con ser tan conocida.
3 S.
LAURENTIUS IUSTINIANUS, De canto connubio, cap. 25.
Estando
Nuestro Venerable Padre en la cárcel tan trabajado de parte de los hombres y
tan regalado de Dios, comenzó a fabricar por ilustración divina el levantado y
utilísimo edificio de sus libros místicos para tan gran provecho de la gente
espiritual, como saca de ellos. El fundamento de los cuales habemos de tomar de
lo que dice San Dionisio, que el divin Hieroteo enseriado por inspiración de
Dios muy levantada, conocía las cosas divinas no sólo aprendiéndolas por el
estudio humano sino también padeciéndolas por unión del afecto con ellas /1, y
de esta manera llegaba a aquel conocimiento místico y sabroso que no se puede
enseñar por otro camino. Que fue decir, como declara santo Tomás, que de los
efectos que recibía de Dios en la voluntad, era el entendimiento levantado al
conocimiento práctico de las cosas divinas, que por la especulación no puede
enseriarse /2. Y en la exposición de este lugar pone un ejemplo diciendo, que
así como el que es virtuoso por el hábito de la virtud que tiene en el afecto,
está perfeccionado para juzgar rectamente de las cosas que tocan a aquella
virtud, así el que está unido con el afecto a las cosas divinas, recibe a lo
sobrenatural y divino, recto juicio y conocimiento de las mismas cosas. De todo
lo cual sacamos a nuestro propósito, que en este conocimiento experimental que
tienen de las cosas divinas, los que está unidos a ellas y las gustan también a
lo divino, es de otro género diferente del que se aprende por estudio humano
como recibido de Dios por modo singular en comunicación estrecha y favorable. Y
por esto, a los escritos de las personas grandes amadores de Dios, y
conocidamente ilustradas de él, donde dan doctrina segura y saludable de los
misterios escondidos de Dios, cuales fueron nuestra Madre santa Teresa y
nuestro Venerable Padre Fray Juan de la Cruz, se les debe cierta veneración y
acatamiento para que no cualquiera espíritu, aunque más docto sea en la ciencia
especulativa, se atreva a censurarlos, si está ignorante de esta sabiduría
divina, práctica y secreta, que enseña Dios a las almas humildes y puras, que
de veras le aman.
Pues
como en este tiempo metía el esposo celestial tantas veces el alma de nuestro
Venerable Padre en la bodega de los vinos misticos /3, para unirla allí consigo
y embriagarla a lo celestial, le sucedía lo que nuestra Madre santa Teresa, de
esta manera recreada de Dios decía, de su experiencia por estas palabras: «Oh!
válame Dios, cuál está un alma cuando está así; toda ella querría ser lenguas
para alabar al Señor. Dice mil desatinos santos, atinando siempre a contentar a
quien la tiene así. Yo sé persona que con no ser poeta, le acaecía hacer de
presto copias muy sentidas declarando bien su pena; no hechas de su
entendimiento, sino que para gozar más la gloria que tan sabrosa pena le daba,
se quejaba de ella a su Dios;/4 Esto dice nuestra maestra y otro tanto le
sucedía al Venerable Padre, su compañero; que cuando era de esta manera
visitado de Dios se hallaba inclinado y como movido su espíritu a celebrar
alabanzas divinas, no sólo en prosa sino también en versos significativos del
afecto que causaban entonces en él, los recibos divinos. Porque unas veces
cuando la comunicación era de iluminación del don de entendimiento que causa en
el alma amor ansioso de herida intensa, como en otra parte vimos/5, eran estos
versos declarando la pena sabrosa con le había dejado, según aquí dice nuestra
santa. Y otras veces, cuando procedía de la comunicación del don de sabiduría
que causa amor satisfactorio, eran los versos de alabanzas agradecidas; y así
los unos como los otros salían envueltos en la sustancia de lo que entonces
recibía el afecto. Y habló con mucha propiedad nuestra Maestra en las palabras
referidas así, en decir que del afecto con que entonces se hallaba, salían
copias muy sentidas quejándose de su pena a su Dios; como en lo que añade; que
no eran hechas de su entendimiento. Porque aquel sabor que tienen estos versos
(segùn se verifica en los de nuestro Venerable Padre), bien muestra que no podía
dársele, quien no estuviera actualmente gustando lo que en ellos significaba. Y
aunque salían de su entendimiento, emanaban de la dulcísima influencia divina
que regalaba a su voluntad y en ella a toda el alma; como sucedía al Profeta
David cuando componía los versos de los salmos.
Semejante
a esto era también lo que dice Tulio que sucedia a las Sibilas profetisas, que
hablaron con el mismo espíritu /6; las cuales estaban coma absortas en
contemplación divina, cuando pronunciaban aquellos versos con que Dios quiso
dar luz, a la ciega Gentilidad, de muchos de sus misterios. Y añade el mismo
autor, que no se tenían entre los Gentiles por versos de profecía procedida de
espíritu de Dios, los que las Sibilas no pronunciaban
1 Ps-Dionysius,
De DN, cap. 2, §4.
2 S.
THOMAS, Super Dionysium ut supra.
3
Cant. 2,4.
4 S.
TERESA, Vida, 16,4.
5 S.
TH. In III Sent., Dist. 35, q. 2, a.2,q.3.
6 M.
TULLIUS, De divinatione, 86.
estando
ellas de esta manera absortas y elevadas. Y cari lo mismo sucedía a nuestro
Venerable Padre Fray Juan de la Cruz en sus canciones, que las componía cuando
había estado en alguna altísima contemplación, y gozaba aún la voluntad de los
dulcísimos efectos de ella, y quedaban todavía en el entendimiento unas como
vislumbres de los pasados resplandores. Y así no había menester cansarle en
meditar lo que en esta sustancia decía, sino como quien iba hablando de lo que tenía
ya sabido y de la ilustración que todavía duraba. A lo cual llaman San Agustin
y Santo Tomás instinto divino, y lo ponen por luz sobrenatural y como un modo
imperfecto de revelación profética /7.
Pero
como este conocimiento experimental había salido de los sentimientos del
afecto, no le bastaban a Nuestro Venerable Padre estas vislumbres del
entendimiento, para hacer estas composiciones, si en el afecto no duraban los
dulces sentimientos de donde habían procedido; como él lo significó a dos
personas devotas en dos cartas que les escribe respondiendo a lo que le habían
pedido, que les declarase algunas de las canciones que había hecho en la cárcel.
A las cuales dice, que estas canciones se habían compuesto en amor de
inteligencia mística, y no se podían declarar sino con entrañable[21]
espiritu, y que había de esperar a que Dios otra vez se le diese, y por eso se
detuvo tanto en esta declaración, de donde salieron dos de sus tratados
místicos, como en su lugar diremos. Lo mismo le sucedía a nuestra Madre santa
Teresa como ella lo dice por estas palabras: «Estos modos de oración sobrenatural, cuando Dios da el espíritu,
pónense con facilidad y mejor. Parece como quien tiene un dechado delante, que
está sacando de él la labor; más si el espíritu falta, no hay más concertar
este lenguaje que si fuese algarabía. Y así me parece es grandísima ventaja
cuando lo escribió, estar en ella, porque veo claro no soy yo quien lo dice,
que no lo ordeno con el entendimiento, ni sé después como lo acerté a decir
/8. Todo esto es de Nuestra Maestra. Estas canciones de materias místicas muy levantadas,
que en la cárcel hizo, movido y ayudado de la divina influencia, conservó en la
memoria, (porque no tenía con qué escribirlas), y también una noticia, que
llaman los autores místicos como por medio de un veto o niebla de los misterios
y sentimientos recibidos en la contemplación /9, para declararlos en otro
tiempo ayudado de nueva iluminación, y así lo hizo.
7 S.
TH. 22,q. 175,a.4 ad 3. Apud S. TH., 22,q.171,a.5.
8
S.TERESA, Vida, 14,8.
9
HUGO, De anima, L.III, cap. 46; RICHARDUS de S. Victore, De contemplation, L. 4,
cap. 23.
Unos
nueve meses había que Nuestro Venerable Padre padecía los trabajos de su cárcel,
con tan gran secreto de los Padres Calzados, que en todos ellos, no supieron
los Descalzos si era muerto o vivo. Mientras duró el invierno y la primavera
pudo pasarlo mejor en aquella gran estrechura. Pero después que entró el verano
le fatigaba el calor y era más penoso el mal olor, y se le aumentaron tanto las
demás incomodidades, que se le había quitado ya la gana de comer, y como la
comida era tan poco apetitosa no pocha atravesar bocado. Con esta flaqueza y el
continuo calor tampoco podía dormir, y así se iba consumiendo aprisa. Y aunque
el carcelero a cuyo cargo estaba entonces se condolía de él, no tenía licencia
para darle los alivios que había menester y se hallaba obligado además de las
razones de obediencia, por las de confianza a ser fiel a quien la había hecho
de él para esta guarda. Llegada la fiesta de la Asunción de nuestra Señora le
dijo la misma Virgen que se saliese de la cárcel que ella le ayudaría. Pero
aunque esto le esforzó, no vela orden para ejecutarlo habiendo tanto cuidado
con guardarle, y estando la cárcel cerrada con dos llaves. Después le dijo lo
mismo Cristo nuestro Señor, y representándole él las dificultades le respondió,
que quien había hecho que el Profeta Eliseo pasase con la capa de Elías por el
rio Jordán apartándose las aguas, le sacaría a él de todas estas dificultades que
había para salirse /1.
Estándose
regalando en la oración con las memorias de la Virgen en uno de estos días de
su octava, le mandé otra vez que se saliese, y le mostró en espíritu una
ventana alta que sabía de una galería del convento hacia el rio Tajo, diciéndole
que por allí se descolgase que ella le ayudaría. Y para la dificultad que él le
ponía de las dos cerraduras que tenía la cárcel, le dio la traza que él después
ejecutó, como veremos. Teniendo con tal favor por cierta su salida, quiso
mostrarse agradecido al carcelero por la piedad que con él había usado en
aquellos postreros días que le había tenido a cargo, e hizo con él, lo que él
mismo dice en su declaración por estas palabras: «Uno
1 IV Reg. 2,14.
de los postreros días que el santo Padre
estuvo en la cárcel me dijo que le perdonase lo que me había dado de trabajo, y
que en agradecimiento de las buenas obras que de mi había recibido tomase
aquella Cruz y Cristo que me ofrecía, que se la había dado una persona tan
santa, que además de la estima que se le debía por lo que era, la merecía
también por haber sido de tal persona. Era la Cruz de una madera exquisita y
relevados en ella los instrumentos de la pasión de Cristo nuestro Salvador; en
la cual estaba clavado un Cristo crucificado en bronce, y el santo la solía
traer debajo del escapulaño prendida al lado del corazón. Este don recibí del
santo Padre y todavía le tengo y le estimo en mucho, no sólo por lo que es, sino
también por haber sido prenda suya». Esto dice el carcelero, y de la estima en
que el Venerable Padre tenía esta cruz por ser persona santa quien se la había
dado; se deja entender que la había recibido de nuestra Madre Santa Teresa en
el Monasterio de la Encarnación donde le prendieron; y no dijo su nombre por
ser entonces muy aborrecido entre los padres de la observancia, como de
fundamento de la nueva reforma que a ellos los daba tanto cuidado.
Luego
el día siguiente al que la Virgen le había ordenado la salida, valiéndose de la
traza que le fue inspirada, como el carcelero hacha ya confianza de él para
dejarle llevar solo al oficio humilde el vaso que tenía en la celda, mientras
los religiosos estaban cenando y aquel cuarto solo, tuvo lugar para mirar hacia
donde caía la ventana que le habían señalado para descolgarse, por saber poco
de la casa como huésped, que siempre había estado preso; y era menester para
llegar a ella atravesar todo el cuarto. Porque la carcelilla está en la
frontera del monasterio que mira a la plaza de Zocodover. Y la ventana en la
galería de la parte contraria, que cae al rio Tajo. Habiendo reconocido, se
recogió a su cárcel y la cerró el carcelero. Cuando vino a darle de cenar,
mientras fue por agua, aflojó e! Venerable Padre las armellas del candado que
eran de tornillo; de madera que sin que el carcelero lo echase de ver quedasen
bien dispuestas para su intento. Y hecho esto, que él podía de su parte,
esperaba que la Virgen solicitadora de su salida ordenase lo que faltaba para ella
en la segunda puerta; y tenía ya hilo y aguja, prevenido de lo que el carcelero
le había dado para remendarse; y un candil que de noche le encendía el tiempo
que duraba la cena.
Ordenó
Dios para facilitar lo de la segunda puerta, que llegase allí aquella noche el
Padre Provincial y con su ocasión algunos religiosos graves de la provincia, y
por no haber bastantes celdas, aposentaron en la sala que estaba delante de la
cárcel a dos de ellos; y como hacia gran calor como en mes de agosto, y en
Toledo, dejaron abierta la puerta de la sala que salía a un corredor para que
les entrase fresco. Echó de ver esto el Padre Fray Juan de la Cruz desde la
celdilla, y entendiendo que lo había ordenado Dios así para su salida, comenzó
a tratar de ella, confiando en quien le animaba aunque más dificultosa
pareciese. Tenía ya cosidas las dos mantas por las puntas, y después a la una
de ellas una tuniquilla vieja, que le había dado por piedad el carcelero, y se
aprovechó de ella para esta necesidad, que esto no lo pudiera hacer a oscuras,
y prevenido el candil (de cuyo garfio[22]
se había de valer para asir a él las mantas en lo alto), se puso en oración
aguardando la hora de las dos de la noche, que le pareció más sola para salir
sin ser sentido de los Religiosos del Convento.
Llegada
pues la hora de las dos de la noche señalada para su salida, y vencidas algunas
de sus dificultades; se le ofrecia una muy notable para no poder dejar de ser
sentido. Porque la puerta que salía de la sala al corredor estaba junto a la de
la misma celdilla de la cárcel, y como los huéspedes habían hecho las camas
cerca de la misma puerta de la sala para estar más frescos, no podía salir de
la cárcel sino era pisándolos, ni abrir la puerta sin hacer mucho ruido con el
candado; y así le pareció imposible poder salir. Con todo esto le dieron en la
oración tanta prisa a que saliese, que se determiné a romper por todos los
inconvenientes y peligros fiado en Dios y en la protección de la Virgen que de
todos le sacaría en salvo. Habían estado hablando los dos religiosos muy gran
parte de la noche y como habla ya buen rato que guardaban silencio,
pareciéndole al Venerable Padre que ya dormirían, dio un fuerte empellón[23]
a la puerta de la cárcel, y saltando la una armella quedé abierta la puerta y
colgando el candado de la otra. Despavoridos con el ruido los dos religiosos,
dijeron: quién va? Pero el Padre Fray Juan se estuvo quedo hasta que se
tornaron a dormir; y como ellos no sabían el tesoro que allí estaba encerrado
se sosegaron y volvieron presto a tomar el sueño.
Cuando
al Padre Fray Juan le pareció que estarían ya dormidos, tomó las dos mantas y
el candil y se fue hacia la ventana señalada para el caso sin ser sentido de
los huéspedes aunque pasó pisándolos[24].
Y decía él después, que iba tan acompañado de la protección divina, que
interiormente le iban diciendo lo que había de hacer en los medios de esta
salida, de manera que él no hacía más que ejecutar lo que le decían. Tenía esta
ventana un cuartón[25]
de madera por antepecho[26]
sobre los ladrillos, y entre el cuartón y ellos metió el cabo del candil
dejando el garfio de él hacia la parte de fuera, y asiendo a él la una parte de
las mantas lo mejor que pudo, y encomendándose a Dios y a su Madre fue bajando
por ellas y después por la túnica. Y cuando llegó al cabo de todo pareciéndole
que ya estaría cerca del suelo se dejó caer; y no era así, porque todavía
estaba más alto de lo que habla pensado. Cuando estuvo abajo y vio el lugar
donde había caído sin hacerse daño se admiré mucho, porque era una punta del
muro de la ciudad sin almenas[27]
y lleno de piedras, que allí estaban labradas para el edificio de la Iglesia
del Convento, que cae hacia aquella parte, y todo tan acomodado para despeñarse,
que si se hubiera desviado dos pies más de la pared del convento, al caer diera
del muro abajo, que por aquella parte está muy alto.
Con todo
eso se halló allí harto atajado sin saber por dónde había de salir de la cerca
del convento, que todavía estaba dentro de ella y sabía poco de aquellos sitios
dificultosos para cualquiera, a aquella hora, aunque los tuviera muy
reconocidos. Y como no hacia luna y vela la altura del muro y oía de tan cerca
el ruido del rio Tajo, que por allí junto se va despeñando entre riscos de
entrambos lados, le daba todo grima. En esta suspensión temerosa vio cerca de
si un perro que estaba disfrutando los huesos, que estaban allí, del
refectorio, y pareciéndole que aquél le serviria de guia, le amenazó para que
huyese, y le fue siguiendo hasta que saltó a otro corral pegado al del
convento. Por allí le pareció que podía haber salida pero era la pared de más
de un estado en alto hacia la parte de abajo, y él estaba tan molido de la
mucha flaqueza y de la fuerza que hizo para asirse a las mantas que aun para
menearse no tenía aliento cuanto más para saltar paredes. Pero al fin, el
peligro en que estaba puesto y el favor y dirección que llevaba de la Virgen
por resguardo, le hicieron sacar fuerzas de flaqueza y animóse a bajar.
Cuando
se vio fuera ya de los limites del convento reconociendo el lugar donde estaba,
vio que era un corral del Monasterio de la Concepción de Monjas Franciscanas,
que el carcelero le había dicho que tenían por vecinas, y cala este corral detrás
de su iglesia, aunque no dentro de la clausura. Miré por todas partes si tenía
salida y todo lo halló cerrado, porque por los dos lados por donde este corral
mira al rio Tajo le cerca el muro de la ciudad edificado sobre unos grandes
riscos, por el otro lado tenía el Monasterio de los Frailes de donde él habla
salido. Y por la parte de arriba que mira a la ciudad, (que es por donde le
pareció que había salido el perro), le cercaba una buena pared sobre un vallado
tan alto, que con estar la pared calda cuando yo le fui a reconocer para
escribir esto, se podía entrar a él con dificultad. Aquí fue grandísima la
aflicción del Venerable Padre viéndose como encarcelado en otra prisión más
peligrosa que la que antes tenía, y que no podía salir de ella sin volver al
convento; aunque no perdía la esperanza, que quien le había sacado del primer
peligro le sacaría del segundo. Probó a gatear por la pared, pero sin provecho;
porque ni tenía fuerzas para ello, ni la salida estaba acomodada cuando las
tuviera.
Puesto
en esta aflicción, volvió a recorrer los otros lados perd no halló más
esperanza de salida que antes: y así la puso sólo en Dios suplicándole que
perfeccionase Io que había comenzado; pues fiando en él y obedeciéndole había
salido del convento. Cuando ya sus diligencias habían cesado, vio cerca de si
un luz muy hermosa rodeada de una nubecica que daba de si gran resplandor, y le
dijo: ¡ sígueme ! Con lo cual confortado la siguió hasta la pared que estaba
sobre el vallado en la parte alta, y allí sin ver quién, le tomaron y subieron
sobre la pared que sala a la portería de las Monjas y a la calle que va a la
plaza de Zocodover, y allí desapareció la luz dejándole tan deslumbrado que decía
después, que por dos o tres dias le habían quedado los ojos tan temerosos y
deslumbrados como cuando han mirado al sol en su rueda y los apartan de sus
rayos. De esta manera cuentan esta salida los testigos que se lo oyeron al mismo
Santo, y concuerda con lo sustancial de ella la declaración jurada de su carcelero,
del cual referiremos aqui algunas palabras que ayuden a verificar cuán
milagrosa fue esta salida.
Sucedió, (dice), en este tiempo que una noche
habiendo yo cerrado la puerta de la cárcel con su candado y llave, estando
recogido ya el convento, el siervo de Dios se salió de la cárcel por la puerta
a la sala, según después pareció, y desde el mirador se descolgó por una parte
muy alta y peligrosa, y tengo por milagrosa la manera de descolgarse, porque el
mirador no tenía reja[28]
ni hierro en que pudiese hacer fuerza para descolgarse; que no
era más que una paredilla de ancho de medio ladrillo y por remate un madero del
mismo ancho, para que pudiesen recostar sobre él los religiosos sin ensuciarse
los habitos; y este madero no tenía cosa que le pudiese tener fuerte de los
lados. Pues tomando el siervo de Dios el hierro de un candil le metió entre el
madero y el ladrillo y haciendo pedazos unas mantas viejas que tenta por cama,
ató él un pedazo al garfio del candil, y los demás unos a otros y al cabo una
tuniquilla vieja o pedazo de ella, y aún todo esto no llegaba al suelo con
estado y medio. Y esta bajada venta a caer a una parte tan peligrosa, que a no
caer derecho o resbalar un poco daba en un gran despeñadero, que con la obra
nueva todo estaba alterado.
Pues por aqui se descolgó el siervo de Dios
según juzgamos los demás Religiosos del convento y yo cuando el día siguiente
vimos que faltaba de la cárcel y colgados los retazos; y nos espantamos mucho
de dos cosas: la primera, de no haberse doblado el hierro del candil con el
peso de un cuerpo, bastando para esto sólo el peso de las mantas; la segunda,
que habiendo metido el cabo del candil entre el madero y el ladrillo de la
paredilla, no estando el madero fijado en parte alguna con fortaleza
suficiente; cómo no se había levantado y caído abajo, bastando también para
esto el peso de las mantas, cuando más el del cuerpo; y habiendo quedado todo
así como se ha dicho, sin desbaratarse el madero ni doblarse el mango del
candil metido allí simplemente; ni habiendo otra serial ni rastro de lo dicho
para saber que salió por aqui. Y como sé de cierto que no podía salir por otra
parte, tengo su salida por milagrosa ordenada de nuestro Señor para que su
siervo no padeciese más, y ayudarle a su reformación y descalcez. Y aunque a mí
me privaron de voz y lugar por algunos días, nos holgamos los Religiosos
particulares que se hubiese ido, porque teníamos compasión de verle padecer,
llevándolo él todo con tanta virtud. De esta manera refiere esta salida el Padre cárcelero
/1.
1 Se
llamaba Juan de Santa Maria.
Porque
estando nuestro Venerable Padre en este monasterio del Calvario dio principio a
sus tratados misticos, que tan gran luz han dado a la vida espiritual, es
forzoso detenernos un poco en esto. Habíale escogido Dios como por Angel primario
de nueva jerarquia, de quien habían de recibir iluminación los demás de ella, y
por esto, como le dio espiritu de Serafin en el amor, asi le infundió el de
Querubin en el conocimiento. Porque asi como el Querubin recibió de Dios tan
gran plenitud de sabiduria divina para comunicarla a otros, que le comparan a
un profundo estanque de sabiduria de Dios, donde la fuente etema mana
continuamente para que de él se reparta a otros, asi parece que lo fue también
en su manera nuestro Venerable Padre/1. Porque en vida fue su lengua como un
manantial perpetuo de esta sabiduria, y como un farol divino, que a todas horas
comunicaba resplandores de luz celestial y conocimiento practicó de Dios. Y
después de muerto hacen este mismo oficio sus libros: porque en ellos se halla
la noticia verdadera del camino llano y sin barrancos, por donde van a Dios
derechamente y con brevedad las almas contemplativas, y los que se gobieman por
ellos experimentan felizmente su acierto.
Este
camino enseñó la sabiduria eterna vestida de nuestra carne a sus Apóstoles, y
ellos la platicaron a san Dionisio, su discipulo, para que la comunicase a toda
la Iglesia, dando con ella a las almas un privilegio de incomparable dignidad,
para que desde las miserias de la tierra pudiese la criatura racional comunicar
estrechamente a su Creador y el siervo a su Serior; y gozar del Reino de Dios
que esti dentro de nosotros mismos/2. Y (para que lo digamos con palabras del
mismo san Dionisio), sentarse a la mesa con su Rey para ser participantes desde
la tierra de aquel convite perpetuo y opulento que hace a sus bienaventurados
en el cielo. Y estaba tan desusado este camino cuando nuestro Venerable Padre y
su ilustradisima compañera comenzaron a guiar por él las almas contemplativas,
que aunque habla
1 Ps-Dionysius,
De CH, cap.7, § ipsa. ALBERTUS MAGNUS, Ibidem.
2
Lc. 17,21
personas
espirituales que enseriaban en la oración la subida de Moisés al monte en que
se ejercita la meditación, que no comunica a Dios de cerca, cornu dice san
Dionisio declarando esta subida/3, no entraban dentro de la nube de la
contemplación donde él halló a Dios, ni disponian a las almas para percibir el
silbo de la marea delicada con nuestro Padre Elías donde Dios venia, que es la
misma contemplación, como declara san Gregorio/4; y asi no abrian la puerta a
esta comunicación intima de Dios, donde se reciben sin estorbos la iluminación
e influencia divina. De lo cual de queja nuestra Madre S. Teresa después de una
larga experiencia de dieciocho o veinte años que padeció grandes trabajos en
esto, como queda tocado en otra parte, y dice a nuestro propósito: «Lo que
nosotros podemos hacer en la oración, muchos hay que nos lo digan, pero lo que
Dios obra en nosotros no hay quien nos lo declare»/5. Dando en esto a entender,
que había muchos maestros de meditación sensible, (a que llamó el Apóstol
mantenimiento de nirios en la vida espiritual)/6, y ninguno de contemplación
intelectual, que es el manjar séelido de los hombres robustos, y el que
introduce en ellos las virtudes y dones infusos, cuando el entendimiento sujeta
su operación a la divina./7
Pues
queriendo nuestro Señor renovar en nuestro siglo esta antigua sabiduria de su
escuela, envia al mundo dos Querubines en carne, que como piedras cortadas de
la cantera celestial de los verdaderos contemplativos, que en los siglos
pasados tanto ilustraron la Iglesia de Dios, diesen fundamento sólido a la
escuela renovada de esta sabiduria divina, que fueron nuestra gloriosa Madre
Sta. Teresa, y el venerable Padre Fray Juan de la Cruz su compariero; ella por
maestra y guia de la Teologia mistica infusa, y él de la que con ayuda de la
gracia puede ser adquirida. Habiendo pues, nuestro Querubin bebido de la fuente
divina el espiritu y doctrina de san Dionisio, y después reconocidola en sus
libros la practicaban a sus discipulos con tan gran aprovechamiento de ellos,
que le importunaron mucho a que les dejase escrito algùn tratado de oración,
por donde se gobernasen cuando no le tuviesen presente. Y obligado de estos
ruegos escribió en este
3 Ps-Dionysius,
De CH, cap.15, S. Pen.
4 Ps-Dio.,
De MT, cap.l.
5 S.
GREGORIUS MAGNUS, Moral. L.5, cap.26.
6 Rom.5.
Cita equivocada por I.Cor, 3,2.
7 Ps-Dio.,
De DN, cap.7, $. 1.
Monasterio
el tratado que intitulée, «Subida del
monte Carmelo», donde antiguamente estuvo la escuela de esta divina
sabiduria. En el cual con admirable doctrina trabaja en desnudar al alma en la
oración, de todo lo que le estorba la unión con Dios, que es el paradero de la
vida contemplativa, y su última perfección comenzada en el destierro y
consumada en la patria/8.
Y
porque todo lo que entonces enseñaban los maestros espirituales a sus
discipulos no era más que meditación en actos continuados de la razón natural,
donde el alma ni habla con Dios sino consigo misma, ni tiene oración hasta que
pasa a la contemplación sencilla, como en otra parte vimos, no trató de ella
nuestro Venerable Padre, aunque es principio necesario para los que comienzan,
y asi la aconseja. Sino imitando a san Dionisio procuró declarar las tres
calidades que él pone para hacerse el alma presente a Dios y caminar
proporcionadamente a unirse con él. La primera, que la parte sensible, donde
residen las pasiones, esté limpia y desasida de toda atición de criaturas que
abata el alma a la tierra para no poderse levantar a Dios. La segunda, que el
entendimiento esté desnudo de las semejanzas de las cosas sensibles, que le
oscurecen y prenden como con cadenas impidiéndole la subida a Dios, y poniendo
medios entre él y el alma para estorbar su influencia con que ha de ser
perfeccionada. La tercera, que la voluntad esté ordenada a Dios para unirse con
él por amor o devoción/9.
Pues a
estas tres calidades con que se dispone el alma en la oración para recibir de
Dios los dones sobrenaturales con que se ha de unir a él, ordenó nuestro
Venerable Padre este tratado de la Subida del Monte Carmelo, que contiene tres
libros. En el primero de los cuales trabaja por desnudar el apetito sensible de
toda afición y asimiento de criaturas, tan a provecho de las almas, y con
doctrina y medios tan eficaces, que no se hallarán fácilmente en otro autor
espiritual. En el segundo libro procura desnudar al entendimiento de todas las
semejanzas conocidas, que le oscurecen y abaten para no poderse levantar a Dios
sobre si mismo, en que consiste la perfecta contemplación, ni recibir en su
pureza la iluminación divina y con ella el aumento de los dones sobrenaturales
en que consiste la perfeccién del alma. En el libro tercero, trata muy en
particular cómo se ha de ordenar a Dios nuestra voluntad, y apartarla de las
cosas criadas para que no se embarace en ellas y camine a unirse con Dios libre
de todas.
8 S.
TH., In II Sent., Dist.18, q.2, a.2.
9 PS-DIONYSIUS,
De DN, cap.3, 5.1.
Y
porque con ocasión de las grandes mercedes que nuestro Señor había hecho a
nuestra Madre Santa Teresa y a otras personas muy ilustradas, renovando en
nuestro siglo las maravillas antiguas, y dando nuevas muestras de su inmensa bondul
y del incomparable amor que tiene a los hombres, tomaba el demonio ocasión para
transformarse en ángel de luz, y engariar a gente inadvertida y poco humilde,
llevada del afecto de experiencias milagrosas, se opuso nuestro Venerable Padre
a este daño en el libro segundo de este tratado, con segurisima y admirable
doctrina, declarando con gran distinción las visiones y revelaciones sensibles
como intelectuales, que suelen recibir los contemplativos ilustrados; las que
se dan para utilidad propia, y las que se ordenan al aprovechamiento de otros;
las que son de mayor eficacia para la perfección de quien las recibe y las que
(son) de mayor peligro para quien las apetece; y cómo se han de haber en ellas
para lograr los efectos de las unas y evitar los peligros y engaños de las
otras; y les enseria cómo han de procurar la verdadera santidad, que consiste
en las virtudes con desasimiento de estas otras comunicaciones extraordinarias.
En todo lo cual de tan práctica y saludable doctrina, que con dificultad se hallar
tan provechosa en otro autor espiritual aunque sea de los muy serialados.
Otro
tratado escribió también en este tiempo para socorrer a almas afligidas en las
apreturas del espiritu, que intituló: «De
la Noche Oscura», el cual fue uno de los mayores beneficios que en nuestro
siglo y en los antiguos se han hecho a almas espirituales que caminan por las
veredas de la perfección; y en donde mostró bien que había recibido
aventajadamente el grado de maestro de la sabiduria divina que contó el Apóstol
entre las gracias, ”gratis datas”/10, por el cual, como en otra parte tocamos,
reciben los asi ilustrados, no sólo conocimiento de muchos y altisimos
misterios, más también habilidad para comunicarlos y decíararlos a otros/11.
Porque como el Venerable Padre había pasado por todos los crisoles más
apretados en que suele nuestro Serior purificar las almas que ha de unir
consigo, y visto en la suya a modo de Angel viador por especies infusas, los
efectos que la operación divina hacia en los más intimos senos de ella, escribió
este tratado con tan singular, y distinta luz práctica de estos trabajos
interiores, y de las grandes utilidades que se siguen de ellos y de como se han
de haber para lo
10 I
Cor. 12,8.
11
s. TH., 22, q.45, a.5.
grarlas,
que ya las almas que antes andaban como fluctuando en estas tormentas, sin
hallar arrimo de maestro que les supiese dar remedio en ellas, ni conociese el
camino por donde Dios las iba aventajando, tienen en este tratado, puerto
seguro para socorrerse en él contra las avenidas de recelos y aflicciones que
en este estado se padecen; y los maestros luz experimental cierta y segura con
que gobernar a semejantes almas. Porque lo que los Santos tocaron muy de paso y
a lo universal de estas purificaciones y trabajos, lo dijo nuestro Venerable
Padre muy en particular y con fijos fundamentos.
Y
porque le hacia mucha lástima lo que experimentaba de ordinario en almas de
oración, que al cabo de muchos años que se habían ejercitado en ella estaban aún
como nirios en la vida espiritual, sustentándose todavia con la leche de las
consideraciones sensibles sin abrir la puerta del alma al manjar sólido, que en
la contemplación divina se recibe, y hace a las almas robustas y perfectas/12,
(cosa muy reprendida del Apóstol san Pablo a sus discipulos), deseando nuestro
Venerable Padre alumbrarlas de este engaño y desmedro, no se contento con
persuadir con su doctrina los entendimientos de los contemplativos de la gran
diferencia que hay de verdadero aprovechamiento entre estos dos caminos, sino
también quiso que lo viesen con los ojos corporales como a lo palpable. Y para
esto dibujó el monte de la perfección que anda al principio de este tratado ya
impreso. El cual dispuso con tan admirable artificio, fundado en la doctrina
mistica y escolástica más acendrada, que cifró en él lo que santo Tomás dice de
las dos vidas; una de la ciudad terrena y otra de la celestial; y de los medios
por donde se va a ellas, para las personas doctas que supieren conocer la
excelencia y utilidad de esta doctrina, de las cuales ha sido este libro y
dibujo muy estimado.
Para
cuya verificación referiré solamente lo que el Padre Juan de Vicuña, Rector del
Colegio de la Comparña de la ciudad de Ubeda, persona de muy gran crédito en
letras y espiritu en la provincia de Granada, dice de este libro y dibujo en su
declaración jurada por estas palabras: «Yo
he leido todos los escritos del santo Padre Fray Juan de la Cruz una y muchas
veces, y me parece la doctrina de ellos una Teologia mistica llena de sabiduría
del cielo. Y claramente muestran la levantada y eminente luz que en su alma
tenta su autor, y cuan unida le traía a Dios: porque las cosas que allí
descubre lo muestran muy clam, y con haber leido yo muchos autores que
12
Heb . 5 ,4
han escrito, Teología mística, me Parece no
he encontrado doctrina más solida ni más levantada que lo que escribe el dicho
santo Padre Fray Juan de la Cruz. Y sé que los que lo leen sienten en su alma
grande luz en el camino espiritual; y yo aunque poco aprovechado confieso de mí
que siento esto cuando los leo; y así mismo siento un gran calor que me
allienta al amor de Dios, y por eso los estimo y venero y de ellos me aprovecho
para mí y para encaminar al cielo a otras almas que comunico, y para esto los
hice trasladar.
Y entre otros papeles suyos de este lenguaje
y sabiduria celestial vino a mis manas originalmente un montecillo de letra del
Santo, en el cual describe como subirá el alma a la perfección. El cual estimo
en mucho por ser original propio de este santo, y por lo que contiene de
excelente doctrina de espiritu. y lo presenté a la Señora Teresa de Zuñiga,
duquesa de Arcos, por un gran tesoro. Y sé que de los dichos libros andan
muchos traslados; y yo he hecho trasladar et dicho montecito y dándole a
diversas personas doctas y a otras que no lo son; y todos le han estimado, así
por lo que contiene como por la santidad de su autor”. De esta manera significa este
testigo la estima que hace a este dibujo las personas, que conocen la sustancia
de la doctrina en que se funda.
Estando
todavia en Granada Nuestro Venerable Padre se celebró en el Monasterio de San
Pedro de Pastrana el tercer capitulo Provincial de la congregación de los
Descalzos a dieciocho de Octubre del año de mil quinientos ochenta y cinco, en
el cual hizo oficio de Definidor; y como se había de elegir en él nuevo
Provincial, y el Venerable Padre había conocido tan alentado celo de perfección
en el Padre Fray Nicolás de Jesùs Maria, y tan gran caudal natural y
sobrenatural para oponerse a las grandes dificultades, que el nuevo electo había
de hallar, para poner en regla primitiva lo que en muy gran parte de la
congregación Descalza se había apartado de ella con la condición demásiado
blanda del Provincial; y su fuerte inclinación a extender los medios de la
comunicación de almas, puso los ojos en él para Prelado superior. Y hallando
bien dispuestos los ánimos de los demás, aunque el Padre Nicolás estaba
ausente, fue electo Provincial con aplauso no sólo del Capitulo, más también de
toda la congregación Descalza/1.
Procuró
luego el nuevo Provincial poner los hombros a la reformación de ella; y
pareciéndole que estando ya tan extendida por los reinos de Espaha, era
menester para que mejor se lograsen los efectos de su influencia universal, que
fuese ayudado de otros ministros más particulares, también superiores, nombró
Vicarios Provinciales de los principales reinos donde había conventos nuestros,
para que cada uno en su distrito cuidase de la observancia y perfección de los
que le tocaban. Y a nuestro Venerable Padre, le alcanzó el cuidar de la
Provincia de la Andalucia por elección que en él hicieron de Vicario Provincial
de ella, y hallándose el Padre Fray Nicolás apretado con grandes dificultades
procedidas del gobierno pasado, hacia a tiempos junta de los Vicarios
Provinciales para tomar consejo con ellos, y despachar algunos negocios graves
que renia represados. Y hallóse también con este socorro, que de aqui vino a
dar principio a la consulta de definidores que asisten de ordinario al Prelado
superior; porque entonces no duraban más que por el tiempo del Capitulo donde
se elegian; y esto baste haber tocado de los sucesos universales para nuestro
intento.
1 S.
BONAVENTURA, Opusculum de quaestionibus circa Regulam, q.29.
Viéndose
pues nuestro Venerable Padre con cargo de aquella provincia, procuró luego
reformar algunas cosas que antes le daban en rostro y no podiá remediarlas. La
primera fue moderar los medios de acudir a las almas fuera de nuestros
conventos, para que no se faltase a los de la propia obligación. Porque solían
los predicadores y confesores estar fuera de sus conventos predicando y
confesando por los lugares, la mayor parte de la Cuaresma y Adviento y otros
tiempos del año, faltando al recogimiento de nuestro estado, y a la oración
continua en nuestras celdas, que nuestra regla manda. Y puso en esto muy gran
esfuerzo con no pequeño sentimiento de algunos predicadores lúcidos, que en
aquella Provincia había entonces; y después ejercitaron harto la paciencia del
Venerable Padre. Procuró también que se celebrasen más a lo modesto y humilde
las solemnidades de los Santos, en que había demásiada ostentación, más propia
de Iglesias Catedrales que de religiosos Descalzos, que ha de ser gente de poco
ruido, y en quién resplandezca la devoción humilde, y no la que llama mucho el
concurso del pueblo. La misma moderación puso en los ornamentos, procurando que
fuesen también humildes y poco costosos, como convenia a nuestro estado y para
que no era menester cansar mucho a nuestros bienhechores, ni hacer muchas
salidas para procurarlos. Y a este propósito decia: que no queria nuestro Señor
que gente dedicada a tan gran desnudez y pobreza le sirviese con el adorno
suntuoso de las Iglesias ricas, sino que hasta en el altar resplandeciese con
la devoción la humildad y pobreza; y porque no eran conforme a ella algunos de
estos ornamentos hizo que se vendiesen.
Halló
también que se criaban los religiosos mozos con mucha flojedad y poco fervor de
espiritu, con una persuasión falsa que había introducido el amor propio entre
ellos, que la igualdad que en las comodidades profesamos corda también en los
trabajos, no teniéndose por más obligados los mozos a las ocupaciones de
trabajo que los viejos ya cansados. Lo cual demás de ser contra la regla que
juntó las edades con las necesidades, es aprehensión tan perniciosa que los
Santos muy experimentados en esto la ponen por disposición próxima de relajación
en breve tiempo de la Religión más reformada. Y asi trabajó el Venerable Padre
por despertar en su provincia aquella ejemplar y utilisima competencia, que en
los siglos antiguos había entre los mozos y viejos de nuestros Monasterios,
procurando los mozos con una filial piedad, descansar a los viejos como a
verdaderos Padres, y quitarles las obras trabajosas de las manos; y los viejos
dar buen ejemplo a los mozos con la humildad, obediencia, paciencia y otras
virtudes a que estaban más obligados por haber tenido más tiempo para
ejercitarlas y adquiridas/2. Y con esto, dando cada uno el fruto que a su edad
y fuerzas convenia, conservaron la perfección religiosa con admiración del
mundo tantos siglos. Y a los defensores de introducciones nuevas contra las
observancias antiguas, decía lo que nuestra Santa Madre en uno de sus libros:
si por este camino trillado de nuestros Padres, alcanzaron nuestros antiguos
las perfección y nombre de santos, yerro seria buscar otro ni pretenderle nadie/3.
Trató
asi mismo del modo provechoso de criar las nuevas plantas como tan
experimentado en esto. Liegando al Monasterio de los Remedios de Sevilla donde
había muchos novicios, de los cuales él había enviado algunos desde Córdoba,
halló que los más de ellos estaban malos, y algunos como lisiados de males de
cabeza; y examinándolo más de cerca, conoció que todo esto sucedia por
impericia del maestro, que por una parte no les practicaba la meditación
provechosamente; contentándose con hacerles plâticas generales, y dejándolos
que se quebrasen la cabeza con representación de figuras imaginarias, sin
espiritualizarles la oración para sacar con descanso provecho de ella; y por
otra parte los tenía recogidos en la celda todo el dia, y como si fueran ya
grandes contemplativos los retiraba de los ejercicios de la vida activa. Y de
aqui procedia que como les faltaba tan presto el ejercicio corporal a que
estaban acostumbrados, se llenaban de crudezas y malos humores, y por no saber
vacar tan continuamente a la oración lisiaban las cabezas, y con lo uno y con
lo otro perdian la salud. Y asi decía nuestro Venerable Padre al maestro, que
su magisterio comenzaba por donde había de acabar; que imitase a nuestros
contemplativos de la antigüedad, que cuidaban tanto de ejercitar los religiosos
mozos en el trabajo corporal, que cuando faltaban otras ocupaciones les hacian
mudar piedras de una parte a otra, y volverlas otro dia a su primer lugar, para
que con esto se hiciesen más robustos en el cuerpo y más virtuosos en el ánimo;
y con esto los disponian para la vida contemplativa. Porque en las obras
activas se adquieren las virtudes morales que enfrenan las pasiones, sin las
cuales podrán mal ser contemplativos, y se conocen mejor los naturales y sus
efectos para curarlos. Y tales medicinas les aplicó el Venerable Padre el
tiempo que estuvo allí, que los dejó reparados en la salud corporal y mejorados
en el espiritu.
2 S.
TERESA, Camino, cap.4,4.
3 S.
TH., In III Sent., Dist.35, q.1, a.3, q1a. 3.
Todas
estas cosas y otras que allí introdujo de reformación le costaron muy gran
dificultad y trabajo, unas veces de parte de los hombres que las querian
impedir con titulo de religión y caridad, y otras de parte del demonio, y en
algunas ocasiones hubo menester el favor milagroso de la Virgen, (cuya causa
hacia), para salir de los peligros en que el demonio le ponia, de que referiré
sólo dos casos. Caminando por su provincia una vez llevando por compañero al
hermano Pedro de Santa Maria, donado, llegó a un rio que se había de pasar por
vado, y venia algo crecido por haber llovido aquel dia; de manera que cuatro
arrieros estaban allí detenidos, esperando que menguase algo para pasarlo.
Quiso también aguardar nuestro Venerable Padre, y hallóse interiormente tan
movido a que pasase sin detenerse, que obedeciendo al espiritu, dijo al donado,
que aguardase a pasar con los arrieros, y entró en el vado. Yendo en medio del
rio se atravesaron entre las piernas de la cabalgadura unas malezas que traia
la corriente, y el demonio que ayudaba, como después se conoció, para que
pereciese allí su enemigo; con lo cual cayó en el agua la cabalgadura, y
también nuestro Venerable Padre con gran peligro de ahogarse. En este aprieto
llamó a la Virgen, y hallóla tan a mano para socorrerle, que apareciéndosele
con aquella hermosura con que alegra al cielo, le tomó de las dos puntas de la
capa y le llevó sobre el agua hasta sacarle a la orilla, con no poca admiración
del donado y arrieros que veian el efecto e ignoraban la causa, hasta que
después el Venerable Padre la manifesté a un grande amigo suyo, reconociendo lo
que debía a esta Señora.
Salió
también la cabalgadura, y caminó aprisa hacia una venta que estaba de allí
media legua, donde conoció la causa por que nuestro Serior le había movido a
que pasase, y también del estorbo que el demonio le había puesto, para que no
llegase en tan buena ocasión a la venta. Porque halló en ella una gran
pendencia entre el hijo del ventero y otro hombre que por allí pasaba, a quien
el hijo del ventero había dado una purialada mortal. Acudió luego a confesarle
y a disponerle para morir, y antes que entrase en la confesión le dijo, que era
Religioso profeso de cierta Orden, y estaba con mala conciencia fuera de ella.
Amonestóle a que no lo dijese por la honra de la Religión, y a que diese
gracias a Dios, que a tai tiempo le había traido ministro de su Iglesia, con
quien pudiese descargar su conciencia. Hizo su confesión, y en dos horas que le
duré la vida le ayudó a disponerse para la muerte; y tuvo otra experiencia más
de la inmensa piedad de Dios, que porque que aquella alma no se perdiese, le había
dado tanta prisa para que Ilegase a tiempo de socorrerla.
El otro caso fue que estando en este tiempo nuestro Venerable Padre en la fundación de nuestro Convento de Córdoba, se derribaba una pared para labrar la Iglesia, y habiéndola socavado por los cimientos, quisieron los oficiales derribarla con unas sogas hacia una parte donde al caer no hiciese daño; y ella inclinándose hacia la parte contraria, dio sobre la celda donde estaba nuestro venerable Padre y la hundió y derribó. Acudieron los peones y religiosos a quitar los materiales de la celda hundida, pensando que había estrellado y muerto a su Prelado, y después de haber quitado la madera, piedra y tierra, hallaron en un rinconcito al Venerable Padre vivo y sin ningùn daño, sino alegre y lleno de risa. Y preguntindole como se habia escapado de allí, no siendo aquél el puesto de la celda donde solia estar, respondió que habia tenido unos fuertes puntales porque la de la capa blanca le habla favorecido para quedar con vida y sin ningùn daño. Por lo cual entendieron que la Virgen le había preservado milagrosamente; a quien él llamaba la de la capa blanca, porque de esta manera daba a entender que la habla visto en sus apariciones y con el hábito de su Orden, como ahora aparece en la carne del mismo santo, segûn adelante veremos.
Como
desde que nuestro Venerable Padre se descalzó, imprimió Dios en su espiritu lo
que el mismo Serior dijo después a nuestra Madre Santa Teresa, que sus
Descalzos tratasen poco con seglares, y que predicasen más con obras que con
palabras, a esto mismo procuró siempre encaminarlos, deseando hacerlos
predicadores de buen ejemplo. De aqui venia que algunos menos inclinados al
recogimiento de la celda y al retiro de las comunicaciones humanas, sentian
mucho que el Venerable Padre ordenase la nueva congregación a tanta soledad y
silencio, pareciéndoles que con la comunicación y con el púlpito y confesonario
ejercitado a su modo, y no al de la Religión podián aprovechar a los projimos;
y asi los que iban por este camino se mostraban poco aficionados al Venerable
Padre. Serialáronse más particularmente en esto, dos religiosos graves y doctos
mostrándose sentidos de él, por haberlos mortificado siendo Provincial de
Andalucial, y aunque no he averiguado las causas de esta mortificación, persuádome
que no fueron haberlos castigado por delitos que hubiesen cometido, porque
entrambos eran religiosos virtuosos y ejemplares, sino que como eran predicadores
muy lucidos con inclinación a divertirse demásiadamente a esto, (porque el uno
faltaba meses enteros de su convento por estas ocupaciones), nuestro Venerable
Padre les debía de ir a la mano, para que acomodasen el celo de almas a nuestro
instituto y no a los ajenos, que esto predicaba siempre a los que se empleaban
en la utilidad de las almas.
Como
desde que nuestro Venerable Padre se descalzó, imprimió Dios en su espiritu lo
que el mismo Serior dijo después a nuestra Madre Santa Teresa, que sus
Descalzos tratasen poco con seglares, y que predicasen más con obras que con
palabras, a esto mismo procuró siempre encaminarlos, deseando hacerlos
predicadores de buen ejemplo. De aqui venia que algunos menos inclinados al
recogimiento de la celda y al retiro de las comunicaciones humanas, sentian
mucho que el Venerable Padre ordenase la nueva congregación a tanta soledad y
silencio, pareciéndoles que con la comunicación y con el púlpito y confesonaño
ejercitado a su modo, y no al de la Religión podián aprovechar a los pr6jimos;
y asi los que iban por este camino se mostraban poco aficionados al Venerable
Padre. Serialáronse más particularmente en esto, dos religiosos graves y doctos
mostrándose sentidos de él, por haberlos mortificado siendo Provincial de
Andalucial, y aunque no he averiguado las causas de esta mortificación, persuádome
que no fueron haberlos castigado por delitos que hubiesen cometido, porque
entrambos eran religiosos virtuosos y ejemplares, sino que como eran
predicadokes muy lucidos con inclinación a divertirse demásiadamente a esto,
(porque el uno faltaba meses enteros de su convento por estas ocupaciones), nuestro
Venerable Padre les debía de ir a la mano, para que acomodasen el celo de almas
a nuestro instituto y no a los ajenos, que esto predicaba siempre a los que se
empleaban en la utilidad de las almas.
Pues
como en este capitulo donde nuestro Venerable Padre quedé sin oficio, salieron
con prelacias estos dos religiosos, el Lino de Definidor de la Orden, y el otro
de Prior del Monasterio de la ciudad de Ubeda, como hombres beneméritos por sus
letras y virtud, comenzaron cada uno por su camino a ejercitar la paciencia de
nuestro Venerable Padre. Y estando él aùn en la Peñuela tenía avisos de algunas
cosas que en su mortificacién se iban trazando, de una de las cuales vio presto
el afecto. Porque tomando ocasión de que las Monjas justificaban su causa con pedirlo
por Comisario, según el
1 Quiere decir Vicario Provincial.
nuevo breve de que ya se hizo memoria, tratóse en el Definitorio que se lo quitasen de delante, y le enviasen a las Indias de la nueva España con doce religiosos a acabar de fundar aquella provincia, y poner en orden las cosas de ella. Y como tenía por una parte razón de conveniencia, y por otra habia tan buen solicitador dentro del Definitorio, (que entonces asistia en Madrid), se determinó así, a veinticinco de Junio del mismo año de mil quinientos noventa y uno.
Recibió nuestro Venerable Padre el decreto del definitorio y la orden de su jornada, y aunque de esta determinación se conocia fácilmente que los autores de ella le tenian ya como por estorbo y cosa sobrada en la Religión a que él habia dado principio, no le inquietó esto, antes se consolaba de que se comenzasen ya a cumplir sus deseos, que eran de padecer trabajos y menosprecios por el Señor, que tan grandes los habia padecido por él. Pero sentía mucho que de él se tuviese tan poca satisfacción, que no se persuadiesen, que aunque las monjas le quisiesen hacer su Comisario él no habia de aceptarlo, y que no habia de ser el primero que defendiese el estado en que su Santa Madre las había dejado. Sentia también mucho la inquietud que habia de causar en toda la congregación Descalza que echasen de ella como desterrado a las Indias al que era tan comùnmente amado en ella, y estimado por la piedra fundamental de la vida primitiva.Y que habian de echar la culpa de esto al Padre Vicario General Fray Nicolás de Jesùs Maria, a quien él amaba por su gran caudal y celo de Religión , y que habia de padecer su crédito sin culpa; porque bien sabía que no se movía por pasión, y que no en todas las acciones del Definitorio era Señor de los demàs votos. Y asi una de las cosas que mayor pena le dieron en esta persecución fue ver culpar al Padre Fray Nicolás, y con gran eficacia defendia su inocencia; y por excusar oír quejas del Definitorio y de satisfacer a ellas en los demás conventos, dio cargo al Padre Fray Juan de Santa Ana que fuese a Granada y a otras partes de aquella provincia a recoger los doce religiosos que habian de ir con él, con orden de que le avisase luego en estando prevenidos para partir a embarcarse, como ya se tocó en otra parte en la virtud de la obediencia.
Quiso Dios atajar esta jomada con unas calenturas que dieron al Venerable Padre estando él todavia en la Peñuela, de las cuales él hizo tan poco caso, que las llevó en pie más de quince días, aunque le venian cada día, sin querer comer carne ni otro alivio de enfermo, hasta que habiéndosele enconado mucho una pierna fue ya forzoso hacer caso de su enfermedad.
En este
tiempo le avisó el Padre Fray Juan de Santa Ana desde Granada que ya tenía
prevenidos los religiosos para pasar a la Nueva Fspaha, pero como nuestro Señor
le disponia para otra jornada mas larga no pudo tratar de aquella. lba dando
cuidado su enfermedad y teniendo noticia de ella el Padre Provincial de aquella
provincia, (que lo era entonces el P. Fray Antonio de Jesús, su antiguo compañero),
le escribié consolándole, y le envió una licencia para que se fuese a curar a
uno de los dos conventos de Ubeda o Baeza, que estaban entrambos a sels leguas
de la Pehuela, y escribió también al Prior que le enviase luego por la mala
comodidad que en el convento de la Peñuela había para curarle, por ser casa de
desierto.
Acerca
de la elección de estos dos conventos para irse a curar a uno de ellos dice el
P. Fray Diego de la Concepción, Prior que era entonces de la Peñuela estas palabras
en su declaración jurada: “Como fuese
forzoso llevar a curar a nuestro Santo Padre Fray Juan de la Cruz a otra parte,
yo como Prior del convento trataba que fuese al Colegio de Baeza y no al
convento de Ubeda por ser casa más acomodada, y estar en ella por Rector el
Padre Fray Angelo de la Presentación, gran amigo del Santo. Y por el contrario
el convento de Ubeda era fundacién nueva, y asi poco acomodada para curar
enfermos, y el Prior que la gobernaba era muy desabrido, y no muy afecto al
Santo. Pero él rehusó el ir a Baeza por ser el Rector su amigo, y ser él muy
conocido allí como fundador de aquel Colegio, y escogió el ir a Ubeda». De
estas palabras del Prior de la Peñuela, y de tan desigual elección en tiempo de
tan gran necesidad, se puede fácilmente conocer cuán esforzado era el deseo que
el Venerable Padre tenía de padecer trabajos e incomodidades por Dios, y cuán
desterrado estaba de su alma el amor desordenado de si mismo, pues aun en acción
tan justa de su comodidad le negaba. Había de ir a curarse también el hermano
Fray Francisco de San Hilarión, y como temia el ir a Ubeda, persuadia mucho al
Venerable Padre que no fuesen sino a Baeza dándole para esto fuertes razones;
pero él negoció que enviasen a Baeza al hermano, y perseveró en la ida a Úbeda.
Envióle
el Prior con un hermano donado e hizo esta jomada con notable fatiga por haber
ya dias que estaba enfermo y asi muy flaco, y tan desganado de comer, que había
muchos dias que no podiá atravesar bocado, y asi iba tan debilitado que no se podiá
tener en el jumento. Tras esto, como el humer de la enfermedad se le había
recogido a la pierna y estaba muy enconada, causábale et movimiento tan
intensos dolores que le parecia se la cortaban. Fueron tratando cosas de Dios
por el camino, para aliviar con esto los dolores y engañar el cansancio, y
llegando cerca del puente del rio Guadalimar, le dijo el hermano donado: a la
sombra del puente descansará Vuestra Reverencia un poco, y con la alegria de
ver el rio podrá comer un bocado. Respondióle el Venerable Padre: de muy buena
gana descansaré que llevo necesidad de ello, pero tratar de comer es excusado,
porque de cuantas cosas tiene Dios creadas, no apetezco nada, sino es una de
que ahora no es tiempo, que son unos espárragos.
Llegados
al rio apeóle el hermano del jumentillo, y sentóle a la sombra del puente junto
al agua, y continuaron sus plâticas de Dios a que les daba nueva ocasión la
claridad del agua y la frescura de la ribera, y estando en esto, vieron junto
asi sobre una peñuela, un manojo de espárragos atados con su mimbre. Espantóse
tanto de esto el hermano donado, (por ser a primeros de Septiembre, en cuyo
tiempo no se sabe que cosa es ver espárragos en aquella tierra), que el Padre
Fray Juan de la Cruz por quitarle la admiración, y para que no lo tuviese por
cosa misteriosa como lo parecia, le dijo: alguno
los debió de dejar aquí por olvido, o habrá ido a buscar más; mire por ahí si
aparece el dueño, porque no los llevemos sin su licencia. Dio vuelta el
hermano donado por aquellos cerros, y no viendo nada se volvió donde el
Venerable Padre estaba. El cual le dijo: pues no hallamos al dueño, ponga sobre
la misma piedra donde estaban los espárragos un cuarto, que es lo que parece
que valen, para que el dueño halle allí el precio de su trabajo cuando venga.
Con esto se partieron llevando sus espárragos, que no causó poca novedad en el
convento verlos en aquel tiempo.
Llegado
al Monasterio de Ubeda nuestro Venerable Padre fue recibido del Prior con
desabrimiento, y de todos los religiosos con gran alegria, porque toda la Religión
le amaba como a Padre de ella y le veneraba como a santo. Allí se le fue
agravando la dolencia tan aprisa, creciendo los dolores y extendióse el humor,
que no solo la piema estaba corrompida y afistolada, más también mucha parte
del cuerpo, y se le hacian entre cuero y carne unas bolsas de materia que le
iban consumiendo. Y porque tengamos alguna mayor noticia asi de su enfermedad
como de la tolerancia con que la llevaba, y por aqui conozcamos cuan esforzada
virtud ejercitaba en ella, referiremos algo de lo que el hermano Fray Bernardo
de la Virgen su enfermero dice de entrambas cosas. «Cerca de cuatro meses (dice) estuvo
el santo Padre enfermo de una enfermedad de erisipela[29],
que le dio en una pierna y con grandisimos dolores llevados con tanta paciencia
que a todos edificaba. Tenía cinco llagas en el empeine del pie en forma de
cruz, procedidas de la erisipela; las cuatro a los dos lados, y la mayor en
medio del mismo empeine. De las cuales salía tanta materia que a escudillas se
la sacaban y estaban tan afistoladas, que le atormentaban de dia y de noche; no
podía moverse ni rodearse a una parte ni a otra, porque se le habían afistolado
también entrambas pantorrillas y una cadera, y después se fue extendiendo el
mal por todo el cuerpo, de manera que lastimaba verle. Para poderse rodear tenía
una soga clavada en el techo de la celda a la cual se asía con entrambas manos
para poderse aliviar un rato.
Todo esto llevaba con extraordinaria
paciencia sin que se le oyese palabra ni cuando padecía los dolores, ni cuando
le hacian grandisimos rnartirios en las curas, sino con semblante sereno ofrecía
a Dios sus trabajos en una memoria continua de la pasión de Cristo, y le daba
gracias por ellos. Tenía consigo un Cristo de metal, y era tanto el amor con
que padecía, que algunas veces llevado del afecto se abrazaba con él
apretadamente, mostrando cuan en el corazón le tenta, y muchos ratos del dia se
quedaba en una contemplación quieta. Tan olvidado estaba de comer y beber, y de
otros alivios corporales que apetecen los enfermos como si filera solo espíritu,
y a todos pedía siempre que le encomendasen a Dios. Confesaba muy a menudo y
pedía con humildad al Prelado que le hiciese dar el Santisimo Sacramento; y en
todas sus palabras, obras y espiritu daba muestras de un gran canto. Cualquiera
cosa que se hacía por él agradecía mucho, y a los que trabajaban en su
enfermedad les estaba siempre pidiendo perdón. Y asi cuando me levantaba de
noche a ayudarle en algo, (que era muchas veces por ser grande su necesidad),
no acababa de rogarme que le perdonase ; y muchas veces sufríra sus
aprietos sin manestarlos por no desasosegar a nadie”. Estas y otras cosas dice a
este propósito su enfermero.
De esta
paciencia con que llevaba todos estas males y dolores dice el Padre Fray
Bartolomé de san Basilio, religioso de aquella provincia, que asistió mucho a
su enfermedad estas palabras: Todos los
dolores y martirios de esta enfermedad llevaba el Santo Padre, no sólo con
paciencia más también con alegria, y al parecer con deseo que no se acabasen
tan presto; porque cuando apretado se hallaba de los dolores solfa decir:
«"Haec requies mea in soeculum soeculi"», como pidiendo a Dios que el
padecer por él fuese eterno. Y en todo el tiempo que la enfermedad duré no hubo
quien le oyese palabra que no fuese para alabar a Dios por su dolencia, y por
lo que en ella le daba que padecer, y siempre parecia que estaba en oración.
Demás del mal que todos tenían ya conocido, otros padecía en el cuelpo que
procuraba disimularlos hasta que los echaban de ver los que acudían a curarle.
Como sucedió una vez que yo le tomé en brazos para ponerle sobre un colchón
mientras le hacía la cama, y habiéndola hecho cuando quise volverle a ella, me
pidió que le dejase a él volverse como pudiese, y fuese arrastrando basta su
camilla; lastimándome yo de verle ir asi, le dije: que por qué me había querido
dar aquella mortificación en no dejarme que le ayudase; y por quitarme el
sentimiento me respondió que lo había hecho porque tenía malas las espaldas.
Con esta ocasión quise verlas y hallé, que tenía en ellas una gran apostema de
que otro dia le sacaron mucha materia. Y entonces conocí que cuando me abrazé
de él para mudarle le causaría grandísimo dolor, y con tener allí tanto mal,
había callado sin quejarse, ni aun cuando le apretaba para mudarle, que era
forzoso que el dolor le penetrase basta el corazón». Todo esto es de este
testigo.
Pondera
también en su declaración el Padre Fray Fernando de la Madre de Dios, Subprior
que entonces era de aquel convento, que se halló presente cuando el Licenciado
Villarreal, (que era el cirujano que curaba al Venerable Padre), le abrió con
unas tijeras desde el talón del pie hasta la pierna más de un jeme, y que
siendo forzoso que le causase esto, dolor muy intenso, no se quejó ni mostró
sentimiento; y que habiendo asistido asi mismo a otras curas donde le cortaron
pedazos de la pierna, en todo estuvo el Venerable Padre con tanta paciencia y
sufrimiento como si en otro y no en él se hiciera la cura. Pero quien más conocía
esta paciencia y la ponderaba por cosa rara y como milagrosa era el mismo
cirujano, porque penetraba mejor la gravedad de la enfermedad; y asi me dijo
como admirado algunas veces que no era posible haber podido sufrir tantos
tormentos si con virtud muy sobrenatural no hubiera sido socorrido para ello.
Con todo eso, era tanto mayor el deseo de padecer trabajos y dolores por Cristo
que lo que padecía, que procuraba llevar aquellos a secas y sin alivio, porque
la pena y aflicción no se le disminuyese; y cualquiera cosa de comodidad o
consuelo que no fuese precisamente necesaria para conservar la vida, (a que él
por ley natural estaba obligado), de ninguna manera la admitia, como se vio en
el ejemplo de la música, que en otra parte queda referido.
Entraban
los religiosos a verle no sólo por piedad sino también por edificación, y decían
que para representar a Job con toda propiedad en su persona, no le faltaba más
que la teja con la que se raja los gusanos; porque asi en la dolencia y
mortificaciones como en la paciencia era retrato suyo, y un raro ejemplo de
esta virtud para los que le miraban, y asi con él como con sus palabras les
predicaba tan altamente, que salian de allí como renovados y haciendo grandes
propósitos de perfección, y todo el convento parecia que andaba lleno de
fervor, porque sus palabras pegaban el cielo celestial de que él estaba
abrasado. El mismo provecho sentia el médico, y asi venia a entretenerse con él
algunos ratos, por lo que se consolaba de oirle hablar de Dios. y a mi me decía,
y lo declaró después en su dicho, que aquella comunicación del Venerable Padre
le había trocado en otro hombre.
En
muchas cosas se echaba de ver la licencia que el demonio tenía de Dios para
afligir a nuestro Venerable Padre, segùn fueron muchas las piedras que para
esto movió en este tiempo, muchas de las cuales pasamos de propósito en
silencio. Una, (a que no podemos huir el cuerpo sin agravio de la virtud de nuestro
santo), fue: las continuas mortificaciones que el Prelado del Convento le
hacia; las cuales fueron tan grandes y tan fuera de toda piedad humana, que se
conocia fácilmente el autor que las movia, y que las permitia Dios para hacer
nuevas pruebas heroicas en nuestro siglo de la paciencia y fortaleza de este
siervo suyo, como las había hecho en los siglos antiguos de la del santo Job,
en cumplimiento de los grandes deseos que tenían de padecer por su amor; porque
estando el enfermo tan lleno de llagas y dolores, y sufriéndolas con tanta
modestia y mansedumbre que pudiera dar lástima al consorte más cruel de nuestra
naturaleza, cuanto más a una persona tan religiosa como el Prior era; pero se
vestia de un ánimo tan riguroso contra el enfermo, que no parecia él quien le
ejercitaba sino el demonio vestido de su figura; y asi el gran extremo que había
en esto le servia de disculpa, refiriendo los religiosos a causa superior lo
que no parecia pudiera suceder por camino ordinaño, y que Dios lo permitia para
mayores bienes del enfermo.
Y
porque algunos llevados de particulares afectos poco favorables a la verdad,
quieren deshacer estos trabajos de nuestro Venerable Padre, alegando para esto,
que no era posible que en una religión donde tanto se cuida del regalo y
comodidad de los enfermos, aunque sean donados de dos dias de hábito, sin
alegar pobreza ni reparar en gasto, hubiese tan notable falta de piedad con el
Padre comtan de ella en tan apretado caso; y con esto procuran a oscurecer los
finos resplandores de su corona con agravio de nuestra imitación privándola de
tan raro ejemplo de paciencia; referiré aquí fielmente algunas de las palabras
que algunos de los testigos de vista dicen en sus declaraciones juradas acerca
de esto.
Uno de
estos es el Padre Fray Diego de la Concepción, Prior que era entonces del
Monasterio de la Peñuela, cuyas palabras son éstas: “Después que el Venerable Padre estuvo en Ubeda le fui a visitar y vi
que padecía gravísimos dolores del mal de la pierna, que estando allí se le
abrió y los llevaba con gran serenidad y gusto como si no padeciera nada. Con
la misma paciencia y alegria llevaba la condición del Prior de aquel Convento,
que con deberle mucho al santo no hacia con él lo que tenía obligación, y a mi
me pareció que lo tenía de mala gana en su convento, llorando y gruizendo lo
que comfa. Y como vi esto dije un dia al Prior que no llorase lo que con aquel
santo gastaba, ni lo gruñese, ni mostrase mala cara de hombre apretado y mal
acondicionado con falta de caridad en caso semejante; y más habiendo ya una
persona devota que se ofrecía a enviarle de su casa las cosas necesarias de
regalos, y que si esto no bastaba porque él no lo gruñese lo enviaria desde mi
convento. Y asi en llegando a él le envié cuatro fanegas de trigo para el gasto
de los religiosos, y seis gallínas para el enfermo; y como le vi padecer tanto
con la condición del Prior, me admiré que un hombre de tantas partes como él
era, usase de tal término y sequedad con una persona tan santa, a quien yo sé
que tenta muchas obligaciones. Y asi me pareció lo permitía nuestro Señor para
mayor mérito y corona del santo, y que aun en hijos suyos hallase tan gran
materia de paciencia». Esto dice este testigo de vista en declaración
jurada en manos del Obispo de Jaén para las informaciones de su beatificación.
Al
mismo propósito y también debajo de juramento dice el hermano Fray Bernardo de
la Virgen enfermero del Venerable Padre en esta enfermedad, las palabras
siguientes: “Estando malo en Ubeda el
santo Padre Fray Juan de la Cruz tenía muy gran repugnancia con el Prior de
aquel Convento, y era de suerte que al parecer en todo lo que podiá hacerle molestia
se la hacia, aun en la enfermedad larga y penosa de que murió; mandando que
nadie le entrase a ver sin licencia expresa suya, y él entraba muchas veces en
la celda del enfermo y le decía siempre palabras de mucha pesadumbre,
trayéndole a la memoria cosas pasadas como vengándose. Y es el caso que siendo
el Venerable Padre Vicario provincial de la Andalucia, le debió de mortificar
en algo, y por eso dio en molestarle tanto, que eran increíbles las cosas que
acerca de esto pasaban; y fue de manera que por saber el Prior que yo como
enfermero regalaba al Venerable Padre y acudía a sus necesidades me quitó el
oficio de enfermero, poniéndome un precepto que de ninguna manera le acudiese
en nada. Viendo yo esta violencia y haciéndome lástima al enfermo, envié un
propio al Padre Provincial, (que lo era entonces el Padre Fray Antonio de
Jesús, el viejo), avisándole de lo que pasaba. El cual vino luego al punto a
Ubeda y reprendió al Prior con palabras pesadas su poca piedad, y estuvo allí
cuatro o seis días regalando al enfermo, mandó que todos le visitasen, y le
acudiesen en todo lo que pudiesen; y a mí me tornó el oficio de enfermero, y me
mandó que acudiese al enfermo con toda caridad, y que si el Prior no diese lo
necesario, que buscase, yo los dineros que fuesen menester, y le avisase, que
él los enviaría luego. En todas estas ocasiones de pesadumbre, que fueron
muchas, nunca jamás oí decir al enfermo una palabra contra el Prelado, antes
las llevaba todas con la paciencia de un santo».
Todo
esto dice el enfermero en esta declaración, y examinándole yo más en
particular, me dijo otras muchas circunstancias que agravaban más la aspereza
del Prelado, y descubrian más la aflicción y paciencia del enfermo: como que no
contentándose con las mortificaciones que le hacia por medio del enfermero,
negando las cosas que al enfermo podián ser de alivio, y enviando a decir con
otros religiosos al mismo enfermo cosas muy pesadas y desabridas, el mismo
Prelado entraba algunas veces en su celda, no a consolarle como lo hacen de
ordinario otros prelados con sus enfermos, sino a decirle palabras ásperas y
afrentosas, indignas de persona tan santa y venerable: como que era un
religioso imperfecto y relajado que destruía la Religión, mirando mucho por sus
comodidades, y regalándose demásiadamente. todo lo cual era tan al contrario,
que era menester que el enfermero adivinase sus necesidades y menguas para
poder acudir a ellas. Si algunas personas devotas le enviaban algunos regalos
por la noticia que tenían de su santidad y enfermedad penosa, se los volvia a
enviar y a decirles, que para el mal que el Padre Fray Juan de la Cruz tenía le
sobraba un poco de carnero. Otras veces admitia estos regalos, y mandaba que
diesen noticia de ellos al enfermo, pero no se los daban ni aun para probarlos,
que era mortificación mayor que no recibirlos.
Lavábanse
las vendas y paños que le sacaban de las llagas en casa de unas personas
devotas y muy virtuoses, por no poderse lavar cómodamente en el convento, y
porque venian muy limpias y aseadas, estuvo determinado a que no las lavasen más,
diciendo que era mucho regalo, y por ruegos de algunos religiosos disimuló con
ello. Tenía prohibido con gran rigor que ningún religioso visitase al enfermo
sin expresa licencia suya, y cuando se la pedian para esto, la negaba,
particularmente a aquellas personas de que él sabla que gustaba más el
Venerable Padre. Y finalmente tales eran sus obras y palabras en este tiempo,
que no parecia que era el autor de ellas, sino alguna furia infernal para
provocar a aquella alma santa a alguna impaciencia. Y el mismo Prior, después
de muerto el Venerable Padre, reconocia cuán fuerte tentación habla tenido en
esto, y que se habla dejado gobernar de lo que el demonio le persuadia, y se
lastimaba mucho de haber hecho padecer tan graves mortificaciones a un santo,
que se habla entrado por sus puertas a socorrerse de su piedad en tan grandes
trabajos. Muchas de las cuales mortificaciones se moderaron con la venida del
Padre Provincial, y con la orden que dejó para que sin dependencia del Prior se
acudiese piadosamente a las necesidades del enfermo, y le pudiesen visitar a
cualquier hora todos los religiosos.
Todas
estas cosas y otras muchas que se callan duras de sufrir, llevaba el Venerable
Padre con tan heroica paciencia, que sin consentir que se dijese palabra en
agravio del Prior le disculpaba, haciendo con mayor diligencia razones en favor
suyo, que el amor propio las suele hacer para las propias disculpas; y a los
que vela desconsolados y afligidos por lo que el Prior con él hacia, los
consolaba y quietaba. Y no solo esto sino también procuraba por caminos que podía,
soldar algunas quiebras que habla en el gobierno de la casa, porque el Prelado
de ella no se desacreditase con los superiores. De los cuales oficios hablan
también los testigos en sus declaraciones, y uno de los que más le asistieron
en esta enfermedad, (que fue el Padre Fray Bartolomé de San Basilio), dice
acerca de esto estas palabras: «No sólo
fue el Venerable Padre Fray Juan de la Cruz en Ubeda, de consuelo para todos
los religiosos, más también de gran provecho para la perfección de ellos, por
haber entonces poca paz en el Convento, estando los religiosos exasperados con
la condición y poca experiencia del Prior; y con la Ilegada del santo se
alentaron mucho a la perfección, y se sosegó todo, no obstante que el Prior
proseguía en su natural inclinación; la cual le moderaba el santo Padre por una
parte y por otra y exhortaba a los religiosos a tolerársela. Pero en las cosas
que el Prior hacia con él, jamás le habló palabra de queja ni sentimiento, ni
la dijo a nadie, antes lo llevaba con gran silencio y tolerancia». Todo
esto es de este testigo, y éste es el modo de proceder de los hijos de Dios que
son movidos de él en todas sus acciones, como dijo el Apóstol, y lo declaran
los santos, llamándolos dioses por participación y que obran a lo divino /1.
1 S.
TH., In III Sent., Dist. 34, q.l.a. 3.
Estando,
pues, nuestro Venerable Padre hecho un lastimado Job lleno de llagas, de
dolores, y de intolerables mortificaciones llevado todo con invencible
paciencia y mansedumbre, tan sin gana de comer que no podiá atravesar bocado de
sustento, y sobre todo con unas calenturas tan ardientes que le abrasaban las
entravas, movió Dios a una Señora principal de aquella cuidad, llamada Doña
Clara de Benavides, mujer de Don Bartolomé de Ortega para que cuidase de regalarle.
Porque aunque no le conocía estaba muy edificada de lo que el médico y otras
personas le decían de la paciencia con que llevaba tan rigurosa enfermedad.
Tratólo con su marido y viendo que gustaba de ello tomá tan por cuenta suya el
regalo del enfermo, que era extraordinaño el cuidado que en esto ponía, y en
saber lo que era más a propósito para sus comodidades sin perdonar costa ni
trabajo; y era tan crecida esta piedad que Dios había impreso en su alma, (la
cual ella reconocía por gran beneficio suyo), que estando su marido malo en
este mismo tiempo, y amándole con amor más que ordinario, parece que se
olvidaba de él por acudir al Padre Fray Juan de la Cruz, según el consuelo que
Dios le daba en esto.
Decíame
a mí, (después de haberlo dicho en una declaración jurada), algunas
circunstancias que en esta piedad cuidadosa sucedían con que parecia que
nuestro Señor le pagaba luego de contado lo que trabajaba en esto. A cuenta de
las cuales ponía este consuelo tan grande que sentía en su alma con cualquiera
cosa que para esto se ordenaba; el buen logro[30]
que tenían todas sus diligencias y la facilidad con que se acomodaba todo lo
que para ello era necesario; porque por rara y extraordinaria que fuese la cosa
que para el Padre Fray Juan de la Cruz se buscaba la hallaba como a la mano, y
cosas muy fáciles y ordinarias que buscaban para su marido se hallaban con
dificultad o no se hallaban. Para aquello estaban las tiendas abiertas de noche
aunque fuese muy tarde, y para esto solían hallarlas cerradas algunas horas
antes, de manera que hasta sus criados lo notaban. Si para el P. Fray Juan de
la Cruz había de sacar sustancia de alguna ave salía doblado que de otra
semejante cuando la sacaba para su marido. Y a este modo, sucedian otras cosas
tan notables que conocía en ellas, (cuando no tuviera otros fundamentos de fe),
cuándo Dios se agradaba de aquella su diligencia.
También
alcanzaba parte de esto a las criadas que se ocupaban en ayudarla a guisar y
aliñar lo que se había de enviar al Venerable Padre: Porque andaban en esta
ocupación con tanta alegria y consuelo, que tenían por gran favor que Doria
Clara las ocupase en esto, y como a porfia andaban trabajando en ello. Esta
piedad y sus efectos se recibía en el convento sin contradicción por la larga
licencia que el Padre Provincial había dejado al hermano Fray Bernardo de la
Virgen, para acudir al regalo del enfermo sin dependencia del Prior; pero al
cabo de algunos dias que se guisaba la comida en casa de Doria Clara conoció el
Venerable Padre, aunque se lo callaban, que no eran guisados aquellos del
Convento, y averiguando el caso parecióle que era esto dar principio a alguna
relajación, y que importaba menos que él muriese que ser causa de dejar una
mala costumbre introducida; y con el celo de reformación que siempre tuvo, de
ninguna manera consintió que se guisase la comida. Y asi desde entonces enviaba
Doria Clara largamente lo que era necesaño para el regalo del enfermo, y en el
convento se guisaba, y también enviaba patios e hilas para las llagas. Entonces
conocieron mejor las criadas quién les enviaba el consuelo que en esta ocupación
sentian, y lastimábanse tanto de verse privadas de ella, como si cada una
hubiera tenido alguna gran pérdida de cosa que mucho estimara, y tenían por
particular castigo que Dios les hubiese quitado la ocasión de servir a aquel
santo, que de esta manera le nombraban.
Era el
enfermo tan agradecido a cualquiera beneficio que le hacian, que como eran
tantos los que de estos bienhechores recibía no se hartaba de darles gracias
por ellos, y pagábaselos en buena moneda encomendindolos a Dios de dia y de
noche. Viéndole Doria Clara tan reconocido a su cuidado, le envió a pedir que
suplicase a Dios que le diese buen parto, porque estaba muy prefiada y
temerosa. Y el Venerable Padre después de haberlo encomendado a Dios le envió a
decir que perdiese el temor, porque tendria buen parto, y lo que pariese
gozaria de Dios; y asi se cumplió porque tuvo un parto facilisimo y parió una
niña que antes de un año murió, y fue a gozar de Dios. No solo en esto mostró
nuestro Serior la particular providencia que tenía de su siervo en esta
enfermedad, sino también en otras muchas cosas, cuidando de sus comodidades a
la medida que él se descuidaba de ellas.
Una muy
notable fue, que como eran tantos los patios que eran necesarios para sus
Ilagas, y los sacaban a menudo tan llenos de materia para mudárselos, que ya en
el Convento no se podiá dar bastantemente recado a esto, lo facilit6 Dios
moviendo a dos doncellas virtuosas de aquel barrio, llamadas Inés y Catalina de
Salazar para que se encargasen de lavar estos paños por la gran opinión que ya
corría de la santidad del enfermo. Y dicen ellas en sus declaraciones juradas
por cosa misteriosa que siendo de su natural asquerosas, y mucho más Inés de
Salazar por tener muy delicado estómago: y traerles espuertas llenos de estos paños
y tan bariados de materia, como si los hubieran metido en un estanque de agua,
y algunas veces envueltos en ellos pedazos de carne de la que le cortaban de
las heridas afistoladas, jamás sintieron asco ni pesadumbre con ellos, ni tenían
mal olor ninguno. De lo cual se admiraban tanto conociendo la flaqueza de sus
estómagos, que hasta hoy les dura esta admiración.
El
consuelo que en esta ocupación les daba nuestro Señor era tan grande y hachan
tan alto aprecio de ello, que lo significó Catalina de Salazar en su declaración
con estas palabras: Tan sin asco nos
hallábamos cuando lavábamos estos paños Ilenos de matería, como si tratáramos
flores con las manos; porque nos parecía cuando los tomábamos en ellas que no
tocábamos cosa solamente de la tierra, sino que tenta un no sé qué del cielo; y
que éste fuese paticular privilegio concedido por nuestro Señor en favor de su
siervo, se conoció mejor una vez que con los paños del Padre Fray Juan de la
Cruz había mezclados otros de una llaga que el Padre Fray Mateo del Sacramento
tenía en una espalda: porque en recibiendo la espuerta de todos estos paños
Inés de Salazar, sintió un olor malísimo y tanto asco con él, que se le
revolvió luego el estómago, de manera que no pudo lavarlos y dijo a Maria de
Molina su madre: o el Padre Fray Juan de la Cruz tiene algún nuevo accidente
mortal, o con estos patios vienen algunos de otro enfermo. De allí a un rato
vivo a su casa un hermano donado, y preguntándoselo dijo cómo venían entre
aquellos patios los del Padre Fray Mateo, los cuales pudieron apartar fácilmente
de los otros por sólo el mal olor.
Este
gran consuelo que las dos hermanas tenían con esta piadosa ocupación, y lo que
entendían que agradaba a Dios en ella, creció tanto, que deseando cada una ser
preferida en el trabajo y en el merecimiento, tuvieron una virtuosa competencia
sobre cual de ellas había de lavar los paños, no queriendo la una dar a la otra
parte en esto. Púsolas su madre en paz ordenando que una vez los lavase la una,
y otra vez la otra, porque entrambas ejercitasen la piedad y devoción. Después
codició el mismo empleo Doria Clara de Benavides, asi por su consuelo como por
el de sus criadas, que sentian mucho el que les habían quitado de ocuparse en
cosas del enfermo, y pretendió que le llevasen los paños a su casa. Pero las
dos doncellas y su madre alegaron su posesión, y fue el pleito al Padre Fray
Juan de la Cruz para que lo sentenciase. El cual estaba tan agradecido a la
curiosidad y limpieza con que las dos doncellas se los enviaban, y al cuidado y
devoción que en esto mostraban, que envió a pedir a Doria Clara que se
contentase con la gran caridad que le hacha, sin querer aumentarla por tantos caminos,
y asi se hizo. Esto de no sentirse mal olor y asco con la materia que salia de
las llagas del Venerable Padre, muchas personas lo advirtieron por cosa muy
notable, y lo refieren con admiración en sus declaraciones. Porque con ser tan
pequeña la celda en que estaba el enfermo, y tanta la materia que de sus llagas
salia, que bastaba para inficionar un hospital entero; de ninguna manera se
sentía mal olor en ella, ni cosa que pudiese dar enfado. Todo lo cual les
parecia que no podiá ser cosa natural en un cuerpo tan corrompido.
Al que
ha alcanzado ya la perfección de las virtudes, dice san Bernardo que le falta
todavia una calidad para ser perfectamente feliz en esta vida: la cual es, que
siendo bueno le tengan por malo; para que del todo se parezca a Cristo nuestro
Serior; pues no puede haber mayor felicidad y excelencia para una criatura que
ser semejante a su Criador. Pues esta felicidad de gente perfecta y esforzada
que faltaba a nuestro Venerable Padre Fray Juan de la Cruz para ser del todo
consumido en la perfección de esta vida, se la concedió nuestro Señor al fin de
ella: que siendo tan bueno en todo género de bondad, le tuviesen por malo. Y
asi mirando la rara perfección y excelencia de su vida, y la profunda humillación
y abatimiento de su muerte, fue este esclarecido varón uno de los retratos de
Cristo más parecidos a su divino original que hallamos entre todos los santos
confesores.
Combatió
el demonio en este tiempo con tantas tormentas la navecica primitiva, que si no
tuviera a Dios por principal piloto diera con ella a fondo; y asi tuvo bien que
hacer el gran caudal, valor y prudencia con heroico celo de religión, del Padre
Fray Nicolás de Jesùs Maria, que entonces la gobernaba, porque todo el infierno
parece que se había juntado contra ella, y entre otros medios caseros que tomó
para esto la inquietud de un Religioso grave. Habíase comenzado ya en este
tiempo, y siendo para ella necesario hacer ciertas averiguaciones en tres o
cuatro conventos de los dos reinos de Granada y Sevilla, nombró el definitorio
para esta diligencia uno de los definidores tan poco aficionado a nuestro
Venerable Padre, como ya tocamos. Y como la pasión cuando es vehemente, ciega
la razón para que le parezca conveniente lo que la pasión propone/1, vistióse
ésta en él, de celo de religión, y engariándole como suele engariar a muchos,
le pareció que pues no había pasado adelante la traza que él había fomentado de
enviar a Indias a nuestro Venerable Padre, que todavia quedaba en pie el
peligro de echar mano de las Monjas para hacerle su Comisario, y que asi se
haria gran servicio a la Religión en desacreditarle de trato sospechoso con las
Religiosas, para que con esto no pudiese ser su prelado.
1 S.
TH., De Verit q.26, a.10.
Con
este pensamiento aunque su comisión era limitada para sola la diligencia de
aquel religioso, y le calificaron con nombre de Visitador para darle más
autoridad, en viéndose de la otra parte de Sierra Morena, parecióle alargar su
potestad y hacer información contra el Padre Fray Juan de la Cruz, y para esto
se fue a Granada donde el Venerable Padre había asistido más; y atropellando
las leyes divinas y humanas, comenzó a inquirir rigurosamente su vida, excediendo
en la potestad porque no tenía comisión, y en el modo de ejercitarla, que fue
por modo de inquisición; para lo cual era necesaño que hubiese infamia
clamorosa y acerca de personas prudentes y virtuosas, sin la cual no podiá
inquirir delitos de persona particular, ni los testigos deponer en su agravio/2.
Y en nuestro caso no sólo no había nota ni infamia, sino antes tan gran aplauso
de virtud y santidad que veneraban la tierra que el acusado hollaba. Se excedió
también en los medios, usando de algunos tan violentos en el examen de los
testigos que causó notable escándalo. Y callando los demás, que no sori para
referidos, pondré aqui solamente lo que dicen dos testigos de los que en esta
información concurrieron.
El
primero es la Madre Isabel de la Encarnación, Priora del monasterio de nuestras
Religiosas de Jaén, la cual habiendo jurado en manos del Obispo de aquella
cuidad para otras informaciones, dice a nuestro propósito estas palabras: «Acerca de la información que se hizo contra
el santo Padre Fray Juan de la Cruz, vi que el Padre que examinaba los testigos
hacía unas preguntas bien excusadas, como lo experimenté en las que a mi me
hizo. Porque eché de ver claro que cuanto él preguntó no lo había en el santo,
por ser un alma de las más puras que tenía Dios en su Iglesia, y que parecía
hombre santificado. Y lo que preguntaba el Visitador, a mi juicio no lo podiá
preguntar, ni inquirir del santo cosa que más repugnase a su santa vida, ni en
que él estuviese más inocente; y asi de todo lo que preguntó y de la manera que
se hubo en preguntarlo, y de los ofrecimientos que hacía por una parte, y de la
apretura de preceptos y excomuniones, en que por otra, ponta a los testigos,
hasta quitarles por aquel tiempo el comunicar a sus confesores ni a otras
personas sino a él, (que de todo fui testigo), se echó de ver que había
procedido como hombre mozo, (que lo era harto), y arrojado, no teniendo el caso
fundamento; y vi que por cuanto inquirió en nuestro convento de Monjas de
Granada, no perdieron las religiosas
2
Cap. Qualiter et quando. L.2 de accusat. S. THOMAS, 22, q.33, a.7. ad 5.
un punto del crédito y opinión que del santo
tenían . Antes, de mí puedo afirmar que me sirvió esto de mayor ponderación de
su santidad. Porque, (como después supe), en el mismo tiempo que esto pasaba en
Granada, hacía nuestro Señor milagros en Ubeda con las vendas y pazios que
sacaban de sus llagas. Poco después de muerto el santo, me dijo el Padre Fray
Agustín de los Reyes, Provincial de la Andalucía y varan de conocida santidad,
que ¡cómo había hablado en mi dicho contra un varón tan santo como el Padre
Fray Juan de la Cruz!, lo cual me dijo con gran sentimiento. A lo cual le
respondí: Padre, no sé que yo haya dicho nada contra este santo, ni podía;
porque no vi en él cosa que no fuese de persona muy santa y llegada a Dios y
muy llena de virtudes. Y él me afirmó que había visto en mi dicho cosas que a
mi no me habían pasado por el pensamiento, aunque lo había firmado de mi mano,
pero no le lei cuando me le dio a firmar, y así no supe como iba; y de lo que
después me decían, entendí, que no se había escrito fielmente, o que se había
interpretado mal lo que dije, a buena parte”. Todo esto es de este testigo, y la aflicción
que le causó saber que su dicho no había sido en calificación de tan santa
persona, la apretó tanto que cayó mala en la cama; y el santo ya difunto la
consoló con una aparición suya, de que en su lugar se hará memoria.
El
segundo dicho es del Padre Fray Baltasar de Jesùs, confesor de nuestras Monjas
de Malaga, el cual refiriendo en su declaración jurada; cómo se hizo esta
información, dice estas palabras: «Hallábame
en la cuidad de Málaga al tiempo que el Visitador llegó allí a examinar dos o
tres religiosas que habían venido del Convento de Granada a aquella fundación,
y supe de su compañero y de las Monjas, (cuyo confesor era yo), de la manera
que en esta información se procedía. Y estando yo en el Monasterio de las
Monjas llegó a mi una Religiosa llamada Catalina de Jesùs, que había sido allí
Priora, y venía escandalizada de lo que el Visitador le había preguntado de
nuestro santo Padre Fray Juan de la Cruz, y me contó cómo de una obra de
caridad que el santo había ejercitado con ella delante de toda la comunidad de
las Monjas, levantaba una quimera para incriminar al santo un gran delito. En
la misma ocasión acudió a mi otra religiosa llamacla Lucia de san José confusa
y turbada, y me dijo que haría en lo que le había sucedido con el Visitador,
que haciéndole él preguntas contra nuestro Padre Fray Juan de la Cruz, y
habiendo ella respondido la verdad de lo que sabía, había visto cómo no había
escrito fielmente lo que ella había declarado, y que así no iba su dicho como
había de ir. Yo la aconsejé que
escribiese una carta sobre el casa al Padre Vicaño general, diciéndole
lisamente la verdad de lo que se le había preguntado, y ella había respondido;
y la una y la otra Religiosa se hacían lenguas en referir alabanzas del santo
Padre». Todo esto es de este testigo.
Y
porque esta información que contra el Venerable Padre Fray Juan de la Cruz se
hizo, es uno de los más acreditados testimonios que podemos traer de su
inmaculada vida, referiré aquí, después de estos dos dichos, unas palabras que
dijo en el suyo el Padre Fray Gregorio de san Angelo, Definidor que era en este
tiempo y secretario del Definitorio, persona de muy gran crédito y por cuya
mano pasaron todas estas cosas. El cual dice a nuestro propósito de esta
manera: «No llevaba este Comisario
licencia para visitar más de tres o cuatro conventos, ni para más que para
hacer información de las cosas de aquel religioso a que se ordenaba su jornada,
y él se quitó de ruido, y visitó las dos provincias de Sevilla y Granada. Y de
propósito y con gran mana hizo información contra el Padre Fray juan de la
Cruz, usando de grandes censuras con las Monjas, sonsacándoles[31]
con temores y otros artificios cosas que por ellas y por el término con que las
escribió se echa de ver la gana que tuvo de incriminar este negocio; queriendo
dar a entender con palabras preñadas grandes culpas. Toda la cual información
yo vi y leí algunas veces y con un poco de cuidado, y se echaba de ver el
artificio con que anduvo el que la escribió. Y cuando de todo aquello se
viniera a sacar algo, no eran cosas por que le pudieran dar de penitencia más
que los siete Salmas penitenciales, por no baber en todo aquello tomado en toda
verdad, y quitado el artificio y preñez[32]
que las palabras querían significar cosa de sustancia. ni que tuviese asomo de
pecado mortal. Y según se entendió, no procedió quien hizo la información
conforme a Dios en ella. Y vi que algunas Monjas que dijeron sus dichos,
refiriéndoselos después, dijeron que ellas no los habían dicho de aquella
manera, ni con aquel sentido las palabras de ellos, e iban y yenían al
Definitorio cartas de esto; y como nuestro Padre Fray Nicolás de Jesùs Maria,
Vicario general no hizo caso de esta información, tampoco se trató de los excesos de ella». Todo esto es de
este religioso grave, et cual hace mención de las declaraciones de las Monjas
solamente, porque aunque el Comisario intentó también examinar religiosos, como
los vio tan aficionados predicadores del Venerable Padre, y que sin hacer caso
de temores le pedian que exhibiese la comisión que traia para esto, (sobre lo
cual tuvo grandes demandas y respuestas con algunos), no trató de examinarlos.
Con una religiosa de cierto convento de aquella provincia habia gastado nuestro Venerable Padre más tiempo que con otras por pedirlo asi su necesidad y correrle más peligro si no estuviera muy allegada a Dios. Y aqui pensó hallar mucho patio el Comisario para sus intentos. Y para ejemplo de confesores de Monjas referiré aquí lo que de esta comunicación dice esta religiosa en declaración jurada en manos del Obispo de Jaén de esta manera: «Todo cuanto se descubria en el santo Fray Juan de la Cruz, el aspecto, las palabras predicaban pureza; porque el gran amor tan perseverante que mostraba tener a Dios, y la gran modestia y mortificacién que en él vi, declaraban ser alma pura, y el no haberle oído jamàs, en cuatro años que le traté muy de ordinario, palabra que se pudiese juzgar por ociosa, sino antes todo lo que vi en él era de un varan santo, y un alma de gran pureza; y puedo afirmar de mi que su trato de Dios y comunicación del Cielo, me pegaba pureza y olvido de todo lo del mundo; y con este concepto que de él tenta de que era alma purísima me acontecia cuando entraba en el convento siendo Vicario Provincial a visitar la clausura o a confesar alguna religiosa enferma, y le ibamos a besar la mano aunque él lo rehusaba, que olía a una cosa superior a los olores de acà que parecia recogia interiormente. Su modestia y composicién era tanta que con sólo mirarle componía, y miràndole yo sentía en mi cierto reprehensión de mis imperfecciones, como si me reprendiera nuestro Señor y me hablara al corazón, y quedaba con deseo de trabajar en perfeccionarme, y hacer mucho por servir a Dios, y alcanzar algo de las virtudes que en aquel santo resplandedan, y asi le miraba como a ejemplar de ellas. Y cuanto le vi hacer u oí hablar, parecía de persona santa, mas levantada en santidad que otras que he visto tener por santas». Todo esto es de esta religiosa, y el caudal de virtud que sacó de esta comunicación lo ha mostrado en muchos conventos donde ha sido Prelada, y ayudado a la perfección de sus sùbditas.
Esta
información y las rigurosas demostraciones que el Comisario hizo en ella,
pusieron en notable afliccién a todos los hijos y devotos de nuestro Venerable
Padre, de que a él le alcanzaha la mayor parte, aunque con su invencible
tolerancia lo disimulaba. Porque como el Comisario era Definidor y enviado a la
Andalucia por el Prelado superior y su definitorio, y él daba a entender que
traía comisión de ellos para inquirir la vida del Venerable Padre, se
persuadian Frailes y Monjas. que todos los prelados superiores estaban
grandemente indignados contra et acusado y mal informados de su inculpable vida,
pues Ilegaba su indignación a hacer tan sangrientas diligencias contra una
persona tan santa, que era como Padre universal de toda la congregación Descalza.
Ayudaban a esto algunas palabras pesadas que el Comisario llevado de su pasión decía
incriminando las cosas del Venerable Padre y encareciendo el desacreditado
concepto que de él tenían los Prelados, hasta llegar a decir en actos públicos
de algunos Conventos, (en uno de los cuales se halló presente el Prelado de la
casa donde esta historia se escribe), que por el Padre Fray Juan de la Cruz había
sacado la religión breve para enviar a galeras a los delincuentes de ella que lo
mereciesen: que hasta aquí llega la tirania de una pasión cuando se apodera de
un alma.
Otra
cosa corría entonces que ayudaba mucho a esta voz de la indignación de los
Prelados: porque como el Padre Fray Nicolás de Jesús Maria, asi mientras fue
Provincial como después que le hicieron Vicario general se opuso con gran valor
y prudente celo de algunas relajaciones de observancia primitiva a que la
remisión y demásiada blandura del Provincial pasado había dado lugar, asi en
los conventos de Frailes como en los de Monjas, todos aquellos a quien la
reformación alcanzaba, (que era muchos), desacreditaban el gobiemo del Padre
Fray Nicolás y del nuevo Definitorio. Y como sabían que con ninguna cosa les podián
causar mayor odio en toda la gente reformada de la religión, que con publicar
que perseguian al Padre común de ella, decían mucho del rigor e injusticia de
esta persecución, afirmando que el Padre Fray Nicolás era la cabeza de ella, y
que el Comisario que estaba en la Andalucia había llevado orden cuva para hacer
esta información; y lo menos que decían había de suceder de estas diligencias
era quitar el hábito al Venerable Padre, y asi se publicó en las dos provincias
de la Andalucia, y de ahi se escribía a las de Castilla, y corría esta voz, no
sólo entre la gente comùn de la Religión, más también entre la muy granada, a
quien yo lo oí como muy persuadidos de este suceso, para lo cual no hubo más
fundamento que las rigurosas diligencias que el Comisario hizo en esta
información.
Con estos
asomos de indignación de los Prelados que el demonio publicaba y persuadia
contra el Venerable Padre, estaban los religiosos tan atemorizados, que los que
en otro tiempo se habían preciado de hijos aficionados suyos, no se tenían en
éste por seguros, temiendo que como a sus amigos los había también de
perseguir, y asi se abstenían de su comunicación. Con lo cual vino a quedar en
sus trabajos, solo de sus amigos como Cristo nuestro Señor de sus discipulos
para que en todo fuese verdadero retrato suyo. Y tanto fomento el demonio este
temor de Frailes y Monjas, que cualquiera que con el santo Padre había tenido
alguna comunicación familial, les parecia que les corria peligro sólo hallarse
su nombre escrito en su poder; y con esto todas las cartas que tenían suyas muy
guardadas por ser de excelente doctrina y de maestro tan santo, las quemaban; y
lo mismo hacian de algunos retratos suyos, que personas devotas habían hecho
copiar de uno que se sacó en Granada estando él arrobado. Esta tragedia de sus
cartas fue una muy gran pérdida, y de las mayores granjerías que el demonio sacó
de estas tormentas; porque como las había escrito respondiendo a dudas en
materia de espíritu, en que comunicaba la mucha luz que nuestro Señor le había
dado de esto, y para la que suele haber tan gran falta de ella, aun entre los
que se tienen por muy maestros, perdióse mucho en perder estos papeles.
De como
llevó nuestro Venerable Padre estos trabajos y persecuciones nos dan larga
noticia en sus informaciones, testigos de vista que entonces le comunicaron, y
algunas cartas que él escribió en este tiempo, respondiendo a otras que de
estas materias le escribían. Porque en cuanto a lo que a él tocaba estaba lleno
de gozo de verse desestimado y abatido, que era lo que él tanto había deseado,
como no sea ocra cosa gozo, sino cumplimiento del deseo. Pero no se le dejaban
gozar, dos cosas que en este tiempo mucho le afligían: la una era saber las
grandes ofensas de Dios que por causa de esta información se hacian; las cuales
por ser disgustos del Señor, a quien él tanto deseaba agradar le lastimaban el
corazón. La otra era que se echase la culpa de las diligencias que contra él se
hacian a quien no la tenía, que era el Padre Fray Nicolás de Jesùs Maria, Vicario
general; y asi muchas veces significó a sus amigos, que el Prelado superior no tenía
parte en sus trabajos, y que sentia mucho que se los atribuyesen; y al mismo
Comisario disculpaba cuanto el caso podiá admitir disculpa, atribuyendo sus
diligencias a que Dios lo permitia por sus pecados y para satisfacción de
ellos; y de ninguna manera consentia que de él se dijese mal, ni se tratase de
estas materias para más que para persuadir a todos, que por mucho que se dijese
de sus defectos, eran tantos que no llegarian a saberlos todos; y algunas veces
llegó a enojarse mucho con los que renovaban las plâticas de esto habiéndolas
él atajado.
Decíanle
sus amigos que no se podiá sufrir el modo con que se trataba de su honra, y cuán
afrentosas diligencias hacia el Comisario para inquirir su vida, y persuadianle
que escribiese sobre ello al Prelado superior, o que les dejase a ellos acudir
a él, para quejarse de tan conocidos agravios. Pero de ninguna manera dio oídos
a esto, ni consintió que ellos hiciesen diligencia alguna, disponiendo el ánimo
para recibir de buena gana cualquiera penitencia que por sus culpas le diesen.
Como se lo escribió al Padre Fray Juan de Santa Ana, respondiéndole a una carta
que le había escrito muy afligido porque se decía que le habían de quitar el hábito;
en la cual le dice: «hijo, no le dé pena
eso, porque el hábito no me lo pueden quitar sino por incorregible o
inobediente, y yo estoy muy aparejado para enmendarme de todo lo que hubiere
errado, y para obedecer en cualquiera penitencia que me dieren».
Después
que el Comisario hizo en la provincia de Granada con tan rigurosas
demostraciones la información contra nuestro Venerable Padre, la envió al Padre
Fray Nicolás de Jesús Maria, mientras él pasaba a la provincia de Sevilla a
hacer la averiguación que a su comisión tocaba, y significó al Padre Vicario
general el intento que había tenido para embarcarse en inquirir defectos del
Venerable Padre. Comenzó a leer la información el Padre Vicario general, y
conociendo a pocas hojas el veneno que llevaba, estando delante el Padre Fray
Gregorio de S. Angelo, definidor y secretario del definitorio, arrojó la
información diciendo: Ni el Visitador tenía comisión para meterse en esto, ni
lo que él aqui pretendió inquirir cabe en el Padre Fray Juan de la Cruz, y
mostró haberle parecido muy mal asi el intento del Comisario en querer
desacreditar a un hombre tan santo, y como fundamento y dechado de la Religión,
como la mucha licencia que había tomado en visitar las dos provincias, llevando
limitada comisión para un negocio solo y en pocos Conventos. Pero contentándose
con que de la información no se hiciese caso, no trató de la corrección del
Comisario, remitiéndolo para el capitulo general donde se había de tratar de
los defectos de los Definidores y de su castigo.
Murió
el Padre Nicolás de Jesùs Maria antes del capitulo general y el Padre Fray Elías
de San Martin que le sucedió, hizo cargo a este Comisario de los excesos que había
hecho en esta jornada metiéndose apasionadamente en lo que no le habían
mandado, y por ello le dieron su penitencia, aunque más blandamente de lo que
su culpa merecia; y la sentencia de esta condenación quedó escrita en el libro
de los capitulos donde yo la he leido. No se contentó con esto el Padre Fray Elías,
sino haciendo apretada diligencia para haber a las manos la información que
contra el Venerable Padre se había hecho, la hizo quemar delante de si, abominando
como era justo, de que en Religión tan santa, hubiese habido quien imitando a
Cam, hijo de Noé, procurase hacer alarde de las deshonras de su padre santo.
Pero
como tiene Dios tanta providencia de sus siervos, y toma a su cargo la venganza
de sus injurias, como él lo dijo por su Profeta, quiso que supiésemos que no
estaba olvidado de las que al santo Padre Fray Juan de la Cruz se habían hecho,
en lo poco que dilató el castigo. En este capitulo general salió el Comisario
por Provincial de la provincia de Granada, (que era lo que él y sus amigos habían
deseado mucho), y de esta provisión se entristecieron notablemente los hijos y
aficionados de nuestro Venerable Padre; pareciéndoles que en lugar del castigo
que esperaban del que había querido profanar el templo de Dios, y oscurecer con
sus diligencias los resplandores de aquella alma pura y santa, venia victorioso
y como a triunfar del caso en el mismo lugar adonde había delinquido. Y como en
lo exterior no podián mostrar su amargo sentimiento se lastimaban mucho en lo
interior y lamentaban con Dios este suceso, pareciéndoles que se acreditaba lo
que se había hecho en agravio del difunto; (que ya entonces era muerto nuestro
Venerable Padre), premiando con honra y dignidad al que le había perseguido.
Entró
en su provincia el nuevo Provincial muy contento y dándose prisa para llegar al
centro de ella, que era la ciudad de Granada, donde le estaban esperando sus
amigos para hacerle fiesta. Llegó a Alcalá la Real a ocho leguas de Granada, y
desde allí avisó el día que entraría en ella; y como esta nueva fue alegre para
unos, asi fue triste para otros; particularmente para las Monjas Descalzas, que
como habían sido tan buenos testigos de las diligencias que había hecho con
ellas el Venerable Padre Fray Juan de la Cruz para llegarlas a Dios y hacerlas
santas, y de las que después hizo el nuevo Provincial para desacreditarle,
lastimábanse mucho de ver premiado al que merecia castigo más severo. Había
entre ellas una Religiosa antigua compafiera de nuestra Madre Santa Teresa y
criada a sus pechos, llamada Beatriz de san Miguel, estimada por persona de
setialada virtud, y muy ilustrada de nuestro Setior; la cual como más obligada
a los beneficios que había recibido del Venerable Padre, por lo que la había
ayudado con su doctrina, era la que más de corazón sentia sus agravios.
Estando
una vez esta Religiosa llorando con nuestro Señor en la oracián, y rindiendo a
sus profundos juicios la cortedad de los sentimientos humanos, no podiá dejar
de lastimarse de que hubiesen de recibir con aplauso alegre como a Padre de la
provincia al que, tan poco antes, habían visto perseguir injustamente al padre
universal de toda la congregación descalza; le dijo nuestro Serior que no
entraría en Granada sino muerto en castigo de haber hecho aquella información
contra el Padre Fray Juan de la Cruz. Esta revelación dijo luego a algunas
personas de las que por lo mismo estaban afligidas, las cuales aunque tenían
gran concepto de su espiritu, suspendieron el crédito de ella, sabiendo que
había carta del mismo Provincial, que había de entrar en aquel día en Granada.
Pero al fin se cumplió la revelación: porque en llegando a Alcalá la Real, le
dio tan fuerte enfermedad que en pocos días le acabó la vida, y le trajeron
muerto a enterrar a Granada. El Provincial que le sucedió examinó este caso,
poniendo precepto formal a la misma Beatriz de san Miguel sobre ello, (cuya
confesión yo vi), y de ella y de Io que dijeron las demás Religiosas se sacó la
verdad de Io que aqui se referido. Con Io cual y con muchos milagros que muy
aprisa hizo nuestro Señor por medio de rosas que habían llegado al cuerpo del
santo Padre Juan de la Cruz o hahian servido en su enfermedad, ilustró nuestro
Señor después muerto la opinión de santo que en vida habla tenido.
De la
poca caridad que el Prior de Ubeda ejercitó con él, quedó la religión tan
despagada, que nunca más le ocupó en oficio de Prelado; y aunque se ocupaba en
la predicación, no se aprovechó de los consejos que el Venerable Padre le había
dado: que la acomodase más a las leyes de su profesión; antes procuró
privilegios fuera de la Orden para andar predicando por los lugares sin
dependencia de los Prelados de ella, y allá le cogió la muerte fuera de la
compañia de sus hermanos; que es el consuelo y ayuda que venimos a buscar a la
religión. Y esta muerte tan poco consolada y socorrida atribuyen también los
testigos a castigo de lo que había afligido al Venerable Padre, privándole
nuestro Señor del socorro de sus hermanos, por no haber socorrido al Padre común
de todos.
Al cabo
de tres meses que el Venerable Padre estaba padeciendo en aquella cama con
ejemplarisima tolerancia tantos dolores y aflicciones, queriéndole ya nuestro
Señor despenar con sacarle del destierro, para que fuese a gozar a la patria el
dichosa premio de lo mucho que habla trabajado por su servicio, le fue
disponiendo algunos dias antes, dándole noticia del día de su muerte; y que
sospechar con sus acciones a los religiosos que había tenido ya estas buenas
nuevas. Porque en entrando la semana en que murió, tenía mucho cuidado de
preguntar cuanto habla de allí al sábado, y uno de los dias cercanos a su
muerte estando con el Padre Fray Bartolomé de san Basilio, y con otros
religiosos volvió a preguntar: cuándo era sábado.
Y porque
no hicieron misterio de la pregunta, añadió : dígolo porque se me ha venido ahora a la memoria cuan gran beneficio es
el que en ese día hace nuestra Señora a los religiosos de su Orden y a los que
han traído su escapulario, y cumplido lo que este privilegio pide. Pero
aunque él quería disimular el misterio, los que le oyeron estas palabras y la
alegria con que las decía, quedaron con sospecha que sabla de buen original que
había de morir en sábado y gozar de este privilegio.
Fue
también indicio de esto, lo que hizo dos dias antes de su muerte: porque
guardando con mucho cuidado en una taleguilla[33]
debajo de la cabecera, las cartas que en aquella enfermedad había recibido para
que nadie las viese, este dia llamó al Padre Fray Bartolomé de san Basilio, y
pidióle que le trajese una luz, y traída quemó todas estas cartas, como
poniendo con esto en seguridad a los que las habían escrito por la voz falsa
que entonces corría; que, solo ser su amigo, era delito. Declaróse más esta
noticia que tenía del dia y hora de su muerte el mismo dia de ella, porque
desde que entró el viernes tenía mucho cuidado de saber la hora que era, y dijo
diferentes veces que aquella noche habla de ir a decir Maitines al cielo; lo
cual no dijera tan afirmativamente siendo tan recatado en sus ilustraciones si
no hubiera tenido expresa revelación de la hora de su muerte, y que de aquella
enfermedad, como de su purgatorio, había de ir a gozar de Dios derechamente. De
esto mismo fue indicio que por verle tan malo, le quisieron dar el Santisimo
Sacramento por Viâtico muchos dias antes, y él dijo que no se lo diesen sino
por devoción, que cuando fuese tiempo para recibirlo por Viâtico él avisaría; y
asi cuando fue tiempo lo pidió, y también el de la Unción.
Había
sido en vida nuestro Venerable Padre un fino retrato de Cristo nuestro Serior,
donde parece que su Majestad quiso singularmente estamparse, y asi ordenó que
lo fuese también en muerte. Porque asi como Cristo N. S. en su pasión, (ordenándolo
asi para mayor demostración del amor que nos tenía), padeció en las fuerzas
inferiores del alma, desamparo de la divinidad y de los efectos de la visión
beatifica, que la parte superior del alma gozaba, para poder sentir la
vehemencia de los dolores del cuerpo aflicciones del ánimo, tan intensamente
como lo significó en aquellas dolorosas palabras que dijo en la Cruz: Padre ¿ por qué me has desamparado?/1, asi
quiso que nuestro Venerable Padre, como se le había parecido tanto en las
asperezas, deshonras, abatimientos y menosprecios de la vida, se le pareciese
también en los dolores y desamparos de la muerte; y asi aunque había padecido
tanto en todos aquellos tres meses, todo se le hacha tolerable con el recurso
que tenía a Dios, donde hallaba la puerta abierta para su comunicación dulce y
favorable. Pero el dia postrero de su vida, ariadiéronse a los dolores
corporales otros tan intensos del espiritu con aflicciones y congojas y tan
gran desamparo de Dios, que estaba puesto como clavado el cuerpo en una cruz y
juntamente el ánimo atormentado en otra. Y asi parece que como en vida le
comunicó Cristo nuestro Setior sus virtudes, asi en muerte le comunicó sus pasiones
para colmo de su perfección, con semejanza tan estrecha de una criatura con su
Criador.
Y
aunque en toda la enfermedad había disimulado sus dolores con tan heroica
tolerancia, fueron tan intensos los de este dia que por más que él los callaba
ellos mismos daban voces. Llegó aquella noche a Ubeda el Padre Provincial, Fray
Antonio de Jesús, su antiguo compañero, ordenándolo asi nuestro Serior para
consuelo de entrambos. Cuando el Padre Provincial entré a verle, aunque se
alegró mucho con él, estaba tan apretado con los dolores exteriores e
interiores, que no pudo hablarle ni hacer otra demostración de alegria; y
porque no entendiese el Padre Provincial que era falta de amor, le dijo: perdóneme
Padre nuestro que no le puedo responder, que me estoy consumiendo en dolores.
Dijole el Padre Provincial pensando que se consolara, que se alegrase mucho que
ya se acercaba el tiempo para gozar el premio de lo mucho que había trabajado
en su compaña en los principios de esta reforma. Pero el enfermo, como le
sonaba mal todo lo que podiá ser alabanza suya, se esforzó para sacudir de si
aquella, y tapándose los oídos con las manos, dijo: no me acuerde eso vuestra reverencia sino mis pecados; que de éstos me
acuerdo ahora, y que tengo para satisfacer por ellos solamente los
merecimientos de Cristo. Entré poco después a verle el Padre Fray Agustin
de San José, y viéndole tan trabajado con sus dolores, le dijo por consolarle:
que presto se acabaria el padecer y le pagaria nuestro Serior lo que por él había
trabajado y padecido. Pero con el mismo esfuerzo, arrojó de si este consuelo,
que el pasado diciéndole: no me diga eso
Padre mio, que le certifico que no he hecho obra que no me esté ahora
reprendiendo. Parecióle al Padre Provincial que corría todavia
limitadamente el acudir los religiosos a visitar y servir al enfermo, ya fuese
por parecerles que no gustaba de ello el Prior, ya por otros temores que
entonces había, y asi dijo con algún sentimiento: Abranse esas puertas, Padres,
para que no sólo todo el Convento, más también toda la ciudad vea el gran
tesoro que aqui tiene y le conozca.
1 S.
TH., De Verit., q.26, a.9 y 10.
Viendo
el Venerable Padre que se iba acercando ya la hora feliz de su partida comenzó
a disponerse para ella. Y aunque toda la vida nos había dado admirables
ejemplos de humildad y mansedumbre quiso renovarlos en este postrer día.
Aquella tarde pidió el sacramento de la Eucaristia y lo recibió con gran devoción
y ternura, pidiendo perdón a todos los religiosos del mal ejemplo que les había
dado, y después envió a pedir por amor de Dios al Prior que entrase a verle; y
con gran humildad como si él fuera el ofendido le rogó que le perdonase los
cuidados y pesadumbres que le había dado, y que como pobre le pedia por amor
del Señor que tanto los había encomendado, que le diese un hábito en que
enterrasen su cuerpo, y que el gasto que aquel Convento había tenido con él,
procuraria pagarle con pedir a nuestro Señor que lo socorriese siempre en sus
necesidades, y que esperaba en su Majestad que se lo concederia; y antes de
esto tratando con el Subprior que entonces era de la gran necesidad y pobreza
de aquel convento, dijo el Venerable Padre: que vendria tiempo que tuviese bien
lo necesario. De las cuales palabras juzgó el Subprior, que ya lo había suplicado
a nuestro Señor y tenía prendas de que se lo había concedido. Y después acá se
ha conocido mejor esto: porque estando aquel convento hasta entonces tan
necesitado que se dudaba que aquella fundación pudiese pasar adelante, es ahora
de las casas más bien acomodadas de aquella provincia. Salió el Prior tan
compungido de las palabras y afecto humilde del Venerable Padre que derramaba lágrimas,
y despertando como de un sueño de mortal letargo, (porque había quitado ya Dios
al demonio la licencia que antes tenía para contrastar la paciencia de su
siervo), conocia cuán falto de piedad había estado con aquel dechado de
virtudes, y se dolía de ello, libre ya del mal afecto pasado.
Vino el
médico y conociendo en el pulso, que se iba acabando aprisa, se lo dijo, y
recibió la nueva tan alegremente que como dándose a si mismo el parabién de
ella dijo: “Laetatus sum in his quae
dicta sunt mihi, in domum Domini ibimus». Dijole el Padre Fray Francisco
Indigno, (que se halló también allí aquella noche), si la mucha gana que tenía
de morirse era porque se acabase el padecer. Y él, como haciendo donaire de que
se diese a su pasión un fin tan bajo, significó que el gran deseo que tenía de
ver a Dios le hacia las horas largas. Viendo su cama rodeada de religiosos, con
el afecto de Padre que siempre les había tenido, los exhortó brevemente con
palabras amorosas y eficaces a la obediencia de los Prelados y a la observancia
de la regla y vida primitiva, y les encargó la caridad unos con otros como
precepto tan principal de Cristo, y les trajo a la memoria que los había puesto
en su Iglesia para predicadores de buen ejemplo e imitadores de la vida apostólica.
Algunos
religiosos le pedian que por prenda del amor que le habían tenido les diese
alguna cosa de las que tenía a uso. A lo cual respondió: pues eso han de pedir a un Religioso Descalzo? No saben que tengo hecho
voto de pobreza y no puedo disponer de nada? Vayan al Padre Prior, que es quien
ha de disponer de ello, y si él se lo diere, mi bendición llevarán con ello.
Su acción ordinaria en todo aquel dia, cuando los que entraban en la celda no
la interrumpían, era estar con los ojos cerrados ocupado interiormente en Dios,
y de cuando en cuando los abria y los ponia amorosamente en un Cristo Crucificado
que junto a si tenía como ofreciéndole sus dolores. A cosa de las ocho de
aquella noche pidió el Sacramento de la Unción, y recibiólo con gran devoción,
respondiendo con los demás a las oraciones que decía el Preste. Quisiéronse
quedar allí con el Padre Provincial y otros religiosos antiguos; él les pidió
que se fuesen a descansar que aún le quedaba tiempo.
Quedáronse
allí con él, el Padre Fray Bartolomé de san Basilio que había asistido a su
enfermedad, y el hermano Francisco donado, que había de tañer a maitines. Poco
después de salidos los demás Padres, tomó el Cristo en las manos y continuando
su sosiego le besaba los pies de cuando en cuando diciéndole palabras tiernas.
A las nueve de la noche preguntó, qué hora era, y habiéndoselo dicho, respondió:
a las doce iremos a decir maitines al cielo. Cerca de las once se quedó tan
sereno en oración, que pensando el hermano donado que se moria, quiso ir a
hacer la señal que se acostumbra para que se junte la comunidad a hacer la
recomendación del alma al enfermo, y entendiéndolo él, le dijo: ¿para qué los quiere alborotar, no ve que
aùn no es hora? Refiriendo esto a lo que había dicho antes, que había de
morir a la hora de maitines.
Una
hora antes que expirase mostró un extraordinaño aliento como significativo de
que habían cesado ya sus penas interiores que habían tenido como impedidas las
acciones exteriores, y que le asistia a lo sabroso y conocido el Señor que
antes se le había ausentado. Y asiéndose de la soga[34]
que pendia sobre la cama se asentó en ella por sí solo, aunque otras veces
habla menester ayuda, y con rostro alegre dijo a los religiosos y a otras
personas devotas que allí asistian, (por haber sabido que era aquella la hora
de su tránsito), que dijesen algunos salmos en alabanza de Nuestro Señor. Y
respondiéronle, que comenzase él, y cornenzó el salmo de «miserere mei”, y él decía
un verso y los demás otro; estando él con rostro muy sereno y alegre, y de
cuando en cuando besaba los pies del Cristo que tenía en la mano. Después de
haber dicho de esta manera algunos salmos, pidió que le dijesen algo del Libro
de los Cantares, de que era muy devoto, como de materias misticas y retornos
amorosos entre Dios y el alma, y leyéronle un capitulo con que mostró
particular consuelo.
Tenía
cuidado de preguntar de cuando en cuando, qué hora era, y diciéndole que las
once y media, dijo que llamasen a la comunidad. Vino con ella el Padre
Provincial y dijo al enfermo: que todos deseaban que antes que se partiese de
ellos les echase la bendición y cuando se viese delante de Dios los encomendase
a su Majestad. A lo cual respondió: que el encomendarlos a Dios él lo ofrecia,
pero que el echarles la bendición era oficio de su Reverencia como Prelado y
Padre de toda aquella provincia. Más instándolo los religiosos y ordenándoselo
el Provincial, alzó la mano hacia los religiosos y haciendo la señal de la Cruz
sobre ellos les echó la bendición con mucho amor. Comenzáronle a hacer la
recomendación del alma y estándosela diciendo el Padre Fray Alonso de la Madre
de Dios, le dijo al cabo de un rato el enfermo: Padre Alonso, no se canse, sino encomiéndeme a Dios, que he menester
que me deje un poco. Con esto juntó las manos apretando con ellas el
Cristo, y cerró los ojos como quien se queda en oración.
De allí
a un rato comenzó a dar el reloj las doce, y oyéndolas el hermano Francisco que
era velador de maitines, salió aprisa a taper la campana, y en sonando abrió
los ojos el enfermo, y preguntó a qué tañian, y respondiéndole que a maitines,
dijo: Gloria a Dios; y dando una vista a todos los que allí estaban como
despidiéndose de ellos puso la boca en los pies de Cristo, diciendo: «In manus tuas, Domine, commendo spiritum
meum». Y al mismo punto expiró, como si se echara a dormir un sueño dulce,
cumpliéndose en él lo que dejó escrito en uno de sus libros, que la muerte de
los transformados en Dios no es rigurosa y amarga sino sabrosa y dulce. Y fue
todo esto tan aprisa, que estando aún tañendo a maitines el hermano Francisco,
(como él lo dice en su declaración), le llegaron a decir que en acabando de tañer
a maitines, doblase a muerto, que ya el santo Fray Juan de la Cruz habla
expirado; y asi lo hizo. Fue su muerte entrado el sábado catorce de diciembre
del año mil quinientos noventa y uno. Quedó su rostro hermoso con una blancura
a modo de resplandor, siendo antes algo moreno. Lo cual refieren en sus dichos
los que allí se hallaron, por una de las cosas notables que concurrieron en su
muerte. Y estuvo tan lejos de dar el horror que suelen causar los demás muertos,
que antes daba consuelo mirarle y acompariarle. Murió de edad de cincuenta y
seis años/1, gastados en religión la mayor parte de ellos, y siempre dando con
su vida y virtudes a los demás muy gran ejemplo. Y como toda ella habla sido
una continua oración y comunicación con Dios, en esta misma oración y quietud
murió.
En
acabando de expirar acudieron todos los que allí se hallaron presentes
religiosos y seglares a besarle los pies y las manos como de cuerpo santo, y a
tomar cada uno lo que podiá de sus vestidos y de las vendas y paños que habían
servido a sus llagas. Y hasta la soga que tenía sobre su cama para revolverse,
la tomaron como por reliquia, y otros le cortaban cabellos del cerquillo. El
Prior recogió alguna de las cosas que el santo habla tenido a uso para
repartirlas entre sus devotos, y dio a Doña Clara de Benavides por lo que le
habla regalado, la correa que él había traído ceñida, por cuyo medio hizo
después nuestro Señor muchos milagros; y a Don Bartolomé de Ortega, su marido
le dio el breviario en que rezaba. Las cuales prendas ellos recibieron con gran
veneración y estima, y con la misma las conservan.
1
Aqui está equivocado el P. Quiroga. Habiendo nacido, según la opinien mús
corriente en 1542, tenía al morir cuarenta y ocho o cuarenta y nueve atios
segtin el dia que naciera. Quiroga no indica la fecha del nacimiento.
D’APRÈS JOSÉ DE JESÙSMARIA (QUIROGA) + 1629. [35].
Le Cantique spirituel de saint Jean de la Croix s’ouvre par l’aveu
d’une âme douloureusement blessée d’amour par Dieu « habiéndome herido ».
Quelle est la beauté de cette âme ? Estelle simplement généreuse, pleine
de bonne volonté, comme le meilleur des commençants ? Estelle très
avancée, fortement purifiée par un travail spécial de l’Esprit vivifiant ?
Le problème n’est pas neuf : – en 1930, notre édition
critique du Cantique spirituel (pp. XXVIII, XLXLI, LXXXV, XC, notes r et
2, CIVCV), — en 1931, la Vie Spirituelle (r juillet, p. 49), — en 1932,
les Études Carmélitaines (avril, p. 171, octobre, p. r 38), — y ont fait
allusion. Et la solution adoptée avait entre autres garanties celle d’un beau
texte, tiré du ch. xxxv du second livre de la HISTORIA DE LA VIDA Y
VIRTUDES DEL V. P. FR. JUAN DE LA CRUZ imprimée à Bruxelles en 1628, réimprimée
à Malaga en 1717 et à Burgos en 1927, sous le nom de José de JesusMaria
(Quiroga) ; cf. : édition critique, p. xxxviii, note 2 et
p. xcii ; la Vie Spirituelle, mars 1931, p. 3, 276, 282 ;
les Études Carmélitaines, octobre 1931, p. 3. D’après ce texte, le début
du Cantique spirituel rappelle les PRÉPARATIONS IMMÉDIATES A L’UNION AVEC DIEU
LAS DISPOSIÇIONES IMMEDIATAS A LA UNION DE LA ALMA A DIOS ; c’est donc
une âme très avancée qui reçoit les blessures d’amour. Le raisonnement est bon,
la conclusion certaine, mais le théologien veut plus de précision. Quel est
exactement le cas d’une âme très avancée, capable de profiter de telles
préparations, capable de recevoir les douloureuses blessures d’amour ?
À cette question, un autre texte du même ouvrage, que nul n’a
peut 227 — être signalé, semble répondre directement. Les premiers mots du
chapitre xiii du premier livre de la Historia soulignent une transition :
« C’EST DE CE DÉPOUILLEMENT DES HARDES DU VIEIL HOMME... QUE LE SAINT A
PASSÉ AUX BLESSURES D’AMOUR — DESE DESPOJO DE LAS ROPAS DEL HOMBRE VIEJO...
PASO IL SANTO A LAS HERIDAS DE AMOR. » Nous concluons : l’âme qui
sent les blessures d’amour vient de subir le dépouillement antérieurement
rappelé, et nous lisons le chapitre précédent le dépouillement rappelé à la fin
du chapitre xii est celui du TROISIÈME CREUSET — EL TERCER CRISOL, celui
dont parle saint Jean de la Croix A TRAVERS TOUT LE SECOND LIVRE DE SA NUIT
OBSCURE — PER TODO EL LIBRO SEGUNDO DE SU NOCHE OSCURA ; le théologien y
voit déjà plus clair.
Bientót ses vœux seront comblés. La Historia, imprimée en
1628 par les soins d’un chanoine de Tolède, cousin de Quiroga, n’est qu’un pále
abrégé du travail de l’illustre Carme. De la source primitive, beaucoup plus
longue que l’imprimé et bien plus éloquente (le lecteur en jugera tout à l’heure),
nous avons retrouvé, écrits de la main même de Quiroga, vingt sept chapitres ;
ils sont reliés tout à la fin du ms. 8 452 de la Biblioteca Nacional de
Madrid. Nous en tirons tout de suite deux notes : — la finale du chapitre xii
de la Historia résume en quelques lignes deux grands chapitres de la source
autographe, les 18e et 19e ; — l’expression lumineuse, mais vague de
la Historia A TRAVERS TOUT LE SECOND LIVRE DE SA NUIT OBSCURE remplace six
longs extraits tirés de cette seconde partie du chefd'œuvre de saint Jean de la
Croix (cf. ciaprès les pages 57, 78, 910, 11, 1314 et 16).
Ces longs extraits, qui donnent un si grand prix au texte
édité et traduit ciaprès, signalent les plus cuisantes épreuves de l’âme qui se
laisse dépouiller dans la Nuit Obscure de l’esprit. Le théologien saura donc
désormais avec la dernière précision, si la vieille orthographe ne le déroute
pas trop ou s’il veut lire la traduction, que, pour le plus ancien, le plus
fidèle et le plus réputé des disciples de saint Jean de la Croix, c’est la
pauvreté d’une grande âme, dépouillée dans ces transes, qui est l’état requis
pour subir les blessures d’amour, si douloureuses et si précieuses, de la
première strophe du Cantique.
fr. PH. CHEVALLIER, moine de Solesmes.
228
Chapitre 18e.
Comment NotreSeigneur rendait parfait l’esprit de notre vénérable Père, en le
dépouillant avec force des habits du vieil homme afin de le vêtir de ses
divines splendeurs.
Après avoir narré la fondation du premier monastère de l’ancienne
observance, dont notre vénérable Père fut bien la première pierre, avant de
rapporter comment il travaillait la terre de ce nouveau Carmel et entourait de
soins ses plantes, nous devons dire un mot du travail que NotreSeigneur
accomplissait en lui pour le rendre capable de former des disciples fort bien
éclairés.
Nous avons dit ailleurs comment Sa Majesté a purifié les deux
premières hiérarchies de son âme (suivant le mot de saint Denys rappelé à ce
moment), en lui ótant toutes ces dispositions mauvaises acquises qui gênent la
vraie contemplation ; comment aussi Sa Majesté nous a laissé en notre
vénérable Père, et en tous les degrés par où Elle l’a élevé à une rare
perfection, un modèle accompli pour les contemplatifs. Il nous faut continuer à
mettre au beau milieu de la trame de sa vie l’histoire de ces degrés, tant pour
nous renseigner, que pour connaître la perfection et la sainteté auxquelles ces
degrés l’ont conduit ; et c’est ici le lieu de dire un peu comment s’est
purifiée la dernière hiérarchie de son âme, comment
Aviendo tradado ya de la fundacion del primer monesterio de
primitivos, donde nro [nuestro] venerable Padre fue la piedra fundamental,
antes que tratemos como labrava la tierra del nuovo Carmelo y cultivava sus
plantas, es neces° [necessario] dar alguna notiçia primero de como nro Sefior
le yva labrando a el, para que pudiese ser idoneo maestro de discipulos muy
ilustrados.
Ya diximos en otra parte como le fue Su Majestad purificando
en las dos primeras hierarchias del espiritu, segun la doctrina alli referida
de san Dionisio, quitandole los habitos viciosos adqueridos que son estorvos de
la verdadera contemplaçion, y como en nro venerable Padre y en los grados por
donde le levanto a una rara perfecçion nos hiço un perfecto dechado de
contemplativos. Es necesario que entre los suçesos de su vida vamos continuando
la notiçia historiai destos grados, asi para nra ensefiança, como tambien para
el conoçimiento de la perfecçion y santidad a que llego por ellos. Y asi toca a
este lugar que digamos algo de como fue purificado en la suprema hierarchia
elle a reçu la préparation immédiate à la divine union, but de la vie contemplative. Cette hiérarchie est en langage théologique le mens, c’est-à-dire, le point culminant de la puissance de l’âme, la région où s’imprime en nous l’image divine.
Tous les degrés de purification, grâce auxquels l’âme contemplative va jusqu’à jouir de quelque chose comme la très heureuse innocence de la nature humaine au moment de sa création, sont signalés par Dieu très en détail dans le prophète Isaïe. Voici comme il décrit le point qui nous occupe : je vais étendre la main sur toi, je te mettrai au feu jusqu’à ce que tu perdes tes scories, j’ôterai toutes tes parcelles de plomb. Le Seigneur a promis par là qu’il purifierait l’âme des scories des mauvaises dispositions acquises, et qu’il lui ôterait tout le plomb des imperfections de nature (qui sont le vêtement grossier du vieil homme), pour la vêtir de ses splendeurs. Comme un maître, saint Thomas a justifié ce dépouillement, et la nécessité pour l’âme, avant son union avec Dieu et sa transformation en lui, d’être en quelque façon dépouillée de sa propre forme ; ne faut-il pas, pour faire d’une pierre commune la pierre précieuse qui boit les rayons du soleil, que l’influence du ciel la dépouille avant tout de sa forme vulgaire et commune. Le Seigneur dit dans le même sens que, sous l’influence de la divine lumière de sa sagesse (comme l’avoue saint Denys), il mettra l’âme au feu
229
del espiritu, como disposiçion proxima para la divina union,
que es el paradero de la vida contemplativa. La cual hierachia es lo que los
theologos llaman mente, y significa lo que es altisieno en la virtud del alma y
donde esta en nosotros la divina imagen.
Todos los grados de la purificaçion del alma contemplativa,
hasta llegar a tener una semejança de la feliçisima pureça en que la naturaleça
humana fue criada, significo Dios muy en particular por el profeta Isaias ; y
para lo que toca a este lugar diçe asi : convertire a ti mi mano, y cozerete
hasta que quedes purificada de tu escoria, y quitare todo tu estaño. En las quales
palabras significo el Señor que la purgaria de la escoria de los habitos viciosos
adqueridos, y la desnudaria del estaño de las imperfecciones naturales ( que es
la ropa grosera del hombre viejo), para vestirla de sus resplandores. Este
despojo declaro magistralmente santo Thomas, y como para la union divina y
transformaçion del alma en Dios es neçesario que en çierta manera sea despojada
de su propia forma ; al modo de la piedra tosca, que, para haçer la piedra
preçiosa receptiva de la luz del sol, la desnuda primero la influençia çeleste
de su grosera y tosca forma. Y para esto diçe el Senior que la cozera en la
infiuençia de su divina claridad y sabiduria (que asi lo
230
jusqu’à ce qu’elle se trouve purifiée de toutes imperfections
et infériorités, acquises et naturelles.
La grandeur de la peine d’une âme tourmentée par ce feu peut
être devinée, quand on a vu ailleurs à quel prix l’âme s’est purifiée de ses
dispositions acquises ; si elle a eu tant de douleur quand la souffrance
n’était que dans ses accidents, du fait que ces dispositions s’étaient comme
accrochées à la substance de l’âme, quelle sera la douleur éprouvée à cette
heure où l’âme subit en quelque sorte le dépouillement d’enveloppes naturelles
au vieil homme, à cette heure où elle souffre dans sa substance, exposée à un
feu violent dans le creuset divin ?
La manière dont l’esprit de notre vénérable Père fut mis dans
ce creuset divin, les souffrances et les peines qu’il dut y endurer, son
expérience nous les redit d’une manière vivante en ces termes : « Le
troisième genre de souffrance et de peine enduré par l’âme à présent lui vient
de deux extrêmes (le divin et l’humain), qui maintenant se rencontrent. L’extrême
divin est l’influence purifiante indiquée, l’extrême humain est son sujet, ou l’âme.
L’élément divin attaque l’âme pour la mûrir et la faire neuve, en vue de la
rendre divine ; et comme il la dépouille des attaches foncières,
caractéristiques du vieil homme, qui lui étaient unies, inséparables, aussi
intimes qu’une forme, il brise l’âme et la décompose, la plongeant
230
declara san Dionisio), hasta dexarla purgada de todas sus
imperfecçiones y desemejanzas, asi adqueridas como naturales.
Quan penoso sea esto para el alma asi cauteriçada, se puede
conoçer por lo que en otra parte vimos en la purificaçion de los habitos adqueridos
; porque, si alli sentia tanto dolor con no padeçer mas que acçidentalmente, en
cuanto estos habitos estavan abraçados con la sustançia del alma, qual sera el
dolor que le causara aora que la despojan en çierta manera de las ropas
naturales del hombre viejo, donde el alma padeçe en la misma substançia del
alma, cozida fuertemente en este crisol divino ?
De como fue metido el espiritu de nro venerable Padre en este
crisol divino, y de los aprietos y dolores que en el padeçio, nos da notiçia
practica su experiençia en estas palabras : « La terçera manera de pasion y
pena que el alma aqui padeçe es causada de dos estremos (conviene a saver
divino y humano) que aqui se juntan. El divino es esta influençia purgativa ; y
el humano es el sujeto del alma. Porque como el divino la embiste a fin de
saçonarla y renovarla para haçerla divina ; y desnudandola de las
afiçiones habituales y propiedades del hombre viejo con que estava unida,
conglutinada y conformada, de tal manera la desmenuça y deshaçe, absorviendola
en una profunda
231
en de si noires ténèbres que l’âme, mise en présence de ses
misères, se voit fondre et périr d’une mort aussi cruelle que si, dévorée par
un monstre, elle éprouvait qu’il la digère dans les ténèbres de ses entrailles,
et en ressentait toute l’horreur ; mais elle doit habiter ce tombeau de
mort ténébreuse pour connaître la résurrection spirituelle qu’elle attend. Ce
genre de souffrance et de peine, encore que rien ne puisse le dire, est ainsi
rendu par David : les plaintes de la mort m’ont environné, les douleurs de
l’enfer m’ont cerné, de détresse j’ai crié. Mais le plus grand tourment de
cette âme angoissée vient de sa conviction que Dieu l’a rejetée, et que, la
prenant en horreur, il l’a poussée dans les ténèbres ; pour elle la grande
souffrance, la pitoyable, c’est la créance que Dieu l’a délaissée. David, l’éprouvant
dans sa force, a dit : pareil à ces cadavres couchés dans le sépulcre que
ta main abandonne, dont tu n’auras plus le souvenir, on m’a mis dans la fosse
la plus profonde et la plus basse, dans les ténèbres et l’ombre de la mort ;
ta fureur a grandi contre moi, et tu as déversé sur moi tous les flots de ton
ire. Réellement, quand cette influence purifiante sévit, l’âme a un sentiment
très vif de l’ombre de la mort, des plaintes et des peines de l’enfer, qui
consiste à se voir punie et réprouvée, loin du Dieu indigné et irrité contre
elle ; et l’âme croit tout ceci. De plus, elle a l’obscur pressentiment
qu’il en est ainsi pour toujours. Elle se
231
tiniebla, que el alma se siente estar deshaçiendo y
deritiendo a la faz y vissa de sus miserias con muerte de espiritu cruel, asi
como, estragada de una bestia, se sintiese estar digeriendo en su vientre
tenebroso, y padeçiendo estas angustias ; porque en este sepulchro de escura
muerte le conviene estar para la espiritual resurrecçion que espera. La manera
de esta pasion y pena, aunque de verdad ella es sobre manera, la descrive David
diçiendo : cercaronme los gemidos de la muerte, los dolores del infierno me
rodearon, en mi tribulaçion di voçes. Pero lo que esta doliente alma aqui mas
siente es pareçerle claro que Dios la a desechado, y avorreçiendola arrojadola
en las tinieblas ; que para ella es grave y lastimera pena creer que la a
dexado Dios. La qual David sintiendola mucho en este caso diçe : de la manera
que los llagados estan muertos en los sepulchros, dexados ya de tu mano, de que
no te acordaras mas, asi me pusieron a mi en el lago mas hondo y inferior en
tenebrosidades y sombra de muerte : y esta sobre mi fortificado tu furor, y
todas tus olas descargaste sobre mi. Porque verdaderamente, cuando esta
influençia purgativa aprieta, muy a lo vivo siente el alma sombra de muerte y
gemidos y dolores de infierno, que consiste en sentirse sin Dios, y castigada y
arrojada, y a el indignado y enojado contra ella, que todo esta siente aqui; y
mas, que en una tenebrosa aprehension
232
sent en même temps abandonnée des créatures et vouée à leur
mépris. » (Nuit obscure de saint Jean de
la Croix, livre 2, chap. vi, début). À cette peine s’ajoute une
seconde, qui provient elle aussi de la même influence obscure : « c’est une lumière que
reçoit l’âme sur le fait de sa pauvreté et de sa misère de fond, et qui cause l’une
des principales afflictions qu’impose cette purification. Toutes ces peines
réunies épuisent l’âme, et la mettent en cette extrémité que David exprime par
ces mots : sauvezmoi, mon Seigneur ; les eaux de la tribulation ont
pénétré jusqu’à mon âme ; enlisé dans une fange profonde, je n’ai plus où
poser le pied ; j’ai atteint le fond de la mer, et la tempête m’a
submergé ; je m’épuise a crier, mon gosier est en feu ; mes yeux
ont défailli dans l’attente de mon Dieu. Dieu humilie fortement l’âme
maintenant, pour l’exalter plus tard ; et, s’il n’ordonnait pas à de tels
sentiments (quand ils deviennent trop vifs en l’âme) de s’apaiser sur l’heure,
elle quitterait son corps en peu de jours. Ce n’est donc pas que par
intervalles qu’elle expérimentera leur poussée intérieure ; qui sera
quelquefois si forte que l’âme verra l’enfer tout béant devant elle, et croira
sa perte arrivée. De tels gens descendent réellement tout vivants aux enfers,
et, souffrant comme au purgatoire, ils se purifient dès cette vie comme ils l’auraient
dû faire en l’autre. Aussi, l’âme qui a traversé cette amère purification, ou n’entre
pas au purgatoire, ou y demeure à peine, parce qu’une heure icibas lui a plus
profité,
232
le parece que es para siempre. Y el mismo desamparo siente de
todas las criaturas, y ser despreçiado deltas. »
A esta pena se le añade otra, proçedida de esta escura
influençia : que es : « una luz practica que le dan en ella de su intima
pobreça y miseria ; la qual es una de las prinçipales aflicçiones que en esta
purgaçion padeçe. Y, cuando todas juntas la fatigan, la ponen en el estremo que
significo David cuando dixo : salvame, Seizor, porque las aguas de la tribulaçion
an entrado hasta mi alma ; fixado estoy en el çieno profundo, y no ay donde me
sustente ; vine hasta lo profundo de la mar, y la tempestad me anego ;
travaje dando voçes, enronqueçiose mi garganta, desfalleçieron mis ojos en
tanto que espero en mi Dios. Aqui humilia Dios mucho al alma para ensalzarla
despues ; y, si el no ordenase que estos sentinzentos (quando se avivan mucho
en el alma) se adormeçiesen presto, desampararia al cuerpo en breves dias. Mas
son interpolados los ratos en que se siente su intima viveça; la qual se
esfuerça tan a algunas veçes que le pareçe al alma que ve avierto et infierno,
y que esta ya en la perdiçion : porque estos son los que de veras vajan al
infierno vivos, y al modo del purgatorio purgan aqui lo que en el avian de
purgar. Y asi el alma que pasa por esta apretada purgaçion, o no
233
que de nombreuses làbas. » (Nuit obscure, livre 2,
chapitre vi, finale).
Voilà comme l’expérience de notre vénérable Père nous
découvre le détail de tourments intérieurs infligés à son âme dans ce creuset
divin. Mais ce ne sont pas les seuls qu’elle souffre au cours du dépouillement
des imperfections de nature, fait pour la vêtir de divin. Comme en ce
dépouillement elle doit se purifier de tout ce qui chez elle n’est pas conforme
à Dieu (à qui elle doit s’unir par amour et similitude, comme le dit saint
Denys), et comme ses actions imparfaites empêchent en quelque sorte une telle
similitude, voici que, pour les rendre parfaites au sens divin, l’influence
divine ôte à l’âme ses puissances en tout ce qui n’est pas requis pour vivre à
la manière humaine et remplir ses devoirs d’état. Si l’on veut donner à quelqu’un
de bonnes dispositions et des habitudes vertueuses, ne fautil le rendre
incapable d’accomplir ce qui conduirait aux vicieuses ? Ne fautil pas
bander la main gauche de l’enfant pour qu’il prenne l’habitude d’utiliser la
droite ?
De même, comme ce dépouillement des puissances ne permet plus
à l’âme dans une certaine mesure ni ses actes de nature ni les biens peu
relevés que ces actes lui assurent, l’âme y trouve tant de peine et d’affliction
que saint Thomas y voit l’une des grandes croix du purgatoire. Le Maítre qui
est au ciel n’en parle pas autre
233
entra en aquel lugar, o se detiene poco en el, porque
aprovecha mas aqui en una ora que alti en muchas. »
Desta manera nos da notiçia practica la experiençia de nro
venerable Padre de los aprietos interiores en que este divino crisol puso a su
alma. Pero no son estos solos los que padeçe en este despojo de lo natural
imperfecto para vestirla a lo divino. Porque como en el a de ser purgada de
todas las desemejanças de Dios, con quien a de ser unida por amor y semejança, como
declara san Dionisio, y para esto le impiden en çierta manera sus operaçiones
imperfectas, para perfiçionarselas a lo divino le ata la influençia divina las
potençias para lo que no es preçisamente neçesario a la vida humana y
cumplimiento de las obligaçiones de su estado. Como quien pretende introduçir
en algun sujeto buenas costumbres y habitos virtuosos, que le impide las
operaçiones por donde se camina a los viçiosos ; y por eso al nino le atan la
mano yzquierda para que se acostumbre a obrar con la derecha.
Pues, como en este atamiento de las potençias impiden en
çierta manera a la alma las acçiones que le son naturales y los bienes que a su
modo grosero alcançava por medio de ellas, reçive de esto tan gran pena y
afflicçion que la pone sante, Thomas por uno de los principales tormentos del
purgatorio. Y por talle graduo el maestro del çielo, cuando
234
ment : notre mère sainte Thérèse subissant l’amertume d’une
de ces purifications de la plus haute partie de l’âme, NotreSeigneur lui fit
connaître ce qu’elle dit sur notre sujet en ces termes mémorables : le
Seigneur m’a confié qu’en subis§ant cette peine, l’âme se travaille et purifie,
comme l’or dans le creuset, pour mieux lui permettre d’appliquer les émaux de
ses dons, et qu’elle se purifie sur l’heure de ce que le purgatoire aurait dû
purifier en elle.
Cette peine (des puissances devenues inertes) notre vénérable
Père l’a pareillement subie dans ce creuset avec même amertume, comme l’indiquent
ses paroles dictées par l’expérience : « Il y a dans cet état une
autre chose qui peine et afflige grandement l’âme. C’est que cette nuit obscure
rend inertes les puissances et les affections, au point que l’âme n’est plus
capable d’élever l’esprit à Dieu, de lui adresser une prière ; il lui
semble, comme à Jérémie, que Dieu a établi une nuée entre elle et lui, pour que
sa prière n’arrive pas, et qu’il lui a barré la route avec des pierres de
taille. L’âme prietelle, c’est si sec et aride qu’à qu’à son sens Dieu ne l’entend
pas et ne s’intéresse plus à elle. Vraiment, comme dit le prophète c’est pour
elle le moment de rester la face contre terre et de supporter patiemment sa
purification. C’est Dieu qui à présent fait du travail en l’âme : elle ne
peut donc rien pour sa part, ni réciter l’office sans grande violence, ni
prêter une grande attention soit aux affaires de Dieu soit aux choses et
affaires du siècle. Ce n’est
234
estando nra madre santa Teresa en lo apretado de una de estas
purificaçiones de la parte superior, le dixo el Señor lo que ella misma refiere
a nro proposito en estas notables palabras : dixome el Señor que en esta pena
se labra y purifica el alma como el oro en el crisol, para poder mejor poner
los esmaltes de sus dones, y que se purgava alli lo que avia de estar en
purgatorio.
Pues esta pena padeçio tambien nro venerable Padre en este
crisol tan apretadamente, como el lo diçe de su experiençia en estas palabras :
« Ay en este estado otra cosa que aquexa y desconsuela mucho al alma. Y es que,
como esta escura noche le tiene impedidas las potençias y los afectos, no puede
levantar como antes el espiritu a Dios ni le puede rogar ; pareçiendole lo que
a yeremias, que a puesto Dios una nube delante, para que no pase la oraçion, y
que le tiene cerrados los caminos del espiritu con piedras quadradas. Y si
alguna vez ruega, es con tanta sequedad y tan sin jugo que le pareçe que no le
oye Dios ni haçe caso de ella. A la verdad es tiempo este de poner (como diçe
este profeta) su boca en el polvo, sufriendo con paçiençia su purgaçion. Dios
es el que anda aqui haçiendo la obra en el alma. Y por eso ella no puede nada,
ni reçar sin mucha fuerça, ni asistir con raucha advertençia a las cosas
235
pas tout : maintes fois elle souffre en la mémoire de si
fortes absences et de si grands oublis, qu’elle va rester longtemps sans avoir
le souvenir de ses actes ou de ses pensées, sans savoir ce qu’elle fait
maintenant ou ce qu’il lui faut faire, sans pouvoir être très attentive malgré
tous ses efforts à n’importe lequel de ses actes. Comme il s’agit en ce moment
de purifier non seulement l’intellect de son mode trop faible de connaître, et
la volonté de ses goûts, mais encore la mémoire de son trésor de notions et de
déductions, il convient que celle-ci soit dépouillée de tout, et réalise ce que
David ainsi purifié confessait : je fus réduit à rien, et je ne sçus plus
rien. Cette absence de savoir implique ces ignorances et ces oublis de la
mémoire. » (Nuit obscure, livre 25 chapitre viii, début).
Toutes ces descriptions détaillées que notre vénérable Père
nous donne de sa propre expérience, quand son âme était mise au feu et comme
décomposée dans le creuset divin pour y trouver, ó phénix courageux, une
nouvelle vie, sembleront superflues à qui n’a rien eu de pareil ; mais
elles consolent si puissamment les âmes contemplatives plongées dans la même
peine (et j’en ai rencontré parfois), que j’aurais grand scrupule à les priver
de l’aide divine, préparée par Dieu même en ce modèle si sûr de vie contemplative.
Poursuivant donc sa description concrète et raisonnée de ce qu’il a connu dans
ce dépouillement salutaire, le vénérable Père ajoute
235
divinas ni a las cosas y tratos temporales. Y no solo tiene
esto, sino tambien muchas veçes tales enagenamientos y tan profundos olvidos en
la memoria, que se le pasan muchos ratos sin saver lo que hiço ni lo que penso,
ni que es lo que haçe ni lo que va a haçer, ni puede estar muy advertida aunque
quiera a nada de lo que esta haçiendo. Porque como aqui no solo se purga el
entendimiento de su imperfecto modo de conoçer, y la voluntad de sus afiçiones,
sino tambien la memoria de sus notiçias y discursos, conviene tambien
aniquilarla de todas ellas, para que se cumpla lo que de si diçe David en esta
purgaçion : yo fui aniquilado y no supe. El cual no saver se estiende a estas
insipiençias y olvidos de la memoria. »
Todas estas notiçias practicas que nos da nro venerable Padre
de lo que experimentava en su alma, cozida y deshecha en este crisol divino
para ser como ave fenix generosa renovada, aunque pareçeran superfluas a los no
experimentados, son de tanto consuelo a las almas contemplativas puestas en
este aprieto (de las cuales e hallada yo algunas), que haria notable escrupulo
en defraudarlas del socorro divino, que Dios les a dado en este dechado tan
seguro de vida contemplativa. Y asi continuando el venerable Padre estas
notiçias practicas y ilustradas des te saludable despojo segun lo que por el
avia pasado, arcade a
236
aux paroles précitées cellesci : « Ces absences,
ces oublis viennent du recueillement intérieur en qui cette influence
afflictive plonge une âme. Comme l’âme doit, en effet, se trouver avec ses
puissances divinement prête et façonnée pour la divine union d’amour, elle
devait d’abord être avec toutes ses puissances plongée dans la divine et
ténébreuse lumière spirituelle de contemplation afflictive, et en même temps
privée de toutes attaches et vues touchant les créatures ; et d’autant
plus longtemps que la lumière est plus intense. Ainsi plus cette divine
lumière, quand elle frappe sur une âme, se présente simple et pure, plus l’âme
va dans le noir, se vide et se défait des vues et attaches de détail, qu’il s’agisse
des objets d’en haut ou des objets d’en bas ; l’âme n’a même pas
conscience d’être sous cette lumière, elle se voit dans le noir, tant la
lumière dépasse ses limites naturelles. » (Nuit obscure, livre 2,
chapitre VIII, suite).
Tout ceci est de notre maître.
Chapitre 19e. Si on le
dépouillait ainsi des hardes d’imperfection, c’était pour le vêtir de
perfection, et le faire avancer de la vie naturelle à la surnaturelle.
Durant ce sérieux dépouillement des choses et de toute vue
distincte, aussi bien sur le Créateur que sur les créatures, réalisé en l’âme
de notre vénérable Père dans la forge divine, cette âme obtint
236
las palabras referidas las siguientes « Estas enagenaciones y
olvidos son causados del interior recogimiento en que esta influençia penosa
absorve al alma. Porque, para que ella quede templada y dispuesta a lo divine
con sus potençias para la divina union de amor, convenia que primero fuese
absorta con todas ellas en esta divina y escura luz espiritual de contemplation
penosa, y asimismo fuese abstrahida de todas las afiçiones y aprehensiones de
criaturas. Lo qual dura regularmente segun es la intension. Y asi cuanto esta
divina luz embiste mas sençilla y pura en el alma, tanto mas la escurece y
vacia y aniquila açerca de sus aprehensiones y afiçiones particulares, asi de
cosas de arriba como de abaxo, sin pensar el alma que tiene esta luz, sino que
esta en tinieblas, por lo miche, que exçede al natural de la misma alma. »
Todo este es de nro maestro.
Con este fuerte despojo de todas las cosas y de sus notiçias
distintas asi del Criador como de las criaturas, que nro venerable Padre experi
237
(à ce qu’il semble) en dépit de ses peines l’expérience
raisonnée de la doctrine de saint Denys, écrivant à son condisciple, saint
Tite, ceci : Dieu est cause de tout et a sa place en tout ;
pourtant, si nous le contemplons avec la parfaite connaissance permise sur
terre, il n’est rien de quoi que ce soit, tellement il est en marge de tout, à
distance infinie de tout. Et pour Denys cette connaissance serait la nourriture
solide, donnée en la maison que la divine Sagesse construit en l’âme pour y
faire sa demeure. Car, comme Sa Majesté donnait au vénérable Père, en ce
creuset si dur, l’ultime préparation à son introduction en la demeure qu’elle
édifiait si richement en son âme, elle entendait le préparer avec cette
nourriture solide qui ramène l’âme à l’unité de son tout, et lui retirait tous
les restes de ce mets des enfants, qui se goûte en la distinction et
multiplicité des choses, et qui aux degrés imparfaits achemine l’âme à Dieu par
des moyens d’enfant ; Denys le dit dans la même lettre. Mais comme ces
expériences raisonnées de notre vénérable Père sont une très haute lumière
accordée par NotreSeigneur aux âmes contemplatives pour leur soutien et leur
gouverne, et comme les âmes, que cette lumière ne conduit pas, souffrent
beaucoup quand Sa Majesté les prépare à monter aux degrés supérieurs (je l’ai
trop constaté en beaucoup d’âmes trouvées dans la peine pour ce fait), je vais
donner encore un peu de cette lumière concrète pour
237
mentava en su alma metida en esta fragua divina, parece que
le pusieron en la experiençia ilustrada aunque penosa de lo que san Dionisio
escriviendo a san Tito su condiscipulo diçe que, siendo Dios causa de todas las
cosas y estando en todas, con todo eso para los que le contemplan segun el
perfecto conoçimiento que del podemos tener en esta vida, es nada en nada,
segun el exçeso que haçe a todas las cosas por estar infinitarnente apartado de
todas ellas. Y pone este conoçimiento por el manjar solido, que se da en la
casa que la divina Saviduria edifica en el alma para morar en ella. Porque como
Su Magestad disponia proximamente a nro venerable Padre en este crisol tan
apretado, para introduçirle en esta casa que tan sumptuosamente yva edificando
en su alma, le yva disponiendo con este manjar solido que reduçe el alma a
unidad de su todo, y le despojava de todas las reliquias del manjar de niños,
que se gusta en la distinçion y multipliçidad de las cosas, y con que ella en
los grados imperfectos camina a Dios como por medios pueriles, segun el mismo
santo lo declaro en esta carta. Pues como todas estas ilustradas experiençias
de nro venerable Padre son una altisima lux que nro Sefior dio a las almas
contemplativas para su consuelo y govierno, y por no administrarsela padeçen
mucho las que Su Magestad va disponiendo para estos grados superiores (de que
yo tengo harta experiençia por
238
consoler les âmes pressées d’une telle angoisse, en leur
faisant apprendre d’un esprit si bien renseigné la fin sublime à laquelle Dieu
les mène par des moyens si peu plaisants. Continuant donc à nous montrer par
expérience la finale si heureuse d’un pareil dépouillement, le vénérable Père
dit ces paroles : « Comme la lumière qui doit venir à l’entendement
est très haute et divine, bien au-dessus de la nature, l’entendement ne peut
décemment parvenir à s’unir à elle, et à se déifier comme le veut l’état de
perfection, s’il n’est auparavant purifié et défait de sa lumière connaturelle,
qui le met actuellement dans le noir quand l’influence divine sévit, et l’y
laissera aussi longtemps qu’il faut pour ruiner l’habitus qu’un très long
exercice de son ancienne manière de voir a constitué chez lui, et pour mettre
en sa place la lumière divine et son fruit. De même, parce que l’attache d’amour
que donnera l’union avec Dieu est divine, et donc très spirituelle, très fine,
très délicate, et tout intime, fort au-dessus des attaches ou des émotions
naturelles imparfaites de la volonté et de ses appétits, la volonté ne peut
décemment parvenir à goûter en l’union d’amour l’attache divine et ses si
hautes délices, si elle n’est d’abord purifiée et complètement défaite de ses
attaches et émotions, qui la laissent dans le sec et l’amer aussi longtemps qu’il
faut pour ruiner l’habitus
238
las muchas que e hallado afligidas por esta causa) referire
algo mas desta luz pratica, para que se consuelen las que padeçen estas
apreturas, de oyr de un espiritu tan ilustrado el alto fin para ql [quel] Dios
las dispone con estos medios tan desabridos.
Continuando pues nro Venerable Padre las notiçias de su
experiençia acerca deste despojo para tan dichoso fin, diçe estas palabras : «
Pues como la luz que se a de dar al entendimiento es altisima y divina, que
exçede toda la natural, conviene que para que el entendimiento pueda llegar a
unirse con ella, y haçerse como divino en estado de perfecçion, sea primero
purgado y aniquilado en su luz natural, poniendole actualmente a escuras por
medio desta influençia divina, por tanto tiempo quanto es menester para
aniquilar el habito, que de su manera de entender tiene de mucho tiempo en si
fornzado, y en su lugar quede la ilustraçion y luz divina. Asimismo, porque la
afiçion de amor que se le a de dar en la union con Dios es divina, y por eso
muy espiritual subtil y delicada y muy interior, que excede a todo afecto y
sentimiento natural y imperfecto de la voluntad y de todo apetito della,
conviene que, para que la voluntad pueda venir a gustar por union de amor esta
divina afiçion y deleite tan subido, seaprimeropurgada y aniquilada en todas
sus afiçionesy sentimientos, dexandola en seco y en aprieto quanto conviene
para desnudarla del habito que tenia de afectos naturales, asi acerca de lo divino
como de lo
239
créé par ses manières naturelles de goûter le divin et l’humain.
De même, parce que l’union que prépare l’influence obscure aura pour effet de
combler et d’enrichir l’âme d’une certaine magnificence et gloire, à l’heure du
don de Dieu qui apporte avec soi des biens et des délices sans nombre, beaucoup
trop abondants pour la capacité naturelle à la créature, l’âme doit d’abord
connaître ce vide et cette pauvreté spirituelle qui la délivre de tout appui,
soutien et acquis naturel, venant soit d’en haut soir d’en bas ; par ce
vide elle devient réellement pauvre selon l’esprit, libéré du vieil homme, et
donc capable de vivre la vie neuve et heureuse procurée par la nuit obscure,
qui est l’état d’union à Dieu. » (Nuit obscure, livre 2, chapitre ix, peu
après le début).
Voilà comment l’expérience raisonnée de notre maître nous
fait comprendre cet heureux dépouillement du vêtement naturel au vieil homme,
qui va revêtir l’âme des 7 splendeurs surnaturelles du nouvel Adam, du Fils de
Dieu, auquel elle devait être unie. Ce dépouillement ne la prive pas
radicalement de sa connaissance naturelle ni de l’habitus d’une science
auparavant acquise ; mais en purifiant l’âme, il la fait progresser en
cette même connaissance dans la mesure où la lumière divine pourra l’améliorer,
comme elle rendait meilleure celle d’Adam innocent ; bonheur, auquel
conduisent des creusets si amers. Ce dépouillement donne dès maintenant comme
un heureux début, une possession anticipée de la
239
humano. Asimismo, porque para esta union a que la dispone
esta escura influençia a de estar el alma llena y dotada de çierta
magnificencia gloriosa, en la comunicaçion de Dios que ençierra en si
innumerables bienes y deleites, que exçeden toda abundançia que el alma
naturalmente puede poster, conviene que primero sea puesta en vaçio y pobreça
de espiritu, purgandola de todo arrimo, consuelo y aprehension natural, açerca
de todo lo de arriva y de abaxo, porque asi vaçia este bien pobre de espiritu y
desnuda del hombre viejo, para vivir aquella nueva y bienaventurada vida que
por medio desta noche escura se alcança, que es el estado de la union con Dios. »
Desta manera nos da noticia la experiencia ilustrada de nro
maestro este feliz despojo de la ropa natural del hombre viejo para vestir al
alma de los resplandores sobrenaturales del Hombre nuevo, Hijo de Dios, con
quien avia de ser unida. Con el qual despojo no la privan totalmente del
conocimiento natural y habito de ciencia que avia adquerido ; sino purgavanla
para perficionarla en el mismo conoçimiento, en que avia de ser mejorada por
ilustracion divina, al modo del que tenia Adam en el primer estado, a cuya
felicidad va caminando por estas tan apretados crisoles. Y con este la ponen ya
como en un principio feliz de
240
béatitude assurée aux cœurs purs qui ont la promesse de voir
Dieu ; oui, les contemplatifs commencent à en jouir dès cette vie. Comme
l’affirment tous les saints, mystiques ou scolastiques, pareille béatitude se
réalise sur terre, quand l’âme contemplative vient à être purifiée dans la
volonté des coups d’aile des passions, et dans l’intelligence de toutes les
images de détail sensibles ou spirituelles, pour contempler Dieu dans la très
pure et la très simple lumière de la foi éclairée. Grâce à la description
expérimentale que notre vénérable Père nous donne de ses peines intérieures,
nous pouvons connaître les souffrances endurées vers ce temps, produites non
seulement par la divine influence qui soumettait son âme au feu dans le but de
la purifier comme l’or dans le creuset (suivant la doctrine d’Isaïe), mais
encore par l’amour de ce Dieu, avec qui il n’a plus aucune douce communication,
étant mis comme de force hors de sa chère présence, qui jusque là lui procurait
une si agréable compagnie.
À toutes ces afflictions le dépouillement dont nous parlons
en ajoutait une autre, fort bien marquée par saint Thomas : dans ce
changement de l’âme allant d’une qualité à l’autre, de l’imparfaite à la
parfaite, la qualité qu’elle perd lui était propre, connaturelle, la qualité qu’elle
gagne lui est étrangère, inconnue ; l’âme va donc
240
posesion antiçipada de la bienavanturança de los limpios de
coraçon a la qual esta prometido el ver a Dios, y della comiençan a goçar los
contemplatives en esta vida. Porque, como afirman los santos asi mysticos como
escolasticos, esta bienaventurança, quanto al estado desta vida, se cumple
quando el alma contemplativa esta purgada, quanto a la voluntad de los alazos
de las pasiones, y quanto al entendimiento de todas las semejanças distintas
asi sensibles como espirituales, para contemplar a Dios en luz purisima y
sencillisima de fe ilustrada. Pues desta noticia experimental que nos da de sus
travajos interiores nro venerable Padre, podemos conocer las aflicciones que en
este tiempo padeçia, causadas no solo de la divina influencia que estava
coçiendo su alma para purificarla como al oro en el crisol (segun ya lo vimos
en las palabras de Isayas), mas tambien de lo que el amava a Dios, de cuya
dulce comunicaçion se hallava privado, y como arrojado de su amable presencia
que antes le haçia campañia tan suave.
A todas estas afflicçiones se la añadia otra en este despojo
que santo Thomas pondero mucho : porque en esta alteraçion del alma en que pasa
de una calidad a otra, y de la imperfecta a la perfecta, la calidad que le
quitan le era propia y connatural, y la que le dan le es estreia y no conocida;
y por entonces siente la falta de la una, y no gusta ni
241
ressentir l’absence de la première sans pouvoir apprécier ni
découvrir si tôt les avantages de la seconde ; elle en éprouve une grande
peine qui l’afflige, et pourtant le changement est plus avantageux. Notre
vénérable Père connut tout ceci vers ce temps ; lui-même l’a prouvé par
ces lignes : « Comme l’âme doit obtenir une vue et une appréciation
divine, très noble, très savoureuse, de toutes choses divines et humaines,
supérieure à tout sens et savoir naturel de l’âme, l’esprit doit s’amincir et s’endurcir
quant au sens naturel et commun ; ce qui met l’esprit travaillé de cette
influence purifiante en grande amertume et angoisse, et ôte à la mémoire tout
acquis aimable ou paisible, lui laissant tout au fond l’impression que ressent
une personne étrangère et inaccoutumée en tout, que toutes choses émerveillent
parce qu’elles lui paraissent différentes de ce qu’elles étaient depuis
toujours. Eh oui, ce genre de nuit dépouille l’esprit de sa manière normale et
coutumière d’envisager les choses, pour l’amener à donner à toutes leur prix
divin, ce qui est chose si neuve et si distante de tout coup d’œil humain que l’âme
se croit comme hors de soi. Parfois elle se demande s’il n’y a pas enchantement
ou mirage ; allant émerveillée de ce qu’elle voit ou apprend, elle trouve
très neuves et très curieuses les choses qui l’occupaient habituellement. La
cause de tout ceci est que l’âme se sépare et s’éloigne de la manière commune d’estimer
et de voir les choses, pour la perdre totalement, et se trouver douée d’une
divine, qui est
241
percive aun las comodidades de la otra : lo qual le causa
notable pena y aflicçion, aunque la alteraçion sea mas favorable. Todo esto
experimentava tambien nro venerable Padre en este tiempo, como el lo significo
por estas palabras : « Y porque el alma a de venir a tener un sentido y noticia
divina muy generosa y sabrosa açerca de todas las casas divinas y humanas,
sobre todo sentir y saver natural del alma, conviene al espiritu adelgaçarse y
curtirse acerca del comun y natural sentir, poniendole por medio desta
influencia purgativa en grande angustia y aprieto, ya la memoria remota de toda
amigable y paçifica noticia, con sentido muy interior y temple de peregrinacion
y estrañeza de todas las cosas, en que le parece que todas son estrañas y de
otra manera que lo solian ser. Porque en esto va sacando esta noche al espiritu
de su ordinario y comun sentir de las cosas para traerlo al sentido divino : el
qual es estrallo y ageno de toda manera humana tanto que la parece a la alma
que anda fuera de si. Otras veces piensa si es encantamento o enbelesamiento ;
y anda maravillada de las cosas que ve y oye, pareçiendole muy peregrinas y
estrafias, siendo las mismas que comunenente solia tratar. De lo qual es causa
el yrse ya el alma haçiendo agena y remota del comun sentido
242
de l’autre vie plutôt que de celle-ci. » (Nuit obscure, livre 2,
chapitre Ix, au milieu).
Telles sont les expressions et les étapes de notre maître.
Les unes et les autres, jointes aux aveux des ascensions, tantôt pénibles tantôt
joyeuses, qui ont conduit son âme jusqu’à l’état de perfection, accusent une
différence notable entre son expérience et celle d’autres contemplatifs. Les
autres sentent leur souffrance sans se rendre compte exactement et logiquement
des tenants et aboutissants de leurs épreuves ; tandis que notre
vénérable Père et sa coadjutrice très éclairée, parce que le Saint-Esprit (nous
le dirons ailleurs) leur a donné la charge de Docteurs en leur école, ont eu
tant de lumière, que non seulement ils eurent une très haute connaissance de
secrets divins très sublimes, mais encore furent capables de les manifester à d’autres ;
en même temps qu’ils souffraient les tourments purificateurs, ils voyaient si
clairement le détail des effets déposés en leur âme, qu’ils pouvaient l’exposer
à d’autres, et leur servir ainsi d’instructeurs et de guides. Voilà pourquoi
toutes les expériences de notre vénérable Père, étant celles d’un maître élu de
Dieu pour mettre en la voie sûre les vrais contemplatifs, sont extrêmement
utiles.
Dans le même chapitre, après le passage rapporté plus haut,
il parle de la pénible angoisse, ressentie à l’époque où son âme eut
242
y notiçia açerca de las cosas, para que aniquilada en este,
quede informada en el divino, que es mas de la otra vida que de esta. »
Todas estas son palabras y experiençias de nro maestro. En
las quales y en todo lo demas que diçe de las elevaçiones, ya penosas ya
gustosas, por donde paso su alma al estado de perfeçion, se conoçera una
notable diferencia entre su experiencia y la de otros contemplativos. Porque
los demas sienten su padecer sin conoçimiento distinto y ilustrado de los
efectos y fundamentos de sus penas : pero nro venerable Padre y su
ilustradisima compañiera, como les avia concedido el Espiritu Santo aquel grado
de los Doctores de su escuela, de que en otro lugar trataremos, por el qual los
asi ilustrados no solo tienen altisimo conocimiento de los misterios divinos
muy levantados, sino tambien habilidad para declararlos a otros; juntamente con
sentir los travajos destas purificaçiones, eran ilustrados acerca dellas con
particular distinçion de los efectos que haçian en su alma, para que los
pudiesen declarar a otros, de quien assi an de ser guias y maestros. Y por esto
todas las experiencias de nro venerable Padre, como de maestro dado por Dios
para guia acertada de verdaderos contemplativos, son utilisimas.
Afiade en este lugar a las palabras referidas la penosa
turbacion que padecio en este tiempo de las aprehensiones que haçe el alma
contra
243
peur pour elle-même, en se voyant si misérable qu’elle crut
être perdue, et avoir dit adieu à tous biens pour toujours. De telles craintes
et alarmes sont l’une des plus grandes croix qu’elle porte à ce moment. La
cause de cette angoisse est le mouvement d’une âme qui passe de la paix
imparfaite à la parfaite, cessant d’avoir celle-là pour s’enraciner en celle-ci,
si excellente d’ailleurs qu’elle échappe à tout sens. Chemin faisant, notre
Père, en maître bien renseigné, aide les contemplatifs dans leurs peines
intérieures, leur donnant d’excellents avis pour qu’ils les prennent de telle
manière, qu’ils ne dérangent pas le travail que Dieu est en train de faire dans
l’âme grâce à cette influence afflictive purificatrice, et qu’ils n’accablent
pas leur esprit de discours ou d’interventions actives de leurs puissances,
mais qu’ils veuillent bien se contenter d’un acte général prolongé d’attention
amoureuse et tranquille à Dieu, sans souci ni désir excessif de goûter ou de
sentir Dieu (puisque c’est Dieu lui-même qui a mis ces puissances à la diète
pour les guérir de leur malaise), et qu’ils se remettent en sa main durant cet
acte universel pour tout ce qu’il voudra réaliser chez eux. Telle est bien la
doctrine des Saints ; elle nous enseigne que toutes les influences
divines opèrent dans le plus grand repos de l’âme ; c’est ce repos que
préconisent de nombreux textes de saint Denys ; et notre vénérable Père
en a prouvé l’utilité par l’exemple du portrait
243
si, viendose en tanta miseria, pareciendole que esta perdida,
y que todos los bienes se le an acavado para siempre. Las quales aprehensiones
y sospechas son para clla una de las mayores aflicçiones que en este tiempo
padece. De la qual es el fundamento la alteraçion del alma con que va caminando
de la paz imperfecta a la perfecta, alterandose aquella para haçer asiento en
esta, tan exçelente que sobrepuja todo sentido. Y de camino socorre, como
maestro tan ilustrado, a los contemplativos en estos travajos interiores,
dandoles excelente doctrina de como se an de aver en elios para no estorvar la
obra que Dios va haciendo en el alma por medio desta influencia peílosa y
purgative, y que no fatiguera el espiritu con discursos y actos inquietos de
las potencias, contentandose con un acto universal continuado en una
advertencia amorosa y sosegada en Dios, sin cuidado ni gana demasiada de
gustarle ni sentirle (pues el mismo Señor las tiene entonces puestas en dicta
para curarlas de sus dolencias), sino entregandose en sus manos en este acto
universal para todo lo que quisiere obrar en ellos. Lo qual es conforme a la
doctrina de los santos, que nos ensefia que todas las influencias divinas obran
en el alma en su mayor quietud ; al qual se ordena una gran parte de los libros
de san Dionisio ; y nro venerable Padre la persuadio con el exemplo
244
qu’on est en train de peindre : se met-il à bouger, il
empêche le travail que le peintre exécute sur lui, parce qu’il le veut parfait.
Chapitre 20e. Des blessures
d’amour que NotreSeigneur lui fait à cette époque, pour lui donner un esprit
neuf, au sens divin, et l’unir à soi-même.
C’EST DE CE DÉPOUILLEMENT DES HARDES DU VIEIL HOMME, donnant
à l’âme de revêtir les splendeurs mêmes du Fils de Dieu, à qui elle doit s’unir
par amour et par ressemblance, QUE NOTRE VÉNÉRABLE PÈRE A PASSÉ AUX BLESSURES D’AMOUR,
dernière préparation à cette divine union, qui assure à l’âme raisonnable l’ultime
félicité (cette vie en connaît le début, et l’autre, la plénitude). Tout ceci
est l’effet de l’influence divine, qui a mis l’âme au feu avec tant de rigueur
pour qu’elle devienne très pure ; car, saint Denys l’a dit, ce que l’âme
raisonnable reçoit de la divine Sagesse lui devient purification, illumination,
perfection. Le Saint-Esprit constate dans le même sens : c’est par la
Sagesse que guérirent tous ceux qui plurent à Dieu. Et comme l’influence des
dons de sagesse et d’intelligence est une similitude participée de l’Esprit-Saint,
c’est par elle qu’il purifie d’abord les imparfaits de leurs imperfections ;
puis, quand ils sont parfaits,
244
de la ymagen que se esta pintando, que, si estuviese
inquieta, impediria al pintor la obra que esta haciendo en ella para
perficionarla.
DESTE DESPOJO DE LAS ROPAS DEL HOMBRE VIEJO, para ser vestida
el alma de los resplandores del Hijo de Dios, con quien a de ser unida por amor
y semejanza, PASO NRO VENERABLE PADRE A LAS HERIDAS DE AMOR, que disponen
immediatamente para esta divina union, en la qual consiste la ultima feliçidad
del alma raçional (començada en esta vida y consumada en la otra). Y lo uno y
lo otro son efectos de la influencia divina, en que tan intensamente la
cozieron para dexarla muy purgada ; porque, como diçe san Dionisio, el recivo
de la divina sabiduria en el alma raçional es purgaçion, yluminaçion y
perfeccion. Y lo mismo significo el Espiritu Santo quando dixo : por la
sabiduria son sanos todos los que agradaron a Dios (Sap. 9, 19 ). Y como la
influencia de los dones de saviduria y entendimiento es una semejança
participada del Espiritu santo, con ella purga las aimas imperfectas de sus
imperfecciones, y, despues de pur
245
c’est par elle qu’il imprime en eux sa ressemblance. Et l’on
comprend que Dieu reçoive le nom de Feu dans la Sainte Écriture : il
travaille comme le feu, purifiant d’abord ce qu’il trouve de contraire à soi
dans le sujet, puis imprimant sa ressemblance dans le sujet purifié, afin de le
transformer en soi. Notre vénérable Père dit tout ceci, quand, pour nous faire
toucher du doigt les phases de ce renouvellement, il donne l’exemple du bois
attaqué par le feu, qui, avant tout, consume en ce bois ses contraires, PUIS
LUI IMPOSE SA RESSEMBLANCE. LE FEU DIVIN REFIT ENCORE UNE FOIS CETTE ŒUVRE EN
NOTRE PÈRE : LUIMÊME EN DÉCRIT LE DÉTAIL DANS LE LIVRE DE SES STROPHES
MYSTIQUES [le Cantique spirituel] DE LA PREMIÈRE A LA ONZIÈME, MONTRANT QU’IL
RECONNAÎT CHEZ LUI CE QUE LES SAINTS AVAIENT ÉCRIT DES BLESSURES ET TOURMENTS D’AMOUR,
QUI SUIVENT CET AMER DÉPOUILLEMENT.
A vrai dire, le tourment de Dieu, ressenti à cette date, est
pour une part l’effet du vide de l’âme, à présent séparée de tout ce qui l’empêchait
encore d’aller à Dieu comme à son centre, (on y fait allusion ailleurs), mais
il est en même temps l’effet d’une cause plus haute, de certaines flèches de
feu d’amour, décochées par l’Époux divin pour blesser l’âme et l’embraser de
plus d’amour. Ces flèches
245
gadas, imprime en ellas su semejança. Y por eso se llama Dios
fuego en las divinas letras,porque obra a modo de fuego, purgando lo que halla
contrario a si en el sujeto, y, despues de purgado, imprimiendo en el su
semejança, para transformarle en si. Lo cual declaro nro venerable Padre, en
las noticias experimentales que nos da desta renovaçion, con el exemplo del
madero embestido del fuego, que primero consume en el sus contrarios, Y DESPUES
LE IMPRIMA SU SEMEJANÇA. Y OTRO TANTO HIÇO EN EL ESTE DIVINO FUEGO, CUYOS
EFECTOS VA EL DESCRIVIENDO EN EL LIBRO DE SUS CANCIONES MYSTICAS DESDE LA
PRIMERA HASTA LA UNDEÇIMA, VERIFICANDO EN SU EXPERIENCIA LO QUE LOS SANTOS
DIXERON DE LAS HERIDAS Y ANSIAS DE AMOR QUE SUCEDEN A ESTE APRETADO DESPOJO.
Y, aunque en parte procedian estas ansias de Dios que en este
tiempo sentia del vacio del alma, estando ya desocupada de todo lo que antes la
impedia caminar a Dios como a su centro (segun se toco en otra parte), otra
causa concurria aqui de grado superior, que eran unas saetas de fuego amoroso,
que a su alma tirava el Esposo divino para llagarla y encenderla mas en su amor.
Las quales eran algunas ilustra
246
sont des lumières très vives, très pénétrantes du don d’intelligence,
qui rend fort perspicace et donne une connaissance profonde des choses divines,
sans leur unir la volonté avec ce plaisir reposant, fruit de la charité, qui
relève du don de sagesse. Comme cette lumière puissante fait bénéficier l’âme
de vues sublimes 3ur Dieu et sur ses perfections, sans l’unir à ces vues
de la façon marquée, elle laisse l’âme en souffrance ; on pourrait dire :
en l’air, entre Dieu et les créatures, sans prendre pied ici où là ;
puisque cette connaissance si vive de Dieu l’élève plus haut que tout créé,
mais ne réussit pas à l’unir au divin. Et l’âme expérimente ce que saint Thomas
a dit d’elle : du Souverain bien, on lui présente de près l’odeur, et de
loin la saveur ; on lui met le désir au cœur, et le plaisir... en la
mémoire. Tout ceci vient d’une soif d’amour, d’autant plus véhémente que plus
grande est la connaissance du bien qui fait défaut. Cette soif d’amour brûlant
consume pleinement en l’âme tous les restes de l’amour porté aux créatures.
De ces flèches amoureuses et de la force perçante de celles
que Dieu à cette époque décochait à l’esprit de notre vénérable Père pour le
blesser d’amour, lui-même nous fait la description en commentant une de ses
strophes. Voici ce qu’il en dit : « Sans compter bien d’autres
espèces de visites que Dieu fait à l’âme pour la blesser et la hausser à son
amour, il a coutume de dispenser certaines
246
ciones muy vivas y penetrativas del don de entendimiento, que
como perfeccion aguda da intimo conoçimiento de las cosas divinas, pero no une
la voluntad a ellas con el deleite satisfactorio que proçede de la caridad, que
es propio del don de saviduria. Pues, como esta ilustracion aguda da al alma unas
noticias muy subidas de Dios y de sus divinas perfecciones, y no la une desta
manera con ellas, dexala penando, y como en el ayre, entre Dios y las
criaturas, sin haçer asiento en nada, porque este conoçimiento de Dios tan vivo
la levanta de todas las cosas criadas, y no la permite aun unirse con las
divinas. Y asi le suçede lo que diçe santo Tomas a este proposito, que le
comunican el olor del sumo bien como de cerca, y el savor del como de lexos, y
con este le ponen el deseo en acto, y el deleite solo en la memoria. Todo lo
qual haçe sed de amor, tanto mas intensa quanto mayor noticia le dan de su bien
ausente. Y con esta sed de amor inflamado van consumiendo del todo en el alma
todas las reliquias del amor de las criaturas.
Pues destas saetas anzorosas y quan penetrantes cran las que
en este tiempo embiava Dios al espiritu de nro venerable Padre para llagarle de
amor, nos da el mismo notiçia en la declaraçion de una destas canciones, donde
diçe asi : « Entre otras muchas diferencias de visitas que Dios haçe al alma
con que la llaga y levanta a su amor, suele haçer
247
touches enflammées d’amour, qui, à la manière de flèches de
feu, blessent et transpercent l’âme pour la rendre toute dévorée du feu d’amour :
avec raison on les appelle blessures d’amour. Viennentelles, la volonté se
dresse rapide et prompte pour s’emparer du Bien-aimé, dont elle a ressenti la
touche ; mais aussi rapidement elle sait qu’il est absent, et se voit
gémissante. Ces visites par blessures d’amour ne sont pas comme celles dont Dieu
use pour refaire et satisfaire l’âme, en la comblant de suavité paisible. Dieu
les fait pour blesser plutôt que pour guérir, plutôt pour faire gémir que pour
donner satisfaction. En somme elles n’ont qu’un but : donner une
connaissance plus vive, un appétit plus fort, donc une douleur plus grave. Ces
blessures enflamment si fort la volonté d’amour pour Dieu, que l’âme, dévorée d’un
tel feu, paraît se consumer au milieu de ses flammes ; ce feu la fait
sortir d’elle-même, pour la rendre absolument neuve et lui permettre de
recevoir une nouvelle manière d’être. » (Cantique spirituel de saint Jean de la
Croix, éditions de 1930 et 1933, Première strophe, 4, b ; 4, fg ;
4, c.)
247
unos ençendidos toques amorosos, que a manera de saetas de
fuego hieren y traspasan al alma y la dexan toda cauteriçada con fuego de amor
: y estas se llaman propiamente heridas de amor. Con las quales se levanta la
voluntad con subita presteça a la posesion del amado, cuyo toque sintio, y con
esa misma presteça siente su ausencia y el gemido della. Porque estas tales
visitas no son como otras en que Dios recrea y satisfaçe al alma, llenandola de
paçifica suavidad ; pues estas las haçe mas para llagar que para sanar, y mas
para lastimar que para satisfaçer. Y asi no sirven mas que para avivar la
notiçia y aumentar el apetito, y por el consiguiente el dolor. 'Inflaman tanto
estas heridas la voluntad en amor de Dios, que se esta el alma como abrasando
en este fuego tanto que pareçe consumirse en aquella llama ; y la haçe salir
fuera de si, para renovarse toda y pasar a nueva manera de ser. »
POSTSCRIPTUM : Le chapitre 20e est bien loin d’être
terminé. Le lecteur que ce début aura mis en goût en pourra bientôt lire la
suite, avec toute la finale du ms 8452.
est le
seul auteur carme récent qui se soit vraiment intéressé à Quiroga[37].
On a de lui trois présentations imprimées :
“Nacié en Castro Caldelas (Orense) en 1562. Estudió en la
Universidad de Salamanca, gracias a la protección de Andrés de Prada, futuro
secretario de Felipe III. Su especialidad fue la teologia y el derecho canónico.
Acabados los estudios, favorecido por su pariente el cardenal Gaspar de
Quiroga, arzobispo de Toledo, pretendió la entrada en el Cabildo catedralicio
toledano, el 15.4.1592; el cabildo comisionó a Antonio Tavares para hacer la
informacién de limpieza de sangre. Tomé posesión de su ración el 15.7.1592.
Pero ya el 2.2.1595 entró en los Carmelitas de Madrid. Su profesión del
2.2.1596 resultó ser inválida y sólo profesarfa válidamente el 11.2.1600. Ese
mismo ano fue nombrado historiador general por Elfas de San Martin, general de
los Carmelitas Descalzos. El 4.11.1603 està de prior en Toledo, siendo
reelegido prior de la misma casa en el Capitulo de Pastrana de 5.6.1604. No tuvo más cargos de
gobierno.
“Su tarea fundamental fue la de escritor. Ya en 1600 publicó
en Madrid la Primera parte de las
excelencias de la castidad. Seguiria en Toledo en 1608 la Historia de santa Catalina, virgen y màrtir,
desgajada de la segunda parte de Las
Excelencias de la castidad. En 1613 vio la luz su Historia de la vida y singulares prerogativas del glorioso san José. En
1624 se publicaba en Uclés La Vida del
Hno Francisco del Nifio Jesùs, que Quiroga no quiso reconocer como suya,
pero que fue bien recibida, e incluso traducida a otras lenguas. Finalmente, en
1628, se editó en Bruselas en circunstancias no del todo claras, la Historia de la vida y virtudes del venerable
padre fray Juan de la Cruz, Después de su muerte fueron publicándose otras
obras. En 1562 la Historia de la Virgen
nuestra seriora, editada en Amberes. En 1656 se publicó en Madrid la Subida del alma a Dios cuya segunda parte
Entrada en el paraiso espiritual, vio la luz también en Madrid en 1659. La Concordancia mistica fue publicada por
el cartujo Bernardino Planes en la cartuja de Montealegre en 1667.
Posteriormente se publicaron: Don que
tuvo San Juan de la Cruz para guiar almas a Dios, Toledo, 1914, la Apologia mistica en defensa de la
contemplacicin divina, en francés en Toulouse y Paris, en 1990, y en
castellano en Salamanca en 1991. Varias obras han quedado inéditas. De tema sanjuanista
es también la Relación sumaria del autor
de este libro y su vida, publicado en la edición de las Obras del Santo de
1618, sin nombre de autor. Exposición brave y sencilla con alguna inexactitud,
corregida en la edición de 1619. Este esbozo biogràfico fue ampliamente
desarrollado en la vida del Santo de 1628 con investigaciones personales y
utilizando los procesos de las informaciones in genere de 16141618. La exposición, sin descuidar del todo el
orden cronológico, esté orientada por la convicción de que en los escritos del
Santo esté retratada su experiencia mistica. Conato laudable de interpretaci6n
de su vida espiritual. En la Historia
utiliza el Cántico espiritual no
impreso en las ediciones españolas de 1618 y 1619.
“Ademàs de biógrafo, Quiroga fue difusor de la doctrina
sanjuanista. Lo cita alguna vez en la Subida
del alma a Dios, copia pàrrafos enteros en la Entrada acompahados de elogios sanjuanistas. En la Historia varias veces remite al Cántico, segûn la redacción A. Hay que
contar a Quiroga entre los primeros apologistas. Sus dos escritos Don que tuvo y Apologia en defensa de la contemplación mistica en el fondo son
apologias de la doctrina sanjuanista. De modo particular defiende la actividad
del alma en la contemplación de fe. No faltaron quienes atacaron sus obras,
pero éstas recibieron el visto bueno de la Congregación Romana del Indice en
1707. Las impugnaciones ante la Inquisicion española Ilevaron a colocar la Subida entre los libros prohibidos en
1750. Las defensas por parte de la Orden lograron se alzase la prohibición en
1771. La Historia de S. Juan de la
Cruz le acarreó un gran disgusto al ser prohibida por la Orden en Espaha y él
privado del oficio de escribir, y, ademas desterrado al recién fundado convento
de Cuenca. Alli murió el 13.12.1628. Su memoria fue rehabilitada con la publicación
de sus obras e, incluso, la vida de S. Juan de la Cruz, en el fondo, sin
corrección de sus ideas.”
BIBL. — FORTUNATO DE JESUS SACRAMENTADO OCD, El P. José de
Jesus Maria y su herencia literaria, Burgos, 1971.
Fortunato Antolin[39].
San
Juan de la Cruz goza de una historiografía abundante. Desde la primera relación
de su vida, publicada como sección especial en la biografia de su hermano
Francisco de Yepes del carmelita José Velasco /1, hasta hoy no le han faltado
al santo fontivereño admiradores sinceros. No es de este lugar la exposición de
este tema/2. Nuestro objeto es mucho más limitado y sencillo. Hacer la
presentación de uno de los primeros biógrafos y de la vida de San Juan de la
Cruz escrita por él. Nos referimos al P. José de Jesús Maria (Quiroga).
Ofrecemos en primer lugar algunas noticias biográficas y a continuación haremos
la presentación de su biografia sanjuanista.
José de
Jesús Maria (Quiroga) no es un personaje desconocido, todo lo contrario. La
bibliografia sobre él tampoco es escasa/3[41].
Francisco de Quiroga vio la luz en Castro de Caldelas (Orense), en 1562, a lo
que se dice. Nada se opone a esa fecha, aunque falten documentos para probarlo.
Quedó pronto huérfano de padre, pero tuvo la fortuna de hallar en Andrés de
Prada, secretaño de Felipe III, un protector cariñoso y desinteresado. Andrés
de Prada se preocupó de que Francisco de Quiroga recibiera una educación
esmerada, realizando sus estudios en la Universidad de Salamanca, en la
facultad de Cánones. No ha faltado quien ha creido que se licenció in utro
1 VELASCO,
JOSÉ, Vida y virtudes del venerable varón Francisco de Yepes. Valladolid, 1617.
2
Cf. ANTOLIN, F., Aproximación a las biografias sanjuanistas, en Teresianum 41
(1990) 473514.
3 Cf.
FORTUNATO DE JESUS SACRAMENTADO, El P. José de jesas Maria y su herencia
literaria, Burgos, 1971. xiixvi.
que Iure /4. No encontramos su nombre en las
matriculas, pero son claros sus conocimientos en materia jurídica/5. Su estancia
en Salamanca no se puede poner en duda/6.
Acabados
sus estudios decidió emplear su vida al servicio de la Iglesia. Ignoramos
cuándo y dónde recibió las órdenes sagradas. Consta, sin embargo, que ya en
abril de 1592 deseaba ingresar en el cabildo toledano, del que su tío el
Cardenal D. Gaspar de Quiroga, era arzobispo. El 15 de abril de 1592 el Cabildo
comisionaba al racionero Antonio Tavares para hacer la información de limpieza
de sangre que exigian los estatutos para ingresar en él. No habiéndose hallado
impedimento el 13 de julio fue admitido a formar parte del Cabildo como
racionero y tome posesión de su ración a través de su procurador Alonso de las
Marinas/7. La vida de racionero no le satisfizo y había renunciado a su ración
ya antes del 22 de enero de 1594. El 20 de noviembre del mismo agio murió el
cardenal Gaspar de Quiroga, con lo que quedaba libre para abrazar la vida
religiosa. Lo hizo dentro de la Reforma carmelitana, donde tenía ya algunos
parientes. Francisco de Quiroga tome el hábito de carmelita descalzo en el
convento de Madrid el dos de febrero de 1595. Allí profesó al año siguiente. Su
formación en el noviciado fue sin duda conforme a la serialada en la Instrucción para criar novicios, aprobada
por la Consulta, uno de cuyos miembros era San Juan de la Cruz, en 1590. La
Instrucción era obligatoria para todos los noviciados. Además en Madrid se
podia más fácilmente controlar la observancia de la Instrucción. Tuvo de
maestro de novicios al P. Bartolomé de San Basilio que había convivido con San
Juan de la Cruz en Granada, desemperiando el mismo oficio. Al llegar la fecha
de la profesión, fue admitido a ella y la hizo el dos de febrero de 1596 /8.
Emitida la profesión, el P. José de Jesús Maria —tal fue su nombre en la Orden—
continue todavia un año en el noviciado antes de salir a estudiar. Los estudios
hechos en Salamanca debieron parecer suficien
4
Asi por ejemplo, FLORENCIO DEL NIÑO JESÚS, El Padre José de Jesús Maria
(Quiroga) (1652-1629) en Archivo Carmelitano, 1 (1931) 57. OTILIO DEL NIÑO JESÚS,
Un mariólogo carmelita español del siglo XVII, en Revista Española de Teologia
1 (19401941) 1024.
5
Cf. en la Historia de la vida y excelencias de la Sacratisima Virgen Nuestra
Señora, Amberes, 1652, L.I. cap. 12, n. 3; L.I. cap. 15, n. 2, L.I. cap. 32, n.
4.
6
Cf. José DE JESUS MARIA, Primera parte de las excelencias de la
castidad, Alcalá, 1601, P.I, L.I, cap. 11, n. 3.
7
Cf. Acta capitularia Sanctae Toletanae Ecclesiae, vol. 20.
8
Cf. el Libro de Profestones de Madrid, fol. 29v. Ms 7.404. de BNM.
tes a
los Superiores, los cuales pensaron valerse del P. José de Jesús Maria para un
oficio de gran transcendencia.
Era un
deseo sentido universalmente en la Reforma el de tener un historiador que
relatase sus hechos. Desde 1562 en que Santa Teresa fundó su convento de San
José en Avila hasta entonces habían sucedido muchas cosas: multiplicación de
conventos de frailes y monjas, erección trabajosa de los Descalzos en provincia
independiente del Provincial de los Carmelitas Calzados y posteriormente la
separación total de la jurisdicción del General Calzado. Habían también pasado
a mejor vida Santa Teresa, San Juan de la Cruz, Nicolás Doria. La Descalcez,
rotas las vallas hispánicas, se había extendido por Portugal, Italia, e Indias.
Se habían erigido los Desiertos... Ciertamente que parte de esta historia
estaba narrada. Santa Teresa había escrito en sus Fundaciones las que ella había
realizado. Pero el libro de las Fundaciones, aunque difundido en manuscritos,
no había sido editado, y además era un relato incompleto. Se imponia, por lo
mismo, comenzar a recoger de manera orgánica y sistemâtica las noticias,
acudiendo a las fuentes más inmediatas y puras para mayor garantia de la
narración escrita. El Oficio de Historiador General le fue confiado al P. José
de Jesus Maria. El nombramiento para este oficio suele colocarse en 1597. Fue
una decisión personal del General Elías de San Martin.
El P.
Quiroga comenzó sin dilaciones la tarea de acumular material historiable. En la
relación de su vida por el Historiador José de Santa Teresa, se lee: ,,Bajó por su consejo a la Andalucia, sabiendo
abundar entonces de religiosos muy antiguos y capaces y que habían traído entre
mano la mása de los primeros sucesos. Ellos y las monjas de Beas, Granada, Córdoba
y Sevilla le dieron tales noticias... que pudo volver muy rico de ellas a
Castilla; en ella aumentó el caudal... comunicando muy de espacio a las
antiguas hijas de nuestra Santa Madre y a los primitivos que quedaban de
Mancera, Valladolid y Pastrana» /9. La exactitud de las palabras del
Historiador se confirma con los documentos que manifiestan su paso por Granada,
Ubeda, Málaga, Valladolid y probablemente por Segovia. No parece exagerado pensar
que dado su oficio no solo pasase por estos conventos y no por todos donde
hubiese religiosos que hubiesen tratado a los Reformadores/10. No sabemos
exactamente el tiempo que empleó en estos viajes de primera
9
Cf. JOSÉ DE SANTA TERESA, Reforma, L.XVII, cap. 25, n. 3.
10
Cf. nota 2, p. 12, nota 30-31.
recogida
documental. Consta, sin embargo, que ya estaba en Madrid el 13 de abril de
1599, fecha en que acomparia al Hermano Francisco del Niño Jesús a visitar a la
Reina doña Margarita de Austria.
Al
tiempo que trabajaba en la Historia, José de Jesús Maria tuvo que simultanear
nuevas ocupaciones: como superior y como procurador en el proceso de
beatificación de Santa Teresa.
No hay
seguramente en la biografia de Quiroga un asunto más embrollado que el de su
superiorato. Los autores están desacordes sobre las fechas del mismo.
Remitiendo a otro lugar, baste ofrecer las fechas que creemos más exactas/11.
Consta que era prior de Toledo el 4 de noviembre de 1603. Fue reelegido en el
Capitulo General de Pastrana de 5 de junio de 1605. Gobernó la casa hasta el
Capitulo General celebrado en Pastrana en mayo de 1607. En el capitulo de 1607
quedó libre. Un intento de mandarle ir a Madrid de Prior al ir a Roma el que lo
era, su homónimo José de Jesús Maria (Martinez), no llegó a llevarse a cabo.
En su oficio de superior procuró satisfacer escrupulosamente con sus obligaciones. En el plan externo en su tiempo tuvo lugar el traslado del convento a las afueras de la ciudad, junto al castillo de San Cervantes. El traslado respondía sin duda a los deseos de soledad de Quiroga, pero a la larga se reveló desacertado, y sólo con dificultad lograron los carmelitas entrar de nuevo en la ciudad en el lugar que actualmente ocupan los religiosos.
La
causa de beatificación de Santa Teresa estaba en este tiempo en pleamar.
Comenzadas las informaciones juridicas en 1591 en Salamanca y Avila, se
ampliaron en 1595-1597 a otras ciudades de la Peninsula. Remitidas a Roma las
informaciones causaron tal impresión que Clemente VIII enviaba el ocho de mayo
de 1604 sus Letras a los obispos de Avila y Salamanca para abrir el proceso
remisorial in genere. El General de la Orden, Francisco de la Madre de Dios,
nombró procurador general al P. Tomás de Jesús que realizó con diligencia su
comisión. Remitidas a Roma las informaciones Paulo V,
11 Cf. FORTUNATO DE JESUS SACRAMENTADO, El
P. José de Jesùs Maria y su herencia literaria, pp. 1314.
el 24
de noviembre de 1607, daba facultad para proceder a las informaciones in specie, último paso para la
beatificación. Pero sólo en agosto de 1608 salieron de Roma las Letras
remisoriales, cuya ejecución venia cometida al cardenal de Toledo, con facultad
de delegar en los Obispos de Avila y Salamanca. Llegadas a España las Letras
Remisoriales, Alonso de Jesús Maria se apresuró a presentárselas al cardenal de
Toledo. Por su parte Alonso de Jesús Maria nombraba procuradores suyos a vaños
carmelitas entre los que se encontraba el P. Quiroga.
La
intervención del P. Quiroga se limitó únicamente a las informaciones hechas en
Madrid. El seis de octubre de 1609 se presentó ante el cardenal Sandoval suplicándole
mandase ver las Letras Remisoriales y abrir el Rótulo donde estaba el
interrogatorio, y aceptase la comisión. Por su parte Quiroga obró con
diligencia. El examen de los testigos comenzó el trece de octubre de 1609 y
terminó el diez de septiembre del año siguiente. Casi un año. El nùmero de los
testigos examinados fue muy grande superando el centenar. Vaños de los testigos
eran muy calificados, que habían conocido y tratado a Santa Teresa. Dentro del
trabajo procesual tuvo lugar la comprobación de la autenticidad de los escritos
teresianos. El 13 de noviembre de 1609 se cotejaron en la biblioteca del
monasterio de El Escorial los originales teresianos con la edición de Salamanca
de 1589. Quiroga aprovechó esta ocasión para pedir una copia notarial de los
cuatro avisos que santa Teresa dio para los Descalzo/12. También se debe a
Quiroga la comprobación del carácter milagroso de la incorrupción del cuerpo de
Santa Teresa.
Con la
intervención en el proceso teresiano de Madrid se cierra la actividad pùblica
de Quiroga. Los últimos años de su vida los pasó segùn José de Santa Teresa en
el «retiro de la celda». Años de trabajo literaño intenso: «Muchos años
perseveró en ella, ya en Alcalá, ya en Madrid adelantándose cada dia en perfeccionar
las obras que escribó/13. Y que no fueron pocas. Veámoslo.
José de
Jesùs Maria ocupa un lugar importante en la literatura española, tanto si se
considera la amplitud de su producción literaria como el influjo
12
Cf. BNM. ms 12036.
13
JOSÉ DE SANTA TERESA, Reforma, L.XVII, cap. 25, n. 5.
de sus escritos a través de las traducciones a lenguas extraites. Dada su producción de tema espiritual es de rigor considerarle como uno de los autores representativos de la espiritualidad en et siglo XVII. La composición literaria de Quiroga abarca prácticamente todo el tiempo de su vida en et Carmelo. Sus obras se pueden dividir en impresas y rnanuscritas.
Siguiendo el orden cronológico de su impresión recordamos las siguientes:
1) Primera parte de la virtud de la castidad. Alcála, 1601. El original ms. se encuentra en la Biblioteca National de Madrid. ms. 12.609. Por el ms. se ve que aun después de concedida la licencia de impresión por el General Elías de San Martín, todavia añado 99 folios, aprobados por el Maestro Córdoba el 13 de enero de 1601.
2) Historia de Santa Catalina, insigne vírgen y mártir y comprobación da la victoria que alcanzó de los Philosophos Gentiles. Toledo, 1608. Formaba parte del segundo tomo de las Excelencias de la castidad, acabado hacía años.
3) Historia de la vida y singulares prerrogativas dei glorioso San loseph, padre putativo de Christo nuestro Senior y Esposo verdadero de la Virgen Maria, su Madre. Madrid, 1613. Esta obra es una recopilación de lo que había escrito en la Vida de la Santisima Virgen, a petición de algunos devotos de San José. La aprobacién de la Orden es de 1610. No ha tenido reediciones y aun los ejemplares que se conservan son muy raros.
4) En la edición de las Obras de San Juan de la Cruz, hecha en Alcalá de Henares en 1618 se halla una Relación sumaria del autor deste libro y de su vida. Es una relacién breve. Aunque algunos la atribuyeron al P. Diego de Jésus, que publicó en esta edición unos Apuntamientos, la autoria quiroguiana de esta relatión es indubitable. Ya el P. Alonso de la Madre de Dios (Asturicense) se la atribuyó y un confronte con la vida de S. Juan de la Cruz, posterior, lo confina plenamente/14.
5) Historia de la vida y virtudes del venerable Hermano fray Francisco del N Jesus, Religioso de la Orden de los Descalzos de N. Sra. del Carmen. Uclés, 1624. Aunque publicada a nombre del P. José el texto no responde exactamente a lo que él habia escrito, por lo que en la vida de San Juan de
14 Cf. FORTUNATO DE JESOS SACRASTNTADO, Ob. cit., pp. 58-60.
la Cruz, rechaza su patemidad. No se conserva hoy el autógrafo, que se hallaba en el Archivo General donde le vio el P. Andrés de la Encamación. No podemos saber, por lo tanto, hasta qué punto fue retocado por los editores. Aunque el autor se mostrase desagradado por esta impresión tuvo acepta-ción. Se tradujo al francés en 1627. En 1628 al latin, en Colonia. Nuevas ediciones españolas en Segovia, 1638; en Madrid, en 1670. En francés en 1637 y 1688. También fue traducida al italiano en 1629 en Brescia, y nuevamente en Génova en 1654 y al flamenco en 1657.
6) Historia de la vida y virtudes del venerable P. Fray Juan de la Cruz, Bruselas, 1628. De esta obra trataremos más adelante.
Estas fueron las obras que conoció impresas Quiroga. Después de su muerte han sido publicadas:
7) Historia de la Virgen Maria, nuestra Señora, con la declaración de algunas de sus excelencias. Amberes, 1652. En la dedicatoria del Provincial de los Carmelitas de Flandes al archiduque de Austria Leopoldo Guillermo le decía que la obra «cayendo de una en otra mano vino a parar casualmente y sin designio buscado en las de nuestro convento de esta villa de Bruselas, donde se veneró por algunos años cual tesoro escondido»/15. Obra de erudición asombrosa, elevándose a unos 260 el nùmero de autores citados, paganos y cristianos, antiguos y modernos, sin excluir a Santa Teresa y a San Juan de la Cruz. En su elaboración ya estaba trabajando en 1608 y no parece le dío la ùltima mano antes de 1621. Bien recibida por Superiores españoles éstos la reimprimieron en 1657. Posteriormente hubo ediciones en 1698, 1761, 1885, 1957. Hay ediciones italianas en 1658 y 1730.
8) Subida del alma a Dios que aspira a la divina unión. Madrid, 1657.
9) Segunda parte de la Subida del alma a Dios y entrada en el paraiso espiritual. Madrid, 1659. Estas dos obras abarcan en su conjunto la vida espiritual. Fueron reimpresas en Madrid en 1675, y en Salamanca en 1694, juntas las dos partes. En italiano se publicó la primera parte en Roma en 1664 y la segunda en Génova en 1669. Edición de ambas partes en Venecia en 1681, 1789 y de sola la segunda en Roveredo en 1730.
10) Concordancia mistica en la cual se trata de las tres vias purgativa, iluminativa y unitiva, se declara y concuerda entre si la doctrina de la Santa Madre Teresa de Jesùs con la de los Santos y Maestros de la vida espiritual que a lo mistico y escolástico han tratado de oración y contempla-
ción. La publicaba el cartujo D. Bernardino
Planes, en 1667. No la publicaba como propia. La autenticidad quiroguiana de
esta obra esta fuera de duda ya que por el P. Andrés de la Encarnación sabemos
se conservaba autógrafa en el Archivo de la Orden/16.
11) Don que tuvo San Juan de la Cruz para guiar
almas a Dios. Es el titulo con que el P. Gerardo de San Juan de la Cruz, ha
publicado esta obra en los apéndices del tomo III de su edición de las Obras
del místico Doctor San Juan de la Cruz, Toledo, 1914, pp. 511-570.
[12) [absent de l’imprimé de Fortunato, 1992]
13) Respuesta a algunas razones contrarias a la
contemplación afectiva. Publicada también en el mismo volumen, III, 571-576.
Posterior al escrito anterior, pues remite a él.
14) Apología en defensa de la contemplación
divina contra algunos Maestros escolasticos que se oponen a ella. Se
conserva en dos manuscritos de la Biblioteca Nacional de Madrid, ms. 4.478 y
4.287. Su publicación en español es inminente por parte de la Junta de Castilla
y León. En francés ha sido publicada ya con introducción, y versión de Jean
Krynen en Toulouse, 1990, y en español y francés por Max Huot de Longchamp en
Paris 1990.
Recordemos
en primer lugar los tres tomos de las Excelencias
de la castidad. El historiador José de Santa Teresa al narrar los escritos
de Quiroga escribe: «Los que dejó escritos y perfeccionados son: tres tomos
grandes de la castidad en prosecución del primero»/17. Hoy se ignora su parádero.
Como
hemos dicho, el P. Quiroga fue nombrado Historiador general de la Orden. Fruto
de sus desvelos fueron las “Flores del
Carmelo antiguo donde se refieren las virtudes esclarecidas y vidas ejemplares
de los santos que hubo en la religión carmelitana desde que el gran profeta Elías
la fundó por inspiración de Dios en el Monte Carmelo basta que los infieles
mahometanos ocuparon las provincias de Oriente y destruyeron sus monasterios”.
Se conserva autógrafo en el ms. 8 677 de la Biblioteca Nacional de
Madrid. Pero este volumen corresponde al segundo tomo de la Primera parte. No
sabemos adonde han ido a parar los otros tres tomos que escribió de historia de
la Orden. Quiroga presentó esta obra a la censura de la Orden que no la aprobó.
Queda la apologia de su obra en ms. 2 711, fol. 227-232.
16 Cf. ANDRÉS DE IA ENCARNAC1ÓN, BNM.
ms. 3 180, fol. 107v.
17 Cf. JOSÉ DE SANTA TERESA, Reforma,
L.XVII, cap. 25, n. 10.
Se
conserva además el “Tratado de la oración
y contemplación sacado de la doctrina de la bienaventurada Madre Teresa de
Jesùs y del venerable padre fray Juan de la Cruz”. Autógrafo, incompleto,
en las MM. Carmelitas Descalzas de Consuegra.
En los
ms. 11.990 y 8.273 se conserva la Declaración
del capítulo 22 de la Autobiografía de Santa Teresa de Jesùs. El 20 de
agosto de 1622 aprobaba el Dr. Martin Ramirez este escrito.
En el
ms. 7.006 de la Biblioteca Nacional se conserva autógrafo este escrito de
Quiroga: Intercesión milagrosa de la
Virgen Nuestra Señora. Donde se refieren muchos sucesos raros y ejemplos
milagrosos que verifican cuán poderosa es su intercesión para el socorro de
todas las necesidades de cuerpo y alma. Posterior al 1614 ya que habla de
sucesos acaecidos ese año.
En ms.
8.452 se halla el escrito breve ,,Respuesta
a algunas dudas sobre sequedades espirituales».
En el
ms. 4.478 se contiene la Respuesta a una
duda de la doctrina de S. Juan de la Cruz.
Finalmente
en el ms. 2.711, se conserva lo que seguramente fue su primer escrito, que
podemos intitular Dictamen sobre la
conveniencia de carmelitas ermitañas, con ocasión de la fundación de
Carmelitas Descalzas en Alcalá de Henares. El P. Quiroga no es favorable a esa
experiencia.
Recordada
la producción literaria del P. Quiroga es hora de detenemos un poco en la vida
de San Juan de la Cruz.
1. Vie. — Francisco de Quiroga naquit à Castro de
Caldelas, province d’Orense (Espagne). On a l’habitude, sans preuve écrite, de
placer sa naissance en 1562. Il fit ses études à l’université de Salamanque,
probablement en droit. Ordonné prêtre on ne sait quelle année, il obtint par
l’entremise de son oncle, le cardinal Gaspar de Quiroga, un bénéfice au
chapitre cathédral de Tolède (1592), auquel il ne tarda pas à renoncer. En
1595, en effet, il reçoit l’habit de carme Déchaux au couvent de Madrid et y
fait profession le 2 février 1596, sous le nom de Joseph de Jésus-Marie.
Peu après sa profession (1597 ?) et sans qu’il ait été
jugé utile de lui faire poursuivre ses études, José est nommé historien général
de l’ordre par le supérieur général, Ëlie de Saint-Martin. Cette charge lui
fait visiter les couvents d’Andalousie et de Castille. De la fin de 1603 à mai
1607, il est prieur du couvent de Tolède. À partir de cette date, il change
souvent de [colonne 1355] résidence (Madrid, Pastrana, Tolède, Alcala, etc.)
et se voue à la composition et à la publication de ses ouvrages.
En 1628, paraît à Bruxelles son Historia de la vida y
virtudes del V.P. Fray Juan de la Cruz, sans la per¬mission de l’ordre.
L’intervention de Quiroga dans cette publication n’est pas claire. Toujours est-il
que ses supérieurs le jugèrent coupable et le punirent dure¬ment ; il
n’est pas exact de dire qu’ils lui retirèrent son office d’historien général,
car Quiroga en avait été déchargé déjà en 1625. Envoyé au couvent de Cuenca, il
y mourut peu après, le 13 décembre 1628.
2. Œuvres. — Quiroga fut l’un des plus féconds écrivains
du Carmel réformé ; ses ouvrages touchent à divers domaines (histoire,
spiritualité, mariologie).
1 ° Ouvrages imprimés. — 1) Primera parte de las excelencias de la castidad, Alcala, 1601;
l’ouvrage comptait quatre volumes ; seule cette première partie fut
publiée, -- 2) Historia de Santa
Catalina... y comprobación de la Victoria que alcanzó de los filósofos gentiles,
Tolède, 1608. — 3) Historia de la vida y
singulares prerrogativas del glorioso San José, Madrid, 1613 (dédié à son
homonyme, José de Jésus Maria, récemment élu supérieur général).
4) Relacion sumaria de
la vida de San Juan de la Cruz, publiée anonymement dans la première
édition des œuvres de Jean de la Croix en 1618 à Alcala (reprise dans l’éd. de
Barcelone, 1619) ; de cette Relacion dépend la présentation du saint que
publia René Gaultier dans sa traduction française des œuvres en 1621 et 1628
(cf. DS, t. 6, col. 146).
5) Historia de la vida
y virtudes del V. Hermano Fray Francisco del Nino Jesus, Uclès, 1624; cet
ouvrage fut publié avec des retouches d’une main étrangère et son auteur la
désavoua pour des raisons doctrinales. Réimpressions : Ségovie, 1638, et
Madrid, 1670. Trad. françaises par Matthieu de Saint-Jean (Paris, 1626, 1627,
1631) et par Cyprien de la Nativité (Paris, 1647; Lyon, 1688; cf DS, t. 2, col.
2669-2672) ; en latin, Cologne, 1628 ; en italien, par Jérôme de
Sainte-Thérèse, Brescia, 1629, et Gênes, 1654 ; en flamand, Bruxelles,
1657. Cf DS, t. 5, col. 1034.
6) Historia de la vida
y virtudes del V.P. Fray Juan de la Cruz, Bruxelles, 1628, 1632; Malaga,
1717, légèrement retouchée par ordre des supérieurs ; l’éd. de Burgos,
1727, est moins fidèle. Trad. italienne, Brescia, 1638 ; française, par
Élisée de Saint-Bernard, Paris, 1638, et par Cyprien de la Nativité, Paris,
1642 ; latine, par Adrien de Sainte-Marie, Cologne, 1633.
Ont paru après la mort de Quiroga : 7) Historia de la Virgen Maria, con declaración
de algunas de sus excelencias, Anvers, 1652. Toutes les éditions faites en
Espagne (Madrid, 1657, 1791, 1957 ; Barcelone, 1698 ; Lérida, 1885)
sont retouchées selon les avis de la Junta
de la Inmaculada Concepción. Trad. italienne, faite sur l’original d’Anvers
par Jérôme de Sainte-Thérèse, Padoue, 1658, et Naples, 1730.
8) Subida del alma a
Dios que aspira a la divina unión, Madrid, 1656; Segunda parte de la Subida del aima a Dios y entrada en el paralso
espiritual, Madrid, 1659. Les deux parties forment un seul traité sur la vie
d’oraison, la première sur l’oraison ordinaire, la seconde sur
l’extraordinaire. Autres éd., Madrid, 1675 ; Salamanque, 1694. Trad.
italienne par Balthasar de Sainte-Catherine (Ie partie), Rome, 1664, et par
Luc-François de Saint-Benoît (2e partie), Gênes, [col.1356] 1669 (réimprimées
ensemble, Venise, 1681 et 1739 ; 2e partie seule, Roveredo, 1730).
La Bibliothèque nationale de Madrid conserve, tous autographes,
les ms. 2231, 8301, 8452 et 7229,
intitulés Entrada del alma ou Subida del
alma a Dios. Ces mss. forment
deux couples (2231-8301 et 8452-7229) dont le premier paraît être le plus
ancien. Les mss. 2231 et 8452 contiennent ce qui se rapporte à la contemplation
ordinaire ; les ms 8301 et 7229 traitent de la contemplation
extraordinaire ou infuse. En ce qui concerne l’édition imprimée de la Subida, sa première partie a pour source
le ms 11990, qui n’est pas autographe et qui est surtout dépendant du ms 8452 ;
la seconde partie correspond au ms 8301, dont elle reproduit presque
intégralement les livres 2 et 3 (excepté ce qui concerne les sécheresses
spirituelles). Retenons que la première partie de l’édition présente moins de
garantie de nous donner l’enseigne¬ment authentique de Quiroga, car elle
diffère notablement des ms autographes. On trouve à la même Bibliothèque
nationale de Madrid un groupe de ms concernant la Subida : 18 749
(70) (censures), 8717 (défense), 8712 (discussions), 8517, 8518, 8520, 8521,
8522 (apologies diverses).
9) Don que tuvo San
Juan de la Cruz para guiar almas a Dios (fait à Tolède en 1614), dans l’éd.
des Obras I du saint par Gerardo de San Juan de la Cruz (t. 3, Tolède, 1914, p. 511-570).
— 10) Respüesta a algunas razones
contrarias a la contemplación afectiva (ibidem, p. 571-576 ;
Mensajero de Santa Teresa, t. 4, 1926, p. 132-135, 164-167, 197-200).
11) Concordancia
mistica en la cual se trata de las très vias purgativa, iluminativa y unitiva,
se déclara y concuerda entre si la doctrina de la S. Madré Teresa... con la de
los Santos y Maestros de la vida espiritual, publié à Barcelone, 1667, par
le chartreux Bernardino Planes + 1604, comme étant d’un auteur inconnu ;
l’original était conservé à l’Archivo general de l’ordre à Madrid, selon le
témoignage d’André de l’Incarna¬tion.
2 ° Sont restés manuscrits et sont conservés à la
Bibliothèque nationale de Madrid (cf. Matias del Nino Jésus, dans Ephemerides carmeliticae, t. 8, 1957, p. 207-210) :
12) Flores del Carmelo antiguo (ms 8677, autographe); c’est le tomo segundo de la Primera Parte de
l’histoire de l’ordre dont Quiroga rédigea quatre volumes. — 13) Apologia mistica en defensa de la
contemplación divina contra algunos maestros escolasticos... (ms 4478,
autographe ; ms 4287, copie); cette défense de Jean de la Croix, qui
ressemble à l’apologie de Basile Ponce de Léon, ermite de Saint-Augustin, par
son propos (cf. DS, t. 3, col. 400 ; t. 4, col. 1003), en diffère par la
doctrine et la manière.
14) Declaración del
capitulo 22 del libro de Nuestra Santa Madré Teresa (ms 11990 ;
autres copies aux archives des carmes Déchaux de Tolède et des carmélites de
Salamanque). — 15) Intercesión mila gros
de la Virgen Nuestra Señora (ms 7006, autographe) : exposition
doctrinale de l’intercession mariale confirmée par de nombreux exemples.
16) Dictamen sobre la
conveniencia de carmelitas descalzas ermitanas (ms 2711, f. 380-385,
incomplet); Quiroga n’approuve pas cette forme de vie carmélitaine. — 17) Respüesta a algunas dudas sobre las
sequedades espirituales (ms 8452, in fine; autographe). — 18) Respüesta a una duda de la doctrina de San
Juan de la Cruz (ms 4478, autographe, 5 f.). —-19) Tratado de la oración y contemplación sacado
de la doctrina de la... madré Teresa de Jesûs y del V.P. Fray Juan de la
[col.1358] Cruz, conservé, incomplet,
chez les carmélites de Consuegra.
On ignore où se trouve actuellement L’Escala mistica (2 vol.), conservée au 18e siècle aux Archives
générales de l’ordre.
3. Doctrine. — Nous ne nous arrêterons pas à la doctrine
mariale de Quiroga ni à ce qu’il enseigne au sujet de la chasteté, mais
uniquement à ce qu’il dit de l’oraison.
Quiroga est pleinement convaincu qu’il existe encore de son
temps une déviation dans la doctrine communément répandue au sujet de la
contemplation ; cette déviation tient dans un accent excessif mis sur
l’activité naturelle au préjudice de l’illumination divine à laquelle la vie
d’oraison doit normalement conduire. Dans l’exposé qu’il fait de l’oraison, il
suit la doctrine des trois mouvements (direct, hélicoïdal, circulaire ;
cf. DS, t. 3, col. 322), qu’il prend chez le pseudo-Denys et qu’il applique à
la vie spirituelle tant ordinaire qu’extraordinaire (cf. DS, t. 3, col.
414-415). Nous n’exposons ici que ce qui regarde les mouvements direct et
circulaire.
Le mouvement direct s’exerce par la méditation et la
spéculation, qui vont des créatures à Dieu. La méditation est nécessaire comme
préambule à la contemplation ; il existe entre les deux les relations de
principe à fin et de cause à effet (Entrada del alma, ms 2231, livre 1,
ch. 3). La matière de la méditation est tout ce qui sert à la connaissance
et à l’amour de Dieu, en particulier les mystères de l’humanité du Christ (ch. 8).
Pour être fructueuse, la méditation doit avoir trois parties, ou trois
démarches : elle discourt par le moyen de figures imaginaires ; elle
pèse avec l’esprit ; elle se repose, attentive et aimante. Qui médite
doit peu s’arrêter au premier temps, davantage au deuxième et terminer par le
troisième où il reçoit la lumière du don de sagesse.
La répétition de ces actes, de méditation en méditation,
forme un habitus, qui est condition indispensable pour passer à la
contemplation. La contemplation exige en effet dans l’esprit cet habitus de la
méditation, c’est-à-dire, en termes scolastiques, la suffisance d’espèces
intelligibles dans l’intellect possible. Il exige en outre dans l’appétit
sensitif « algûn sabor de las cosas espi- rituales y moderación comenzada
de las pasiones » (ch. 23; Don que tuvo.., n. 2 et 6). Ces deux
conditions sont d’ordinaire réunies après quatre ou six mois, si on y a
travaillé sérieusement. Il existe de plus des signes qui indiquent que le
moment de passer à la contemplation est venu ; Quiroga reprend ceux que
donne Jean de la Croix [Entrada... , ms 2231, livre 1, ch. 27).
Le mouvement circulaire est celui de la contemplation ;
celle-ci, en tant qu’elle diffère de la méditation et de la contemplation
naturelle, est « cet acte principal par lequel on contemple Dieu en
lui-même, sans (référence à une) ressemblance connue, avec la lumière simple de
la foi, éclairée par les dons du Saint-Esprit » (Historia de las excelencias de la Virgen Maria, livre 1, ch. 27;
Subida. , ms 8452, livre 1, ch. 15). Durant cette vie, la
contemplation chrétienne admet une double forme : la contemplation par
mode humain et celle par mode supra-humain [Apologia..
, ch. 2). Ce qui les distingue entre elles, ce sont les aides qui y
interviennent ; elles sont communes dans la première, particulières dans
le mode supra-humain ou infus.
Les dons de l’Esprit opèrent dans les deux, éclairant l’âme d’une
manière plus ou moins vive [Apologia..
, ch. 2 ; Don que tuvo.. ,
n. 2 ; Entrada. , ms 2231, livre 2, ch. 10). Il semble que
chez Quiroga cette lumière plus ou moins grande, qui est donnée dans les deux
modes de la contemplation, s’entende uniquement dans un sens psychologique. Il
n’apparaît pas qu’il fasse une distinction entre la surnaturalité de la foi et
les dons du Saint-Esprit. L’illumination du Saint-Esprit requiert la quiétude
de l’activité purement naturelle de l’entendement, lequel doit s’arrêter à la
pensée de Dieu tel que la foi le présente, mais elle exige l’activité et
l’effort de la volonté tendant vers Dieu.
La contemplation ordinaire fait partie de la voie normale
vers la sainteté et tout chrétien peut y atteindre s’il s’y dispose
convenablement. Il est permis de la désirer et de la rechercher par les moyens
enseignés par les saints [Entrada, ms 2231,
livre 2, ch. 11) ; elle est obligatoire pour les religieux
carmes (ibidem).
La contemplation extraordinaire comprend toutes les
élévations surnaturelles correspondant aux trois mouvements de l’âme. Celles
qui surviennent dans le mouvement direct vont du sensible au spirituel ;
celles du mouvement hélicoïdal sont communiquées à l’intérieur de l’âme et
s’étendent de là aux actes extérieurs, mettant en œuvre les motions divines ;
celles du mouvement circulaire procèdent d’illuminations divines reçues dans
l’acte supérieur de l’intelligence et de la volonté sans forme ni figure
sensible. Suivant en cela l’enseignement des deux réformateurs du Carmel,
Quiroga établit une échelle des grâces surnaturelles : recueillement infus
sensible, quiétude, recueillement plus profond, ivresse spirituelle, « théologie
mystique », ivresse spirituelle plus grande, angoisse d’amour, touches
divines, union simple, union de rapt, mariage spirituel.
Ces communications sont éprouvées d’une manière savoureuse,
mais elles sont entremêlées d’autres communications « peineuses »,
qui correspondent aux nuits sanjuanistes et qui aident à pénétrer dans l’état
de contemplation [Entrada, livre 1,
ch. 3 et 13), avant d’arriver à l’état d’union (nuit de l’esprit ; ibidem, ch. 26 — 27). Les grâces
savoureuses sont une purification par le feu ; les « peineuses »,
une purification par l’eau (ch. 18).
Qu’elle soit selon le mode humain ou le mode supra¬humain, la
contemplation est marquée par un mouvement vers la perfection ; elle est
ordonnée à l’union à Dieu par amour et par ressemblance. La contemplation
ordinaire, dit Quiroga, « est ordonnée principalement à enflammer la
volonté au feu de l’amour de Dieu et à augmenter en elle la charité » [Subida. , ms 8452, livre 2,
ch. 2 ; Don que tuvo... ,
n. 21). À la différence de la méditation qui a pour but les vertus morales
acquises, la contemplation tend à l’augmentation des vertus infuses, surtout de
la charité. Elle doit garder une dominante nettement affective [Apologia, ch. 7). L’âme, dans la
contemplation ordinaire, peut avoir une activité surnaturelle et parvenir à
l’union de la volonté, qui est nécessaire et suffisante pour la perfection
chrétienne [Entrada, livre 2, ch. 4).
La contemplation infuse conduit d’une manière plus rapide et plus radicale aux
ultimes degrés de cette perfection, en dotant les très rares âmes qui
parviennent au mariage spirituel d’un état semblable à celui d’Adam avant le
péché (livre 3, ch. 2). Cet état comporte la perfection morale et
aussi la perfection psychologique des puissances supérieures. [col.1360]
Quiroga n’a pas la prétention d’enseigner une doctrine
nouvelle. Il recourt constamment aux autorités de la tradition spirituelle
chrétienne. Ses citations de la Bible sont fréquentes. Parmi les Pères, il
s’inspire surtout d’Augustin, de Grégoire le Grand, d’Ambroise. L’influence du
pseudo-Denys est constante, qu’elle vienne de ses écrits ou de ses
commentateurs, Hugues de Saint-Victor, Rupert, Albert le Grand, Thomas d’Aquin.
Ce dernier est amplement utilisé dans le domaine proprement théologique. Les
auteurs spirituels classiques les plus souvent invoqués sont Bède le vénérable,
saint Bernard, saint Bonaventure, Hugues de Balma, les victorins, Gerson, Jean
Ruusbroec, Jean Tauler, Harphius. On remarque l’absence quasi complète des
auteurs de la Devotio moderna et de l’Espagne du 16e siècle, à l’exception de
Thérèse d’Avila et de Jean de la Croix, dont l’influence en matière de doctrine
spirituelle est prépondérante.
L’influence de Quiroga s’est fait sentir non seulement dans
l’école carmélitaine, qui tient généralement compte de ses positions, mais
encore en dehors d’elle ; on rencontre des citations de Quiroga chez le
mercédaire Juan Falconi (f 1638 ; DS, t. 5, col. 35-43), les capucins
Antonio de Fuentelapefia (f vers 1702 ; DS, t. 1, col. 711-712) et Isidro
de Leon (17e s. ; DS, t. 7, col. 2096-2097), chez le dominicain Thomas de
Vallgornera 11 665, le minime Gabriel Lopez Navarro (f vers 1647),
chez le dominicain Pedro Villalobos (fin 17e s.) et chez le chartreux Jéróme
Spert +1670. Notre carme a aussi influencé les ouvrages du cardinal Pier Matteo
Petrucci +1701, bien qu’on ne puisse dire qu’il lui ait fourni sa doctrine
quiétiste. Cependant, au début du 18e siècle, les œuvres de Quiroga furent
soumises au jugement de la congrégation de l’Index ; la sentence de cette
dernière, le 7 juin 1707, les déclara exemptes du quiétisme que leur reprochait
le capucin Félix de Alamin (f vers 1727 ; DS, t, 5, col. 128-129). Par la
suite, le texte imprimé de la Subida del
alma a Dios fut prohibé par l’inquisition espagnole de 1750 à 1771.
Florencio del Nino Jésus, El P. José de Jésus Maria.., dans Archivo carmelitano, t. 1, 1931, p.
55-74. — Silverio de Santa Teresa, Historia
del Carmen descalzo. , t. 9, 1940 (voir table). — Otilio del Nino Jésus,
Un mariólogo carmelita... José de Jesûs Maria. , dans Revista espanola de teologia, t. 1, 1941, p. 1021-1056; Un libro
inédito del P. José... (= Intercesián milagrosa de la Virgen Maria), dans El Monte Carmelo, t. 48, 1944, p. 18-29,
111-116 ; La mediación universal de Maria en el P. José.., ibidem, t. 65, 1957, p. 170-223.
José Maria de la Cruz, El
P. Quiroga. Una vida, una obra, un proceso, ibidem, t. 63, 1955, p.
257-286. — Enrique del Sagrado Corazon, Notas del proceso inquisitorial contra
la « Subida del alma a Dios »... Autenticidad de la obra, dans Revista de espiritualidad, t. 14, 1955,
p. 76-82. — J. Krynen, Denys le
mystique et saint Jean de la Croix, thèse inédite, 1955 ; Apologia mistica”. Opuscule inédit de José
de Jesûs Maria. , thèse complémentaire, inédite, 1955.
Matias del Niño Jésus, dans Ephemerides carmeliticae, t. 8, 1957, p. 237-240 (remarques
bibliographiques). —E. Allison Peers, Studies
of the Spanish Mystics, t. 3, Londres, 1960, p. 46–54, 290–292 et table. —
Fortunato de Jésus Sacramentado, El P. José
de Jesûs Maria y su herencia literaria, Burgos, 1971, extrait dans El Monte Carmelo, t. 79, 1971, p.
77-124.
DS, t. 2, col. 175-177, 184-185, 191-192; t. 7, col.
1106-1107 (Humanité du Christ), 1498-1503 passim
(Images et contemplation).
FORTUNATO DE
JESUS SACRAMENTADO.
[Pour comprendre le manque d’intérêt de la majorité des carmes pour Quiroga je propose de reprendre l’histoire de l’Ordre tel qu’il est exposé au chapitre III de la troisième partie de l’ouvrage de Jean Krynen : « Mystique chrétienne et théologie moderne, saint Jean de la Croix et l’aventure de la mystique espagnole [42]» :]
Le courant luisien chez les carmes espagnols, p. 286. —1.
Leur thérésianisme et le manifeste de la nouvelle école, p. 287. —2. La
nouvelle synthèse doctrinale de Thomas de Jésus, p. 300. — La
contemplation infuse extatique et fruitive, p. 306. —3. La contemplation
acquise, p. 319. —4. Le point de départ du quiétisme, p. 322. —
Appendice I : L’édition de 1618 et la doctrine de Thomas de Jésus, p. 325.
— Appendice II : Le problème du Cantique spirituel et la critique, p. 324.
— Appendice HI : La postérité de la doctrine de Quiroga en Espagne, p. 331.
L’histoire de la spiritualité mystique, telle qu’elle s’est
développée en Espagne entre 1600 et 1630 chez les carmes de la Réforme,
constitue un des paradoxes surprenant. Quelques années plus tôt, un merveilleux
retour de la tradition s’était opéré justement chez eux, à travers l’œuvre des
deux réformateurs, dans une complémentarité de vocation providentielle. Sainte
Thérèse était une extatique, saint Jean de la Croix l’était également ;
mais sa voie n’était pas entièrement tributaire des phénomènes mystiques
extraordinaires comme le fut celle de la sainte Fondatrice jusqu’à son
élévation en 1575-1577 (elle avait soixante ans) au mariage spirituel. C’est
dans sa prison de Tolède en 1577-1578, dix ans après sa profession dans la
Réforme (il a tout juste trente-cinq ans), que saint Jean de la Croix connut ce
suprême accomplissement. Leurs doctrines, par des cheminements pour ainsi dire
opposés, convergèrent sur les sommets des Demeures et du Cantique spirituel, ainsi
que de la Vive Flamme. L’analyse et l’histoire démontrent que cette sublime
rencontre s’est accomplie dans un échange mutuel où il est parfois difficile de
dire qui a influencé l’autre. Cette merveille palpable dans leurs écrits a été
très tôt soulignée par certains carmes bien renseignés et bien disposés. Mais
tel ne fut pas le cas général.
Dans les années qui suivirent la mort de saint Jean de la
Croix (1591), sa doctrine ne semble pas avoir été bien connue. Par contre,
celle de sainte Thérèse passait au premier plan d’une actualité polémique du
fait qu’elle était dénoncée à l’Inquisition, et se voyait vigoureusement
défendue, en particulier par Louis de Léon. Fait capital, l’Apologie que ce
dernier a composée en 1589, un an après l’édition des livres de la sainte Mère,
faisait valoir, contre les détracteurs, l’utilité de publier les merveilles de
Dieu dans les âmes des saints et donc toutes les révélations dont les ouvrages
de sainte Thérèse étaient remplis. Son plaidoyer semblait impeccable.
Il l’avait développé en 1587 dans sa Lettre - Dédicace à la
prieure du couvent des Déchaussées de Madrid et à ses compagnes, la fameuse
mère Ana de Jestis. Si les révélations véritables ont l’Esprit-Saint pour
auteur, pourquoi ne mériteraient-elles pas d’être connues et publiées ?
Si Dieu parle à ses amis, serait-ce pour que nul ne s’en avise ? Celles
que reçut Thérèse sont attestées depuis sa mort et par ses miracles. Ne pas
vouloir qu’on en parle c’est, en quelque sorte, faire injure au Saint-Esprit.
Celui qui en jugera comme il sied, ne saurait approuver que ces révélations
demeurent ensevelies. On y apprendra à distinguer les vraies des fausses. Et d’ailleurs
jamais la sainte Mère n’a recommandé de se gouverner sur semblables faveurs,
mais au contraire de ne tenir pour révélé que ce que l’Église a reçu de Dieu
dans les Saintes Lettres et ce que dicte la sainte et saine raison. La voie qu’elle
a recommandée est celle de la plus rigoureuse mortification des attaches du cœur,
de la plus grande nudité et désappropriation de nous-même et de tout. Cela ne
veut pas dire que la connaissance des merveilles de Dieu pour ses amis, des
délices qu’Il accorde aux âmes, ne soit pas très utile. Elles sanctifient qui
les lit. Elles suscitent son admiration et l’entraînent dans l’amour de Dieu.
Comment la connaissance des merveilles secrètes de Dieu pourrait-elle nuire à
personne ? Une seule chose est à craindre : c’est de rencontrer sur
ce sujet ceux qui veulent mener tout le monde selon leur esprit et
désapprouvent tout ce qu’ils n’ont pas ordonné ou recommandé. Il ne faut pas
leur faire crédit. Bien sûr, concluait Louis de Léon, il convient de demeurer
prudent, car ces grandes faveurs divines ne vont pas toujours de pair avec « la
grâce qui sanctifie » ou « n’y mènent pas toujours », comme
on le voit « dans la [grâce de la] prophétie qui peut exister même chez
qui est en état de péché ». Cependant, dans le cas de la Mère, on sort de
l’ordre commun. Admiration et prudence doivent donc aller de pair chez celui
qui lira ces inestimables écrits.
Mais il est bien évident que la question de l’édition des
écrits de la sainte mise à part — depuis les origines du christianisme les
hagiographies n’en étaient-elles pas remplies autant que les vies de sainte
Brigitte, de sainte Gertrude, de sainte Catherine de Sienne ? Comme le
rappelait Louis de Léon — restait la question théologique de la nature de ce
genre de grâces divines et de leur rapport avec la grâce qui sanctifie,
autrement dit, la question posée par saint Jean de la Croix et qui, nous l’avons
vu, est au cœur de sa conception de la grâce mystique. Or, nous le savons, sur
ce point, Louis de Léon est en total désaccord avec lui. La vision
ascético-mysticisante de Fray Luis devait néanmoins passer chez les carmes qui
la firent valoir, prenant aussi résolument le parti de Louis de Léon face à
saint Jean de la Croix, que celui-là avait pris le parti de sainte Thérèse
contre ses malheureux détracteurs. La question des révélations servait de
révélateur à la crise ouverte chez les carmes espagnols avec l’émergence d’une
« école thérésienne » manifestement indépendante de la doctrine de
son fidèle compagnon.
Il ne s’agissait pas seulement d’un courant reflétant l’influence
des rhéno-Flamands, mais bien d’un courant national, espagnol, remontant à
Louis de Léon, et tributaire de la théologie moderne que l’augustin avait, l’un
des premiers, illustrée chez lui, une théologie fondée sur le séparatisme de la
nature et du surnaturel. Mais, dès 1600, ce courant thérésien purement
castillan interfère avec le courant de la mystique abstraite venu du Nord et
donne naissance à l’étonnante synthèse du champion espagnol de la déviance au
XVile siècle, le carme Thomas de Jésus. Dès ces années, en effet, dans un cours
professé à Séville, il avait opté en faveur de la problématique de Laredo et de
Ruusbroec en faisant dépendre la surnaturalité de la théologie mystique du
miracle de l’illapsus immédiat du Saint-Esprit dans l’âme : de ce fait l’union
mystique se situait dans un au-delà de la vie de la grâce des vertus
théologales et des dons, dans le domaine de la vie suressentielle ou
suréminente étrangère au régime de la foi/1.
**
1. La mystique, selon Louis de Léon, était essentiellement
union de conformité de la volonté à la volonté divine, fruit de l’effort du
sujet aidé des secours « ordinaires » de la grâce, mais une ascèse
surmontée d’une mystique des lumières extraordinaires de la grâce gratuitement
donnée (prophétique). Cette conception d’une mystique comme mystique des
Lumières extraordinaires de l’oraison a fait une entrée bruyante dans l’Espagne
des dernières années du règne du Roi Très-Catholique Philippe II. Lors de
sa dernière maladie, le prieur de l’Escurial, futur biographe de sainte
Thérèse, le P. Diego de Yepes, avait lu à l’infante Isabelle et au Roi une
traduction du Joyau spirituel de Louis de Blois. Philippe II aurait
proposé au P. Castañiza de préparer une traduction castillane des Révélations
de sainte Gertrude, tant l’ouvrage de Louis de Blois lui avait paru admirable.
La chose paraissait irréalisable, l’Index de Quiroga en 1583 ayant prohibé la
libre circulation des révélations de sainte Catherine de Gênes. À quatre
reprises, le Conseil royal devait donc refuser l’autorisation de publier le
livre qui parut finalement en 1601 sous le titre : Insinuation de la
Divine Piété assortie de quelques Discours explicatifs (il s’agissait de la
première partie de la traduction du Héraut de l’Amour divin) et encore en 1607,
avec la seconde partie sous le titre de Lumière des merveilles de Dieu.
Le titre complet et pompeux annonçait le programme de la
nouvelle école. Les Discours de l’édition de 1607 n’étaient pas du traducteur,
le bénédictin Leandro de Granada, mais bien du second historiographe de la
Réforme de sainte Thérèse, petit-neveu de celle-ci, Francisco de Santa-Marfa
(Fernando Pérez del
1 Voir infra, pp. 296, 302, 307, 311, 312 n. 53.
Pulgar y Sandoval) né à Grenade en 1567. Condisciple de
Thomas de Jésus à Salamanque, il entra au Carmel en 1587 et décida celui-ci à y
entrer à son tour en 1588. Il s’agissait bien d’un ouvrage qui, prenant
occasion de l’autorisation du Conseil Royal de publier les Révélations de
sainte Gertrude, rendait publique la doctrine de l’école en formation, autour,
principalement, de Francisco de Santa Marta et de Thomas de Jésus. Cette
Lumière des Merveilles que Dieu a prodiguées depuis le commencement du monde,
aux âmes de ses Prophètes et de ses Amis, tant dans la loi naturelle et la loi écrite
que dans la loi évangélique de grâce : par visions et paroles extérieures
aux sens corporels : par visions et paroles imaginaires en l’imagination
et puissances sensitives : par visions et paroles intellectuelles dans le
centre de l’âme et dans la partie la plus pure et la plus relevée de ses
puissances, et par la communication souveraine de sa Divine Nature, qui se fait
par grâce, où l’on traite des apparitions de Dieu, du Christ, des Anges, des
saints glorieux, des âmes du Purgatoire aux vivants avec aussi un épitomé de
théologie mystique : où l’on résout ce qu’il y a de plus difficile dans la
Théologie mystique. Son auteur est Léandre de Grenade, moine de l’Ordre du glorieux
saint Benoit et Lecteur de Théologie. Il est adressé au Cardinal Archevêque de
Tolède, Primat des Espagnes, Illustrissime Seigneur Don Bernardo de Rojas y
Sandoval.
Ce titre en dit long. L’ouvrage est une fin de non-recevoir
adressée à la doctrine la plus significative d’un certain Père Jean de la
Croix, jamais cité, mais toujours présent, concernant le renoncement aux
appréhensions surnaturelles distinctes. Il n’est pas, chez saint Jean de la
Croix, un reniement. Le docteur mystique ne nie pas que Dieu éclaire les
contemplatifs chrétiens tout au long de leur cheminement dans la voie de l’union
d’amour, qu’il les gratifie de dons prophétiques, merveilles de sa Lumière — aujourd’hui,
comme hier, au temps de l’Ancienne Alliance. Non seulement il admettait l’existence
de telles faveurs, mais il en marquait la nécessité, il en soulignait surtout
la nature et la finalité. Ce qu’il en a dit montre qu’il appréciait à leur
juste valeur, et mieux que quiconque, le bienfait spirituel de ces charismes
dont Dieu honore parfois l’homme. Mais il ne les a pas confondus avec les
faveurs qui constituent la substance de la contemplation secrète propre à la
sainteté. Il a affirmé avec autorité que ceux-là accompagnaient celle-ci, qu’ils
y coopéraient, qu’ils la manifestaient parfois. Jamais il ne leur a accordé la
prérogative qui ferait des charismes plus que des accidents de la contemplation
secrète ; moins encore leur a-t-il accordé l’exorbitante prérogative de
constituer à eux seuls une contemplation d’un autre ordre que la contemplation
la plus haute communiquée dans la foi, une contemplation d’essence béatifique
supérieure à celle que procure l’illumination de la foi par les dons du
Saint-Esprit.
Tout en réservant le cas de quelques rares exceptions (Moïse,
Élie, saint Paul ont pu être gratifiés d’une vision transitive de la gloire),
saint Jean de la Croix affirme avec force que, même au sommet de la plus haute contemplation,
c’est toujours au sein de la foi que l’âme est illuminée par une lumière divine
qui l’atteint plus profondément que ne peut le faire la lumière des plus hauts
charismes. Telle est la lumière divine qui communique à l’âme l’intelligence secrète,
confuse et amoureuse de la foi très illuminée. Cette doctrine était bien faite
pour réfréner, chez les professionnels de l’intelligence, toute prétention à
couronner la théologie de l’École d’une théologie extraordinaire proprement
miraculeuse, dussent-ils n’en attribuer la prérogative qu’aux seuls Pères de l’Église
et aux grands mystiques.
C’est de cette claire vision de la structure de l’expérience
mystique que le docteur de la Nuit a déduit, avec une logique que d’aucuns
jugent impitoyable, la nécessité d’une pratique inaliénable de la pauvreté
spirituelle, conformément à la loi évangélique et à la droite raison. C’est au
prix d’une prédilection pour l’obscurité translumineuse de la foi, prédilection
parfois héroïque à l’heure où l’attrait des appréhensions surnaturelles
distinctes risque de devenir la pire des tentations, que saint Jean de la Croix
sauvegarde chez le contemplatif la pureté et la haute visée divine de l’union d’amour.
Car il savait qu’on ne peut allier jamais le pur désir de Dieu et le désir des
révélations, même au terme de l’ascension mystique. S’attacher aux dons
transformants de Dieu – compromettre irréparablement, parfois même d’une
manière sacrilège, le travail que Dieu se réserve dans les âmes —, c’est
finalement introduire dans la contemplation surnaturelle infuse une aspiration
déraisonnable à dépasser les limites de la nature humaine, prétention
spirituelle contre nature. Lorsqu’il exige du contemplatif chrétien le
renoncement aux révélations, qu’il en bannit le désir serait-ce au titre de
disposition à l’union, c’est en vertu des principes fondamentaux d’une
théologie qui lui enseignait que la grâce sanctifiante est seule cause de la
contemplation infuse propre à l’union d’amour, ciencia de amor, les charismes
qui l’accompagnent relevant, comme la prophétie ou le miracle, de la grâce
gratis data.
Or, la Mystique des Lumières, telle qu’elle fait son
apparition dans les deux ouvrages de 1601 et de 1607, méconnaissait
délibérément le bien-fondé de ces principes : elle réalisait exactement ce
que saint Jean de la Croix avait voulu bannir. La première divergence
concernait la critique des appréhensions surnaturelles distinctes : à la
critique positive de saint Jean de la Croix, on substituait une apologie des
révélations particulières. La seconde divergence, qui explique la première,
concernait les principes eux-mêmes : à l’enseignement de saint Jean de la
Croix relatif à la science d’amour propre à la grâce sanctifiante, on
substituait une doctrine dévaluée de la théologie mystique comme science
miraculeuse de l’intellect, doctrine qui était appelée à devenir « classique »
au Grand Siècle.
La portée du débat entre le docteur du Carmel et les « Thérésiens »
espagnols de la Mystique des Lumières était considérable. Pouvait-on concilier
cette mystique et la mystique de la foi ? Ne fallait-il pas
nécessairement choisir ?
**
Il y a eu, nous dit-on, et il y a dans l’Église, beaucoup de
révélations particulières. Par elles Dieu a découvert aux hommes l’immensité de
son Amour. Elles sont l’une des voies par lesquelles les saints se sont le plus
rapprochés de Lui, entraînant derrière eux le plus grand nombre. Mais ce chemin
aisé, le démon l’a parsemé d’embûches. Telle est l’origine des doutes que
certains ont conçus à l’égard des révélations.
Aux uns, le démon inspire un désir immodéré des révélations,
leur laissant croire qu’elles sont la voie sûre et unique du salut ; aux
autres, il leur donne à entendre qu’elles sont toutes fausses, l’aveuglement de
la chair, le manque d’expérience aidant. Il faudrait cacher ces sublimités aux
esprits grossiers et ineptes, comme Denys en faisait la recommandation à son
disciple Timothée lorsqu’il l’instruisait dans les secrets de la théologie
mystique qui s’exerce particulièrement dans ces révélations. Le Christ n’a-t-il
pas dit aussi à ses disciples qu’il parlait en paraboles, « afin que
voyant ils ne voient pas et qu’entendant ils n’entendent pas » ? (§
I).
Parmi les révélations particulières, il s’en faut que soient
seules vraies celles que mentionnent les livres canoniques. L’ignorance, l’hésitation
dans ce domaine varient selon les gens. Certains les nient toutes, sauf celles
qui sont rapportées dans les saints livres (Érasme, ennemi secret de l’Église,
les favorise) ; d’autres concèdent qu’il y eut de vraies révélations aux
temps anciens en dehors de celles-là, mais que depuis que la foi est confirmée,
il n’y en a plus ; d’autres n’ont pas cette audace, mais ils ne peuvent
admettre qu’elles soient aussi relevées que celles qu’on rapporte dans les
livres de sainte Gertrude, de sainte Hildegarde, de sainte Angèle de Foligno et
de la sainte Mère Thérèse de Jésus ; d’autres, enfin, qui se font de Dieu
une plus haute conception (bien étroite encore), admettent ces dons de la
libéralité divine et de plus grands encore, mais soutiennent qu’il ne convient
pas que les livres où ces révélations sont rapportées circulent en langue
vulgaire (§ 2).
Mais ces bons catholiques qui réduisent à l’Église primitive
l’ère des prophéties dont parle Joël (2, 2) se trompent, car les révélations
authentiques se sont poursuivies dans l’Eglise jusqu’à nos jours et elles
doivent durer jusqu’au Jugement dernier. Saint Paul range la prophétie parmi
les grâces gratis datae qui se sont continuées. Les révélations particulières
sont du nombre. « Et encore qu’il soit vrai que la prophétie n’est pas
nécessaire pour planter la foi là où elle est plantée, elle l’est néanmoins
pour la faire croître et pour la confirmer chez ceux qui faiblissent, pour nous
éclairer sur beaucoup de vérités qu’elle renforce chaque jour, pour nourrir l’ossature
de cet organisme — je veux dire faire croître des amis de Dieu robustes qui
puisent leurs forces dans ces faveurs signalées — pour soutenir la faiblesse de
la chair, pour attirer, enfin, amoureusement, à Dieu, tant de cœurs farouches
et secs qui, à la vue de ces merveilles, retrouvent une vigueur nouvelle qui
les fait revenir à Dieu. La foi n’était pas moins plantée qu’aujourd’hui au
temps de notre Père saint Benoit, de saint Romuald, de saint Bernard, et nous
connaissons les révélations particulières qu’ils ont reçues de Dieu et, après
eux, saint Dominique, saint François, saint Albert carme : tous ont été
comblés par Dieu de ces suprêmes faveurs. Et que dire de celles de sainte
Catherine de Sienne, de sainte Claire, de saint Diègue/2, du Bx Louis Beltran,
du P. François-Xavier, l’apôtre du Japon ?... Celles de la Mère Thérèse
de Jésus sont bien connues. Dieu accorde encore ses révélations au corps,
puisqu’il les a accordées à l’ombre. Joël avait raison/3. Et Leandro de
conclure : s’il ne faut pas tout approuver en bloc, gardons-nous cependant
d’éteindre l’esprit (§ 3).
Quant à l’opportunité de publier en langue vulgaire les
révélations de sainte Gertrude, il la soutient malgré tous les dangers possibles,
pour la raison principalement qu’il espère ranimer par là l’esprit d’oraison
dans les âmes : « la voie de l’oraison semble avoir été bouchée par
le démon, de nos jours » ; aux dévots il fait craindre une oraison
qui dépasse la prière vocale tout en leur faisant concevoir le désir de
consolations spirituelles. Les Révélations de sainte Gertrude, à l’égal des
Vies de saints, leur inspireront une plus sainte audace 4 (§ 5).
Telle qu’elle se présentait dans le Discours de 1601-1607,
cette apologie en règle semblerait à première vue dépourvue de tout intérêt
historique. Il n’en est rien.
Son haut intérêt provient de ce qu’elle abordait sommairement
un problème fondamental que saint Jean de la Croix avait posé et résolu avec
toute l’autorité que lui conféraient et sa science des voies mystiques et sa
sensibilité aux problèmes de l’heure (voir supra, pp. 73-76).
Cette apologie, en effet, ne vise que des négateurs ;
elle passe sous silence le vrai problème que le fait des révélations
particulières posait à la réflexion d’un théologien de l’oraison. On affirme
que ces révélations augmentent, confirment et éclairent la foi, sans se
demander à quelles conditions, ni surtout à quelles conditions elles sont
capables de ranimer l’esprit d’oraison dans les âmes. C’est un problème que l’on
suppose résolu, comme si saint Jean de la Croix ne l’avait pas posé, parce qu’on
l’a résolu à l’encontre de la solution qu’il en avait proposée. Pourquoi ?
Parce qu’on a sommairement identifié l’oraison contemplative avec la
2 Saint Diègue d’Alcali, convers franciscain, mort à Alcali
de Henares en 1463. La vie de Diego est digne des Fioretti.
3 Cette prophétie de Joël (2,2), est citée avec insistance
dans les deux ouvrages : « por Joel promete que el dichoso tiempo de
la ley de gracia ha de ser tan abundante en espiritu de profecia y conocimiento
de secretos de Dios, que no solamente los viejos maduros ya con la experiencia
sino tambien los moços maduros ya con el calor del Espfritu profetarin, verin
visiones y sueiios. » L’Ecclésiaste (24) fait entendre la même promesse :
« La Sabiduria divina ha de derramar dotrina celestial semejapue a
profecta, y esto hasta el siglo santo. »
4 Le Discurso 2 ° était consacré à l’exposé de la
discrétion des esprits. Il établissait l’authenticité des révélations de sainte
Gertrude, hautement estimées par les doctes carmes que Leandro connaît.
prophétie, identification dont saint Jean de la Croix avait
aperçu le danger et contre laquelle clame toute son œuvre/5.
Il n’était pas étonnant, dans ces conditions, qu’après avoir
éliminé de leurs vues la contemplation secrète communiquée à l’homme au-delà de
toute révélation particulière distincte, ces théologiens de l’oraison se
révélassent incapables de comprendre en quel sens saint Jean de la Croix s’appropriait
l’argument tiré de la foi implantée, pour en tirer tout autre chose qu’une
négation pure et simple du fait des révélations particulières après la venue du
Christ dans le monde. D’où le caractère polémique évident du passage que nous
avons reproduit/6 où toutes les allusions sont dirigées contre deux célèbres
chapitres de la Montée du Mont-Carmel/7. Alors que pour saint Jean de la Croix
on entre dans la vraie contemplation transformante en se fondant sur la foi au
Christ, qui est toute la Parole de Dieu et toute sa Révélation — et donc en
passant au travers de toutes les révélations particulières pour ne pas s’y
embarrasser — nos auteurs voyaient au contraire, dans les révélations
particulières, à la fois l’instrument de la communication à l’homme de la
Sagesse divine et le moyen mis à la disposition de l’homme pour se préparer à y
accéder. La théologie secrète s’exerce particulièrement dans les révélations.
Telle est la nouveauté de la thèse défendue non seulement dans le Bref Traité
de la Théologie mystique de Francisco de Santa Maria inséré à la fin de ces
ouvrages, mais tout au long, de la première à la dernière page.
**
Au lieu de se mettre humblement à l’école de leur Père et maître
en théologie mystique, nos auteurs ont donc pris le parti de se passer de lui,
d’enseigner aux contemplatifs et ce qu’ils étaient en droit d’attendre des
révélations particulières et ce qu’ils leur devaient/8.
5 Voir supra, pp. 70 et 198 ss., 203.
6 Voir supra, p. 290.
7 S. Il, 21, 175 ; S. II, 22, 184. La venue du
Christ a mis fin à l’ère des prophéties, c’est-à-dire non point au fait des
prophéties et des révélations particulières, mais au régime de la communication
de la Sagesse divine qui se faisait auparavant au moyen de la prophétie et qui
se fait dorénavant au moyen de la Foi dans le Christ, Parole définitive que
Dieu a proférée et que les contemplatifs n’ont plus qu’à entendre dans la foi.
8 Ces auteurs semblent avoir constamment confondu la foi aux
révélations particulières — une foi à forme humaine — et la foi dans le Dieu de
ces révélations. Cruelle conséquence du nominalisme théologique, révélatrice de
la décadence de l’École. L’ambiguïté est une arme dont ils jouent sûrement.
Voir le passage suivant (Luz, p. 16) : « Esta parte siguen
algunos muy rechristianos, pareciéndoles liviandad y
La démonstration fait l’objet de tous les autres Discours.
Inutile de s’attarder à la description qu’ils nous donnent des visions et
locutions surnaturelles corporelles et imaginatives. Nous retiendrons surtout
ce qui nous est dit des quatre sortes de visions et de locutions
intellectuelles/9 et des plus élevées.
Nombreux sont aujourd’hui les docteurs qui tiennent que, dans
la contemplation la plus relevée, Dieu accorde la faveur de connaître les
choses matérielles et spirituelles comme le Christ les connaissait lui-même sur
terre. Cela se fait au moyen d’une lumière et d’espèces infuses qui les font
connaître directement comme elles sont en soi (nous dirions aujourd’hui une
connaissance intuitive). “Quand on en est là, il ne reste plus qu’un échelon à
gravir pour entrer dans la gloire. La lumière, le feu, la pureté dont on jouit
sont si grands, qu’aucune parole humaine ne peut l’exprimer. Personne ne connaît
cette manne, si ce n’est celui qui la reçoit.” De même, ce qu’on entend dans
les locutions spirituelles perçues dans l’intelligence grâce à l’infusion de
nouvelles espèces opérée par Dieu seul. Grâce à ce secours tout à fait
extraordinaire, on ne connaît plus par la foi la vérité qui est révélée, on la
connaît par une connaissance claire ; par la médiation de l’ange, ou
directement par Dieu même, on jouit de la vision de l’essence divine ou de la
connaissance du mystère de la sainte Trinité. Leandro souligne que la Mère
Thérèse en fut gratifiée à plusieurs reprises, comme elle le rapporte au
chapitre 27 de sa Vie et ailleurs/10. Enfin, Dieu apparaît lui-même par la
venue du Christ en personne dans l’âme.
Ces considérations, où s’affirme une prise de position
résolue, sont amplifiées, précisées et confirmées dans la refonte qu’elles
reçoivent dans l’ouvrage de 1607/11.
On souligne nettement la distinction entre une lumière
surnaturelle ordinaire, la foi, qui use d’espèces naturelles et opère sans
discours sous l’autorité de Dieu Première Vérité Révélante, et une lumière
surnaturelle extraordinaire qui cause les visions intellectuelles, dont les
modalités varient selon les quatre degrés de cette lumière. Tantôt il s’agit d’une
vision intellectuelle opérée dans la foi avivée par la main puissante de Dieu ;
tantôt d’une vision opérée dans la foi secourue par Dieu
serial de énimo amigo de sefiales exteriores (falta general
de Judios y Gentiles) el creer tan fkilmente las revelaciones. Pero si bien
advirtiessen la rayz de su pensamiento verlan que no lo es lo que ellos dizen,
sino falta de fe. »
9 Leur objet est sensible ou spirituel. Dans le premier cas,
les espèces sont ou bien sensibles (l’ange peut intervenir dans ce cas) ou bien
infus (c’est de ce genre de connaissance des objets matériels que le Christ
jouissait sur terre). Dans le deuxième cas, les espèces sensibles représentent
leur objet obscurément (tel est le mode de connaissance ordinaire — on veut
dire dans la foi — de Dieu, de l’âme et des anges) : les espèces infuses
et la lumière infusée directement par Dieu seul — on veut dire une autre
lumière que celle de la foi — font connaître les choses spirituelles comme
elles sont en soi par leurs propres espèces (Insinuación, Disc. 3 °, § 1).
10 Voir en effet, Vida XXXI, Moradas, VII, ch. 1, §
6.
11 Luz, Discurso 4 °, IV, §§ 2 et 3.
d’une manière très spéciale, grâce à l’infusion de nouvelles
espèces dans l’entendement, espèces surnaturelles et de nature céleste (alors
seulement s’achève totalement tout discours, l’imagination ne joue plus, l’entendement
découvrant les choses comme elles sont en soi, parce que les espèces qui les
lui font connaître sont semblables à celles des bienheureux). Au-delà, il
convient de distinguer une vision intellectuelle supérieure qui survient lorsqu’aux
espèces infuses Dieu ajoute un habitus nouveau, distinct de la foi et plus
clair bien que non plus certain : l’entendement y perd toute obscurité. « De
cette espèce de lumière, l’âme du Christ fut remplie ; chez les autres, s’il
leur arrive d’en être parfois gratifiés, elle se trouve grandement limitée et
concédée seulement comme en passant, car ils ne la reçoivent que pour de très
brefs instants. » Au sommet, enfin, se place la vision béatifique, la
seule vraie vision intellectuelle selon saint Augustin, dont saint Paul et
Moïse ont été gratifiés.
Telles sont les précisions que la refonte du Discours de La
Lumière des Merveilles introduisait dans les pages que l’ouvrage de 1601
consacrait à cette question capitale de la nature des différentes sortes de
visions intellectuelles.
L’auteur de la refonte a manifestement eu le souci d’accommoder
la doctrine de 1601 à l’enseignement de saint Jean de la Croix concernant la
contemplation qui se fait dans la foi. Les deux premières sortes de vision — on
l’aura noté — sont dites opérées dans la foi. Sommes-nous donc en plein dans la
ligne de la pensée du docteur mystique ? Nous en sommes loin.
Si l’on se reporte au texte fondamental de la Montée auquel
il a été fait allusion plus haut/12, on observera que saint Jean de la Croix ôtait,
si l’on peut dire, aux visions spirituelles du côté de l’entendement et de l’évidence
des vérités nues, ce qu’il leur rendait du côté de la volonté et du sentiment
de l’union à la substance divine. L’auteur de la Lumière faisait exactement l’inverse :
il donnait aux visions spirituelles dénommées intellectuelles, du côté de l’entendement,
ce qu’il allait leur ôter du côté de la volonté. Elles donnent « dans la
foi » l’évidence des choses vues !...
Plus encore, il tenait à souligner que dans les visions du
troisième genre, l’habitus nouveau ajouté aux espèces infuses est plus clair
que la foi, s’il n’est plus certain. Mais accorder à l’intelligence un habitus
qui lui fait dépasser celui de la foi, tout en ajoutant que cet habitus ne lui
fournit pas une certitude plus haute que celle de la foi, c’est se payer de
mots : car il ne manque rien à la foi du côté de la certitude, mais
seulement du côté de la vision. Si l’on accorde à l’intelligence la vision, la
certitude est proprement celle de la vision béatifique et la restriction apparaît
comme une habileté dialectique qui ne trompe que son auteur, un artifice
commode pour rattacher tant bien que mal cet habitus nouveau à l’habitus de la
foi.
12 Voir note 7.
C’est cet escamotage qui allait permettre de se défaire de la
contemplation sanjuaniste : les sentiments spirituels propres à l’union d’amour
allaient se transformer en visions intellectuelles, l’union d’amour, opérée
dans la substance de l’âme, allait s’effacer devant l’évidence intellectuelle
opérée dans l’entendement.
C’est bien à la science d’amour de saint Jean de la Croix que
s’en prenait l’auteur dans la suite de son Discours 13. Il instruisait non
seulement le procès du saint docteur, mais celui de tous les tenants de l’école
(mal nommé) affective et dont le porte-parole le plus fameux, sinon le plus
heureux, avait été jadis Hugues de Balma.
Par ce qui précède, nous dit-on, nous voyons d’où vient l’erreur
de quelques dévots peu versés dans la théologie et qui pensent que dans ces
visions l’âme en vient à aimer dans la volonté sans rien voir dans l’intelligence ;
elle y serait aveugle, donc incapable de mériter. Mais les saints sont si
éloignés de cette opinion qu’ils font consister la perfection humaine la plus
haute non pas dans l’amour, mais dans la connaissance de Dieu, tellement ils
sont persuadés que le manque de connaissance n’accroît pas la perfection, mais
la diminue. Aussi bien, si ces théologiens ont voulu exalter l’excellence de la
vision intellectuelle et faire éclater la sublimité de la perfection accessible
dès ici-bas, ils eussent été mieux avisés de montrer les grandes lumières qui
peuvent être communiquées à l’entendement, plutôt que de les lui ôter. Quel
avantage peut-il bien en tirer, de même que la volonté ? Aucun ;
seulement des inconvénients, car au lieu d’accroître l’estime que l’on doit
concevoir pour la vision intellectuelle, on en vient à la diminuer/14.
Cette page décisive enterrait purement et simplement la
doctrine de saint Jean de la Croix. Celui-ci avait enseigné, tant dans la
Montée que dans le Cantique et la Vive Flamme, que la notice de contemplation
surnaturelle était amorosa et que Denys l’appelait, pour cela même, rayo de
tinieblas al entendimiento, un rayon de ténèbres pour l’entendement, une
lumière, mais confuse et obscure pour l’entendement/15.
L’argumentation de l’auteur avait pu faire impression chez
les théoriciens de la mystique depuis le temps où le Viae Sion de Balma avait
été la cible des partisans de l’école dite intellectualiste ; mais saint
Jean de la Croix avait montré le bien-fondé de la « thèse de l’amour sans
connaissance » en l’éclairant à la lumière de sa haute expérience de l’union
transformante. Reprendre après lui ces arguments usés était proprement une
méprise. Et que penser de l’auteur qui s’imagine encore que saint Jean de la Croix
ait jamais eu en vue d’exalter l’excellence des lumières de la vision
intellectuelle ! Il a voulu, tout au contraire, souligner que la
sublimité de la perfection accessible sur terre ne lui venait pas des
merveilles célestes qu’elle ferait entrevoir à l’intelligence, mais de l’union
13 Luz, Discurso 4 °, 4, pp. 117-118.
14 Au § 5 du même Discours, l’auteur citait sainte Thérèse
(Vida, cap. 27) ; au § 6, il concluait que l’âme s’unissait immédiatement
à Dieu moyennant ces hautes visions intellectuelles.
15 Texte de la Llama, III, § 49/42. Voir S. II, 24, 4,
et Càntico, sur. 13, 5, j.
d’amour qui la transforme en Dieu dans la Nuit sereine
avant-coureuse des clartés éternelles. Il a dit avec force, tout à l’inverse de
ce qu’on nous inculquait ici, que l’union à Dieu ne se faisait pas par le moyen
de visions miraculeuses, mais bien au moyen de la notice amoureuse et obscure
de l’intelligence mystique, confuse et obscure.
Telle est l’innovation baroque qui donne à la Mystique des
Lumières son caractère novateur et révolutionnaire. La sagesse chrétienne n’était
plus une science d’amour normalement octroyée ici-bas et, accessoirement, une
haute connaissance extraordinaire et miraculeuse. Elle devenait une science
miraculeuse de l’intelligence qui arrache l’âme au régime de la foi elle-même
et, accessoirement, une union d’amour. La vision baroque de la condition du
chrétien sur terre fixait les regards sur un trompe-l’œil dont on affublait l’édifice
de la doctrine de saint Jean de la Croix. On se condamnait à attendre du
miracle — auquel on devait se préparer sans y aspirer toutefois — une
perfection illusoire, tout en se détournant de la seule vraie perfection que la
Sagesse divine à mise à la portée de l’homme qui voudrait la recevoir en se
disposant à l’épouser dans la foi (Osée, 2, 20) 16.
**
C’est sur ces considérations concernant la préparation
requise du contemplatif pour accéder à la sagesse chrétienne la plus haute que
se terminent les deux ouvrages. On voit à quelles conclusions elles devaient
aboutir.
C’est à Denys qu’il est fait appel. C’était normal : la
manière de se disposer à recevoir la sagesse suprême ne se tire-t-elle pas de
la nature de cette sagesse ? Tout ce que l’auteur va nous en dire il l’a
appris dans Denys (mais il n’y a pris que ce qu’il voulait y prendre). Le Rayon
de ténèbres lui est apparu comme un rayon de lumières.
« La première chose que j’aie apprise de ce maître,
nous dit-il (grâce à Francisco de Santa Maria, qu’il a consulté en ces
matières), c’est que la théologie mystique est une science qui relève
entièrement de l’intellect » ; le nom lui-même ne signifie rien d’autre
que connaissance secrète. Comment donc l’appliquer à la volonté autrement que
par métaphore ? Cette science procède, en effet, par négation des
concepts et des noms qui s’appliquent à Dieu, elle ne peut donc relever de la
volonté. « En outre, elle pénètre dans la ténèbre translumineuse, elle
fixe d’un regard d’aigle le rayon de ténèbres, c’est-à-dire la divine essence,
claire en elle-même, bien qu’obscure pour nous. Comment dire que la volonté
aveugle soit capable de voir la lumière et de contempler le rayon ? ». S’il
en est ainsi, tout ce
16 Voir Noche, 2, 2 et 2, 21 ; Cantico, 11 b.
qui ne concerne pas la connaissance ne sera pas, à proprement
parler, théologie mystique : par exemple, l’amour, le désir, etc. D’ailleurs,
dans le livre de la Théologie mystique de Denys on ne voit rien qui concerne l’affection,
tout y est rapporté à l’intellect. Et Leandro de Granada de conclure : « Faute
de s’en être avisés, certains auteurs ne sont pas parvenus à mettre en lumière
la vraie nature de la théologie mystique ». Libre à nous d’attribuer aux
effets tels que l’amour, le nom de la cause, ou de l’attribuer aux dispositions
qui la préparent, telles que la mortification, les exercices de purification et
l’Observance des commandements ; mais, si nous voulons parler en toute
rigueur de termes, il faut nous contenter d’entendre par théologie mystique ce
que lui-même en a dit.
Ce simplisme (auquel les prétentions à l’objectivité historique
de certains modernes ne parviennent pas à donner de poids) arrache à Leandro un
cri de victoire. La théologie mystique tant discréditée auprès de doctes
théologiens de l’École à cause de ce qu’en avaient dit des dévots trop simples,
usant d’expressions étranges et inutiles, voire outrées, va recouvrer auprès d’eux
tout son crédit. Depuis que les doctes théologiens ont vu la vérité dans le
Bref Traité de la Théologie mystique composé par le T. R. P. Frère Francisco de
Santa Maria, recteur du collège des carmes Déchaussés de cette ville
(Salamanque) ils ont été conquis : si l’on peut « expliquer toute la
théologie mystique avec une telle rigueur, c’est que la théologie mystique est
très voisine de la théologie scolastique ». Elle n’est donc pas l’apanage
des simples/17. Leandro avait pris sa théologie de la Mystique pour la
Théologie mystique. La science des « simples » n’était que
métaphore, et l’École était illuminée/18.
Il ne tenait qu’à elle de pratiquer l’exercice de la
Théologie mystique. Les saints, qui avaient conçu tant d’estime pour les hautes
révélations qui les faisaient grandir dans les vertus, avaient désiré ces
faveurs « avec une grande faim ». Ceux d’hier et d’aujourd’hui s’étaient
violemment mortifiés pour mériter de parvenir « à ce commerce intime et
familier avec Dieu ». Leandro et Francisco connaissent des carmes de la
Réforme de sainte Thérèse qui s’imposent pour cela toutes sortes de
macérations/19.
17 Luz, Introd. au Breve tratado de Teologia Mistica, pp. 235-236.
18 C’est sur les instances des doctes théologiens qui avaient
pris connaissance du Traité latin de Francisco de Santa Maria que Leandro avait
décidé de le publier tout au long dans l’ouvrage de 1601 et à nouveau dans l’édition
de 1614 (p. LXXXVII-X011). L’auteur lui avait pourtant demandé de le
garder secret, entre autres raisons, parce qu’il avait conscience que ce qu’il
y dit de Denys, d’accord, croit-il, avec les premiers Pères, apparaîtrait comme
une nouveauté aux yeux des théologiens du jour : quia huius aevi Theologis
nova valde, aliter de Theologia mystica sentientibus etsi (ut credo) priscis
nota patribus: nonne in Kr rebus ingrata novitas, et magis a me in omnibus novo ?
19 Insinuación, Disc. 4 °, § 2 : C6, 1711) en estos
tiempos ha tornado a renovarse este rigor. L’instrument de la Providence dans
le rétablissement de cet esprit contemplatif fut une faible femme. Elle s’efforça
d’y attirer des hommes. « Y assi por su industria, y persuasion
aconsejandoles y ayudandoles ella en toclos, tomaron a su cargo dos padres graves
(que despues fueron santissimos) — saint Jean de la Croix et Antonio — el
Mais on nous a prévenus : ce ne sont là que des
préparations. C’est principalement par la pratique de la contemplation que les
saints se sont élevés aux sommets de la perfection où ils ont été trouvés
dignes des hautes révélations de la théologie secrète. Leandro donne la parole
à Francisco de Santa Maria/20. Par la pratique de la rémotion, puis de la
négation — Francisco les confondait d’ailleurs avec la via negationis de la théologie
affirmative — l’intelligence est censée parvenir au degré suprême des
spéculations mystiques : abandonnant ses opérations intellectuelles, même
ses concepts négatifs des perfections divines, elle se dépasse elle-même et s’élève
au-dessus de ses propres forces naturelles et des secours ordinaires de la grâce,
par suite d’un secours très spécial de Dieu. Là elle contemple Dieu dans une
clarté, une simplicité, une pénétration telles que les mots lui font défaut
pour l’exprimer.
Ainsi donc, au terme d’une pratique spéculative de la
négation, une grâce très spéciale doit venir disposer l’intelligence à recevoir
les plus hautes révélations particulières. L’état monastique n’a pas d’autre
fin que de disposer les contemplatifs qui l’embrassent à mériter ces faveurs
insignes, proprement miraculeuses/21. Pourquoi les théologiens de l’École n’y
prétendraient-ils pas ?
On était loin des temps où un chancelier Gerson, devant les
ravages exercés par la logique des formalizantes, tournait les regards des
théologiens de Sorbonne vers l’étroit sentier de la Montagne de Contemplation,
cette montagne que l’on gravit en esprit de pénitence et d’humilité pour
atteindre, au sommet, le Dieu
regar este nuevo plantel con tanto espfritu que en pocos ahos
le hizieron tan grande que ha estendido sus sarmientos con Conventos de Monjas
y Frayles por toda Esparia. Y no parti en el mar o rio, por encima pass6 a
hazer participantes de sus frutos a los remotos Indios. Y porque no era raz6n
que dejase de gustar dellos la madre de las Religiones Italia, se los ofreci6
de lo precioso que tenfa ». (Saint Jean de la Croix est embarqué dans la
fondation des déserts de Thomas de Jésus, dans les missions du même :
insensiblement, il prenait place aux côtés des promoteurs de la nouvelle
mystique prophétique).
20 Nous citerons la conclusion de son Traité : « Vis
tibi claiitatis gratia speculationum mysticarum gradus veluti in tabella
depingam? Tres accipe. Primus est quo mens per omnium creaturarum perfectiones
discurrens omnes aufert a Deo, alias, quia tantum metaphorice illi conveniunt,
alias, qui prout in creaturis, longe distant a divinis, unde conceptus et voces
earum obscuri sunt ad illas declarandas. Unde hic primus gradus diversus, imo
adversus quoddammodo affirmative et significative theologiœ ostenditur qui
aufert a Deo nomina que illi imposuerunt. Secundus, quo perfectionem divinam
unite et simplici conceptu complectans, videns non posse declarari per vocem
positivam declarat per negativam. Tertius, quo se ipsam superans et se supra
elevans, id est supra proprias vires nature et communes gratis, specialissimo
auxilio, tanta claritate, simplicitate, tanto mentis acumine Deum contemplatur,
ut nulla se possit voce declarare » (1614, p. XCII).
21 C’est pourquoi saint Jean de la Croix avait pu résoudre d’un
mot la question que Leandro et Francisco ont longtemps débattue : les
visions sont-elles méritoires ? Ni son mérito, ni démérita répondait-il
(S. II, 22, 195). Elles sont méritoires, même dans le sommeil,
rétorquaient nos deux auteurs.
simple et libre de la foi/22. À deux siècles de distance, les
novateurs de la célèbre école de Salamanque invitaient au contraire à détourner
les yeux de l’étroit sentier de ce Mont Carmel où un saint Jean de la Croix
leur avait montré qu’on chemine sans bagage, sans rien qui appesantisse vers le
bas ou empêche de monter plus haut/23, et dans la nuit, la Nuit qui conduit à
la vie éternelle, non pas seulement la nuit des sens, mais la nuit du vide et
de la nudité spirituelle la plus totale/24.
**
C’est parce qu’elle mettait en cause l’avenir de la théologie
spirituelle dans la chrétienté en mettant à l’écart la doctrine du docteur
mystique que la nouvelle théorie de la mystique présentée dans les deux
ouvrages de 1601 et de 1607 mérite de retenir l’attention des historiens. Une
ère de la spiritualité chrétienne allait se clore. Une autre allait s’ouvrir/25.
Jamais peut-être la responsabilité des théologiens professionnels n’avait été
aussi engagée dans une phase décisive de l’orientation de la culture
chrétienne. En accueillant comme ils auraient dû le faire la doctrine
providentielle de saint Jean de la Croix, ils eussent puisé les forces d’un
renouveau spirituel et spéculatif capable de résister à la poussée d’un nouveau
naturalisme néo-platonicien multiforme hérité d’Avicenne, d’Algazel et de
quelques autres. En l’abandonnant, ils n’ont pas seulement laissé le champ
libre au déploiement de ces forces qui avaient saisi d’horreur l’École du Moyen
Âge et contre lesquelles elle avait lutté au point de sacrifier saint Thomas
lui-même à la bonne cause : ils ont ajouté à la poussée de ces forces le
poids d’une École que le culte de la gloire devait cruellement décevoir.
22 E. Gilson, La philosophie au Moyen Âge, Paris, Payot,
1947, p. 716.
23 S. 2, 7, 90 : « Tales viadores requiere, que ni
lleven carga que les haga peso cuanto a lo inferior, ni cosy que les haga
embarazo cuanto a lo superior ».
24 Ibid., p. 89 : « ... que no se maravillen del vacio y
desnudez en que en esta noche habemos de dejar las potencias del alma » ; p. 90 :
« ... y quieran entrar en esta suma desnudez y vaci6 de espiritu ».
25 La complexe et prodigieuse fermentation mystique du XVe et
du XVIe siècles n’avait été qu’un intermède : une théologie d’École
décadente en stérilisait les fruits. Il est évident qu’en introduisant dans
leur théologie ce dernier-né des quidclitates d’une théologie formalisante, qu’était
« cet autre habitus nouveau distinct de l’habitus de la foi et plus clair
sinon plus certain » (voir Supra, p.294), les novateurs de Salamanque évacuaient
au Ciel le Dieu de la Divine Sagesse de la foi, comme les formalizantes du XIVe
siècle avaient détruit le Dieu simple et libre de la foi en introduisant dans
leur métaphysique les formas metaphysicales vel rations ideales de leur logique
(voir E. Gilson, op. cit., p. 716).
2. Il s’en faut, en effet, que la nouvelle mystique qui
faisait son apparition à cette date ait été le fait de quelques isolés. Elle
avait été préparée de loin/26 et elle devait faire son chemin.
Elle a d’abord provoqué dans le Carmel de la Réforme de
sainte Thérèse et de saint Jean de la Croix une querelle sanglante et durable,
en dressant contre ce dernier une école thérésienne.
C’est l’intime ami de Francisco de Santa Maria, le carme
Thomas de Jésus, qui devait assurer à la mystique des Lumières la plus
éclatante publicité/27. Provincial de Castille en 1597, définiteur général de
la Congrégation d’Espagne de 1600 à 1604, il avait été commis à la révision des
œuvres de saint Jean de la Croix en vue de leur édition. Mais à la même époque,
il rédigeait un traité de théologie mystique, un écrit sur l’oraison et la
contemplation, une Somme de la doctrine de sainte Thérèse, où l’on retrouve la
thèse de la Mystique des Lumières, qui n’étaient que les pierres d’attente des
deux grands traités de la Contemplation divine et de la Méthode de l’Oraison
divine infuse qu’il devait publier à Anvers respectivement en 1620 et en
1623/28. L’auteur nous a lui-même appris qu’il avait « composé » le
premier de ses ouvrages alors qu’il vivait retiré (de 1604 à 1607) au désert
des Batuecas, près de Salamanque. Il s’avère donc que les deux ouvrages de 1601
et de 1607 que nous connaissons maintenant nous livrent l’écho de l’enseignement
original que Thomas de Jésus dispensait aux ermites de la Réforme de sainte
Thérèse. Un témoignage capital, connu depuis 1951, reçoit ainsi sa pleine
signification : quand le P. José de Jestis Marfa Quiroga prenait la
défense des doctrines de saint Jean de la Croix et de sainte Thérèse, également
malmené par certains de ses frères en religion, il visait les promoteurs de la
Mystique des Lumières dont le fief était au désert contemplatif qu’ils avaient
créé près de Salamanque/29.
26 Sur le rôle des augustins espagnols, particulièrement de
Louis de Léon, voir supra, chapitre I.
27 Voir la troisième partie et la conclusion (pp. 229-336)
de notre ouvrage Le Cantique spirituel de saint Jean de la Croix commenté et
refondu au XVIIe siècle, Salamanca, 1948.
28 Voir Jean Krynen, op. cit., 1948, p. 229. Le premier
ouvrage (1600-1604) est intitulé : Tratado de la mtstica theologla muy
probechoso por los que desean hir adelante en el Camino de la Oraci6n y
exercicio de las virtudes, hecho por el padre fray Thomas de Jesils definidor
general de nra orden (B.N.M., 12 568).
29 Jean Krynen, Bulletin hispanique, 1951, pp. 411-412 :
Saint Jean de la Croix Antoltnez et Thomas de Jésus. On lit, en effet, dans la
réfutation des objections contre son Histoire de l’Ordre (Bibl. nat. Madrid,
ms. 2711, fol. 232) : « Aurique nos di6 Nro Seftor por maestro
acreditado della [contemplaci6n] a nro venerable padre fray Joan de
Plus encore, il semble bien que le chef de file de l’école
thérésienne, le promoteur de la Mystique des Lumières, n’était autre que Thomas
de Jésus. Les confidences qu’il nous livre dans ses deux grands traités
permettent de l’avancer : Thomas de Jésus a reconnu sa vocation religieuse
le jour même où, lisant sainte Thérèse dans l’édition annotée par Louis de
Léon, il reçut d’en haut une illumination qui le mettait, en 1587, sur la voie
de la découverte qu’il devait faire vingt ans plus tard/30.
Le De Contemplatione Divina et le De Divinae orationis...
Methodus répondait aux mêmes préoccupations que celles qui poussaient Francisco
de Santa Maria à chercher à voir clair dans les arcanes de la théologie
mystique. Thomas de Jésus constatait, lui aussi, que la vraie nature de cette
théologie était rarement comprise, paucisque intellectam ; il voulait,
lui aussi, la débarrasser des obscurités de langage et des symboles propres aux
spirituels, afin de l’asseoir sur les fondements solides de la théologie
scolastique (op. cit., p. 316, n. 1).
Mais surtout, c’est le problème de la nature des visions
intellectuelles les plus hautes qui hantait la réflexion de Thomas de Jésus
comme celle de Francisco de Santa Maria et généralement de tous les théologiens
qui ont préparé, de près ou de loin, l’avènement en Espagne de la Mystique des
Lumières. Dans l’application qu’il apportait à la solution de ce problème,
Thomas de Jésus reçut l’illumination qui l’a conduit au Carmel, et lui a révélé
la solution. Il nous l’a dit : alors qu’il révisait les œuvres de sainte
Thérèse (dont l’édition avait été préparée par Louis de Léon), il était tombé
en arrêt devant le passage où sainte Thérèse décrit sa vision intellectuelle de
la sainte Trinité (Vie, c. 27 et 7e Demeures, c. 1). Sa décision d’entrer
au couvent des carmes de Valladolid vint de là. Dès lors, il n’eut de cesse qu’il
fût parvenu à élucider le mystère de la nature de cet état très relevé d’union
mystique (op. cit., 317 et n. 1). Il y mit plus de vingt ans (ce qui nous place
en 1607, date de la publication de Luz). Or, l’interprétation que cette vision
reçoit dans les deux grands traités de 1620-1623 est exactement celle qu’elle
avait reçue dans les deux ouvrages de 1601 et 1607 : elle descend d’abord
dans l’entendement taliter ut ea quæ hic per fidem credimus, tunc anima quasi
intuitive (ut ita dicam) videat (op. cit., p. 281, n. 2).
Sa découverte concerne ce qu’il a appelé l’illapsus novus,
mode nouveau de la manifestation de Dieu lorsque, après avoir dépassé la plus
haute union mystique que lui ménagent la foi et les secours ordinaires de la grâce
sanctifiante, l’âme se voit introduite dans une contemplation suréminente
divinisatrice. Elle y échappe
la Cruz, primer descalzo desta reforma, y el nos la ensei16,
de palabra y por escrito con grau distinci6n y propiedad, no se recive con el
aplauso que era raç6n su utilisirna doctrina, no s6lo en los monesterios de
vida comtin, mas también en los monesterios de los desiertos dedicados a esta
contemplaci6n divisa ». Un siècle et demi plus tard, Andrés de la
Encarnaci6n fera écho à ces paroles. Voir l’Introduction à notre édition de l’Apologie
mystique, p. XXXII ».
30 Voir les pages 316-320 de l’ouvrage de 1948.
à la condition humaine ; elle y dépouille son être créé
pour revêtir son être incréé/31. Elle parvient aux portes de la vision
béatifique qui lui inspire un désir insatiable d’être arrachée à la terre, à l’Église
militante, pour rejoindre son lieu naturel, le Ciel, et l’Église triomphante.
Telle est l’intuition première d’où devait sortir toute la
synthèse doctrinale de Thomas de Jésus. L’habitus nouveau des ouvrages de
1601-1607 32 subira une élaboration savante et subtile dans laquelle Thomas de
Jésus s’appropriera des éléments puisés dans la Théologie mystique de Herp et
le Traité sur la contemplation de Denys le chartreux 33. Il aura
conscience également de l’innovation que sa théorie introduisait dans la
théologie de l’École 34 ; mais elle lui sera absolument nécessaire
pour justifier une conception de la vie mystique (qu’il tenait de Macaire) 35
contre laquelle clamaient l’œuvre entière de saint Jean de la Croix et l’expérience
séculaire des mystiques chrétiens.
La découverte de Thomas de Jésus était une révélation. Entre
l’homme et Dieu des rapports nouveaux s’établissaient, la foi n’étant plus un
écran au travers duquel la lumière incréée transparaît faiblement :
celle-ci faisait irruption dans la foi et manifestait à l’âme, revêtue de son
être incréé, les splendeurs de la Face Divine, non point formée, mais
formante/36.
Qu’une telle mystique ait profondément agi sur les destinées
de la doctrine de saint Jean de la Croix, c’est ce que prouve le remaniement
auquel Thomas de Jésus et ses compagnons ont soumis le texte de ses écrits
avant de les publier en 1618. La Mystique des Lumières nous fournit une des
clefs dans l’interprétation des innombrables retouches apportées aux
manuscrits, car celles-ci répondent, pour la plupart, et pour l’essentiel, à la
préoccupation d’accommoder les textes du saint Docteur aux innovations
doctrinales clairement exprimées en 1601 et 1607 (Appendice I).
31 D.C. liv. V, c. 7, p. 388. Il reprenait un
texte de Denys le chartreux (voir op. cit., p. 301, n. 3 de la p. 300).
32 Voir supra, p. 294 et note 53.
33 Voir 1948, op. cit., p. 292, n. 3 et 300, n. 3.
34 Voir 1948, op. cit., p. 267, n. 1. Il avouait qu’il
innovait, les théologiens les plus fameux affirmant que même chez les
bienheureux ce nouveau mode de présence de Dieu à l’âme n’était pas requis, la
présence d’immensité suffisant à rendre compte de la vision.
35 Selon cette conception, les vrais amants de Dieu ne se
contenteraient pas de l’aimer sur terre dans « l’union affective »,
ils aspireraient continuellement à le saisir dans « l’union réelle ».
L’idée d’une insatisfaction inhérente à la contemplation mystique nocturne, à
la science d’amour, si contraire à l’égalité d’amour décrite comme rassasiante
dans le Cantique Spiritual de saint Jean de la Croix et plus spécialement dans
la Vive Flcunme, est l’idée directrice de la Mystique des Lumières. Thomas de
Jésus l’avait trouvée dans la dixième Homélie de l’hérétique Macaire (voir
infra, n. 59).
36 D.O., lib. IV, c. XI, 438 (passage cité, 1948, op.
cit., p. 267, n. 1).
L’ouvrage qui devait subir de la part des promoteurs de cette
nouvelle mystique les plus profonds remaniements est, on le sait depuis
quarante ans, le Cantique spirituel. Lorsque, en 1948, on démontra que la
refonte était le fait de théoriciens qui tenaient pour nulle et non avenue
sinon l’œuvre, du moins l’inspiration fondamentale de l’œuvre de saint Jean de
la Croix, parce qu’ils s’étaient donnés un autre maître en la personne de
Thomas de Jésus, l’assertion eut les honneurs de l’invective qu’une pieuse fidélité
aux grands noms de l’histoire moderne du Carmel, inspirait aux spécialistes
espagnols de saint Jean de la Croix. Au moment où paraît en France une édition
prétendument définitive des écrits du Docteur mystique, il est opportun de
ramener l’attention aux vrais problèmes que pose une exacte interprétation de
sa doctrine. Nul n’a reçu mandat de présenter, au nom de l’Église, comme étant
l’œuvre de son Docteur mystique, un Cantique spirituel B, prétendument « didactique »,
où la voix du promoteur de la Mystique des Lumières parle plus haut que celle
du Docteur de la Nuit (Appendice II).
Les ouvrages de 1601 et de 1607 confirment ce que nous avions
démontré en 1948. Ils permettent de préciser, en outre, que la seconde version,
dite version B, du Cantique spirituel s’insère dans l’activité d’une école bien
constituée, dont la doctrine s’élabore audacieusement depuis sa première
manifestation au grand jour en 1601-1607. Cette école a misé sur la refonte du
Cantique pour se frayer la voie victorieusement et imposer son
pseudo-thérésianisme au détriment de la diffusion de la pensée authentique de
saint Jean de la Croix/37.
37 Le Cantique refondu selon la doctrine nouvelle fut édité à
Séville en 1703 et présenté comme le seul vrai Cantique fidèle à son auteur. Il
a été réédité à Madrid en 1924. Le Père Gerardo en 1912 avait tenu à éditer
simultanément le texte de 1618. On trouvera dans la troisième partie de l’ouvrage
de 1948, pp. 253-307, une étude détaillée des relations textuelles et
doctrinales qui rattachent le Cantique B aux deux grands traités de Thomas de
Jésus. Il convient de signaler rapidement quelques passages de ce Cantique qui
font écho aux thèses de la Mystique des Lumières déjà dévoilées en 1601 et
1607. On rapprochera de Luz, Disc. 3 °, 1-2 (sur les visions
intellectuelles et la vision glorieuse) le § 37, 5 a, a'— t’ du Cantique B (éd.
Dom Chevallier, Le Cantique spirituel de saint Jean de la Croix, Bruges,
Desclée de Brouwer, 1930, pp. 304-305). On nous disait, en 1607, que l’âme
connaît, dans les plus hautes visions intellectuelles, au-delà de la foi, por
conocimiento claro. Le remanieur du Cantique ne comprend plus que l’âme puisse
demander à Dieu dans l’état de l’union du mariage spirituel aquello que me
diste el otro dia, savoir le fruit de cette transformation d’amour : l’état
de la justice originelle dans laquelle Dieu lui a donné, en Adam, la grâce et l’innocence,
ou encore, cette pureté et cette netteté complète qu’elle reçut le jour de son
baptême. Il s’est fait une autre conception de l’état de l’âme parvenue à ces
sublimités. Ce n’est pas la robe des noces qu’elle aspire à revêtir, c’est son
être incréé. Elle ne songe plus à la perfection accessible dans la foi très
illuminée, puisque cette illumination, comme le disait déjà l’auteur de Luz, se
fait grâce à un habitus qui n’est plus celui de la foi. Son baptême ne fait pas
le compte : la pureté qu’elle désire c’est celle de l’intelligence
miraculeusement inondée des lumières de la claire connaissance. D’où la
dubitatio posée et résolue au § b'— f, p. 304 : comment l’âme
peut-elle seulement prétendre aimer d’un amour égal à celui dont Dieu l’aime
(cf.
**
À partir de 1608, la nouvelle tendance s’affirme. Leandro de
Granada approuvait le livre de son confrère Antonio de Alvarado intitulé Art de
bien vivre ou Guide des Chemins du Ciel, en 1608. Celui-ci accueille quinze
chapitres [II, 35-49] qui ne font que résumer un Bref Traité de la connaissance
obscure de Dieu affirmative et négative ou Manière de s’unir à Dieu par l’amour
qui n’est lui-même qu’une copie assez libre du Traité de la contemplation de
Thomas de Jésus, composé entre 1600 et 1604 et qui reparaît dans le troisième
Livre d’un autre traité du même, intitulé Première Partie du Chemin Spirituel
de l’oraison et de la contemplation, composé avant 1607 et demeuré
manuscrit/38. Ce traité a dû passer très tôt pour un ouvrage de saint Jean de
la Croix. Le P. Gerardo l’a inclus, en 1912, dans son édition des Œuvres du
saint [III, pp. 277-335].
En 1609 paraissait l’un des ouvrages les plus considérables,
par l’action qu’il allait exercer. Il fut réédité en 1610, 1615 et 1623. Il s’agit,
encore, d’un livre du même Thomas de Jésus. Désireux de systématiser les
déclarations de sainte Thérèse, il a conçu un ouvrage sur Les Degrés de l’Oraison,
selon l’esprit de la sainte Mère. Pour la première fois, un carme parlait de
deux sortes d’oraison contemplative. Il appelle la première oraison acquise et
la seconde oraison infuse.
On peut discerner dans cet ouvrage la tendance à opposer à
travers ces deux espèces d’oraison, une contemplation non mystique et une
contemplation mystique. Le Prologue des rééditions de 1665 et 1725,
postérieures aux grands traités de Thomas de Jésus de 1620-1623, est explicite.
C’est à sainte Thérèse que l’on faisait porter pareille responsabilité, au prix
d’un contresens.
Dans ses Cinquièmes Demeures, la sainte avait parlé d’une
union de conformité de la volonté à la volonté de Dieu. Thomas y voyait, non la
contemplation d’attitude, disposition requise normalement pour être élevé à la
contemplation infuse, mais un degré d’oraison assorti d’un genre de grâces
mesurées par le mode humain du discours. Saint Jean de la Croix avait enseigné
la pratique d’une disposition intérieure que saint Ignace avait appelée la
sainte
37, 1, d, g-f), si elle n’aspire qu’à parvenir à la
perfection de la vision intellectuelle ? La virtuosité du remanieur vient
facilement à bout de cette aporie : il suffisait de supposer que ce qu’elle
désire, ici, c’est la gloria esencial que consiste en ver a Dios. En parlant d’amour
à Dieu elle ne voulait pas se donner à Lui et, tout ensemble, donner Dieu à
Dieu, par participation à la spiration du Souffle (el aspirar del aire, 38, 1,
a-t) : elle voulait Le voir lui révéler sa Face, non formata, sed formans !
Elle ne vivait plus sur la terre, à l’ombre de la foi bienheureuse : elle
vivait déjà au Ciel, grâce au miracle de la Mystique des Lumières. Sur l’édition
de 1618, voir infra, Appendice I, p. 325.
38 Simeon de la Sagrada Familia, Tomà de Jesus y san
Juan de la Cruz, Ephemerides Carmeliticae, 1951-1954 (5), pp. 91-159.
indifférence. Thomas n’y comprend plus rien. Il partira de ce
contresens fondamental, pour étayer sa doctrine d’une contemplation acquise.
Entre 1607 et 1615, on assiste à une intense production d’ouvrages
sur la question controversée de la nature de la mystique selon les deux
fondateurs du Carmel de la Réforme. Les novateurs sont pris à parti par les
traditionalistes. Mentionnons deux livres significatifs : l’un émane d’un Thérésien,
Antoine Sobrino (1612), Vie spirituelle et Perfection chrétienne ; l’autre
d’un sanjuaniste, Jean Breton, Théologie mystique ou Doctrine de la Perfection
évangélique à laquelle l’âme peut avoir accès en cette vie (1615). L’un et l’autre
dénoncent la doctrine de François de Sainte-Marie et réfutent explicitement l’erreur
que l’on commet en opposant la contemplation dont parlent les extatiques, à la
contemplation dont parlent saint Thomas et les théologiens de la tradition.
**
Durant ces années où se jouait le destin de la pensée des
deux Docteurs mystiques, les Carmes préparaient l’édition des œuvres de saint
Jean de la Croix. De toute part, elle était réclamée ; mais elle tardait.
On comprend pour quelles raisons : ces écrits n’étaient pas conformes à la
nouvelle théologie.
Les écrits de saint Jean de la Croix, largement diffusés dans
des copies manuscrites, avaient été glosés, commentés, pillés ; mais
aussi violemment critiqués, et souvent par des maîtres de l’École, théologiens
acquis à une conception ascéticiste de la spiritualité, comme celle que
diffusaient autour d’eux les jésuites, principalement.
Pouvait-on faire paraître officiellement des écrits avec
lesquels on n’était pas d’accord ? Qui, tels quels, risquaient d’être mal
compris ? Fallait-il laisser passer telle critique radicale des
merveilles de la grâce de Dieu dans les âmes ? Laisser entendre que nous
sommes tous appelés à la contemplation, même si plus de la moitié de ceux qui s’y
adonneront sérieusement ne doivent pas y être élevés jusqu’à l’union ? N’est-ce
pas inciter les âmes à désirer s’élever au-dessus de leurs capacités naturelles
dans l’oraison et donc les jeter dans l’illuminisme ?
Une soigneuse révision s’imposait donc avant de livrer les
textes à l’impression. On les assortirait d’un commentaire afin d’éclairer le
lecteur et de réfuter les arguments que les détracteurs faisaient valoir contre
la doctrine. Cette révision fut à la charge du P. Diego de Jesùs-Maria
Salablanca, secrétaire de Thomas de Jésus. Lorsque parut l’édition en 1618 (l’édition
ne comprenait pas encore le Cantique spirituel), il y ajouta un commentaire
fait de Notes et Remarques en trois Discours pour faciliter l’intelligence des
phrases mystiques et des doctrines contenues dans les œuvres spirituelles de
notre Père Jean de la Croix. En 1622, le neveu de Louis de Léon, Basile Ponce
de Léon, devait y ajouter une réfutation des Censures et objections qui ont été
faites à quelques propositions du livre de notre Père Jean de la Croix, car on
avait trouvé matière à critiquer dans un texte déjà soigneusement retouché.
Enfin, en 1630, on faisait appel au carme Nicolas de Jésus et l’on publiait son
Élucidation des phrases mystiques de notre Père Jean de la Croix. Dans la
nouvelle édition (comprenant cette fois le Cantique spirituel), aucun de ces
commentaires officiels de la pensée de saint Jean de la Croix ne restituait l’exacte
idée que celui-ci s’était faite de la nature de l’abstraction de l’intelligence
requise dans la contemplation d’attitude, l’attention simple et amoureuse à
Dieu ; contrairement à ce qu’au même moment Quiroga avait fait en
composant son Apologie mystique de la doctrine de saint Jean de la Croix
(Appendice III) 39.
C’était pourtant le point névralgique de la doctrine. Or, ces
trois commentateurs, maîtres en théologie, faisaient de cette abstraction une
faveur surnaturelle, propre à une contemplation extraordinaire. Ils rendaient
ainsi impossible la pratique de la contemplation. Plus encore, ils jetaient sur
elle l’interdit, car si l’acte du regard direct de l’entendement sans réflexion
sur soi, propre à l’union intentionnelle à Dieu, se voit rapporté à la
contemplation infuse extraordinaire propre aux âmes favorisées de grâces
mystiques particulières, y aspirer serait succomber à la prétention et à l’illusion
des illuminés. Ces carmes ne parlaient pas autrement que les jésuites : la
mystique était devenue affaire de faveurs extraordinaires ; de la
contemplation d’attitude, plus question.
Cette éviction de la contemplation d’attitude chez des carmes
voués à la vie contemplative était inadmissible. Il appartenait au P. Thomas de
Jésus de tenter d’y porter remède, dans une synthèse complexe qui subvertit
totalement la doctrine de saint Jean de la Croix.
**
Thomas de Jésus s’est fait de la contemplation mystique une
idée très personnelle qu’il devait achever d’exposer dans le volumineux ouvrage
publié à Anvers en 1623, en latin et intitulé Méthode, nature et degrés de l’Oraison
divine ou infuse.
Interprétant l’Aréopagite, particulièrement dans le texte
fameux de la Théologie mystique, où Denys invite son disciple Timothée à entrer
dans la divine ténèbre 40, Thomas de Jésus « entendait de la
contemplation infuse et
39 Voir infra, p. 331.
40 « Nature de la ténèbre divine irmite, (sont l’essence,
la divinité, la bonté sont superessentielles, superdivines, superbonnes, qui
guidez les chrétiens dans la sagesse ès choses divines, menez-nous au sommet
spécialement inconnu, lumineux et sublime
suréminente dont il s’est fait le théoricien. Pour lui, cette
contemplation très relevée est une science miraculeuse de l’intellect opérant
sous l’influence immédiate de Dieu, selon un mode d’opération transitive, de l’ordre
de la grâce gratuitement donnée (por modo de acto transeunte) à travers le
rapt, l’extase, les visions et les révélations, la prophétie. On ne pouvait
prendre plus nettement le contre-pied de l’enseignement souverain de saint Jean
de la Croix, pour qui la théologie mystique est toujours, dans la foi
illuminée, dans tous ses degrés, science d’amour. (C’est néanmoins à Thomas de
Jésus que Nicolas de Jésus devait se référer explicitement au moment de
commenter la doctrine de saint Jean de la Croix dans l’édition des Œuvres du
saint de 1630) (voir supra, pp. 96-97).
Dans son traité de 1623, Thomas avait voulu compléter son De Contemplatione divina de 1620 et
finalement résoudre le problème laissé en suspens après 1612 et les années de
polémique qui l’avaient opposé aux capucins belges, disciples de Benoit de
Canfeld, à propos de sa Censure de la Théologie
germanique. Thomas de Jésus responsable des carmélites venues de France et
des oracles cachés, là où la simplicité, la pureté et la
fixité des secrets de la science de Dieu paraissent dans la lumière, plus
claire que la lumière, du silence, maître des secrets. Lorsque tout est bien
noir, cette ténèbre se met à briller d’un éclat hautement supérieur. Quand plus
rien n’est palpable ni saisissable, elle inonde de splendeurs merveilleuses les
âmes qui sont sans yeux. Puisse-t-il en être ainsi pour moi ! Pour toi,
cher Timothée, qui ambitionne sérieusement de voir dans le secret mystique,
laisse-là les actions des sens, les ouvrages de l’esprit, tout sensible, tout
intelligible, ce qui n’est pas, et ce qui est. Puis, dans cette ignorance,
élève-toi autant qu’il est possible à l’union de Celui qui passe toute essence
et toute science. Moyennant cette totale et parfaitement exacte sortie de
toi-même et de tout, tu pourras t’élever au rayon inouï de la divine ténèbre,
parce que tu seras pauvre de tout, libre de tout » (Théologie mystique,
éd. Dionysiaca, pp. 566-569). Ce grand et mémorable texte dit assez
clairement l’unité de la contemplation de théologie mystique, infuse et
élective. Pour Thomas de Jésus, il fallait l’entendre de la seule contemplation
éminente (De coniemplatione Divina, Libri Sex, V, cap. XIII). Il faut souligner
l’ascendance médiévale — et avicenienne — de la problématique de Thomas de
Jésus à propos du rôle de la lumière de gloire, appliquée à la contemplation
infuse. Capréolus, Suarez et les carmes de Salamanque se référaient à Jean de
Ripa, scotiste, qui joua un rôle de premier plan dans les disputes qui
opposèrent dans la seconde moitié du XIVe et le début du XVe siècles, scotistes
et thomistes, sur la nature du mode de la connaissance de Dieu au ciel (vision
béatifique). Du ciel descendu sur terre, le même problème se posait : s’agit-il
d’une connaissance moyennant un don créé ou immédiate, par illumination directe
de l’essence divine ? Hugues de Saint-Victor, saint Thomas avaient réfuté
les thèses favorables à la vision immédiate de Dieu dans la gloire (1-2, q. 3,
1, à propos de la thèse fameuse de Pierre Lombard) que reprennent au xvie
siècle les illuminés pour qui l’amour de Dieu en l’homme « est »
Dieu (tels que Pedro de Alcaraz, le chef de file des dexados de
Nouvelle-Castille). Thomas de Jésus, dans la problématique miraculiste de la
théorisation baroque de la mystique, appliquait la thèse au mode de l’illumination
de l’intelligence qui se produit dans l’union transformante de la contemplation
infuse, dans une pure passivité. L’âme « était » alors Dieu. On
reconnaît là le naturalisme gréco-arabe de l’avicennisme mystique dont avait
déjà hérité la mystique spéculative des rhénans. Thomas de Jésus l’incorporait
dans sa vision surnaturaliste de la contemplation « extatique et fruitive »
par concession transitive du lumen gloriae.
fondateur en Belgique et en Allemagne, avait imité Gratien de
la Mère de Dieu dans son rôle d’inquisiteur espagnol officieux en Pays-Bas et
aussi de gardien de l’esprit de sainte Thérèse qu’il jugeait, non sans raison,
gravement menacé par la spiritualité « perfectiste » des capucins,
autant que la Mère Anne de Jésus l’avait pensé de la spiritualité bérullienne.
Mais il n’avait suivi que de loin la position de l’ancien Commissaire de la
Réforme auprès de sainte Thérèse, sans du tout épouser son thérésianisme
primaire et sa conception brouillonne de la théologie mystique. La polémique
lui avait appris à approfondir dans le sens de sa propre recherche et surtout à
mieux apprécier l’apport original des mystiques du Nord à la solution,
croit-il, du vrai problème. En fait, il se situait, lui aussi, dans la
problématique moderne rénovée de celle des rhéno-Flamands. Comme eux, il avait
opté pour le primat de la grâce de prophétie et il y ajoutait une conception
toute moderne du séparatisme de la nature et du surnaturel. Entre 1613 et 1627,
date de sa mort, on le voit tout occupé à rédiger ses écrits de théologie
mystique, dans lesquels il assimile de plus en plus les analyses de Ruusbroec
et de Herp — il ne semble pas avoir connu les œuvres de Maítre Eckhart — avec
une impressionnante maîtrise dialectique. Tant et si bien qu’il approuvera
chaudement en 1623 le projet de béatification de l’Admirable dont il avait fait
son saint Patron/41.
Le but que Thomas de Jésus poursuivait était donc clair.
Lui-même nous a dit que dans ces deux ouvrages, il désire asseoir la science
mystique sur la doctrine solide de l’Écriture et des Pères, parce que la
contemplation surnaturelle et infuse est ardue et rarement comprise (paucisque
intellectam) ; il se propose de débarrasser la théologie mystique des
obscurités de langage et des symboles propres aux spirituels qui en ont l’expérience,
afin de la mettre à la portée de tous les esprits/42. Son insistance à
souligner dans ces deux ouvrages le parti-pris de dissiper les obscurités de la
théologie mystique et l’absence totale de toute référence aux œuvres de saint
Jean de la Croix, semble bien prouver qu’il vise en particulier les « obscurités »
de la doctrine du saint Docteur. Aussi bien se propose-t-il dans son Divinae
Orationis, d’étudier toute la matière de l’oraison infuse sans jamais entrer
dans la controverse/43. Plutôt que de discuter saint Jean de la Croix, dont il
n’admet pas la doctrine, il a préféré l’ignorer.
Thomas de Jésus a-t-il une expérience mystique qui lui
permettrait du moins d’être meilleur théologien que saint Jean de la Croix,
témoin plus lucide de cette expérience ?
Il l’a dit lui-même : il n’a pas l’expérience de l’union
surnaturelle propre à l’oraison infuse. Mais il s’est efforcé de la comprendre
pendant plus de vingt ans, au prix de lourds travaux, fouillant les trésors de
l’Écriture et des Pères, consultant les contemplatifs les plus insignes, tant
de son Ordre que des autres. Il n’a pas l’expérience parfaite de tous les états
qu’il décrit, mais les miettes tombées de la Table Divine suffisent à donner le
goût du Pain Céleste.
Il confesse avoir cherché, des années durant, à puiser aux
trésors surnaturels de l’oraison infuse. Il a désiré marcher du même pas que d’autres
religieux et spirituels, aiguillonnés dans leur intérieur par Dieu. Plus
encore, c’est après la lecture du passage de sainte Thérèse où la Sainte Mère
parle de la vision intellectuelle de la Trinité divine, qu’il a conçu ce désir
et qu’il décida d’entrer en religion. Son seul désir en prenant l’habit était
de jouir des richesses surnaturelles, de faire l’inventaire du trésor caché et
de parvenir, au prix d’inlassables efforts, à la source délectable des eaux de
la Vie éternelle.
Pendant plus de vingt ans, déclare-t-il, il chercha en vain d
comprendre, ne fût-ce que spéculativement, la nature de cette union suprême et
céleste, célébrée par les Pères et magnifiée par les Docteurs mystiques. Jusqu’au
jour où Dieu
41 La Théologie mystique de Herp, mise à l’Index depuis 1559
en Espagne et 1583 à Rome, n’est autorisée qu’en 1585 dans l’édition latine
expurgée publiée à Rome. À partir de 1592, le franciscain espagnol Juan de los
Angeles s’était proposé de la meure à la portée des lecteurs espagnols, en
particulier dans ses Dialogues de la Conquête du Royaume de Dieu (1595-1608).
Il faisait œuvre de compilateur éclectique et soucieux d’éviter toute dispute
en matière d’oraison. Thomas de Jésus se montre autrement plus hardi.
42 D.O. Ad lectorem (3e page) : « Attamen divino freti
auxilio, etsi non quantum exposcit tante rei dignitas et magnitude, secundum
experientir nostrie mediocritatem (quam fatemur esse exiguam) utcumque digerere
tentabimus ; conantes pro ingenii nostri tenuitate, natura sua
difficilem, arduam, mysticam et obscuram hanc tractationem, ab obscurioribus et
symbolicis Mysticorum terminis et dicendi modis, quibus obvoluta et obtenebrata
horrorem contraxit multisque incussit, vindicatam et expurgatarn, ad faciliorem
et omnibus notarn ac ferme scholasticam loquendi phrasim reducere :
enitentes in primis, sine ullo argumentorum strepitu ac disputatione, mysticam
hanc scientiam in solida scripturr sacre ac sanctorum Patrum fundare doctrina, quam,
claram sinceramque, et scholasticr Theologi principiis optime cohrrentem,
periti Theologi probe cognoscant, minus etiarn docti facile et sine obscw-itme
invenire arque percipere valeant » (Cf. Lut, 236 y’) ; voir également D.C.
Praefatio ad lectorem : « De divins contemplatione, maxime de infusa
(materia sane non minus sublirni et obscurs quam utili et necessaria) Deo
favente dicturus, opereprœtium duxi pretermisso mysticorum symbolicis ac
implicatis loquendi modis, sanctorum et gravissinorum Patrum, probatiorumque
Scholastice Theologi Doctorum pracipue vero divi Thom et divi Bonaventure ac
aliorum vestigiis inherere et prout Deus dederit, universam hanc tractationem
ad Theologir Scholasticœ fontes communemque doctrinam reducere ». On
retiendra également le passage suivant de la Préface du D.O. (3e page verso) :
« Poro intentionis nostra acies eo tendit ut animam ad Deum a sœculi
vanitate conversam, a primis Orationis rudimentis, arque ab ipso spiritualis
sua nativitatis exordio, usque ad perfectam ejusdem vitae œtatem perducamus ;
et viam, media, modum, quibus clementissimus Deus eam per omnes retates
spirituales, de virtute in virtutem, de gradu in altiorem Orationis gradum,
quousque in Sion nudis se prabeat videndum oculis, veluti manuducit, exponamus
et digito (ut aiunt) demonstremus ». Ce passage ne manquera pas de
rappeler l’Argumento et l’Anotacién du commentaire du Clintico de Jaén (39, a-f
et x, a, a'— d’). Tout se passe comme si le D.O. était destiné à exposer la
théorie de la doctrine que Thomas de Jésus illustre dans son commentaire du
Càntico. On ne peut séparer les deux ouvrages.
43 Cf. supra, note 40, le premier passage cité.
lui ouvrit sa main et lui fit entendre la nature de l’union,
dont il lui refusait l’expérience/44. Cela suffit à lui donner confiance. Il va
aider son prochain à désirer de toutes ses forces de parvenir aux eaux
célestes, en lui montrant au grand jour, les trésors de la sagesse de Dieu en
lui faisant comprendre quelle abondance de richesses surnaturelles Dieu réserve
aux âmes.
Cette confession sans détours nous fait entrer au plus
profond de l’inspiration de Thomas de Jésus : elle nous livre, plus
directement, plus vivement, que ne peut le faire la lecture soutenue de ses
écrits, l’intuition centrale d’où son œuvre tout entière est sortie. On nous
permettra d’y insister.
Le passage de la Septième Demeure auquel Thomas de Jésus
rapporte sa vocation religieuse, a joué dans son esprit un rôle absolument
primordial/45 : c’est à partir, croit-il, du témoignage de sainte Thérèse
qu’il conçut sa théorie de la contemplation suréminente et de l’union « extatique
et fruitive ».
Thomas de Jésus interprète l’expérience de la vision de la
Trinité divine dont parle sainte Thérèse, comme Louis de Léon, du point de vue
du don de prophétie, c’est-à-dire comme une grâce extraordinaire (gratis
data)/46 et non pas du point de vue de la grâce des vertus et des dons à
laquelle saint Jean de la Croix la rapportait.
Il y a lieu, rappelons-le ici, de distinguer deux expériences
de la vision de la Trinité : l’une, celle dont parle saint Jean de la
Croix, est une connaissance de la vie intime de la Trinité, qui est intérieure
à l’expérience mystique la plus élevée, et qui résulte du plein épanouissement
dans l’âme de la grâce sanctifiante, c’est-à-dire de la foi informée par la
charité et illustrée par les dons de sagesse et d’intelligence. L’expérience du
mariage spirituel ne se conçoit pas sans cette participation à la Vie
Trinitaire.
L’autre n’est pas essentielle à l’expérience du mariage spirituel :
elle ne relève pas, en effet, de la grâce sanctifiante, mais des charismes. Les
deux expériences
44 D.O., loc. cit. Le dernier paragraphe est ainsi rédigé :
« Fateor tamen et quidem libenter, etiam evolutis diligentissime
plurimorurn virorum doctorum scriptis, non potuisse me per annos plusquam
vigenti, spéculative etiam, percipere quidnam esset suprema et crlestis haec
anime cwn Deo unio... donec tandem divina illa bonitas lumen quod manibus
absconditum tenebat, aliqua data occasione, aliquantisper mihi reseravit quo
quidnam ista sit unio et in quo precipue consistas capere possem » (5e
page recto).
45 11 le cite plusieurs fois dans ses deux Traités (Cf. en
particulier D.O., lib. IV, cap. 9,
p. 420, où il y fait allusion ; D.C., lib. VI,
cap. III, p. 497, où il l’a traduit.
46 D.C. Summa totius operis (page 11) et D.O. Ad
lectorem (2e page recto) : l’oraison la plus élevée résulte d’une manifestation
fulgurante de Dieu, d’un infusion du Saint-Esprit sans le secours des habitus
des dons (« aquam profecto orationis sublimem gratiam, per Prophetas suos
promiserat Deus liberalissime se legis Evangelice tempore donaturum arque
effusurum »). Cette grâce, qui dépasse celle de l’oraison qui procède de
l’influx spécial du Saint-Esprit moyennant les habitus des dons, « earn
ob causam ad gratias gratis datas merito reducitur ».
peuvent parfois coexister (ce fut le cas de sainte Thérèse
gratifiée de la connaissance intime de la Trinité essentielle à l’état du
mariage spirituel, propre à la vision intellectuelle des Personnes divines, et
par ailleurs, d’une vision imaginative), mais l’une ne se réduit pas à l’autre.
Les confondre serait dénaturer dans son fond l’expérience mystique la plus
élevée et faire passer dans l’ordre des charismes ce qui relève de l’ordre de
la grâce des vertus et des dons, toute espèce de grâce divine étant alors
ramenée au mode commun de l’extraordinaire.
De toute évidence, comme le faisait Louis de Léon, Thomas a
confondu ces deux expériences. C’est pourquoi il a regardé toute union expérimentale
aux Personnes divines comme accidentelle et extraordinaire. Selon lui, il s’agit
d’une grâce suréminente, en tout point charismatique, qui consiste en une
manifestation transitive de Dieu à l’âme comme objet béatifique (Herp avait dit :
en une concession transitive du lumen gloriae).
Pour bien comprendre la nature de l’union mystique, telle que
l’entend Thomas de Jésus, il faut se rappeler qu’il distingue d’une manière
très personnelle et complexe deux genres principaux de contemplation, selon deux
modes essentiellement distincts d’union à Dieu.
Le premier genre de contemplation est l’effet du
développement normal de la grâce sanctifiante : il procède de l’habitus
des vertus et des dons du Saint-Esprit opérant dans l’âme de manière humaine
encore, c’est-à-dire par l’entremise de la raison qu’ils disposent aux
opérations proprement surnaturelles/47. Cette contemplation est, de droit,
accordée à toutes les âmes justes, elle peut être acquise avec l’aide de Dieu
et elle est nécessaire à la perfection. Lorsque l’âme y parvient, elle est unie
à Dieu en tant qu’il est présent en elle par la présence d’immensité/48. La grâce
sanctifiante dispose donc l’âme à une certaine union habituelle à Dieu,
manifesté en elle comme principe d’opérations surnaturelles, et présent en elle
par la présence dont il remplit toute chose. Thomas de Jésus appelle cette
contemplation contemplation acquise.
Le second genre de contemplation n’appartient pas, au
contraire, au développement normal de la grâce sanctifiante : il procède
de l’action immédiate du Saint-Esprit sur les puissances de l’âme. Son mode est
proprement divin, et cela peut s’entendre de deux degrés différents de
contemplation. Dans le premier, l’action immédiate du Saint-Esprit dans l’âme
se fait par le moyen des habitus des dons, mais « spécialement actués ».
Dans le second, supérieur au premier, l’Esprit-Saint meut l’âme immédiatement
sans l’entremise d’aucun habitus des
47 D. 0., lib. I, cap. 3, p. 20 : « omnibus
justis sirnul cum gracia et charitate donorwn habitus infundantur », mais
dans ce genre de contemplation l’Esprit-Saint ne meut pas l’âme immédiatement,
mais moyennant les actes des puissances « per rationis discursum mediate
movet ». La motion du Saint-Epsrit est alors « prédéterminée »
par la raison.
48 Cf. en particulier, D.O., lib. IV, cap. 11, p. 442.
dons, selon un mode actuel très spécial/49. Cette
contemplation relève alors des charismes/50, mais dans les deux degrés elle est
extraordinaire, procède de l’infusion d’une grâce actuelle supérieure à l’ordre
de la grâce sanctifiante, et à ce titre n’est pas requise pour le salut de l’âme
ni pour la perfection de précepte. Ce genre de contemplation surnaturelle et
infuse résulte, selon Thomas de Jésus, d’un mode nouveau de présence de Dieu
dans l’âme, distinct de la présence d’immensité et de la présence de Dieu dans
l’âme justifiée. Telle est la contemplation propre à la théologie mystique.
Thomas de Jésus sait parfaitement que ce nouveau mode de
présence est une innovation qui lui est propre, et qu’il ne trouve ni chez les
Pères/51, ni chez les théologiens les plus experts/52. Mais il n’est pas
disposé à l’abandonner, et on le comprend, car toute sa synthèse doctrinale s’effondrerait.
Selon Thomas de Jésus, en effet, la contemplation propre à la
théologie mystique résulte de la manifestation de Dieu aux puissances de l’âme
comme objet surnaturel et béatifique. S’il est vrai que l’âme peut dès ici-bas
commencer à goûter à la béatitude glorieuse, comme tous les théologiens scolastiques
et les docteurs mystiques le disent, cela suppose nécessairement, selon lui, qu’elle
est capable, ici-bas, de s’unir en acte à Dieu aimé et connu comme objet
béatifique. Or, par la présence d’immensité, Dieu est présent dans l’essence et
dans les puissances de l’âme en tant que principe de ses opérations naturelles.
Lorsque l’âme reçoit l’infusion de la grâce sanctifiante, Dieu lui fait sentir
cette présence d’une manière intime et en quelque sorte habituelle. Mais de
même que la présence d’immensité est, de soi, improportionnée à cette union
habituelle qui résulte de la justification de l’âme par l’infusion de la grâce
sanctifiante, de même l’union habituelle est, de soi, improportionnée, et d’un
ordre inférieur, à la vision béatifique et à la béatitude accessible ici-bas.
Dieu doit donc se rendre présent dans l’âme d’une manière toute nouvelle,
proportionnée à la vision béatifique/53, et il le fait en se manifestant aux
puissances de l’âme comme il le fera dans la gloire, avec cette différence toutefois
que dans la gloire les puissances seront Saint Jean de la Croix et l’aventure
de la mystique espagnole immédiatement unies à Dieu comme objet béatifique,
tandis qu’ici-bas l’union n’est immédiate que dans la volonté/54. Comme on le
voit, Thomas de Jésus entend d’une manière toute nouvelle l’affirmation commune
à tous les Docteurs scolastiques et à tous les mystiques selon laquelle la
béatitude glorieuse commence dès ici-bas ; il abandonne sur cette
question fondamentale la doctrine traditionnelle et celle de saint Jean de la
Croix. Selon lui, la « beatitudo inchoata » propre à la théologie
mystique est d’un autre ordre que celui de la grâce des vertus et des dons.
Elle est de l’ordre des grâces actuelles « gratis data ».
À son degré le plus élevé/55, l’union actuelle propre à la
théologie mystique consiste, dans l’âme parfaite, dans l’union immédiate et
expérimentale à Dieu caché dans l’essence de l’âme et rendu intimement présent
aux puissances comme objet béatifique. Cette union n’est parfaite que dans la
gloire : en effet, seule la volonté s’unit immédiatement à Dieu rendu
présent en elle comme Souverain Bien, l’intellect ne s’unit pas encore
immédiatement à lui : il ne le connaît pas comme Souverain Bien d’une
manière intuitive, mais « sub ratione immense lucis ». C’est ce
degré d’union actuelle passive que Thomas de Jésus appelle à proprement parler
union mystique/56.
À un degré inférieur de cette union, l’âme parfaite est
transformée en Dieu présent en elle comme objet béatifique, sans lui être unie
immédiatement : elle n’a pas l’expérience de « la présence déifique »,
elle ne connaît pas encore qu’elle est transformée en Dieu/57. Dans cet état l’âme
aspire à recevoir un baiser de sa bouche, à sentir expérimentalement qu’elle
lui est unie/58. Elle est unie à Dieu « in affectu tantum », comme
à distance. Dans le degré supérieur que l’âme désire atteindre, elle est unie
réellement à Dieu « non in affectu tantum sed in effectu ». Comme
on le voit, cet autre degré, inférieur, d’union actuelle n’est à proprement
parler qu’une disposition à l’union mystique proprement dite. Tant que l’âme y
49 D.O. ad lectorem : « alterum [le 2e genre de
contemplation] a Spiritu Sancto mediis donorum habitibus specialius movente ;
tertium immediate ab ipso Deo sine habituali alicujus doni interventu, per
modum actus procedit ».
50 La grâce abonde dans l’âme « qua abundantia non
habitualem solum quam graturn facientem vocamus sed et gratis datam sive
actualem cumulo largitatis suz complecti videtur » (ibid.). Cf. également
lib. I, cap. IV, p. 39 : le mode le plus élevé de cette contemplation
résulte de l’habitus des béatitudes que Thomas de Jésus considère comme
accordées à l’âme « per modum actus tantum et qua gracia gratis data
communiter appellatur ». Cf. aussi p. 41.
51 D.O., lib. IV, cap. 11, pp. 443-444.
52 Ibid., p. 440 : cf. toute la Dubitatio des pages 440-446 que
nous résumons dans le texte et également les chapitres V et VI, pp. 333 à
343.
53 Ibid., p. 442 : « Constituendus igitur est
novas illapsus Dei (przexistentis in essentia anima ratione gracia habitualis)
ut eo medio manifestetur potentiis in ratione objecti supernaturalis et
beatifici ».
54 D.O., lib. IV, cap. II, pp. 443-444.
55 D.O., ibid., pp. 341, 342 et également lib. IV, cap.
II, pp. 435-436.
56 Pour bien comprendre la position de Thomas de Jésus, il
convient d’ajouter que selon lui, il y a deux sortes d’union actuelles (D.O.,
lib. IV, cap. 5, pp. 333-336). l’une, qu’il appelle union active,
affective, ou sobre, dérive de l’habitus de la charité « modo humano ».
C’est la béatitude propre à la contemplation acquise. L’autre qu’il appelle
union passive, effective ou d’ivresse (ebria) est l’effet d’un don particulier
de Dieu qui suspend les puissances et les sens. La première dérive du don de
sagesse, la seconde également, mais « eminentiori modo et diviniori ».
Seule la seconde est ordonnée à la présence de Dieu comme objet béatifique :
c’est à elle que se réfère Thomas de Jésus lorsqu’il parle de la béatitude
propre à l’expérience mystique et qui est la béatitude glorieuse commencée dès
ici-bas (cf. supra, pp. 311-312).
57 Ibid., p. 342 : « Deo inhaeret ac in ipsum
transformatur, non tamen Deo immediate unitur nec ejus arnplexum,
deosculationem, sive Deificam presentiam percipit ».
58 D. O., p. 342 : « Ideoque adhuc optat Deum
przsentem sentire, ac in nudis ejus bracchiis requiescere ».
demeure, elle est insatisfaite et soupire constamment vers l’union
réelle et effective/59.
Si nous récapitulons les différents éléments de cette
description de la nature de l’union mystique telle que l’entend Thomas de
Jésus, nous dirons que l’union mystique est essentiellement extraordinaire,
parce qu’à la différence de l’union active propre à la contemplation ordinaire
acquise, elle résulte de la manifestation immédiate de Dieu présent dans l’âme
par son essence comme objet surnaturel et béatifique/60. Dès le moment où l’âme
est gratifiée de cette manifestation, et elle peut l’être au premier instant de
sa conversion, elle vit sous un régime qui n’est plus celui de la grâce
sanctifiante seulement, mais essentiellement sous le régime des grâces « gratis
data » propre à l’union mystique comme telle/61.
Il en résulte que l’âme appelée par Dieu à l’union mystique
se trouve, dès le premier instant de sa conversion, animée du désir de la
vision béatifique. Lorsqu’elle parvient au terme de la voie illuminative elle
est unie à Dieu, manifesté dans ses puissances comme objet béatifique, sans l’être
réellement : elle n’a qu’un pressentiment de sa présence. Dans cet état d’union
« affective seulement », elle désire l’union plus parfaite propre à
l’union mystique proprement dite. Lorsqu’elle voit son désir satisfait, elle n’abandonne
pas pour cela le désir de posséder Dieu plus parfaitement encore tel qu’elle le
possédera dans la gloire, car elle ne lui est pas encore unie immédiatement par
l’intellect. Dans cet état d’ailleurs, Dieu lui communique des grâces très
élevées, « suréminentes », qui achèvent de la disposer à être
élevée à l’union glorieuse, parce qu’elles ont pour effet de communiquer à l’intellect
une vision transitive actuelle de la béatitude glorieuse/62 plus que jamais l’âme,
disposée par Dieu lui-même d’une manière tout extraordinaire à parvenir à la
béatitude glorieuse, est animée du désir de quitter la condition terrestre en
mourant afin de parvenir à la vision béatifique. On peut donc dire que l’âme
appelée à l’union mystique, à la
59 Ibid., pp. 431-432. Thomas de Jésus citait Saint
Thomas : « Amor non requiescit, non est contentas superficiali
apprehensione amati, sed intendit rem amatam perfecte habere ». Il
glosait cette citation de la manière suivante : « Quare perfecti Dei
amatores ea dilectione qua in affecta consistit minime contenti ad realem cum
Deo unionem continuo aspirant ut preclare S. Macarius... ».
60 D.0., lib. IV, cap. 8, p. 358 : « Hee
autem manifestatio pressentie Dei fit per illapsum Dei in potentias anime, ita
ut Deus per ejus essentiam et substantiam fiat prrsens licet non ita perspicue
ac in gloria, intellectui et voluntati sanctorum ».
61 D.O., lib. IV, cap. VI, pp. 339-341 : Dans ces
pages, Thomas de Jésus montre qu’au sens large d’union mystique (« lace
quidem ») on peut distinguer trois degrés d’union mystique « quorum
infimes ad vitam Purgativam, secundus ad Illuminativam, ultimus ad Unitivam
pertinet ». Dieu opère alors dans l’âme par le moyen des dons « eminentiori
modo et div iniori », c’est-à-dire par le moyen de graces actuelles
gratis date.
62 Thomas de Jésus décrit longuement ce dernier degré d’union
mystique dans son D.C., lib. VI (« De supereminenti gradu contemplationis
infuse ») pp. 469-541. Cf. p. 504 : « Et licet Deum
facie ad faciem non videant, eum tamen per intelligibiles effectus altissimo
modo et quasi angelico, contemplantur ».
différence de l’âme que Dieu n’y destine pas/63, est animée
du désir continuel et sans cesse accru de la vision béatifique. Il ne peut en
être autrement, puisque l’union à laquelle elle est appelée résulte de la
manifestation immédiate de Dieu comme objet béatifique aux puissances, et que
celles-ci ne trouveront de repos total que lorsqu’elles seront immédiatement
unies à Dieu clairement manifesté dans la vision.
Or, si l’on se reporte à la doctrine de saint Jean de la
Croix, on observe que le saint Docteur n’attribue à l’oraison mystique aucun
des caractères que lui reconnaissait Thomas de Jésus. Selon saint Jean de la
Croix, en effet, l’oraison mystique n’est pas extraordinaire au sens où l’entendait
Thomas de Jésus ; elle n’est pas essentiellement ordonnée à l’union
actuelle à Dieu manifesté dans les puissances de l’âme comme objet béatifique ;
enfin, elle n’a pas pour effet propre d’inspirer à l’âme un désir continuel et
sans cesse accru de la vision glorieuse.
Pour nous en tenir au Càntico, saint Jean de la Croix
déclare/64 que la grâce suprême que Dieu accorde à l’âme « en la
faisant entrer au plus intime de son amour, qui est l’union ou la
transformation d’amour en Dieu », était réservée à l’âme qui « possède
en perfection les sept dons du Saint-Esprit »/65. Il s’agit donc d’une
union qui reste dans l’ordre de la grâce sanctifiante. Sans doute est-elle
accordée « à quelques rares âmes »/66 ; mais ce n’est pas
parce qu’elle serait de l’ordre des grâces « gratis data ». Pour
Thomas de Jésus, au contraire, l’oraison mystique dans son suprême degré est
accordée à peu d’âmes, parce qu’elle est essentiellement extraordinaire et
résulte « de l’action immédiate de Dieu, sans l’intervention d’aucun
habitus des dons, par la manifestation de la présence actuelle de Dieu comme
objet béatifique ».
63 Sous le seul régime de la grâce sanctifiante le désir de
la béatitude personnelle, de la possession parfaite de Dieu comme souverain
bien existe dans l’âme, mais à titre de désir primordial de la nature ou à
titre d’acte propre de l’espérance ou d’acte secondaire de la charité. Dans la
perspective de Thomas de Jésus il existe, en outre, comme désir surnaturel
actué par la manifestation immédiate de Dieu, comme objet béatifique : à
ce titre le désir de la béatitude glorieuse tel que Thomas de Jésus le conçoit
est propre à l’expérience « mystique ». On observera que le procès
de l’âme ici récapitulé est illustré, d’un bout à l’autre, dans la conception
et le commentaire du Cantique B.
64 Càestico, 17, 2, f. Pour lui cette grâce (de la « interior
bodega ») est celle que chante l’Épouse du Cantique des Cantiques (2, 4) :
« Introduxit me Rex in cellam vinariam ». Pour Thomas de Jésus la grâce
de la « cella vinaria » est celle de l’union extatique et fruitive
proprement dite (cf. en particulier D.O., lib. IV, cap. 5, p. 335 : « De
illa [union activa] dicitur Bibite amici ; de hac autem [unio passiva ou ebri] :
Inebriamini charissimi ». Cf. également ibid., p. 334 : « Quidam
trahuntur, qui dicere possunt : Trahe me post te. Nonnulli ducuntur qui
dicunt : Introduxit me Rex in cellam vinariam ».
65 Càntico, 17, 1, d.
66 Ibid., 17, 1, f.
De plus, cette union suprême que l’âme atteint dans l’état du
mariage spirituel est présentée par saint Jean de la Croix comme substantielle,
au sens où Dieu se communique substantiellement dans la substance de l’âme/67.
En employant l’expression de communication substantielle, saint Jean de la
Croix ne veut pas opposer, en philosophe, la substance de l’âme à ses
puissances : il veut rendre compte de son expérience. Selon lui, l’âme
totalement purifiée adhère très purement à la vie intime de Dieu, non pas
toujours d’une manière actuelle dans ses puissances, mais d’une manière
habituelle dans son fonds premier et les énergies d’où procèdent les opérations
de ses puissances. Elle est alors pleinement disposée à avoir pour objet d’intellection
et d’amour Dieu lui-même, présent en elle, en lui-même (substantiellement) et
non en image, et goûté, connu, dans les ténèbres et en cachette, dans le fond
de l’âme (sa substance) sans aucun acte particulier des puissances/68.
L’union suprême est donc essentiellement substantielle :
elle procède de l’habitus de la charité. C’est accidentellement qu’elle peut
parfois être accompagnée d’une union actuelle des puissances/69 : alors l’âme
« boit de son Dieu d’abord par sa substance, puis par ses puissances
spirituelles »/70. Mais l’union des puissances, bien qu’elle suppose une
motion particulière du Saint-Esprit, est toujours de l’ordre de la grâce des
vertus et des dons, et procède comme l’union substantielle, de l’habitus de la
charité. Dans les deux cas, union substantielle simple, ou union substantielle
augmentée de l’union passagère des puissances, l’âme jouit de Dieu présent en
elle comme auteur de la grâce sanctifiante pleinement épanouie. Elle connaît
alors un état de pleine transformation en Dieu, qui est en quelque sorte de la
nature de l’état béatifique/71 : telle est pour saint Jean de la Croix, la
« béatitude commencée ».
Thomas de Jésus, contrairement à saint Jean de la Croix, considère
que l’union mystique est essentiellement dans les puissances. L’union
substantielle,
67 En particulier, 17, 2, b. « Se difunde [esta
comunicaci6n de Dios] sustancialmente en toda el alma ».
68 L’âme est alors « attentive » à l’opération de
Dieu en elle. Sa contemplation est essentiellement une « advertancia
amorosa a Dios sin especificar actos ». Les puissances, même
perfectionnées dans l’ordre surnaturel par les vertus théologales ne peuvent
savoir ce qu’est cette « advertencia amorosa ». L’expérience de l’union
se situe plus profondément dans l’âme. C’est ce que veut dire saint Jean de la
Croix lorsqu’il parle d’union « substantielle de Dieu dans la substance
de l’âme ».
69 17, 3, b : « no està siempre [el alma] en
actual uni6n segun las dichas potencias aunque segun la sustancia si ».
70 17, 2, c : « Segtin la cual transformaci6n bebe
el alma de su Dios segtin la sustancia de ella y segtin sus potencias
espirituales... ».
71 Du point de vue de l’habitus de la charité, l’union « substantielle »
est aussi parfaite que dans la gloire ; elle en diffère par « l’opération
et le fruit de l’amour » (Llama, strophe 1, vers 3; Silverio,
tome IV, p. 117).
au sens où l’entendait saint Jean de la Croix, lui paraît
réservée à la gloire/72 ; d’autre part, l’union habituelle dont l’âme
jouit du fait de la grâce sanctifiante est improportionnée à l’union à Dieu
comme objet béatifique, elle est d’un ordre inférieure. Ici-bas, la seule union
mystique accordée à l’âme est l’union selon les puissances, entendue comme
relevant non pas de la grâce des vertus et des dons, mais des grâces actuelles
gratis datae. Il s’ensuit que la béatitude commencée dès ici-bas n’a plus le
même sens que chez saint Jean de la Croix ; elle ne consiste pas, en
effet, dans l’union à Dieu intimement présent dans la substance de l’âme, aimé
et connu immédiatement par la foi informée par la charité et illustrée par les
vertus et les dons du Saint-Esprit, mais dans l’union extraordinaire, purement
gratuite, à Dieu manifesté aux puissances de l’âme selon un mode spécial de
présence déifique comme objet surnaturel et béatifique/73. La béatitude
commencée est donc réservée aux âmes gratifiées des grâces gratis datae, on ne
peut l’entendre de la perfection accessible à l’ensemble des fidèles qu’en un
sens tout différent/74 : dès ici-bas, les âmes « patientes divina »
sont gratifiées d’une manière tout extraordinaire, dans leurs puissances, d’une
expérience des joies célestes, elles puisent déjà au trésor délectable que leur
perfection leur réserve de posséder pleinement dans leur substance dans l’au-delà ;
au contraire les âmes parfaites, qui ne sont pas élevées aux grâces de l’oraison
mystique, méritent d’avoir leur place marquée dans la gloire, mais elles ne
parviennent pas, dès ici-bas, à entrevoir les joies ineffables qui les
attendent.
Enfin, selon saint Jean de la Croix, l’âme qui entre dans la
voie unitive, voit s’estomper le désir qui l’animait, dans la voie
illuminative, de voir Dieu face à face/75 : c’est qu’elle parvient, dans l’union
substantielle habituelle accessible ici-
72 D.O., lib. IV, cap. 11, p. 442 : Selon lui, l’illapsus
de Dieu comme objet béatifique ici-bas n’est pas « in essentia anims » ;
cf. également lib. IV, cap. 8, pp. 362-363 : l’âme est unie à la
Sainte Trinité « non secundum unionem substantialem, sed secundum unionem
hanc amoris intirnam et arcanam » (c’est l’union propre à l’union « extatique
et fruitive »).
73 Cf. supra, p. 315.